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« Ce thème a pour objectif de permettre aux élèves d’analyser les faits religieux dans leurs rapports
avec le pouvoir. Les liens sont étudiés sur le plan des relations institutionnelles et géopolitiques et
non des pratiques individuelles. Les deux axes visent à faire comprendre aux élèves :
– qu’il existe des interactions anciennes entre le religieux et le politique ;
– que la sécularisation est un mouvement localisé d’intensité variable et que la religion demeure
un enjeu géopolitique. »
Présentation du thème
Terme à l’étymologie discutée, la « religion » désigne l’ensemble des manifestations sociales rela-
tives au sacré. Une religion se définit par des pratiques individuelles qu’il ne s’agit pas de présenter
ici. Quand elles sont reconnues comme telles par l’État, les religions sont également des institutions
ouvertes à des droits différents selon les pays.
La place des religions dans l’organisation des sociétés et des États est très variable dans le monde
contemporain. Ce thème invite donc à faire réfléchir les élèves aux différents modèles de relations
existant entre États et religions.
L’introduction propose de montrer, à partir d’exemples, les relations entre États et religions sur le
plan du droit public : régimes de séparation, États à religion officielle ou privilégiée, athéisme d’État.
Ces différents modèles témoignent d’une sécularisation inégale des sociétés contemporaines. Dans
un deuxième temps, on définit ce qu’est la liberté de conscience (liberté de croire et de ne pas croire,
de changer de religion) pour montrer comment elle peut être restreinte, voire violée. On souligne le
fait que les atteintes à la liberté religieuse peuvent être le fait des États mais aussi de la société civile.
On montre ensuite que la laïcité est une des modalités d’application de la liberté de conscience.
L’axe 1 questionne les liens entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel dans l’Occident chrétien
et dans les mondes orthodoxe et musulman aux IX et Xe siècles. Les différentes lectures du cou-
ronnement de Charlemagne, le 25 décembre de l’an 800, témoignent des prétentions universelles
et concurrentes de l’empereur carolingien et du pape. En Orient, le basileus comme le calife pré-
tendent détenir leur pouvoir de Dieu. Dès lors, pouvoir politique et magistère religieux tendent à se
confondre en la personne du souverain. Dans l’empire byzantin, le patriarche nommé par le basileus
dirige l’Église orthodoxe. Le calife abbasside est le chef temporel de la communauté des musulmans
et leur guide spirituel. À ce titre, il guide la prière du vendredi et peut légiférer en matière religieuse.
Mais les Abbassides rencontrent des limites à leurs prétentions à régner en maîtres absolus sur
l’Empire islamique, comme en témoigne l’existence de souverains concurrents.
L’axe 2 vise à montrer que la sécularisation est un phénomène qui touche inégalement les socié-
tés selon les époques. Dans le contexte de la disparition de l’Empire ottoman à la fin de la Pre-
mière Guerre mondiale, l’abolition du califat en 1924 est l’occasion pour le président de la nouvelle
république de Turquie, Mustapha Kemal, d’entamer une vigoureuse politique de laïcisation visant à
détruire l’influence de l’islam dans une logique d’occidentalisation de la société turque. Les États-
Unis proposent un autre modèle. Principe constitutionnel, la laïcité s’y définit par le refus de toute
forme d’établissement d’une Église et un strict respect de la liberté de conscience. La laïcité n’est
pas incompatible avec l’affirmation d’une religion civile marquée par de nombreuses références à
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Dieu dans les symboles de la nation et dans la vie politique. Les années 1950, période de très forte
tension idéologique avec l’URSS, voient le pays réaffirmer ces références religieuses face au modèle
athée et matérialiste soviétique. Dans la société américaine contemporaine, les religions bénéfi-
cient d’une grande visibilité et visent à peser sur le débat public. Leur influence est néanmoins
contrebalancée par l’existence d’une puissante association pour les droits civiques.
En conclusion de cette partie historique, il peut être intéressant de proposer une approche compa-
rée des modèles laïques américain, turc et français.
L’objet de travail conclusif propose une mise en perspective à partir de l’exemple du « secularisme »
indien. Il s’agit de montrer quel modèle l’Union indienne défend en matière religieuse depuis sa créa-
tion en 1947, comment les droits des minorités religieuses y sont respectés et d’interroger, dans une
approche géopolitique, la place occupée par la religion dans les relations entre Inde « séculariste »
et Pakistan islamique.
La question des relations entre États et religions dépasse le champ d’une seule discipline. Par
ses dimensions politique, géopolitique, spatiale et temporelle, mais aussi sociale et culturelle,
elle engage naturellement un croisement des regards. Les représentants des grandes religions
demeurent des personnages publics influents à l’image du pape, du patriarche de Moscou ou du
guide suprême de l’Iran. C’est donc bien la place de la religion dans la sphère politique qui est
interrogée ici.
Malgré le processus de sécularisation engagé depuis longtemps en Occident, c’est en Europe que
demeure l’une des dernières théocraties (l’État du Vatican). Ces relations présentent aussi une
grande diversité à toutes les échelles. Le Québec prend ses distances avec le modèle anglo-saxon
du Canada et le maire de Montréal, métropole du Québec, dénonce la loi sur la laïcité soutenue par
le gouvernement québécois. Enfin, la géopolitique s’intéresse à la diplomatie et aux tensions entre
États. Dans de nombreux pays, la présence active de certaines religions, par définition plutôt conser-
vatrices, amène les responsables politiques à négocier, à légiférer ou à réprimer les religions.
L’introduction s’ouvre sur un planisphère qui propose une typologie des relations entre États et reli-
gions et une identification des situations particulières à l’intérieur de ces États. Le focus 1 s’intéresse
à la dialectique entre États et religions à travers quelques exemples. La question est envisagée aussi
bien sur le plan constitutionnel qu’à travers les pratiques politiques. Le focus 2 place la réflexion
sur le plan des sociétés, et particulièrement de la liberté de conscience. Il se divise en deux parties :
d’abord, la liberté religieuse en tant que reflet et expression de la liberté de conscience ; ensuite, le
principe de laïcité comme cadre de référence possible pour organiser la relation entre État et religions.
