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Les Cahiers de l’ENSup

Revue scientifique pluridisciplinaire

Directeur de publication
Dr TOURE Ibrahim Sagayar, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)

Directeur de rédaction
Dr DIALLO Moro dit Tiémoko, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)

Secrétariat de rédaction
Dr COULIBALY Mariam, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr MARICO Adama, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr MOUNKORO Hélène Semité, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr SANOGO Karidiata, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr CAMARA Abdoul Karim, Université des Lettres et Sciences Humaines de
Bamako (Mali)
Dr NOUNTA Zakaria, Université des Lettres et Sciences Humaines de Bamako
(Mali)
M. KEITA Tidiane Ferdinand, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)

Comité Scientifique et de lecture


Pr DOUYON Denis, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Pr TOURE Saydul Wahab, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Pr MARIKO Seydou, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Pr BERNARD Jacques-Emanuel université de Toulon (France)
Pr DAFF Moussa, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
Pr MBOW Fallou, FASTEF-Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
Pr WANE Mohamedoune dit Doudou, Université Nouakchott (Mauritanie)
Pr KOUAME Réné Allou, Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte
d’Ivoire)
Pr SISSAO Alain, Université de Ouagadougou (Burkina-Faso)
Pr ENAMA Patricia Bissa, Université Yaoundé 1 (Cameroun)
Pr YAO Jackim Simplice, Université Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo (Côte
d’Ivoire)

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 1


Pr M’BRAH Désiré Kouakou, Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte
d’Ivoire)
Pr OTTE Marcel, Université de Liège (Belgique)
Pr MONTE Vincente, Université d’Oviedo (Espagne)
Pr RENOUPREZ Martine Université de Cadix (Espagne)
Pr MEKAYSSI Abdelmadjid, Université Mohamed V de Rabat (Maroc)
Pr MWEPU Patrice Kabeya, Rhodes University (Afrique du Sud)
Pr NARBONA Immaculada Díaz, Université de Cadix (Espagne)
Pr ALMOULOUD Saddo Ag, Federal University of Pará (Brésil)
Dr CISSE Djibrilla Alhadji, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr NASSOKO Douga, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr DIAKITE Baye, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr DIA Mamadou, Université des Lettres et Sciences humaines de Bamako (Mali)
Pr MAIGA Amidou, Université des Lettres, langues et des Sciences humaines de
Bamako (Mali)
Dr MAIGA Ahmadou, Université des Lettres et Sciences humaines de Bamako
(Mali)
Pr MINKAILOU Mohamed, Université des Lettres et des Sciences humaines de
Bamako (Mali)
Dr TRAORE Amadou, Université de Ségou (Mali)
Dr TRAORE Abou, Université de Ségou (Mali)
Dr DIALLO Mamadou Bani, Université des Lettres et des Sciences humaines de
Bamako (Mali)
Dr KONE Salifou, Ecole Normale Supérieure de Bamako (Mali)
Dr SIDIBE Fodé Moussa, Université des Lettres et des Sciences humaines de
Bamako (Mali)

2 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


Les cahiers de l’ENSup

Présentation de la revue
La revue scientifique internationale et interdisciplinaire Les Cahiers de l’ENSup
de l’École Normale Supérieure de Bamako est semestrielle et porte sur les problé-
matiques relatives aux sciences humaines et sociales, fondamentales et appliquées.
Elle est dotée d’un comité scientifique et de lecture.
Les Cahiers de l’ENSup entendent promouvoir l’avancement des connaissances sur
les problématiques relatives aux domaines cités plus haut favorisant ainsi l’avan-
cement des enseignants-chercheurs du Mali et d’ailleurs pour leur permettre de
satisfaire les exigences de la Commission Nationale d’Établissement des Listes
d’Aptitudes (CNELA) et/ou du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement
Supérieur (CAMES).
La revue est de ce fait au cœur des questionnements liés aux sciences humaines,
sociales, fondamentales et appliquées avec un accent particulier mis sur l’ensei-
gnement-apprentissage des disciplines scolaires, conformément à la vocation de
l’École Normale Supérieure de Bamako.
En outre, les numéros publiés par la revue peuvent être thématiques ou à thèmes
variés (varia) en fonction des orientations données par le Directeur de publication
et le Comité scientifique de la revue.
A ce titre, étant un organe de publication de l’École Normale Supérieure de Bamako
la revue est placée sous sa responsabilité administrative et éditoriale. Il est attribué
à la revue Les Cahiers de l’ENSup un numéro ISSN.
Quatre instances de gestion assurent le fonctionnement et garantissent la qualité
scientifique des articles qui y sont publiés dans la revue.
Instructions aux auteurs
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La revue Les Cahiers de l’ENSup publie deux numéros par an (juin et décembre)
dans les langues suivantes : français, anglais, russe, allemand et arabe. Toutefois,
au besoin la revue peut publier des numéros spéciaux. Le résumé (250 mots) et
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L’article doit comporter l’indication du prénom et nom (en majuscule), l’institution
de rattachement et l’adresse électronique de (s) l’auteur (s).
Le titre de l’article doit être clair et concis éventuellement avec un sous-titre (en

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majuscule).
Manuscrits
L’article soumis à la publication doit être compris entre 10 et 15 pages (tableaux
figure, graphiques, bibliographie, etc. compris) avec une marge haut/bas ; gauche/
droite 2.5 cm format A4, Times New Roman 12pts (corps du texte et 14 pour le
titre), interligne 1.5, justifié.
Le texte doit être organisé en : Introduction, développement (numérotation struc-
ture 1., 1.1, 1.2, 2., 2.1, etc.), résultat, discussions, conclusion, etc.
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Citations
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ceptées. Elles doivent être insérées dans le texte suivant le principe : Nom
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directement dans le texte ou entre parenthèses.
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• Source narrative : Diallo (2021) estime que...
• Source entre parenthèses : « [...] l’école serait en décadence » (Diallo, 2021,
p 12)
• dans la bibliographie, sous la forme d’une référence complète en fonction
du type de source ;
Exemples :
• Diallo, M. (2021). L’école malienne de la démocratie. L’Harmattan.
Citations directes (citation des propos d’autrui tels que prononcés ou écrits par

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l’auteur·(e))
Une citation de moins de quarante (40) mots est directement insérée dans le texte
entre guillemets. Elle figure à la suite de la phrase sur la même ligne.
Une citation de plus de quarante (40) mots est détachée en la faisant précéder et
suivre par un retrait de 1,5 cm à gauche et à droite avec une taille de police 10pts
sans guillemets.
Exemples :
• Le football selon Marico (2020) c’est « faire des allers-retours en courant
ensemble et celui qui marque le plus gagne » (p. 15).
• Un chercheur déclare à ce sujet : « la base de toute recherche c’est la qualité
de la méthodologie » (Koné, 2019, pp. 2-3)
• L’intercompréhension entre les hommes est dans l’ordre naturel des choses :

L’homme est un être social qui ne peut se réaliser qu’en relation


avec les autres. Cela passe nécessairement par l’acceptation des
règles de la vie sociale. Celui qui n’arrive à jouer ce jeu social se
retrouve inéluctablement mis à l’écart par les autres. (Coulibaly,
2021, p. 23)
Références bibliographiques
Les références bibliographiques se placent à la fin de l’article se présentent comme
suit :
Livres (documents religieux, ainsi que les classiques)
Sartre, J.-P. (1938). La Nausée. Gallimard. (Livre papier)
Hobbes, T. (2017). Léviathan ou La matière, la forme et la puissance d’un État
ecclésiastique et civil (F. Tricaud, Trad.). Flammarion. https://gallica.
bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65496c.texteImage (Livre électronique)
Les périodiques (des revues ; des journaux ; des magazines ; des blogs ; ou des
newsletters)
Barbot, J. (1999). L’engagement dans l’arène médiatique. Les associations de
lutte contre le sida. Réseaux. Communication-Technologie-Société,
17(95), 155-196. (Sans DOI)
Sabouret, J.-F., (2011). L’Asie-monde. CNRS Éditions. https://doi.org/10.4000/
books.editionscnrs.11635 (Avec DOI)
Hobbes, T. (2017). Léviathan ou La matière, la forme et la puissance d’un État
ecclésiastique et civil (F. Tricaud, Trad.). Flammarion. https://gallica.

