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Fondamentaux de la

science politique
2022/2023 – Cours 4
Cloé Ponzo – Docteure et ATER en science politique
cloe.ponzo@univ-cotedazur.fr
 Penser les régimes politiques comme des objets en
mouvement
 La démocratie n’est pas le régime le plus répandu
dans le monde
RAPPELS DE  Ne pas s’interroger sur les formes de régimes pour ce
LA SEANCE qu’elles sont mais analyser comment on en arrive à
tel ou tel type de régime et quels sont les effets
PRECEDENTE  Les apports de la comparaison en science politique :
rompre avec les prénotions, sortir d’une vision trop
normative
Séance 4 –– La
sécularisation en
questions: religion et
démocratie
Mardi 7 février 2023
Plan de la séance

I. Religions et démocratie

A) Religions

B) Le clash des civilisations

C) Critiques

II) La sécularisation?

Focus: Le nationalisme Hindou en Inde


Religion et démocraties

 M. Eliade, Le sacré et le profane, 1965  ce qui fonde le religieux = distinction entre une sphère
sacrée et une sphère profane. Dans ce schéma, le religieux est ce qui met en relation les deux
sphères.
Dans les sctés traditionnelles: le religieux est le fait central  autour de lui que se structurent tous
les autres domaines: la conception du temps et de l’espace, la vie privée, la vie publique, le
politique // Dans les sctés modernes: triple effet de démocratisation, de laïcisation et de
sécularisation  perte du rôle prééminent du religieux.
Démocratisation  substitue aux injonctions religieuses la volonté populaire: la légitimité du
souverain ne repose plus sur une autorité extérieure et divine mais sur la volonté du peuple  les
souverains tirent la légitimé du système démocratique, les gvnmt: des urnes.
Laïcisation  séparation progressive du religieux et du politique. Chacune de ces sphères
fonctionne avec ses propres règles.
Sécularisation  perte de l’influence du religieux même dans la sphère privée face à la montée de
l’individualisme et du savoir scientifique (déchristianisation massive du monde occidental).
Religion et démocraties

En France: pas de données disponibles car les statistiques ethniques et religieuses


sont interdites. Pourquoi? Dispositif jugé incompatible avec le modèle républicain
d’intégration qui ne distingue pas les individus en fonction de la couleur de leur peau
ou de leurs origines  contrairement à des Etats anglo-saxons.
Que dit la loi?  Article 8-I, de la loi Informatique et libertés (CNIL) du 6 janvier 1978
qui dispose l’interdiction de la collecte de « données à caractère personnel qui font
apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les
opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des
personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ».
Interdiction concerne le fait de produire ou détenir ces fichiers.
Religion et démocraties

Quelles sont les exceptions?


- Lorsque les personnes concernées ont donné leur consentement + les cas où les interdictions ne s’appliquent
logiquement pas. Ex: les associations religieuses peuvent tenir un registre de leurs membres, lorsqu’une action en
justice est menée contre un organisme dans le cadre d’une discrimination constatée…
- Les chercheurs sous certaines conditions
Pourquoi vouloir faire ces statistiques ? Pour lutter contre la discrimination il faut pouvoir la mesurer + pour
adapter les processus d’intégration voire d’assimilation.
Risques: Récupérations politiques et mauvais usage de ces fichiers pour distinguer les personnes sur des critères
illégitimes.
Contournement par l’onomastique ou la photographie: l'Ombre du monde de Didier Fassin : utilise les prénoms et les
photos de détenus pour mesurer le % de Noirs ou d'Arabes dans une maison d'arrêt d'Ile-de-France
Robert Ménard  «64,6% d’enfants musulmans» : statistiques sauvages, utilisation stigmatisante. Peut perdre son
mandat (ex. Noël Mamère 2004, mariage). Requête en référé rejetée.
Religions et démocratie

Question centrale – Problématique de la séance:


Est-ce qu’il a des religions qui favorisent
l’émergence de démocratie stables? Inversement,
est-ce que les démocratie affectent la vivacité des
religions?
I. Démocratie et religions
A) Les religions

 Le protestantisme a favorisé la démocratie.


