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Directeur de publication
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Bamako (Mali)
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(Mali)
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La revue scientifique internationale et interdisciplinaire Les Cahiers de l’ENSup
de l’École Normale Supérieure de Bamako est semestrielle et porte sur les problé-
matiques relatives aux sciences humaines et sociales, fondamentales et appliquées.
Elle est dotée d’un comité scientifique et de lecture.
Les Cahiers de l’ENSup entendent promouvoir l’avancement des connaissances sur
les problématiques relatives aux domaines cités plus haut favorisant ainsi l’avan-
cement des enseignants-chercheurs du Mali et d’ailleurs pour leur permettre de
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La revue est de ce fait au cœur des questionnements liés aux sciences humaines,
sociales, fondamentales et appliquées avec un accent particulier mis sur l’ensei-
gnement-apprentissage des disciplines scolaires, conformément à la vocation de
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la revue est placée sous sa responsabilité administrative et éditoriale. Il est attribué
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APPRENTISSAGE EN CLASSES
TRANSITOIRES ET INCLUSION
Missa BARRO
SCOLAIRE DES ENFANTS EN
Yasnoga Félicité COULIBALY 74
SITUATION DE HANDICAP VISUEL DE
Tontigui Moussa TRAORE
L’ÉCOLE DES JEUNES AVEUGLES DE
BOBO DIOULASSO.
OFFRE DE PROGRAMMES
D’ENSEIGNEMENT ET
CODO Carolle-Nelly
FREQUENTATION MUSEALE DES 90
BIAOU Gauthier
JEUNES SCOLAIRES DANS LA
COMMUNE DE OUIDAH (BENIN)
DE L’HÉTÉRONOMIE A L’AUTONOMIE
INDIVIDUELLE : UNE DYNAMIQUE DE
Kouakou Jean-Michel KOUASSI
LA CONSTRUCTION DU PERSONNAGE 217
Losséni FANNY
DRAMATIQUE DANS LES VOIX DANS
LE VENT.
LA REPRÉSENTATION DE L’ENFANT
Mamadou SIDIBE
DES FAMILLES LIBERTINES DANS LES 234
Clément LOUA
ROMANS DE RÉTIF DE LA BRETONNE
Résumé
Le présent article est une réflexion sur les motifs de la volonté de construction du
personnage dramatique dans Les voix dans le vent du dramaturge ivoirien Bernard
Binlin Dadié sous l’examen des thèmes de l’hétéronomie et de l’autonomie. Il
se fonde sur le constat selon lequel, la quête de l’autonomie individuelle dans le
corpus étudié est associée à l’hétéronomie qui crée la dislocation des liens sociaux.
L’hostilité dans les relations interpersonnelles fait du personnage, un individu
instable et déclenche une volonté de construction de son être où il revendique sa
propre personnalité. À ce titre, cette étude vise à relever les incidences dramatiques de
l’hétéronomie et à montrer qu’au fondement de la quête de l’autonomie individuelle
de Nahoubou 1er qui conduit à son accession au trône puis à sa déconstruction, se
trouve l’hétéronomie.
Mots-clés : Hétéronomie, autonomie individuelle, construction, dynamisme,
déconstruction.
Abstract
The present article is a reflection on the motives of the will of construction of
the dramatic character in Les voix dans le vent of the Ivorian playwright Bernard
Binlin Dadié under the examination of the themes of heteronomy and autonomy.
It is basing on the observation that the quest for individual autonomy in the corpus
is associated with heteronomy, which creates the dislocation of social ties. The
hostility in the interpersonal relations makes of the character, an unstable individual
and triggers a will of construction of its being where it claims its own personality.
As such, this study aims to identify the dramatic implications of heteronomy and to
show that at the foundation of Nahoubou I’s quest for individual autonomy, which
leads to his accession to the throne and then to his deconstruction, is heteronomy.
Keywords: Heteronomy, individual autonomy, construction, dynamism,
deconstruction.
Ici se logent alors les manques, les déchirements, les oppressions, les tensions vécues
des individus qui composent la société. L’ampleur des crises à un certain moment
s’exacerbent pour finalement parvenir à une situation limite où les fondements
culturels et les régularités sociales ne font plus sens, ouvrant la porte à des moments
charnières conduisant à des quêtes ou reconquêtes du sens collectives. L’individu
hétéronome est alors amené, d’abord au niveau conceptuel, à se dégager de l’autorité
trop pesante, ensuite à se donner sa propre loi et, par là même, à s’auto-constituer
dans une praxis24 créatrice. Une telle volonté d’autoconstitution, consécutive
au réveil de l’instinct de l’homme, ouvre une porte d’accès à l’autonomie. Tout
comme l’hétéronomie, l’autonomie tire ses origines du grec «autos», renvoyant
à «soi-même», et «nomos» signifiant «loi». Ainsi, selon F. Gauthier (2011 : 386),
« l’autonomie, littéralement «se donner ses propres lois» est donc, chez Kant, le
projet de sortie de l’hétéronomie, à savoir d’un état de dépendance dans lequel les
23. Elle est composée du préfixe « hétéro » qui désigne « l’autre » et du suffixe « nomie » ou «nomos» en grec qui signifie
« loi ».