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bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65496c.texteImage (Avec URL)
Sources internet
de la Brosse, J. (2020, 2 février). La lutte contre les promos trompeuses se durcit.
Le Monde. https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/02/02/la-
lutte-contre-les-promos-trompe-uses-se-durcit_6028149_3234.html
NB : pour les sources et références qui ne figurent pas dans ce document, prendre
contact avec le comité de rédaction de la revue Les cahiers de l’ENSup qui vous
indiquera le modèle à suivre. Adresse email : lescahiersdelensup@gmail.com
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• La problématique est-elle pertinente au regard des objectifs de la revue ?
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• Est-ce que le thème ou sujet fait l’objet d’une argumentation adéquate ?
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• Est-ce que le cadre théorique est bien explicité et cohérent avec la problé-
matique ?
• Est-ce que les concepts sont clairement définis ?
• Est-ce que les références citées sont adaptées, pertinentes, suffisantes, diver-
sifiées et récentes ?
• Pour un texte à vocation principalement non empirique : Comment éva-
luez-vous la portée du cadre théorique développé (pertinence et ampleur de
la contribution pour le champ étudié) ?
3. Cohérence et rigueur de la méthodologie :
• La méthodologie est-elle clairement expliquée ? (Échantillon, méthode de
recueil de données, méthode d’analyse)
• Est-ce que la méthodologie est cohérente avec la problématique ? Per-
met-elle d’obtenir des résultats pertinents ?
4. Qualité de l’analyse et/ou de la discussion :

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• Comment évaluez-vous la richesse de l’analyse et/ou de la dis-
cussion ?
• Est-ce qu’elles répondent aux objectifs annoncés au début du texte ?
5. Clarté et structure du texte, qualité de la langue :
• Est-ce que le texte est structuré de manière cohérente ?
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• La grammaire, la syntaxe, l’orthographe sont-ils satisfaisants pour une pu-
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• La longueur : sauf cas exceptionnels décidés à l’avance par la rédaction, la
revue ne publie que des articles ne dépassant pas 46 000 caractères espace
compris soit entre 10 à 15 pages, bibliographie incluse.

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 7


SOMMAIRE

Kouassi Arsène Brice KOUASSI RENDRE L’ALPHABETISATION PLUS


Maria OUATTARA ATTRACTIVE PAR L’INTEGRATION DES 10
Souhan Monhuet Yves SEA TIC : cas de l’« Alphatic » en Côte d’Ivoire

APPROPRIATION DES COMPETENCES


Olivia BINGANGA
EN FRANÇAIS LANGUE SECONDE : 26
Virginie OMPOUSSA
COMPRENDRE L’IMPACT DE L’INPUT

LA FICHE PEDAGOGIQUE DU FLE


Moro dit Tiémoko DIALLO ET DE L’APC AU MALI : ENTRE
41
Zakaria NOUNTA CONVERGENCES ET DIVERGENCES
METHODOLOGIQUES

ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE


Sékou Mory NAMAKRI 59
BAMAKO ET SYSTEME LMD

APPRENTISSAGE EN CLASSES
TRANSITOIRES ET INCLUSION
Missa BARRO
SCOLAIRE DES ENFANTS EN
Yasnoga Félicité COULIBALY 74
SITUATION DE HANDICAP VISUEL DE
Tontigui Moussa TRAORE
L’ÉCOLE DES JEUNES AVEUGLES DE
BOBO DIOULASSO.
OFFRE DE PROGRAMMES
D’ENSEIGNEMENT ET
CODO Carolle-Nelly
FREQUENTATION MUSEALE DES 90
BIAOU Gauthier
JEUNES SCOLAIRES DANS LA
COMMUNE DE OUIDAH (BENIN)

ÉCOLE PRIMAIRE ET VIOLENCES


Hermine MATARI VERBALES ENTRE ÉLÈVES À
102
Julien IBOUANGA LIBREVILLE : FÉMINISATION D’UNE
VIOLENCE GRAVE ET BLESSANTE

RÉPUTATION ACADÉMIQUE DES


UNIVERSITÉS PUBLIQUES DE CÔTE
Kouadio Olivier N’ZUE D’IVOIRE À PARTIR DES ÉVALUATIONS 116
DU CAMES ET DES CLASSEMENTS DES
UNIVERSITÉS DE 2012 À 2020

8 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


LA MALINKISATION DU FRANÇAIS
Charles BONY YAO
DANS MONNE, OUTRAGE ET DEFI : 128
Koffi Aurélien KOUASSI
UNE INNOVATION KOUROUMIENNE

LE SON [Ø] : PHONEME OU VARIANTE


DANS LE SYSTEME VOCALIQUE DU
Marie-France ANDEME ALLOGO 142
ǸTÚMU DIALECTE FAŋ, LANGUE
BANTU DU GABON

LANGUE MATERNELLE YIPUNU


ET QUESTION IDENTITAIRE DANS
Germain KOUMBA MOUITY 156
L’ECRITURE ROMANESQUE DE JEAN
DIVASSA NYAMA

ANALYSE DES PRATIQUES DE


Bassémory KONE
COMMUNICATION DANS LA RIPOSTE 171
Kela Franck TAGOUYA
A LA COVID-19 EN CÔTE D’IVOIRE

SUBJECTIVITES DANS LE DISCOURS


MEDIATIQUES : CAS DES TITRES
Karim KOMAH ET CARTES ILLUSTRATIVES DES 185
JOURNAUX TELEVISES DE TV5MONDE
ET FRANCE 24

LE ROMAN D’ANDRÉ MALRAUX À


L’ÉPREUVE DES ARTS DU SPECTACLE.
Yacouba KONÉ 200
L’ESTHÉTIQUE THÉÂTRALE DANS LA
CONDITION HUMAINE ET L’ESPOIR

DE L’HÉTÉRONOMIE A L’AUTONOMIE
INDIVIDUELLE : UNE DYNAMIQUE DE
Kouakou Jean-Michel KOUASSI
LA CONSTRUCTION DU PERSONNAGE 217
Losséni FANNY
DRAMATIQUE DANS LES VOIX DANS
LE VENT.

LA REPRÉSENTATION DE L’ENFANT
Mamadou SIDIBE
DES FAMILLES LIBERTINES DANS LES 234
Clément LOUA
ROMANS DE RÉTIF DE LA BRETONNE

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 9


DE L’HÉTÉRONOMIE A L’AUTONOMIE INDIVIDUELLE :
UNE DYNAMIQUE DE LA CONSTRUCTION DU PERSONNAGE
DRAMATIQUE DANS LES VOIX DANS LE VENT.
Kouakou Jean-Michel KOUASSI
Université Peleforo Gon Coulibaly- Korhogo-Côte d’Ivoire
jeanmichelkouassi75@yahoo.fr
Losséni FANNY
Université Peleforo Gon Coulibaly- Korhogo-Côte d’Ivoire
fannylosseni1@gmail.com

Résumé
Le présent article est une réflexion sur les motifs de la volonté de construction du
personnage dramatique dans Les voix dans le vent du dramaturge ivoirien Bernard
Binlin Dadié sous l’examen des thèmes de l’hétéronomie et de l’autonomie. Il
se fonde sur le constat selon lequel, la quête de l’autonomie individuelle dans le
corpus étudié est associée à l’hétéronomie qui crée la dislocation des liens sociaux.
L’hostilité dans les relations interpersonnelles fait du personnage, un individu
instable et déclenche une volonté de construction de son être où il revendique sa
propre personnalité. À ce titre, cette étude vise à relever les incidences dramatiques de
l’hétéronomie et à montrer qu’au fondement de la quête de l’autonomie individuelle
de Nahoubou 1er qui conduit à son accession au trône puis à sa déconstruction, se
trouve l’hétéronomie.
Mots-clés : Hétéronomie, autonomie individuelle, construction, dynamisme,
déconstruction.

Abstract
The present article is a reflection on the motives of the will of construction of
the dramatic character in Les voix dans le vent of the Ivorian playwright Bernard
Binlin Dadié under the examination of the themes of heteronomy and autonomy.
It is basing on the observation that the quest for individual autonomy in the corpus
is associated with heteronomy, which creates the dislocation of social ties. The
hostility in the interpersonal relations makes of the character, an unstable individual
and triggers a will of construction of its being where it claims its own personality.
As such, this study aims to identify the dramatic implications of heteronomy and to
show that at the foundation of Nahoubou I’s quest for individual autonomy, which
leads to his accession to the throne and then to his deconstruction, is heteronomy.
Keywords: Heteronomy, individual autonomy, construction, dynamism,
deconstruction.

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 217


Introduction
Emmanuel Kant dans son ouvrage, Fondement de la métaphysique des mœurs
(2011 : 208), définit l’hétéronomie23 comme le fait d’être soumis à une loi étrangère,
qui n’émane pas de la volonté elle-même dans son pouvoir de se donner à elle-
même une loi. L’utilisation de la notion d’hétéronomie chez Kant renvoie donc au
« fait d’être influencé par des facteurs extérieurs, d’être soumis à des lois ou des
règles dépendant d’une entité extérieure. Ainsi, elle est exactement le contraire de
l’autonomie et par conséquent « la source de tous les faux principes de la moralité
» (idem : 2011). Il apparait alors que le modèle de gestion de la société astreint
l’homme à renoncer à une part de lui-même et à se soumettre à un système de
règles obligatoires. Dès lors, d’après le philosophe analyste Castoriadis Cornelius,
l’aliénation ici consiste avant tout en l’autonomisation de l’institution, qui une fois
posée, acquiert une inertie et une logique intrinsèque pour finalement dépasser les
fonctions, les fins et les raisons d’être qui lui sont propres. Ainsi, affirme-t-il :
L’autocréation de l’humanité, l’auto-institution des sociétés sont, presque toujours
et partout, masquées, dissimulés à la société par son institution même. Et presque
toujours, presque partout, cette institution contient la représentation instituée de sa
propre origine extra sociale : ce caractère hétéronome de l’institution de la société
réside dans le fait que la loi sociale n’est pas posée comme création de la société
mais perçue comme ayant une origine hors d’atteinte des êtres humains vivants
(Castoriadis Cornelius 1999 : 132).

Ici se logent alors les manques, les déchirements, les oppressions, les tensions vécues
des individus qui composent la société. L’ampleur des crises à un certain moment
s’exacerbent pour finalement parvenir à une situation limite où les fondements
culturels et les régularités sociales ne font plus sens, ouvrant la porte à des moments
charnières conduisant à des quêtes ou reconquêtes du sens collectives. L’individu
hétéronome est alors amené, d’abord au niveau conceptuel, à se dégager de l’autorité
trop pesante, ensuite à se donner sa propre loi et, par là même, à s’auto-constituer
dans une praxis24 créatrice. Une telle volonté d’autoconstitution, consécutive
au réveil de l’instinct de l’homme, ouvre une porte d’accès à l’autonomie. Tout
comme l’hétéronomie, l’autonomie tire ses origines du grec «autos», renvoyant
à «soi-même», et «nomos» signifiant «loi». Ainsi, selon F. Gauthier (2011 : 386),
« l’autonomie, littéralement «se donner ses propres lois» est donc, chez Kant, le
projet de sortie de l’hétéronomie, à savoir d’un état de dépendance dans lequel les

23. Elle est composée du préfixe « hétéro » qui désigne « l’autre » et du suffixe « nomie » ou «nomos» en grec qui signifie
« loi ».
24. Le terme « praxis » ici est à entendre dans le sens de Castoriadis c’est-à-dire la praxis qui, dans un processus créatif,
vise le développement de l’autonomie comme fin et utilise à cette fin l’autonomie comme moyen. C’est ce « faire dans
lequel l’autre et les autres sont visés comme être autonome et considérés comme l’agent essentiel du développement de leur
autonomie ».

218 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


lois proviennent de «l’extérieur» ».
Le besoin vital d’autonomie peut prendre des formes aventureuses : indiscipline,
révolte, contestation, prises de risques, délits, etc. La question de l’hétéronomie
comme ancrage à la quête d’une autonomie individuelle qui aboutit à des formes
aventureuses est au cœur de l’œuvre dramatique Les voix dans le vent de Bernard
Binlin Dadié. Dans la pièce, la dépendance à une autorité dictatoriale caractérise
la majeure partie des personnages dadiéens dont Macadou25 qui soumet le peuple
à toutes formes d’exploitation et le condamne au statut d’être-là sans raison d’être.
L’on en arrive à une pression sociale qui créée un sentiment de révolte chez
Nahoubou qui aspire au poste du Macadou pour jouir de tous les pouvoirs. En
effet, humilié par les hommes de Macabou qui dirige son pays, il se révolte et rêve
d’installer un règne de prospérité et de paix. Une fois le rêve réalisé, il devient le
Macadou qui entraine son peuple dans la guerre et l’exploite jusqu’au jour où le
peuple se révolte et le destitue à son tour. La volonté de construction du personnage
dramatique dadiéen lequel connait plusieurs variantes et un dynamisme, inspire le
sujet suivant : « De l’hétéronomie à l’autonomie individuelle : une dynamique de la
construction du personnage dramatique dans Les voix dans le vent ».
Les questions qui restent en filigrane sont de savoir en quoi l’hétéronomie est-elle
un embrayeur de quête d’autonomie individuelle et de construction du personnage
dramatique dadiéen ? Quelles en sont les incidences dramatiques ? En quoi est-
elle source de construction et de déconstruction du personnage dramatique ? Pour
répondre à ces interrogations, l’on envisage interroger la sociocritique afin d’opérer
une percée vers le sens de l’écriture dadiéenne. Au sens où l’entend Claude Duchet
(1979), la sociocritique repose sur une conception triangulaire des rapports du texte,
de l’auteur et de la société.
Trois axes d’analyse guident ce travail. Le premier axe porte sur le concept
hétéronomie et ses incidences dramatiques ; le second, sur les ressorts dramatiques
de la quête de l’autonomie des personnages et son rapport à la question de la
construction du personnage ; le troisième, sur la déconstruction du personnage
principal dramatique dadiéen qui le conduira à sa mort.

