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Cette multiplicité est une force dans le sens où elle permet le croisement des
approches et visions, mais aussi c’est une faiblesse car cela rend difficile
l’identification de la science politique.
Qu’est ce qui fonde la spécificité de la sociologie politique ? La philosophie s’intéresse
aux principes politiques, le droit étudie l’importance des règles juridiques et
constitutionnelles. Quant à la sociologie politique elle tend à comprendre et expliquer les
phénomènes politiques tels qu’ils sont et non tels qu’ils devraient être.
Les études relatives à la démocratie démontrent le décalage qui existe entre l’idéal
démocratique et la réalité de la démocratie. Le rôle du politiste est de comprendre le
monde.
L’Etat n’est qu’une forme d’organisation du pouvoir. Max Weber définit le pouvoir comme «
toute opportunité de rendre une volonté souveraine au sein d’une relation sociale ».
Contrairement à la domination, le pouvoir ne signifie pas forcément la légitimité, dans la
mesure où il peut être exercé seulement avec la force.
Les relations du pouvoir existent à tous les niveaux de la société, et par conséquent la
question qui se pose est de savoir qu’est qui caractérise le pouvoir politique ?
- L’approche concrète :
Elle considère que le pouvoir est une chose qu’on peut acquérir ou perdre.
- L’approche institutionnelle
Définit le pouvoir par l’Etat et ses institutions, les gouvernants ici n’ont pas le pouvoir
définitif, sauf dans certains régimes. Dans les démocraties représentatives, le pouvoir s’exerce
comme étant délégué aux représentants du peuple. Les gouvernants disposent provisoirement
d’un pouvoir parmi d’autres. Dans les sociétés démocratiques on recense trois pouvoirs
fondamentaux qui fonctionnent comme des contre-pouvoirs (le pouvoir doit arrêter le pouvoir).
La séparation des pouvoirs est un principe de répartition des différentes fonctions de l’Etat.
Montesquieu distingue les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Dans le régime de séparation
des pouvoirs, tout pouvoir bénéficie d’une autonomie vis-à-vis de l’autre ainsi que des moyens
de contrôle réciproque.
Le concept pouvoir permet d’inclure le terme consentement, dans la mesure où les dominés doivent accepter la domination.
Pour Max Weber, la spécificité du pouvoir politique en comparaison avec d’autres formes de domination sociale, réside dans le
fait que la domination politique est obligatoire, contraignante envers l’ensemble des citoyens contrairement aux autres formes de
domination sociale.
L’Etat se réalise peu à peu à travers l’éloignement des clans et familles et aussi en exerçant des fonctions permanentes.
Au sein de l’Etat, il y a une rationalisation et spécialisation dans les fonctions (le processus de bureaucratisation). Au sein de la
scène politique, on trouve un principe de distinction entre les amateurs et les professionnels de la politique et ce depuis le 19 eme
siècle. L’homme politique contemporain vit pour et par la politique.
Il n’existe pas de société sans pouvoir, mais on trouve des sociétés sans Etat. L’absence d’un pouvoir concentré et une
machine administrative et juridique spécialisée permet de parler d’une société sans Etat dans plusieurs régimes politiques
africains avant la colonisation.
Les chefs des tribus indiennes américaines exercent un pouvoir politique mais non contraignant et non institutionnalisé. Ces
sociétés connaissent une stricte organisation interne et exercice de la contrainte, mais qui relève de la compétence de n’importe
quel homme majeur.
Il y a une tendance au sein de l’école anthropologique critiquant l’idée selon laquelle l’Etat organisé est l’objectif de toute
société, et par conséquent considère que les sociétés dits primitives sont basées sur l’évitement de l’apparition de l’Etat, et non
pas des sociétés qui n’ont pas découvert l’Etat. Pour ce courant, les sociétés considérées comme primitives refusent la distinction
économique et politique et prohibent les disparités sociales.
Les conditions d’existence d’une société sans pouvoir politique contraignant sont : la faiblesse numérique, l’isolement,
l’autogestion, la distribution équitable de la production…
Le terme légitimité désigne le caractère de toute domination qui se
veut adéquate aux valeurs dominantes dans une société. On distingue
légitimité et légalité. La légalité renvoie aux modalités légales d’exercice
du pouvoir.
Un pouvoir légitime suppose l’existence d’un consentement de la part
de ceux qui y sont soumis. Le concept de légitimité n’a de sens que dans
les régimes où les dirigeants gouvernent au nom des valeurs qui sont
celles de la société.
La légitimité est un processus, un résultat de l’action des gouvernants
mais aussi d’un état des rapports entre société et pouvoirs. La
légitimation d’un pouvoir politique renvoie à l’ensemble des processus qui
rendent l’exercice du pouvoir coercitif spécialisé tolérable sinon désirable,
voire une nécessité sociale.
