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GHASSAN LAMRRANI

On peut définir la science politique comme la science des faits politiques,


mais comment alors définir un fait politique ? La dimension politique d’un
fait est variable dans le temps et dans l’espace. Tout n’est pas politique
mais tout fait social est « politisable ». Les faits politiques ne sont pas
politiques par nature, il n’y a pas en somme de définition universelle du
politique.
Le politique au masculin, renvoie au champ dominé par des conflits
d’intérêts régulés par le pouvoir.
La politique est l’activité de ceux qui assurent les fonctions de
coordination des activités, de résolution des conflits, de hiérarchisation des
objectifs que requiert l’existence de la société. La politique renvoie ainsi à la
lutte pour la répartition du pouvoir. Le politique est ainsi l’objet de la
politique.
Lorsqu’on parle de « la politique », on désigne l’ensemble des activités, des interactions et des
relations sociales qui se développent et se structurent au sein de l’espace autonome de la lutte pour
la conquête et l’exercice du pouvoir.
Par politique, on peut entendre aussi la scène sur laquelle s’affrontent, sous les yeux des citoyens,
une série d’acteurs pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Dans ce sens, Philippe Braud définit la
scène politique comme « le lieu de compétition pacifique autour du pouvoir de monopoliser la
coercition, de dire le droit et d’en garantir l’effectivité dans l’ensemble de la société concernée ».
Une politique ou les politiques renvoient à des formes d’action finalisée et leurs moyens visant à
résoudre « un problème » ou à satisfaire « des demandes ».
La science politique est l’étude scientifique des faits considérés à un moment donné comme
politiques. Elle rassemble une communauté de chercheurs qui analysent les mécanismes de la
conquête, de l’exercice et de la conservation du pouvoir politique.
La science politique est spécifique dans la mesure où elle demeure une discipline très hétérogène.
La politique fut l’objet de réflexions depuis plusieurs siècles, et c’est à partir du 19 eme siècle
qu’elle émerge nettement. Elle est issue des sciences sociales et gagne son autonomie à la fin du
19 eme siècle.
Pendant plusieurs siècles la philosophie fut l’approche dominante dans l’analyse du politique,
dans ce sens Platon et Aristote accordent à la politique une place importante. Au sixième siècle
avant Jésus Christ apparaissent deux nouveautés : un régime politique nouveau à savoir la
démocratie et une nouvelle manière d’envisager la politique à travers la philosophie. Platon et
Aristote se posent la question du meilleur régime, pour le premier la philosophie doit se donner
pour objectif de définir la cité idéale et parfaite, quant au second, il cherche à étudier les régimes
de son époque et ceux qui l’ont précédé, les compare à fin de dégager la forme du meilleur régime.
Avec Machiavel (1469-1527), la politique commence à être pensée pour elle-même, ce dernier
définit dans « le prince » la politique comme la lutte pour le pouvoir. La politique selon lui est
« l’ensemble des moyens nécessaires pour accéder au pouvoir, pour s’y maintenir et pour en
utiliser de la manière la plus utile ». La religion n’est plus pensée que comme un moyen parmi
d’autres.
La philosophie politique renait et se développe au 17 eme siècle grâce aux pensées du contrat social. Ces
théories marquent une rupture avec les pensées sur le pouvoir, dominantes depuis le moyen âge. Le
principe de légitimité est renversé : ce n’est plus Dieu, mais les hommes qui deviennent la source de la
légitimité, le principe du consentement des individus au pouvoir devient central.
Cette orientation philosophique est contestée par la naissance des sciences sociales au 19 eme siècle, qui
se donnent pour objet l’étude scientifique de la société.
La philosophie politique est jugée par Emil Durkheim (père de la sociologie française), trop abstraite et trop
déconnectée des faits.
Auguste Compte invente le terme sociologie et l’entend comme une physique sociale, il cherche à
reprendre les principes et les méthodes des sciences de la nature pour les appliquer à l’étude de la société.
Pour Durkheim, la sociologie peut prétendre à l’objectivité et dégager les lois de fonctionnement social. Par
conséquent, la société est une entité autonome, ce ne sont pas les individus qui font la société, mais la
société qui fait les individus.
Durkheim invite à étudier les faits sociaux comme des choses, ce qui nécessite d’écarter le sens commun,
les préjugés, qui sont des obstacles à la bonne connaissance de la société. Le sociologue doit se mettre à
la place des acteurs mais il reste attaché à la neutralité axiologique.
La science politique a été une des dernières sciences sociales à apparaitre au 19 eme
siècle, cette émergence est le produit de plusieurs évolutions : la dissociation du politique et
du religieux, l’universalisation du suffrage et la démocratisation, la spécialisation de l’activité
politique.
Ce que l’on entend par science politique jusqu’en 1945 est un ensemble de savoirs
techniques orients vers un objectif précis : bien gérer l’Etat. C’est une science au service des
gouvernants marquée par le droit.
La donne change après 1945, la méthode des enquêtes d’opinion, construite au Etats Unis,
renouvelle l’approche des comportements politiques, ainsi se crée en France l’institut
d’études politiques en 1945, qui développe des recherches sur les élections et l’opinion.
Trois caractéristiques fondent la science politique comme science sociale : la neutralité
axiologique, l’ambition de systématisation, l’utilisation de méthodes rigoureuses et
spécifiques.
La science politique cherche à se prémunir des fausses évidences du sens commun. La
difficulté est que le politiste est surtout pris dans les réalités qu’il cherche à objectiver, il doit
donc objectiver son propre rapport à l’objet étudié.
La neutralité axiologique n’est jamais totale, la question du langage est cruciale, le
politiste ne peut utiliser sans précaution les mots employés par les acteurs politiques.
La science politique est l’étude scientifique des phénomènes politiques, la recherche de
la vérité est fondée sur un ensemble d’hypothèses vérifiées à travers des procédures
empiriques.
La science politique est structurée par une double dimension empirique
et théorique. La science politique ne se contente pas d’enregistrer les faits,
elle les constitue à partir d’une problématique, c’est-à-dire un ensemble
d’hypothèses vérifiées.
La science politique prétend au statut de science car elle mobilise des
méthodes spécifiques et rigoureuses : on peut en dégager 4 types :
- Les statistiques et sondages : l’analyse quantitative s’est beaucoup
développée à partir des années 50 aux Etats Unis, en relation avec le
développement des sondages qui ont permis de produire des méthodes
systématiques expliquant ainsi les comportements électoraux.
- Les entretiens : les entretiens directs ou indirects permettent de
reconstituer le sens que veut véhiculer l’acteur politique.
- L’observation : à travers l’observation, le chercheur essaie de regarder
les individus dans leur environnement, leur comportement et pratiques, ce
qui suppose une certaine distance raisonnable pour préserver l’aspect
critique nécessaire à l’analyse objective. Les approches qualitatives se
sont développées au sein de la science politique, et parfois au détriment
des approches quantitatives.
Les archives et les connaissances du passé : le politiste utilise toujours les
archives et les méthodes historiques.
On peut parler de 4 disciplines de la science politique : la théorie politique, la
sociologie politique, l’administration publique et politiques publiques, et enfin les
relations internationales.