 Toutes les religions ont une relation négative à la démocratie (Lipset 1994) sauf le
protestantisme. Max Weber (1930) fait le lien entre l’éthique protestante et l’émergence du
capitalisme et de la démocratie (théorie de la modernisation)
 Le protestantisme insiste sur:
 Une éthique individuelle basée sur la responsabilité individuelle, le travail, l’investissement du
monde réel (Moore 1966, Inglehart 1990)
 Une structure sociale plus horizontale, des hiérarchies moins rigides, une gestion locale et
communautaire
 L’importance accordée à l’enseignement et à la lecture de la Bible dans les langues vernaculaires à
favorisé l’éducation de masse et l’imprimerie (Woodberry 2004).
 Historiquement, le lien entre protestantisme et l’émergence, le développement et la survie de
la démocratie est évident (ex. USA, Pays scandinaves, UK…)
I. Démocratie et religions
A) Les religions

 Les autres religions favorisent l’autoritarisme


 Le catholicisme a longtemps été perçu comme antithétique à la démocratie (Lipset
1959)
 Une vérité, une Eglise, où l’absence de pluralisme, la répression des mouvements alternatifs,
une hiérarchie rigide et verticale, des institutions inégalitaires.
 Historiquement, les pays catholique ont mis du temps à se démocratiser
 L’Eglise a soutenu les dictatures (Franco, Mussolini, des exemples également en Amérique du
Sud) à l’exception de la Pologne (1989).
I. Démocratie et religions
A) Les religions

 Le confucianisme a pu être décrit comme incompatible avec la démocratie (Kim 1997, Huntington
1996, Pye 1985, Scalapino 1989)
 Le confucianisme impose un respect de l’autorité et insiste sur l’appartenance à la communauté comme
identité principale. La notion d’individu peine à émerger. Le consensus – plus que les droits individuels et la
compétition – régit le monde social.
 Ce raisonnement a été utilisé par les régimes autoritaires en Asie pour justifier le refus de démocratisation et
légitimer les formes de gouvernement autocratiques (Bangkok declaration april 1993)
 L’Islam ne serait pas incompatible avec la démocratie
 En 1752, Montesquieu parlait d’une violence intrinsèque à l’Islam dans l’Esprit des lois: « La religion chrétienne
est éloignée du pur despotisme, la précaution recommandée dans les Evangiles s’oppose au despotisme (…) la
religion mahométane, qui ne reconnait que l’Epée, continue d’imprégner sur l’Homme l’esprit de destruction qui
l’a fondé »
 Samuel Huntington (1996) associe l’Islam a la violence politique, l’impossibilité de séparer le sacré du
séculier, le traitement inégal des femmes. L’Islam nourrirait les théocraties et les cultures politiques
autoritaires.
I. Démocratie et religions
B) Le clash des civilisations

 Samuel Huntington (1996)  Le clash des civilisations


 Contexte: Fin de la guerre froide, Francis Fukuyama (1992) annonçait la victoire de la démocratie
libérale et du capitalisme.
 Pour Samuel Huntington, les conflits ne seront plus idéologiques ou économiques mais seront
culturels, porteront sur un affrontement des cultures et civilisations  retour des Etats-nations
avec leurs projets d’homogénéisation et de monopolisation  « The clash of civilizations will
dominate global politics. The fault lines between civilizations will be the battle lines of the future »
 Il identifie des civilisations différentes: Chrétienne occidentale, Confucianiste, Islamique,
Japonaise, Hindoue, Slave, Orthodoxe, Latine Américaine, Africaine  vers une nouvelle logique
de blocs?
I. Démocratie et religions
B) Le clash des civilisations

 La pression pour la démocratisation provoquée par l’Ouest va faire naître des antagonismes.
 Ces conflits seront difficiles à résoudre ou canaliser via la diplomatie car ils portent sur les
fondamentaux de la culture et non pas sur des intérêts économiques.
 Il démontre que ce sont les cultures musulmanes et confucianistes qui sont incompatibles avec la
démocratie.
 Le conflit entre musulmans et non-musulmans va structurer les relations internationales. Les
pays musulmans sont davantage concernés par la violence politique (Huntington 1996) 
« Western concepts differ fundamentally from those prevalent in other civilizations. Western ideas
of individualism, liberalism, constitutionalism, human rights, equality, liberty, the rule of law,
democracy, free markets, often have a little resonance in Islamic, Confucian, Japanese, Hindu,
Buddhist or Orthodox cultures » (p. 40)
I. Démocratie et religions
B) Le clash des civilisations

 Théorie explosive: Analyse basée sur des évidences, preuves,


et données critiquées
 Mélange de termes et réalités différentes: religion, ethnicité,
nation, géographie, langue.
 Mais une théorie qui a eu un grand succès politique dans le
monde post-11 sept. 2001, écrasant ainsi la complexité du
monde (Irak, Breivik)
Irak 2003 Breivik 2013