Selon Max Weber, la légitimité est la condition même de la stabilité de l’ordre social et politique ; un
ordre qui serait fondé sur la crainte, l’utilité ou l’habitude serait trop fragile, il doit se baser sur le
consentement.
La légitimité traditionnelle :
Fondée sur la croyance quotidienne en la sainteté des traditions valables de tout temps et en la
légitimité de ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens. Elle se fonde sur le caractère
sacré de la tradition, la coutume, les règles issues du passé qui sont transmises de génération en
génération.
Elle caractérise la modernité politique et s’appuie sur le pouvoir d’un droit abstrait et
impersonnel, pensé comme devant guider l’ordre social et s’imposer à tous. Les
sociétés modernes sont soumises à un puissant processus de rationalisation : la
rationalité orientée vers les buts s’étend peu à peu à tous les domaines de la vie
intellectuelle et sociale, au détriment de la tradition.
Il s’agit d’une nécessité sociale. La légitimité n’est jamais donnée une fois pour toute, elle fait
l’objet d’un constant travail d’accréditation et de ressourcement. Les moments de crise politique
peuvent être l’occasion de nouvelles conceptions de légitimité, de redéfinir les valeurs et croyances
fondamentales.
La ritualisation du pouvoir désignent les pratiques à forte charge symbolique qui se présentent
sous forme de cérémonies qui cherchent, par la diffusion d’images et de représentations du pouvoir, à
réactiver et entretenir les fondements de la société politique ( voyages présidentiels, inaugurations
locales, commémorations…)
Pour La Boétie, le secret de toute domination est de faire participer les dominés à leur
domination. L’acceptation de l’ordre politique peut être obtenue par le recours à la violence
mais cela rend la légitimité du système politique fragile. Les dominants cherchent le plus
souvent à rendre les dominés complices et acteurs de leur propre domination.
Ici la socialisation politique joue un rôle crucial, il s’agit ainsi du processus d’intériorisation
des croyances fondatrices de l’ordre politique (la division des rôles politiques, l’acceptation de
la décision prise par la majorité dans les régimes démocratiques).
L’école apprend ainsi à respecter l’autorité et prépare les futurs citoyens à accepter les
règles du jeu électoral par l’éducation civique.
D’autre part le cynisme peut constituer une forme de résistance au pouvoir, historiquement
la résistance passive ou la fuite individuelle ont été souvent les seuls aménagements que les
dominés ont pu construire pour rendre supportable leur position.
La notion d’Etat renvoie souvent à l’idée d’une forte spécialisation des rôles du gouvernement
et à l’existence d’une bureaucratie.
Chez Carré de Malberg par exemple, l’Etat est constitué de trois éléments, à savoir un territoire,
un peuple et un gouvernement.
Maw Weber avance la définition suivante : « entreprise politique à caractère institutionnel dont
la direction administrative revendique avec succès, dans l’application des règlements, le monopole
de la contrainte physique légitime ».
A vrai dire, la notion d’Etat implique la maitrise d’un territoire , la mise en place d’une
bureaucratie, une laïcité minimale marquant la séparation de l’espace étatique de l’espace religieux.
Le concept d’Etat est le produit d’une nécessité historique comme en témoigne la
diversité des formes qu’il prendra d’un pays à un autre
L’Etat occidental moderne est le résultat de processus historiques et de
constructions sociales complexes où se combinent de nombreuses variables
Il est à signaler que ce qui définit l’Etat moderne est une série de monopoles qui
se sont imposés peu à peu et qui se sont heurtés à de nombreuses résistances
Au-delà de la diversité des émergences nationales de l’Etat, on peut dégager un
certain nombre de processus communs de centralisation, d’autonomisation du
pouvoir par rapport à la société et d’affirmation de son identité
L’Etat moderne émerge, conjointement à l’unification des territoires, à la fin du
moyen âge, lorsque la centralisation politique et le développement des monarchies
mettent un terme à la féodalité. Le besoin d’argent né des guerres a conduit à
développer la fiscalité et le système administratif qui rend possible le prélèvement de
l’impôt.
C’est entre 1100 et 1600 que les historiens situent la naissance de l’Etat moderne, une période
correspondant à la sortie de la féodalité qui marque une étape décisive dans la genèse de l’Etat.
En fait, l’Etat est la résultante de composition de la guerre que mènent les seigneurs les uns contre les
autres. Ainsi, la maison royale va peu à peu imposer un double monopole de la fiscalité et de la guerre et par
la même son autorité. Ici, la centralisation de l’impôt joue un rôle décisif.