La science politique est une science hétérogène qui prend de la science


sociale, l’économie, le droit, la géographie, la philosophie, l’histoire…..

Cette multiplicité est une force dans le sens où elle permet le croisement des
approches et visions, mais aussi c’est une faiblesse car cela rend difficile
l’identification de la science politique.
Qu’est ce qui fonde la spécificité de la sociologie politique ? La philosophie s’intéresse
aux principes politiques, le droit étudie l’importance des règles juridiques et
constitutionnelles. Quant à la sociologie politique elle tend à comprendre et expliquer les
phénomènes politiques tels qu’ils sont et non tels qu’ils devraient être.

La sociologie politique rejette l’idée selon laquelle le politique s’explique exclusivement


par le politique, ainsi elle prend en considération l’interactivité du politique et du social.

Les études relatives à la démocratie démontrent le décalage qui existe entre l’idéal
démocratique et la réalité de la démocratie. Le rôle du politiste est de comprendre le
monde.
L’Etat n’est qu’une forme d’organisation du pouvoir. Max Weber définit le pouvoir comme «
toute opportunité de rendre une volonté souveraine au sein d’une relation sociale ».
Contrairement à la domination, le pouvoir ne signifie pas forcément la légitimité, dans la
mesure où il peut être exercé seulement avec la force.

Les relations du pouvoir existent à tous les niveaux de la société, et par conséquent la
question qui se pose est de savoir qu’est qui caractérise le pouvoir politique ?
- L’approche concrète :

Elle considère que le pouvoir est une chose qu’on peut acquérir ou perdre.

- L’approche institutionnelle

Définit le pouvoir par l’Etat et ses institutions, les gouvernants ici n’ont pas le pouvoir
définitif, sauf dans certains régimes. Dans les démocraties représentatives, le pouvoir s’exerce
comme étant délégué aux représentants du peuple. Les gouvernants disposent provisoirement
d’un pouvoir parmi d’autres. Dans les sociétés démocratiques on recense trois pouvoirs
fondamentaux qui fonctionnent comme des contre-pouvoirs (le pouvoir doit arrêter le pouvoir).

La séparation des pouvoirs est un principe de répartition des différentes fonctions de l’Etat.
Montesquieu distingue les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Dans le régime de séparation
des pouvoirs, tout pouvoir bénéficie d’une autonomie vis-à-vis de l’autre ainsi que des moyens
de contrôle réciproque.