I. Démocratie et religions
B) Le clash des civilisations
I. Démocratie et religions
C) Les critiques

 Peut-on critiquer ces théories? Théorie qui se focalisent généralement sur les doctrines, discutant leur
compatibilité ou pas avec les valeurs démocratiques. Mais dans chaque religion, les doctrines ne sont pas
données. Elles sont contestées, évoluent et peuvent contenir autant des éléments considérés comme
compatibles que considérés comme incompatibles:
 Le protestantisme légitime les inégalités économiques et l’éthique de l’intérêt privé qui jouent contre la
démocratie.
 Le confucianisme (comme le bouddhisme) favorise un système méritocratique avec au centre l’importance de
l’éducation, de la tolérance et d’un gouvernement limité.
 L’Islam est basé sur la Shura (consultation), ne dispose pas de clergé mais une organisation horizontale, est fondé
sur la lecture, la réinterprétation des textes ouvrant la possibilité au dialogue, aux adaptations locales, aux
réformes (Esposito 2003)
 On peut citer la Constitution de Médine (622 ap. JC)
 Les cultures sont sans cesse réinventées, construites, malléables plutôt que primordiales, héritées et
inchangées. Toutes les doctrines ont servi à soutenir tous les types de gvt. La relation des religions aux
institutions politiques ne dépend pas de la religion elle-même mais des intérêts des acteurs religieux
(Kalyvas 1996).
I. Démocratie et religions
C) Les critiques
I. Démocratie et religions
C) Les critiques

 Fish S., Islam and Authoritarianism, 2002.


 Constat: Les Etats musulmans sont moins démocratiques. Est-
ce que cela a un rapport avec l’Islam ou non?  mise en garde
sur corrélation/causalité: ex. Baptiste Coulmont.
 Méthode: Analyse de 47 pays dits musulmans (c’est-à-dire ou
la majorité des habitants sont musulmans) puis évalue des
critères (par le biais d’indicateurs comparés avec des pays non-
musulmans).
I. Démocratie et religions
C) Les critiques

 Qu’est-ce qui relie l’Islam à l’autoritarisme? En utilisant le World Value Survey il démontre que:
 Les sociétés musulmanes ne sont pas plus violentes politiquement.
 Elles ne sont pas moins séculières (donc plus religieuses) que les sociétés non-musulmanes.
 La confiance interpersonnelle n’est pas plus basse dans les sociétés musulmanes.

 Mais un facteur essentiel explique le déficit de démocratie dans ces sociétés: la subordination des femmes.
 Les écarts d’alphabétisation entre les hommes et les femmes: dans les pays musulmans, toutes choses
égales par ailleurs, le fossé d’alphabétisation est de 6 points.
 Le nombre d’hommes pour 100 femmes: il y a plus d’hommes dans les sociétés musulmanes signalant
les effets de la discrimination de l’accès à la santé (en plus des discriminations liées à l’accès à
l’éducation)
 L’absence des femmes dans les gouvernements
 Faibles revenus, statuts au travail et présence au Parlement
I. Démocratie et religions
C) Les critiques
 Que disent les résultats? Les indicateurs ne sont pas homogènes:
 Certains pays ont des sex-ratios de 104/100 ou plus, avec des écarts d’alphabétisation de 20 points (de %) et des
faibles taux de présence des femmes en politiques: Afghanistan, Bangladesh, Côte d’Ivoire, Lybie, Pakistan,
l’Arabie Saoudite, la Somalie et la Syrie.
 Certains pays ont des sex-ratios de 102-103/100, de grands écarts d’alphabétisation (Algérie, Egypte, Iraq, Nigeria,
Soudan, Tunisie, Yémen et Turquie (seul pays qui connait une participation accrue des femmes en politique)
 Dans le Golfe, le sex-ratio sont au maximum, les femmes sont absentes de la politique mais les écarts
d’alphabétisation sont modérés.
 En Indonésie et Malaisie, les sex-ratios ne sont pas déséquilibrés, les écarts d’alphabétisation sont les plus réduits
et les femmes un peu plus présentes en politique.
 Au Burkina Faso, Gambie ou Mali, il n’y a pas de déséquilibre de sex-ratio, les écarts d’alphabétisation sont réduits
et les femmes présentes en politique.
 D’autres Etats non-musulmans peuvent être concernés: En Inde l’écart d’alphabétisation est de 26points, le sex-
ratio est de 106/100. En Chine il est de 117/100
I. Démocratie et religions
C) Les critiques

