Thème 3 - Présentation

THÈME 3 Étudier les divisions politiques du monde : les frontières

Manuel p. 138-199

Programme
« Ce thème a pour objectif de faire comprendre aux élèves ce que sont les frontières poli-
tiques : leurs formes, leurs dynamiques, les enjeux internes et externes qui leur sont associés.
Les élèves doivent percevoir que les frontières sont des zones de séparation et de contact,
qu’elles sont ouvertes ou fermées, matérialisées ou non. Les deux axes visent à :
– expliciter pourquoi les acteurs tracent des frontières et quelles conséquences ont leurs
actions ;
– montrer les affrontements, débats et négociations liés aux frontières. »

Présentation du thème
Ce thème a pour question sous-jacente : en quoi les frontières, limites physiques et/ou juridiques
entre deux territoires, sont-elles un enjeu géopolitique ? Il s’agit de comprendre comment une fron-
tière est définie, quels rôles elle joue et si elle est ou non le lieu d’affrontement.
La première idée clé à retenir est que les frontières sont de plus en plus nombreuses. La princi-
pale raison est la multiplication (pratiquement par quatre) du nombre d’États depuis 1945, princi-
palement sous l’effet du processus de décolonisation et de la dislocation de l’URSS. Les frontières,
limites territoriales de chaque État souverain, restent parfois contestées et deviennent lieux de ten-
sion surtout s’il existe une inégale répartition des hommes et des ressources d’un territoire à l’autre.
On parle alors de « frontière chaude » quand le risque de conflit entre deux États est élevé.
La deuxième idée clé est que les frontières sont plus ou moins marquées. La frontière est à la fois
une limite et un point de contact qui peut se matérialiser (par un poste de contrôle, une douane, une
barrière, un mur…) ou non. On parle de frontière ouverte ou fermée selon les relations entretenues
entre les deux États riverains. Au nom de la protection de son territoire terrestre, un État peut faire
ériger des murs ou des barrières et faire surveiller la frontière par son armée.
L’ouverture des frontières entre deux États facilite l’essor de relations intenses liées à la complé-
mentarité des deux territoires. Se développent alors des espaces transfrontaliers, troisième idée
clé à mémoriser. Les exemples les plus simples sont à prendre dans l’Union européenne (Belgique/
France, Luxembourg/Allemagne/France...)
L’étude des divisions politiques du monde est ensuite approfondie selon deux axes permettant d’élar-
gir de façon pluridisciplinaire l’approche du thème des frontières.
L’axe 1 invite à réfléchir sur les raisons qui poussent à diviser et délimiter les territoires et donc à
établir des frontières.
Trois exemples du passé montrent les différentes fonctions de la frontière :
– Le limes rhénan, tracé pour protéger le monde romain des Barbares était à la fois une frontière
défensive (lisible par les traces archéologiques des cantonnements et les reconstitutions actuelles)
et un poste de contrôle des différents flux de populations et d’échanges commerciaux. En cela, le
limes est un espace de contact entre différents peuples.
– La conférence de Berlin n’a pas procédé au « partage de l’Afrique » par les puissances colo-
niales. Les frontières sont décidées par des accords bilatéraux et la conférence internationale
ne porte que sur les bassins du Congo, du Niger et leurs prolongements pour lesquels sont pris

93
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

plusieurs engagement généraux. Mais elle symbolise la mainmise des puissances européennes
sur un continent avec des frontières dessinées sans tenir compte des peuples indigènes, de leur
histoire, de leur culture, de leurs relations. La connaissance approximative des territoires conduit
les Européens à privilégier des frontières naturelles et des tracés rectilignes (cf. la carte politique
actuelle de l’Afrique).
– La frontière entre les deux Corées est un exemple de frontière chaude héritée d’un conflit, avec
250 km de « zone démilitarisée » constituée d’un mur de barbelés et de postes d’observation, où se
font face soldats nord-coréens et soldats sud-coréens depuis la signature de l’armistice en 1953.
C’est également une limite idéologique entre un État totalitaire doté de l’arme nucléaire et un État
démocratique sous protection américaine.
L’axe 2 questionne les enjeux que représentent les frontières en tant que lieux d’exercice de la souve-
raineté des États, et par conséquent de défense de leurs propres intérêts. Dans les deux cas, les fron-
tières apparaissent comme des lignes mouvantes aux enjeux géopolitiques sans cesse renouvelés.
Le tracé d’une frontière n’est jamais définitif, il est lié aux accords entre États ou aux règlement de
paix après un conflit.
La frontière germano-polonaise après la Seconde Guerre mondiale n’est qu’une ligne de démarca-
tion provisoire imposée le long de deux fleuves : l’Oder et la Neisse, dont la reconnaissance politique
est tardive (1950 avec traité entre la RDA et la Pologne, deux États communistes, puis 1990 à la suite
de la réunification de l’Allemagne).
Le cas des frontières maritimes est particulier car si le droit de la mer reconnaît une libre circulation
sur l’ensemble des océans, les États riverains entrent en concurrence pour imposer leur souverai-
neté sur des espaces de plus en plus vastes.
L’Union européenne résume sur un espace unique toutes les fonctions de la frontière.
– Au sein de l’Union européenne et plus précisément de l’espace Schengen (vingt-deux États
membres de l’Union européenne + quatre États membres de l’Association européenne de libre-
échange), les frontières sont ouvertes et la libre circulation des Européens, des biens et des mar-
chandises est garantie.
– Aux limites de l’Union européenne, les frontières sont fermées avec une surveillance et un contrôle
des frontières terrestres et maritimes parallèlement à une mise en œuvre difficile d’une politique
migratoire commune.
– L’Allemagne illustre à son échelle cet état de fait. En tant qu’État charnière entre Europe de l’Ouest
et Europe centrale et danubienne, l’Allemagne a ouvert ses frontières aux États membres euro-
péens, mais après un accueil massif de migrants en 2015 a choisi de rétablir les contrôles d’iden-
tité à la frontière avec l’Autriche.
– L’exemple allemand permet d’illustrer la création d’espaces transfrontaliers intra-européens.
Près de 32 % de la population de l’Union européenne passent et repassent la frontière chaque jour.
C’est plus de 40 % du territoire européen qui est concerné, une dynamique soutenue par l’Union
européenne finançant des projets transfrontaliers.

94
 Thème 3 - Introduction

Introduction. Les frontières dans le monde d’aujourd’hui

Manuel p. 140-151

La spécialité Histoire-géographie, géopolitique, sciences politiques (HGGSP) propose une approche plu-
ridisciplinaire et systémique ; son objectif est d’apporter des clés de compréhension du monde en abor-
dant les enjeux politiques, sociaux et économiques contemporains. Or le thème des frontières se prête
particulièrement à cet enseignement car l’horogénèse (ou genèse des frontières) est un processus his-
torique et géographique qui engendre des recompositions spatiales et des relations différenciées entre
États voisins. Ce sujet permet donc une réflexion sur la géopolitique et les relations internationales.
Cette introduction commence par observer le monde actuel et la multiplication des frontières, et il inter-
roge les facteurs, historiques notamment, de cette frontiérisation (focus 1). Néanmoins, la frontière ne
peut être abordée comme un objet politique et géographique monolithique ; elle prend au contraire des
formes multiples, allant de l’atténuation à la fermeture, voire à la matérialisation par des murs ou des
dispositifs de contrôle (focus 2). Lorsque les frontières sont ouvertes et perméables aux échanges, elles
sont à l’origine de recompositions spatiales le long de leur tracé : les espaces nationaux de part et d’autre
de la frontière connaissent des processus d’intégration, de rapprochement, jusqu’à former parfois des
espaces transfrontaliers dans lesquels la frontière n’est plus que juridique et symbolique (focus 3).

BIBLIOGRAPHIE/FILMOGRAPHIE/SITOGRAPHIE
◗ Livres
- B. Tertrais, D. Papin, L’Atlas des frontières. Murs, conflits, migrations, © Les Arènes, 2016.
- F. Moullé (dir.), Frontières, © Presses universitaires de Bordeaux, 2017.
- M. Foucher, Le Retour des frontières, © CNRS Éditions, 2016.
- M. Foucher, Fronts et Frontières, © Fayard, 1991.
- F. Neisse, A. Novosseloff, Des murs entre les hommes, © La Documentation française, 2015.
- J. Gracq, Le Rivage des Syrtes, © José Corti, 1951.
- A. Potoski, Nager sur la frontière, © Gallimard, 2013.
- G. Turine, Le Mur et la peur, © Acte Sud, 2014.

◗ Documentaires
- P. Iraburu et M. Molina, Muros (Walls), 2015, 1h20.
- S. Bitton, Murs, 2004, 1h40.

◗ Films
- E. Riklis, Les Citronniers, France /Allemagne, Israël, 2008, 1h46.
- P. Lioret, Welcome, 2009, 1h39.

◗ Sites internet
- L’Institut des frontières et discontinuités : https://ifd.hypotheses.org/
- Dossier thématique sur le site Géoconfluences, « La frontière, discontinuités et dynamiques » :
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/la-frontiere-
discontinuites-et-dynamiques
- Ceriscope « Frontières », 2011, http://ceriscope.sciences-po.fr/frontieres
- « Séparer des pays par un mur ? », Mister Géopolitix, #4 : www.youtube.com/
watch?v=A4Am1F2S4so

95
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
DOUBLE-PAGE D’OUVERTURE p. 140-141
La frontière peut être définie comme une
« notion polysémique qui s’applique à de nom-
breuses formes de discontinuités et désigne
toute séparation entre deux ensembles dis-
tincts, deux territoires. […] Ce terme désigne
malgré tout le plus souvent l’enveloppe exté-
rieure du territoire d’un État1 ». Le planisphère
permet justement de voir le nombre croissant de
frontières politiques dans le monde. Cette fron-
tiérisation est particulièrement marquée dans
l’Europe du XVIIe siècle (traités de Westphalie),
puis se développe tout particulièrement sur les
continents américain et africain sous l’effet de
la colonisation. Au XXe siècle, les deux conflits
mondiaux et la guerre froide conduisent à l’émer-
gence de nouveaux États, et donc de nouvelles
frontières. Les nationalismes ne sont pas étran-
gers à ce processus et contribuent à expliquer
l’éclatement de certains États dans une période
plus récente. De nos jours, les conflits fronta-
liers restent nombreux : ils peuvent concerner
le tracé de la frontière, les flux qui la traversent,
les ressources partagées entre les États rive-
rains (eau, hydrocarbures…), etc.
FOCUS 1 – Des frontières de plus
en plus nombreuses p. 142-143
Si les traités de Westphalie (1648) ont marqué un
tournant dans l’établissement des frontières au
XVIIe siècle, c’est au cours du XXe siècle que les
frontières se sont particulièrement multipliées.
Quels processus expliquent la fragmentation
croissante de l’espace politique mondial ? Les
planisphères de la double-page d’ouverture
et les documents de ce focus doivent amener
l’élève à comprendre la nature des frontières,
leur rôle et les facteurs qui ont conduit à leur
naissance et à leur évolution.
Document 1
Ce document vise à montrer à partir de quel
moment le tracé des frontières a été formalisé.
1. François Moullé (dir.), Frontières, © Presses universitaires de
Bordeaux, 2017.
96
Les frontières westphaliennes, telles qu’elles
ont été définies en 1648, ont en effet servi de
matrice pour tracer les frontières lors des
siècles suivants : elles sont liées à la formation
des États-nations (et peuvent dès lors géné-
rer des conflits internes ou internationaux), et
marquent la souveraineté de l’État. Les docu-
ments 3 et 4 apportent des exemples récents de
frontières westphaliennes, en Asie centrale et
au Soudan, mais illustrent aussi les différends
qui sont liés à leur naissance et leur tracé.
Document 2
Le géographe Michel Foucher est un spécialiste
des frontières et de leur géopolitique. Le titre de
son ouvrage, Le Retour des frontières, paru en
2016 et dont le texte est extrait, est éloquent : en
dépit du processus de mondialisation et de nou-
velles formes de gouvernance, les frontières font
leur grand retour sur la scène internationale. Non
seulement celles-ci se multiplient dans le monde,
mais elles redeviennent un outil pour réaffirmer
la souveraineté des États. Ce document montre
donc différentes formes de réaffirmation des fron-
tières : une démarcation plus visible (notamment
par le développement des teichopolitiques, c’est-
à-dire des politiques de cloisonnement fondées
sur la construction de barrières aux frontières :
barbelés, murs, no man’s land…) et des remises
en cause qui perdurent.
Document 3
Ce document est une illustration de la multi-
plication du nombre d’États dans le monde au
XXe siècle. Si l’ONU ne compte pas l’ensemble
des États indépendants parmi ses membres,
il est intéressant de noter qu’elle comptait 51
membres en juin 1945, 158 membres en 1989,
185 membres en 1994 et 193 aujourd’hui (sur
197). Cette fragmentation du monde, très large-
ment accentuée par la décolonisation et la fin de
la guerre froide, a mécaniquement fait augmen-
ter le nombre de frontières étatiques.
L’éclatement de l’URSS en 1991 a ainsi entraîné
la formation de quinze nouveaux États indé-
pendants, dont les frontières ont été établies
de manière progressive. L’URSS se transforme
alors en Communauté des États indépendants

(CEI), dont le nom témoigne de la souveraineté
qu’exercent les États qui la composent.
Document 4
Le Soudan du Sud est le dernier État indépen-
dant à avoir vu le jour et à être reconnu par l’ONU
(en 2011). La carte et les jalons chronologiques
permettent donc de comprendre les facteurs
de cette indépendance, mais aussi les conflits
internes persistants.
Corrigé des questions
1. Les traités de Westphalie mettent fin à la
guerre de Trente ans : les Provinces-Unies des
Pays-Bas, la Suède, le Saint-Empire romain ger-
manique, l’Espagne et la France se réunissent
lors de ce congrès international pour, notam-
ment, redessiner les frontières de l’Europe. Le
Saint-Empire est divisé en principautés (tout
comme l’Italie), sur lesquelles l’empereur ne
garde qu’une autorité symbolique ; la Suisse
et les Provinces-Unies obtiennent leur pleine
indépendance, tandis que la France acquiert
les Trois-Evêchés (Metz, Toul et Verdun), ainsi
qu’une grande partie de l’Alsace. Les fron-
tières telles qu’elles sont fixées sont proches
des délimitations politiques contemporaines en
Europe. Ces traités posent ainsi le principe de
souveraineté de l’État, qui exerce une autorité
sur un territoire délimité.
2. L’éclatement du bloc soviétique a provoqué
le repli de Moscou sur l’actuel territoire de la
Russie, et la formation de nouveaux États. En
Asie centrale sont nés le Turkménistan, l’Ouz-
békistan, le Tadjikistan ou encore le Kirghizistan,
Thème 3 - Introduction
engendrant l’apparition de 15 230 kilomètres de
frontières. Cependant, dans le même temps,
cette région s’est retrouvée au cœur de revendi-
cations territoriales. La fixation des frontières a
donc été longue et conflictuelle. Par exemple, il
existait cent cinquante points de désaccord entre
l’Ouzbékistan et le Kirghizistan, particulièrement
dans la vallée fertile de Ferghana.
3. Le Soudan du Sud est né le 9 juillet 2001, après
une guerre civile de vingt-et-un ans et un réfé-
rendum soumis à la population ; il a immédia-
tement intégré l’Organisation des Nations unies.
Le conflit opposait le nord du pays, à majorité
chrétienne et animiste, au sud en grande partie
arabo-musulman. Les ressources pétrolières
ont également été un enjeu majeur, la majorité
des champs pétroliers se situant au sud de la
frontière actuelle ; en 2001, le Soudan du Sud a
ainsi pris possession de 75 % de la production
de pétrole de l’ensemble du territoire soudanais.
Dès 2013, de nouveaux conflits politiques et eth-
niques apparaissent au Soudan du Sud entre
les Dinka (ethnie majoritaire) et les Nuer. Ils ont
notamment poussé deux millions de personnes
à franchir les frontières pour se réfugier en
Éthiopie, en Ouganda ou encore au Soudan.
4. Avec un tracé de 250 000 kilomètres, les fron-
tières terrestres n’ont jamais été aussi nom-
breuses qu’aujourd’hui. Leur réaffirmation
passe aussi par leur matérialisation (murs,
barbelés), et par un contrôle croissant des flux
qui les traversent (de biens et de personnes).
La frontiérisation s’est étendue sur les océans
depuis la Convention de Montego Bay en 1982, et
a fait des espaces maritimes des territoires de
plus en plus convoités et aménagés.
97
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

Vers le bac
5. Cette question demande à l’élève de lier une notion (« frontières westphaliennes ») et les exemples
apportés par les documents (soulignés dans le schéma).

Multiplication des frontières westphaliennes =

frontières juridiques et physiques
de l’État-nation

Fragmentation de l’espace étatique Réaffirmation

mondial au XXe siècle de la souveraineté de l’État

Guerres Revendications Matérialisation

Barrières des frontières
mondiales territoriales
douanières (États-Unis,
(Europe, (Soudan)
Moyen-Orient) Israël, Inde)

Guerre froide
Décolonisation
(Europe de l’Est, Tensions Contrôle
(Afrique,
Asie centrale, frontalières des migrations
Asie du Sud)
Corée)

Maritimes
(Arctique,
Terrestres
mer de Chine
méridionale)

