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1 - N°1 - 2018
ANNÉE 2018
Revue Scientiique de
l’Université Alassane Ouattara
© UAO 2018
ISSN : 1817-177X
Administration de la Revue Repères :
SOMMAIRE
Littératures et communication
1- KABLAN Adiaba Vincent,
Le quiproquo : un jeu de situation,
un jeu de sort.............................................................11-37
9- BINATE Issouf,
Les ONG islamiques en Côte-d’Ivoire
en période de conlit : acteurs et enjeux......193-230
Résumé
Le tabou, en tant qu’il est un paramètre de la
socialité, participe de la conservation des sociétés
en circonscrivant la conscience collective. Vu sous
le prisme du langage, il déinit les modalités du dire.
L’objet de la présente étude est de voir comment le
tabou se fait énoncé et comment la parole interdite
peut se positionner comme stratégie discursive dans
le ilm de Dani Kouyaté Sia, le rêve du python. À la
lumière de l’analyse du discours, il apparaît que la
folie de Kerfa puis de Sia relève de l’énonciation de
la parole interdite. Les « néga-énonciateurs » (énon-
ciateurs interdits) que sont les deux fous, en trans-
gressant le discours normatif, se voient niés par la
société. L’éthos est celui du paria, un être consacré
par la « mort discursive ». Du point de vue de la
construction doxique, le ilm met en avant une doxa
fondée sur le mythe du python. Partagée de toute la
communauté, celle-ci s’établit en un endoxon qui
Introduction
Les normes sont le gage d’une société harmo-
nieuse. Établies par la conscience collective, les
normes sociales ne vont pas sans leur corollaire :
le tabou. Déini sous le mode du proscrit, le tabou
détermine le prescrit, il le présuppose. Dans le long
métrage de Dani Kouyaté, Sia, le rêve du python, il
est question de l’interdiction de parler de l’impos-
ture du python. Cette mesure qui frappe d’incom-
pétence discursive Kerfa puis son héritière (Sia) ré-
vèleun code pénal inscrit dans cette société à tradition
orale. La parole interdite du fou dans cette société
traditionnelle est l’objet de cette étude. De fait, le
fou est une igure importante dans les sociétés afri-
caines reprise dans bien de productions artistiques,
tant littéraires (L’Aventure ambiguë de Cheikh Ha-
midou Kane, Le Fou de Jean-Pierre Guingané, Les
Crapauds-brousse de Tierno Monénembo…) que
ilmiques (Le Monde est un ballet d’Issa Traoré de
Brahima, Tasuman, le feu de Kollo Daniel Sanou,
Le Testament d’Apolline Traoré…). En convoquant
doublement cette igure, le ilm de Dani Kouyaté
signiie. Mais comment le langage, le tabou et le fou
interagissent-ils dans le processus de la signiication ?
Comment le Code pénal implicite « wagadéen » éta-
2- Nous y reviendrons.
Discours
Conservation normatif
Mythe du Sacriice
de la vie dans vs
Discours python humain
le Wagadu discours
transgressif
Dignitaires Dignitaires
Dignitaires,
(empereur, (empereur,
Peuple peuple vs
Corporalité prêtres, prêtres,
Kerfa, Sia
notables) notables)
Observance
Prescription
du tabou
du tabou, Observance Mise à mort de
vs
Caractère sauvegarde du tabou vierge
Transgression
du tabou
du tabou
Loyaliste
vs
Ethos Législateur Justiciable Législateur
Rebelle
ENTHYMÈME 1
Prémisse
Ceux qui découvrent l’imposture
majeure
sont tabous.
(non actualisée)
ENTHYMÈME 2
Prémisse
Ceux qui parlent de l’imposture
majeure
sont fous.
(non actualisée)
Prémisse
Kerfa et Sia parlent de l’imposture.
mineure
Conclusion Kerfa et Sia sont fous.
Conclusion
À l’analyse, le Wagadu, quoique traditionnel,
possède un code pénal implicite et non écrit déini par
la conscience collective. Les citoyens pris en situation
de délit doivent comparaître devant les dignitaires
avant de se voir appliquer la peine. Dans le ilm, il
s’agit précisément d’une peine privative de la liberté
discursive qui est inligée au fou (ou à la folle) pour
avoir percé le mystère qui mythe. L’on peut conclure
donc à une interaction entre tabou et langage ; autant
le premier détermine le second, autant ce dernier
implique le premier. L’énonciation est celle de la pa-
role interdite qui frappe d’incompétence le fou (ou la
folle) et le condamne à la mort discursive. La parado-
xa ainsi constituée autorise une critique de l’endoxon
qui débouche sur l’articulation de la doxa tout en
indexant l’adoxa. Une telle construction doxique par-
ticipe des opérations de mise en discours et témoigne
de la tension qui préside à l’écriture ilmique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES