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Introduction à la science politique

Cours de Dr. Philippe KETOURE

Description du contenu

Spécialité : Science politique : généralités

Mots clés : État ; parti politique ; mobilisation collective ; élection

Informations pédagogiques

Niveau d'études : 1er cycle


Pré-requis : Avoir déjà une idée du concept de « politique »
Objectifs pédagogiques : Acquérir une connaissance générale sur la science
politique

Accès à la ressource : gratuit


Format : PDF
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Notes : Document de 30 pages
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Notice mise en ligne le 18/09/2020

Introduction
I- Les approches du pouvoir politique

A) L’approche compréhensive ou la compréhension


B) L’approche explicative ou l’explication

1. L’approche marxiste
a) La séparation des individus d’avec l’État
b) L’identité des intérêts de la classe dominante avec ceux de l’État
2. Les approches dites « globalisantes »
a) Le structuralisme
- Alfred Radcliffe-Brown
- Claude Lévi-Strauss
b) Le systémisme ou l’analyse systémique
- David Easton
- Karl Deutsch
c) Le fonctionnalisme
- L’organicisme
- Le fonctionnalisme absolu
- Le fonctionnalisme relativisé ou néo-fonctionnalisme
3) L’approche constructiviste ou le constructivisme
4) L’approche interactionniste ou l’interactionnisme
5) L’approche élitiste

1
a) Gaetano Mosca (1858-1941)
b) Vilfredo Pareto (1848-1923)
c) C. Wright Mills (1916-1962)
6) L’approche pluraliste
a) Robert Dahl (1915-2014)
b) Raymond Aron (1905-1983)

II - Le cadre institutionnel d’expression du politique

A) L’État
1. L’existence de l’État
a) L’existence sociologique de l’État
- Un pouvoir politique
- L’acceptation de l’ordre étatique
- Le concept d’État-Nation
b) L’existence juridique de l’État
- Un ordre juridique
- La validité de l’ordre étatique
2. Les formes de l’État
3. Les fonctions et organes de l’État
a) Les fonctions politico-sociales
- L’État-gendarme
-L’État-providence
b) Les fonctions juridiques
4. Les organes de l’État
B) La souveraineté
1. Les différentes conceptions de la souveraineté ou les formes d’expression de la
souveraineté
a) La souveraineté nationale
b) La souveraineté populaire
- La démocratie directe
- La démocratie semi-directe
c) Les deux formes combinées
2. L’exigence de représentation politique
a) Le caractère factice de la représentation
- Les raisons matérielles
- Les raisons intellectuelles
b) Le caractère nécessaire de la représentation
3. L’expression de la souveraineté
a) Le droit au suffrage
b) L’évolution du droit de vote
- Le suffrage restreint
- Le suffrage censitaire
- Le suffrage capacitaire
- Le suffrage universel
4. L'organisation du scrutin ou des élections
a) Les principes gouvernant l’exercice du suffrage
b) Les modes de scrutin (ou les systèmes électoraux)
- Quelle est la différence entre le vote et l’élection ?
- Qu’est-ce qu’un mode de scrutin ?

2
- Le scrutin majoritaire
- Le scrutin proportionnel ou la représentation proportionnelle
C) La Constitution
D) Les forces politiques
1. Les partis politiques
a) Définition du parti politique
b) Naissance des partis politiques
c) Les types de partis politiques
- Les partis de cadre
 Les partis de cadre
 Les partis de masse
- Les partis attrape-tout ou partis d’électeurs
 Les partis attrape-tout
 Les partis d’électeurs
2. Démocratie interne, efficacité et professionnalisation des activités politiques
3. Les fonctions des partis politiques
a) Les fonctions manifestes
b) Les fonctions latentes
4. La légitimation des partis politiques
5. Les groupes d’intérêts
a) L’importance et l’influence
b) Les cadres normatifs

III- Les modes de participation politique

A) La mobilisation électorale : les approches théoriques


1. Les modèles explicatifs de la participation électorale
a) La notion de paradigme
b) Une succession de paradigmes explicatifs
- L’approche sociologique ou « le modèle sociologique »
- L’approche psychosociologique ou le modèle « psycho-politique »
- Le modèle économique ou « le modèle du marché »
- La critique de l’électeur rationnel et de la notion de « mobilité politique »
- Le renouveau de la géo-sociologie électorale
- L’approche écologique du vote ou le paradoxe écologique
2. La formation du vote : la « mobilité politique »
a) La notion de « mobilité politique »
b) La critique des modèles classiques d’explication du comportement électoral
B) L’abstentionnisme
1. Définition de l’abstention
2. Les facteurs d’explication de l’abstention

3
Introduction

Contrairement à la philosophie politique qui est millénaire, la science politique est


une discipline jeune. Elle n’a émergé qu’au XIXème siècle. Elle va porter un regard
spécifique sur les phénomènes politiques considérés comme des activités sociales.
Ainsi, la science politique, comme la sociologie générale, a commencé à s’occuper
des causes des phénomènes sociaux.

La science politique trouve ses origines dans la Grèce antique, puis dans les empires
romains. On peut considérer les Grecs comme les créateurs de la science politique.
Dès le Vème et IVème siècle avant Jésus-Christ, des philosophes tels Platon (428
ou 427 à 348 ou 347 av. J.C.), Aristote (384 à 322 av. J.C.)1, Thucydide (env. 460-
395) s’y sont intéressés. Cependant, leurs préoccupations fondamentales tournent
autour de la question de savoir quel type de gouvernement il convient de mettre en
place pour mieux garantir une coexistence harmonieuse et pacifique des individus.
Ce questionnement apparaît comme une réaction aux guerres à répétition, désordres
et violences permanentes qui mettent en cause la pérennité de la Cité. Ces penseurs
cherchent, alors, le principe de l’ordre politique à établir nécessairement dans l’idée
du Bien et du Juste tirée de leur « méditation métaphysique ». Ils ont ensuite été
relayés par les Romains (De la République de Cicéron). Pendant une bonne partie
du Moyen Âge, la théologie a pris le pas sur la politique. Nicolas Machiavel2 la
restaure grâce à son ouvrage Le Prince écrit vers la fin de l’année 1513 et publié en
1532.

1
Voir La République de Platon et La Politique d’Aristote.
2
Nicolas Machiavel (1469-1527) est un écrivain et politicien italien, « fondateur de la science politique ». Il
insiste sur la science humaine, qui a besoin d’observation. Il établit des «lois», des relations ou corrélations
entre les phénomènes humains. Il fut un haut fonctionnaire de la République de Florence. Entre 1498 et 1512,
il a occupé les fonctions de secrétaire de la chancellerie ainsi que de conseiller auprès de Pierre Soderini,
magistrat suprême de la République. Apres l’invasion de Florence par les Médicis et la soumission à leur
autorité en 1512, il est déchu de ses fonctions. Son ouvrage, Le Prince, écrit vers la fin de l’année 1513 marque
un renversement de la problématique de la philosophie politique classique. Un prince s’installe sur un territoire
où il y avait de la violence et de l’animosité et finit par le pacifier. Pour y arriver, le prince doit créer de
nouvelles lois. Il s’agit en fait d’une leçon destinée au prince. A travers cet ouvrage, Machiavel entend montrer
les effets des actions des dirigeants et des modes des configurations socioculturelles sur la pérennité ou non de
tout régime politique. Il s’agissait pour lui de mieux comprendre les raisons de la défaite de sa République. Il
s’est donc mis à l’observation d’une République qui a réussi, notamment la République romaine, afin de
repérer les mécanismes de la durée et de la grandeur de Rome. Il aboutit à cette conclusion : « Lorsque les pays
qu’on acquiert, comme on a dit, sont accoutumés à vivre selon leurs lois et en liberté, pour les tenir il y a trois
procédés : le premier, les détruire ; le deuxième, y aller habiter en personne ; le troisième, les laisser vivre
selon leurs lois, en en tirant un tribut et en y créant un gouvernement oligarchique qui te conserve leur amitié.
Créé par ce prince, ce gouvernement sait qu’il ne peut durer sans son amitié et sa puissance, et doit tout faire
pour le maintenir. Et l’on tient plus facilement une cité accoutumée à vivre libre par le moyen des citoyens eux-
mêmes que d’aucune autre façon, si on veut l’épargner. » Pour Pierre Louis-Naud, la rupture opérée ici se situe
dans le type de questionnements. Selon lui, il ne s’agit plus de déterminer le statut de l’homme vertueux,
l’ordonnance politique qui l’exprime et le rend possible et les principes qui fondent l’un et l’autre, mais de
chercher à savoir comment fonctionne le pouvoir politique. Machiavel donne, ainsi, à la science politique son
objet (acquisition et maintien du pouvoir, autonomie du pouvoir) et sa méthode : l’analyse des faits
(contrairement au jugement), l’observation (contrairement à l’apriori). Cette démarche positive va être, peu à
peu, systématisée dans l’analyse politique. Il donne aussi une conscience pour agir, mais pas de doctrine
politique (cf. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique).

4
La science politique moderne est née aux États-Unis à la fin du XIXe siècle dans un
contexte de grandes transformations sociale, industrielle, scientifique ou politique.
Elle a, ensuite, fait son apparition en France avec des précurseurs
comme Montesquieu (1689-1755)3, Jean-Jacques Rousseau (Du contrat social),
Tocqueville4 (De la démocratie en Amérique). Toutefois, la science politique
demeurait littéraire5.

Pour expliquer la particularité du régime politique selon les sociétés, Montesquieu se


réfère dans De l’esprit des lois au système des facteurs socioculturels et climatiques
qui caractérisent chacune d’entre elles. Pour ce philosophe et homme politique
français, la différence entre les régimes politiques est liée à la différence des
organisations et des structures sociales. Dans De la démocratie en Amérique, Alexis
de Tocqueville (1805-1859) suit la même démarche positive que Montesquieu
lorsqu’il tente d’appréhender les facteurs déterminant le caractère libéral et
démocratique de la société en Amérique. Il rattache le régime démocratique à un
processus social global (l’égalisation de conditions entre les individus qui composent
la société américaine). Cette démarche méthodologique (1818-1883) conduit Karl
Marx à créer le concept de mode de production. Ce concept tend à rendre compte
réellement, matériellement des processus par lesquels les groupes sociaux
produisent leurs moyens d’existence. Au sujet de la domination du fort, Jean-
Jacques Rousseau dans Du droit du plus fort disait : « Le plus fort n’est jamais assez
fort pour être toujours le maître s’il ne transforme sa force en Droit et l’obéissance en
devoir ».

La science politique n’a connu son véritable essor qu’à partir du XIXème siècle et du
début du XXème siècle, particulièrement avec les œuvres de Max Weber qui mettent
l’État et sa bureaucratie, l’intervention étatique et sa rationalité, le pouvoir et les
mécanismes de sa légitimation, les mécanismes de la domination, au cœur de
l’analyse politique. La création des départements de science politique dans certaines
universités américaines à partir de 1890 et la fondation, en 1903, de l’American

3
Montesquieu (1689-1755) est un juriste, philosophe et homme politique français, un des fondateurs de la
politique comparée. Il prône le réalisme, mais certains manuels le qualifient de structuraliste. Sa méthode est
la suivante : observation, relations, corrélations. En 1748, il écrit De L’esprit des lois (1748). Selon lui, les lois
sont nécessaires pour les rapports sociaux (pour lui, la société représente un tout). Il leur donne à la fois un
sens politique et juridique et un esprit: l’unité (populations, religion, mœurs, systèmes juridiques, etc.). La loi
remplit une fonction générale (universelle) et particulière : résoudre le paradoxe de trouver une théorie
générale et l’appliquer aux cas particuliers (temps/espaces). Il souligne l’importance des institutions. Il
développe aussi la doctrine de la séparation des pouvoirs : exécutif (sinon: arbitraire), législatif (lois générales)
et juridique (sinon: arbitraire, pas de vue à long-terme).
4
Tocqueville (1805-1859) est un historien, juriste et politicien français. Il a écrit De la démocratie en Amérique
(1835-40) et L’ancien régime de la Révolution (1856). Sa méthode est l’observation et l’analyse. Dans son
ouvrage, il compare les États-Unis à la France. Il critique la France pour avoir remplacé la tyrannie de la
monarchie par la tyrannie du peuple. Son thème majeur est la démocratisation qui est , pour lui, un processus
irréversible. Ses autres thèmes abordés sont les suivants : le fédéralisme, le rôle de la presse, les associations
des citoyens, l’omnipotence de la majorité. Il met l’accent sur l’importance des structures intermédiaires entre
les citoyens et l’État. « Etre citoyen c’est être membre de la cité (pays). Au sens large, le citoyen peut être
défini comme une personne faisant partie de la population d’un État. Cette personne bénéficie des droits et a
des devoirs aussi bien envers l’État que les autres membres avec qui il partage les mêmes objectifs du fait de
leur appartenance à cet État. »
5
Quelques précurseurs en politique et sciences humaines : Machiavel (1469-1527), Hobbes (1588-1679), Locke
(1632-1704), Montesquieu (1689-1755), Tocqueville (1805-1859).