 Pour Martin Luther King, la subordination des femmes tire toute société vers le bas.
 La ségrégation des sexes, les inégalités, laissent les hommes entre eux, dans un univers homogène. Ils ont des
attitudes plus autoritaires, ils diffusent cet autoritarisme.
 Le manque de femmes rend également les hommes plus disponibles pour l’engagement. Les frustrations sexuelles
et sociales peuvent également expliquer le recours à la violence.
 Le traitement inégalitaire et discriminatoire explique les faibles performances démocratiques des différentes
sociétés, toutes religions confondues. Les cultures assignent des valeurs différenciées aux vies males ou femelles.
Et cela pèse sur les régimes politiques.
 Mais les sociétés musulmanes sont davantage concernées par ces inégalité de genre, de patriarcat (qui n’ont rien
d’une doctrine religieuse car la rigidité entre les sexes n’est pas présente dans les écritures mais découlent d’une
doctrine sociale et politique).
 Les cultures politiques évoluent et ne sont pas figées. Il n’y a rien d’immuable. Aucune raison pour que les choset
n’évoluent pas.
I. Démocratie et religions
C) Les critiques
 Focus  La place des femmes en politique n’est pas qqch qui va de soi. L’exemple français.
 « Modification des articles 3 et 4 de la Constitution. Il est ajouté à l’article 3 que la loi « favorise l’égal accès des hommes et des
femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », et précisé dans l’article 4 que « les partis et groupements politiques
contribuent à la mise en œuvre de ce principe » (Révision constitutionnelle du 8 juillet 1999)
 « Obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste, et instauration d’un système de
retenue financière pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité́ (2% d’écart maximum entre les deux sexes) des
investitures lors des élections législatives. » (Loi du 6 juin 2000)
 « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens
sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
 La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités
professionnelles et sociales. » (Article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 après révision constitutionnelle du 23 juillet 2008)
 « Instauration du scrutin binominal – une femme et un homme – pour les élections départementales ; modification du scrutin pour
les élections municipales et intercommunales visant à favoriser la parité : l’alternance stricte femme-homme est désormais
appliquée aux communes de 1 000 habit- tant-e-s et plus, et la liste des candidat-e-s au conseil communautaire devra également
respecter cette alternance. » (Loi du 17 mai 2013)
I. Démocratie et religions
C) Les critiques
 Extrait – Bereni L., Lépinard E., « "Les femmes ne sont pas une catégorie" les stratégies de légitimation de la
parité en France », Revue française de science politique, vol. 54, n°1, 2004, pp. 71-98.
 […] Les discours de légitimation de la parité ainsi recueillis se fondent sur des registres d’argumentation divers,
parfois contradictoires. Toutefois, s’ils ont varié au cours du débat selon les différentes scènes discursives où ils ont
été mobilisés – et suivant le degré de recevabilité de la revendication au regard de l’agenda institutionnel –, tout
au long des années 1990, ils ont été traversés par certains axes récurrents. L’attention sera portée ici à l’un des
discours dominants dans le processus de légitimation de la parité, qui a consisté à euphémiser la dimension anti-
discriminatoire de la revendication paritaire au profit d’une rhétorique valorisant l’inscription de la différence
de sexe dans la représentation démocratique. En effet, il est frappant de constater à quel point la thématique de
l’égalité des sexes, centrale dans les revendications des initiatrices du mouvement pro-parité, a été
progressivement marginalisée pour laisser la place à des discours présentant la parité comme l’instrument d’une
bonne représentation politique. Par ailleurs, même lorsque la parité a été explicitement justifiée par ses
promoteurs comme un instrument d’égalité, l’une de ses innovations principales – l’introduction pour la première
fois en droit français d’une loi instaurant des mesures de discrimination positive en faveur des femmes dans la
représentation politique – n’a pas été mise en exergue. Dans une certaine mesure, les discours de justification de
la parité les plus saillants se sont même définis à l’encontre de la logique de la discrimination positive. […]
I. Démocratie et religions
C) Les critiques

 « Oui à l’égalité, Non à la parité ! », L’Express, 11 fév. 1999


La philosophe Elisabeth Badinter, la juriste Evelyne Pisier, l'écrivain Danièle Sallenave cosignent ci-après un ultime appel
solennel contre la parité, avant le vote de l'Assemblée, le 16 février, avant celui du Sénat, le 4 mars. Chacune avec ses mots
et son humeur, Françoise Cachin, Caroline Eliacheff, Elisabeth Roudinesco, Mona Ozouf, Irène Théry, Véronique Morali,
Patricia Barbizet, Stella Baruk, Florence Montreynaud, Michelle Riot-Sarcey, Dominique Schnapper les accompagnent dans
nos colonnes. Respectées2, respectables, ces 14 femmes ne sont ni antiféministes ni réactionnaires. Elles se sont battues
pour faire reconnaître leurs compétences. Beaucoup d'entre elles se sont depuis longtemps mobilisées pour les droits des
femmes, afin que cesse leur subordination aux hommes.
Aujourd'hui, elles ont l'impression qu'une bonne cause fait fausse route et use, par manque d'imagination et d'énergie, d'une
stratégie qui se retournera contre elles. Elles veulent déclarer haut et fort qu'elles sont contre le fait d'imposer par la loi
la parité hommes-femmes dans les instances de pouvoir. Elles disent que l'inscription de la parité dans les textes - un
quota de 50% de femmes pour 50% d'hommes - est une idée trop simple pour être honnête, une recette paresseuse, une
réponse dangereuse à un vrai problème : l'incroyable misogynie régnant encore dans la classe politique française, un demi-
siècle après que les femmes ont obtenu le droit de vote et d'éligibilité, et l'inadmissible crispation des hommes sur leurs
fauteuils dans tous les lieux de pouvoir économique.
I. Démocratie et
religions