1. L’hétéronomie et ses incidences dramatiques


Dans la perspective de l’analyse qui porte sur le lexème hétéronomie et ses incidences,
l’on axera l’étude sur cette institution d’aliénation qui donne accès à un espace
dramatique exclusif et de disjonctions sociales. Ensuite, l’on montrera que dans son

25. Macadou est un mot qui signifie roi omnipotent, guide suprême.

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 219


fonctionnement, elle est le moteur de la crise existentielle du personnage dramatique
dadiéen d’autre part.

1.1. La création d’un espace dramatique conflictuel et de disjonctions sociales


Le pays fictionnel, dans lequel Les voix dans le vent de Bernard Dadié plonge
le lecteur-spectateur, fonctionne avec un système politique unitaire qui a du mal
à penser le pluralisme des conditions et des opinions. Il se caractérise par une
catégorisation sociale très discriminatoire (très riche /très pauvre). Autour du roi
Macadou, grouille un groupe de sbires et de sicaires qui ont pour mission de spolier
le peuple., L’on peut en particulier citer des personnages comme Kablan, le Premier
acolyte et le Deuxième Acolyte.
Pour matérialiser la dépossession, Bernard Dadié intitule le troisième tableau de sa
pièce « Scène de la spoliation ». À l’analyse du titre du tableau, l’on infère que le
dramaturge dresse déjà un tableau sombre du sort réservé aux personnages vivant
dans un espace dramatique où seule la volonté du Macadou compte. La situation
aliénante et de spoliation du peuple est résumée dans la réplique de Kablan :
C’est un exceptionnel honneur pour un peuple que son Macadou lui demande de
l’argent ». (…) Ah ! Estimez-vous heureux de vivre sous un Macadou aussi humain
que le nôtre ! Bénissez le ciel de vous l’avoir donné. Les autres, ils ne laissent rien
au peuple…Si, les yeux pour l’admirer (B. Dadié 2001 : 28).

La réplique de Kablan expose la vision de la grandeur et de l’indispensabilité du


guide. Le peuple, qui avait placé son espoir en lui en l’intronisant, se voit désabusé,
trompé, humilié et volé. C’est ce que révèle Nahoubou :
Trompé, humilié, volé…Nous avions tous pensé qu’en mettant Nakata sur le
trône, nous y mettions un homme, mais qu’est-il devenu ? Un monstre de maître
absolu, qui nous fait dépouiller par ses hommes, au point que nos femmes nous
abandonnent, que nous ne sommes plus en sécurité nulle part. Un fléau (B. Dadié
2001 : 46).

Dans une telle atmosphère de spoliation généralisée, le Macadou Nakata selon


Nahoubou est comparable à un « fléau » suscitant l’inaction prolongée des hommes
en général et l’obstination de Nahoubou à rester identique à lui-même c’est-à-dire,
homme intègre. Apparait ici l’une des raisons qui fait que son modus vivendi26 et sa
vision des choses sont souvent différentes de celles des autres d’où les nombreuses
interrogations de Nahoubou quand sa femme lui demande d’être comme les autres
: N’est-ce pas trop me demander ? On m’a appris à pêcher et à cultiver. Comment
puis-je faire comme les autres ? C’est si difficile (B. Dadié 2001 : 39)

26. Modus vivendi est une expression latine qui signifie littéralement « manière de vivre ».

220 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


Il ressort de la réplique ci-dessus une opposition entre la réaction de vouloir du
personnage et sa propre pensée. Au fond de lui, il aurait aimé réagir, mais il en est
incapable. Toute chose dénotant clairement que pour Nahoubou, l’insertion dans une
telle société aliénante est fondamentalement impossible. Il perd donc tout espoir de
se construire socialement. Son attitude d’abdication ternit son image, puisqu’il sera
considéré par sa femme comme un « songe-creux », qualificatif dépréciatif que le
dramaturge emploie pour désigner un être lâche et incapable. L’espace déconstruit
le personnage au point de l’assujettir et d’en faire une marionnette. Incapable de
se métamorphoser, sa femme le quitte comme le montre le monologue intérieur de
Nahoubou :
Ma femme est donc définitivement partie…Elle va se chercher un homme…Je préfère
rester tel que je suis pour pouvoir regarder les autres en face…Vieille éducation
(il rit). Spolié, abandonné… Seul dans cette maison pleine de la présence de ma
femme qui m’aidait à tout supporter. Sans elle, que vais-je devenir ? Ne suis- pas un
obstacle ? Un monstre ? Non ! Je veux rester moi-même (B. Dadié 2001 : 40-41).

Le départ de sa femme ébranle l’éthique initiale de Nahoubou et le plonge dans


une solitude profonde. Dès lors, toutes les certitudes du personnage se transforment
soudain en incertitudes. Désormais au bord du précipice, Nahoubou, en situation
de rupture et de profonde remise en question de ses convictions d’antan, se trouve
plongé dans une violente crise existentielle.

1.2. La crise existentielle du personnage dramatique


La crise existentielle27 de Nahoubou, dans la pièce est liée à l’environnement
familial et social dans lequel il vit. Le dramaturge, afin de mieux élucider la crise du
personnage, fait d’abord un flash-back sur son enfance avant d’exposer les autres
pans de sa vie.
Issu d’une famille aux revenus particulièrement modestes dont la situation sociale
ne cesse de se détériorer chaque jour à cause des dettes, la vie de Nahoubou est un
véritable enfer. Il est en effet aux yeux de sa mère, « le diable-né » comme elle le
signifie à son mari à la scène « Vision de la scène d’enfance » :
Ton fils ! Ceux qui ne croient pas au diable, qu’ils viennent le voir. Plus diable que
le diable, ton fils ! » « Il est pire. C’est le diable en personne, n’en faisant qu’à sa
tête. Il risque de mettre le feu au monde (B. Dadié 2001 : 12).

En le nommant ainsi, la réplique, péjorative et/ou dépréciative, présente Nahoubou

27. Par crise existentielle, l’on entend la manifestation d’un sentiment intense de mal-être psychologique dû au fait que
l’individu commence à questionner les raisons même de sa propre existence. La crise apparait lorsque le sujet n’a plus
d’objectif, de but donnant du sens à sa vie. Alors il se sent contraint à vivre seul.