5
Polical Science Association6 permettent à cette discipline de s’affirmer et de se
développer aux États-Unis. En Europe, la science politique ne s’affirme véritablement
qu’aux lendemains de la seconde guerre mondiale, notamment en Grande-Bretagne,
en Italie, en Allemagne et en France. En France, l’essor scientifique de la discipline a
débuté avec l'économie politique, la sociologie et le droit public qui, lui, faisait une
rude concurrence. André Siegfried (le Tableau politique de la France de l’Ouest,
1913), apparaît comme le père de la nouvelle politologie, qui s'est développée après
la 2ème Guerre mondiale. En France, la science politique a été implantée dans des
facultés de Droit, des Instituts d’Etudes Politiques (IEP). La création de l’IEP de Paris
a succédé à l’École libre des sciences politiques ou « Sciences-Po ». Cette
institutionnalisation n’évacue pas pour autant les grands débats sur les contours de
l’objet même de la science politique.

Qu’est-ce que la science politique ? Ou qu’est-ce que la « science » de ce qui est


« politique » ?

La réponse à ces questions7 renvoie à la revendication du statut de discipline


scientifique par la science politique et à son objet en particulier. Ces questions
amènent à nous interroger sur les caractéristiques des disciplines scientifiques, sur
l’objet et la nature de la science politique et sur le phénomène politique.

La définition d’une discipline scientifique n’est jamais aisée. Même certaines


disciplines scientifiques anciennes demeurent toujours confrontées à la difficulté de
définition. La science politique est une discipline jeune résolument inscrite dans une
phase de maturité, de consolidation scientifique et d’autonomisation. La jeunesse de
la discipline pose le problème de sa définition accentué par la persistance de
controverses doctrinales. On peut ainsi observer une diversité et une variabilité de
définitions de la science politique.

Le mot « science » renvoie étymologiquement au terme latin « scientia » dérivé de


« scire », qui, à son tour, peut être traduit en français par les termes de savoir,
connaissance, démarche d’esprit ou vocation scientifique. La science signifie aussi
établir, observer des relations entre les phénomènes (au lieu de dieu, humanisation).
Elle est un « ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant
d’unité, de généralité, et susceptibles d’amener les hommes qui s’y consacrent à des
conclusions concordantes qui ne résultent ni de conventions arbitraires, ni des goûts
et des intérêts individuels qui leur sont communs, mais de relations objectives qu’on
découvre graduellement et que l’on confirme par des méthodes de vérifications
définies »8.
La science politique revendique le statut de discipline scientifique parce qu’elle
entend produire un type de connaissance qui se distingue de la spéculation, de
l’idéologie, de la littérature, afin de tendre vers un idéal d’objectivité commun à
l’ensemble des sciences.

Deux éléments caractérisent les disciplines scientifiques : une communauté savante


et un objet d’étude privilégié.
6
Cette association a successivement été présidée par Goodnow, Price, Lowelle et Wilson.
7
La science est connaissance (connaissance inachevée), c’est un processus constant de construction-
questionnement des savoirs. Cependant, toute connaissance n’est pas science.
8
André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 1926.

6
La communauté savante est basée sur des institutions d’enseignements (les
départements à la faculté, la spécialisation dans les IEP, les instituts de recherche
spécialisés ; des supports de diffusions (les colloques, les revues, les ouvrages,
etc.)9 ; une dénomination commune (politologue, politiste, spécialiste de
politologie)10. La terminologie même de « science politique » pose problème11. Elle
ne fait pas l’unanimité en doctrine. On a assisté à une divergence terminologique
entre les précurseurs modernes de la science politique dans la dénomination de la
discipline. Plusieurs vocables ont été proposés ou suggérés. Pour la science elle-
même, on a avancé « statistique »12, « cybernétique », « statologie »13,
« politicologie » ; pour les adeptes de la science, on a retenu « politicologues »,
« politistes » ou même le terme anglais political scientists. Toutes ces appellations
sont, à divers titres, récusables. Par contre, échappent à la plupart des griefs les
vocables « politologie » et « politologues » apparus quasi simultanément il y a une
quinzaine d'années en Allemagne et en France. Déjà utilisé en 1948 par Eugen
Fischer Baling, le terme « politologie » a été lancé en 1954 par le professeur Gert
von Einern (dans le premier numéro de la Zeitschrift für Politik). En France, la même
année, un critique littéraire, André Thérive, avait lui-même « mis politologue sur les
fonts baptismaux ». Il existait une autre solution à ces deux termes, qui consistait à
recourir au grec et au latin pour donner politologie14. Cette expression se serait
imposée n’eût été le rôle croissant des prévisionnistes et leur excès de prévisions qui
l’ont dévalorisé. De nos jours, le mot « politologue » désigne souvent des experts
intervenant sur les plateaux de télévision ou de journaux télévisés pour décrypter,
analyser les résultats des élections, les causes des guerres ou des révolutions. Or, la
science politique est plus que cela. Elle aide à imaginer les chemins de l’avenir, mais
elle ne peut pas, et ne doit pas, dire lesquels des chemins emprunter15. Le terme
politologie a pourtant été adopté dans nombre de pays pour sa consonance
scientifique.

9
La production de la connaissance scientifique est communicable, c’est-à-dire établie dans des normes telles
que l’ensemble de la communauté scientifique puisse en prendre connaissance et l’évaluer.
10
En ce qui concerne la dénomination, les questions suivantes se posent : Comment choisir une dénomination
concise qui ne prête pas à confusions et qui évoque l’existence, ou au moins la recherche d’un système
d’ensemble logique et articulé ? Comment nommer la discipline (science politique, sciences politiques,
politologie, politique, science du politique ?), De quoi est-elle faite et pourquoi l’appeler science politique ?
Comment choisir un terme pour désigner les hommes de science qui s’adonnent à l'étude de la
politique ? Doit-on les appeler politologues, politistes (il faut noter que politiste désigne un individu qui se
spécialise dans l'étude des sciences politiques. Il n'est pas un moraliste ou un philosophe, mais un analyste qui
cherche à rendre plus claire la chose publique), politiques, spécialiste de politologie (étude des faits,
politiques), politiciens ? (ce vocable vise les hommes d’action engagés dans la vie publique à divers échelons).
11
Cf. Jean Baudouin, Introduction à la science politique, p. 3.
12
Le terme «statistique » désignait par le passé, pour le langage scientifique, ce qui a trait à l’Etat. La
e
statistique était définie au XIX siècle comme « le recueil des faits auxquels donne lieu l’agglomération des
hommes en société politique ». Toutefois, l’usage courant du mot « statistique » lui a donné un sens différent :
status au sens de situation a pris le dessus sur status au sens d’Etat. C’est ainsi que la statistique n’envisage,
dans son sens actuel, que ce qui est chiffrable (cf. Sébastien Lath Yédoh, Introduction à la science politique,
éditions abc, 2014, p. 14).
13
Le terme de « statologie » a été proposé par La Bigne de Villeneuve de l’Ecole française de droit du Caire à
travers son ouvrage une science sociale nouvelle, la statologie, son caractère, son objet.
14
Science de la polis, donc science de la cité, des affaires publiques et de la politique.
15
Les économistes ont perdu du crédit à force d’erreurs de prévision.

7
Pour montrer la scientificité d’une discipline, il faut un terrain bien délimité où les
politologues ont le monopole. A ce sujet, Yves Schemeil (Introduction à la science
politique, objets, méthodes, résultats, Presse de science po, Dalloz, 2010) affirme
qu’une « discipline nouvelle s’impose quand ceux qui l’ont conçue lui attribuent un
domaine et refusent désormais de le partager avec d’autres savants » (il s’agit de la
question du monopole).

Cela renvoie à l’objet et la nature de la science politique. Dans la tentative de


délimitation de l’objet de la science politique, deux conceptions s’opposent
traditionnellement. D’un côté, la conception qui fait de la science politique une
science du pouvoir et de l’autre celle qui fait de la science politique une science de
l’État.

L’objet de la science politique récente est le thème de nombreux débats. Pour l’école
américaine, l’objet d’étude est la nature du pouvoir. Par science du pouvoir, il
convient d’entendre, d’après l’Américain William Robson, « la nature, les
fondements, l’exercice, les objectifs et les effets du pouvoir dans la société »16.

Face à cette approche américaine qui considère la science politique comme l’étude
des rapports inégalitaires d’autorité, d’influence, de domination (autrement, étude du
pouvoir), des juristes européens ont réagi. Ils définissent la science politique comme
« l’étude de l’État, de ses objectifs, des institutions qui permettent de les réaliser, des
relations de l’État avec les individus membres et les autres États, et aussi de ce que
les hommes ont pensé, écrit et dit sur ces questions ». On note qu’une tendance
lourde à la monopolisation de la contrainte légitime au profit de l’État et des
institutions placées sous son contrôle oriente la science politique dans une approche
statologique (Philippe BRAUD)17.

16
« La science politique a pour objet l’étude du pouvoir dans toutes ses formes ou manifestations. En d’autres
termes, elle étudie les rapports inégalitaires d’autorité, d’influence, de domination et de gouvernement
existant dans la société globale. Ainsi, selon le politologue Nord-américain Robert Dahl, [un système politique
est une trame persistante de rapports humains qui implique une mesure significative de pouvoir, de
domination, d’autorité]. Dans cette approche, l’Etat apparaît comme l’une des manifestations du pouvoir.
Cette conception est plus extensive que la précédente et domine à l’heure actuelle l’ensemble des recherches
en science politique. Elle a pour point de départ l’idée selon laquelle le pouvoir est une caractéristique
essentielle de tout groupe humain. Cela dans la mesure où le phénomène d’autorité est consubstantiel à toutes
les formes d’organisation sociale, politique, économique, religieuse » (Cf. Sébastien Lath Yédoh, Introduction
générale à la science politique, éditions abc, 2014, p. 22). Cette approche extensive axée sur le phénomène du
pouvoir connaît des limites.
En se basant sur l’universalité du phénomène de pouvoir, la science politique cours le risque de se voir
attribuer un objet plus social que politique. Dans cette approche extensive, il n’est pas facile de démêler le
politique du social vu que, tout pouvoir, toute relation inégalitaire et contraignante n’est pas forcement
politique (Cf. Sébastien Lath Yédoh, Introduction générale à la science politique, éditions abc, 2014, p. 23). Jean-
William Lapierre (Analyse des systèmes politiques, 1973) souligne à ce sujet : « le pouvoir n’est pas un concept
spécifiquement politique, mais comme le droit, un fait social, qui apparaît partout où il y a un groupement
humain (ibid.). Par extension de son objet, la science politique pourrait perdre de vue la spécificité du politique
et croiser des objets traditionnels de la sociologie générale (Sociologie de la famille, de l’école…)…Il est utile de
recentrer l’étude des manifestations du pouvoir dans la sphère politique. Dans ces conditions, la science
politique est amenée à insérer les phénomènes d’autorité, de domination, d’influence, dans la logique de
l’exercice des fonctions étatiques ; ce qui aboutirait à établir un lien avec l’approche dite statologique (Cf.
Sébastien Lath Yédoh, Introduction générale à la science politique, éditions abc, 2014, p. 24).
17
Une tendance classique et historiquement plus ancienne envisage la science politique comme la science de
l’Etat. C’est en considérant l’Etat comme objet d’étude de la science politique que La Bigne de Villeneuve a

8
La science politique amène à nous interroger sur les phénomènes politiques. C’est
une discipline qui a pour objet l’ensemble des phénomènes politiques où d’autres
acteurs ont un avis (à donner, à émettre). Il n’y a donc pas de « chasse gardée ».
Plusieurs regards sont possibles : nous avons le point de vue des hommes
politiques, qui vise à l’action politique ; celui des étudiants en sciences politiques,
dont le but est de produire une connaissance impartiale et un point de vue objectif.
On parle dans ce cas de neutralité axiologique (axiologie : théorie des valeurs
morales). A partir de cette pluralité de points de vue, on peut dire que la science
politique est une discipline scientifique qui, grâce à sa neutralité axiologique, permet
une approche complète des phénomènes politiques.