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BIBLIOGRAPHIE/filmographie/sitographie
◗◗ Livres et revues
-- J. Baubérot, Les sept laïcités françaises. Le modèle français de laïcité n’existe pas,
©Maison des sciences de l’Homme, 2015.
-- J. Baubérot, M. Milot, Laïcités sans frontières, © Seuil, 2011.
-- B. Benzenine, Penser la laïcité dans les pays arabes. De la Renaissance arabe à nos jours,
© L’Harmattan, 2015.
-- R. Blancarte, « Laïcité au Mexique et en Amérique latine. Comparaisons », © Editions EHESS, 2009.
-- A. Codja, « En Afrique, la laïcité à la croisée des chemins ? », © Jeune Afrique, février 2018.
-- G. Costa, « La laïcité à l’italienne », © Revue Projet, n° 342, 2014, p. 40-44.
-- A. Dieckhoff, P. Portier (dir.), L’Enjeu mondial. Religion et politique, © Presses de Sciences Po, 2017.
-- J. Fox, « Religion et relations internationales : perceptions et réalités », © Politique étrangère,
n° 4, 2006.
-- N. Klaus, « Les relations Églises/État en Allemagne. Une séparation “boiteuse” », © Études,
vol. 409, 2008, p. 441-451.
-- R. Meyran, « Laïcité, le conflit des modèles », © Sciences Humaines, hors-série, mars-avril 2017.
-- C. Sinclair, « État, religion et éducation en Angleterre », © Journal des anthropologues,
n° 100-101, 2005 [en ligne].
-- V. Zuber (dir.), « La Laïcité en France et dans le monde », © La Documentation photographique,
n° 8119, septembre-octobre 2017.
◗◗ Films documentaires
-- N. El Fani, Laïcité Inch’Allah, 2011, 1h12.
-- M. Tamadon, Iranien, 2014, 1h45.
◗◗ Exposition photographique
-- F. Collini et B. Amsellem, « Les religions dans la ville », Ville de Villeurbanne, 2014 :
http://lerizeplus.villeurbanne.fr/arkotheque/client/am_lerize/_depot_arko/articles/412/telechar-
gez-le-journal-de-l-exposition_doc.pdf
◗◗ Sites internet
-- Pew Research Center, « Many countries favor specific religions, officially or unofficially »,
octobre 2017 (avec de nombreuses cartes interactives) :
www.pewforum.org/2017/10/03/many-countries-favor-specific-religions-officially-or-unofficially/
-- Pew Research Center, « Global Uptick in Government Restrictions on Religion », 2016
(avec de nombreux graphiques et cartes interactifs) :
www.pewforum.org/2018/06/21/global-uptick-in-government-restrictions-on-religion-in-2016/
-- The Association of Religion Data Archives (ARDA) (nombreuses cartes comparatives entre États,
possibilité de mener des recherches comparatives et critiques avec les sources du Pew Research
Center) : www.thearda.com/internationalData/intmap.asp
-- Observatoire de la liberté religieuse : www.liberte-religieuse.org
-- A. Gingeri, « La laïcité dans 12 pays, tour d’horizon », Radio Télévision Suisse Découverte,
octobre 2017 : www.rts.ch/decouverte/monde-et-societe/economie-et-politique/la-
laicite/8742559-la-laicite-dans-le-monde.html
-- « La Laicité dans le monde arabe », France Inter, 21 janvier 2015 : www.franceinter.fr/emissions/
le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-21-janvier-2015
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tation du pouvoir en place. L’ordre public est donc très éloignée d’une théocratie, à la diffé-
le plus important ici et l’éventualité d’une infil- rence de l’Iran où la charia dicte le fonctionne-
tration des forces étrangères par la voie des ment des trois pouvoirs.
acteurs religieux confirme les orientations
d’un État athée. Vers le bac
– Le cas de la Russie où une religion est favori-
5. États-Unis, Russie et Allemagne peuvent
sée, mais sans être reconnue comme religion
sembler assez proches dans leur rapport à la
d’État. La Constitution russe s’affirme comme
religion. En réalité, compte tenu de leur his-
ouverte à toute religion, la réalité étant assez
toire respective et de leur tradition, les institu-
différente. tions et l’exercice du pouvoir font apparaître des
– Les deux autres États sont dans des situations nuances importantes dans la cohabitation entre
intermédiaires où aucune religion n’est favo- État et religions.
risée.
Une étape intermédiaire peut consister à prépa-
Toute typologie amène cependant à simplifier rer un brouillon pour déterminer la manière dont
excessivement la réalité de chaque État. Il est on mobilise chaque document pour répondre
donc important d’analyser plus en détail la rela- aux différents aspects de la question. La tâche
tion Église-État par un cas particulier (exemple intermédiaire consisterait à sélectionner un
de l’Allemagne ci-dessous). document sur l’Allemagne qui apporte le même
2. États-Unis et Russie sont des cas intéressants type d’éclairage que les documents 2 et 3, et de
d’États indéterminés sur le plan religieux sur un pouvoir ensuite effectuer la confrontation (ci-
strict plan institutionnel. En réalité, l’histoire et dessous).
la tradition de ces deux pays expliquent le poids La question engage donc la capacité à effectuer
persistant de la religion dans la vie publique, une recherche sur Internet et à confronter les
sans que cela ne vienne contredire les textes points de vue ou les approches.
constitutionnels.
L’exemple de l’Allemagne est éloquent puisque
3. L’Irak est l’un des nombreux pays majori- l’article 140 de la Loi fondamentale en fait un
tairement musulmans où l’islam est religion pays où il n’y a pas d’Église d’État. Pourtant,
d’État, après des décennies de pouvoir dans les les communautés religieuses ont un statut de
mains du parti Baas qui se présentait comme droit public qui leur permet de percevoir des
un modèle de socialisme et de laïcité. Dans le impôts. Les citoyens versent le « Kirchensteur »,
monde musulman, à l’exception notable de contribution d’Église, à hauteur de 8 à 9 % selon
quelques pays comme la Syrie ou le Liban, il y les Länder. Pour ne pas payer cet impôt, il faut
a deux catégories d’États : ceux qui se limitent déclarer que l’on quitte l’Église, démarche bien
à faire de l’islam la religion d’État, comme au utile pour recenser l’appartenance religieuse
Maghreb, et ceux qui, comme au Moyen-Orient, dans ce pays. Ce rapport particulier aux Églises
font de la charia (loi islamique) la source du droit sur un plan fiscal, dans un État qui, sur le pla-
constitutionnel. L’élément déterminant en Irak, nisphère, appartient à la même catégorie que
au-delà des partis politiques, est l’appartenance la France, peut surprendre (voir le cas de ce
à une communauté ethnique et religieuse. Elle couple de Français expatriés en Allemagne :
est donc un critère majeur de l’identification des N. Versieux, « Allemagne : un impôt religieux
hommes politiques par rapport à leur clientèle particulièrement salé pour un couple de Fran-
électorale, dans un contexte de fortes divisions çais », Libération, 22 septembre 2016).
entre courants de l’islam.