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 221


comme un personnage énigmatique. Son caractère double engendre une rupture
plus ou moins totale de l’individu par rapport à son environnement social. Une
raison qui permet à J. Miguel (1984 : 149) d’affirmer : « Nommer autrement, c’est
faire voir autrement ; et tout d’abord nommer c’est isoler, en même temps que
préparer la création du nouveau rapport ».
À l’exception de très rares moments de bonheur et d’affection que lui témoigne
son père, la souffrance psychologique semble accompagner et habiter Nahoubou.
L’univers infernal agit considérablement sur son caractère, lui conférant une
personnalité indécise. Il est obligé se nourrir par moment en tuant les lézards, les
oiseaux, les chiens et même les chats de Macabou qui sont mieux traités que les
hommes. La réplique de Nahoubou illustre bien le fait : « Ils sont beaux ! Mieux
nourris que des hommes en cette terrible période de famine » (B. Dadié 2001 : 18).
Dans le monde asocial aux valeurs morales inversées de Nahoubou ; où l’animal
a plus de valeur que l’Homme, le personnage dramatique vit dans l’angoisse, avec
le sentiment qu’il n’a pas sa place dans cette société hétéronome où les vertus
classiques et traditionnelles ont laissé la place à d’autres valeurs moins importantes.
Le vouloir-vivre et le vivre-ensemble deviennent la racine du mal. Condamné à
vivre en marge de la société, Nahoubou, dans le désespoir tente une dernière action
: commettre un meurtre, se soustraire définitivement à l’hétéronomie aliénante. Il
en vient à assassiner son père par une flèche sous le regard désespéré d’une mère
écrasée. La lucidité avec laquelle il se découvre est assez terrifiante pour lui. La
mort de son père, qui symbolise le monde réel, est perçue comme un drame. Vivre
dans la vraie vie devient source d’angoisse.
En plus du cadre familial qui l’aliène, Nahoubou devenu pêcheur à l’âge adulte est
victime des atrocités du guide et sa bande de poltron qui le sert. Il est arrêté par
les hommes du Macadou qui le dépouille de son filet et de son argent comme le
souligne la didascalie fonctionnelle : « Les acolytes enlèvent à Nahoubou son filet,
lui prennent sa bourse, son pagne » (B. Dadié 2001 : 13).
Dépouillé de ses richesses matérielles par les séides du Macadou, abandonné par sa
femme qui lui donnait tout, il est contraint désormais à vivre dans la désespérance.
Toutefois, Nahoubou refuse de perdre son autonomie et il renonce à exister en tant
qu’individu social.

2. L’autonomisation et ses ressorts dramatiques


À l’épicentre de la création littéraire et, séculairement, au cœur des sociétés
humaines, la quête de l’autonomie résulte d’une diversité de sources. Dans la
pièce dramatique, la recherche d’autonomisation découle tantôt de celle de la

222 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


reconstruction sociale, tantôt d’une volonté farouche d’accéder au pouvoir.

2.1. La quête d’une construction sociale : une expérience pour affronter


l’extérieur
Après l’expérience d’aliénation et de spoliation, Nahoubou décide de choisir la
solution de l’affrontement, lui permettant de construire et reconstruire son identité.
Pour ce faire, il est impératif de « sortir du temps des cavernes ». La réplique suivante
situe le lecteur-spectateur sur la volonté d’autonomisation de celui-ci :
Pensez-vous donc que nous autres, dans la vie, ne devons jamais connaitre aucun
plaisir, que le jour le plus radieux doive toujours, à nos yeux, paraitre un temps
orageux ?
(…) Naître pour produire et nourrir en produisant pour d’autres. Avoir pour
mission de porter le monde. Non ! Cela fut vrai au temps des cavernes, mais au
jour d’aujourd’hui (B. Dadié 2001 : 24).

À travers le sociogramme « temps des cavernes », Bernard Dadié fait une plongée
dans l’allégorie du mythe de la caverne de Platon28. Il invite les peuple-prisonniers,
victimes des illusions qu’ils subissent de s’en libérer et de prendre conscience de leur
méprise ainsi que de ce que sont les véritables réalités. Nahoubou le dit si bien dans
une réplique :
Un homme qui soit homme. Elle a raison. Je traine trop le poids. On m’a chargé de
trop de poids. On m’a chargé de trop de chaines… Faire comme les autres, c’est
faire tomber les chaines, se déchainer. Que m’a-t-on dit, redit, redit sur tous les
tons ? Etre bon, être juste. Sans cesse penser aux autres, me mettre dans la peau
d’un autre, me battre, devenir citadelle, hérisson, scorpion, vipère, mordre, écraser,
tuer…, tuer…moi aussi (il regarde ses mains) (B. Dadié 2001 : 40).

Bernard Dadié présente au lecteur-spectateur un personnage métamorphosé qui selon


Hervé Guy (2009 : 62), agit « comme un antidote aux déceptions ressenties par des
êtres qui parviennent difficilement à se réaliser à cause de leur différence ».
Dans le processus de construction de soi de Nahoubou, la situation du départ de sa
femme du foyer joue un rôle déclencheur dans la mesure où elle fouette son orgueil
d’homme. À la scène « Nahoubou et sa femme », la première voix que convoque
le dramaturge après le départ de la femme de Nahoubou du foyer répond à cette
exigence : « Sors ! Sors ! Sors ! » (B. Dadié 2001 : 41).
La voix ici constitue un stimulus pour Nahoubou sur la voie de l’autonomisation pour

28. Platon dans Le mythe de la caverne montre que l’on peut connaitre seulement des reflets de la vérité, grâce à la
réminiscence et à partir de notre expérience sensible. Autrement dit, pour lui la seule réalité est celle des Idées : c’est « le
monde des idées » qui constitue le modèle, l’archétype du monde d’apparence dans lequel nous vivons.

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 223


endiguer de tels comportements asociaux. Le mode impératif renforcé de la répétition
du verbe « sortir » et des points d’exclamation en témoigne. Le monologue intérieur
ci-dessous est la marque de la volonté de Nahoubou de sortir de sa « pétrification »,
de surmonter tous les obstacles qui l’empêchent d’accéder à un avenir meilleur et de
se construire socialement :
(…) Il me faut faire comme les autres, plus que les autres… devenir un autre homme,
que plus personne ne me reconnaisse…Que Nahoubou d’hier soit l’opposé de
Nahoubou de demain…tout comme le jour diffère de la nuit. Il faut que tout me
revienne et que ceux qui n’ont rien, pour me faire la cour m’apporte même le peu
qu’ils ont…C’est ça être un homme, arracher la bouchée et le verre de toutes les
mains…(il rit…) Un seul homme peut m’aider à réaliser mon rêve : Bacoulou (il
s’équipe). Me voici prêt pour la grande aventure.il faut qu’on entende parler de
moi…et on entendra parler de moi, moi Nahoubou de la tribu des Kwakwaboué (il
sort) (B. Dadié 2001 : 41).

Certes, Dadié conçoit un personnage traqué par son adversité et par ses propres
convictions, mais il l’instruit et lui donne une lucidité incontestable. Le « faire comme
les autres », « le faire plus que les autres » ou le « devenir un autre homme » que
l’on voit dans le monologue intérieur, sont les marqueurs de la volonté de Nahoubou
de sortir de son être ancien pour devenir un nouvel être qui sera reconnu et respecté
de tous. Pour avoir subi l’injustice, Nahoubou s’érige donc en héros-justicier afin de
protéger les plus faibles.

En effet, Nahoubou veut devenir Macadou c’est-à-dire roi omnipotent, voire guide
suprême qui aura la charge de « modeler l’histoire, travailler l’histoire, infléchir le
cours de l’histoire, être le pivot, le moyeu autour duquel va tourner l’histoire » (B.
Dadié 2001 : 49).