Après avoir essayé de définir le terme de science, nous allons à présent voir celui du
mot politique. Une certaine approche définitionnelle semble recueillir l’assentiment de
la doctrine majoritaire qui met l’accent sur le vocable « politique » dans la définition
de la science politique. La difficulté de définition de la science politique réside dans
les contresens et contrastes du vocable « politique », posant de réelles difficultés au
niveau de sa compréhension, sa signification et ses interprétations. En évoquant le
mot « politique », on peut avoir en tête différentes interprétations de la valeur de
l’activité politique : La politique au quotidien (comment négocier avec ses proches
pour leur imposer ses propres préférences en matière de loisir, de logement, de
prénoms des enfants, etc.) ; la politique professionnelle qui est un ensemble de
mesures prises par les pouvoirs publics (les politiques publiques, par exemple la
politique de la ville) ; la société politique toute entière (la communauté politique) ;
l’espace public qui donne de la visibilité à cet ensemble (les lieux où l’on discute en
public des affaires communes et où se forme une opinion publique) : assemblées,
parlements et agoras. Dans l’analyse d’inspiration marxiste la notion « politique »
désigne les processus par lesquels la coexistence d’un ensemble d’individus donné
aux intérêts originairement contradictoires est rendue possible. L’État, l’organe jouant
cette fonction, est compris comme un construit social. Il dépend de l’état des rapports
de force à un moment donné. Toute modification de ces rapports est susceptible
d’entraîner sa transformation18.

La politique demeure une activité sociale à des niveaux distincts. Bien qu’ils aient
des points communs, ils ont des particularités. On comprend mieux ce qui les
rapproche/similitudes et ce qui les sépare/divergences après avoir énoncé la

proposé le terme de « statologie » pour désigner la jeune discipline. Cette approche est fortement influencée
par la conception juridique traditionnelle de l’Etat souverain professée par Jean Bodin (De la République, 1576)
e
à la fin du XVI siècle. Marcel Prélot et Georges Davy soulignent également que l’objet de la science politique
17
est la connaissance des phénomènes liés à l’Etat : la connaissance « de tout l’Etat » . Cette approche
statologique connait aussi des insuffisances et des limites.
« La conception statologique est une approche quasi mythique et formaliste de l’Etat. Par son caractère trop
restrictif et ethnocentriste, cette conception statologique privilégie une approche juridique et institutionnelle.
Ce qui réduit l’étude des phénomènes politiques à la réalité étatique ; alors même que l’Etat n’a pas toujours
existé. Même dans les sociétés occidentales, l’Etat est une forme d’organisation sociale récente et
contingente ». (Sébastien Lath Yédoh, Introduction générale à la science politique, éditions abc, 2014, pp. 20-
21). Pour Jean Bodin, l’approche statologique suscite des réserves : deux approches doctrinales de la science
politique s’opposent. La première est vague et difficile à délimiter, la seconde est restrictive et ne recouvre pas
tous les problèmes politiques.
18
Cf. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire 2003-2004, Licence de
Sociologie, 1ere année).

9
diversité sémantique du mot « politique ». Dès lors, on est en mesure de
s’interroger : qu’est-ce que la politique, et pourquoi entend-on parfois parler aussi du
politique/le politique, de la politique/la politique ou des politiques (en anglais, politics,
polity, policy) ? Chacune des réponses à ces questions entraînera une définition
possible de la science qui tente de les étudier, c’est-à-dire la science politique19.

L’étymologie grecque du terme « politique » est « polis » qui signifie la Cité, la vie de
la Cité, les affaires de la Cité, par extension, le cadre spatial de l’activité publique ou
l’activité politique. En dehors de ce sens classique, la notion de politique se
caractérise par son étonnante fluidité sémantique. Elle désigne des champs et des
types d’activités extrêmement variés : Dans les sociétés modernes, c’est le domaine
d’Action de l’État, l’organisation du pouvoir dans l’État, l’exercice du pouvoir, le lieu
des luttes pour accéder au pouvoir. Le terme politique définit également les activités
visant la réalisation d’une fin particulière conforme aux normes d’action sociale : Cela
concerne tant les actions des hommes politiques pour conquérir et exercer le pouvoir
que celles déployées par une marque pour rehausser son prestige auprès des
consommateurs, par un syndicat pour accroître son audience auprès des salariés.

Le vocable « politique » renvoie aux mesures qui visent un certain objectif,


« l’ensemble de solutions cohérentes apportées à un problème dans un domaine
donné: La notion « politique » recouvre ici les activités mises délibérément en œuvre
par les pouvoirs publics pour faire face à des faits ou des comportements qui
deviennent sources de problème et qui, par conséquent, suscitent des inquiétudes et
des angoisses chez les membres de la collectivité. Elle se rapporte au processus de
maintien de la cohésion sociale » (exemple: la politique agricole, la politique sociale,
la politique de la ville, la politique de la famille, la politique de l’éducation, la politique
de l’emploi, la politique de la justice, etc.). Il s’agit ici de l’usage masculin (le
politique) de la notion politique, renvoyant au phénomène multiforme de régulation
des conflits d’intérêts. Selon cette dernière acception, la régulation des activités
humaines est la question politique centrale. Cette régulation s’opère par le biais d’un
ordre juridique caractérisé par un système d’injonctions obligatoires (agir,
s’abstenir….) faisant l’objet d’un travail de redéfinition permanent et garanti par l’État.
Cette activité spécifique constitue l’un des objets de la science politique.

En dépit des difficultés définitionnelles, on peut retenir une définition plus ou moins
acceptable de la science politique, fondée sur le vocable « politique ». Une grande
majorité d’auteurs définissent la science politique en se fondant sur le terme
« politique ». Ainsi, pour Philippe Braud, l’usage du terme politique « permet
d’approcher de manière plus compréhensive l’objet de la science politique. On peut
en effet désigner sous ce terme un champ social de contradictions et d’agrégations
d’intérêts (ou d’aspirations), régulé par un pouvoir détenteur de la coercition
légitime »20.

Jean-Marie Denquin, définit la science politique comme « la science de l’univers


politique »21. Cette définition qui présente la science politique comme « la science de
l’univers politique » est certes sommaire et même problématique, mais la simplicité
19
Cf. Yves Schemeil, Introduction à la science politique, objets, méthodes, résultats, Presse de science po,
Dalloz, 2010, p. 33.
20
Philippe Braud, La science politique, Que sais-je, Puf, Paris, 2001, p. 7 et s.
21
Jean-Marie Denquin, Science politique, Puf, Paris, 1992.

10
de sa formulation lui confère une certaine élasticité ou flexibilité. Cela, dans la
mesure où elle n’ignore pas le débat sur l’objet de la science politique22.

Comme on peut le constater, le terme « politique » est polysémique. Après avoir


énoncé la diversité sémantique du mot « politique », voyons à présent la variabilité
de ses approches définitionnelles.

- La science est « l’étude de la façon dont les hommes conçoivent ou utilisent


les institutions qui régissent leur vie en commun, les idées et la volonté qui les
animent, pour assurer la régularité sociale » (Madeleine Grawitz, Méthodes
des Sciences Sociales, 2001).

- La science politique « peut être définie comme, l’explication des faits et gestes
professionnels engagés dans cette activité et enfin l’étude de la manière dont
ce déploiement d’activité affecte les acteurs sociaux » (Bernard Lacroix, Traité
de science politique, « Ordre politique et ordre social », 1985).

- « La science politique est la science qui se propose d’étudier des relations


d’autorité et d’obéissance et leurs effets sur le comportement des hommes
pour en dégager une explication cohérente et intelligible de la structure et du
dynamisme des sociétés politiques » (Georges Burdeau, Méthode de la
science politique, Dalloz, Paris, 1959, p. 50).

L’objectif général du présent cours est d’initier les étudiants à la science politique,
particulièrement aux grandes théories, à la compréhension des systèmes politiques
et de ses évolutions contemporaines (transmettre une connaissance générale sur la
science politique).

Les objectifs spécifiques sont les suivants :

1. Rendre accessibles les principaux problèmes épistémologiques23 et


méthodologiques de cette discipline.

2. Transmettre des connaissances aux étudiants sur l’explication politique (les


approches du pouvoir politique, notamment l’approche compréhensive et
l’approche explicative), le cadre institutionnel d’expression politique (l’État, la
souveraineté, la Constitution, les forces politiques) et les pratiques de
participation politique, particulièrement l’analyse du comportement politique et
le phénomène de l’abstentionnisme. Les paradigmes ou modèles d’explication
des comportements électoraux qui font école, notamment les déterminants du
22
Cf. Sébastien Lath Yédoh, Introduction générale à la science politique, éditions abc, 2014, p. 18.
23
L’épistémologie peut se définir comme l’étude critique des sciences considérant la formation et les
conditions de la connaissance scientifique. Elle a pour objet d’étude la science selon une démarche analytique
et réflexive. Elle se penche aussi sur les procédures et méthodes arrêtées par les scientifiques. Traiter de la
méthodologie de la recherche et d’enquête c’est nécessairement aborder des questions épistémologiques (la
méthodologie de la science constitue une branche de l’épistémologie). Elle propose quatre (4) champs
délimités d’analyse et de réflexion : (1) La nature et la structure des concepts et des théories scientifiques,
appelée parfois la syntaxe des théories ; (2) L’objet, la portée et la signification des concepts et des théories
scientifiques, ce que, de manière analogue, on appelle la sémantique des théories ; (3) La méthode
scientifique ; (4) Les limites et la valeur de l’entreprise scientifique.

11
vote, les facteurs du vote (les facteurs influençant le comportement électoral
tels que l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, le sexe, le milieu rural, urbain,
etc.) seront présentés. Les traditions d’explication de la participation électorale
se résument ainsi : (1) les explications sociologiques ou « le modèle
sociologique », (2) l'explication politique, (3) la théorie de l'électeur rationnel.

3. Apporter une aide aux étudiants, en vue de fonder certains aspects de leurs
recherches futures (rédaction de mémoires et travaux individuels) dans cette
discipline par une sensibilisation à la démarche et une initiation aux
(principales) techniques de recherche employées : les matériaux théoriques et
conceptuels.

Ce tour d’horizon des principales théories et concepts de la science politique


(sociologie politique, sociologie électorale, etc.) est d’amener les étudiants à acquérir
des connaissances, car pour analyser les causes des phénomènes sociaux, il faut
disposer de méthodes théoriques.

La science politique, bien que portée sur ses fonds baptismaux par diverses
disciplines, s’impose progressivement comme une discipline autonome,
particulièrement à travers la conduite de la recherche. Dans cette posture, le
politologue est animé du désir d’imprimer dans sa démarche les bases et la rigueur
de la méthode expérimentale. A cet effet, il s’inspire des expériences et des acquis
méthodologiques des disciplines connexes telles que l’histoire, la sociologie et
l’ethnologie, etc. (sciences sociales). La politologie n’a pas de méthodes propres à
elle. La science politique emprunte à la sociologie générale les princeps de sa
méthode et ses techniques. Son tableau de techniques est traversé par la même
opposition élémentaire, quasi physique, entre l’exploitation des documents et
l’exploitation des faits - celle-ci étant, à son tour, subdivisée par la séparation
épistémologique de l’observation, l’explication et la généralisation.

Le cours est subdivisé en trois parties. Après un chapitre introductif présentant la


science politique (son histoire, la définition de la science politique, les éléments
caractéristiques des disciplines scientifiques, l’objet de la science politique, etc.). La
première partie porte sur les approches du pouvoir politique24. La seconde partie
insiste sur le cadre institutionnel d’expression du politique, notamment l’émergence
de l’Etat moderne, la souveraineté, la constitution et les partis politiques. La troisième
partie se focalise sur les modes de participation politique.

I- Les approches du pouvoir politique

Ce point s’attèlera à montrer les différentes formes d’approches du pouvoir politique.


Elles sont de deux types : l’approche compréhensive (ou la compréhension) et
l’approche explicative qui, elle, s’appuie également sur des méthodes d’explication
telles que la méthode comparative, la méthode structuraliste, la méthode systémique,
la méthode fonctionnaliste, etc.

24
En sciences sociales, il existe plusieurs approches du pouvoir (l’approche explicative et l’approche
compréhensive) et plusieurs méthodes d’explication (la méthode comparative, la méthode structuraliste, la
méthode systémique, la méthode fonctionnaliste, etc.).

12
A- L’approche compréhensive ou la compréhension

L’approche compréhensive met l’accent sur la compréhension du sens donné aux


phénomènes et pratiques sociales (exemple : le choix électoral, le terrorisme, les
conflits violents, le mode de consommation, etc.). Max Weber (1869-1942) privilégie
une démarche de compréhension, qui consiste à découvrir le sens que les humains
donnent aux choses, la signification qu’ils accordent à leurs actions. Selon lui, il ne
suffit pas de connaître, il faut comprendre, pénétrer les phénomènes pour être
ensuite capable de les expliquer. Mais pour Max Weber, la compréhension était une
faculté rigoureusement intellectuelle, tandis que l’on y amalgame de nos jours une
part d’intuition et presque d’affectivité. Le réel est plus dans les situations que dans
les institutions, et la réalité d’une situation juridique demande à être vécue par une
existence personnelle, par une expérience existentielle, beaucoup plus qu’à être
observée du dehors. Observer du dehors les paysans du centre de la Côte d’Ivoire,
par exemple, serait se condamner à les observer plus ou moins en citadin, et
l’objectivité prétendue se solde en fait par une déformation. « Si- sous le faux
prétexte de l’objectivité- on veut observer une institution… en lui demeurant
extérieur, on risque de laisser échapper des observations essentielles »25. Mieux
vaut les pénétrer du dedans, en partageant leur existence quotidienne, quitte, à
partager leurs sentiments, leurs préjugés. Il s’agit ici de l’enquête participante 26 ou
enquête sympathique, où le chercheur essaie de s’incorporer au milieu qu’il veut
observer, en épouse les modes de vivre, de penser et de sentir. La fin de l’enquête
devrait être suivie d’une remise en ordre des impressions. Pour cette thèse de la
sociologie contemporaine, une subjectivité délibérée est loin d’être une entrave à la
découverte de la vérité. Bien au contraire, c’est un meilleur moyen pour y atteindre.
Contrairement à Max Weber, Talcott Parsons demande au sociologue une attitude
de Detached Concern, une « distanciation », qui est moins catégorique que
l’exigence d’objectivité d’Emile Durkheim.

La démarche méthodologique telle que l’enquête qualitative qui correspond tout


particulièrement à l’idéal épistémologique wébérien ne vise pas à mesurer ni à
quantifier les phénomènes. Il s’agit plutôt de comprendre les motivations, les
perceptions des individus, ce qui les fait vivre et agir de telle ou telle manière.
L’enquête qualitative est indiquée pour l’analyse du sens que les acteurs donnent à
leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de
valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations des situations, leurs lectures de
leurs propres expériences. Elle est également indiquée pour l’analyse d’un problème
précis (étude de cas) et la reconstitution d’un processus d’action, d’expérience ou
d’éventements passés.

25
Duvignaud, Introduction à la sociologie, 1966, p. 99.
26
Il semble que l’enquête participante soit venue de l’ethnologie. Pour atteindre à ce qu’a de plus spirituel le
droit d’une ethnie primitive, rien ne serait plus profitable au chercheur que de se faire préalablement adopter
par cette ethnie (adopter au sens juridique du terme, car beaucoup de ces sociétés connaissent des rites de
parenté artificielle). Toutefois, certains ethnologues ne sont pas partisans d’une telle démarche : ainsi Griaule
soutenait que la tribu dans laquelle l’ethnographe chercherait à s’introduire serait mise en défiance, tandis
qu’elle répugnerait moins à pratiquer ses coutumes en présence d’étrangers avérés, précisément parce que
ceux-ci lui paraîtraient, comme tels, incapables d’en pénétrer véritablement les secrets (cf. Roger Bastide, AS,
ème
1968, 297, cité dans Jean Carbonnier, Sociologie juridique, Presses Universitaires de France, 1978, 2 édition,
ème
Quadrige, 2004, 2 édition, Quadrige et Puf, 2008).

13
Max Weber est un sociologue allemand. Il applique la démarche scientifique de la
sociologie. Pour lui, il faut comprendre et expliquer (interprétation de l’activité
sociale). Il est à l’origine du concept « idéal-type », un ensemble de traits significatifs
( abstraction). L’idéal-type tend à saisir que l’aspect qualitatif de la réalité. Ce n’est
pas une moyenne de données quantitatives, mais l’accentuation de traits qualitatifs.
Il est l’auteur de L’étique protestante et l’esprit du capitalisme (1905) où il met en
relation la confession et une forme d’économie. Il s’agit en fait de l’image de l’éthique
protestante, de l’image de l’esprit du capitalisme. Il aboutit à une correspondance
entre les traits (l’importance du travail, de la réussite individuelle, etc.). Il a aussi écrit
L’économie et société (1922), Le savant et la politique (1919).

B- L’approche explicative ou l’explication

En sciences sociales, l’explication qui précède la généralisation, constitue l’étape


décisive de la démarche expérimentale. Elle est la démonstration d’une réponse
apportée aux questions du pourquoi et du comment. La réponse à la question du
pourquoi revient à mettre en évidence la causalité du phénomène ; celle du comment
consiste à déterminer la multiplicité des facteurs influant sur le phénomène.
L’explication est difficile à appliquer en sciences sociales à cause de l’extrême
complexité, la globalité et la mutabilité de la réalité sociale ; de la fragmentation des
sciences sociales (qui ne permet pas de rendre compte du caractère hétérogène des
phénomènes sociaux et de leur enchevêtrement, de la pluralité des méthodes
d’explication couramment utilisées, particulièrement la méthode comparative, la
méthode structuraliste, la méthode systémique, la méthode fonctionnaliste, etc.).
L’explication politique s’inspire de deux types d’approche classiques en sciences
sociales. Le premier type prend la société dans son entièreté comme point de départ
de l’analyse. Dans cette perspective, la société est appréhendée comme un système
organique dans lequel chaque individu ou groupe joue un rôle précis. Le but supposé
de ce rôle consiste à assurer le maintien du système. La socialisation est le
mécanisme par lequel chacun obtient les éléments normatifs de son rôle et les
intègre dans sa personnalité propre. Les comportements, de même que les
jugements les plus personnels de l’individu, sont tenus pour de simples modes de
manifestations tangibles des normes incorporées. Dans ce type d’approche, l’unité
des rapports des individus les uns avec les autres, reposant fondamentalement sur la
dépendance mutuelle de même que sur le contrôle que les individus s’exercent
réciproquement, est une donnée immédiate du système. Cette démarche dite
déterministe qu’on retrouve chez Emile Durkheim27 est utilisée dans un certain

27
Emile Durkheim (1858-1917) et Max Weber sont deux fondateurs de la sociologie. Ils ont essayé de donner
un statut proprement scientifique aux sciences humaines. Durkheim est un sociologue français, premier
professeur et fondateur de la sociologie moderne. Il essaie d’imiter les sciences naturelles, il est le principal
représentant de l’approche explicative, fonctionnaliste.
L’analyse fonctionnaliste d’Emile Durkheim a mis l’accent sur la division du travail social (cf. De la division du
travail social, 1893). Elle compare aussi les fonctions sociales aux fonctions biologiques. Se poser la question
« quelle est la fonction de la division du travail », c’est chercher à comprendre à quel besoin elle correspond. Et
la réponse à cette question est la suivante : le besoin de solidarité dans une société qui se développe et se
complexifie. Il faut distinguer la solidarité mécanique (qui est interne et basée sur la ressemblance, les sociétés
archaïques, répressif). Cette solidarité s’oppose à la solidarité organique (qui elle est externe. Elle est basée sur
l’interdépendance, les sociétés modernes. Elle est moins répressive) (cf. Emile Durkheim, Les règles de la
méthode sociologique, 1895). Dans cette œuvre fondatrice, Emile Durkheim énonce les règles capables de
donner une vocation scientifique à la sociologie (la démarche scientifique en sociologie) :
1) il faut poser le principe de l’existence des faits sociaux (règles de jeu de la société,  volonté individuelle) ;

14
nombre de courants sociologiques, tels le marxisme28, le systémisme29 et le
fonctionnalisme30, pour expliquer les comportements et les faits politiques.
Le deuxième type d’approche part bien contraire de l’individu, considéré comme un
acteur autonome poursuivant ses objectifs personnels eu égard à sa logique propre
ou de ses intérêts privés. Dans ces approches, l’activité spécifique de chaque
individu est vue comme le résultat du calcul rationnel. Le système social est compris
comme le produit aléatoire des transactions sociales privées de principe d’unité en
soi. Par conséquent, le sens de l’action sociale est-il déduit des logiques
individuelles, lesquelles sont variables selon le rapport coût/avantage. Cette
approche est inspirée par la sociologie Max Weber et est mise en œuvre dans les
analyses de type interactionniste et constructiviste 31.

Face aux difficultés d’explication des phénomènes sociaux, le chercheur peut tirer
profit d’un certain nombre d’approches du pouvoir politique comme par exemple
l’approche marxiste, l’approche élitiste, l’approche pluraliste, l’approche dite
« globalisante » (le structuralisme, le systémisme, le fonctionnalisme).

1. L’approche marxiste

Dans l’analyse marxiste, les besoins primaires (ou les besoins vitaux) comme
manger, dormir, se reproduire, se protéger et les besoins secondaires tels que les
loisirs, le luxe, le confort, le savoir, le prestige, la reconnaissance, etc. sont
considérés comme le motif fondamental de l’action individuelle. L’existence de ces
besoins chez l’individu inclut la tendance naturelle de les satisfaire. Il en découle
l’engagement de celui-ci dans des rapports de production qui renferment la
possibilité de leur satisfaction. Les intérêts des uns et des autres au sein de ses
rapports sont déterminés selon leur apport spécifique (capital ou force de travail).
Ces divergences d’intérêts impliquent un système d’affrontements et de luttes de
classes. Dans ces conditions, l’unité des rapports que l’interaction sociale implique
ne peut être produite que par une force extérieure : l’État traduit dans une
superstructure juridique et politique32. L’État a donc une fonction essentiellement de
coercition. Son rôle fondamental consiste à contenir les forces sociales susceptibles
de mettre en cause la stabilité des rapports de production, à les tenir en échec.