Document complémentaire
4. Le pouvoir russe cherche à tirer sa légitimité
du soutien des élites de l’Église orthodoxe. Mais Il peut être intéressant d’étudier un article ou
le clergé, s’il exerce une pression morale sur la une photographie de la campagne électorale
société, n’exerce pas le pouvoir. La Russie est de Jair Bolsonaro au Brésil, qui semble prôner
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une forme de « nationalisme religieux » (voir par et leurs politiques, mais aussi des mouvements
exemple « Bolsonaro : les évangéliques au pou- d’opposition. De même, la plupart des sociétés
voir ? », https://mission-universelle.catholique. accordent à la religion un rôle paradoxal dans
fr/sinformer/amerique-latine/298908-bolso- les affaires humaines – à la fois facteur de paix
naro-evangeliques-pouvoir/. et de conflits. C’est aussi vrai dans les relations
internationales. La religion peut être un puis-
sant outil de persuasion. Elle peut être utilisée
FOCUS 2 – Des degrés variables de par ceux qui font la politique étrangère pour se
liberté de conscience et de liberté gagner l’appui de divers groupes, d’hommes
religieuse p. 262-263 politiques ou de citoyens, voire de dirigeants
ou de ressortissants d’autres pays. Mais les
La religion est un élément déterminant de la membres de tous ces groupes usent aussi de la
liberté de conscience dans le monde. Cette ques- religion pour s’opposer à ces mêmes politiques
tion de la liberté religieuse fonctionne comme un ou en soutenir d’autres » (voir bibliographie).
balancier dans l’histoire des États. Avec « l’af-
faire Calas » (1761-1765), la foi devient un mode Les documents du focus 2 amènent à s’interro-
d’expression de la lutte contre le pouvoir et non ger à l’échelle mondiale et à l’échelle nationale
plus la caution morale de la répression politique. avec les cas plus particuliers de la Turquie, la
Mais le XIXe siècle engage une nouvelle dyna- Chine, les États-Unis et le Pakistan. Le choix de
mique anticléricale concomitante du mouvement ces exemples doit permettre de balayer la plu-
d’émancipation des peuples et de l’émergence part des situations dans leur variété, dans une
des nations. La fin du XXe siècle, avec la chute démarche de confrontation des documents.
du communisme, rebat les cartes. L’avancée de
Document 1
la démocratie dans le monde semble alors pos-
sible et la liberté de conscience, et donc la liberté Cette infographie présente l’avantage de dis-
religieuse, est à nouveau affirmée comme un tinguer deux formes de restriction des libertés
pilier fondamental de la démocratie. Les Églises religieuses : celles qui proviennent du pouvoir
évangéliques trouvent un public plus nombreux politique en place et celles qui résultent de ten-
en Amérique du Nord et les spiritualités toujours sions dans la société. Il se dégage ainsi des États
plus diverses, sans pour autant être classées au très répressifs mais qui ne sont pas forcément
rang de « religion », doivent être prises en consi- ceux où les sociétés sont les plus conflictuelles.
dération par les pouvoirs en place. En Europe occidentale, les libertés religieuses
Au final, les religions agissent dans le monde sont garanties, mais les tensions pour motif reli-
contemporain aussi bien comme un miroir gieux sont assez importantes. La position de la
des libertés accordées par chaque État à ses Russie peut surprendre, avec des hostilités à la
citoyens que comme un vecteur de répression fois politique et sociale exacerbées en parfaite
et de violences pour éliminer les autres groupes contradiction avec sa Constitution (focus 1).
religieux ou toute forme d’opposition. Dans une Dans une lecture critique de la récolte des don-
conception plus géopolitique, le terrorisme nées, il aurait été intéressant de pondérer les
international trouve sa source dans une lecture résultats en fonction de la diversité ethnique et
fondamentaliste de la religion, même si certains religieuse de chaque État et de son ouverture aux
politologues et sociologues soulignent qu’il flux migratoires mondialisés. Le Japon, très bien
relève plutôt d’une radicalité et d’une violence placé sur le graphique, est ainsi dans une situation
totalement déconnectées de ses prétendues très différente de l’Allemagne ou des États-Unis, ce
racines religieuses. Jonathan Fox synthétise qui rend une comparaison sur des chiffres absolus
cette place singulière de la religion : « L’idée que moins pertinente. De ce point de vue, Singapour
la religion peut être une source de légitimité est fait figure de modèle de multiculturalisme apaisé
peu contestable. Cette légitimité est à double avec des densités très élevées sur un territoire
tranchant : elle peut asseoir les gouvernements trois fois plus restreint que le Luxembourg.
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Cet axe vise à faire comprendre aux élèves la complexité des faits religieux dans leurs rapports avec
le pouvoir, et les interactions anciennes entre le religieux et le politique. Il est développé à partir
de deux thématiques : le pape et l’empereur, deux figures de pouvoir à l’époque de Charlemagne ;
pouvoir politique et magistère religieux : le calife et l’empereur byzantin au IXe-Xe siècle, approche
comparée. Les documents du jalon 1 permettent d’interroger la question des rapports entre pou-
voirs spirituel et temporel dans l’Occident chrétien à l’époque du couronnement de Charlemagne en
soulignant les différentes versions qui rapportent l’événement. Les documents du jalon 2 permettent
de mettre en perspective la même question dans l’Empire byzantin et dans le califat abbasside.
BIBLIOGRAPHIE/filmographie/sitographie
◗◗ Livres et revues
-- M. Abbès, Islam et politique à l’âge classique, © PUF, 2009.
-- C. Bonnet, C. Descatoire, Les Carolingiens et l’Église (VIIIe-Xesiècles), © Ophrys, 2000.
-- P. Buresi, « Histoire de l’islam », © La Documentation photographique, n° 8058, 2007.
-- A. Ducellier, Byzance et le monde orthodoxe, © Armand Colin, 1996.
-- R. Folz, Le Couronnement impérial de Charlemagne, © Gallimard, 1964.
-- M. Kaplan, A. Ducellier, Byzance IVe siècle-XVe siècle, © Hachette Supérieur, 2004.
-- S. Lebecq, « Le jour où Charlemagne fut couronné empereur », © L’Histoire, n° 248, 2000.
-- J. Loiseau, « Qu’est-ce qu’un calife ? », © L’Histoire, n° 404, 2014.
◗◗ Sites internet
-- Exposition virtuelle de la BnF consacrée à l’Empire byzantin :
http://classes.bnf.fr/idrisi/monde/byzance.htm
-- Exposition virtuelle de la BnF consacrée aux trésors carolingiens :
http://expositions.bnf.fr/carolingiens/
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commandeur des croyants, se considère comme des territoires musulmans. Dès 756, un descen-
l’héritier du Prophète. Il adopte les insignes dant des Omeyyades, Abd al-Rahman, s’empare
que la tradition lui associe. Un cérémonial de du pouvoir en Espagne, où il crée un émirat indé-
cour très strict se met en place, qui prévoit pendant en 756. Les révoltes qui avaient éclaté
notamment que le calife, « ombre de Dieu sur parmi les Berbères débouchent sur la naissance
terre », soit caché à ses visiteurs par un rideau de pouvoirs autonomes, chiites et kharijites, au
qu’on ne soulève qu’en de rares occasions. Pour Maghreb. Au début du IXe siècle, de nouveaux
autant, le pouvoir des califes abbassides est États régionaux voient le jour, à Kairouan comme
contesté dès le IXe siècle. à Samarra. Ils sont créés par d’anciens délégués
du calife, qui décident de s’affranchir politique-
Document 1 ment en créant leur propre dynastie, sans toute-
fois rompre tous les liens avec Bagdad.
Ce psautier a sans doute été commandé vers
1017-1018, après la victoire définitive de Basile II Corrigé des questions
sur les Bulgares. L’enluminure proposée ici
présente le plus ancien portrait impérial dans 1. Le basileus et le calife abbasside tiennent leur
un manuscrit grec. Basile II est représenté en pouvoir de Dieu dont ils sont les représentants sur
général victorieux entouré des bustes de saints terre. C’est ce que souligne la miniature (doc. 1)
militaires (Théodore Tiron, Démétrios de Thessa- qui représente l’empereur Basile II entouré de
lonique, Georges de Lydda, Procope d’Antioche, deux anges dont l’un, l’archange Gabriel, lui
Mercure de Césarée, Nestor de Thessalonique). dépose une couronne sur la tête, laquelle lui
vient directement du Christ représenté en haut
Document 2 au centre. Comme les anges et le Christ, Basile
est représenté avec une auréole, rappel de son
L’Épanagôgé est un code de loi promulgué en 886,
pouvoir sacré. Aux pieds de l’empereur, les Bul-
dont la rédaction a commencé sous le règne de
gares, vaincus, se prosternent, rappel des vic-
l’empereur Basile Ier et s’est achevée sous celui de
toires militaires de Basile II. Héritier de l’Empire
son successeur, Léon VI le Sage. La partie consa-
romain (et païen), l’empereur tient dans sa main
crée aux pouvoirs du basileus et du patriarche
droite le sceptre long. Le pouvoir du calife lui
a été rédigée par Photios Ier, patriarche de
vient de ce qu’il succède au « prophète d’Allah »,
Constantinople de 858 à 867 et de 877 à 886.
fondateur de l’islam et chef spirituel et temporel
de la communauté des musulmans.
Document 3
2. L’empereur byzantin en tant que représentant
Considéré comme l’un des meilleurs auteurs de Dieu sur terre est le protecteur de l’ortho-
politiques de l’âge classique de l’islam, le juriste doxie et le défenseur du dogme. De ce pouvoir
al-Mawardi (974-1058) livre ses réflexions, dans sacré découle son pouvoir temporel.
la tradition des Miroirs des princes, sur les qua-
lités nécessaires au dirigeant pour assumer ses Le calife est le commandeur des croyants, et il
responsabilités de chef politique. Al-Mawardi doit à ce titre protéger la foi contre les hérésies,
formule ici une théorie politique sur le califat et défendre le domaine de l’islam, appliquer le
dresse un état des prérogatives du calife, sanc- droit musulman, combattre pour étendre l’islam
tionnées par la loi religieuse. ou assujettir ceux qui refusent la conversion et
leur imposer une taxe.
Document 4 3. Le patriarche est nommé par le basileus qu’il
Cette photographie du mihrab de la grande mos- seconde dans la direction et la protection de
quée de Cordoue permet de montrer comment, l’Église orthodoxe.
à partir du VIIIe siècle, émergent des pouvoirs 4. La question de la succession du prophète est
concurrents à celui du calife. En effet, l’Empire à l’origine de la « grande discorde » qui divise
abbasside ne parvient pas à contrôler l’ensemble l’islam. Dès le Xe siècle, le pouvoir du calife
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Vers le bac
5. La question de savoir qui dirige au nom de
Dieu se pose à partir de la conversion de l’em-
pereur Constantin au christianisme. Il s’agit de
déterminer si c’est le pouvoir religieux qui est
soumis à l’empereur en tant que citoyen romain
ou si l’empereur est soumis au pouvoir religieux
en tant que chrétien. Avec Constantin s’impose le
césaropapisme, c’est-à-dire un système de gou-
vernement temporel qui impose son pouvoir sur
les affaires religieuses. L’Empire byzantin hérite
de cette tradition. Une théocratie est un régime
dans lequel l’autorité est d’essence divine. Cette
définition s’applique au calife abbasside, suc-
cesseur du prophète d’Allah et commandeur des
croyants.