Comme il le dit si bien « il faut qu’on entende parler de moi », « on entendra parler de
moi ». L’affirmation de soi par l’usage des pronoms « me et moi » et l’attachement à sa
tribu « moi Nahoubou de la tribu des Kwakwaboué » matérialisent l’autonomisation
retrouvée. Il décide alors d’aller à la rencontre du sorcier Bacoulou qui vit retranché
au fond d’une grotte, à près de vingt jours de marche du palais. L’objectif de cette
visite est la quête du pouvoir absolu pour avoir droit à tout, être plus que les autres.

2.2. La conquête du pouvoir absolu comme « sens » de l’existence.


Après plus de vingt jours de marche « par monts et par vaux » sans rencontrer un
village, après avoir franchi torrents et ruisseaux avec les pieds griffés par les herbes

224 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


et les épines Nahoubou arrive chez Bacoulou. Il lui confie son destin : « J’en ai fini…
Mon avenir est entre tes mains » (B. Dadié 2001 : 43).
Comme miné par la mauvaise conscience d’avoir activement contribué au départ de
sa femme et sa propre déconstruction sociale, Nahoubou en confiant son destin au
sorcier veut fonder à son tour ce qu’il avait essayé de dé-fonder.
D’entrée de jeu, Nahoubou réclame la puissance mais pas n’importe laquelle. Il veut
une puissance sans limitation pour agir à sa guise :
Mais ma puissance, aucune limitation. Je voudrais agir comme si je tenais tout le
peuple dans la main là, comme ça. C’est-à-dire, pour faire de lui, ce qui me plait,
en toute circonstance, agir à ma guise sans que personne ne puisse broncher. S’il
me plaisait de faire dévier de cours fleuve et océan…Que nul n’ose élever la voix…
mais au contraire, que tous applaudissent. (B. Dadié 2001 : 44).

Bacoulou ayant mesuré la ténacité de Nahoubou au regard de la distance parcouru


pour parvenir à lui, accepte de l’aider à réaliser son projet. Il lui promet de le hisser
à l’extrême pointe de la gloire, mais à la seule condition qu’il accepte d’immenses
sacrifices. Ainsi comme il le souligne : « Il me faudrait donc du sang pour t’ouvrir
les portes de la fortune, les portes de la gloire » (B. Dadié 2001 : 52).
Nahoubou aveuglé par la gloire répond favorablement : « La fortune et la gloire !
Du sang ! Du sang ! Je t’en apporterai autant que tu voudras. » (B. Dadié 2001 :
53).
La résolution drastique prise par Nahoubou de faire verser le sang en dit long sur
son goût du pouvoir. Son obnubilation s’affirme quand Bacoulou lui demande de
verser du sang sorti de sa famille, de son propre sang. La réplique de Bacoulou
corrobore la réalité : « Du sang sorti de ta famille…de ton propre sang, le sang de
ce que tu chéris le plus… le sang de ta mère et de ton frère » (B. Dadié 2001 : 53).
Nahoubou ne trouve aucune objection car il n’est pas apte à reculer devant le
moindre obstacle, fut-il le sacrifice de sa famille dans la mesure où il est conscient
que :
La politique ne nous laisse pas d’autres issues, à moins de rallier le camp de la
tyrannie ou celui de ses alliées […]. Faire de la politique, c’est toujours se lier
à des forces qui débordent les principes ; c’est coïncider avec des valeurs et des
camarades qu’on a choisis, c’est reconstituer pour soi cette unité de volonté, de
passion et d’action dont la tragédie nous propose des modèles excessifs (J. M.
Domenach 1967 : 143).

Dans sa quête effrénée du pouvoir, il commence par se débarrasser de tout lien affectif.
Il tue son frère et sa mère après avoir tranché leurs deux têtes et recueilli leur sang
dans une bouteille. Il apporte le « sang authentique » à Bacoulou pour lui montrer

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 225


son indéfectible loyauté. Pour parvenir à son idéal, Nahoubou est désormais contraint
de boire dans des crânes humains. Bacoulou ne manque pas de le lui rappeler que :
Chaque matin, au premier chant de coq, tu boiras dans chaque crâne. En buvant
dans ces crânes, tu es censé boire l’intelligence des autres hommes, boire leur
vitalité. Voilà pourquoi non seulement tu vivras longtemps, mais tu seras considéré
comme le plus intelligent, parce que le plus rusé, le plus retors des hommes de ton
temps (B. Dadié 2001 : 56).

La consigne que lui donne Bacoulou est assez éloquente et ne laisse subsister aucun
doute sur le caractère inhumain de Nahoubou qui, dans sa quête du pouvoir sans
limite, chaque jour se métamorphose. La mutation apparaît alors comme un choix
individuel, une vision de soi inconsciente, comme l’explique Joannie Archambault : «
Parce qu’elle est la concrétisation de son propre fantasme, la métamorphose fait partie
intégrante du personnage. Ainsi, elle ne trouve plus son origine dans quelque chose
d’extérieur, mais bien dans une intériorité qui lui serait propre » (J. Archambault,
2012 : 2).
Voulant être omnipotent et omniscient, Nahoubou doit piétiner justice et amour.
Alors, il s’empresse de rejoindre le trône pour régner sur les peuplades du monde.

3. Du pouvoir absolu à la déconstruction du personnage dramatique


Loin d’être un phénomène accidentel banal, la déconstruction du personnage
dramatique dadiéen apparait comme une trajectoire qui tire son ancrage dans
une gestion tyrannique du pouvoir motivée par une quête d’autonomisation
individuelle. Une fois porté au trône par le biais d’un soutien mystique, le concerné
suit un cheminement qui n’a d’aboutissement logique que la concrétisation de la
déconstruction qui le conduira à la mort.

3.1. L’intronisation et la gestion du pouvoir autonomique


L’intronisation de Nahoubou se fait dans la clameur au son des chants et aux pas
de danse sous le regard d’un peuple heureux d’avoir un nouveau Macadou comme
le montre la didascalie introductive : « Le peuple, heureux d’avoir un nouveau
Macadou, procède à l’intronisation – chants, danses… » (B. Dadié 2001 : 60).
Le peuple procède directement à l’intronisation de Nahoubou en tant que Macadou
et le fait appeler Nahoubou 1er. De son statut de petit pêcheur donc, il devient avec
le concours du sorcier, roi. L’on peut inférer que le dessein politique de Nahoubou
a pris corps.
Sa position de nouveau Macadou fait de lui l’homme qu’il s’est toujours revendiqué,
à savoir l’être l’unique, sinon l’« ombre » par qui arrivera le bonheur, la croissance,

226 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


la prospérité et la liberté. En témoigne la réplique adressée au peuple : « Je vous
apporte le bonheur comme la becquée à l’aiglon. À mon ombre : croissance et
prospérité. Je veux faire de vous des hommes qui n’adressent aucune prière à aucun
dieu » (B. Dadié 2001 : 63).
Le discours de Nahoubou laisse transparaitre l’image d’un homme frappé du sceau
de l’humanisme, de la sagesse et de l’infaillibilité. Ainsi, nul mieux que lui, ne
représente l’être le plus engagé, le plus conscient des injustices, des brimades et
des humiliations perpétrées par le Macadou. Adulé par le peuple à l’exception de
Kassi, qui les prévient du danger qu’ils encourent par la réplique suivante : « Je
persiste à dire et je déclare que vous faites du chat le gardien du poisson » (B. Dadié
2001 : 62), Nahoubou devient le cinquième roi. Dorénavant, du haut de son trône,
Nahoubou méprisant le peuple, va commettre toutes sortes d’abus. La réplique à la
page 78, exprime la volonté dictatoriale du personnage :
Me voici maître et protecteur de tout ce qui respire dans le pays. Macadou, je suis
devenu la mesure. On va donc rendre ma justice, la justice de Nahoubou 1er de la
dynastie des Nahoubou de la tribu des Kwakwaboué ! Le plus illustre des noms !
(il rit). Je suis l’acajou qui défie la foudre, le tambour dont le murmure emplit le
monde de bruits ; que sous moi prospèrent herbes sans racine, herbes qui rampent,
se trainent, toute fluidité, arbustes et pierrailles en quête d’ombrage, toutes mains
tendues, ouvertes pour la prière, cécité et mutisme.