2) il faut considérer les faits sociaux comme des choses ;


3) il faut s’écarter des prénotions et des valeurs, s’affranchir de toute référence à des idéologies ou à des
passions. C’est dire que le chercheur est amené à construire l’objet de recherche en formulant une définition
préalable.
28
Idéologie communiste professée par Karl Marx.
29
Méthode d’analyse basée sur l’analyse par le système.
30
Doctrine qui met l’accent sur la fonction plutôt que sur l’apparence. Emile Durkheim est le principal
représentant de l’approche explicative fonctionnaliste.
31
Cf. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire 2003-2004, Licence de
Sociologie, 1ere année.
32
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires,
indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement
déterminé de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la
structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique et
politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production
de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général » (Marx, De la
contribution à la critique de l’économie politique, cité par Dominique Chagnollaud, Science Politique, Paris,
Dalloz, 2002, p. 8, 4e édition.)

15
L’analyse marxiste s’articule sur deux postulats : la séparation des individus d’avec
l’État et l’identité des intérêts de la classe dominante avec ceux de l’État.

a) La séparation des individus d’avec l’État

Karl Marx33 montre qu’il n’existe aucun lien interne qui rattache les individus à l’État.
C’est la liaison extérieure avec la superstructure juridique et politique qui légitime la
domination de celui-ci sur ceux-là. L’État est ainsi perçu comme une simple forme
ajoutée à la dynamique des forces productives pour garantir leur unité et leur
universalité. Alors, intérêts privés et forme étatique se contredisent, ceux-là sont
déterminés selon les classes, et donc contingents, celui-ci est transcendant et
universel.

b) L’identité des intérêts de la classe dominante avec ceux de l’État

« Marx établit un lien entre le développement de l’industrie, l’intensification de


l’échange des produits à l’échelle mondiale vers la fin du XVe siècle et la construction
de l’État moderne. Il montre comment le niveau atteint par le capitalisme à cette
époque nécessite la liberté et l’égalité des droits. Il s’agit de libérer les travailleurs
des entraves corporatives et le commerce des privilèges féodaux, de garantir les
chances égales pour les concurrents bourgeois, d’assurer la sécurité juridique des
échanges et de la propriété privée. Ces impératifs économiques constituent, selon
lui, les contours des prérogatives fondamentales de l’État moderne. Il en résulte
immédiatement l’identité des intérêts capitalistes et les intérêts de l’État.
Marx insiste sur le fait que la traduction des intérêts de la classe politique dominante
dans l’État demeure quelque chose de purement formel. Alors, la contradiction entre
intérêts de classe et forme étatique persiste. Car si ces intérêts s’étaient
effectivement élevés au rang de l’universel, c’est-à-dire rendus conformes aux
aspirations ou aux besoins de tous les individus ou groupes qui composent la
société, le recours à un système de coercition pour assurer le maintien de l’ordre
social (le statu quo) serait non seulement superflu mais encore absurde ; et cela,
dans la mesure où ces derniers se plieraient spontanément à cet ordre dans lequel
leur volonté particulière est pleinement restituée.
Selon lui, les modes de rapports de production antérieurs et actuels (esclavagisme,
féodalisme et capitalisme) contiennent une contradiction qui se traduit dans
l’affirmation du caractère absolu aussi bien des intérêts de classe que des intérêts de
l’État. Or les intérêts ne peuvent être pensés universellement qu’en perdant leur
caractère de classe, c’est-à-dire en se généralisant. L’universalité de l’État n’est
véritablement affirmative que dans la suppression des classes elles-mêmes ainsi que
de leurs intérêts particuliers. Ce qui implique immédiatement l’abolition de l’État dont
l’existence n’était justifiée, jusque-là, qu’en tant que possibilité de coexistence

33
Karl Marx (1813-1883) est un philosophe et révolutionnaire allemand. Il a créé le concept de mode de
production. Ce concept tend à rendre compte matériellement des processus par lesquels les groupes sociaux
produisent leurs moyens d’existence. A travers le matérialisme, il essaie d’appliquer ses idées et changer le
cours de l’histoire. Le matérialisme renvoie aux forces productives (matières premières, machines et hommes)
et au rapport de productions (homme-homme, homme-nature), ce qui contribue à l’émergence des classes
sociales : la bourgeoisie et le prolétariat. Ces deux classes sont à la fois liées et antagonistes. L’objectif est la
concentration du pouvoir. Ses ouvrages sont les suivants : le Manifeste du parti communiste (1848), la Critique
de l’économie politique (1859), Le Capital (1867).

16
pacifique et tranquille de classes aux intérêts antagoniques. Cette configuration
sociale dans laquelle les individus ou groupes et leurs intérêts sont indifférenciés se
rapporte au communisme. C’est en ce sens que ce mode de production est tenu pour
la fin de l’histoire, car selon Marx « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est
l’histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron
et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en
opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue tantôt secrète, tantôt
ouverte et qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de toute
société, soit par la ruine commune des classes en lutte »34
Le maintien des intérêts de classe s’oppose immédiatement à l’universalité effective
de l’État. Alors, les injonctions juridiques et les normes institutionnelles garantissant
leur intégration s’anéantissent comme principes universels. C’est ce qui se passe
dans les modes de production antérieurs et actuels. Dans le communisme, la
généralisation des intérêts et la collectivisation des moyens de production suppriment
aussi bien la notion d’intérêts de classes que celle de l’État. Le communisme est
ainsi posé comme possibilité de [l’association libre et égale des producteurs]35. Les
individus ou groupes sont ainsi unis par un mode interne, la volonté qui se traduit
dans l’acceptation mutuelle. Il en résulte la tendance chez l’individu à respecter
spontanément les règles de cette société fraternelle : [Le travail, au lieu d’être un
fardeau, sera une joie] déclare Engels. Tout appareil de coercition est devenu
inutile36.
S’inspirant de l’analyse marxiste, certains auteurs, comme Gramsci et Althusser, ont
cherché à cerner les mécanismes de contrôle étatique dans le capitalisme. Le
premier a mis en évidence le rôle de l’idéologie dans l’établissement et le maintien
des valeurs de la classe dominante et de son pouvoir. Le second a fait état de
l’articulation des « Appareils Idéologiques d’État »37 et l’« appareil répressif d’État
»38 dans le processus de légitimation et de maintien des rapports de production
établis. La notion de violence symbolique développée par Bourdieu rejoint ce cadre
d’analyse. Cette notion désigne les efforts déployés par les dominants pour poser
leurs propres conduites et leurs manières de vivre particulières comme universelles,
et donc à disqualifier celles des dominés. La critique politique implicite consiste dans
le fait de considérer l’État comme le support de cette entreprise ».
Karl Marx (1813-1883) est un philosophe et révolutionnaire allemand. Il a créé le
concept de mode de production. Ce concept tend à rendre compte matériellement
des processus par lesquels les groupes sociaux produisent leurs moyens
d’existence. A travers le matérialisme, il essaie d’appliquer ses idées et changer le
cours de l’histoire. Le matérialisme renvoie aux forces productives (matières
premières, machines et hommes) et au rapport de productions (homme-homme,
homme-nature), ce qui contribue à l’émergence des classes sociales : la bourgeoisie
et le prolétariat. Ces deux classes sont à la fois liées et antagonistes. L’objectif est la
concentration du pouvoir. Ses ouvrages sont les suivants : le Manifeste du parti
communiste (1848), la Critique de l’économie politique (1859), Le Capital (1867).

34
Cf. Karl Marx, Le Manifeste du Parti communiste, Paris, Union Générale d’Éditions, 1984, p. 19, coll. 10/18.
35
Engels cité par Roger-Gérard Schwartzenberg, Sociologie politique, Montchrestien, 1998, p. 57, 5ème édition.
36
Cf. Roger-Gérard Schwartzenberg, Sociologie politique, Montchrestien, Op.cit., pp. 56-57.
37
Les Appareils Idéologiques d’État (AIE) sont constitués par les églises, les écoles, la famille, le droit, les
médias.
38
L’Appareil Répressif d’État (ARE) sont constitués par l’armée, la police, la bureaucratie.

17
2. Les approches dites « globalisantes »

L’approche globalisante est caractérisée par la volonté délibérée de voir la société


comme un tout (différente de la somme des partis) et par le principe d’unité interne
qui explique le tout. Le structuralisme, le systémisme et le fonctionnalisme font partie
de cette approche.

a) Le structuralisme

Le structuralisme renvoie à la recherche à partir des structures. Les auteurs majeurs


de cette tradition intellectuelle sont Alfred Radcliffe-Brown (1881-1955) et Claude
Lévi-Strauss (1908-2009).

- Alfred Radcliffe-Brown

Radcliffe-Brown (1881-1955) est un anthropologue et ethnologue anglais,


structuraliste (et fonctionnaliste). Il développe une théorie structuro-fonctionnaliste du
social (en se positionnant dans l’héritage d’Emile Durkheim) qui s’opposera au
fonctionnalisme de Bronislaw Malinoswski. Ces œuvres sont les suivantes : Structure
and Function in primitive society (1952) et A natural science of society (1957). Selon
lui, la structure renvoie à un arrangement de personnes qui ont entre elles des
relations institutionnellement contrôlées ou définies, telles que le roi et son sujet.

- Claude Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss est un anthropologue et ethnologue français, structuraliste (et


fonctionnaliste). Auteur de Tristes Tropiques (1955) et Anthropologie structurale
(1958), il est l’une des figures fondatrices du structuralisme à partir des années 1950
en développant une méthodologie propre, l’anthropologie structurale, à travers
laquelle il a renouvelé en profondeur l’ethnologie et l’anthropologie en leur appliquant
les principes holistes issus de la linguistique, des mathématiques et des sciences
naturelles. Il s’efforce non seulement de décrire les relations d’interdépendance, mais
aussi de les comprendre, saisir le principe d’unité qui les explique. La nature qui
renvoie à la culture (le rapport de parenté par exemple) et l’importance de la
communication (le code, la règle d’action) deviennent des objets privilégiés de
l’analyse.

b) Le systémisme ou l’analyse systémique

L’analyse systémique conserve l’idée selon laquelle la société serait le produit des
interactions entre des individus cherchant la satisfaction de leurs besoins personnels.
Mais ici la notion politique39 désigne le processus de répartition des ressources et
des avantages entre ces derniers. Ce processus se matérialise dans des décisions

39
« Dans l’analyse d’inspiration marxiste, la notion politique désigne les processus par lesquels la coexistence
d’un ensemble d’individus donné aux intérêts originairement contradictoires est rendue possible. L’État, qui est
l’organe jouant cette fonction, est compris comme un construit social. Il dépend de l’état des rapports de force
à un moment donné. Toute modification de ces rapports est susceptible d’entraîner sa transformation » (Louis-
Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire 2003-2004, Licence de Sociologie, 1ere
année).

18
qui font autorité. Dans ces conditions, la politique désigne l’ensemble d’activités
visant à influencer ces décisions. Ces activités se présentent comme un système40,
dans la mesure où elles sont cohérentes, selon la finalité. En outre, elles mettent en
scène des groupes d’acteurs ayant des rôles distincts et placés en situation
d’interdépendance dans la société globale. Toutes activités qui ne poursuivent pas
immédiatement ces fins sont ainsi écartées du champ politique.

