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« Apprendre à lire le Coran en 12 séances » Les étudiants de l’Université Abdou


Moumouni à la quête du savoir religieux

Article  in  Annales Histoire Sciences Sociales · January 2023

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2 authors, including:

Bello Adamou Mahamadou


Université Abdou Moumouni de Niamey
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Université Abdou Moumouni

Revue Nigérienne des Sciences Sociales, revue internationale francophone


reniss.niger@gmail.com

No 005
ISSN :1859-5154
Décembre 2022
Presses Universitaires de l’Université Abdou Moumouni

1
Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

Directeur de publication
Dr OUMAROU Amadou, Maître de Conférences

Comité de rédaction

Rédacteur en chef : Dr ABDOURAHAMANE Mohamed Moctar, Maître de Conférences


Membres de l’équipe de rédaction : Dr HAMIT Abdoulhadi, Dr SEIDOU Abdoulaye, Dr ADJI Souley,
Dr TIEKOURA Ouassa, Dr MAGA ISSAKA Hamidou, Dr ELH DAGOBI Abdoua, Dr HAMANI
Oumarou, Dr IBRAHIM MALAM Maman Sani, Dr MOUSSA Zangaou
Secrétariat de rédaction : Dr IBRAHIM MALAM Mamane Sani et M. HAROUNA OUSMANE Ibrahim

Publication Assistée par Ordinateur (PAO) : Dr. DAMBO Lawali, Maître de Conférences
Adresse : Laboratoire d’Études et de Recherches en Sociologie et en Anthropologie (LERSA)
École doctorale Lettres Arts, Sciences de l’Homme et de la Société, Université Abdou Moumouni de
Niamey BP 418 Niamey, mail : reniss.niger@gmail.com

Comité scientifique

Pr BOUREIMA Amadou (Université Abdou Moumouni de Niamey), Pr MOTCHO Henri Kokou


(Université Abdou Moumouni de Niamey), Pr LAOUALY Mahaman Abdoulaye (Niamey), Pr ISSA
DAOUDA Abdoul Aziz (Université Abdou Moumouni de Niamey), Pr TIDJANI ALOU Mahaman
(Niamey), Pr ABDO LAOUALI Serki (Université Abdou Moumouni de Niamey), Pr VALLEAN Tindaogo
(Université Norbert Zongo de Koudougou), Pr KABORE-PARE Afsata (Université Norbert Zongo de
Koudougou), Pr VANGA Adja Ferdinand, (Université Peleforo Gon Koulibaly de Korhogo), Pr
HETCHELI Kokou Folly L., Université de Lomé ; Dr MOUNKAILA Harouna, MC, (Université Abdou
Moumouni de Niamey), Dr Alio Mahaman, MC (Université Abdou Moumouni de Niamey), Dr SOUNAYE
Aboulaye, MC (ZMO, Berlin), Dr BATIONO Fernand, MC, (Université Joseph Ki-Zerbo)

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

Comité de lecture

Mohamed Moctar ABDOURAHAMANE, Maitre de conférences Université Abdou Moumouni ; Maman


WAZIRI MATO, Professeur titulaire, Université Abdou Moumouni ; Amadou OUMAROU, Maitre de
conférences université Abdou Moumouni de Niamey ; Bode SAMBO, Maitre de conférences, Université
Abdou Moumouni de Niamey ; Lawali DAMBO, Maitre de conférences université Abdou Moumouni de
Niamey ; Abdou IDRISSA, Maitre de conférences université Abdou Moumouni de Niamey ; Harouna
MOUNKAILA, Professeur titulaire, Université Abdou Moumouni ; Idi TANKO ; Marius TOTIN ; Aboubé
LAWAN

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) revue internationale francophone


reniss.niger@gmail.com

Consignes aux auteurs

La Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) s’aligne aux normes CAMES de rédaction des articles
scientifiques

Consignes aux contributeurs

La Revue Nigérienne des Sciences Sociales demande aux auteurs de respecter strictement les consignes
recommandées par le CAMES dans le cadre de la rédaction d’un article scientifique.
L’article proposé doit être saisis sous logiciel Word, police Times New Roman, taille 12. Le texte ne doit
pas dépasser 50.000 signes espaces compris, y compris les notes infra-paginales, références, graphiques et
tableaux (entre 10 et 18 pages).
1. Titre de l’article

Minuscule caractère Times New Roman 16, gras, espace après 18 points.
2. Résumé
Times New Roman 12, 10 lignes maximum (en français et en anglais) suivi respectivement des mots clés
(max.5 mots) dans les deux langues. Traduction de l’intitulé du titre de l’article comprise.

3. Corps du texte
Times New Roman 12, interligne simple, espace avant et après 6 points sans alinéa.
3.1 Titres
3.1.1. Chapitre (1.), espace avant 12 pts, minuscules, gras, Times New Roman 14.
3.1.2. Sous-titres (1.1.), espace avant 6 pts, minuscules, gras, Times New Roman 12.
3.1.3. Autres sous-titres (1.1.1.), espace avant 6 pts, minuscules, gras, Times New Roman 12.
4. La structure d’un article, doit être conforme aux règles de rédaction scientifique, selon que l’article est
une contribution théorique ou émane d’une recherche de terrain. La structure d’un article scientifique en
sciences sociales se présente comme suit :
• Pour un article qui est une contribution théorique et fondamentale : Titre, Nom et Prénom
de l’auteur, Institution d’attache, adresse électronique, résumé en français, Mots clés, Abstract,
Key words, Introduction (contexte général du sujet, problématique, hypothèses, objectifs
scientifiques, approche), Développement articulé, Conclusion, Références bibliographiques.
• Pour un article qui résulte d’une recherche de terrain : Titre, Nom et Prénom de l’auteur,
Institution d’attache, adresse électronique, Résumé en français, Mots clés, Abstract, Key words,
Introduction, Méthodologie, Résultats et Discussion, Conclusion, Références bibliographiques.

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

5. Les articulations d’un article, à l’exception de l’introduction, de la conclusion, de la bibliographie, doivent


être titrées, et numérotées par des chiffres.
Exemples : 1. ; 1.1. ; 1.2. ; 2. ; 2.2. ; 2.2.1 ; 2.2.2. ; 3. ; etc.
6. Les passages cités sont présentés en times new romain et entre guillemets. Lorsque la phrase citant et la
citation dépassent trois lignes, il est recommandé d’aller à la ligne, pour présenter la citation (interligne 1)
en times new romain et en retrait (1cm), et réduire la taille de police d’un point.

7. Les références de citation sont intégrées au texte citant, selon les cas, de la façon suivante :
• (Initiale (s) du Prénom ou des Prénoms de l’auteur. Nom de l’Auteur, année de publication,
pages citées) ;
• Initiale (s) du Prénom ou des Prénoms de l’auteur. Nom de l’Auteur (année de publication, pages
citées).
• Exemples :
- Parlant de la réforme LMD dans l’enseignement supérieur africain, autant dire que « nous
avons ici à faire à un cas de transfert intégral de modèle d’organisation de l’enseignement
supérieur. Conçue au départ dans les pays anglo-saxons, cette réforme s’étend aux pays
membres de l’Union européenne, avant d’être transférée dans certains pays africains » (M.
Tidjani Alou, 2010, p.88).
- Dans ses travaux sur l’éducation environnementale au Niger, M.M. Abdourahamane
(2013, p.32) insiste sur le fait que « L’environnement est un objet de connaissance, donc
susceptible d’interprétation diverses selon les réalités culturelles. C’est pourquoi, les
comportements des individus face l’environnement sont, en général, déterminés par leur
conception de ce dernier ».