Le rôle nouveau qui lui est dévolu, le rang auquel il est élevé, les honneurs dont
il est entouré lui confère une telle prééminence que les liens qu’il pouvait avoir
avec telle ou telle personne se trouvent automatiquement distendus. La réplique,
à la page 88, décrit le modèle de fonctionnement que Nahoubou compte mettre en
place :
Tout va changer. Je porterai le fer dans toutes les gangrènes et pour ce faire, je veux
à mes côtés des gens qui penseront ce que je veux qu’ils pensent, diront ce que je
veux qu’ils disent, feront ce que j’aurai décidé. Je veux des têtes qui travaillent,
non des têtes qui pensent.

Le discours que délivre Nahoubou 1er, met en lumière la figure narcissique d’un
individu se contemplant sur scène, où la volonté de la réalité affichée ne fait que
renforcer les distinctions sociales (S. Bonnevie, 2007 : 59). Son caractère narcissique
qui aboutit à l’autoritarisme est marqué par la répétition des pronoms « je » (5 fois)
et l’usage du sociogramme « fer » comme symbole de la fermeté et de la rigidité.
S’instaure alors, une ère de prééminence et d’omniprésence absolues de Nahoubou
1er.
Devenu « Le maitre du tonnerre et de la foudre [...] le descendant du Dieu caïman »,
Nahoubou 1er se met à exécuter la population. Le premier sacrifice de son règne

VOLUME 1 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 227


macabre est un homme dont l’identité n’a pas été révélée par le dramaturge.
La raison de la mise à mort de la victime est qu’il soit venu solliciter la médiation
du Roi pour ramener la paix dans son foyer face aux menaces de sa femme de le
quitter. En effet, la situation lui rappelle tristement les assertions de sa femme qui
l’ont poussé à devenir le Macabou. Les mêmes actes produisant les mêmes effets,
il voit en l’homme dont il s’est fait le bourreau, le futur ennemi du trône qu’il faut
supprimer. Il l’affirme : « Tu es donc l’ennemi du trône. Ta femme a bien fait de
t’abandonner comme les autres. Et pour t’empêcher de faire comme les autres,
j’ordonne qu’on te coupe la tête. Gardes ! (B. Dadié 2001 : 87).
Sentant son pouvoir menacé et son autorité s’effriter, Nahoubou fait passer
l’homme de vie à trépas. L’acte du dictateur ne répond point aux valeurs classiques
de l’héroïsme où : « Le héros tragique se bat pour que le monde soit meilleur ou,
s’il doit rester tel qu’il est, pour que les hommes aient plus de courage et de sérénité
pour y vivre » (André Bonnard, 1982 : 4).
La mort tragique et sans fondement réel de l’homme venu solliciter de l’aide crée
l’émoi et le désespoir chez Kouamé : « Nous qui pensons que tout allait changer ;
que la paix et le bonheur allaient frapper enfin aux portes de nos masures ! La nuit
d’avantage va s’épaissir…Les étoiles même déjà se voilent la face » (B. Dadié 2001
: 88).
Le peuple qui, à l’accession de Nahoubou 1er, l’a acclamé, prend conscience de
l’action dévastatrice de l’humaniste séculier qu’il a mis au pouvoir comme le
pense Platon : « Nos libertés nouvelles nous exposent à de nouvelles servitudes :
Une liberté excessive peut se muer en servitude excessive, et cela aussi bien pour
l’individu que pour la cité » .29
Nahoubou 1er ne diffère guère du premier Macadou. Constat d’autant pessimiste
qu’entre le 4ème Macadou et Macadou V, il n’y a que la différence de nom, Nakata ou
Nahoubou, Nahoubou ou Nakata. La société hétéronome qu’il a combattue renaît
sous une forme plus autoritaire que la précédente. Du héros acclamé à son accession
au trône, ils dévient un anti héros désavoué. Nahoubou souhaite n’avoir en face
de lui que des individus traumatisés qu’il pourra commander à sa guise ; il veut
être le seul maître et s’emploie en conséquence à briser tout pouvoir concurrent.
On voit là l’une des motivations qui le pousse à déclarer la guerre aux sorciers et
féticheurs sous prétexte de purger son pays de l’engeance de ces derniers, de la race
des maîtres-comploteurs comme exprimé ainsi :
Ils ne savent pas à qui ils ont affaire. Je savais que cela devait se produire. J’avais

29. Platon, La République, VIII, 564a.

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tout vu en songe. Ah ! C’est la guerre contre les sorciers, féticheurs et guérisseurs à
tous ceux qui ont osé me provoquer. Je vais les exterminer tous, à commencer par
toi (Bacoulou) (B. Dadié 2001 : 97).

Comme on le constate, le désir de puissance, de pouvoir absolu chez Nahoubou est


une obsession qui n’épargne personne, même pas ses bienfaiteurs. Désormais, les
détenus du pouvoir soumis à sa dictature vivent uniquement pour vivre, puisqu’ils
ne peuvent plus prendre « ni goût ni plaisir à la vie ». Ils semblent condamnés,
comme Sisyphe par Hadès à rouler leur énorme rocher, à subir les affres de la faim
excepté les détenteurs du pouvoir.
De ce qui précède, l’on peut dire que la société hétéronome est productrice de
normes discriminantes qui ont tendance à figer des ordres inégalitaires. Malgré la
souffrance des peuples meurtris, Nahoubou 1er a décidé de les envoyer à la guerre
de prestige afin de punir Losy qui refuse son mauvais amour. Parce qu’il a été
supplanté dans le cœur d’une femme, Nahoubou 1er décide de mettre le monde à
feux et à sang sous le prétexte de laver son honneur.
Qu’on envoie d’autres pour la bataille. Je la veux à tout prix cette jeune fille de
Napleka. J’ai le sentiment qu’elle seule me guérira de mon insomnie. Pour elle,
portez le feu partout ; la mort partout. Pour elle que tout flambe, que les pierres se
liquéfient, que le sol devienne braise, que la terre prenne couleur de sang (B. Dadié
2001 : 121).