98

FOCUS 2/1 – Des frontières plus
ou moins marquées p. 144-145
Le programme de géographie de tronc commun
se consacre en partie à la mondialisation ; les
élèves y observent l’interdépendance croissante
entre les espaces. Le thème 3 de la spécialité
HGGSP apporte une vision complémentaire
dans la mesure où il montre que la mondialisa-
tion n’a pas atténué le rôle des États, qui voient
dans les frontières un moyen d’affirmer leur
souveraineté au sein de l’espace mondial. Ainsi,
les frontières n’ont jamais été si nombreuses
à se matérialiser physiquement dans l’espace,
pour contrôler les flux qui les traversent.
Pourquoi 40 000 kilomètres de frontières sont-
ils aujourd’hui « fermés », matérialisés par des
clôtures et des murs ? Le focus 2 invite à com-
prendre ce processus dans sa dimension spatiale
(où les murs sont-ils principalement situés ?)
et géopolitique (pourquoi sont-ils construits ?),
tout en soulignant la contestation qu’il suscite,
notamment chez les artistes.
Document 1
Ce planisphère présente les murs frontaliers
dans le monde, qu’ils soient réalisés ou en cours
de construction. Il mentionne en gras les noms
des États qui ont érigé ces barrières, car la fer-
meture des frontières relève le plus souvent du
désir d’un État de contrôler les flux entrant sur
son territoire. Les chercheurs Peter Andreas et
Thomas Biersteker parlent d’ailleurs à cet égard
de rebordering2, ou retour à la frontière (cf. focus 1,
doc. 2 « La réaffirmation des frontières natio-
nales »).
Documents 2 et 3
Le mur séparant les États-Unis et le Mexique
constitue un exemple représentatif de teicho-
politique et de rebordering (voir présentation du
doc. 1 ci-dessus), cette notion étant d’ailleurs
présente dans le texte. Les documents mettent
l’accent sur les facteurs de la construction du
2. Peter Andreas, Thomas Biersteker, The Rebordering of North
America : Integration and Exclusion in a New Security Context, New
York/Londres, © Routledge, 2003
Thème 3 - Introduction
mur, sur la mise en place technique de ce dis-
positif, mais aussi sur sa remise en cause par
des artistes comme JR. La vidéo « “Border Art”,
signe de fermeture du monde ? » sur la même
page apporte des exemples variés de cet « art à
la frontière ».
Document 4
La caricature revient, d’une manière critique,
sur la carte du document 1 : les élèves peuvent
ainsi localiser et comprendre les trois exemples
croqués par le caricaturiste. Si leur raison d’être,
leur fonction et leur forme peuvent différer, le
fait est que ces murs frontaliers se construisent
partout dans le monde, y compris aux portes de
l’Union européenne qui a renforcé le contrôle de
ses frontières externes depuis 2015 : l’encadré
du doc. 1 montre ainsi la présence de barrières
frontalières entre l’Estonie et la Russie, ou encore
entre la Bulgarie et la Turquie (voir également à
ce sujet l’objet de travail conclusif de ce thème).
Les élèves doivent aussi identifier les murs
construits à l’intérieur même de l’espace euro-
péen. La représentation des drapeaux israélien et
américain rappelle que ces deux pays dominent
le marché de la sécurité frontalière.
Corrigé des questions
1. Les murs frontaliers se trouvent aujourd’hui
sur tous les continents, mais c’est principale-
ment dans les territoires de conflits qu’ils sont
les plus nombreux : au Moyen-Orient, en Asie du
Sud et en Asie centrale. Néanmoins, on ne peut
associer conflits et murs frontaliers de manière
systématique : entre les États-Unis et le Mexique,
deux pays aux économies pourtant interdépen-
dantes, un mur a été construit pour contrôler les
flux en provenance du sud. De la même manière,
si l’Europe n’a pas connu de conflit internatio-
nal sur son territoire depuis plusieurs années,
les murs se sont multipliés sur les frontières
externes de l’Union européenne pour contrôler
et filtrer les flux migratoires entrants.
2. Les murs frontaliers occupent plusieurs
fonctions, même si la notion de « barriéri-
sation » indique dans le texte que ces murs
répondent à une volonté principale : contrôler
99
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
et fermer la frontière, lui rendre sa fonction de
barrière (« rebordering »). Ainsi, certains États
construisent des murs pour limiter l’immigra-
tion sur leur territoire (barrière migratoire), pour
contrôler l’entrée de marchandises, notamment
illégales. Mais il peut également s’agir de maté-
rialiser spatialement la frontière entre deux pays
en conflit, dans le cas des « frontières chaudes ».
3. La construction du mur frontalier entre
les États-Unis et le Mexique a commencé en
1994. Sur plus de mille kilomètres, il repré-
sente d’abord une séparation physique faite
de grillages, de tôles ondulées ou encore de
béton armé. Mais il est aussi une zone de sur-
veillance : la frontière est ainsi contrôlée par
l’US Border Patrol et des tours (le texte évoque
ainsi celles qui ont été construites par l’entre-
prise Boeing), et la partie nord de la frontière
prend souvent la forme d’un no man’s land, plus
facile à surveiller. On peut trouver des éléments
plus précis dans l’ouvrage Des murs entre les
hommes, publié par Alexandra Novosseloff et
Frank Neisse en 2007. La partie consacrée au
mur entre les États-Unis et le Mexique est en
ligne sur le site de la Documentation française :
www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/
libris/9782110098955/9782110098955_EX.pdf.
4. L’enfant représenté sur ce collage géant se
nomme David Enrique (surnommé Kikito). Ins-
tallé le long de la frontière, il semble regarder de
l’autre côté du mur avec un air curieux.
Les murs sont devenus des supports de contes-
tation et d’expression pour les artistes ; JR a
d’ailleurs réalisé des collages d’Israéliens et de
Palestiniens sur le mur de Gaza, à la frontière
avec Israël (voir le site internet de JR pour plus
d’information sur ce projet intitulé Face-2-face :
www.jr-art.net/fr/projets/face-2-face).
Quelques jours avant la fin de l’installation de ce
collage, le président américain Donald Trump a
mis fin au programme Daca protégeant environ
800 000 jeunes sans papiers arrivés aux États-
Unis durant leur enfance. Si cette décision n’est
pas à l’origine de l’œuvre de JR, on peut néan-
moins la citer pour ouvrir l’analyse.
5. La caricature montre que les murs frontaliers
sont toujours construits par les États qui sou-
100
haitent contrôler les flux entrants sur leur ter-
ritoire (ici les États-Unis, les pays membres de
l’Union européenne et Israël). Le caricaturiste
dénonce particulièrement les murs migratoires,
qui ferment la porte aux migrants venus d’Amé-
rique du Sud, des territoires palestiniens ou
encore d’Afrique subsaharienne.
FOCUS 2/2 – Des frontières
plus ou moins marquées p. 146-147
À l’inverse, les frontières peuvent connaître un
processus d’ouverture, mais celle-ci est plus
ou moins marquée en fonction des relations
internationales. Comment les frontières conci-
lient-elles leur fonction de barrière, de filtre, et
celle de charnière entre deux territoires ? Quels
sont les effets de l’ouverture ou de la fermeture
des frontières sur les espaces frontaliers ? Les
réponses à ces questions varient selon que les
États ont établi des relations de bon voisinage
(entre la Guyane et le Brésil) ou conflictuelles
(entre le Cambodge et la Thaïlande). Elles per-
mettent donc de proposer une typologie des
frontières en fonction de leur degré d’ouverture
ou de fermeture.
Documents 1 et 2
On compte de nombreux ponts transfronta-
liers, dont l’objectif est de rapprocher les États
voisins : « pont de l’amitié » sur le Rhin entre
Strasbourg et Kehl (France/Allemagne), « Pont
international de l’amitié » sur le rio Parana
entre Foz do Iguaçu (Brésil) et Ciudad del Este
(Paraguay), projet sur le Sénégal entre Rosso au
Sénégal et Rosso en Mauritanie (les deux loca-
lités portent le même nom), « Pont de l’amitié »
sur le Mékong entre Nong Khai (Thaïlande) et
Tha Naleng (Laos), etc.
La photographie présente ici un exemple de
« pont de l’amitié », inauguré en 2017 sur le
fleuve Oyapock, entre la Guyane et le Brésil. Le
projet de ce pont transfrontalier voit le jour en
1997 ; il relie la ville française de Saint-Georges
(alors uniquement accessible par les airs et la
mer puisqu’elle n’était pas reliée par la route
bitumée au reste de la Guyane jusqu’en 2003), à
sa voisine brésilienne Oiapoque.