La répartition du pouvoir rend impossible sa concentration et son exercice de manière


absolue.
L’approche institutionnelle a fait l’objet de plusieurs critiques, dans la mesure où
les titulaires officiels du pouvoir ne sont pas forcément ceux qui l’exercent, à savoir
que plusieurs études liées aux politiques publiques ont montré que la décision
politique émane non seulement de l’acteur politique mais aussi de plusieurs acteurs
parmi lesquels l’homme politique.
Ainsi, plusieurs études relatives à la sociologie administrative ont démontré que
le pouvoir des hauts fonctionnaires dépassent leurs missions institutionnelles, ces
derniers sont pratiquement les titulaires du pouvoir, même s’ils ont comme mission
d’appliquer les décisions prises par les responsables politiques.
L’approche relationnelle : elle considère le pouvoir comme étant une
relation, le pouvoir suppose une relation sociale. Dans ce sens, Michel
Crozier analyse le pouvoir sur la base de la relation et non sur l’objet ou
qualité, c’est une relation réciproque et déséquilibrée.
Michel Foucault considère que le pouvoir s’exerce dans le cadre de
relations inéquitables mais variables.
Quant à Pierre Bourdieu, il s’arrête sur les relations du pouvoir au sein de
tous les champs sociaux, qui sont des espaces particuliers dont s’organisent
les relations de domination.
Le pouvoir politique s’exerce sur toute la société et non sur un seul secteur,
parmi ses caractéristiques c’est qu’il détermine le domaine et les limites des
autres pouvoirs.
Le pouvoir est politique quand il produit des directives concernant
l’ensemble de la société politique (population, territoire et activités de
production, pratiques de communication et règles sociales). Tout pouvoir
politique ne prend pas forcément la forme de l’Etat. Le concept d’Etat est
propre à un pouvoir politique institutionnalisé revendiquant avec succès
l’exclusivité de la violence matérielle légitime (Max Weber).
Dans les sociétés modernes, le pouvoir politique tend à s’institutionnaliser
dans des structures de l’Etat.
Au début du vingtième siècle la théorie de l’Etat fut élaborée par des
juristes allemands et français, selon laquelle l’Etat comprend trois éléments : le
territoire, la population et le pouvoir politique ou le gouvernement.

L’Etat se définit essentiellement par un pouvoir juridique organisé qui


monopolise la contrainte légitime sur un territoire dont habite un peuple.

Le pouvoir de l’Etat repose essentiellement sur le monopole du droit de


faire la guerre (la dimension externe) et de contraindre les individus (la
dimension interne).

Ainsi, le pouvoir de l’Etat repose sur la définition de la vie sociale et les


valeurs qui unifient la société politique. L’Etat a plus le pouvoir arbitraire et tend
à concilier les intérêts divers et rendre les tensions sociales pacifiques.
Max Weber considère que le concept pouvoir ne peut pas exprimer sa continuité, d’où l’utilisation du terme domination dans son
livre « Economie et société » publié en 1921. Le pouvoir « est l’occasion de réussite d’une volonté au sein d’une relation sociale, même
s’il y a une résistance ».

Le concept pouvoir permet d’inclure le terme consentement, dans la mesure où les dominés doivent accepter la domination.

Pour Max Weber, la spécificité du pouvoir politique en comparaison avec d’autres formes de domination sociale, réside dans le
fait que la domination politique est obligatoire, contraignante envers l’ensemble des citoyens contrairement aux autres formes de
domination sociale.

L’Etat se réalise peu à peu à travers l’éloignement des clans et familles et aussi en exerçant des fonctions permanentes.

Au sein de l’Etat, il y a une rationalisation et spécialisation dans les fonctions (le processus de bureaucratisation). Au sein de la
scène politique, on trouve un principe de distinction entre les amateurs et les professionnels de la politique et ce depuis le 19 eme
siècle. L’homme politique contemporain vit pour et par la politique.
Il n’existe pas de société sans pouvoir, mais on trouve des sociétés sans Etat. L’absence d’un pouvoir concentré et une
machine administrative et juridique spécialisée permet de parler d’une société sans Etat dans plusieurs régimes politiques
africains avant la colonisation.

Les chefs des tribus indiennes américaines exercent un pouvoir politique mais non contraignant et non institutionnalisé. Ces
sociétés connaissent une stricte organisation interne et exercice de la contrainte, mais qui relève de la compétence de n’importe
quel homme majeur.

Il y a une tendance au sein de l’école anthropologique critiquant l’idée selon laquelle l’Etat organisé est l’objectif de toute
société, et par conséquent considère que les sociétés dits primitives sont basées sur l’évitement de l’apparition de l’Etat, et non
pas des sociétés qui n’ont pas découvert l’Etat. Pour ce courant, les sociétés considérées comme primitives refusent la distinction
économique et politique et prohibent les disparités sociales.

Les conditions d’existence d’une société sans pouvoir politique contraignant sont : la faiblesse numérique, l’isolement,
l’autogestion, la distribution équitable de la production…
Le terme légitimité désigne le caractère de toute domination qui se
veut adéquate aux valeurs dominantes dans une société. On distingue
légitimité et légalité. La légalité renvoie aux modalités légales d’exercice
du pouvoir.
Un pouvoir légitime suppose l’existence d’un consentement de la part
de ceux qui y sont soumis. Le concept de légitimité n’a de sens que dans
les régimes où les dirigeants gouvernent au nom des valeurs qui sont
celles de la société.
La légitimité est un processus, un résultat de l’action des gouvernants
mais aussi d’un état des rapports entre société et pouvoirs. La
légitimation d’un pouvoir politique renvoie à l’ensemble des processus qui
rendent l’exercice du pouvoir coercitif spécialisé tolérable sinon désirable,
voire une nécessité sociale.
Selon Max Weber, la légitimité est la condition même de la stabilité de l’ordre social et politique ; un
ordre qui serait fondé sur la crainte, l’utilité ou l’habitude serait trop fragile, il doit se baser sur le
consentement.