Le systémisme trouve son origine dans les travaux de Ludwig von Bertalanffy en
Biologie. Von Bertalanffy est un biologiste allemand, auteur de la Théorie générale
des systèmes (1956). Il met en exergue les échanges cellule-environnement et
système-environnement. L’autre précurseur du systémisme se nomme Norbert
Wiener, un savant américain, adepte de la Cybernétique 41. Il est l’auteur de Control
and Communication in the animal and the machine (1948). Dans son ouvrage, il
développe un ensemble de théories relatives aux communications et à la régulation
dans l’être vivant et dans la machine. Selon lui, un système réagit à l’environnement
et peut se réguler. Les autres auteurs majeurs de cette approche sont David Easton
et Karl Deutsch.

- David Easton

Il est l’auteur de Systems Analysis of Political Life (1965) et Analyse du système


politique (1974). Les questions essentielles qu’il se pose sont les suivantes :
Comment des systèmes politiques réussissent-ils à persister dans un monde où
règnent à la fois la stabilité et le changement (il s’agit ici du rapport permanence -
changement, processus dynamique, systémique) ? Comment le système maintient-il
son équilibre ? Quelle est la nature des influences de l’environnement sur le
système ? Comment ces influences sont-elles communiquées au système ?

David Easton construit un modèle d’analyse dans lequel les interactions du système
et son environnement sont représentées sous la forme d’un circuit cybernétique
fermé. Dans ce modèle, le système politique est considéré comme un lieu obscur et
sombre qu’on ne peut comprendre, dont on ne peut entièrement saisir le sens, qui
échappe à l’entendement. L’intérieur du système représente une boîte noire, d’où
son appellation de « boîte noire ». Cependant, le système dans son environnement
est un système ouvert. Pour l’auteur, la seule réalité qui peut être connue dans ces
processus est celle qui se donne à observer uniquement dans les transactions
multiformes entre le système et son environnement. Dans ce cas, la finalité de
l’analyse politique consiste à connaître les mécanismes de ces transactions. Il s’agit
d’appréhender les types d’influences que l’environnement exerce sur le système et la
façon dont ces influences sont communiquées à celui-ci. Les modes d’adaptation du
système sont pour l’analyse un moment très important. Les indicateurs de l’analyse
sont soustraits des quatre problèmes spécifiques à un système politique donné. Ils
sont rangés en deux groupes distincts : les inputs et les outputs.

40
Selon Ludwig von Bertalanffy, le système est un ensemble d’éléments se trouvant en interaction. David
Easton définit le Système (politique) comme l’ensemble des interactions par lesquelles s’effectue l’allocation
autoritaire des valeurs. Pour Roger-Gérard Schwartzenberg, le système politique est l’ensemble des
interactions politiques constatées dans une société.
41
La science des machines automatiques.

19
Les inputs sont constitués par les messages ou les impulsions que le système reçoit
de l’environnement. Il s’agit des exigences et des soutiens. Les exigences relèvent
des attentes ou des demandes sociales liées, par exemple, aux droits de l’homme
(les revendications de plus de salaire à SITARAIL). Dans ce cas, l’analyse consiste à
déterminer la nature de ces exigences et leur mode de traitement. De nombreuses
exigences entraînent une surcharge quantitative ou qualitative (stress).
Les soutiens sont toutes les attitudes favorables au système, soit à la communauté
politique, au régime (c’est-à-dire la liberté d’opinion), soit aux autorités. Il s’agit ici de
la régulation structurale ou culturelle (socialisation), cela entraîne la réduction
quantitative ou qualitative (stress). En d’autres termes, ce sont les manifestations
publiques d’adhésion à l’action gouvernementale, soit à l’attachement des citoyens
aux règles de fonctionnement du système politique. La socialisation politique,
l’intégration culturelle, la grammaire politique (l’univers de sens, le fait linguistique)
commencent à être des objets privilégiés de l’analyse.

Les ouputs sont le résultat de la réaction du système à l’expression des exigences et


aux offres de soutiens. Ils prennent particulièrement la forme de décisions et
d’actions matérialisées dans les politiques publiques. Le but supposé de ces outputs
est de satisfaire les demandes et de renforcer les soutiens nécessaires au maintien
du système politique. Pour l’analyse, il s’agit d’observer la nature de la réaction du
système en rapport avec la satisfaction, la relance, le déplacement ou le
renforcement des exigences. Il en est de même pour les soutiens. Le système
produit un effet qui revient comme influence extérieure (amplificatrice ou réductrice).
C’est ce qu’on appelle rétroaction ou feedback ou encore autorégulation. Pour David
Easton, tout système, à travers des décisions et actions, tend vers l’équilibre (lorsque
le système est stable, il y a un changement dans le système, lorsqu’il y a une
instabilité, il faut changer le système). La rétroaction signifie que les décisions et
actions du système résulte de nouvelles exigences et soutiens. La rétroaction est un
processus circulaire d’essais, d’erreurs et de corrections. Elle comprend quatre
éléments essentiels : l’information qui représente le poids ; la rétroaction qui
représente le retard de la réponse (il faut que le délai de réaction soit juste) ; la
correction qui correspond au Gain et le temps-but qui est le Décalage (c’est-à-dire
anticiper sur des nouveaux problèmes). Les deux premiers éléments sont essentiels
pour atteindre le but. Quant à la relation positive, elle est possible grâce au
quatrième élément.

Cette démarche méthodologique considère le système politique comme un lieu de


circulation d’informations, qui consiste à l’envoi de signes et de messages au
système par les citoyens. Le rôle des gouvernants du système est de les interpréter,
de les sélectionner, de les traiter, de les convertir en décisions et en actions
publiques.

Cette approche s’implante dans le cadre de la théorie générale des systèmes. Selon
cette théorie, tout système comporte en soi sa propre finalité : son maintien ou sa
propre reproduction. Dans ce cas, l’analyse se borne à étudier les conditions de son
adaptation à son environnement porteur d’élément de déséquilibre et de
perturbation. Dans cette adaptation, les décisions et les actions publiques
apparaissent comme des éléments déterminés qu’on peut comparer à d’autres,
comme une marchandise contre laquelle on peut en troquer une autre, à savoir les
soutiens. Le système politique comme puissance dispensatrice des ressources et

20
des avantages tient un marché avec des produits appelés exigence et soutiens qui
sont en vente contre d’autres produits, décisions et actions. Le droit en constitue le
tarif.

Cette analyse rencontre l’adhésion d’un certain nombre de chercheurs en sciences


politiques par sa clarté, sa simplicité et son caractère opérationnel. Le classement
des éléments du système selon leur fonction offre des critères de jugement
essentiellement solides. Cependant, l’exagération de la tendance supposée du
système à la survie restreint, dans le même temps, le champ d’investigation puisque
tout est ramené à cette interrogation fondamentale. Tout ce qui ne contribue pas à
cet impératif fonctionnel est écarté du champ politique42.

- Karl Deutsch

Karl Deutsch (1912-1992) est professeur d’université, politologue et sociologue


américain, il a écrit, entre autres, The Nerves of Government (1963). Pour lui,
gouverner, c’est piloter, guider à partir d’informations concernant le passé, le présent,
le but, c’est-à-dire l’intention, l’objectif. Comme le système a un but, il ne cherche pas
seulement à maintenir son équilibre, mais il faut recevoir des informations sur la
position du but, la distance qui l’en sépare et les changements intervenus dans cette
distance, mais être aussi capable de réagir. C’est l’un des auteurs majeurs du
systémisme, c’est-à-dire l’importance accordée à l’analyse des interactions entre
acteurs plutôt qu’aux acteurs eux-mêmes. On lui dénombre 4 caractéristiques
principales : son behavioralisme ; son approche scientifique systématique ; sa
méthode comparative et la polyvalence des sujets traités. Il postule « l’unicité de la
démarche scientifique et l’unicité des sciences sociales » et fonde son approche du
comportement politique sur l’étude des attitudes et des comportements individuels
plus que sur les institutions ou sur la nature humaine guidée par la soif du pouvoir.
On peut citer deux autres influences majeures à Karl Deutsch : Tacott Parsons et
Norbert Wiener.

c) Le fonctionnalisme

L’analyse fonctionnaliste consiste à expliquer les phénomènes sociaux 43 par le rôle,


la tâche, la fonction qu’ils exercent dans l’ensemble social auquel ils appartiennent.
Ainsi, la détermination de la fonction sociale d’un phénomène permet d’expliquer le
phénomène en question par son rôle dans la perpétuation du système social.
L’analyse fonctionnaliste en sciences politiques est née dans un contexte général de
questionnements sur les problèmes posés par l’importation des modèles politiques
occidentaux dans le tiers monde.

Partant d’une conception plus large de la notion de fonction, l’analyse fonctionnaliste,


développée par Gabriel Almond44 et G. Bingham Powell dans Comparative Politics

42
Cf. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire 2003-2004, Licence de
Sociologie, 1ere année.
43
Ou expliquer un élément (parti, institution, etc.) à partir de la fonction. Le tout explique la partie.
44
Gabriel Almond (1911-2002) a développé des théories sur le développement politique et s’est consacré à
l’analyse fonctionnelle du politique. Il s’interroge sur l’universalité de la structure politique, l’universalité des
fonctions, c’est-à-dire les exigences fonctionnelles et les fonctions de tout système politique (s’agit-il d’une
démarche ethnocentrisme?). Il combine systémisme avec l’approche fonctionnel : (a) Capacités du s.

21
(analyse comparee des systemes politiques, 1966), s’efforce de définir d’autres
critères relatifs aux fonctions politiques dites de base et d’en étudier les rapports. La
nature de la question amène Almond et Powell à poser comme postulat l’existence
de fonctions politiques basiques, qui contribuent à assurer l’autoreproduction d’un
système politique et son adaptation à un environnement donné. Ces fonctions sont
ensuite tenues pour consubstantielles à tout système politique. L’analyse se limite à
identifier les structures qui les remplissent effectivement, selon l’environnement
social donné.
Quatre fonctions politiques de base sont ainsi répertoriées a priori : la capacité
extractive qui consiste dans l’aptitude du système à prélever et à mobiliser les
ressources financières et humaines nécessaires à la réalisation de son but ; la
capacité régulatrice (à travers les mécanismes de contrôle juridique et institutionnel)
des comportements et des échanges socio-économiques dans l’espace déterminé en
vue de désamorcer les conflits d’intérêts et les contestations sociales ; la capacité
distributive portant sur l’allocation des ressources, des avantages et des privilèges
aux citoyens pour renforcer leurs soutiens au système ; la capacité réactive ou
responsive concernant l’efficacité du système à cerner, voire à anticiper les
exigences en vue de prévenir les frustrations susceptibles de mettre en cause sa
survie.
L’analyse fonctionnaliste part des structures politiques occidentales comme modèles.
Les besoins de comparaison avec les structures politiques extra-occidentales la
conduit à forger d’autres notions permettant (revoir le sens de la phrase) de saisir la
spécificité de chaque structure particulière, en rapport avec la question fondamentale
: l’autoreproduction et l’adaptation du système politique. Il s’agit de « équivalents
fonctionnels » et « multifonctionnalité des structures ». « Équivalents fonctionnels »
désigne le fait qu’une même fonction peut être remplie par des structures différentes,
selon l’environnement. Par exemple, les fonctions de filtrage et de formulation des
exigences peuvent être remplies tant par les partis politiques que par des structures
syndicales, associatives ou religieuses. La « multifonctionnalité des structures »
indique le fait qu’une même structure peut remplir une multitude de fonctions qui,
ailleurs, sont prises en charge par des structures spécialisées45.