Cette centralisation permet au roi de rétribuer ses fidèles en argent et non plus en terres, ce qui a pour
effet de stabiliser le territoire.
Il est donc assuré du soutien de deux groupes sociaux : la bourgeoisie marchande et la petite noblesse
des chevaliers.
Il est à signaler aussi qu’à la fin du moyen Age, on assistait à l’apparition d’un précapitalisme marchand,
l’Etat nait pour protéger les intérêts économiques des nouvelles élites bourgeoises qui en émergent.
Le développement de l’Etat doit beaucoup à la différenciation progressive qui s’est établie entre
la sphère politique et la sphère religieuse.
La séparation des pouvoirs temporels et spirituels produite par la doctrine chrétienne, légitime la
constitution d’un appareil politique spécifique.
L’Etat moderne emprunte des modèles culturels déjà existants, il reprend à l’église sa structure
bureaucratique et hiérarchisée, ses techniques de gouvernement.
C’est dans la pensée chrétienne qu’on trouve les premiers légistes qui codifient le pouvoir
monarchique, par la suite le mode de légitimation du pouvoir monarchique se laïcise
progressivement.
La genèse de l’Etat moderne est liée aussi à la notion de souveraineté, ce principe élaboré par
J.Bodin, qui distingue théoriquement l’Etat dont la souveraineté est absolue, indivisible et
impersonnelle et continue, et le gouvernement qui n’est qu’un agent de l’Etat.
Le pouvoir central s’est progressivement différencié, et a supprimé les pouvoirs concurrents,
disposant désormais de ressources propres et légitimité.
Il s’agit d’un parachèvement de l’Etat par la constitution d’un appareil politique, à travers le
phénomène de bureaucratie, qui n’est autre qu’une lente affirmation d’une légitimité légale rationnelle.
La nation est inséparable des phénomènes complexes d’identification collective à une langue, à des
origines et une histoire communes, à une culture, des référents, à un ennemi extérieur. La nation est une
construction toujours inachevée.
La centralisation du pouvoir autour du roi a favorisé l’adhésion à la patrie, encore renforcée lors
des guerres extérieures.
Au surplus, la forme de l’Etat Nation se renforce au vingtième siècle avec l’affirmation du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes et les processus complexes de nationalisation des sociétés.
Ernest Gellner considère que l’Etat participe à la réalisation de la nation, à travers la socialisation
des individus par la construction d’une identité collective nationale, ainsi que le développement de
politiques symboliques (drapeaux, hymnes, fêtes, mémoire nationale…).
Par ailleurs, une série de transformations sociales au 19 eme siècle contribue au renforcement du
sentiment d’appartenance, comme l’urbanisation, la scolarisation et le désenclavement des
campagnes.
Ainsi, la citoyenneté porteuse de droits et devoirs, un sentiment d’allégeance civique, une identité
de référence nationale qui se différencie des identités primaires (famille, territoire…), a contribué à la
consolidation de l’Etat Nation.
Il existe plusieurs définitions des régimes politiques, parmi lesquelles on trouve :
- Systèmes sociaux globaux qui intègrent la majorité des aspects de la vie sociale.
De manière générale on peut retenir la définition suivante : « l’ensemble des éléments d’ordre idéologique, institutionnel et
sociologique qui concourent à former le gouvernement d’un pays donné pendant une période déterminée ».
- Le principe de légitimité
- Le système de partis
Aristote distingue entre régime pur et régime dévoyé. Les régimes purs poursuivent
l’intérêt commun et ils sont fondés sur la justice. Tandis que les régimes dévoyés
poursuivent des intérêts particuliers, animés par l’égoïsme.
A ce critère il ajoute le nombre, en effet le gouvernement d’un seul peut être une
royauté (forme pure) ou une tyrannie (forme dévoyée). Tandis que le gouvernement de
plusieurs peut être une aristocratie (forme pure) ou une oligarchie (forme dévoyée). D’autre
part, le gouvernement de multitude peut être une démocratie modérée (forme pure) ou une
démagogie (forme dévoyée).
Pour Aristote, la démocratie est caractérisée par le gouvernement du grand
nombre, la naissance libre et la pauvreté. Alors que l’oligarchie est marquée par le
petit nombre, la naissance noble et la richesse.
Montesquieu effectue une distinction fondée sur opposition entre régime non
despotiques (républiques) et régimes despotiques (monarchie).
Actuellement la classification est fondée sur le degré de consensus exigé des gouvernés et le statut de
l’opposition :
Ainsi, les régimes pluralistes reconnaissent l’opposition tandis que les régimes autoritaires les prohibent. Les
premiers reconnaissent les conflits, organisent des élections libres, et il existe un consensus sur les règles du
conflit. Alors que les deuxièmes ne tolèrent pas le conflit et son expression.