24. Le terme « praxis » ici est à entendre dans le sens de Castoriadis c’est-à-dire la praxis qui, dans un processus créatif,
vise le développement de l’autonomie comme fin et utilise à cette fin l’autonomie comme moyen. C’est ce « faire dans
lequel l’autre et les autres sont visés comme être autonome et considérés comme l’agent essentiel du développement de leur
autonomie ».
25. Macadou est un mot qui signifie roi omnipotent, guide suprême.
26. Modus vivendi est une expression latine qui signifie littéralement « manière de vivre ».
27. Par crise existentielle, l’on entend la manifestation d’un sentiment intense de mal-être psychologique dû au fait que
l’individu commence à questionner les raisons même de sa propre existence. La crise apparait lorsque le sujet n’a plus
d’objectif, de but donnant du sens à sa vie. Alors il se sent contraint à vivre seul.
À travers le sociogramme « temps des cavernes », Bernard Dadié fait une plongée
dans l’allégorie du mythe de la caverne de Platon28. Il invite les peuple-prisonniers,
victimes des illusions qu’ils subissent de s’en libérer et de prendre conscience de leur
méprise ainsi que de ce que sont les véritables réalités. Nahoubou le dit si bien dans
une réplique :
Un homme qui soit homme. Elle a raison. Je traine trop le poids. On m’a chargé de
trop de poids. On m’a chargé de trop de chaines… Faire comme les autres, c’est
faire tomber les chaines, se déchainer. Que m’a-t-on dit, redit, redit sur tous les
tons ? Etre bon, être juste. Sans cesse penser aux autres, me mettre dans la peau
d’un autre, me battre, devenir citadelle, hérisson, scorpion, vipère, mordre, écraser,
tuer…, tuer…moi aussi (il regarde ses mains) (B. Dadié 2001 : 40).
28. Platon dans Le mythe de la caverne montre que l’on peut connaitre seulement des reflets de la vérité, grâce à la
réminiscence et à partir de notre expérience sensible. Autrement dit, pour lui la seule réalité est celle des Idées : c’est « le
monde des idées » qui constitue le modèle, l’archétype du monde d’apparence dans lequel nous vivons.
Certes, Dadié conçoit un personnage traqué par son adversité et par ses propres
convictions, mais il l’instruit et lui donne une lucidité incontestable. Le « faire comme
les autres », « le faire plus que les autres » ou le « devenir un autre homme » que
l’on voit dans le monologue intérieur, sont les marqueurs de la volonté de Nahoubou
de sortir de son être ancien pour devenir un nouvel être qui sera reconnu et respecté
de tous. Pour avoir subi l’injustice, Nahoubou s’érige donc en héros-justicier afin de
protéger les plus faibles.
En effet, Nahoubou veut devenir Macadou c’est-à-dire roi omnipotent, voire guide
suprême qui aura la charge de « modeler l’histoire, travailler l’histoire, infléchir le
cours de l’histoire, être le pivot, le moyeu autour duquel va tourner l’histoire » (B.
Dadié 2001 : 49).
Comme il le dit si bien « il faut qu’on entende parler de moi », « on entendra parler de
moi ». L’affirmation de soi par l’usage des pronoms « me et moi » et l’attachement à sa
tribu « moi Nahoubou de la tribu des Kwakwaboué » matérialisent l’autonomisation
retrouvée. Il décide alors d’aller à la rencontre du sorcier Bacoulou qui vit retranché
au fond d’une grotte, à près de vingt jours de marche du palais. L’objectif de cette
visite est la quête du pouvoir absolu pour avoir droit à tout, être plus que les autres.
Dans sa quête effrénée du pouvoir, il commence par se débarrasser de tout lien affectif.
Il tue son frère et sa mère après avoir tranché leurs deux têtes et recueilli leur sang
dans une bouteille. Il apporte le « sang authentique » à Bacoulou pour lui montrer
La consigne que lui donne Bacoulou est assez éloquente et ne laisse subsister aucun
doute sur le caractère inhumain de Nahoubou qui, dans sa quête du pouvoir sans
limite, chaque jour se métamorphose. La mutation apparaît alors comme un choix
individuel, une vision de soi inconsciente, comme l’explique Joannie Archambault : «
Parce qu’elle est la concrétisation de son propre fantasme, la métamorphose fait partie
intégrante du personnage. Ainsi, elle ne trouve plus son origine dans quelque chose
d’extérieur, mais bien dans une intériorité qui lui serait propre » (J. Archambault,
2012 : 2).
Voulant être omnipotent et omniscient, Nahoubou doit piétiner justice et amour.
Alors, il s’empresse de rejoindre le trône pour régner sur les peuplades du monde.
Le rôle nouveau qui lui est dévolu, le rang auquel il est élevé, les honneurs dont
il est entouré lui confère une telle prééminence que les liens qu’il pouvait avoir
avec telle ou telle personne se trouvent automatiquement distendus. La réplique,
à la page 88, décrit le modèle de fonctionnement que Nahoubou compte mettre en
place :
Tout va changer. Je porterai le fer dans toutes les gangrènes et pour ce faire, je veux
à mes côtés des gens qui penseront ce que je veux qu’ils pensent, diront ce que je
veux qu’ils disent, feront ce que j’aurai décidé. Je veux des têtes qui travaillent,
non des têtes qui pensent.
Le discours que délivre Nahoubou 1er, met en lumière la figure narcissique d’un
individu se contemplant sur scène, où la volonté de la réalité affichée ne fait que
renforcer les distinctions sociales (S. Bonnevie, 2007 : 59). Son caractère narcissique
qui aboutit à l’autoritarisme est marqué par la répétition des pronoms « je » (5 fois)
et l’usage du sociogramme « fer » comme symbole de la fermeté et de la rigidité.
S’instaure alors, une ère de prééminence et d’omniprésence absolues de Nahoubou
1er.
Devenu « Le maitre du tonnerre et de la foudre [...] le descendant du Dieu caïman »,
Nahoubou 1er se met à exécuter la population. Le premier sacrifice de son règne
La guerre irrationnelle qui avait pour seul fin la satisfaction individuelle aura des
incidences très dramatiques sur la vie de la population avec la mort de nombreux
enfants, de femmes et de vieillards livrés soit aux vautours soit aux hyènes. Les
atrocités perpétrées rappellent à Nahoubou de façon pathétique le personnage
Vérité : des villages qui fument encore, des enfants sous les cendres, des vieillards
livrés aux vautours, des femmes livrées aux hyènes affamées (B. Dadié 2001 : 136).
La mise en scène pathétique met en relief la dimension despotique et la capacité
de nuisance du tyran dans la société contemporaine. Les tyrans peuvent alors s’en
prendre à qui, ils le souhaitent. « Car le tyran ne tire son pouvoir de nuisance que
des faiblesses de notre résistance » (Krishnalal Shridharani, 1972 : 260).
D’ailleurs la rigidité du caractère, l’effort surhumain de vouloir être plus strict que
tout membre du clan et l’orgueil de l’homme qui s’est fait tout seul, sont tous des
éléments qui, dans une large mesure, vont déterminer la déconstruction et la mort
de Nahoubou 1er.
Conclusion
En conclusion, l’on retient de cette étude que le processus dynamique qui a présidé
à la construction du personnage dramatique dadiéen est avant tout la résultante de
la combinatoire hétéronomie-autonomie. Si l’hétéronomie présente « un état de la
volonté qui puise hors d’elle-même, dans les impulsions ou dans les règles sociales,
le principe de son action » on a tendance à l’associer à sa seule représentation
négative « d’absence d’autonomie » (Alain Rey 2005 : 1650). On remarque alors
une tendance à l’opposition exacerbée où règne une vision manichéenne des choses.
Les voix dans le vent, pièce dramatique écrite par le dramaturge post-colonialiste
Bernard Dadié soulève la question de la gestion politique, économique et sociale
dans les États hétéronomes. La pièce dessine le portrait d’un pays imaginaire où la
relation du sujet avec l’autre se ramène à un rapport de domination, où le premier
occupe la position du soumis et le second est détenteur d’un pouvoir à la fois unique
et multiple. Elle peint également le paysage d’une âme, celle de Nahoubou 1er,
Références bibliographiques
Loute, A. (2011). Analyse : vous avez dit « autonomie » ? Vie Féminine, Bruxelles
Machiavel, N. (1985). « The Discourses on the First Ten Books of Livy » in the
Discourses of Niccolo Machiavelli, Vol. I, Paris, Champs Flammarion.