Le sociologue allemand met en évidence différentes sources de légitimité justifiant la domination


de l’Etat sur les gouvernés :

La légitimité traditionnelle :

Fondée sur la croyance quotidienne en la sainteté des traditions valables de tout temps et en la
légitimité de ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens. Elle se fonde sur le caractère
sacré de la tradition, la coutume, les règles issues du passé qui sont transmises de génération en
génération.

Si la coutume est contraignante, l’interprétation de la tradition laisse au gouvernant des marges de


manœuvre. Ici le pouvoir n’est pas organisé rationnellement, il se caractérise par la primauté de
relations de type personnel. Ce type de domination est central dans les monarchies héréditaires.
La légitimité charismatique :
Le consentement repose ici sur les qualités prêtées au chef doté d’une aura jugée
exceptionnelle et de vertus héroïques. La relation charismatique est fondée sur des
affects comme l’admiration, l’amour de la grandeur… la légitimité charismatique peut
survenir dans des situations de crise, de déstabilisation de l’ordre politique ou de
révolution qui suspendent le cours normal des institutions et des routines politiques.
Le propre du pouvoir charismatique est de reposer sur les qualités de l’individu
mais aussi sur la croyance du peuple en ce charisme et sur l’instauration de relations
directes et émotionnelles entre le chef et le peuple.
La légitimité charismatique peut être fragile parce que le leader n’est pas éternel,
si ce dernier disparait, comment faire perdurer la domination charismatique ?
On peut distinguer deux cas : le premier c’est un phénomène de transmission du
charisme (le passage de Lénine à Staline), le deuxième c’est la routinisation du
charisme qui peut conduire à l’évolution vers une légitimité traditionnelle.
La légitimité légale rationnelle :

Elle caractérise la modernité politique et s’appuie sur le pouvoir d’un droit abstrait et
impersonnel, pensé comme devant guider l’ordre social et s’imposer à tous. Les
sociétés modernes sont soumises à un puissant processus de rationalisation : la
rationalité orientée vers les buts s’étend peu à peu à tous les domaines de la vie
intellectuelle et sociale, au détriment de la tradition.

La bureaucratie est un type d’administration soumise au droit, organisée de


manière hiérarchique dans laquelle les fonctionnaires sont recrutés par concours,
suivant une carrière correspondant à leurs qualifications professionnelles et sont placés
sous le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques. C’est la forme principale de la
légitimité légale rationnelle.

Les régimes démocratiques modernes sont fondés sur la domination légale


rationnelle, sur la croyance en la rationalité et la légalité des décisions prises par les
autorités centrales. La domination est fondée par des règles écrites dont la plus haute
est la constitution. On obéit moins à des personnes qu’à des règles et à des fonctions.
C’est l’ensemble des actions par lesquelles les dirigeants tendent à établir leur légitimité, à la
revendiquer, en fonction des représentations qu’ils ont du régime désirable et désiré par les
gouvernés.

Il s’agit d’une nécessité sociale. La légitimité n’est jamais donnée une fois pour toute, elle fait
l’objet d’un constant travail d’accréditation et de ressourcement. Les moments de crise politique
peuvent être l’occasion de nouvelles conceptions de légitimité, de redéfinir les valeurs et croyances
fondamentales.

La mobilisation et l’invocation des valeurs centrales de la société, la célébration de la procédure


électorale, les formes de mise en scène du pouvoir et de ritualisation, constituent des modes de
justification du pouvoir.

La religion a ainsi longtemps constitué la forme naturelle de légitimation du pouvoir.

Dans les sociétés contemporaines, la science, la connaissance, l’expertise constituent de


puissants ressorts de légitimation.
Dans les années 50 et 60, la compétence économique des dirigeants s’est imposé comme norme
de légitimation politique.

Aussi le recours à la communication politique (marketing politique) s’impose comme un autre


instrument de légitimation contemporaine, c’est ainsi que l’élection ne suffit pas à fonder la légitimité.

La ritualisation du pouvoir désignent les pratiques à forte charge symbolique qui se présentent
sous forme de cérémonies qui cherchent, par la diffusion d’images et de représentations du pouvoir, à
réactiver et entretenir les fondements de la société politique ( voyages présidentiels, inaugurations
locales, commémorations…)
Pour La Boétie, le secret de toute domination est de faire participer les dominés à leur
domination. L’acceptation de l’ordre politique peut être obtenue par le recours à la violence
mais cela rend la légitimité du système politique fragile. Les dominants cherchent le plus
souvent à rendre les dominés complices et acteurs de leur propre domination.