Documents 3 et 4
L’étude de la frontière entre le Cambodge et la
Thaïlande permet d’observer les dynamiques
frontalières le long d’une ligne politique qui a
été l’objet de revendications et qui reste encore
soumise à des tensions.
La zone frontalière autour du temple de Preah
Vihear est disputée par les deux pays, les affron-
tements en 2011 ayant même fait vingt-huit
morts et des dizaines de milliers de déplacés.
Chacun revendique la possession de ce temple
dédié à Shiva, car il est un « chef-d’œuvre
remarquable de l’architecture khmère » du
XIe siècle selon l’Unesco. Il s’agit donc d’une
revendication à la fois territoriale et culturelle,
d’autant plus cruciale que le temple a été classé
au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008, et
que ce statut représente un enjeu financier non
négligeable (comme en témoigne la caricature).
La Cour internationale de Justice a arbitré le
conflit en 2013 en faveur du Cambodge, mais
la Thaïlande continue de revendiquer une vaste
zone au nord du temple.
Les élèves doivent donc mettre en relation l’enca-
dré sur la carte et la caricature pour comprendre
les tensions qui existent autour de ce monument
historique et religieux.
Corrigé des questions
1. Le Brésil a ouvert son économie aux inves-
tisseurs français. Le texte mentionne ainsi les
investissements de Renault ou encore d’EDF,
ainsi que le deuxième rang occupé par la France
dans le classement des investisseurs étran-
gers au Brésil ; Jacques Chirac affirmait déjà
que les deux pays devaient « développer [leurs]
échanges commerciaux ». Or, les échanges
entre la Guyane et le Brésil sont peu développés.
Le Brésil et le Surinam représentent à eux deux
moins de 4 % des importations et des exporta-
tions de la Guyane. La construction du pont ouvre
davantage la frontière, aux flux de marchandises
notamment.
2. Le fleuve Oyapock constitue une marge terri-
toriale pour la Guyane comme pour le Brésil. La
construction du pont permet donc de l’intégrer
davantage et d’ouvrir la frontière en reliant les
Thème 3 - Introduction
deux rives par un pont. (« La France partage avec
votre grand pays sa plus longue frontière ter-
restre avec un pays étranger. Sachons, en voisins,
développer ces territoires limitrophes3. »)
Elle témoigne aussi d’une volonté de désencla-
ver la Guyane, éloignée de la métropole et pour-
tant fortement dépendante : en 2006, la France
métropolitaine fournit ainsi 39 % des importa-
tions et absorbe plus de la moitié des expor-
tations de la Guyane. Désenclaver aussi car la
Guyane apparaît souvent comme une île au sein
de l’Amérique latine : bordée au nord par l’océan
Atlantique, au sud par la forêt tropicale, à l’est et
à l’ouest par les fleuves Oyapock et Maroni.
Enfin, ce pont prend place dans un réseau routier
en projet, la « Transguyanaise », qui permettrait de
relier Caracas (au Venezuela) à Macapá (au Brésil,
sur les rives du fleuve Amazone). Il fait donc partie
d’un processus d’intégration régionale.
Le texte met en avant le rapprochement des
économies française et brésilienne, mais ce pont
résulte davantage d’un rapprochement diplo-
matique que d’une nécessité économique. Il est
même un semi-échec : quand les poids lourds le
traversent et arrivent en Guyane, ils ne peuvent
pas aller beaucoup plus loin car les routes guya-
naises sont peu adaptées et doivent subir des tra-
vaux d’adaptation. D’autre part, une centaine de
véhicules seulement traversent le pont chaque
jour, alors qu’il a coûté 24 millions d’euros
(somme partagée entre le Brésil et la France).
3. Avant 1962, le territoire où sont situées les
ruines du temple de Preah Vihear était occupé
par la Thaïlande et ses forces armées. Le Cam-
bodge contestait cette situation car le temple
était un lieu de pèlerinage et de culte pour les
populations cambodgiennes. Pour trancher ce
litige, la Cour internationale de Justice s’est
référée à une convention franco-siamoise de
1904, qui prévoyait que dans cette région, la
frontière devait suivre la ligne de partage des
eaux ; une carte plaçait alors le temple du côté
cambodgien de la frontière. La Cour en a conclu
en 1962 que le temple était situé en territoire
cambodgien. La Thaïlande continue néanmoins
de revendiquer un territoire d’un peu plus de
3. Discours de Jacques Chirac, 12 mars 1997.
101
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
quatre kilomètres carrés autour du temple, afin
d’en contrôler l’accès.
La carte montre aussi les traces d’autres conflits
qui ont touché les régions frontalières. Après
l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges (1975),
des Cambodgiens choisissent de fuir vers la
Thaïlande ; celle-ci les a d’abord accueillis pro-
visoirement dans des camps situés le long de la
frontière. Mais après l’invasion du Cambodge par
les armées vietnamiennes en 1979, le nombre
de réfugiés augmente considérablement. La
Thaïlande fait alors le choix de les repousser
(ainsi, en juin 1979, 40 000 réfugiés khmers ont
été repoussés par la Thaïlande à Preah Vihear),
et les Khmers ont été contraints à l’exode.
La présence de nombreuses zones de mines
antipersonnel témoigne elle aussi de ces conflits
passés : elles ont été posées à la fois par les
factions armées cambodgiennes pour contrer
l’avancée des troupes vietnamiennes, et par
l’armée vietnamienne elle-même.
4. Les points de passage à la frontière entre le
Cambodge et la Thaïlande montrent qu’elle n’est
pas totalement ouverte. Néanmoins, avec l’ou-
verture du Cambodge au tourisme, on compte
désormais six postes-frontières entre les deux
pays. On peut surtout parler d’interface parce
que le commerce transfrontalier s’est déve-
loppé, articulé notamment autour de zones éco-
nomiques spéciales créées par la Thaïlande, et
employant essentiellement une main-d’œuvre
cambodgienne.
La Thaïlande reste par ailleurs le premier pays
d’émigration pour les Cambodgiens, mais
250 000 d’entre eux ont été expulsés en 2014 par
le gouvernement thaïlandais, qui souhaitait limi-
ter l’immigration illégale.
Enfin, l’intégration régionale portée par l’Asean
favorisera sans doute l’ouverture de la frontière ;
la carte fait notamment apparaître un projet de
ligne ferroviaire qui la traverse. Phnom Penh
sera donc reliée à la Thaïlande.
Vers le bac
5. À partir des focus 1 et 2, les élèves peuvent
proposer la typologie suivante : frontière conflic-
102
tuelle/frontière fermée/frontière filtrante/fron-
tière ouverte et recomposée. Ils peuvent alors
se référer à l’infographie « En image », page 151
dans le manuel, qui leur permet d’expliquer et de
visualiser les caractéristiques de chaque type de
frontière, et proposer pour chacun un exemple
qu’ils auront vu lors de l’étude des documents.
FOCUS 3 – Affirmation d’espaces
transfrontaliers p. 148-149
Lorsque les relations entre États voisins sont
apaisées et que les échanges se multiplient de
façon durable de part et d’autre d’une frontière,
les espaces frontaliers connaissent un certain
nombre de mutations. La frontière devient une
interface et peut même devenir le centre d’un
espace transfrontalier, à cheval sur les deux
espaces nationaux qu’elle délimitait jusqu’alors.
En quoi les espaces transfrontaliers sont-ils à la
fois des barrières et des charnières ? Les flux
transfrontaliers sont à l’origine d’une intégration
fonctionnelle des espaces frontaliers, même le
long d’une frontière contrôlée et filtrante comme
c’est le cas entre les États-Unis et le Mexique.
Ce rapprochement est parfois le point de départ
d’une intégration institutionnelle et d’une gou-
vernance transnationale à la frontière.
Document 1
Bien que la limite entre les États-Unis et le
Mexique soit une frontière fermée, les échanges
sont nombreux et la carte met surtout l’accent
sur les recompositions des espaces frontaliers,
notamment du côté mexicain. Les deux écono-
mies sont devenues interdépendantes, mais
leurs relations restent dissymétriques : si 80 %
des exportations mexicaines sont destinées aux
États-Unis et représentent un tiers de son PIB,
les exportations vers le Mexique ne représentent
quant à elles que 2 % du PIB des États-Unis. Les
recompositions à la frontière touchent donc bien
davantage le côté mexicain, même si l’on peut
observer la formation d’une région transfronta-
lière (la Mexamerica). Celle-ci doit beaucoup à
l’existence d’une zone de libre-échange nord-
américaine, l’Alena, remplacée en octobre 2018
par l’« Accord États-Unis-Mexique-Canada ».

Par ailleurs, en 2016, 1 183 505 migrants légaux
se sont installés aux États-Unis (nouveaux arri-
vants et migrants régularisés confondus), selon
les chiffres de l’Office statistique de l’immigra-
tion américain. Parmi eux figuraient 174 534
Mexicains, soit 17,4 % du total. Et en 2014, 60 %
des immigrés illégaux vivant aux États-Unis
étaient originaires du Mexique, selon le Dépar-
tement de la sécurité intérieure des États-Unis.
Enfin, en 2017, 75,9 millions de touristes améri-
cains se sont rendus au Mexique.
Document 2
Le texte est extrait de l’encyclopédie de géo-
graphie en ligne « Hypergeo ». Il s’agit d’une
définition de « territoire transfrontalier », qui
permet aux élèves de passer du cas concret
(par exemple la frontière entre les États-Unis et
le Mexique, cf. doc. 1) à l’abstrait, à la notion, au
modèle. L’article explique notamment la diffé-
rence entre les termes « frontalier » et « trans-
frontalier ».
Document 3
Lorsque les deux côtés de la frontière sont par-
ticulièrement intégrés, des réalisations com-
munes peuvent émerger. À la frontière entre la
France et l’Espagne, la vallée de Cerdagne se
situe à 1 200 mètres d’altitude. Une entité de
droit public européen y a été créée : le grou-
pement européen de coopération territoriale
Hôpital de Cerdagne (pour les GECT, voir l’objet
de travail conclusif de ce thème III). Ce GECT est
géré conjointement par les services publics de
santé de la Catalogne et du Languedoc-Rous-
sillon. Il propose un service de soins à environ
32 000 patients français et espagnols, mais ce
chiffre est multiplié par quatre lors des saisons
touristiques. C’est un exemple de projet trans-
frontalier et de relations symétriques entre les
deux côtés d’une frontière.
Document 4
Le texte porte sur un autre type de territoire
transfrontalier qui ne résulte pas d’une volonté
politique, mais d’une intégration fonctionnelle
créée par les flux transfrontaliers. Entre le
Thème 3 - Introduction
Cameroun, la Guinée et le Gabon s’est déve-
loppé un commerce transfrontalier qui tire parti
des différentiels économiques, mais qui favorise
aussi l’accroissement des flux migratoires clan-
destins.
Corrigé des questions
1. Le 29 mars 2019, Donald Trump a menacé dans
un tweet de fermer la frontière avec le Mexique.
(« If Mexico doesn’t immediately stop ALL illegal
immigration coming into the United States through
our Southern Border, I will be CLOSING... »). Cette
menace n’est pas nouvelle, et elle est une réac-
tion aux 76 000 migrants qui ont franchi la fron-
tière illégalement au mois de février de la même
année. Ceci montre bien que la limite politique
entre les États-Unis et le Mexique n’est pas fer-
mée mais a pour objectif de filtrer les flux, illé-
gaux notamment (migrants, drogue, etc.). Les
flux de biens et de personnes peuvent la franchir
à condition de passer par l’un des quarante-huit
postes-frontières ; celui de San Ysidro, entre
San Diego et Tijuana, est le plus fréquenté. Mais
c’est surtout l’activité commerciale qui génère
des flux transfrontaliers, et a même contribué à
créer une région transfrontalière entre les deux
pays. Néanmoins, celle-ci n’est pas linéaire
et ressemble davantage à un archipel, car elle
existe essentiellement autour des postes-fron-
tières et des villes jumelles.
2. Cette question doit amener les élèves à per-
cevoir que la frontière peut être à l’origine d’une
intégration fonctionnelle : par les flux de mar-
chandises ou de capitaux, les mobilités (tou-
risme, travail ou commerce transfrontalier), les
projets transfrontaliers entre pays voisins.
3. Un espace transfrontalier se crée de manière
privilégiée le long d’une frontière apaisée,
ouverte et perméable aux flux. Les espaces
frontaliers connaissent alors un processus
d’intégration qui les transforme en territoire
transfrontalier, celui-ci ne se développant pas
nécessairement sur l’intégralité du tracé, mais
plutôt sur une portion de la frontière. Il s’agit
donc d’une forme d’intégration régionale. Au
regard des trois exemples étudiés sur cette
double-page, les élèves peuvent aussi nuan-
103
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
cer ces caractéristiques en montrant le carac-
tère variable de l’intégration : s’agit-il toujours
de territoires transfrontaliers, appropriés et
recomposés, ou parfois simplement d’espaces
transfrontaliers ? L’article « transfrontalier »
sur le site de l’encyclopédie « Hypergeo »
mentionne en effet des nuances. En fonction de
l’intensité de ces échanges et du degré d’inté-
gration, l’adjectif « transfrontalier » peut dési-
gner des réalités différentes :
• dans le sens le plus faible, il désigne la tra-
versée d’une frontière, le développement de
Vers le bac
4.
La frontière, limite politique
et juridique entre deux États
Pays A Pays B
Frontière – Ligne
104
relations transfrontalières à travers cette limite
politique (doc. 4) ;
• quand les interactions entre les deux côtés
de la frontière donnent naissance à une entité
nouvelle, marquée par des échanges durables
et des traits communs, on peut parler d’espace
transfrontalier (doc. 1) ;
• les espaces les plus intégrés donnent nais-
sance à des territoires transfrontaliers, dans
lesquels le développement local est approfondi
et dépasse les politiques nationales (doc. 3).
La frontière qui change de nature
dans les espaces transfrontaliers
Pays A Pays B
Développement Espace
des échanges transnational AB
Frontière – Zone
 Thème 3 - Axe 1

Axe 1. Tracer des frontières, approches géopolitiques

Manuel p. 152-163

Dans un monde de plus en plus ouvert, marqué par la mondialisation, force est de constater que
pourtant le nombre de frontières se multiplie. Cet axe interroge les enjeux qui sont à l’origine du
tracé des frontières, en posant la question « à quoi sert une frontière ? ». Ainsi, des frontières ont
été établies pour se protéger, et donc se défendre, à l’image du limes rhénan (jalon 1). D’autres
ont répondu aux velléités expansionnistes des Européens au moment du processus de la colo-
nisation, afin d’imposer leur souveraineté (jalon 2). Enfin, le tracé des frontières a aussi servi à
séparer matériellement, politiquement et idéologiquement des États comme ce fut le cas pour la
péninsule coréenne (jalon 3).

BIBLIOGRAPHIE/FILMOGRAPHIE/SITOGRAPHIE
◗ Livres et magazines
- M. Foucher, Frontières d’Afrique. Pour en finir avec un mythe, © CNRS édition, 2014.
- H. Wesseling, Le Partage de l’Afrique, 1880-1914, © Gallimard, 2002.
- A. Novosseloff et F. Neisse, Des Murs entre les hommes, © La documentation française, 2007,
réédition 2017.
- C. Babel, Atlas de l’Empire romain. Construction et apogée (300 av. J.-C.-200 apr. J.-C.),
© Autrement, 2017.
- « Corées. Enfin la paix ? », © Manière de voir, n° 162, décembre 2018-janvier 2019.

◗ Film
- K. Ki-Duk, Entre deux rives, 2017.
- J. Calmettes, Berlin 1885, la ruée vers l’Afrique, 2011.

◗ Sites internet
- Présentation du limes romain sur le site de l’Unesco : https://whc.unesco.org/fr/list/430
- Visite virtuelle de l’exposition « Frontières » du musée de l’immigration :
www.histoire-immigration.fr/expositions-temporaires/frontieres/parcours-de-l-exposition

105
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
DOUBLE-PAGE D’OUVERTURE p. 152-153
Tracer des frontières, c’est ancrer dans l’es-
pace son pouvoir, c’est établir sa souveraineté
sur un territoire que l’on a délimité et que l’on
s’approprie. Il s’agit donc d’un acte politique et
stratégique répondant à une volonté étatique
s’inscrivant dans un contexte précis. Une ligne
frontalière peut alors devenir rapidement un
enjeu, source de rivalités et/ou d’identité. Les
trois iconographies présentées mettent en avant
cette approche géopolitique des frontières.
La photographie de la reconstitution du limes
rhénan pose la question de la nécessité de
tracer des frontières à travers l’exemple de
l’Empire romain, cherchant autant à consolider
ses conquêtes qu’à se défendre face aux « Bar-
bares ». La gravure reproduisant la tenue de la
Conférence de Berlin entre 1884 et 1885 repré-
sente des diplomates en redingote réunis autour
d’une table, sous les lustres et les dorures du
palais du chancelier Bismarck à Berlin, loin du
continent africain et de ses réalités. Ils font face
à une grande carte imprécise de l’Afrique, où la
plupart sinon tous n’ont jamais mis les pieds. Elle
interroge sur les modalités de la division fronta-
lière, et donc sur l’arbitraire des décisions. Enfin,
la poignée de main entre les deux dirigeants de
la péninsule coréenne en 2018 est quant à elle un
symbole fort de la perméabilité des frontières, qui
s’ouvrent et se ferment au gré des politiques éta-
blies. On notera la frontière matérialisée par un
simple muret de béton qui sépare les deux pré-
sidents qui s’apprêtent à se serrer la main. Ces
trois documents questionnent les raisons pour
lesquelles les frontières sont tracées et les fonc-
tions qui leur sont assignées.
JALON 1 – Le limes romain, une frontière
pour se protéger p. 154-155
Au départ, le limes n’est pour les Romains qu’un
simple chemin séparant des parcelles de terres.
Avec les conquêtes impériales, sa signification
devient plus politique et le limes désigne la frontière
défensive. C’est ainsi que les historiens vont défi-
nir les frontières de l’Empire romain. Mais quelles
ont été les raisons qui ont poussé les Romains à
106
se doter de frontières ? Pourquoi établir des lignes
à vocation défensives ? Quelles stratégies a pour-
suivi Rome en délimitant son territoire ?
Document 1
La carte permet d’insister sur l’aspect défensif
du limes rhénan, appelé aussi germano-
rhétique. Ainsi, on distingue bien le tracé linéaire
de la frontière qui suit en partie le Rhin et qui
devient, avec la stabilisation de l’Empire à l’est
de l’Europe, une route militaire surveillée au
moyen de tours de guets en bois. Ce document
est à mettre en relation avec les documents 3 et
4 matérialisant les ouvrages défensifs du limes
qui sont présents sur la carte, notamment les
fortins. Le limes relie les camps légionnaires
de la Germanie inférieure à la Rhétie (Bavière),
stationnés pour repousser les assauts éventuels
des « Barbares » de la Germanie libre.
Document 2
L’article repris dans Courrier international est
issu d’un magazine historique allemand. Il pré-
sente donc la vision de l’historien sur les fonc-
tions du limes rhénan. L’intérêt de ce document
est de rendre compte des autres fonctions de
cette frontière, en particulier politique et fis-
cale (douanes, taxes). Bien que doté d’éléments
défensifs, le limes n’est pas infranchissable. La
frontière s’ouvre et se ferme en fonctions des
intérêts romains et fonctionne ainsi comme une
sorte de filtre, laissant passer certains flux. Elle
n’enferme donc pas l’Empire et ses habitants.
Elle contribue d’ailleurs aux finances de l’Em-
pire par les taxes qui sont prélevées pour le pas-
sage des personnes et des produits. La frontière
s’apparente aussi à un marquage de l’identité
romaine instituée par le pouvoir impérial. C’est
à l’intérieur du limes que s’exprime la nation
romaine, en englobant les territoires nouvelle-
ment conquis et qui vont, de fait, se romaniser
dans ce cadre spatial défini.
Document 3
La porte prétorienne du camp de Saalburg
est inscrite au patrimoine de l’Unesco. On y
retrouve l’architecture typique en carré avec
des coins arrondis. Ce camp est l’archétype des