La guerre irrationnelle qui avait pour seul fin la satisfaction individuelle aura des
incidences très dramatiques sur la vie de la population avec la mort de nombreux
enfants, de femmes et de vieillards livrés soit aux vautours soit aux hyènes. Les
atrocités perpétrées rappellent à Nahoubou de façon pathétique le personnage
Vérité : des villages qui fument encore, des enfants sous les cendres, des vieillards
livrés aux vautours, des femmes livrées aux hyènes affamées (B. Dadié 2001 : 136).
La mise en scène pathétique met en relief la dimension despotique et la capacité
de nuisance du tyran dans la société contemporaine. Les tyrans peuvent alors s’en
prendre à qui, ils le souhaitent. « Car le tyran ne tire son pouvoir de nuisance que
des faiblesses de notre résistance » (Krishnalal Shridharani, 1972 : 260).
D’ailleurs la rigidité du caractère, l’effort surhumain de vouloir être plus strict que
tout membre du clan et l’orgueil de l’homme qui s’est fait tout seul, sont tous des
éléments qui, dans une large mesure, vont déterminer la déconstruction et la mort
de Nahoubou 1er.

3.2. La déconstruction et la mort du personnage dramatique

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La déconstruction du personnage dramatique dadiéen est perceptible à trois
niveaux : son abandon par son génie protecteur, la révolte des femmes et la solitude
du personnage en quête de réconfort physique et moral.
Le descendant de la tribu des Kwakwaboué et des caïmans est abandonné par le
féticheur Macadou comme en témoigne son échange avec ses conseillers Kablan
et Aka.
NAHOUBOU : As-tu vu Bacoulou ?
KABLAN : Nulle part, je n’ai trouvé trace de Bacoulou
NAHOUBOU : C’est dans la forêt sacrée qu’il fallait partir.
AKA : La forêt sacrée n’existe plus
KABLAN : La forêt sacrée n’existe plus ? Nos dieux nous abandonneraient-ils ?
Qu’allons-nous devenir ?
AKA : À sa place un repaire de serpents, de vautours, de scorpions. (B. Dadié 2001
: 117).
La recherche incessante de Macadou et les interrogations que cela suscite chez
Kablan montrent l’indispensabilité du sorcier-guérisseur dans la vie de Nahoubou
1er.
Fatiguées de la gestion politique irrationnelle de Nahoubou 1er qui est en
contradiction avec les promesses faites lors de son intronisation, les femmes se
révoltent ; elles réclament la cessation de la guerre et le retour au foyer de leurs
enfants et de leurs maris. À leur prise de conscience s’adjoint la révolte des jeunes
gens et des fantômes réclamant leur liberté. Sous les cris à répétition « Nahoubou
serpent », Nahoubou 1er se retrouve seul face à son passé qui a pour noms : la vérité,
les voix, les fantômes. Comme le dit Barthélémy Kotchy (1984 : 74), la vérité lui
rappelle tous ses crimes. Les voix se remémorent le nom de son frère et de sa mère.
Nahoubou 1er souffre, il se lamente et parle seul : « Ah dormir (il bâille), dormir.
Qui veut me prêter un peu de sommeil ? » (B. Dadié 2001 : 132).
Nahoubou devenu mendiant du sommeil, exprime son besoin fondamental de vivre.
L’on note l’emploi du verbe vouloir vivre (au sens fort de « vouloir exister »), des
pronoms personnels de la première personne « je /moi ». « Laissez-moi, je veux
vivre ! Je ne suis pas Macadou. J’ai joué au Macadou. Allez ! Allez ! Laissez-moi
vivre » (B. Dadié 2001 : 135-136).
Voici Nahoubou devenu quêteur de vie, lui qui a tant tué : hommes, enfants, femmes,
sorciers, guérisseurs, animaux. Impuissant face aux fantômes qui lui réclament sa
tête, Nahoubou, le bourreau quémande la pitié aux victimes d’hier qui le tiennent

230 REVUE SEMESTRIELLE DE L’ ENSup DE BAMAKO - N° 004 VOLUME 1


en serres ; « Pitié, pitié » (B. Dadié 2001 : 139)).
Le voici semblable à toutes ces victimes qui ont tout le temps cherché son pardon
et sa pitié. Ce comique de situation faisant du bourreau la victime et de la victime
le bourreau traduit clairement que, l’espace d’une représentation, le pouvoir a lui
aussi changé de mains.
La tentative de justificatif finale et l’interrogation toujours justificative, montrent
que le roi sanguinaire ne peut échapper aux forces qui pèsent sur lui : « Ma faute,
c’est d’avoir trop aimé ce peuple … de m’être pris pour un dieu …mais à voir toutes
ces têtes courbées, ces forêts de mains tendues vers moi, à entendre les louanges
et les hommages, qui à ma place ne serait pas pris pour un dieu ? Qui ? Qui ?
Qui ? » (B. Dadié 2001 : 132). Ce monologue explicatif coloré d’interrogation a
une fonction de symbolisation chez Bernard Dadié. Il est le reflet de l’impossibilité
et de l’impuissance du personnage à communiquer avec les autres. Il est la forme
particulière de la révélation, de la solitude qui conduit Nahoubou 1er à la mort après
des péripéties douloureuses et humiliantes. La pression populaire l’emporte, et
la scène, qui transforme les femmes en « meneurs » du peuple comme les autres
personnages féminins dadiéen (Mana Chimpa Vita et Béatrice du Congo), peut
être interprétée comme un avertissement à la minorité des privilégiés, aux hommes
imbus de pouvoir, trop prompts à mépriser la force du plus grand nombre. De fait,
Machiavel (1950 : 254) a eu raison d’émettre le constat suivant : « celui qui a
l’ensemble de sa population pour ennemi ne sera jamais en sécurité ; plus grande
est sa cruauté, plus faible devient son régime. »

Conclusion
En conclusion, l’on retient de cette étude que le processus dynamique qui a présidé
à la construction du personnage dramatique dadiéen est avant tout la résultante de
la combinatoire hétéronomie-autonomie. Si l’hétéronomie présente « un état de la
volonté qui puise hors d’elle-même, dans les impulsions ou dans les règles sociales,
le principe de son action » on a tendance à l’associer à sa seule représentation
négative « d’absence d’autonomie » (Alain Rey 2005 : 1650). On remarque alors
une tendance à l’opposition exacerbée où règne une vision manichéenne des choses.
Les voix dans le vent, pièce dramatique écrite par le dramaturge post-colonialiste
Bernard Dadié soulève la question de la gestion politique, économique et sociale
dans les États hétéronomes. La pièce dessine le portrait d’un pays imaginaire où la
relation du sujet avec l’autre se ramène à un rapport de domination, où le premier
occupe la position du soumis et le second est détenteur d’un pouvoir à la fois unique
et multiple. Elle peint également le paysage d’une âme, celle de Nahoubou 1er,

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victime et oppresseur.
La dualité du personnage dadiéen est la matérialisation d’une société hétéronome
autoritaire qui opprime, avilit et dépossède le peuple de ses ressources. Cherchant
par tous les moyens : humains et mystiques à s’autodéterminer dans une praxis
sociale, le personnage dadiéen, brimé et spolié à sa naissance et à l’âge adulte,
triomphe de son destin en l’assumant. Excluant dans cette quête d’autonomie
individuelle, tout ce qui est affection et raison, il se mu en un dictateur sanguinaire.
Cette manière de penser l’autonomie comporte évidemment des risques dans
une société qui est en perpétuelle transformation et dont les structures peuvent
influer sur l’autonomie des individus. L’injonction de la construction de l’être, par
l’autonomie, est à la base de multiples troubles qui reflètent profondément les états
psychologiques des personnages à savoir l’angoisse existentielle et les caractères
névrotiques. L’on retrouve l’appel à « penser par soi-même » qui offre chez Kant
(1991), une traduction de l’autonomie morale en autonomie politique.

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