C) Les critiques

« La représentation des femmes en politique


s’améliore », INSEE, PACA, 2016.
II. La sécularisation

 Norris, Inglehart (2004), The Sacred andThe Secular


 Théorie de la modernisation: La religion était supposée perdre de sa vivacité, s’effacer, disparaitre
avec le progrès rationnel de la science et le développement mais non  « the world is furiously
religious »
 Les théories classiques de la sécularisation:
 Demande: Parce qu’ils sont éduqués et en sécurité et que nous savons expliquer le monde de façon
rationnelle, les individus ont moins besoin de religion.
 Offre: Si les Eglises perdent de l’influence, les gens sont moins religieux et moins tenus par la religion
 La perte de foi: La raison prime sur la religion, nous adoptons des modes de vie plus sécularisés
(Weber)
 La perte de sens: (Durkheim) Le rôle social des religions est remplacé par d’autres institutions, d’autres
activités (notamment l’Ecole)
II. La sécularisation

 Mais alors pourquoi les religions sont si vivaces et si présentes en politiques?


 L’argument sécuritaire: insécurité croissante appelle à un retour du religieux
 L’argument civique: la pratique religieuse favorise la participation donc les
pratiquants sont plus présents que les autres en politique
 L’argument démographique: les religieux font plus d’enfants et donc ont
une plus grande influence sur le plan politique
 L’argument du marché: le pluralisme et la mise en compétition des religions
les forcent à se démarquer, s’inventer et conquérir de nouveaux espaces
 L’argument réactionnaire: la sécularisation provoque le retour du religieux
II. La sécularisation

 Le cas des évangélistes en Amérique Latine


21 millions dans les années 1980 à plus de 100 millions aujourd’hui. 40% de la population au
Guatemala, 25% au Chili, 22% au Salvador et sans doute plus de 23% au Brésil.
Mouvements qui font de la politique un espace de conquête. Le Royaume étant déjà ici bas, le
monde est un lieu où doit se réaliser le projet chrétien.
Souche nord-américaine (écoles, pasteurs) qui a formé les pasteurs latino-américain et qui ont
conceptualisé ce passage au politique: transformer les croyants en force politique.
Evolution de la stratégie: soutenir et attirer ceux qui ont acquis une réelle expérience en matière de
négociation avec les partis et les gvt (le soutien a GW Bush, à Bolsonaro au Brésil)
Jusqu’à proposer ensuite leur propre offre politique: (Partido Nacional Cristiano en Colombie,
Partido Republicano Brasileno)
Garcia-Ruiz J., Michel P., « Amérique latine: les
évangéliques en politique », Etudes, vol. 414, n°5,2011.

 Programmes politiques: Défense des intérêts de l’Eglise, lutte contre la corruption, lutte contre le
droit à l’avortement, combat contre le mariage homosexuel et la peine de mort, renforcement de
la famille, réalisation de la nation chrétienne: la « Grande nation pour le peuple de Dieu »
 La neutralité en politique est perçue comme injustifiable, adoption d’une vision du monde
manichéenne en termes de fidèles, sauveurs vs. Ennemis
 Critique de « l’humanisme constitutionnel »
 Revendication d’une influence sur le système éducatif et de santé
 Inversion de la hiérarchie des normes: les Lois du Royaume prévalent sur toutes les autres
 Théorie de la double citoyenneté
 Stigmatisation de la pauvreté, théologie de la prospérité: conquête des classes moyennes
ascendantes cherchant à légitimer leur position sociales (comme les sectes Hindus)
Garcia-Ruiz J., Michel P., « Amérique latine: les
évangéliques en politique », Etudes, vol. 414, n°5,2011.