soixante-quinze camps permanents qui étaient
présents le long du limes. Après des fouilles, les
archéologues ont retrouvé d’anciennes fonda-
tions romaines à cet emplacement et le camp a
été reconstruit entre 1897 et 1907 afin de rendre
compte le plus fidèlement possible de l’aspect
défensif du limes. Pour en savoir plus, voir le site
du musée/parc archéologique de Saalburg : www.
saalburgmuseum.de/francais/museum_fr.html
Document 4
Le dessin est une reconstitution d’une tour du
limes en bois, que l’on peut mettre en regard de
la photographie page 156. Tout l’intérêt est de
distinguer les éléments défensifs : la tour de
guet, le fossé (servant d’avantage à se protéger
de l’humidité que des ennemis), les pieux en bois
aux bouts pointus, formant une palissade et des-
tinés tout le long du chemin à dissuader de fran-
chir la frontière. On distingue aussi des troupes
d’infanterie en factions chargés de la défense du
limes comme on a pu le voir dans le document 3.
Corrigé des questions
1. Le limes rhénan s’appuie sur les deux fleuves
que sont le Rhin et le Danube. Le tracé suit les
lignes topographiques des fleuves, des forêts,
des champs.
2. Les Romains ont beaucoup déboisé pour
construire le limes. Il est devenu un objet maté-
riel reposant sur un mur de pierre, des fortins,
des camps, des palissades en bois et un chemin.
Autant d’éléments qui constituent une ligne de
fortification.
3. Le limes est un espace défensif reposant sur
des fortifications : forts, tours de guet, fossé
(fossa), murs, palissades (vallum) afin de protéger
le chemin. Un des objectifs était de protéger le
territoire et sa population, donc de les défendre
des invasions et des autres peuples qualifiés de
« Barbares » par les Romains. On a dénombré
cent cinquante forts, neuf cents tours de guet.
4. Le limes avait d’autres fonctions :
– Un espace de délimitation de l’Empire qui maté-
rialisait l’extension de la puissance de l’Empire
romain par rapport au voisin, la Germanie
Thème 3 - Axe 1
libre, non soumise aux Romains ; le limes était
donc la frontière orientale de l’Empire romain.
– Un espace de circulation : les voies romaines
permettaient la communication d’un lieu à un
autre.
– Un lieu de contrôle des passages : le limes fai-
sait office de douanes pour les marchandises,
et permettait de taxer les passages des per-
sonnes.
Vers le bac
5. Cette question demande aux élèves de se
documenter sur la Grande Muraille de Chine afin
d’établir des points communs entre le limes et la
frontière tracée par les Ming.
Il s’agit d’un travail en autonomie, qui demande
un effort de recherche documentaire et un esprit
de synthèse. Après avoir présenté les dates de
création, la localisation et les vestiges, l’élève
peut orienter ses recherches à partir des points
communs suivants :
– Contexte : Expansionnisme et lutte contre les
incursions des peuples voisins.
– Fonctions : se défendre, territorialiser son
pouvoir, renforcer sa souveraineté et son
identité vis-à-vis des voisins, affirmer son
hégémonie.
– Éléments constitutifs de la frontière : pierres,
mur, éléments défensifs…
Quelques liens utiles :
- www.nationalgeographic.fr/histoire/la-
grande-muraille-de-chine-histoire-dun-
fiasco-militaire
- https://whc.unesco.org/fr/list/438
- https://eduscol.education.fr/sti/si-ens-
paris-saclay/ressources_pedagogiques/
le-grande-muraille-de-chine-plus-de-20sie-
cles-de-construction
JALON 2 – La conférence de Berlin
p. 156-157
Les lignes de partage de l’Afrique qui sont éta-
blies à la suite de la conférence de Berlin (1884-
1885) vont largement influencer l’établissement
des frontières du continent au XXe siècle. Ce
morcellement a été conçu en dehors de l’Afrique
107
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
et reste encore aujourd’hui le symbole visible de
la volonté coloniale des Européens. Le partage
de l’Afrique qui se joue lors de la conférence de
Berlin rappelle alors l’artificialité et l’arbitraire
des tracés, qui ne servent qu’à imposer des sou-
verainetés pour satisfaire des ambitions impé-
rialistes. Comme le rappelle Joël Calmettes,
auteur du documentaire Berlin 1885, la ruée vers
l’Afrique, « La conférence de Berlin ne s’appa-
rente pas à un partage de l’Afrique pur et simple
comme on le dit souvent. C’est caricatural. Elle a
plus servi à définir des règles de bonne entente,
des lois à respecter pour s’accaparer un terri-
toire. Une sorte de charte de la colonisation ».
Par conséquent, en quoi la conférence de Berlin
a contribué à accélérer le partage de l’Afrique ?
Document 1
Ce document permet de territorialiser le par-
tage de l’Afrique et son étude est à combiner
avec l’ensemble du corpus documentaire. Ainsi,
la comparaison des deux cartes sur la présence
européenne en Afrique permet de mesurer l’im-
pact de la conférence dans le choix des lignes
de partage des colonies au moment de leur apo-
gée. Elle rend aussi compte de la rapidité avec
laquelle les 83 500 km de frontières ont été
tracés entre 1886 et 1914. Cet aspect fait écho
aux propos du spécialiste des frontières Michel
Foucher, qui rappelle dans Frontières d’Afrique,
pour en finir avec un mythe (voir bibliographie)
que « 38 % des frontières furent délimitées dans
les dix premières années qui suivirent la confé-
rence de Berlin et 50 % dans les quinze pre-
mières années, soit entre 1885 et 1900, ce qui
confirme la réalité du Scramble for Africa ».
Document 2
L’acte général de la Conférence de Berlin vient
appuyer les documents 1 et d’ouverture p. 153
qui prouvent que les frontières ont été pensées
et tracées en Europe par les chancelleries ;
même si les recherches historiques ont per-
mis d’attester de l’existence de quelques lignes
frontières déjà établies par certains États afri-
cains. Les raisons qui ont poussées les puis-
sances européennes à organiser un partage
sur le papier avant de le territorialiser par
108
des conquêtes « encadrées » sont ici reprises.
Ainsi, les enjeux géopolitiques européens ont
été à la base des lignes de partage du conti-
nent. Les États traceurs ont privilégié leurs
intérêts économiques et commerciaux dans un
esprit d’entente cordiale pour éviter tout nou-
veau conflit (cf. la guerre franco-prussienne de
1870-1871). L’esprit missionnaire est aussi pré-
sent évoquant le « fardeau de l’homme blanc »
(Rudyard Kipling, 1899). Ainsi, l’acte général
de la conférence apparaît comme une notice,
un règlement du processus de colonisation en
gestation.
Document 3
Le document donne un éclaircissement univer-
sitaire sur les effets des tracés frontaliers en
Afrique, que l’on peut mettre en lien avec le docu-
ment 4. Les lignes de partage ont contribué au
morcellement des populations. Elles ont aussi
institué un cadre pour organiser l’exploitation
du territoire afin d’en faire une véritable colonie.
Ainsi, l’identité et la fonction données à la fron-
tière par les Européens sont différentes de celles
données par les Africains aux frontières préexis-
tant à la conférence de Berlin. L’auteur souligne
l’accaparement des terres par les Européens,
leurs logiques capitalistes et impérialistes.
Document 4
La caricature proposée émane de L’Assiette au
beurre, journal illustré satirique français (1906-
1936), connu pour son ton acerbe. Elle critique
ouvertement le partage colonial européen en
Afrique et fait écho au document précédent.
Il évoque ainsi la « course aux colonies », la
rivalité entre la France et l’Allemagne à propos
du fleuve Congo, l’établissement de frontières
purement artificielles pour se partager le bassin
du fleuve Congo et la non prise en considération
des ethnies locales.
Corrigé des questions
1. Les Européens sont réunis à l’initiative du
chancelier Bismarck afin de afin de poser les
bases de la colonisation des territoires du conti-
nent africain, en reconnaissant des zones d’in-