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Fiche technique
Film documentaire France-Tunisie, 2011, 72 min.
Production : K’ien Productions (Paris/France), Z’Yeux Noirs Movies (Tunis/Tunisie)
Réalisatrice & prise de son : Nadia El Fani
Chef opératrice cadreur : Fatma Sherif
Prise de vue pendant la révolution : Dominique Delapierre
Chef monteur : Jérémy Leroux
Assistante réalisatrice tournage : Emna Berghoumi
Assistante réalisatrice montage : Rania Majdoub
À l’été 2010, peu avant la réélection du président Ben Ali et le déclenchement des « printemps
arabes », la cinéaste Nadia El Fani travaillait à un film documentaire portant sur la défense des
libertés fondamentales et de la démocratie en Tunisie. Elle souhaitait provoquer et participer au
débat sur la laïcité. Ce documentaire devait initialement s’appeler Ni Allah ni maître, puis La déso-
béissance : la désobéissance aussi bien envers Ben Ali qu’envers la religion. Il visait en effet à dénon-
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Cet axe vise à faire comprendre aux élèves que la sécularisation est un mouvement localisé d’inten-
sité variable dont la mise en œuvre prend des formes diverses. Il est développé à partir de deux
thématiques : la laïcité en Turquie : l’abolition du califat en 1924 par Mustapha Kemal (jalon 1) ; États
et religions dans la politique intérieure des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale (jalon 2).
Les documents proposés dans le cadre de chaque jalon permettent de montrer, à partir des exemples
turc et américain, les rapports qui s’établissent entre les religions et l’État. Là où la Turquie fait le
choix d’une politique volontariste pour imposer la laïcisation du pays contre l’influence de la religion, le
modèle laïque américain laisse libre cours à toute forme d’expression religieuse dans l’espace public.
BIBLIOGRAPHIE/filmographie/sitographie
◗◗ Livres et revues
-- P. Dumont, Mustafa Kemal invente la Turquie moderne, © Complexe, 2006.
-- B. Lexis, Islam et laïcité : la naissance de la Turquie moderne, © Fayard, 1988.
-- F. Monnier, Atatürk, naissance de la Turquie moderne, © CNRS Edition, 2015.
-- T. Zarcone, La Turquie moderne et l’islam, © Flammarion, 2004.
-- A. Barb, Entre Dieu et César, histoire politique des accommodements religieux aux États-Unis,
© Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2018.
-- J. F. Colosimo, Dieu est américain, De la théodémocratie américaine, © Fayard, 2006.
-- C. Froidevaux-Metterie, Politique et religion aux États-Unis, © La Découverte, 2009.
-- D. Lacorne (dir.), Les États-Unis, © Fayard, 2006 (chap. XVII et XVIII).
-- I. Richet, La Religion aux États-Unis, © PUF, 2001.
-- « Il était une foi en Amérique », © America, n° 7, automne 2018.
◗◗ Bande dessinée
-- L. Dedola, L. Bonnaccorso, Le Père turc. À la recherche de Mustafa Kemal, © Glénat, 2018.
◗◗ Sites internet
-- Le Pew Research Centre, site américain fournissant des statistiques sur la société américaine :
www.pewresearch.org
-- Le site de l’Institut européen en sciences des religions : www.iesr.ephe.sorbonne.fr
-- D. Lacorne, « Les États-Unis : une démocratie laïque, mais une société très religieuse »,
L’Enjeu mondial, novembre 2016 : www.sciencespo.fr/enjeumondial/fr/odr/les-etats-unis-une-
democratie-laique-mais-une-societe-tres-religieuse
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Document 2
DOUBLE-PAGE D’OUVERTURE p. 280-281
Mustapha Kemal n’a jamais écrit ses mémoires.
Les documents de cette double-page per- Cependant, il a confié ses souvenirs à diverses
mettent d’illustrer les problématiques de l’axe 2. personnes proches de son entourage, qui les
La célèbre photographie datée de 1928 (p. 280) ont publiés. Il a confié son journal des années
montre le président turc, Mustapha Kemal, fai- passées sur le front oriental à son adjudant,
sant la promotion de la révolution culturelle qu’il Sükrü Tezer. Par ailleurs, du 15 au 20 octobre
a initiée depuis son arrivée au pouvoir. Fils des 1927, Kemal a relaté aux députés de l’Assemblée
Lumières et de la Révolution française, Kemal nationale et aux représentants du Parti républi-
veut moderniser la société turque et la sortir de cain du peuple la période allant du 19 mai 1919,
ce qu’il perçoit comme une arriération, symbo- jour de son débarquement à Samsun, au mois
lisée selon lui par l’emprise de l’islam sur la vie d’octobre 1927. Ces longs discours ont fait l’ob-
politique et la société. Le passage à l’alphabet jet d’une publication célèbre, le Nutuk. Dans cet
latin répond à l’affirmation d’une identité turque extrait, il justifie l’abolition du califat et affirme
et à une volonté de laïcisation. une orientation laïque.
Le billet de vingt dollars représenté p. 281 per-
met de montrer le paradoxe de la laïcité amé- Document 3
ricaine qui ne s’est pas construite contre mais La chronologie permet de reconstituer les prin-
dans le pluralisme religieux. La promotion de la cipales étapes ayant mené à l’abolition du califat
religion civile, ciment de l’unité de la nation, est après l’effondrement de l’Empire ottoman et la
ravivée dans les années 1950 dans le contexte proclamation de la république de Turquie.
de la guerre froide par l’adoption de la nouvelle
devise, In God We Trust, visible sur les billets. Document 4
La suppression du califat n’est qu’une des pièces
JALON 1 – La laïcité en Turquie : d’un vaste plan de réforme du pays, qu’Atatürk
l’abolition du califat p. 282-283 entend transformer en une « nation civilisée ».