On distingue trois courants dans l’analyse fonctionnaliste :

- L’organicisme

Herbert Spencer et Emile Durkheim en sont les précurseurs. Herbert spencer (1820-
1902) établit un parallèle entre l’organisation des organismes vivants et celle des
sociétés humaines (principe of sociology, 1877-1896). La société est conçue comme
un « organisme social », qui obéit à une évolution caractérisée par le passage de
l’homogène à l’hétérogène, par un processus de diversification organique et de

(régulatrice, extractive, distributive, „responsive“) ; (b) Fonctions de conversion (input  output et output 
input) ; (c) Maintien et adaptation du s. (recrutement politique, socialisation politique).
- Multifonctionnalité de la structure politique: une institution entraîne plus de fonctions, et plus d’institutions
entraînent une fonction.
45
Par exemple, la présidence de la république en Haïti s’occupe de toute une série de questions comme
l’alphabétisation, l’élaboration et la mise en œuvre de projets de développement ou d’aides sociales ;
domaines qui, en Europe et même en Afrique, relèvent de la compétence d’autres structures institutionnelles,
particulièrement des ministères (cf. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire
2003-2004, Licence de Sociologie, 1ere année).

22
spécialisation fonctionnelle : des organes de plus en plus spécifiques et
interdépendants46.

- Le fonctionnalisme absolu

Bronislaw Malinowski (1884-1942) pose le postulat selon lequel si les conditions


nécessaires d’existence (contrairement à Durkheim qui parle de besoins) ne sont pas
satisfaites, la société, à l’instar de l’organisme humain, pourrait disparaître. Les
sanctions sociales ou encore la religion sont nécessaires afin d’assurer la pérennité
de la société. Bronislaw Malinowski utilise le concept de vie sociale, considérée
comme l’ensemble du fonctionnement du système social47. Pour l’ethnologue,
chaque objet matériel, chaque institution, chaque trait culturel apporte une
contribution nécessaire à l’ensemble (le faire „fonctionner“) et répond à un besoin. Le
fonctionnalisme absolu renvoie à l’unité fonctionnelle de la société, au
fonctionnalisme universel et à la nécessité fonctionnelle.

- Le fonctionnalisme relativisé ou néo-fonctionnalisme

Le fonctionnalisme relativisé ou néo-fonctionnalisme de Robert King Merton (1910-


2003) a pour point de départ la critique méthodique, mais constructive de l’approche
de Malinowski. Pour lui, la société est différente d’un organisme. Tout élément social
n’a pas une fonction et n’est pas indispensable. Il parle d’exigences fonctionnelles
plutôt que de besoins. Il développe de nouvelles notions telles que le dysfonctionnel
(élément qui gêne l’adaptation du système), opposé au fonctionnel (élément qui
contribue à l’adaptation ou à l’ajustement du système) ; l’équivalent fonctionnel (un
élément qui peut exercer la même activité à côté d’un autre élément ou à sa place,
(c’est-à-dire l’articulation des intérêts des professeurs, est la même chose que fait un
groupe de pression) ; la fonction manifeste (conséquences comprises et voulues),
s’oppose à la fonction latente (conséquences non voulues et comprises,
involontaires et inconscientes). Ce qui veut dire que le caviar ou la cherté est
synonyme de qualité (fonction manifeste). La cherté équivaut à un statut social élevé
(fonction latente).

L’apport de Robert Merton, Sociologue américain, réside principalement dans trois


séries de concepts. D’abord le concept d’équivalents fonctionnels : « de même qu’un
seul élément peut avoir plusieurs fonctions, de même une seule fonction peut être
remplie par des éléments interchangeables » ; il en va ainsi de l’action d’un parti
politique et celle d’un groupe de pression. Ensuite, le concept de dysfonctions : « les
fonctions sont, parmi les conséquences observées, celles qui contribuent à
l’adaptation ou l’ajustement du système (…) ; les dysfonctions sont celles qui gênent
l’adaptation ou l’ajustement du système ». Enfin, la distinction entre fonctions
manifestes et fonctions latentes48.

Ces différentes approches présentées ci-dessus mettent l’accent sur les processus
sociaux globaux. L’analyse consiste essentiellement à découvrir les lois générales
qui leur sont inhérentes. Ce qui laisse peu de place à la liberté des acteurs en
46
Cf. Sébastien Lath Yédoh, Introduction à la science politique, éditions abc, 2014, p. 81.
47
Ibid., p. 82.
48
Ibid., p. 82.

23
présence. Les individus concrets et leurs logiques particulières sont négligés ou
même ignorés. En réaction contre cette prétention de découvrir des lois régissant la
réalité sociale, se sont construits les courants constructivistes et interactionnistes.

3) L’approche constructiviste ou le constructivisme

Le constructivisme est un courant de pensée qui met en cause la validité du discours


scientifique. La science prétend révéler l’enchaînement des phénomènes (ou lois
générales) dans le monde sensible, qui est tenu pour positif, en ce sens qu’il existe
indépendamment de l’observation du chercheur. Dans ces cas, les concepts,
produits de la raison, ne peuvent renfermer que la possibilité de cet enchaînement.
L’existence de ceci ne peut être révéler que par l’observation. Les approches dites
« globalisantes » s’inscrivent dans cette conception scientifique. Dans ces
approches, l’interrogation fondamentale est celle de la détermination des
comportements et des pratiques politiques.
Les tenants du courant constructiviste tiennent la connaissance du réel pour
impossible. Selon eux, le discours scientifique ne se rapporte qu’à la réalité qu’il
fabrique. En d’autres termes, la vérité de ce discours ne repose sur aucune
pénétration de la nature des objets d’études. Par conséquent, ce n’est aucunement
la nécessité de l’enchaînement réel des faits qui valide le discours. L’assimilation des
représentations socialement construites avec des réalités fait toute l’autorité de ce
discours. Peter Berger et Thomas Luckmann vont jusqu’à voir la structure sociale
comme la somme des typifications et des modèles répétitifs qui consistent dans des
catégories par lesquelles on pense le monde49. Ils décrivent les processus par
lesquels les représentations deviennent des réalités. D’abord, les individus accordent
un sens aux objets de leur interaction. Le sens devient par tradition évident pour
tous. Il s’agit de la phase dite de « typification ». Ces auteurs insistent sur le fait que
cette « typification » n’est pas corrélative à la réalité concrète, mais est corrélative à
la sensibilité, aux impressions, lesquelles sont elles-mêmes conditionnées
immédiatement par la situation d’interaction. Cette « typification » aboutit, ensuite,
aux représentations sociales qu’ils appellent « institutions ». Ces institutions
n’existent que dans les catégories descriptives (peuples, États, nations, familles,
écoles, entreprises) et dans les valeurs de référence (liberté, égalité, légalité). Ces
catégories ou notions se rapportent non pas immédiatement à des faits réels mais à
des représentations (« institutions ») qui, enfin, sont vécues comme des réalités par
les individus. Ainsi, le critère de l’existence des faits sociaux est la subjectivité
individuelle. Le principe d’explication de ces faits ne renvoie qu’à ce qui avait été
accepté dans les croyances. Les concepts de vérité, d’objectivité n’ont point de sens,
vu que la connaissance des faits étudiés est tenue pour impossible. Les objets ne
nous sont pas du tout connus en eux-mêmes, et ce que nous appelons objets
extérieurs sont perçus à travers de simples représentations.
Sur le plan politique, l’interrogation fondamentale consiste non pas dans les
comportements collectifs dont les raisons réelles sont censées être impénétrables
mais dans l’apparition d’un langage (un univers de représentations) qui détermine la
politisation des faits et des problèmes. Il s’agit d’analyser plus exactement les
contextes d’interaction qui rendent possible cette apparition. Dans ce cas, l’existence
positive de lois générales qui détermineraient a priori le fonctionnement social est

49
Cf. Peter Berger Thomas Luckmann, La Construction sociale de la Réalité, Masson/Armand Colin, Paris, 1996,
2ème édition.

24
ignorée. L’interactionnisme va aller jusqu’au bout de cette logique, en renfermant
immédiatement le social (entendu comme système de contraintes) dans l’individu50.

4) L’approche interactionniste ou l’interactionnisme

L’interactionnisme tient les contraintes structurelles pour des effets des calculs
rationnels qui conduisent l’individu à adopter des comportements, à assumer des
rôles sociaux dans la poursuite de ce qui lui est utile. Dans l’ordre d’enchaînement
des faits sociaux, ce sont les intentions des acteurs, leurs calculs et leurs stratégies
qui sont tenus pour déterminants. Le principe de l’action ne réside pas dans les
normes sociales ou juridiques incorporées ou connues des acteurs, mais consiste
simplement en une règle qui (dans la poursuite de l’utilité donnée) impose à l’individu
de maximiser ses gains en raison directe de ses fins particulières. Le critère de la
rationalité des acteurs est l’efficacité. Il ne s’agit pas du tout d’un principe constitutif
du politique, destiné à étendre la rationalité au-delà des intérêts privés, mais d’un
principe qui fait poursuivre et étendre l’utilité le plus loin possible, et d’après lequel
aucune norme positive ne doit avoir la valeur d’une limite absolue. Donc, c’est un
principe qui postule comme règle ce qui est utile pour l’individu et n’anticipe pas ce
qui est donné dans le vivre ensemble antérieurement à l’action particulière de
l’acteur.

L’interactionnisme ne peut penser les phénomènes sociaux collectifs que comme des
« effets émergents », conçus comme le produit d’actes individuels. Selon Raymond
Boudon (1934-2013), ces actes, échappant à la maîtrise de leurs auteurs, peuvent
engendrer « des effets pervers », c’est-à-dire des effets émergents qui ne sont
voulus par personne, mais dont on peut redouter les conséquences. Par exemple,
une crise sanitaire, économique, politique, etc., peut être facteur de pénurie, laquelle
peut inciter des personnes à faire des provisions. Ces comportements s’expliquent
non pas dans les circonstances extérieures (hausses de prix anticipées, crises
annoncées, ruptures de stock, mauvaises gestions, déclarations politiques
hasardeuses) mais dans les mesures de précaution prises spontanément et
souverainement par les acteurs individuels. Dans la régression qui consiste à
remonter des faits à expliquer (la situation de pénurie ou de panique) aux facteurs
explicatifs, l’interactionnisme s’arrête au moment des décisions individuelles. Une
partie de l’enchaînement est méthodiquement occultée.
L’explication interactionniste présume l’inconditionnalité de l’acteur, état qui permet à
celui-ci de décider ou de choisir en toute liberté. Michel Crozier et Erhard Friedberg51
définissent cet état en dehors des contraintes structurelles et des processus sociaux
globaux signifiés par les normes sociales, les normes juridiques et institutionnelles.
La liberté de l’acteur s’affirme dans les zones d’ombres, dans les marges de non-
droit, dans les interstices du contrôle social, qui est semblable aux contours de sa
marge d’initiative. Les limites de la démarche des individus sont posées non pas
dans les nécessités du vivre ensemble, mais dans les zones d’incertitudes
(incapacités d’accumuler et de traiter l’ensemble des informations utiles, difficultés
d’identifier exactement les intérêts des autres partenaires d’interaction et d’anticiper
leurs capacités de résistance ou d’influence. Toute prédiction des résultats des
actions individuelles est rendue impossible).
50
Cf. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire 2003-2004, Licence de
Sociologie, 1ere année.
51
Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’acteur et le système (1977).