 Appartenance devient à la fois un vecteur et un signe d’ascendance sociale


 Le niveau local constitue la scène privilégiée de la prolifération d’Eglises
autonomes (prélèvement d’impôts, activités polyvalentes à vocation sociale
voire création d’entreprises: médias, construction de logements sociaux, prêts..)
 Le religieux évangélique comme lieu privilégié d’articulation entre local, national
(nation chrétienne) et transnational (réponse à la mondialisation)
 Contribue à la polarisation de la vie politique: oppose les tenants d’une
citoyenneté ethnique/communautaire à ceux qui prônent une citoyenneté
libérale.
Abootalebi A., « Islam, Islamists and Democracy »,
1999.

 Islamisme: mouvement politique qui va faire de l’Islam, une source d’inspiration de son programme politique (Frères musulmans
en Egypte dès les années 1920)
 Grande variété de mouvement islamistes avec deux tendances principales:
 Islamistes modernisateurs: Les ppe de l’Islam sont compatibles avec la mondialisation et les valeurs de liberté et de démocratie et
de participation (Ennahdad, Erdogan, PJD marocain, Iraniens…)
 Fondamentalistes: revendiquent un monopole sur le droit d’interpréter l’Islam et une rigidité de la scté (Frères musulmans, Hamas,
Talibans, Etat Islamique, Hezbollah)
 Beaucoup de débats internes aux islamistes: comment réconcilier les ppe de l’Islam avec les démocraties modernes. Bcp d’entre
eux en sont venus à accepter les élections et le parlementarismes comme forme de Shura (consultation) avec tout de même la
volonté d’inventer une forme de démocratie islamique qui ne soit pas qu’une importation des ppes de l’Occident.
 Cycle: Contestation des nationalismes, modération dans les années 2000 puis nouveaux espaces de radicalisation depuis 2001.
 Limites profondes des débouchés politiques: Lorsqu’ils sont aux pouvoirs, faibles performances socio-économiques (Soudan,
Iran), incapacité à formuler des programmes éco, politique et sociaux (Egypte) ou sectarisation menant à la violence ou au
terrorisme.
La question de la laïcité en France

 Le principe de laïcité a des acceptions différentes suivant les contextes nationaux dans lesquels il
s'exerce. La laïcité donne des pratiques politiques différentes selon les contextes nationaux. => Il
est donc possible de donner une définition de départ de la laïcité, mais il faut retenir que celle-ci
s'est construite avant tout à partir de pratiques différenciées selon les contextes?
 La laïcité = ⁃ séparation du religieux par rapport au pouvoir politique
⁃ principe de neutralité du pouvoir politique vis à vis du religieux et des différentes religions
⁃ aspect de neutralité du religieux ne devant pas influer sur le politique ET protection par le
politique (l'Etat qui n'a pas de religion officielle) de la libre pratique de toutes les religions. /!\ La
laïcité n'est pas l'interdiction des religions
 Il s'agit d'autoriser, voire de favoriser la liberté de culte de religion tout en n'interférant pas avec
le pouvoir politique et les décisions.
La question de la laïcité en France

 En France, les lois votées (ou la jurisprudence) vont préciser ce que l’on entend à travers la
question de la liberté de religion et du rapport entre religieux et politique.
Première idée centrale : laïcité construite dans une forme de combativité et une grande méfiance
à l'égard de l’Église (catholique). Ce fondement de la construction de la laïcité sur un socle de
méfiances fortes entre Etat – pouvoir politique – Église va marquer les décisions et pratiques liées
au religieux ou au rapport entre religieux et politique en France.
→ Ceci explique que d'autres pays trouvaient étranges que ce type de polémique sur le rapport au
religieux en France à l'école soit aussi controversé. Ils trouvaient paradoxal que la France laïque se
mêle beaucoup de religion (notamment la lutte contre le voile à l’école).
 Aux USA ce n'est pas problématique alors qu'il s'agit aussi d'un État laïque. Il n'y a pas de danger
pour la neutralité religieuse que des textes religieux soient utilisés de manière publique par les
acteurs politiques (ex le PR des USA prête serment sur la Bible).
La question de la laïcité en France

 Comme le souligne Maurice Barbier, la laïcité dont le principe est posé par la loi de 1905
relative à la séparation des Églises et de l’État doit s’adapter aux mutations de la société,
et en particulier résoudre les « imperfections et [l]es insuffisances » de la loi. En effet, le
texte de 1905 ne définit pas la laïcité en tant que principes et les débats actuels montrent
un affrontement entre deux conceptions.
 Une première conception envisage la laïcité comme l’absence de tout signe religieux
dans l’espace public. Elle prône un espace public aseptisé dans lequel les citoyens sont
égaux en raison de leur neutralité religieuse. A l’inverse, une deuxième conception
envisage la laïcité comme le strict respect de l’ensemble des religions dans l’espace
public. Dans cette conception, l’ensemble des citoyens peuvent exprimer leurs opinions
religieuses et en porter les symboles, tant que ces expressions ne représentent pas un
trouble à l’ordre public. De fait, le débat ne porte plus tant sur la laïcité en elle-même que
sur les relations entre espace public et vie privée.
La question de la laïcité en France