Références bibliographiques
Article dans une revue
OUMAROU Amadou, 2016, « La prévention des inondations à Niamey, une entrée pour une analyse de la
gouvernance urbaine » in Revue Dezan no 011, Laboratoire de Sociologie, d’Anthropologie et d’Études
Africaines (LASANEA), Université Abomey Calavi, pp. 295-31
Chapitre d’ouvrage
ALARY Véronique, 2012, « le concept d’insécurité alimentaire : quelques enseignements pour les
recherches à venir » in SEMEU KANDEM Mokadem, Pour une géographie du développement. Autour de
la recherche de Georges Courade, Paris, Karthala, pp. 119-128
Ouvrage
DURU-BELLAT Marie et MINGAT Alain, 1993, Pour une approche analytique du fonctionnement du
système éducatif, Paris, PUF

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

Table des matières


« TUER SOCIALEMENT LA MORT ! » : REGARD SOCIOLOGIQUE SUR LA COMMÉMORATION DES MORTS CHEZ LES
TCHAMANS (CÔTE D’IVOIRE) ................................................................................................................................. 9
BAYA KOUADIO BOUAKI(1), KABRAN BEYA BRIGITTE ASSOUGBA(2), ...................................................................................... 9
« APPRENDRE A LIRE LE CORAN EN 12 SEANCES » : LES ETUDIANTS DE L’UNIVERSITE ABDOU MOUMOUNI A LA
QUETE DU SAVOIR RELIGIEUX ............................................................................................................................. 21
(1)
BELLO ADAMOU MAHAMADOU, (2) OUMAROU AMADOU.......................................................................................... 21

SOCIO-ANTHROPOLOGIE DE L’ESPACE PUBLIC ISLAMIQUE NIGERIEN, UNE ENTREE PAR LA STRUCTURE DE YAN
AGAJI DU MOUVEMENT IZALA DANS LA VILLE DE NIAMEY .................................................................................. 35
(1)
OUMAROU AMADOU, (2)SARIMOU ABDOULAHI BAHAROU ....................................................................................... 35
REPRESENTATIONS DE LA MALADIE A VIRUS EBOLA EN COTE D’IVOIRE : PERCEPTIONS DE L’ETIOLOGIE ET
ATTITUDES FACE AUX MESURES DE RIPOSTE A ALLAKRO (ABIDJAN-COCODY, 2021) ............................................ 51
LES SIMILITUDES ET CONTINUITES DE LA FABRICATION DE LA « BONNE MERE » ENTRE LE CRENI ET LA SOCIETE
HAUSA DU NIGER ................................................................................................................................................ 63
MAHAMANE OUMAROU NAPIOU ............................................................................................................................. 63
PUBLICATION DE STATUTS FACEBOOK ET STRATEGIE D’INFLUENCE SOCIALE AU BENIN ....................................... 83
GERAUD AHOUANDJINOU ......................................................................................................................................... 83
LA COMMUNICATION DE L’OFFICE NATIONAL DES LACS ET COURS D’EAU DU SÉNÉGAL (OLAC) : ENTRE
« IMPUTATION » ET « RÉPUTATION » ................................................................................................................. 95
MARIÈME POLLÈLE NDIAYE ........................................................................................................................................ 95

DEFIS DE LA PLANIFICATION URBAINE AU TOGO ............................................................................................... 107


OURO BITASSE ERALAKAZA ....................................................................................................................................... 107
« SI TA GROSSESSE EST DANS TON PIED, ALORS NE PARS PAS CHERCHER DU BOIS » : REPERCUSSIONS DES
CHANGEMENTS DU STATUT REPRODUCTIF SUR LE TRAVAIL DES FEMMES AU BURKINA FASO........................... 127
(1)
MAURICE YAOGO, (2)ASSITA KEITA, (2)FLORA OUADBA .............................................................................................. 127
DROITS ET DIGNITE DE LA FEMME : DE LA RE-CONNAISSANCE A LA RECONNAISSANCE ..................................... 143
ADJOUA MARIE JEANNE KONAN,................................................................................................................................. 143
PROBLEMATIQUE DE LA POSSESSION DE PLANTATIONS CACAOYERES PAR LA GENTE FEMININE : CAS DES
EPOUSES DES PLANTEURS D’ABLIBLEKOUADIOKRO DANS LE DEPARTEMENT DE TOUMODI (COTE D’IVOIRE) .... 157
(1)
DOCTEUR KOUAKOU BAH ISAAC ET (2)DOCTEUR ETTY ASSAMOI ISIDORE............................................................ 157

LES CONFLITS FONCIERS DANS LA COMMUNE URBAINE DE BIRNI N’GAOURE AU NIGER ................................... 171
(1)
DAMBO LAWALI ET (2)HASSANE SALEY ALIMATOU.................................................................................................... 171
PRINCIPAUX GOULOTS D’ETRANGLEMENT DE LA POLITIQUE PUBLIQUE DE LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DES
ENFANTS DANS LES CACAOYERES IVOIRIENNES ................................................................................................. 185
LANDRY NIAVA ......................................................................................................................................................... 185
L’APPRENTISSAGE A L’ACTION COLLECTIVE ET PROCESSUS D’AFFIRMATION DES PRODUCTRICES DE LA SIRBA
(NIGER) ............................................................................................................................................................. 197

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

ALHASSOUMI HADIZATOU ........................................................................................................................................ 197

RESPONSABILITES SOCIALES DES ENTREPRISES ET CONDITIONS DE TRAVAIL DES SALARIES A COTONOU........... 217
(1)
DR SYLVIE DE CHACUS ET (2)DR MARIE ODILE ATTANASSO ............................................................................................... 217
DE LA FRANÇAFRIQUE A LA CHINE-AFRIQUE : LE PIEGE DE L’ERRANCE POLITIQUE ............................................. 229
KITI PAUL CHRISTIAN .................................................................................................................................................. 229

DE LA CONSCIENCE A LA TRANSCENDANCE DE L’HOMME : REVISITER SARTRE .................................................. 247


DAVID PIERRE AVOCES .............................................................................................................................................. 247
LES RAPPORTS ENTRE ADMINISTRATION ET ADMINISTRES DANS UN CONTEXTE DE DECENTRALISATION EN ZONE
NOMADE SOUS LA 5EME REPUBLIQUE DANS LE NORD TILLABERI (NIGER) ........................................................... 257
ZANGAOU MOUSSA ................................................................................................................................................. 257
LA CONTESTATION ELECTORALE EN AFRIQUE : L’ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2018 AU MALI .......................... 269
BAGAYOKO SIRIKI ET DAMA IBRAHIMA....................................................................................................................... 269
USAGE DU TELEPHONE PORTABLE ET ATTENTION SOUTENUE CHEZ DES APPRENANTS ADOLESCENTS AU BURKINA
FASO ................................................................................................................................................................. 289
BADOLO BAWALA LEOPOLD ....................................................................................................................................... 289

LES ENSEIGNANTS DE FRANÇAIS DES COLLEGES AU NIGER ET LA FORMATION EN LECTURE METHODIQUE : ENTRE
APPRENTISSAGE ET MISE EN PRATIQUE ............................................................................................................ 302
MAMANE NASSIROU MAMANE .................................................................................................................................. 302
LE CORPS CHEZ PLATON : PRISON OU EQUILIBRE EXISTENTIEL DE L’AME ? ........................................................ 313
ANGE ALLASSANE KONÉ ............................................................................................................................................. 313
PERSONNAGES ET RELATIONS AVEC L’ESPACE ROMANESQUE ........................................................................... 323
(1)
BOULAMA KAOUM ET (2)ASSOUMANE HAROUNA .................................................................................................... 323

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

« Apprendre à lire le Coran en 12 séances » : Les étudiants de


l’Université Abdou Moumouni à la quête du savoir religieux

(1)
BELLO ADAMOU Mahamadou, (2) OUMAROU Amadou
(1)
Doctorant au département de Sociologie et d’Anthropologie de l’Université Abdou Moumouni de
Niamey. E-mail : mbelloadamou@gmail.com
(2)
Maître des Conférences au département de Sociologie et d’Anthropologie de l’Université Abdou
Moumouni de Niamey. E-mail : mobangoula@gmail.com

Résumé
L’Université Abdou Moumouni de Niamey (UAM), marquée au début de sa création dans les années 1970
par les idéologies marxistes-léninistes, connait depuis la fin des années 1980 une montée des pratiques
religieuses estudiantines organisées par des associations religieuses estudiantines chrétiennes et
musulmanes. Basée sur une approche qualitative combinant des entretiens semi-directifs et des observations
directes et indirectes, cet article s’intéresse, d’une part, à la mise en place des associations religieuses
d’étudiants salafis, évangélique et pentecôtistes dans cette université. Et d’autre part, il analyse l’affirmation
de l’identité religieuse par ces étudiants à travers : la diffusion de l’enseignement religieux, les écoles
coraniques et les études bibliques. Ceci donne à la religiosité une grande importance auprès des étudiants
qui y prennent part.
Mots clés : association religieuse, campus, étudiants, pentecôtistes, salafis

Abstract
The Abdou Moumouni University of Niamey (UAM), marked at the beginning of its creation in the 1970s
by Marxist-Leninist ideologies, has experienced since the end of the 1980s a rise in student religious
practices organised by Christian and Muslim student religious associations. Based on a qualitative approach
combining semi-structured interviews and direct and indirect observations, this article focuses, on the one
hand, on the establishment of religious associations of Salafi, evangelical and Pentecostal students in this
university. On the other hand, it analyses the affirmation of religious identity by these students. Through the
dissemination of religious education initiated by these associations through Koranic schools and Bible
studies, religiosity has acquired great importance among the students who take part.

Keywords : religious association, campus, students, Pentecostals, Salafis.

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

Introduction
Moins visible dans les milieux universitaires africains dans les années 1970, la religion investit ces espaces
avec ‘’force’’ à la fin des années 1980. Cet investissement s’opère sur toute la vie socio-académique des
étudiants au point où K. Amo (2018) parle de ‘’revanche’’ de la religion. Il se manifeste sur le plan
vestimentaire par le port des habits respectant les normes religieuses, sur le plan spatial par la construction
des lieux de culte, et les regroupements sur la base confessionnelle. Abordant le retour de la religion dans
l’espace universitaire K. Mahoney et al. (2001) parlent de ‘’post-modernity’’ et ‘’post-positivist’’. En effet,
si la modernité a permis une rupture entre la religion et l’État, les auteurs s’interrogent si ce retour ne peut
pas être compris comme l’annonce d’une postmodernité. En somme, la présence de la religion sur cet espace
a suscité plusieurs recherches en sciences sociales. Si certains auteurs (L. Francis et al., 2005 ; K. Amo,
2018 ; A. Sounaye, 2018 ; V. Favier, 2022 ; S.S. Timbely, 2022) mettent l’accent sur les rôles des étudiants
dans le retour du religieux dans l’espace universitaire, d’autres (K. Mahoney et al., 2001 ; M. S. Camara,
2016 ; M. S. Camara et M. Bodian, 2016) voient l’influence de la société dans laquelle évolue l’université.
Pour K. Mahoney et al. (2001), la religion au campus est la résultante de l’effet de l’augmentation de la
religion dans la société américaine.
M.S. Camara (2016) s’est intéressé à la manifestation de l’islam au sein de l’Université Cheick Anta Diop
de Dakar (UCAD) en cherchant à comprendre pourquoi et comment la religion y a pris une place importante.
Pour lui, ce changement s’explique entre autres par l’adoption par les étudiants d’une attitude décomplexée
vis-à-vis de la religion en exprimant leur identité religieuse. Aussi, les associations religieuses estudiantines
offrent aux étudiants une couverture sociale et psychologique face à une situation universitaire précaire. De
son côté, K. Amo (2018) a décrit le phénomène religieux et son impact sur les milieux de l’enseignement
supérieur du Sénégal. Son travail a porté sur les différentes initiatives religieuses au niveau individuel,
associatif ou institutionnel, et la façon dont elles constituent, ensemble, une nouvelle ‘’scène’’ dynamique
dans l’espace universitaire. Pour sa part, M. Gomez-Perez (2008) a analysé les composants du discours de
l’Association des Étudiants Musulmans de l’Université de Dakar (AEMUD) véhiculés
par leur journal, L’étudiant Musulman. L’auteure a étudié aussi, d’une part, la double représentation de cette
organisation sur le monde et la société, d’autre part, le nouveau modèle de culture et d’identité qu’elle
propose. S’intéressant au salafisme à l’Université Abdou Moumouni de Niamey (UAM), le travail d’A.
Sounaye (2018) a analysé le salafisme véhiculé par l’Association des Étudiants Musulmans du Niger
(AEMN) au sein de cette université. Il s’est intéressé plus précisément à l’implantation de l’idéologie salafie
sur le campus, son aspiration de transformer la pratique religieuse du public et la manifestation de son
activisme au-delà du campus. De plus, récemment, A. Sounaye (2020) aborde à la fois la construction de la
religiosité des étudiants salafis et pentecôtistes et l’importance que cette identité a prise sur cet espace.
Au-delà de la comparaison au sein d’une même université faite par A. Sounaye (2020), C. Cherry et al.
(2001) en font une sur quatre universités américaines dans leur livre collectif portant sur le religieux
étudiant. En effet, en s’intéressant au retour du religieux sur les campus de ces universités (Roman Catholic
university in the East ; state university in the west ; historically black university in the south et Lutheran
liberal arts college in the North), ils analysent les différentes manifestations religieuses estudiantines. Pour
ces chercheurs, les étudiants préfèrent employer les termes ‘’spirituality’’ et ‘’spiritual’’ au lieu de
‘’religion’’ et ‘’religious’’ lorsqu’ils décrivent leurs attitudes et pratiques religieuses. Ce choix s’explique
par le fait que les étudiants manifestent plus une expression individuelle de la religion que collective. Ainsi,
pendant que la religion est collective et renvoie à quelque chose de fini, complet, fixé, etc., la spiritualité est