fluence. La raison première est d’établir des
règles de partage, de bonne entente pour évi-
ter que les appétits de conquête des Européens
ne provoquent des conflits entre eux (souve-
nirs de 1870-1871 encore très présents et riva-
lité entre la France et la Belgique à propos du
Congo notamment). Ainsi, il s’agit d’une sorte de
« contrat » entre les pays européens qui fixe les
règles de conquête, d’occupation et d’exploita-
tion des territoires.
La seconde raison est à chercher dans l’imagi-
naire qui se développe à cette époque à propos
de l’Afrique. Les premiers récits des explora-
teurs laissent apparaître ce continent comme un
eldorado pour l’Europe, une terre encore vierge,
promesse de richesses.
2. À l’issue de la conférence de Berlin, plusieurs
décisions sont prises :
– La libéralisation du commerce et de la naviga-
tion sur les fleuves et notamment sur le fleuve
Congo.
– La matérialisation immédiate de toute occupa-
tion par un État (drapeau et armée) et sa noti-
fication aux autres pays signataires.
– La lutte contre l’esclavage et le travail forcé.
– L’apport de la « civilisation » (« fardeau de
l’homme blanc »), évoquant la mission civilisa-
trice des Européens.
3. Une fois les territoires conquis, les Européens
vont imposer leur civilisation aux indigènes.
Ainsi, derrière l’image de l’Occidental civilisa-
teur, vertueux et bienveillant se cache en réalité
une mise sous tutelle des indigènes, qui sont
privés de toute liberté et déposséder de leur ter-
ritoire et de leur culture, au nom de la supério-
rité de « l’homme blanc ».
4. La Conférence de Berlin ne partage pas
l’Afrique. Elle donne le signal du départ de la
« ruée vers l’Afrique » qui s’établit désormais
selon des règles européennes. Ainsi, l’Afrique
a été systématiquement colonisée. En 1880,
seules l’Algérie et l’Afrique du Sud sont
conquises, le reste du continent est peu occupé.
On ne distingue que des comptoirs le long des
littoraux. À l’inverse, en 1914, tout le continent
est partagé en zones d’influence. Désormais,
on peut parler de colonies pour les métropoles
Thème 3 - Axe 1
européennes. Un cadre politique et un rapport
de colonisé à colonisateur ont été établis.
5. L’auteur met en avant le découpage très
arbitraire des frontières des États du conti-
nent africain, répondant non pas à des logiques
ethniques, historique ou géographiques, mais
uniquement politiques et commerciales. Cela
n’a pu que fragmenter d’avantage l’Afrique et
occasionner des conflits internes. Aucun fac-
teur culturel ou sociologique n’a été pris en
compte. Aucun dirigeant africain n’a d’ailleurs
participé à ce tracé de frontières. Ces frontières
ont permis une mise sous tutelle des territoires
et des peuples désormais sous la dépendance
politique, culturelle et économique de la métro-
pole. Les frontières apparaissent donc comme
le prolongement de la souveraineté des États
colonisateurs. Elles ont brisé les résistances
du continent africain et l’ont dépossédé de son
identité.
Vers le bac
6. L’objectif de cette activité est de travailler l’ar-
gumentation.
Pour la construire, il faut se poser les bonnes
questions à partir du sujet :
– Qu’est-ce que le partage colonial ?
– Que signifie impérialisme ?
– Quel est le cadre géographique et historique
du sujet ?
Il faut ensuite trouver les arguments qui justifient
la réponse que l’on veut apporter à la probléma-
tique. Ils peuvent être dans le cours (comme
par exemple la volonté de retrouver un statut
de puissance après la guerre de 1870-1871),
dans les documents (par exemple le document 2
montrant l’entente des pays signataires et tra-
ceurs) ou issus des recherches personnelles
(par exemple après le visionnage du docu-fiction
Berlin 1885, la ruée vers l’Afrique).
Il faut ensuite rédiger en organisant ses argu-
ments afin de convaincre et procéder alors à
une démonstration. Les arguments doivent donc
s’enchaîner logiquement. Pour ce faire, il faut :
énoncer l’argument ; l’expliquer ; puis donner
un exemple qui le justifie.
109
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
Application :
Les convoitises des puissances européennes
lors de la conférence de Berlin en 1884-1885
illustrent la volonté pour chaque pays d’étendre
et d’assoir sa puissance hors d’Europe. (idée-
argument)
En effet, les États partent à la recherche de nou-
veaux débouchés et sont tous animés d’un natio-
nalisme farouche qui fait craindre que la course
au partage colonial se transforme en conflits
d’intérêt. (explication)
Ainsi, les velléités coloniales françaises appa-
raissent comme une compensation de la perte de
l’Alsace-Lorraine en 1871. Parallèlement, l’Angle-
terre fait de son empire économique la base de
sa puissance politique. Quant à l’Allemagne nais-
sante, elle cherche à se faire reconnaître comme
une grande puissance mondiale en se lançant
dans une politique coloniale active. (exemples)
JALON 3/1 – Le 38e parallèle, une fron-
tière entre les deux Corées p. 158-159
La frontière entre les deux Corées qui s’établit
en 1945 est le fruit d’une décision là encore arbi-
traire des deux grands vainqueurs de la Seconde
Guerre mondiale. Ils prennent appui sur une
limite géographique : le 38e parallèle. Dès lors,
la péninsule coréenne est scindée en deux par-
ties distinctes. En pleine guerre froide, la guerre
de Corée qui s’étale de 1950 à 1953, apparaît à la
fois comme le symbole de la bipolarisation et de
la rupture politique et idéologique de la pénin-
sule coréenne. À l’image de la capitale allemande
Berlin, la Corée se décline désormais au pluriel.
Le 38e parallèle devient la ligne de partage entre
la Corée du Nord, alliée et fidèle de l’URSS, et la
Corée du Sud, alliée des États-Unis. Comment la
division de la Corée a-t-elle pu donner naissance
à deux États que tout oppose ?
Document 1
Cette photographie de deux soldats américains
posant à l’endroit où passe le 38e parallèle, la
ligne frontière de la péninsule coréenne depuis
1945, est une mise en scène propagandiste pour
justifier la contre-offensive américaine, appuyée
110
par l’Organisation des nations unies (ONU). Les
États-Unis montrent ainsi la légitimité de leur
intervention pour stopper les velléités impéria-
listes de la Corée du Nord qui ont ouvert le conflit
le 25 juin 1950. Plus qu’une délimitation purement
géographique, le 38e parallèle devient le symbole
de la partition idéologique de la péninsule.
Document 2
La chronologie proposée permet aux élèves de
constater à la fois la permanence de la partition
de la péninsule et l’arbitraire du tracé orches-
tré par les puissances étrangères. Son analyse
donne à réfléchir sur l’identité de cette fron-
tière établie depuis 1945 : un prolongement des
divisions idéologiques pendant la guerre froide,
une ligne de démarcation militaire, une barrière
infranchissable ? Elle est à étudier en liaison
avec l’ensemble du corpus documentaire.
Documents 3 et 4
L’étude de la photographie et de l’article paru
dans Ouest France se complètent afin de rendre
compte de la spécificité de la frontière hermé-
tique entre les deux Corées.
La ligne frontalière se matérialise depuis 1953
par la DMZ (demilitarized zone) qui ressemble à un
chemin de guet tant les militaires et les chars y
sont stationnés. Longue de 238 km, elle s’étend
sur 4 km de large et est constituée de grillages
et barbelés, de postes d’observation militaires, de
caméras de surveillance, de mines. La DMZ est
donc une mise en réserve des forces militaires qui
peuvent être remobilisées à tout moment, signe
de la persistance des tensions entre les deux
Corées. C’est d’ailleurs l’image de la zone de sécu-
rité commune (JSA), située au cœur de la DMZ où
les soldats des deux Corées se font toujours face,
comme si le temps s’était arrêté en 1953.
Corrigé des questions
1. La partition de la Corée a lieu au moment de la
conférence de Potsdam et de la défaite du Japon
qui occupait le pays. Les deux grands vainqueurs
de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et
URSS décident d’occuper et de diviser la pénin-
sule en deux zones d’influence afin de mettre
 Thème 3 - Axe 1

le pays sous tutelle, jusqu’à ce qu’il recouvre Vers le bac

son indépendance. La frontière est alors établie
arbitrairement le long du 38e parallèle nord par 6. De part et d’autre de la frontière, les Coréens
vivent différemment. Elle oppose le Nord, com-
les armées d’occupation, sans le consentement
des Coréens.
2. En 1948 sont organisées des élections dans
Corée du Nord
≠ Corée du Sud

