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La philosophie dans une totale mésentente avec la politique : où réside ce conflit

entre les deux ?

La relation entre la philosophie et la politique a toujours fait couler beaucoup d’encre et de salive
tout au long de l’histoire même de la philosophie. Plusieurs auteurs se sont interrogés sur le type
de rapport que ces deux notions entretiennent.

Aborder la problématique de la relation entre philosophie et politique suppose d’abord une


appréhension de ces deux termes qui du reste sont non seulement polysémiques mais aussi
polémiques. Qu’est-ce que la philosophie ? Qu’est-ce que la politique ? La philosophie politique,
quid ? Quelle relation existe-t-elle entre la philosophie et la politique ? Tels sont les différents
questionnements qui guideront notre cogitation.

La philosophie est d’après sa définition étymologique l’amour de la sagesse. L’amour effréné de la


sagesse. La philosophie est dans une quete continue de la vérité. Elle sert la verité et rien que la
vérité. La philosophie recherche la verité et la sert dans sa trilogie thématique sur Dieu, l’Homme
et le monde. Beaucoup des penseurs et d’encyclopédies philosophiques donnent d’autres
définitions de la philosophie.

Dans sa méthodologie réflexive, elle s’intéresse, contrairement aux autres sciences, au pourquoi
qu’au comment de la chose. La philosophie est la mère de toutes les sciences. Toute science tire
ses origines de la philosophie. C’est ainsi que l’objet de la philosophie est la totalité du réel. Rien
n’échappe à la réflexion philosophique. Tout objet de la science, de la connaissance, est objet de
la philosophie, même la politique.

La politique est quant à elle, selon son étymologie, l’art de gérer la cité. Gérer la cité pour le
bonheur de la population. La politique est la gestion quotidienne de la cité. Comme science, elle a
pour objet la chose publique. Plusieurs autres définitions de la politique ont été développées par
de nombreux auteurs. La définition étymologique est téléologique. Cette acception est soutenue
par les philosophes notamment Socrate, Platon… Ce dernier d’ailleurs dans son académie formait
des philosophes qui devraient par la suite gouverner la cité. Pour ces deux penseurs, seul le
philosophe peut gouverner la cité parce qu’il est capable de contempler les idées qui sont le beau,
le bien et le juste. Parce qu’il est capable de contemplation, le philosophe peut mener la cité vers
son bonheur en y appliquant le beau, le bien et le juste.

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D’autres définitions s’attèlent sur l’acception réaliste (Aristote) et pragmatique (Machiavel) de la
politique. Celle-ci est définie comme l’art de conquérir, d’exercer et de conserver le pouvoir. C’est
cette dernière acception qui est la plus utilisée par les praticiens de la politique.

Comment conquérir ? Comment exercer ? Comment conserver le pouvoir ? Telles sont les
différentes questions auxquelles répondent les politiciens. Constatons d’entrée de jeu que par la
dernière acception de la politique, le but immédiat ne correspond plus exactement à la téléologie
de la définition étymologique de la politique. Le but de la définition pragmatique parait
matérialiste. En lieu et place de viser le bonheur de la population, cette dernière acception vise le
pouvoir. Le pouvoir avec tous ses méandres.

Il ressort de la définition étymologique de la politique les germes du rapport étroit entre la


philosophie et la politique. Ces deux concepts sont intrinsèquement liés au point qu’on ne peut
concevoir l’un sans l’autre et vice versa. Si du coté de la philosophie, les relations sont bonnes du
fait que la philosophie politique aborde son objet, ici la politique, dans ses trois dimensions
idéaliste, réaliste et pragmatiste. Au-delà de toutes les considérations qui entourent chaque
dimension du concept de politique, la philosophie ne dévie pas son objet, celui de la quête de la
vérité. Du coté de la politique, la relation avec la philosophie n’est pas toujours bonne surtout
quand il s’agit de la troisième dimension pragmatiste.