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

individuelle et personnelle et se réfère à quelque chose non encore complet. En outre, pour ces auteurs,
l’impact de la religion sur la vie des étudiants s’observe dans leurs rapports sociaux (devenir plus sociables)
et sur leurs projets d’avenir. Également, l’appartenance à des regroupements religieux leur offre une
alternative à la consommation de l’alcool, au matérialisme, au sexual promiscuity, etc. L’impact de la
religion ne se limite pas à la vie sociale des étudiants, il s’observe aussi sur leur honnêteté intellectuelle. En
effet, pour S Michelson et al. (2007), dans une étude visant à étudier l’impact de la religion sur la vie des
étudiants, constatent que ceux qui accordent une importance à la religion trichent moins par rapport à ceux
qui ne lui accordent pas la même importance. Ainsi, pour ces auteurs, plus les étudiants sont religieux moins
ils trichent en examen. Cependant, ce côté positif de la présence de la religion dans l’espace universitaire
n’est pas partagé par les chercheurs. En s’intéressant à la pratique religieuse des étudiants, K. Mahoney et
al. (2001) expriment leur crainte quant à l’incompatibilité du religieux et du scientifique. Pour eux, la nature
non-empirique de la religion n’est pas compatible avec l’environnement scientifique et la crainte que la
religion affecte l’excellence académique et l’honnêteté intellectuelle.
L’Université Abdou Moumouni de Niamey (UAM), à l’instar de plusieurs universités, est marquée ces
dernières années par des activités religieuses organisées par les associations confessionnelles d’étudiants.
La première association, le Groupe Biblique Universitaire, est créée en 1974. D’autres associations ont été
créées au début des années 1990, avec l’avènement de la démocratie au Niger. C’est ainsi que le Campus
Pour Christ (CPC) et l’Association des Étudiants Musulmans de l’Université de Niamey (AEMUN) furent
mises en place respectivement par les étudiants évangéliques et salafis. Ces associations se lancent dans une
concurrence en se copiant mutuellement dans les activités qu’elles organisent : conférences académiques et
religieuses, prêches, cours bibliques ou coraniques, séances de prières, assistance sociale envers les
étudiants en difficultés, don de sang, salubrités, etc. Ces activités mobilisent outre les étudiants, la
population de la ville de Niamey et d’autres invités venus des pays étrangers, ce qui a permis aux
associations d’avoir une visibilité au-delà du campus.
Ce texte étudie l’expression de l’identité religieuse des étudiants salafis, évangéliques et pentecôtistes dans
une perspective comparative. Nous faisons une entrée par les associations dans la mesure où les étudiants
organisent leurs activités à travers les canaux de ces structures. Par conséquent, pour les appréhender ainsi
que les transformations qu’elles ont induites sur l’espace universitaire, nous les considérons comme des
ingénieurs religieux (E. Spies et P. Schrode, 2021). Comme le stipulent ces auteures,

« L’ingénierie se réfère à des efforts dirigés et conscients pour améliorer un état donné (d’une
société, du monde, des traditions religieuses, d’un individu) par des acteurs qui supposent avoir
l’agence pour faire un changement et qui supposent que ce qu’ils veulent changer est
modifiable » (E. Spies et P. Schrode, 2021, p.12)

Nous avançons l’hypothèse selon laquelle l’enseignement religieux à travers les makaranta et les études
bibliques sont à la base de l’appropriation et de l’extériorisation de l’identité religieuse des étudiants salafis
et évangéliques (notamment pentecôtistes). Nous appelons ces acteurs ingénieurs dans la mesure où ils se
donnent comme mission la transformation de leur espace (en premier lieu le campus, et en second, la société
nigérienne dans son ensemble) par la diffusion des valeurs religieuses. L’ingénierie, ici, représente les
différentes stratégies entreprises par ces acteurs dans leurs missions prosélytistes, qu’elles soient
l’enseignement religieux, les conférences religieuses, les œuvres sociales, etc. Toutefois, nous nous
limitons, dans le cadre de ce papier aux enseignements religieux dispensés dans les makaranta et lors des

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

séances d’études bibliques. Pour ce faire, nous présentons, d’abord, ces ingénieurs et leurs associations
religieuses que sont l’AEMN-UAM pour les étudiants salafis et le GBEEN et le CPC pour les étudiants
évangéliques et pentecôtistes. Cette présentation nous permettra de les situer dans l’espace et le temps en
ressortissant les activités qu’ils organisent dans cette université. Ensuite, nous analysons les espaces de
diffusion des valeurs religieuses mis en place par ces associations religieuses que sont les makaranta et les
séances d’études bibliques. Ainsi, nous étudions non seulement leurs stratégies de communication ainsi que
leurs discours, mais aussi la participation des étudiants à ces activités. Enfin, nous analysons les effets de la
diffusion de ces valeurs auprès des étudiants qui y prennent part. Ces différents aspects sont traités de façon
comparative afin de ressortir d’une part, les similitudes, et d’autre part, l’influence mutuelle entre ces
ingénieurs. Toutefois, avant d'évoquer ces aspects, nous présentons la méthodologie ayant permis la collecte
et l’analyse des données.

1. Méthodologie
Les données ayant permis la production de cet article sont issues des celles produites dans le cadre de notre
thèse portant sur les interactions entre les étudiants salafis et pentecôtistes au sein de l’université Abdou
Moumouni de Niamey. Leur production a eu lieu entre 2019 et 2020 au sein de cette université et dans la
ville de Niamey. Ainsi, en plus de la recherche documentaire nous ayant permis de faire un état de lieu de
la littérature sur la question, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs et mené des observations
directes et indirectes lors des activités de ces étudiants. À cet effet, nous avons visité les mosquées, les
églises et les salles de cours dans lesquelles les étudiants organisent leurs rencontres religieuses afin
d’observer "à chaud" ces manifestations religieuses. En dehors des animateurs des associations étudiantes,
plusieurs acteurs ont été interviewés dont des enseignants-chercheurs, le Personnel Administratif et
Technique (PAT), et les leaders religieux intervenant sur cet espace. Pour constituer les différents
échantillons, la technique dite l’échantillon par choix raisonné qui consiste à interviewer les enquêtés en
fonction de leurs maîtrises de la question fut utilisée. Ainsi, la place au sein des associations religieuses,
avoir une religiosité affirmée et les liens avec ces associations sont autant des critères ayant motivés les
choix de ces enquêtés.
Les données ont été collectées jusqu’à l’atteinte d’un seuil de saturation. Pour leur donner sens, l’analyse
thématique fut utilisée. Pour ce faire, nous avons d’abord ressorti les thèmes analytiques, ensuite, croisé les
différentes réponses données par les enquêtés. Enfin, nous avons ressorti les différentes tendances et donné
sens à ces données en mobilisant notre expérience personnelle et la littérature.

2. Résultats et discussion
Ce point présente le contexte de la naissance des associations religieuses des étudiants, leurs activités ainsi
que les conséquences de celles-ci au sein de l’Université Abdou Moumouni de Niamey.