Ici la socialisation politique joue un rôle crucial, il s’agit ainsi du processus d’intériorisation
des croyances fondatrices de l’ordre politique (la division des rôles politiques, l’acceptation de
la décision prise par la majorité dans les régimes démocratiques).

L’école apprend ainsi à respecter l’autorité et prépare les futurs citoyens à accepter les
règles du jeu électoral par l’éducation civique.

D’autre part le cynisme peut constituer une forme de résistance au pouvoir, historiquement
la résistance passive ou la fuite individuelle ont été souvent les seuls aménagements que les
dominés ont pu construire pour rendre supportable leur position.

La révolte ou l’organisation furent une forme marginale de résistance.


L’une des principales caractéristiques des sociétés modernes est de voir le pouvoir
s’institutionnaliser dans des structures étatiques.

En effet, l’Etat désigne un système de domination caractérisé par la formation d’institutions


autonomes de la société, dotées de moyens d’exercice de la souveraineté sur un territoire et sa
population.

La notion d’Etat renvoie souvent à l’idée d’une forte spécialisation des rôles du gouvernement
et à l’existence d’une bureaucratie.

Chez Carré de Malberg par exemple, l’Etat est constitué de trois éléments, à savoir un territoire,
un peuple et un gouvernement.

Maw Weber avance la définition suivante : « entreprise politique à caractère institutionnel dont
la direction administrative revendique avec succès, dans l’application des règlements, le monopole
de la contrainte physique légitime ».

A vrai dire, la notion d’Etat implique la maitrise d’un territoire , la mise en place d’une
bureaucratie, une laïcité minimale marquant la séparation de l’espace étatique de l’espace religieux.
Le concept d’Etat est le produit d’une nécessité historique comme en témoigne la
diversité des formes qu’il prendra d’un pays à un autre
L’Etat occidental moderne est le résultat de processus historiques et de
constructions sociales complexes où se combinent de nombreuses variables
Il est à signaler que ce qui définit l’Etat moderne est une série de monopoles qui
se sont imposés peu à peu et qui se sont heurtés à de nombreuses résistances
Au-delà de la diversité des émergences nationales de l’Etat, on peut dégager un
certain nombre de processus communs de centralisation, d’autonomisation du
pouvoir par rapport à la société et d’affirmation de son identité
L’Etat moderne émerge, conjointement à l’unification des territoires, à la fin du
moyen âge, lorsque la centralisation politique et le développement des monarchies
mettent un terme à la féodalité. Le besoin d’argent né des guerres a conduit à
développer la fiscalité et le système administratif qui rend possible le prélèvement de
l’impôt.
C’est entre 1100 et 1600 que les historiens situent la naissance de l’Etat moderne, une période
correspondant à la sortie de la féodalité qui marque une étape décisive dans la genèse de l’Etat.

En fait, l’Etat est la résultante de composition de la guerre que mènent les seigneurs les uns contre les
autres. Ainsi, la maison royale va peu à peu imposer un double monopole de la fiscalité et de la guerre et par
la même son autorité. Ici, la centralisation de l’impôt joue un rôle décisif.

Cette centralisation permet au roi de rétribuer ses fidèles en argent et non plus en terres, ce qui a pour
effet de stabiliser le territoire.

Ce processus trouve aussi sa source dans le développement de l’économie marchande et de la


circulation monétaire. Le roi se voit donc attribuer seul le pouvoir de faire la guerre (financée par l’impôt) et
cherche à pacifier son territoire.

Il est donc assuré du soutien de deux groupes sociaux : la bourgeoisie marchande et la petite noblesse
des chevaliers.

L’Etat a fait la guerre, la guerre a fait l’Etat.

Il est à signaler aussi qu’à la fin du moyen Age, on assistait à l’apparition d’un précapitalisme marchand,
l’Etat nait pour protéger les intérêts économiques des nouvelles élites bourgeoises qui en émergent.
Le développement de l’Etat doit beaucoup à la différenciation progressive qui s’est établie entre
la sphère politique et la sphère religieuse.

La séparation des pouvoirs temporels et spirituels produite par la doctrine chrétienne, légitime la
constitution d’un appareil politique spécifique.

L’Etat moderne emprunte des modèles culturels déjà existants, il reprend à l’église sa structure
bureaucratique et hiérarchisée, ses techniques de gouvernement.

C’est dans la pensée chrétienne qu’on trouve les premiers légistes qui codifient le pouvoir
monarchique, par la suite le mode de légitimation du pouvoir monarchique se laïcise
progressivement.

Dans ce sens Machiavel contribue à légitimer la sécularisation du pouvoir politique en affirmant


la spécificité du pouvoir d’Etat au sein de la sphère sociale.