 En France, ce qui fait l'objet de la concentration des débats autour de ce lien religieux/politique est la
question de l'école. A chaque fois, les différentes controverses tournent autour de la question de
l'école et de la place que le religieux doit avoir à l'école.
 La plupart des démocraties occidentales sont laïques = ont un Etat religieusement neutre, séparé du
religieux. Elles sont libérales = démocraties préservant : ⁃ un espace de liberté de culte + un espace de
liberté de conscience dans lequel l’État ne doit pas intervenir
 La laïcité est une double protection qui doit s'exercer : du religieux par rapport au politique + du
politique par rapport au religieux.
 Souvent ce qui diffère selon les contextes, est le fait d'accorder plus ou moins d'importance au fait de
protéger l’État de la religion OU de protéger la religion de l’État. => Tout dépend du contexte et de ce
qui apparaît le plus menacé.
 Dans le contexte FR: surtout une controverse liée à l’Ecole.
La question de la laïcité en France

 En 2004, après une intense campagne médiatique autour de la peur de l’islam, on aboutit à une
réglementation interdisant les élèves à, par le port de signes religieux, se faire reconnaître dans
l’espace scolaire.
→ Fin 2003 : pic atteint > depuis quelques années, cette polémique qui dure depuis une quinzaine
d’années est remontée = accord majoritaire pour soutenir ce projet de loi souhaité par le PR Chirac.
Jusqu’ici débat assez clivé entre la droite et la gauche : ⁃ droite plutôt favorable à ce type
d’interdiction et gauche plus opposée
→ OR ici il y a une sorte de consensus entre la droite et la gauche. Quand ce débat reprend en 2003,
on peut se demander si il y a eu une recrudescence du nb d’élèves portant le « foulard islamique » à
l’école. D’après les chiffres officiels du ministère de l’éducation nationale ce n’est pas le cas. Donc
objectivement pas d’augmentation de pb autour de jeunes filles voilées scolarisées.
La question de la laïcité en France

 Avril 2003 = Sarkozy (M. de l’intérieur) se rend au congrès de l’UOIF (union des organisations
islamiques de France)  fait un discours et parle des photos d’identité en France qui doivent être
prises tête nue depuis un décret de 1999  provoque des huées dans la salle. A partir de là = thème du
« foulard islamique » relancé dans l’espace public → Tout un débat autour de la thématique du port du
voile en France qui perdure encore aujourd’hui.
 2003 = On compte près de 1300 articles sur le voile dans les journaux français (plus d’un par jour et par
journal). => Énorme de médiatisation autour du foulard.
 Le 8 mars 2003 = marche organisée par « ni pute ni soumise » à l’occasion de la journée des droits de la
femme qui défend les droits des femmes musulmanes obligées par leur mari de porter le voile.
 les organisations musulmanes, notamment les représentants officiels CFCM (conseil français du culte
musulman) mis en place par le Ministère de l'intérieur jusqu'en 2003, aient été écartés du processus de
délibération sur cette question du voile ALORS QUE le conseil venait d'être mis en place (étonnant de
ne pas les associer aux décisions)
La question de la laïcité en France

Rappel de l’évolution législative


 CE du 27 novembre 1989 > le port de signes religieux à l’école n’est pas incompatible au ppe de
laïcité car prime la liberté de conscience et de liberté religieuse. Les enseignants doivent être
neutres mais pas les élèves
 Septembre 1994, la circulaire Bayrou distingue les « signes discrets » qui peuvent être admis
dans les établissements publics et les « signes ostentatoires » qui doivent y être interdits
 La loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques restreint le port de signes
religieux, interdiction rappelée par la charte de la laïcité à l'école en 2013.
Focus: le nationalisme hindu

 Point de départ: Colonie britannique puis Des revendications autonomistes aboutissent en aout
1947 à la reconnaissance de l’Inde, une partition est faite entre ce qui est devenu le Pakistan où on
retrouve une majorité de musulmans et le territoire qui est aujourd’hui l’Inde. Concernant le
système institutionnel, la constitution crée un système fédéral et l’influence est celle de la
constitution américaine. Le régime repose sur un parlement bicaméral avec une chambre basse qui
est celle du peuple avec des pouvoirs important et la chambre haute qui représente les États
fédérés.
 La montée du nationalisme hindou s’accompagne d’un glissement vers la démocratie illibérale
(voir def. Séance 3).
 Le nationalisme hindou s’exprime à l’encontre de la minorité musulmane (14% de la population).
Ces organisations accusent les musulmans de se livrer au « love djihad » càd de séduire des
femmes hindous pour qu’elle se convertissent et fassent le djihad. Ces groupes définissent
l’hindouisme comme la culture première de la civilisation indienne, les non hindous sont définis
comme des envahisseurs qui justifie une série de violences à leur encontre.
Focus: le nationalisme hindu