2.1. L’Université Abdou Moumouni de Niamey : un carrefour d’associations


religieuses estudiantines
Avec l’avènement de la liberté d’associations, le Niger a connu un boom d’associations religieuses
notamment islamiques à l’image de la diversité doctrinale du pays. L’Université Abdou Moumouni de
Niamey (UAM) renferme également un nombre important d’associations religieuses estudiantines reflétant

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Revue Nigérienne des Sciences Sociales (RENISS) N°005 décembre 2022

la diversité associative sur le plan national. Les étudiants chrétiens, les catholiques et les évangéliques
(incluant les pentecôtistes) ont créé séparément leurs associations. Les catholiques sont organisés au sein de
la Jeunesse Étudiante Catholique (JEC) et les évangéliques et les pentecôtistes au sein du Campus Pour
Christ (CPC) et du Groupe Biblique Universitaire (GBU) devenu plus tard le Groupe Biblique des Élèves
et Étudiants du Niger (GBEEN). Cependant, bien que le CPC et le GBEEN se définissent comme des
associations interdénominationnelles, regroupant des chrétiens sans tenir compte de leurs églises
d’appartenance, le fait que leurs dirigeants soient des évangéliques et/ou évangélistes rend difficile la
participation des catholiques à leurs activités. Côté musulman, le champ associatif semble moins diversifié.
Il fut longtemps structuré par une association à tendance salafie, l’Association des Étudiants Musulmans à
l’Université de Niamey (AEMUN), après sa dissolution en novembre 2000, une autre fut créée en avril 2010,
l’Association des Étudiants Musulmans du Niger. En 2012, les étudiants soufis, en majorité tidjanes, font
scission en créant une association informelle, la Zawiya des Étudiants Musulmans de l’Université de
Niamey.10
Le Centre d’Enseignement Supérieur (CES) de Niamey devenu par la suite l’Université de Niamey, puis
l’UAM, fut créé à la suite du renvoi des étudiants nigériens et burkinabés de l’Université de Dakar au
lendemain des mouvements estudiantins de 1968 dans cette dernière. Ainsi, le Niger a collaboré avec le
Burkina Faso pour ouvrir deux CES dans les deux pays respectifs chacun avec son domaine de compétence.
C’était dans ce contexte que le Niger a accueilli des étudiants burkinabés qui, durant leurs études, ont fondé
la première association des étudiants chrétiens, le Groupe Biblique Universitaire (GBU) en 1974,
officiellement reconnue en 1982. La création de cette association peut être lue comme une stratégie de
survie, de solidarité, entre les étudiants chrétiens, étrangers qui se trouvent dans un pays à dominance
musulmane. En effet, à travers cette association, ils s’assistaient mutuellement par la mise en place d’une
assistance socio-académique et religieuse entre les membres. À sa création, le GBU regroupait uniquement
les étudiants de l’UAM. Par la suite, en 2016, il s’est ouvert aux collégiens et lycéens. Ainsi, il change de
dénomination pour devenir le Groupe Biblique des Élèves et Étudiants du Niger (GBEEN). Le GBEEN, se
considérant interdénominationnel, tente de réunir tous les chrétiens présents dans un établissement en
organisant des séances hebdomadaires de prières. À l’UAM où il est plus actif, il organise ses rencontres
dans les salles de cours dans les facultés où il a des membres. Parallèlement, le Campus Pour Christ (CPC),
le deuxième regroupement des étudiants chrétiens, organise ses rencontres hebdomadaires uniquement dans
la faculté des lettres. Contrairement au GBEEN qui est une initiative estudiantine, le CPC est créé par des
missionnaires en impliquant les étudiants, comme reflète son premier bureau composé de cinq (5) membres
dont trois (3) cadres et deux (2) étudiants. Sa principale mission, comme son nom l’indique, est
l’évangélisation sur le campus de l’UAM à travers la transmission d’une « connaissance précise sur Jésus
» (entretien du 27/08/19 avec un pasteur du mouvement).
Les étudiants pentecôtistes, n’ayant pas d’association, participent aux activités organisées par ces deux
associations, à savoir le CPC et le GBEEN. Plus actifs dans cette dernière, ils y occupent plusieurs postes
de responsabilité. Ils se démarquent des autres étudiants évangéliques par leur dynamisme lors des activités

10
Vu l’étendue de ce champ associatif, ce travail se limite aux associations d’une part les étudiants protestants et
pentecôtistes et d’autres les étudiants salafis. Toutefois, il abordera les autres associations lorsque celles-ci impactent
leurs activités.

25
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de l’association. C’est le cas lors des séances d’évangélisation que l’association organise annuellement sur
le campus où ils sont, le plus souvent, en première ligne. En plus, pendant les séances de prières organisées
lors des rencontres hebdomadaires, ces étudiants se démarquent par un style très émotif et la prononciation
des formules verbales dont eux seuls maîtrisent. En faisant taire leurs divergences doctrinales, les étudiants
évangéliques et pentecôtistes rendent plus ou moins efficaces leurs activités dans un milieu à dominance
musulmane.
La création de l’Association des étudiants Musulmans de l’Université de Niamey (AEMUN) remonte à la
fin des années 1980 avec le début des prières collectives sur des espaces délimités par des pierres. Avec
l’accroissement de l’effectif des étudiants fréquentant ces mosquées de fortune, des comités informels ont
été mis en place avec pour missions, entre autres, l’entretien de ces lieux de prière et l’organisation des
prêches de proximité auprès des étudiants. Au-delà de ces missions, certaines mosquées ont initié des cours
d’apprentissage de la religion à l’endroit de ces derniers. Avec l’avènement de la démocratie et la liberté
d’associations au début des années 1990, ces comités de gestion se sont organisés pour créer l’AEMUN,
une association qui regroupe les étudiants musulmans et officiellement reconnue le 11/01/1993 par le
ministère de l’Intérieur. Cependant, dès le début, elle se montre plus proche du courant salafi en visant
l’application des rites musulmans à l’image du Prophète Mohammed et de ses compagnons. Cette
organisation a permis, à l’époque, aux étudiants d’affirmer leur identité musulmane en toute liberté,
d’organiser diverses activités religieuses et socio-académiques et d’interagir avec les autorités universitaires
et le syndicat des étudiants sur des questions relatives à l’islam.
Après la dissolution de leur association en novembre 2000, les étudiants musulmans ont maintenu leurs
activités sur le campus en mettant en place un comité central de gestion de mosquées, un bureau transitoire,
en attendant l’annulation de la dissolution ou la création d’une autre association. Ainsi, les cours islamiques,
les conférences, les activités sociales, etc. ont continué. Il a fallu une décennie, en 2010 avec le changement
de régime, pour qu’ils aient une nouvelle organisation, l’Association des Étudiants Musulmans du Niger
(AEMN). À la différence de l’ancienne qui regroupait uniquement les étudiants de l’UAM, la nouvelle se
veut globalisante en regroupant les étudiants musulmans du niveau supérieur. Sa reconnaissance ayant
coïncidé avec l’ouverture de quatre Universités sur l’étendue du territoire national, dans chaque Université
et École Supérieure du pays, l’AEMN a créé des sections. Néanmoins, par leur rôle historique dans la
naissance de l’association, les étudiants de l’UAM restent influents dans le BEN AMEN.