Il prend ainsi le contrôle du système éducatif
L’abolition du califat constitue un tournant et neutralise l’opposition des milieux religieux.
majeur dans l’histoire des relations entre pou- La révolution est culturelle également : le port
voirs politique et religieux en pays d’islam. La du couvre-chef traditionnel (le fez) est interdit,
Turquie est le premier pays musulman à adop- le dévoilement des femmes est encouragé,
ter la laïcité. L’abolition de la fonction califale le calendrier de l’hégire est remplacé par le
est suivie d’une politique de laïcisation visant à calendrier grégorien et l’alphabet latin est subs-
réduire l’influence de l’islam dans l’organisation titué à l’alphabet arabe.
politique et sociale du pays.
Document 5
Document 1
Le Pèlerin est un hebdomadaire catholique fran-
Cette affiche publiée en 1925 célèbre la jeune çais fondé en 1873. Cet article paraît quelques
république de Turquie proclamée le 29 octobre semaines après l’abolition du califat par l’Assem-
1923. Celle-ci y est figurée sous les traits d’une blée nationale turque. La critique de la politique
jeune femme non voilée, arborant les couleurs de Kemal s’explique par l’orientation du journal
de la Turquie et accompagnant le cheval du fon- qui voit d’un très mauvais œil l’instauration d’un
dateur de la république, le maréchal Mustapha État laïque, pourfendeur de la présence des reli-
Kemal Atatürk. C’est le chef militaire victorieux gions dans l’espace public.
qui est célébré ici mais aussi celui qui fait entrer
le pays dans la modernité. L’affiche adopte le
nouvel alphabet turc.
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liens ; l’assouplissement des quotas migratoires dent des États-Unis. Chaque président choisit la
à partir des années 1960 permet l’arrivée d’une ou les Bible(s) sur laquelle/lesquelles il souhaite
nouvelle vague d’immigrants en provenance prêter serment. Cette prestation de serment est
d’Amérique latine, majoritairement catholiques. pratiquée par de nombreux fonctionnaires à dif-
La place des catholiques dans la société amé- férents échelons de l’administration américaine.
ricaine a évolué durant cette période : en butte
à l’hostilité des protestants radicaux (les nati- Corrigé des questions
vistes) entre la fin du XIXe siècle et les années
1930, ils connaissent surtout après la Seconde 1. Aux États-Unis, c’est le premier amendement
Guerre mondiale une ascension sociale qui per- de la Constitution qui fixe les relations entre
met à certains de leurs représentants de se his- l’État et les différentes confessions religieuses.
ser dans les plus hautes sphères de la société et Aucune ne doit être privilégiée ou « établie »
de l’État. En 1960, Kennedy est le deuxième can- et toutes doivent être protégées, à égalité, des
didat à la présidentielle catholique de l’histoire interventions de l’État. La liberté religieuse
américaine (le premier s’était présenté en 1928). implique la liberté de croire et de ne pas croire.
Dans un pays où la majorité de la population est Comme le montre le document 1, des associa-
protestante, cette position n’est guère favorable. tions de citoyens peuvent contester l’implanta-
Aussi Kennedy se voit-il contraint à plusieurs tion de symboles religieux dans l’espace public.
reprises de justifier des implications politiques 2. Candidat à l’élection présidentielle, Kennedy
de son appartenance religieuse. Son élection est catholique dans un pays majoritairement
témoigne néanmoins de l’intégration des catho- protestant. Aussi prend-il garde de ne pas
liques au sein de la société. mettre son appartenance religieuse en exergue,
la présentant surtout comme une affaire pri-
Document 3
vée. Dans ce discours prononcé le 12 septembre
Cette chronologie montre quelques exemples de 1960, il défend sa vision d’une Amérique vérita-
l’application du principe de laïcité aux États-Unis blement laïque, où aucun responsable religieux
entre tentatives de remise en cause et recon- ne chercherait à s’immiscer dans la politique, où
naissance des droits individuels. L’institution en l’enseignement privé ne recevrait aucun subside
charge, en dernier ressort, de cette application est de l’État, où l’obtention d’une fonction officielle
la Cour suprême. La nomination par le président ne dépendrait pas d’une confession religieuse,
des juges, qui y siègent à vie, est un enjeu politique où les religions ne chercheraient pas à imposer
majeur comme l’a montré la nomination récente du leur morale à la société.
juge conservateur Kavanaugh par Donald Trump. 3. Les références à Dieu sont omniprésentes
dans la vie politique et dans la société : serment
Document 4
sur la Bible lors de l’investiture des présidents,
Durant les années 1950, dans un contexte de serment d’allégeance des écoliers, devise natio-
forte tension idéologique, les États-Unis affir- nale. Ces symboles religieux, acceptés par tous,
ment leurs valeurs spirituelles face au modèle ne font pas référence à une confession en parti-
soviétique matérialiste et athée. En 1954, le culier mais constituent le socle des valeurs par-
serment d’allégeance des écoliers est modifié tagées par l’ensemble de la nation américaine et
par l’ajout de la mention « under God ». Deux reconnues comme un gage d’unité.
ans plus tard, le Congrès adopte comme devise
nationale officielle « In God We Trust ». Vers le bac
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L’Inde n’a jamais confondu pouvoir temporel et autorité spirituelle dans son histoire : dans l’hindouisme,
le premier est du ressort de rois (maharajahs appartenant à la caste des guerriers) qui ne sont pas de
droit divin, tandis que la seconde est l’apanage de prêtres et de gourous de caste brahmane.
À l’époque contemporaine, cette division des tâches s’est incarnée dans le « sécularisme » indien qui
a aussi été inspiré par les influences occidentales après deux siècles de colonialisme. Le « sécula-
risme » diffère de la laïcité dans la mesure où il n’exclut pas le religieux de la sphère publique, mais
il s’en rapproche dans la mesure où il n’accorde la prééminence à aucune religion : l’État reconnaît
tous les cultes sur un pied d’égalité.
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Ce « sécularisme », consacré dans la Constitution de 1950, est aujourd’hui remis en cause sous la
pression des nationalistes hindous pour lesquels la nation indienne s’incarne principalement dans
la communauté majoritaire, les minorités musulmanes et chrétiennes, perçues comme des pièces
rapportées ayant vocation à prêter allégeance à la culture dominante.