 Le BJP (Bharatiya Janata Party) est majoritaire au parlement avec sa victoire en 2014, il est
représenté par Narendra Modi qui est premier ministre depuis lors.
 Idéologie du parti:
 La réalisation de la « nation hindoue » empêchée par la présence des autres indiens.
 Les Hindous sont la nation indienne (vu à l’origine de toute la culture, la civilisation et la
vie en Inde). Les non-hindous sont eux, soit des envahisseurs, soit des invités, et ne
peuvent être traités à égalité à moins qu’ils n’adoptent les traditions hindous. Les
chrétiens et les musulmans ont toujours été considérés comme les ennemis de l’identité
hindoue. L’histoire de l’Inde se confond avec celle du combat contre les menaces. L’unité
hindoue est une nécessité absolue.
Focus: le nationalisme hindu

 Structure du nationalisme hindou:


 Parti politique  BJP
 Sangh Parivar est un mouvement parapluie rassemblant tous les groupes nationalistes
hindous et faisant de l’animosité envers les chrétiens et les musulmans, leur moteur
idéologique  campagnes dites de ghar vapsi (« retour au foyer ») pour faire entrer les
minorités religieuses dans le giron de l’hindouisme (de gré ou de force)
 Rashtriya Swayamesevak Sangh (RSS), est une organisation paramilitaire et culturelle fondé
en 1925 sur le modèle des groupes fascistes (assassinat de Ghandi)
Focus: le nationalisme hindu

 Une version hindoue du populisme? Qu’est ce que le populisme?


 Pour le sociologue Edward Shils, les populistes présentent la volonté du peuple comme supérieure aux
institutions et à celle des groupes sociaux intermédiaires (dont ils ignorent ou refusent l’existence) – « Le
populisme assimile la volonté du peuple à la justice et à la morale »
 Les populistes nient le pluralisme. Ils visent à disqualifier leurs adversaires, voire à rejeter la démocratie
reposant sur le multipartisme (entrave à l’expression du peuple : unité)
 Forte concentration du pouvoir liée à son extrême personnalisation: le leader populiste entre directement en
relation avec son peuple, court-circuitant sa propre formation politique et les institutions.
 S’il est avec le peuple, le populiste est contre les élites.
 Il se présente en outsider, car même au pouvoir le populiste continue à faire campagne.
 Populisme peut être de gauche ou de droite même si le national-populisme est identifié à droite (répertoire
idéologique marqué à droite)
Focus: le nationalisme hindu

 Le national-populisme hindou
 Narendra Modi est un pur produit du nationalisme hindou.
 Véritable culte de la personnalité autour de lui (cf. campagne de 2007)
 Entretien un lien direct avec le peuple  émission radiophonique mensuelle baptisée Mann ki Baat
(la parole qui vient du cœur) – tout en refusant par contre tout débat contradictoire ou toute
conférence de presse.
 Attaque contre les minorités: les violences « antimusulmanes » les plus meurtrières depuis 1947
ont lieu en 2002, dès qu’il prend le contrôle de l’Etat dans lequel il est né (rappel. Système
fédératif). « Beef-ban » dans les Etats où le BJP arrive en tête en 2015; violences régulières contre
les musulmans lors des fêtes hindoues sans réaction des autorités (2019/2022)
 Modi attire à lui la « neo-middle class »: villageois fraichement urbanisés.
Conclusion sur les démocraties

 Définition bien plus complexe que « du », « par » et « pour » le peuple. D’ailleurs, la


participation politique dans les régimes démocratiques doit s’entendre au sens large, comme
l’ensemble des mécanismes qui permettent au citoyens et citoyennes de soutenir ou au
contraire montrer son désaccord avec la politique menée (ce qui n’obligent pas les gvnants à
modifier leur ligne de conduite)
 Réfléchir à la démocratie c’est avant tout questionner son fonctionnement et sa capacité à se
maintenir dans le temps. Comme tout régime (processus qui évolue) elle peut être amenée à
se dégrader ou s’améliorer.
 Dans les sctés deux mouvements: autonomisation du politique à l’égard du religieux (souvent
dans les dém.) ou pérennisation d’une influence du religieux sur la politique.

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