2.2. Transformations identitaires à travers l’enseignement religieux


Dans leurs missions prosélytiques, les associations religieuses étudiantes ont chacune mis en place des
dispositifs d’apprentissage de la religion sur l’espace universitaire. Si les étudiants salafis à travers l’AEMN-
UAM ont créé des makaranta (écoles coraniques) dans les différentes mosquées, les étudiants évangéliques
et pentecôtistes participent aux rencontres hebdomadaires organisées par le GBEEN et le CPC.
En deux décennies (1996-2016), dix (10) mosquées en matériaux définitifs furent construites à l’UAM. La
première grande mosquée fut construite en novembre 1996 et la plus récente en 2016 à la cité Sanki, à moins
de deux cents mètres de la première. Malgré leurs nombres, ces mosquées peinent, dans certaines facultés,
à contenir les étudiants. Par manque de place, les fidèles attendent la fin de la première vague pour accomplir
leurs devoirs religieux. Ces lieux de prières rassemblent les fidèles au détriment des amphithéâtres qui se
vident avec ou sans l’autorisation des enseignants, aux heures de prières. Cette fréquentation traduit l’intérêt

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grandissant des étudiants envers l’islam. Outre les prières, les mosquées servent également des lieux de
repos entre deux séances de cours. Celles de la cité universitaire servent aussi de dortoirs aux étudiants qui
n’ont pas eu de chambres.
Un autre objectif visé à travers la construction de ces lieux de culte sur l’espace universitaire est la diffusion
des valeurs et de la solidarité islamiques entre les étudiants. C’est ainsi que la première grande mosquée a
servi de pôle de la diffusion de la morale islamique à travers des cours islamiques, des prêches, des
conférences et des sermons organisés par l’AEMUN et par la suite l’AEMN/UAM. Cette dernière a créé
des Comités de Gestion des Mosquées (CGM) dans les mosquées du campus et des Comités Da’awa (CD)
dans celles des facultés lui servant de médiats dans ses activités prosélytiques. Les cours islamiques restent
l’activité commune entre ces différents comités. Ainsi, dans chaque mosquée, des makaranta sont créées
pour, entre autres, initier les étudiants à la lecture du Coran. À cet effet, chaque année, à la reprise des
activités académiques, ils multiplient les affiches invitant les étudiants à s’y inscrire. Les affiches sont faites
avec un art alliant des styles calligraphiques et des mots attirants, y compris des versets coraniques et/ou
des hadiths. La mobilisation des arguments religieux constitue par ailleurs l’un des principaux facteurs qui
attirent les étudiants à s’y inscrire. Un hadith rappelant les mérites de la lecture du Coran est devenu
omniprésent dans les discours de mobilisation, y compris sur les affiches.
Figurent également sur les affiches le programme détaillé des cours, les horaires ainsi que les matières
enseignées. « Apprendre à lire le Coran en 12 séances » est devenu, en quelque sorte, le crédo de ces
makaranta. 12 séances paraissent tenables pour les étudiants qui, en dehors des makaranta, doivent
également assister aux activités académiques. Ainsi, en trois mois, en raison de quatre séances par mois, ils
pourraient atteindre cet objectif qui a aussi l’air d’un défi. En dehors des affiches, la mobilisation bouche à
l’oreille constitue également un autre canal de recrutement pour ces écoles. Dans cette mobilisation, l’amitié
et/ou la camaraderie constitue les principaux facteurs qui rassurent les étudiants à s’y inscrire. Plusieurs
étudiants témoignent avoir intégré ces écoles à la suite de l’invitation de leurs amis, comme c’est le cas de
cette étudiante salafie qui affirme : « Une fois à l’UAM, j’avais trois amies qui étaient venues avant moi,
elles m’ont parlé de la makaranta de la mosquée Al-Moustapha et je m’y suis inscrite » (entretien du 10-
09-2020 avec une étudiante salafie).
Si la majorité des étudiants qui fréquentent ces écoles ont des notions sur les purifications corporelles, les
ablutions et les prières avant de les intégrer, peu d’entre eux savent lire l’arabe, la langue du Coran. De ce
fait, l’un des premiers objectifs que l’AEMN-UAM a assignés à ses makaranta est de combler cette
insuffisance. Généralement, les cours sont répartis en deux niveaux, les cours d’initiation et les cours de
niveau supérieur ou avancé. Les cours de niveau avancé étant dispensés uniquement dans les deux
principales mosquées du campus à savoir l’ancienne grande mosquée et la mosquée Al-Moustapha, ceux
des débutants se tiennent dans toutes les mosquées. Ils sont assurés par les CD et les CGM qui les planifient
en fonction de leurs organisations internes. Les CD dispensent les leurs dans les après-midis, entre 12h30
et 14h30, aux heures de la pause, afin de permettre aux étudiants de poursuivre leurs cours académiques.
De leur côté, les CGM donnent les leurs de 18h30 à 21h, à la descente des cours des facultés. De plus, dans
ces makaranta, les filles et les garçons prennent leurs cours séparément. Variant de 500f à 1000f, les frais
d’inscription restent symboliques et sont aussi facultatifs du fait que les étudiants peuvent y participer sans
les avoir versés. En outre, des groupes WhatsApp sont créés afin de permettre aux absents de suivre les
cours. Cette stratégie permet aussi aux étudiants de restituer les leçons apprises (notamment la récitation