Les pages enjeux de cet objet de travail conclusif adoptent une structure chronologique. Elles montrent
d’abord ce que le « sécularisme » indien doit à l’influence du Mahatma Gandhi, apôtre du multicultura-
lisme avant l’heure. Elles décrivent les tensions entre hindous et musulmans qui ont été à l’origine de
la partition des Indes britanniques en 1947. Elles définissent enfin ce qu’est le sécularisme à l’indienne,
tel qu’il est codifié dans la Constitution de 1950, tout en présentant la diversité religieuse de l’Inde que
ce sécularisme a permis de gérer. Dans un second temps, elles analysent la montée des nationalismes
religieux en se concentrant sur le mouvement nationaliste hindou qui a accédé au pouvoir en 2014, mais
sans ignorer la trajectoire des pays voisins où les fondamentalismes se sont affirmés encore plus tôt.
Le jalon 1 revient sur ce qu’est le « sécularisme » à l’indienne et le nationalisme hindou tandis que le
jalon 2 s’intéresse aux minorités (y compris les sikhs) et aux terrorismes religieux, et que le jalon 3
analyse le rôle de la religion dans le conflit indo-pakistanais au Cachemire.
BIBLIOGRAPHIE/filmographie/sitographie
◗◗ Livres et revues
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-- K. Bates, M. Boisvert, C. Jaffrelot et S. Granger, L’Inde et ses avatars. Pluralités d’une puissance,
© Presses universitaires de Montréal, 2013.
-- C. Clémentin-Ojha, C. Jaffrelot, D. Matringe et J. Pouchepadass, Dictionnaire de l’Inde,
© Larousse, 2009.
-- C. Jaffrelot, L’Inde de Modi. National-populisme et démocratie ethnique, © Fayard, 2019.
-- C. Jaffrelot (dir.), L’Inde contemporaine. De 1990 à aujourd’hui, © Pluriel, 2019.
-- C. Jaffrelot et A. Mohammed-Arif, « Politique et Religion en Asie du Sud », © Purushartha,
n° 30, 2012.
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en Inde », © Critique internationale, n° 6, 2000.
◗◗ Films
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-- D. Mehta, Water, 2008, 1h54.
-- A. Patwardhan, In the name of God, 1992, 1h15.
-- R. Sharma, Final solution, 2003, 3h38.
◗◗ Sites internet
-- Centre d’études internationales (CERI) : www.sciencespo.fr/ceri/
-- Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud (CEIAS) : http://ceias.ehess.fr
-- Centre de sciences humaines (CSH) : www.csh-delhi.com
-- Institut français de Pondichéry (IFP) : www.ifpindia.org
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d’une part, exploiter les sentiments religieux au à juguler les tensions entre musulmans et hin-
moment du vote a beau être interdit, c’est jus- dous. Si elle rappelle le rôle très important du
tement au moment des élections que les par- pouvoir judiciaire en Inde, et de la Cour suprême
tis nationalistes hindous instrumentalisent le en particulier, reste que cette décision n’est pas
plus la religion ; d’autre part, les questions reli- respectée, comme en ont témoigné les dernières
gieuses ont beaucoup à voir avec la condition des élections qui ont eu lieu en Inde en mai 2019, où
femmes et le droit, comme le montre la question les thèmes religieux ont encore largement pola-
de l’accès des femmes en âge de procréer au risé le scrutin.
temple de Sabarimala : en l’occurrence, la Cour
suprême a levé l’interdiction que les traditions Document 3
faisaient peser sur un tel accès, mais le poids
Cette photographie illustre la mobilisation en
de la coutume est le plus fort, en dépit d’une
faveur de l’accès au temple de Sabarimala. Elle
mobilisation féministe des plus massives.
montre un maillon de la chaîne humaine de
– Des illustrations permettent de rendre compte 620 km que des femmes désirant accéder au
d’une manière frappante de la forme que temple ont formée en 2019. On y voit des femmes
prennent les évènements et les mouvements de tous les âges habillées en saris, le vêtement
sociaux/politiques en Inde. traditionnel, signe qu’il ne s’agit pas de femmes
au style de vie révolutionnaire.
Document 1
Document 4
Si la Constitution indienne de 1950 ne men-
tionne pas le terme « sécularisme », la structure Cette photographie, spectaculaire, montre la
formelle de l’État qu’elle consacre est conforme prise d’assaut de la mosquée d’Ayodhya par des
aux caractéristiques d’un État séculariste. Ce militants nationalistes hindous qui considéraient
n’est qu’en 1976 que ce terme a été formellement qu’elle avait été édifiée par le premier empereur
introduit dans la Constitution. Le sécularisme moghol, Babur, au XVIe siècle, à la place d’un
indien tente de répondre à la profonde diversité temple qui surmontait lui-même le lieu de nais-
religieuse qui caractérise ce pays, tout en respec- sance du dieu Ram. La mosquée, qui avait déjà
tant les principes de liberté et d’égalité. été attaquée en 1990, a été détruite à coups de
pioche le 6 décembre 1992 et à la place a été
Jawaharlal Nerhu (1889-1964) est l’artisan de
édifié un temple provisoire dédié à Ram. L’affaire
l’indépendance indienne et du sécularisme.
est toujours devant les juges de la Cour suprême
Acteur majeur de Parti du Congrès avec Gandhi,
qui doit statuer sur l’avenir du site que se dis-
il est Premier ministre de l’Inde de 1947 jusqu’à
putent hindous et musulmans : faut-il y recons-
sa mort. Il a défendu un modèle social basé
truire une mosquée, y (re)construire un temple
sur la laïcité et l’égalité entre la majorité et les
ou y faire cohabiter un monument pour chaque
minorités confessionnelles.
communauté ?