Les régimes totalitaires se caractérisent par le culte du chef, l’élimination e toute forme de divergence, la
construction d’une société idéale, la terreur…
Ce concept est utilisé pour désigner les régimes non démocratiques où règnent
la violence, la répression et l’arbitraire. Il désigne les régimes populistes, les
dictatures, les tyrannies…etc.
Ce concept est jugé par certains auteurs comme étant trop large, fut formulé
pour des cas ambigus, ne faisant partie ni des catégories démocratiques (non
respect du pluralisme et usage de la force), ni de celles totalitaires (maintien du
clivage Etat et société).
Les régimes autoritaires sont davantage présents dans le monde que les
régimes démocratiques, on recense 90 Etats démocratiques sur 195 Etats
reconnus par l’ONU.
Généralement, les régimes autoritaires se caractérisent par le non respect des principes fondamentaux
de la démocratie, à savoir les libertés, les élections libres et transparentes, l’alternance, la légitimité
électorale…
La notion de régime autoritaire peut être attribuée à plusieurs expériences historiques : la concentration
du pouvoir au niveau des groupes armés qui ont combattu pour l’indépendance en Afrique dans les années
60, les régimes autoritaires d’Asie (Pakistan), les régimes communistes tolérant l’ouverture économique
mais refusant toute liberté politique (Chine), les régimes militaires de l’Amérique latine des années 70 et 80
…
Les régimes autoritaires se caractérisent ainsi par un pluralisme limité et non responsable à l’égard du
peuple, absence d’une idéologie directrice et absence d’une mobilisation continue. Les dirigeants de ces
régimes rejettent toute soumission à l’élection, ils manipulent les élections, interdisent l’expression de
désaccords et surtout établissent un pluralisme superficiel et ne reconnaissent pas la liberté d’expression et
d’opinion.
Ces régimes se fondent aussi sur la présence forte de l’armée et de la police politique
qui répriment l’opposition, ainsi que sur une propagande mais qui reste moins intensive par
rapport aux régimes totalitaires.
L’usage de la force
Plusieurs expériences historiques font partie du totalitarisme, dans le cas du fascisme italien les
oppositions semblaient être vaincues mais le fascisme n’a pas réussi à encadrer la société, cette
dernière a pu conserver une certaine autonomie, on parle ainsi e totalitarisme tendanciel en Italie.
Ces régimes ont des points de convergence, abstraction faite de leurs divergences
idéologiques, à savoir qu’ils dépassent le volet autoritaire, ils ne se contentent pas d’un simple
autoritarisme, qui interdirait les oppositions et renouvellerait les élites, ils proposent une
alternative au problème de l’intégration des masses au XXe siècle, instaurent un contrôle sur
toutes les manifestations de la société.
La notion de totalitarisme a suscité plusieurs controverses et critiques.
Le premier type de critique porte sur la comparaison, irrésistible, entre le nazisme et le stalinisme,
souvent apparentés dans un registre politique et polémique.
Autrement dit, le fait totalitaire n’a pas été étudié comme le résultat d’un processus social et
politique, mais souvent réduit à l’incarnation d’une idée.
Bernard Bruneteau établit les similitudes mais aussi les différences des régimes communistes et
nazis. Ils se rapprochent par un même exercice du pouvoir basé sur le parti unique, un appareil policier
et un ennemi commun, en l’occurrence le libéralisme politique. Ils rejettent toutes les expressions de
différence telles qu’elles s’expriment dans les démocraties libérales.
Les différences sont d’ordre idéologique ; le pouvoir communiste est plus bureaucratique que
charismatique, aussi la terreur est expansionniste en Allemagne tandis qu’elle est davantage
nationale en URSS.
Le deuxième type de critique a trait à la capacité des régimes totalitaires à dissoudre la société
civile. La domination idéologique ne fait pas disparaitre la résistance de la société /
Alain Blum et Martine Mespoulet regrettent que dans l’approche totalitaire, la société n’ait guère
de place dans l’analyse. Concernant le troisième Reich (l’Allemagne nazie) l’historien anglais Ian
Kershaw conteste l’atomisation de la société civile, premier des traits du totalitarisme. Son étude sur
la Bavière lui permet d’avancer qu’une opinion populaire demeure indépendamment de l’idéologie
nazie.
La société a pu s’appuyer sur les traditions pour s’opposer et exercer une résistance ponctuelle.
En somme, pour de nombreux historiens, le totalitarisme reste un concept clé dans l’étude et la
compréhension du XXe siècle, il est incontournable et insuffisant : incontournable pour la théorie
politique, et insuffisant pour l’historiographie qui s’intéresse à la concrétude des événements.