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des versets ou des chapitres du Coran) et de ce fait recevoir des nouvelles, à distance. Par cet ajustement
horaire et financier, cette ingénierie a su conquérir les étudiants musulmans qui ont vu en elles une
opportunité de connaître voire d’approfondir leur religion et d’intégrer davantage la communauté
musulmane, comme le notent M. Gomez-Perez & F. Madore (2013 : 135) « être un bon musulman nécessite
la connaissance ». C’est en ce sens qu’une étudiante salafie ayant étudié pendant plusieurs années dans ces
makaranta affirme « par la connaissance que j’ai reçue, je me sens intégrée même si je continue à chercher
le savoir » (entretien du 05-09-2020 avec une étudiante salafie).
Aux côtés des makaranta initiés par les étudiants salafis, les étudiants chrétiens notamment évangéliques et
pentecôtistes à travers leurs associations organisent également des séances d’études bibliques dans les salles
de différentes facultés. En l’absence d’une église, ces ingénieurs, dans leur bricolage, occupent ces espaces
destinés initialement à la transmission du savoir académique, d’où l’imbrication de l’espace académique
(laïc) et l’espace religieux. Avec pour objectif, entre autres, le renforcement de la formation spirituelles de
leurs membres, en leur transmettant des valeurs chrétiennes, le Campus Pour Christ (CPC) et le Groupe
Biblique des Élèves et Étudiants du Niger (GBEEN) organisent séparément leurs séances hebdomadaires de
lectures et d’études bibliques. Par leur tenue plus ou moins régulière, les rencontres du GBEEN dans les
facultés de l’UAM constituent l’activité phare du groupe sur l’espace universitaire. En effet, une fois par
semaine11, les étudiants se réunissent dans une salle de cours de leurs facultés pour des séances de prières,
de lectures ou d’études bibliques. Au début de l’année académique, les cellules des facultés adressent les
demandes d’autorisation pour occuper les salles auprès des doyens12. En moyenne, ces rencontres réunissent
une dizaine de personnes ; le plus gros des effectifs participe lors de l’ouverture annuelle ou lors de la visite
du Secrétaire Général de l’organisation.
À différence des makaranta structurées en niveaux d’apprentissage et où les apprenants suivent le maître,
les études bibliques n’ont pas cette exigence. Comme un exercice entre fidèles de même niveau de
connaissances, les séances sont dirigées par des volontaires entre les participants, sans tenir compte de leur
responsabilité dans la cellule et/ou le bureau national du GBEEN. Des passages préalablement sélectionnés
sont soumis à la compréhension des participants. Chaque verset est lu et commenté à tour de rôle avant
l’intervention du ou de la président(e) de séance qui fait la synthèse des commentaires. Ainsi, les étudiants
partagent entre eux le peu de connaissances acquises sur l’écriture biblique. Pour les organisateurs de ces
lectures, chaque fidèle pourrait avoir sa propre compréhension des passages bibliques à travers l’inspiration
du Saint-Esprit. Par conséquent, il n’y a pas nécessairement besoin d’un pasteur ou d’un prêtre pour se faire
une idée ou connaître la signification des paroles divines. « Il suffit de savoir lire avec l’envie de comprendre
et Dieu guidera le fidèle », nous dit une étudiante. Avant la fin des séances, la trésorière fait le tour des
tables afin de collecter les aumônes des participants. Entre temps, un étudiant est désigné pour chanter ; le
plus souvent, ils ciblent les chants incitant au partage entre les fidèles ou prient pour leurs biens afin de
toucher leur sensibilité. La cagnotte est utilisée pour contribuer au financement des activités de l’association.

11
Cependant, il arrive que l’activité soit annulée à la suite d’une faible participation des étudiants.
12
Nous n’avons pas pu assister aux séances des autres facultés du fait de l’irrégularité de leurs rencontres. Par
conséquent, nous nous sommes contentés des informations collectées à la FLSH et des interviews réalisées avec les
étudiants des autres facultés.

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À l’image des makaranta de l’AEMN-UAM, ces rencontres du GBEEN et du CPC servent aux étudiants de
cadre du renforcement de leur religiosité ; si certains s’initient à la lecture biblique à travers elles, d’autres
partagent leurs expériences en dirigeant les rencontres et/ou en donnant des témoignes sur leurs expériences
personnelles. En somme, ces cercles d’apprentissage religieux mis en place par les organisations étudiantes
chrétiennes (CPC et GBEEN) et musulmane (AEMN-UAM) ont engendré l’affirmation de l’identité
religieuse des étudiants salafis et pentecôtistes sur l’espace universitaire de l’UAM. Par leurs participations
à ces activités, ceux-ci ont acquis des connaissances religieuses renforçant ainsi leur religiosité.

2.3. Une affirmation prosélytiste de l’identité religieuse


À l’UAM, la religiosité a acquis une grande importance auprès des étudiants notamment salafis et
pentecôtistes qui la mobilisent dans leurs rapports avec leurs camarades. L’expression salafie est l’une des
affirmations de l’identité religieuse les plus visibles sur cet espace. Les étudiants salafis expriment leur
identité à travers leurs actes, leurs discours et leurs comportements vestimentaires.
Le discours salafi se caractérise, entre autres, par l’appelle au rassemblement de la umma (communauté
musulmane). En effet, les étudiants salafis appellent au rassemblement des étudiants musulmans, comme ils
disent, sous la bannière du Coran et de la Sunna en s’inspirant des pieux prédécesseurs, excluant ainsi les
autres courants islamiques qui ne se reconnaissent pas dans son discours. Se considérant seuls détenteurs de
la Vérité islamique, les étudiants salafis perçoivent les pratiques religieuses des autres étudiants musulmans
comme non islamiques, de ce fait, ne méritant pas d’être pratiquées. Dans cet appel, ils rejettent tout
sobriquet ou toute affiliation à un courant spécifique, en s’appropriant le qualificatif de "ahlus Sunna", les
partisans de la tradition du Prophète Mohamed. Dans leur majorité, ils se disent musulmans en refusant
d’être qualifié membre d’une secte islamique quelconque. Pour eux, l’islam n’a pas de courant et vouloir en
créer ou s’identifier à un courant, revient à diviser cette religion. Ainsi, ils tentent d’unir la Umma en tenant
un discours unificateur. Par conséquent, la seule et unique voie est celle que le Prophète aurait montrée et
que ses compagnons et deux générations après eux auraient suivie13. C’est en ce sens que ces deux étudiants
salafis témoignent en ces termes : « sur le tric-là [son courant d’appartenance] ? Nous sommes de la Sunna ;
faire ce que qu’Allah a demandé et son prophète, bien que certains marabouts disent de ne pas avoir une
appartenance » (entretien du 31-08-2020 avec un étudiant salafi). Ou bien : « c’est de se concentrer au
Coran et à la Sunna et éviter tous les sobriquets. On n’a pas besoin de secte » (entretien du 02-09-2020
avec un étudiant salafi).
Néanmoins, à côté de ce rejet de sobriquet, il y a également un autre groupe minoritaire d’étudiants salafis
qui se définit et se déclare ouvertement ahlus Sunna ou même salafis. Cette affirmation témoigne de leur
engagement dans ce courant et de leur désir de se distinguer des autres musulmans qu’ils considèrent comme
"déviants". En se définissant comme ahlus Sunna, le salafi s’approprie et monopolise ce qualificatif au
détriment des autres courants islamiques qui s’y identifient. Cependant, pour se distinguer et ancrer son
appartenance, il ajoute n’avoir de modèle que le Prophète Mohamed qui leur sert d’orientations dans ses
pratiques religieuses.

13
Durant nos entretiens, à la question de savoir leur courant (madzhab), soit nos enquêtés refusent d’y répondre, soit
nous demandent de la reformuler. D’aucuns rirent ou sourient de la question.