La genèse de l’Etat moderne est liée aussi à la notion de souveraineté, ce principe élaboré par
J.Bodin, qui distingue théoriquement l’Etat dont la souveraineté est absolue, indivisible et
impersonnelle et continue, et le gouvernement qui n’est qu’un agent de l’Etat.
Le pouvoir central s’est progressivement différencié, et a supprimé les pouvoirs concurrents,
disposant désormais de ressources propres et légitimité.

Il s’agit d’un parachèvement de l’Etat par la constitution d’un appareil politique, à travers le
phénomène de bureaucratie, qui n’est autre qu’une lente affirmation d’une légitimité légale rationnelle.

La bureaucratie désigne « un type d’administration soumise au droit, organisée hiérarchiquement


dont les agents sont recrutés par concours, accomplissent une carrière dans des emplois qui
correspondent à leurs compétences, sont soumis à une discipline stricte et placés sous le contrôle de
leurs supérieurs ».

L’extension de la bureaucratie avait comme conséquence l’émergence d’un nouveau personnel


d’Etat et un développement d’un certain rationalisme au sein de l’entité étatique.
L’Etat Nation est une forme de système politique et social dans lequel le système institutionnel
coïncide avec la nation, communauté d’adhésion à ce système.

La nation résulte de l’articulation d’une expression territoriale de la souveraineté et d’un processus


d’homogénéisation culturelle d’une population, produit de l’histoire.

La nation est la conjonction entre ensemble d’institutions, un sentiment d’appartenance à un groupe


commun et une réalité territoriale.

La nation est inséparable des phénomènes complexes d’identification collective à une langue, à des
origines et une histoire communes, à une culture, des référents, à un ennemi extérieur. La nation est une
construction toujours inachevée.
La centralisation du pouvoir autour du roi a favorisé l’adhésion à la patrie, encore renforcée lors
des guerres extérieures.

Au surplus, la forme de l’Etat Nation se renforce au vingtième siècle avec l’affirmation du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes et les processus complexes de nationalisation des sociétés.

Ernest Gellner considère que l’Etat participe à la réalisation de la nation, à travers la socialisation
des individus par la construction d’une identité collective nationale, ainsi que le développement de
politiques symboliques (drapeaux, hymnes, fêtes, mémoire nationale…).

Par ailleurs, une série de transformations sociales au 19 eme siècle contribue au renforcement du
sentiment d’appartenance, comme l’urbanisation, la scolarisation et le désenclavement des
campagnes.

Ainsi, la citoyenneté porteuse de droits et devoirs, un sentiment d’allégeance civique, une identité
de référence nationale qui se différencie des identités primaires (famille, territoire…), a contribué à la
consolidation de l’Etat Nation.
Il existe plusieurs définitions des régimes politiques, parmi lesquelles on trouve :

- Ensemble de relations stabilisées entre pouvoirs publics.

- Systèmes sociaux globaux qui intègrent la majorité des aspects de la vie sociale.

- Un ensemble spécifique d’institutions et un type de relation de pouvoir.

De manière générale on peut retenir la définition suivante : « l’ensemble des éléments d’ordre idéologique, institutionnel et
sociologique qui concourent à former le gouvernement d’un pays donné pendant une période déterminée ».

En effet, quatre caractéristiques distinguent les régimes entre eux :

- Le principe de légitimité

- La structure des institutions (séparation ou non des pouvoirs)

- Le système de partis

- La forme et le rôle de l’Etat


Les deux classifications classiques les plus marquantes sont celles d’Aristote et
Montesquieu.

Aristote distingue entre régime pur et régime dévoyé. Les régimes purs poursuivent
l’intérêt commun et ils sont fondés sur la justice. Tandis que les régimes dévoyés
poursuivent des intérêts particuliers, animés par l’égoïsme.

A ce critère il ajoute le nombre, en effet le gouvernement d’un seul peut être une
royauté (forme pure) ou une tyrannie (forme dévoyée). Tandis que le gouvernement de
plusieurs peut être une aristocratie (forme pure) ou une oligarchie (forme dévoyée). D’autre
part, le gouvernement de multitude peut être une démocratie modérée (forme pure) ou une
démagogie (forme dévoyée).
Pour Aristote, la démocratie est caractérisée par le gouvernement du grand
nombre, la naissance libre et la pauvreté. Alors que l’oligarchie est marquée par le
petit nombre, la naissance noble et la richesse.

Montesquieu effectue une distinction fondée sur opposition entre régime non
despotiques (républiques) et régimes despotiques (monarchie).

Sa classification a comme critère la nature de ceux qui exercent le pouvoir, le


principe du gouvernement, la forme du gouvernement et la constitution, autrement
dit l’existence ou non d’une loi.
Aux années 60, il y avait un lien entre développement économique et démocratie. Cette dernière fut
considérée comme le régime politique de la modernité, et n’est possible que si certaines conditions sont réunies
(niveau du revenu, d’éducation, de différenciation politique).

Actuellement la classification est fondée sur le degré de consensus exigé des gouvernés et le statut de
l’opposition :

Ainsi, les régimes pluralistes reconnaissent l’opposition tandis que les régimes autoritaires les prohibent. Les
premiers reconnaissent les conflits, organisent des élections libres, et il existe un consensus sur les règles du
conflit. Alors que les deuxièmes ne tolèrent pas le conflit et son expression.