25
L’interactionnisme s’inspire de la sociologie wébérienne. Pour Max Weber la relation
sociale consiste dans « le comportement de plusieurs individus, en tant que, par son
contenu significatif, celui des uns se règle sur celui des autres et s’oriente en
conséquence ». L’action collective est donc considérée comme le résultat de
comportements individuels orientés vers la réalisation des buts personnels
conformes à divers types de rationalité (rationnels en finalité et rationnels en valeur).
Dans cette approche, le lien politique qui rattache les individus les uns aux autres, la
régulation des conflits d’intérêts, ne sont perçus que comme des effets d’une
puissance supérieure dominante. La définition classique de l’État est déduite de cette
conception.52

5) L’approche élitiste

a) Gaetano Mosca

Gaetano Mosca est né le 1er avril 1858 à Palerme (Italie) et est mort le 8 novembre
1941. C’est un universitaire italien, juriste et sociologue, professeur de droit
constitutionnel. Il est l’auteur des Eléments de science politique (1896).
Il a développé la théorie de l’élitisme et celle de la classe politique. Il fait la distinction
entre dirigeants et dirigés. Sa formule politique est qu’une classe politique (ou classe
dirigeante) justifie son pouvoir en le fondant sur une croyance ou un sentiment qui
est, à une époque, généralement accepté (c’est-à-dire le droit divin dans la
monarchie). Les gens deviennent comme des objets. Pour lui, la croyance des gens
est aussi importante que les moyens matériels (il s’oppose en quelque sorte à Karl
Marx). Il a été influencé par Karl Marx et Vilfredo Pareto et ses idées se percevront
chez Robert Michels, Joseph Schumpeter, Seymour Martin Lipset et C. Wright Mills.

b) Vilfredo Pareto

Vilfredo Pareto (1848-1923) est un italien, sociologue et économiste. Il a écrit le


Traité de sociologie générale (1916). Pour lui, les actions humaines ne sont pas
toujours rationnelles. L’élite a une supériorité naturelle et psychologique. Il opère une
division naturelle entre l’élite et la masse, qui est basée sur un phénomène
psychologique mystérieux. La circulation des élites est également importante. Il est
traité de fasciste, parce qu’il fait l’apologie de la force.

c) C. Wright Mills

C. Wright Mills (1916-1962), aussi appelé « le Bourdieu » américain, met l’accent sur
la concentration du pouvoir. Pour lui, l’élite représente un « groupe de status » qui
s’oppose à la classe. Il identifie trois cercles, trois hiérarchies (le militaire, l’industriel
et le politique) dans lesquelles il y a une dynamique d’osmose. Il assiste à
l’émergence des oligarchies non-élues qui ne sont pas compatibles à la démocratie.
Il est l’auteur The Power Elite (1956).

52
Cf. cours de M. Louis-Naud Pierre, Introduction à la science politique, année universitaire 2003-2004, Licence
de Sociologie, 1ere année.

26
6) L’approche pluraliste

Elle met en exergue la pluralité des catégories dirigeantes. Celles-ci entrainent


l’équilibre des catégories et la pluralité des dirigeants (qui reflète l’image de la
pluralité de la société).

a) Robert Dahl

Robert Alan Dahl (1915-2014), politologue, professeur de science politique et ancien


président de l’American Political Science Association, observe la même société au
même moment que C. Wright Mills, mais aboutit à un résultat différent. Dans les
années 1960, il a participé à la controverse avec ce dernier sur la nature de la
politique aux États-Unis. Il met l’accent sur les ressources matérielles et
immatérielles. Il critique les théories marxistes et élitistes en leur reprochant entre
autres de confondre contrôle potentiel et contrôle effectif. Dans son œuvre majeure
Who Governs ? (Qui gouverne ?) paru en 1961, il étudie les structures formelles et
informelles du pouvoir dans la ville de New Haven, dans le Connecticut. Pour lui,
celui qui gouverne dépend du moment et de la décision. Le pouvoir varie aussi entre
les groupes différents (les élites politiques, économiques, administratives,
associatives, syndicales, etc.). Dahl s’affirme comme représentant de la démocratie
pluraliste et développe le concept de la « Polyarchie » ; le terme renvoie à la pluralité
des centres de décision autonomes. Sa pensée va toutefois connaître une évolution
au cours des années. Il accorde à partir de 1970 une plus grande place à la
participation politique et à la démocratie délibérative.

b) Raymond Aron

Raymond Aron (1905-1983) est un philosophe, sociologue, politologue, historien et


journaliste français. Il analyse les catégories du pouvoir autre que l’élite politique. Il
s’agit du spirituel et de l’intellectuel, des gestionnaires du travail (manager), les hauts
fonctionnaires et experts ; l’armée et police ; les meneurs de masses. Il fait la
distinction entre le régime démocratique (catégories séparées) et le régime totalitaire
(catégories fermées). Il développe le pluralisme des catégories dirigeantes, qui sont
en compétition. Les terminologies « classe sociale », « classe politique », « classe
dirigeante » (1960) ont été créées par lui.

Tableau n° 1 : Les auteurs et leurs apports dans les considérations théoriques,


dans le cheminement intellectuel

Année Nom Œuvre Idées principales


1513/ Machiavel Le Prince Analyse, observation,  doctrine politique
32 Leçon destinée au prince, arrivée au peuple
Raison d’Etat
1651 Hobbes Le Leviathan Contrat social, subordination au pouvoir
(absolu)
1690 Locke Traité sur Etat établi que par l’homme
l’entendement humain Propriété, égalité, liberté
Traité sur le contre l’église et ses opinions préfaites
gouvernement civil sdp: exé – leg
1748 Montesquieu l’esprit des lois lois = rapports nécessaires

27
Structuraliste Universel (théorie générale) - particulier
(appliquer la théorie)
sdp: exe - leg - jud, idéal: égalisation,
séparation, division de travail – coopération
1835/ Tocqueville De la démocratie en Démocratisation, processus irréversible
40 Structuraliste Amérique Structures intermédiaires
1856 L’ancien régime et la Tyrannie du roi  tyrannie du peuple
révolution Moment de réforme/révolution dangereux pour
société
1848 Marx Manifeste du parti Théorie de reflet (infrastructure -
Premier communiste suprastructure)  pas d’autonomie de la
1859 marxiste... Critique de l’économie politique
politique Mode de production  classes
1867 Le Capital Révolution s’approche automatiquement
1893 Durkheim La division du travail Division du travail  fonction de solidarité
Fonctionnaliste social Solidarité mécanique (sociétés archaïques) 
1895 Approche Règles de la méthode solidarité organique (s. modernes)
explicative sociologique Faits sociaux, qu’il faut traiter comme des
1897 Le Suicide choses
Lois entre faits sociaux
1895 Le Bon Psychologie des foules Sentiment de puissance dans les situations de
Béhavioriste masse
Société = moins que la somme des individus
1896 Mosca Eléments de science Dirigeants – dirigés : classe dirigeante
Elitiste politique Formule politique : Croyance des gens
1902 Lénine Que faire? Dépasser déterminisme économique
„Marxiste“ une élite doit „pousser l’histoire“
Elitiste
1905 Weber L’éthique protestante Protestantisme  capitalisme
Approche et l’esprit du Expliquer et interpréter l’activité sociale
1919 compréhensive capitalisme Rapports entre humains (groupes sociaux),
1922 Le savant et la regard sur l’ensemble
politique Ideaux-types = ens. de traits significatifs (i.e. i.
Economie et société de domination: traditionnelle, charismatique,
rationelle-légale)
1911 Michels Partis politiques: Essai Organisation  élites  divergence d’intérêts
Elitiste sur les tendances „Qui dit organisation dit tendance à l’oligarchie“
oligarchiques des (loi d’airain des organisations)
démocraties politique révolution , pol. démocratique 
1916 Pareto Traité de sociologie élite = supériorité naturelle, psychologique
Elitiste générale éloge de la force  fasciste?
circulation des élites importantes
1932 Piaget Le jugement moral Socialisation = insertion sociale (dans des
chez l’enfant groupes)
1936 Lasswell Politics: Who Gets Science politique = études des changements
Béhavioriste What, When, How? de la distribution des valeurs  influence
proche de Communication linéaire: Quoi, à qui, par quel
l’élitisme canal, avec quel effet?
1939 Dollard Agression, privation
Béhavioriste Grande privation  apathie
1944 Malinowski Une théorie Fonctionnalisme absolu: Chaque objet
Fonctionnaliste scientifique de la matériel, institution & trait de culture = fonction
culture nécessaire
1948 Wiener Controle and un système réagit à l’environnement et peut se

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Cybernétique Communication in the réguler
animal and in the
machine
1951 Duverger Les partis politiques Origine électorale ou origine extérieure
Elitiste Système bi- ou multipartisan ou parti dominant
1952 Radcliffe-Brown Structure and Function Structure = arrangement de personnes ayant
Structuraliste in primitive society entre elles des structures institutionnellement
1957 Fonctionnaliste A natural science of contrôlées ou définies
society
1944 Lazarsfeld Voting, a study of Influence limitée
Béhavioriste opinion formation in a Influence: a) conseil personnel, b) leader
presidential campaign d’opinion
Two steps flow of
communication
1950 Adorno La personnalité Personnalité autoritaire à gauche et à droite
Béhavioriste autoritaire
1954 Maslov Motivation and Hiérarchie des besoins: 1) survie; 2) sécurité
Béhavioriste personality physique & environnement qui semble sur; 3)
appartenance; 4) reconnaissance; 5)
accomplissement
1955 Lévi-Strauss Tristes tropiques Comprendre les relations d’interdépendance
1958 Structuraliste Anthropologie nature  culture
Fonctionnaliste structurale Importance de la communication
1956- Almond Political Development, 3 niveaux : capacités du système politique,
1968 Fonctionnaliste Essays in Heuristic fonctions de conversion, fonctions de maintien
1960 Systémiste Theory et d’adaptation du système
The Politics of Approche fonctionnaliste aux partis
Developing Areas
1956 Von Bertalanffy Théorie générale des Système = ensemble des éléments se trouvant
Systémiste systèmes en interaction
cellule - environnement  système –
environnement
1956 Mills The power elite Concentration: industrie - militaire - politique
Elitiste dynamique d’osmose
1960 Aron Classe sociale, classe Pluralisme des catégories dirigeantes:
Pluraliste dirigeante, classe spirituel, armée/police, manager, meneurs de
proche du politique masses, fonctionnaires
marxisme
1961 Dahl Who governs? Polyarchie, démocratie pluraliste
Pluraliste Pluralisme social  équilibre spontané
Béhavioriste
1961 Deutsch The Nerves of Gouverner = piloter; système a un but
Systémiste Government Information: poids info, retard réponse, gain
correction, décalage temps/but
1965 Olson The logic of collective Coût/bénéfice  normalement défection suffit
action: Biens publics et pour éviter une situation désagréable
théorie des groupes
1965 Easton A Systems Analysis of Système: ensemble des interactions par
Systémiste political life lesquelles s’effectue l’allocation autoritaire
1974 Analyse du système des valeurs
politique Exigences (stress), soutiens (stress) 
système politique  décisions, actions 
rétroaction
autorégulation: tout système tend vers

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l’équilibre
changement dans ou du système
Socialisation: stress
1965 Merton Eléments de théorie et Fonctionnalisme relative: dysfonctionnel (gêne
Fonctionnaliste de méthode le système à s’adapter), fonctions manifestes/
sociologique latentes, équivalent fonctionnel
Mobilité sociale, ascension
Partis
1966 Lapalombara et Political Parties and Organisation durable, organisation locale &
Weiner Political Development nationale, volonté pouvoir, recherche soutien
Fonctionnalistes populaire
Multipartisme intégral ou tempéré
1970 Hirschman Exit, voice & loyalty: Exit = éviter une situation désagréable
Responses to decline Voice = contester une situation désagréable
in firms, organizations parfois complémentaire (famille)
and states parfois contradictoire (TM: étudier en CH)
1972 Bourdieu Esquisse d’une théorie „Inconscience des classes“, reproduction des
Elitiste de la pratique classes
Marxiste „Violence symbolique“ intériorisé (i.e.
socialisation)
1978 Percheron Les 10-16 ans et la Socialisation datée, conflit, jamais que simple
politique accumulation des connaissances ou
apprentissage de comportement, 
reproduction identique
Héritage: oui, répr.: non, continuité: peut-être

Pour la suite de ce cours, voir l’ouvrage du Dr. Philippe KETOURE, Introduction à la


science politique, Etat ; parti politique ; mobilisation collective, année universitaire
2019-2020, Licence première année…

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