A ce niveau, les politiciens s’appuient pour la plupart sur la théorie de Nicolas Machiavel : tous
les moyens sont permis pour conquérir, pour exercer et pour conserver le pouvoir. Ils se disent
que seule la fin justifie les moyens. Avec cette nouvelle approche, la politique se moque souvent
du respect de certains principes de gestion orthodoxe de la cité. D’ailleurs, ce n’est plus la gestion
de la cité qui intéresse les politiciens, c’est plutôt les manœuvres à user pour le pouvoir.

La relation entre la philosophie et la politique devient alors tendue parce que pour la philosophie,
seule la vérité, la sagesse, doit faire objet de quête effrénée. Et quand la philosophie aborde la
politique comme objet de son étude, c’est pour que la politique serve le bonheur collectif et pas
un semblant de bonheur égoïste. Pourtant, il se révèle de la pratique politicienne que la quête est
plutôt orientée vers un bonheur individuel quelles que soient les répercussions que cela peut avoir
sur la vie dans la cité. C’est ainsi que la politique se confond parfois à la démagogie, à la
corruption, aux coups-bas, à l’intoxication, à la manipulation, au meurtre… Tous les maux ont
élu domicile dans le monde de la politique. Les normes, les principes, les valeurs ne comptent pas
lorsque le pouvoir est en jeu. La politique devient ainsi un monde sale où seuls les gens sans
mœurs émergent facilement. La ruse devient la vie au quotidien de la politique. Ainsi, il s’observe

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qu’au lieu de rassemblements pour une gestion saine de la cité, les politiciens se réunissent parfois
pour conspirer contre la même cité qu’ils prétendent (vouloir) gouverner.

Les exemples sont légions pour démontrer le déviationnisme dans la pratique politicienne. L’on
se soucie du bien-être des citoyens après avoir trouvé gain de cause, c'est-à-dire soit après avoir
conquis le pouvoir, soit après l’avoir exercé, soit après l’avoir conservé. La pratique de la politique
dans le monde, surtout à travers l’Afrique est une démonstration éloquente de ce déviationnisme.
Nous avons des politiciens qui déstabilisent les régimes en place juste parce qu’ils trouvent que
c’est par la voie de la violence qu’ils peuvent accéder au pouvoir. Nous avons d’autres politiciens
qui forcent certains de leurs concitoyens à l’exil juste parce qu’ils sont leurs probables
remplaçants. Nous avons même connu des meurtres pour le pouvoir. Certains autres politiciens
se maintiennent au pouvoir en manipulant les textes fondamentaux de leurs Etats…

Avec une telle atmosphère politique, la population n’est plus la préoccupation première des
politiciens. On la manipule pour ses propres intérêts. La preuve en est que plusieurs études ont
démontré qu’en Afrique les richesses sont inéquitablement reparties. Seule une partie conserve
une part importante de la richesse. La majeure partie de la population vit dans une misère
imprescriptible. Cela prouve en suffisance que la finalité de la politique a été longtemps déviée au
profit des intérêts égoïstes des politiciens.

C’est bien à ce niveau que la mésentente est alors déclarée entre la philosophie et la politique.
D’ailleurs, certains philosophes, à l’instar de E. Kant, diront que la philosophie et la politique ne
peuvent jamais marcher ensemble car, pour le philosophe allemand, la politique corrompt. Pour
ce philosophe, on ne peut pas concevoir la philosophie et la politique ensemble. Plus encore, un
philosophe ne peut jamais faire de la politique parce qu’il ne saura pas en même temps
contempler les idées et se mêler aux magouilles politiciennes. La philosophie et la politique
semblent ainsi deux mondes diamétralement opposés, l’un étant la quête continue des idées, des
valeurs et l’autre une lutte acharnée pour le pouvoir et rien que le pouvoir.

Il s’avère clair qu’avec ces deux orientations tellement opposées, la philosophie ne peut pas se
reconnaitre dans la politique. Si étymologiquement, les deux concepts sont intrinsèquement liés,
sur la sphère pratique de la politique, il se pose un problème non seulement de but mais surtout
un problème téléologique. C’est bien à ce point que la mésentente s’instaure entre les deux
concepts dont l’une est la fille de l’autre.

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