Les régimes totalitaires se caractérisent par le culte du chef, l’élimination e toute forme de divergence, la
construction d’une société idéale, la terreur…
Ce concept est utilisé pour désigner les régimes non démocratiques où règnent
la violence, la répression et l’arbitraire. Il désigne les régimes populistes, les
dictatures, les tyrannies…etc.

Ce concept est jugé par certains auteurs comme étant trop large, fut formulé
pour des cas ambigus, ne faisant partie ni des catégories démocratiques (non
respect du pluralisme et usage de la force), ni de celles totalitaires (maintien du
clivage Etat et société).

Les régimes autoritaires sont davantage présents dans le monde que les
régimes démocratiques, on recense 90 Etats démocratiques sur 195 Etats
reconnus par l’ONU.
Généralement, les régimes autoritaires se caractérisent par le non respect des principes fondamentaux
de la démocratie, à savoir les libertés, les élections libres et transparentes, l’alternance, la légitimité
électorale…

La notion de régime autoritaire peut être attribuée à plusieurs expériences historiques : la concentration
du pouvoir au niveau des groupes armés qui ont combattu pour l’indépendance en Afrique dans les années
60, les régimes autoritaires d’Asie (Pakistan), les régimes communistes tolérant l’ouverture économique
mais refusant toute liberté politique (Chine), les régimes militaires de l’Amérique latine des années 70 et 80

Les régimes autoritaires se caractérisent ainsi par un pluralisme limité et non responsable à l’égard du
peuple, absence d’une idéologie directrice et absence d’une mobilisation continue. Les dirigeants de ces
régimes rejettent toute soumission à l’élection, ils manipulent les élections, interdisent l’expression de
désaccords et surtout établissent un pluralisme superficiel et ne reconnaissent pas la liberté d’expression et
d’opinion.
Ces régimes se fondent aussi sur la présence forte de l’armée et de la police politique
qui répriment l’opposition, ainsi que sur une propagande mais qui reste moins intensive par
rapport aux régimes totalitaires.

Il s’agit davantage d’idéologies conservatrices (exception faite de quelques cas (Cuba),


dans la mesure où ils cherchent à maintenir et consolider l’ordre existant. L’objectif n’est pas
la transformation totale de la société mais sa soumission aux dirigeants.

En somme, quatre caractéristiques principales peuvent être attribuées aux régimes


autoritaires :

L’usage de la force

L’appropriation privée de l’Etat par les dirigeants

La prééminence des technocrates

Des politiques de développement ou de modernisation


L’autoritarisme n’est ni un régime spécifique ni une forme d’exercice particulière du pouvoir,
mais l’aboutissement logique de certains rapports sociaux et des comportements de certains
dirigeants. Pour plusieurs auteurs, c’est une modalité de révolution par le haut de quelques élites
qui veulent éviter d’être débordées par le changement économique et social qui affecte le pays.

Trois principales conditions peuvent expliquer l’instauration de régimes autoritaires :

Des conditions culturelles : comme l’absence de traditions et pratiques démocratiques,


égalitaires et représentatives, à savoir que la culture démocratique pousse les acteurs politiques à
régler les conflits de pouvoir par le biais des urnes et non par la force, et surtout à ne pas concevoir
les opposants comme des ennemis qu’il faut éradiquer.

Des conditions économiques : industrialisation tardive, sous développement, dépendance


extérieure. Dans certains cas la démocratie peut menacer les intérêts de la classe dominante, à
l’image du coup d’Etat militaire au chili en 1973 qui s’explique par l’alliance de l’armée avec les
éléments conservateurs de la société, face à la politique socialiste de la gauche au pouvoir.
Des conditions conjoncturelles : il s’agit ici de la mobilité des événements et
pratiques des différents acteurs. Les régimes autoritaires peuvent résulter d’une
situation marquée par la fragilité de la démocratie, ici plusieurs situations existent :

1- l’impuissance d’un gouvernement démocratique face à un problème de société


grave, encourage une opposition radicale à développer un discours rejetant la
démocratie et engendrant un contexte de violence politique qui aboutit à un coup
d’Etat.