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Un autre trait marquant du discours des étudiants salafis de l’UAM est l’usage des références islamiques
(Louanges) au début et à la fin de leurs propos (discours, discussions, débats, etc.). En effet, au début de
chaque entretien que nous avons eu avec eux, ils récitent la hutbatul hadja qui consiste à réciter une formule
de remerciement divin, en langue arabe. En plus, tout au long de leur propos, ils enchaînent diverses
articulations de remerciements (alhamdu lillah), de louanges (sub’hanal lahi), de protection (a’uzu bill ahi),
etc., et finissent par une autre formule de clôture de discours qui consiste à louer Dieu. En le faisant, ils
cherchent ainsi, disent-ils, la proximité et la protection divines dans leurs propos. En somme, avec une
religiosité affirmée, le salafi vise à se rapprocher d’Allah en multipliant l’invocation de Ses noms avec des
formules bien déterminées. Toutefois, ce comportement n’est pas propre aux étudiants salafis. Les étudiants
pentecôtistes également accordent une grande importance à leur religiosité. À titre illustratif, à l’image des
salafis, ils multiplient les prières dans leurs actes quotidiens, comme le témoigne cet étudiant interviewé
« même maintenant je prie sans à ce que vous ne constatiez. Je prie pour que je dise des choses qui te seront
utiles (…) Chaque nuit, je prie moi et ma femme parfois durant plusieurs heures » (entretien du 26-08-2020
avec un doctorant pentecôtiste).
Comme dans leurs discours, ces étudiants salafis se distinguent aussi à travers leurs traits identitaires, qu’ils
soient physiques ou vestimentaires. En visant l’exemplarité, comme les convertis salafis étudiés par M.
Gomez-Perez et F. Madore (2013), ils affirment suivre les recommandations religieuses sur le maintien de
ces marqueurs identitaires, ce qui le particularise des autres fidèles. Les garçons se distinguent par la barbe
qu’ils laissent pousser et le port des habits, le plus souvent jalabiya avec des pantalons qui ne dépassent
guère la cheville. Pour eux, conformément à la Sunna, les musulmans doivent maintenir leur barbe pour se
distinguer des chrétiens et des juifs. Quant aux filles, ou les sœurs comme on les appelle, elles se démarquent
par les hidjabs qu’elles portent en lieu public. En effet, elles se couvrent tout leur corps à l’exception de
leur visage. Néanmoins, d’autres plus strictes couvrent également cette partie du corps en ne laissant
apparaître que leurs yeux. Pour se protéger des regards des hommes, elles optent également pour les tenues
unicolores, le plus souvent noires. Tout comme les hommes, leur choix vestimentaire s’appuierait également
sur des recommandations religieuses. C’est en ce sens que témoigne une étudiante salafie qui a adopté sa
tenue pour imiter, dise-t-elle, les femmes du Prophète Mohamed, qui auraient couvert tout leur corps, « le
vestimentaire [pour une femme], c’est de s’habiller comme les femmes du Prophète en couvrant tout le
corps sauf le visage. On ne le savait pas avant [de vernir à l’université]. Mais maintenant, on l’a compris »
(entretien du 05-09-2020 avec Balki).
L’exemple du Prophète ou de ses épouses semble marquer le choix vestimentaire des étudiants salafis de
l’UAM. En effet, pour eux, l’habillement aussi est un acte d’adoration qui devrait se faire suivant des
recommandations religieuses. Ainsi, le fidèle s’approche de son Seigneur, ce qui garantirait une place
importante auprès de lui. Bref, comme l’exprime une étudiante, il s’agit pour elle de « ne pas avoir honte
de manifester sa religiosité n’importe où » (entretien du 05-09-2020 avec une étudiante salafie). Par
conséquent, comme le note M.A. Adraoui (2019), l’habillement sert de signe distinctif de la moralité pour
les fidèles dans l’espace public. Par son rôle éducatif, les mosquées de l’UAM deviennent le pivot de la
diffusion des codes vestimentaires et comportementaux auprès des étudiants salafis, comme c’est fut le cas
de la mosquée ibadou de l’Université de Dakar (C. Cantone, 2005). À la suite de son dynamisme caractérisé
par l’organisation de diverses activités tant religieuses que sociales, l’AEMN-UAM a contribué
significativement à la transformation de l’espace public de l’UAM en y rendant la manifestation de l’identité
islamique omniprésente. Conséquemment, la morale salafie surtout en lien avec l’habillement a acquis une

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grande importante auprès des étudiants salafis. Toutefois, les salafis ne sont pas les seuls à marquer leur
identité religieuse.
Afin de se rendre visible et dans une logique compétitive, le groupe biblique confectionne chaque année des
tee-shirts portant des versets bibliques et son logo, distribués aux membres moyennant une somme
symbolique. Ceux-ci les portent sur la cité et dans les facultés afin de « s’afficher et afficher [leur] identité »
comme le dit le SG du groupe lors du lancement des activités annuelles de la cellule de la FLSH, en 2020.
Lors de cette rencontre, celui-ci a invité les étudiants évangéliques à rendre visible leur foi et à impacter
leur environnement à travers leurs actions. « Il faut avoir un impact sur là où nous sommes. Il faut qu’on
sente notre présence » dit-il aux participants avec insistance. Pour ce faire, ils se doivent d’affirmer leur
différence religieuse et de l’exprimer dans leurs discussions avec leurs camarades. De plus, ils doivent avoir
des comportements prosélytistes qui susciteront l’envie des autres, etc. Toutefois, la dominance musulmane
à l’UAM rend les étudiants évangéliques et pentecôtistes relativement peu visibles. En effet, sur le plan
vestimentaire, la majorité des étudiantes se couvre leur corps d’un hidjab ou des voiles traditionnels. De
plus, les salutations commencent, le plus souvent, par la formule musulmane de salam aleykum, etc. Pour
se faire une place et ainsi exister, les étudiants chrétiens créent leur cercle d’entraide et d’expression
identitaire, comme nous l’avons mentionné plus haut. Les étudiants pentecôtistes, n’ayant pas
d’accoutrements religieux qui leur sont propres, se distinguent le plus souvent par le port des tee-shirts
portant des versets bibliques. En plus, ils se démarquent par le port de la Bible le prosélytisme dans les
campus social et académiques. Une autre caractéristique est l’adoption d’un discours religieux engagé dans
les débats quotidiens. En effet, le plus souvent pour expliquer un phénomène, ils renvoient à Dieu ou voient
les signes de son existence. Ces discussions ordinaires sont aussi des occasions pour certains pentecôtistes
de glisser des paroles évangéliques dans un but évangéliste afin de démontrer l’adaptation universelle de
leur religion.
En somme, ces étudiants, salafis comme évangéliques et pentecôtistes, se sont décomplexés (M.S. Camara,
2016 ; M.S. Camara et M. Bodian, 2016) en s’appropriant les valeurs religieuses prônées par leurs
associations religieuses respectives.

Conclusion
Avec la liberté d’association consacrée par l’avènement de la démocratie au Niger, les étudiants musulmans
et chrétiens de l’Université Abdou Moumouni ont fondé leurs associations religieuses respectives. Ces
ingénieurs religieux se sont engagés à diffuser les valeurs de leurs religions auprès de leurs camarades. La
création d’associations religieuses étudiantes a été comme un coup de fouet ayant dynamisé le prosélytisme
sur cet espace. Les étudiants salafis et pentecôtistes organisés au sein de leurs associations respectives ont
multiplié les initiatives prosélytistes dont la mise en place des cercles d’apprentissage de la religion. Ces
derniers ont finalement contribué à la propagation des valeurs religieuses sur le campus de l’UAM,
contribuant ainsi à la transformation de l’identité religieuse des étudiants qui y prennent part. Cette
transformation est observable à travers leurs discours et leurs comportements vestimentaires, entre autres.
Ainsi, la religiosité a acquis une grande importance auprès de ces étudiants qui l’extériorisent dans leur vie
quotidienne. Conséquemment, chacun en fonction de sa religion extériorise son appartenance. Dans un
contexte de concurrence entre les groupes religieux étudiants, il serait intéressant d’interroger la
gouvernance du phénomène religieux sur cet espace par les autorités universitaires.

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