Document 2
Document 5
En janvier 2017, la Cour suprême indienne a
La photographie montrant les volontaires du
adopté de justesse (quatre voix contre trois)
RSS en train de défiler est typique des parades
une décision interdisant à tout candidat de faire
dont ce mouvement paramilitaire est friand. Son
directement référence à une religion, une ori-
uniforme (calot noir, chemise blanche, short
gine ethnique ou une caste lors d’une campagne
kaki et chaussures en cuir), imité de la police
électorale. Les chefs religieux n’ont plus le droit
britannique de l’entre-deux-guerres, remonte
d’intervenir lors des meetings, au risque de voir
aux années 1920, tout comme le bâton en bam-
l’élection invalidée pour corruption.
bou au bout ferré (lathi). Les défilés en rangs
Cette décision est intervenue à la veille de scru- serrés qu’affectionnent le RSS sont une façon
tins régionaux importants et visait notamment de montrer sa force, sachant que ses membres
202
ne s’entraînent pas tous à ne manier que l’arme femmes en introduisant un code civil uniforme
blanche. Sur le cliché, on remarque un sikh au l’emportant sur les lois personnelles des diffé-
premier plan, avec son turban et sa barbe. C’est rentes religions.
un cas rarissime que le mouvement a sans
doute voulu mettre en avant car il considère que Document 1
les sikhs sont des hindous, ce que la plupart des
En 1984, la sanglante répression par l’armée
sikhs n’acceptent pas en général. Mais après le
indienne d’extrémistes sikhs réclamant la créa-
pogrom de 1984 dont ils ont été victimes et dont tion d’un État sikh est suivie de l’assassinat du
ils ont tenu le Congrès responsable (non sans Premier ministre Indira Gandhi par ses gardes
raison) de nombreux sikhs ont soutenu le mou- du corps sikhs. En représailles, à New Delhi,
vement nationaliste hindou et voté BJP. quatre jours de massacres antisikhs (31 octobre-
3 novembre 1984) font près de trois mille victimes.
Éléments pour traiter la consigne Cet article évoque la condamnation trente-quatre
ans après les faits d’un membre du parti du
– Le sécularisme désigne en Inde la reconnais-
Congrès pour son implication dans les pogroms.
sance de toutes les religions dans l’espace
C’est la première condamnation de ce type. Deux
public sur un pied d’égalité. C’est un principe
autres membres du parti du Congrès attendent
constitutionnel qui classe l’Inde parmi les
leur procès dans la même affaire.
États laïques.
– Les religions y sont traitées à égalité et la Document 2
liberté de conscience est reconnue aux citoyens
qui peuvent aussi faire appel aux institutions Les violences antichrétiennes ont débuté en
y compris pour faire appliquer leurs droits en 1997 dans les zones tribales des États du Gujarat
matière de pratiques religieuses. et de l’Orissa. Elles se diffusent à présent dans
– Les difficultés d’applications s’expliquent par le reste de l’Inde. Les chrétiens imputent ces
la montée en puissance du nationalisme hin- violences à la montée au pouvoir du BJP qui
dou qui veut imposer l’hégémonie de la culture instrumentaliserait l’hostilité à l’égard de la
hindoue contre les minorités. minorité chrétienne pour consolider son élec-
torat hindou. Cette hostilité est alimentée par
les « conversions » au christianisme d’hindous
JALON 2 – Les minorités religieuses de basses castes (dalits) cherchant à échapper
en Inde p. 302-303 à leur condition.
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soutien à des jihadistes qui ont commencé à infil- le gouvernement pakistanais a officiellement
trer le Cachemire indien à partir des années 1990 ouvert le « couloir de Kartarpur » aux pèlerins
pour y multiplier les attentats. sikhs qui, en outre, ont été dispensés de visa.
L’Inde a approuvé un projet maintenant rebaptisé
Documents 3 et 4 « Corridor of peace ».
Kartarpur est une ville du Pakistan où se trouve
l’un des lieux saints du sikhisme les plus pres- Éléments pour traiter la consigne
tigieux : le Gurdwara Darbar Sahib, un temple
Les tensions géopolitiques entre l’Inde et le
qui a été édifié à l’endroit où est mort le pre-
Pakistan ne sauraient se réduire à des questions
mier des dix gourous fondateurs du sikhisme,
Guru Nanak, en 1539. Le lieu est si cher au cœur religieuses mais la religion y prend une part qu’il
des Sikhs que des dévots se réunissent sur la faut montrer.
frontière indo-pakistanaise, côté indien, pour le La question peut être traitée en deux parties :
regarder de l’autre côté. En 2000, le Pakistan a I. Le poids de la religion dans la cristallisation du
accepté de construire un pont au-dessus de la
conflit au Cachemire
rivière qui sert de frontière pour permettre l’ac-
II. La mise en place d’une diplomatie du pèleri-
cès aux pèlerins sikhs indiens. En 2017, l’Inde
nage ?
s’est refusé à l’ouverture d’un tel couloir pour
des raisons de sécurité, mais l’année suivante,
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Définition des termes Un État est une forme politique indépendante exerçant un pouvoir sur
du sujet un territoire délimité et sur une population. Une religion se définit comme
un système de croyances et de pratiques relatives au sacré.
Cadre chronologique L’Inde est un pays d’Asie du Sud, devenu indépendant en 1947.
et spatial
Problématique Quelles sont les relations entre l’État indien et les différentes religions
présentes sur son territoire
Plan Pour répondre à cette question, nous étudierons tout d’abord la place
des différentes religions dans le territoire indien ; puis nous essaierons
de comprendre comment l’État indien gère sa relation avec ces religions
à travers le concept de « sécularisme »
Étape 2 : Le développement
Idée principale L’Inde est un État multiconfessionnel, où se côtoient musulmans et hindoues.
Le refus de cette coprésence a conduit à des déplacements de populations en 1947
lors de l’accession de l’Inde à l’indépendance et à sa partition avec les Pakistans.
Exemple 5,2 millions d’hindous ont dû quitter le Pakistan occidental pour s’installer
dans la nouvelle Union indienne. 6,7 millions de musulmans ont été obligés de faire
le chemin inverse.
Étape 3 : la conclusion
Rappel En conclusion, quelles sont les relations entre l’État indien et les différentes
de la problématique religions présentes sur son territoire ?
Réponse L’État doit tout d’abord gérer la diversité religieuse de sa population (hindous,
à la problématique musulmans, chrétiens, bouddhistes…). Pour y parvenir, « le sécularisme »
est mis en place dès 1950 : cette doctrine place toutes les religions présentes
sur le territoire sur un pied d’égalité.
Ouverture Dans quelle mesure la montée du nationalisme hindoue, à partir des années
1989-1990, remettra-t-elle en cause ce principe constitutionnel d’égalité,
notamment à l’égard des chrétiens et des musulmans ?
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