2- la coexistence de plusieurs nationalités dans un Etat qui conduit à la


déstabilisation du pouvoir démocratique par la revendication des nationalités
(l’Europe des années 30, la Russie des années 90).
L’adjectif totalitaire est apparu en Italie en 1923, son emploi s’est répandu de manière
péjorative dans les milieux antifasciste italiens. En 1925 les théoriciens du fascisme
reprennent le terme à leur compte, en lui attribuant une connotation positive, Benito
Mussolini exprime sa farouche volonté totalitaire d’éliminer les oppositions et les conflits
d’intérêts au sein de la société italienne.
Le totalitarisme désigne les systèmes de domination totale dans lesquels l’Etat tend à
concentrer tous les pouvoirs et intervenir dans l’ensemble des activités politiques mais
aussi économiques et sociales. C’est un système tendant à la totalité et l’unité.
Le régime totalitaire ne se contente pas du contrôle des activités des hommes, mais
aussi se mêle de la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les individus
l’adhésion à une idéologie, hors de laquelle ils sont considérés comme des ennemis de la
communauté.
La tentative d’identification des critères du totalitarisme la plus connue
est celle de Carl Friedrich qui évoque six caractéristiques du totalitarisme
centrées sur l’idée de monopole :
L’existence d’une idéologie officielle qui couvre tous les aspects vitaux de
la vie humaine, à laquelle les individus sont obligés d’adhérer. Elle trace les
fondements de la société parfaite.
Un parti unique et de masse regroupant un taux assez faible de la
population, d’hommes et de femmes dévoués à l’idéologie, avec une
organisation rigoureusement hiérarchique, un chef unique et parti supérieur
à l’Etat.
Un quasi monopole des instruments de répression par le parti et ses
cadres.
Un monopole des moyens de communication de masse, ce qui peut
distinguer les régimes totalitaires des autres dictatures classiques c’est
le développement de la technologie.
Un contrôle et centralisation de l’économie et un monopole sur les
moyens de production.
Un pouvoir policier terroriste qui mène une politique de répression
contre les ennemis effectifs du régime et aussi contre des catégories
choisies parmi la population, conçues comme étant des ennemis
objectifs (juifs, intellectuels, bourgeois…)
D’autre part, certains auteurs considèrent que ce n’est pas le contenu de l’idéologie qui compte,
mais sa centralité, ainsi ils mettent le point tout particulièrement sur le mépris du droit,
l’endoctrinement des jeunes par tous les moyens.

Plusieurs expériences historiques font partie du totalitarisme, dans le cas du fascisme italien les
oppositions semblaient être vaincues mais le fascisme n’a pas réussi à encadrer la société, cette
dernière a pu conserver une certaine autonomie, on parle ainsi e totalitarisme tendanciel en Italie.

L’Allemagne Nazie se présente comme un cas de totalitarisme achevé et systématique, dans la


mesure où toutes les oppositions furent terrassées et l’idéologie joua un rôle crucial.

L’URSS constitue un totalitarisme rationalisé dont le fonctionnement est inscrit dans la


constitution.

Ces régimes ont des points de convergence, abstraction faite de leurs divergences
idéologiques, à savoir qu’ils dépassent le volet autoritaire, ils ne se contentent pas d’un simple
autoritarisme, qui interdirait les oppositions et renouvellerait les élites, ils proposent une
alternative au problème de l’intégration des masses au XXe siècle, instaurent un contrôle sur
toutes les manifestations de la société.
La notion de totalitarisme a suscité plusieurs controverses et critiques.

Le premier type de critique porte sur la comparaison, irrésistible, entre le nazisme et le stalinisme,
souvent apparentés dans un registre politique et polémique.

En d’autres termes, on critique davantage le fait de considérer comme analogues la théorie de la


lutte des classes et celle de la lutte des races au nom de leur caractère idéocratique.

Le concept de totalitarisme qui regroupe le nazisme et le stalinisme rend difficile la compréhension


des périodisations, tensions et trajectoires spécifiques de ces régimes.

Autrement dit, le fait totalitaire n’a pas été étudié comme le résultat d’un processus social et
politique, mais souvent réduit à l’incarnation d’une idée.

Bernard Bruneteau établit les similitudes mais aussi les différences des régimes communistes et
nazis. Ils se rapprochent par un même exercice du pouvoir basé sur le parti unique, un appareil policier
et un ennemi commun, en l’occurrence le libéralisme politique. Ils rejettent toutes les expressions de
différence telles qu’elles s’expriment dans les démocraties libérales.

Les différences sont d’ordre idéologique ; le pouvoir communiste est plus bureaucratique que
charismatique, aussi la terreur est expansionniste en Allemagne tandis qu’elle est davantage
nationale en URSS.

Le deuxième type de critique a trait à la capacité des régimes totalitaires à dissoudre la société
civile. La domination idéologique ne fait pas disparaitre la résistance de la société /

Alain Blum et Martine Mespoulet regrettent que dans l’approche totalitaire, la société n’ait guère
de place dans l’analyse. Concernant le troisième Reich (l’Allemagne nazie) l’historien anglais Ian
Kershaw conteste l’atomisation de la société civile, premier des traits du totalitarisme. Son étude sur
la Bavière lui permet d’avancer qu’une opinion populaire demeure indépendamment de l’idéologie
nazie.

La société a pu s’appuyer sur les traditions pour s’opposer et exercer une résistance ponctuelle.

Au total, il considère que le concept de totalitarisme a un pouvoir essentiellement descriptif, très


faiblement explicatif.

En somme, pour de nombreux historiens, le totalitarisme reste un concept clé dans l’étude et la
compréhension du XXe siècle, il est incontournable et insuffisant : incontournable pour la théorie
politique, et insuffisant pour l’historiographie qui s’intéresse à la concrétude des événements.

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