le sud de la péninsule. Ainsi naît la République

coréenne du Sud, basée sur un système démo-
cratique. Désormais, les troupes américaines
laissent place à un gouvernement légal, reconnu
par l’ONU. Au nord est créée une république
populaire de Corée du Nord, sur le modèle des
démocraties populaires. La frontière de 1945
sépare désormais deux États politiquement et
idéologiquement opposés. Aucune des deux
Corées ne veut accepter la frontière.
3. La rivalité entre les États-Unis et l’URSS a contri-
bué à renforcer la division du pays, chacun voulant
soutenir son allié de crainte de perdre sa zone
d’influence le long du 38e parallèle. Cette fron-
tière représente la bipolarisation de la péninsule
comme celle du monde pendant la guerre froide.
4. La guerre de Corée s’explique par la volonté
de la Corée du Nord de prendre le contrôle sur
l’ensemble de la péninsule, ne reconnaissant
pas la frontière de 1945. Ainsi, en quelques
semaines, l’armée de la Corée du Nord fran-
chit le 38e parallèle et envahit la Corée du Sud.
L’intervention militaire des États-Unis aux côtés
de cette dernière, puis de la Chine aux côtés de
la Corée du Nord, internationalisent le conflit et
renforcent la partition. Ce conflit est une guerre
de mouvement où chacun des deux camps
cherche à s’étendre au-delà de la frontière.
5. La frontière de 1953 est quasiment la même
que celle de 1950. La guerre de Corée commence
et se termine au niveau du 38e parallèle. Elle
correspond à une ligne de cessez-le-feu et non
à une frontière établissant la paix. Le 38e paral-
lèle devient alors une ligne de démarcation der-
rière laquelle chacune des deux armées replient
ses forces : c’est la DMZ. La DMZ est un couloir
militarisé, miné, où chacun observe l’autre. Elle
rappelle que la paix n’a pas été signée entre les
deux États et qu’à n’importe quel moment les
hostilités peuvent reprendre.
Démocratie, depuis
Dictature depuis
1948 : république de
1948 : république
Corée, président élu
populaire de Corée
au suffrage universel
Inspiration libérale
Inspiration commu-
liée aux États-Unis :
niste liée à l’URSS :
libre entreprise
indépendance
et concurrence,
politique et militaire,
respect des libertés
autosuffisance
fondamentales
muniste et autoritaire et le Sud, libérale et
démocratique. Chacun y prône son modèle.
On peut proposer aux élèves de réaliser un schéma :
JALON 3/2 – Le 38e parallèle, une fron-
tière entre les deux Corées p. 160-161
La scission de la péninsule marque durablement
la division étatique de la Corée. Ainsi, depuis la
reconnaissance officielle du 38e parallèle comme
frontière entre les deux Corées, les deux États
n’ont eu cesse de se construire à l’opposé de l’un
et de l’autre. La Corée du Sud a suivi un modèle
de développement calqué sur son allié amé-
ricain, optant pour une démocratie libérale et
des choix économiques qui lui ont permis de se
hisser parmi les pays développés. À l’inverse, la
Corée du Nord a fait le choix de l’autoritarisme,
du communisme et de l’autarcie. Ses choix l’ont
progressivement éloigné de la mondialisation et
de toute forme d’intégration. De même, ses
ambitions militaire et nucléaire vont à l’encontre
d’une possible réunification. En quoi la frontière
entre les deux Corées demeure une ligne de
partage géopolitique ?

111
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
Document 1
La carte permet de mesurer l’inégale militari-
sation de la péninsule coréenne, et par consé-
quent le maintien d’un conflit larvé depuis 1953.
Chacune des deux Corées continue à être défen-
due par ses alliés, mais Pyongyang a développé
une capacité nucléaire et balistique hors norme
qui inquiète le monde. Depuis 2006, la Corée du
Nord fait planer la menace d’une guerre nord-
coréenne dont les conséquences dépassent la
péninsule et le Japon. La carte associée aux
autres documents du corpus montre bien que la
partition de la péninsule présente des enjeux à la
fois régionaux et internationaux. En aidant leurs
alliés sud-coréens, les États-Unis cherchent
néanmoins à sensibiliser la Chine, seuls alliés
du régime nord-coréen, sur les conséquences à
la fois militaire, stratégique et diplomatique de
la prolifération nucléaire de Kim Jong-un.
Documents 2 et 4
Les deux articles, à étudier avec le document 3
de la double-page d’ouverture de l’Axe 1, per-
mettent de comprendre l’évolution récente de
la nature de la frontière entre les deux Corées.
L’axe de lecture se fait autour de l’apaisement
des tensions et des divisions, et par conséquent
la recherche d’une normalisation des relations
entre le Nord et le Sud de la péninsule.
Les points suivants peuvent par exemple être
soulignés par les élèves : l’enjeu primordial de
la dénucléarisation, l’ouverture diplomatique
par la rencontre des dirigeants lors de sommets
intercoréens, la multiplication des signes d’uni-
fication de la péninsule : équipe unique lors des
Jeux olympiques, retrait des mines dans la DMZ
ou encore projets de connexion des réseaux fer-
roviaires et routiers.
L’analyse des documents permet aussi de per-
cevoir les enjeux non seulement régionaux mais
surtout internationaux du processus de rappro-
chement des deux Corées. Les élèves peuvent
faire le lien avec l’étude 1 du jalon qui montre
bien que le tracé de la frontière a été déterminé
arbitrairement par des puissances extérieures.
Les États-Unis, la Chine mais aussi le Japon sont
impliqués dans ce rapprochement en marche.
112
Document 3
L’établissement de la frontière dans le contexte
de la guerre froide, ainsi que sa pérennisation,
n’ont fait que renforcer la division idéologique,
économique et politique de la péninsule. La
carte matérialise la division et les disparités
qui affectent le territoire en termes de PIB, de
démographie, de système politique et d’alliés.
Ici, le tracé du 38e parallèle exclut, individualise,
sépare.
Corrigé des questions
1. La péninsule coréenne comporte deux États
très contrastés :
– Politiquement : la démocratie du Sud s’oppose
à l’autoritarisme du Nord.
– Économiquement : la Corée du Sud est un
pays développé, qui a été un nouveau pays
industrialisé d’Asie (NPIA), ce qui lui permis
de connaître un décollage économique remar-
quable comme en témoignent l’appartenance
aux grandes organisations internationales et
le PIB élevé. Au contraire, la Corée du Nord a
de maigres ressources car les dépenses mili-
taires du régime sont élevées. Le pays subit
aussi des sanctions économiques qui ne font
qu’aggraver la situation précaire des habitants
(cf. la grande famine de 1996).
– Militairement : le Nord a développé un pro-
gramme militaire ambitieux et inquiétant, tan-
dis que le Sud est sous protectorat américain.
2. La Corée du Nord attend de cette normalisa-
tion une aide économique de la Corée du Sud
et ses alliés contre l’acceptation de dénucléari-
ser le pays. La Corée du Sud agit quant à elle
pour rapprocher les familles, réduire les écarts
de développement afin de surmonter pacifique-
ment la division.
3. Les attaques nucléaires de la Corée du Nord
ont été une menace constante depuis les années
1990 et retardent la réconciliation. Ainsi, dans
les années 2000, la Corée du Nord a tout misé
sur la défense pour intimider le Sud et ses alliés.
Il s’agit de montrer que même avec des difficul-
tés économiques, la supériorité militaire de la
Corée du Nord est réelle.
 Thème 3 - Axe 1

4. Depuis la rencontre entre les deux dirigeants – Quels sont les atouts pour la Corée du Sud de
en 2018, plusieurs signes d’apaisement ont eu relations plus pacifiques entre les États-Unis
lieu : un rapprochement dans le domaine spor- et la Corée du Nord ?
tif (une même équipe, signe de la réunification),
→ Quotidiens à consulter : Libération, Le Monde,
une réelle démilitarisation conjointe de la DMZ,
Courrier international, Le Monde diplomatique/
l’ouverture de relations transfrontalières, un
Manière de voir, RFI, le Figaro, France 24, etc.
dialogue réel entre les dirigeants, la multiplica-
tion de gestes symboliques (pas de manifesta- → Classer les arguments en fonction des points
tion anti-américaine par exemple). négatifs et positifs de la normalisation des rela-
tions entre Trump et Kim Jung-un.
5. Néanmoins, la réunification n’est pas encore
assurée car les différences économiques et Par exemple :
sociales sont très importantes entre les deux + Avancée du processus de dénucléarisation de la
Corées. De plus, il y a un doute sur les réelles Corée du Nord
motivations du dirigeant de la Corée du Nord
sur le long terme. Enfin, il faut l’accord des
– Risque d’un rapprochement entre Kim Jung-un
et Vladimir Poutine
États-Unis pour lever les sanctions qui pèsent
sur la Corée du Nord. → Résumer les articles en une dizaine de lignes
pour dresser un argumentaire. Possibilité de
6. Le rapprochement entre les deux Corées s’entraîner à l’oral avec les « Tutos du Grand
concerne aussi les relations avec les États-Unis Oral » p. 223 du manuel.
et la Chine. En effet, les États-Unis sont encore
largement présents dans la région avec leurs
bases militaires et le rapprochement rendrait
caduque la justification militaire de leur pré-
sence. Quant à la Chine, elle redoute autant la
perte de l’allié communiste que la présence de
troupe américaine à ses frontières.

Vers le bac
7. Les élèves travaillent à l’aide de la méthode
pages 220-221 du manuel.
→ Thème d’étude : les récentes relations entre
la Corée du Nord et les États-Unis.
→ Fil directeur : les conséquences du rappro-
chement ente les États-Unis et la Corée du
Nord sur l’avenir de la division de la péninsule
coréenne.
→ Problématique : en quoi le rapprochement
entre Kim Jung-un et Donald Trump peut-il
interférer sur l’avenir des relations entre la
Corée du Nord et la Corée du Sud ?
→ Pistes de recherche :
– Quelles sont les formes de relations nouvelles
entre les États-Unis et la Corée du Nord ?
– Quels sont les éléments qui peuvent freiner le
rapprochement entre les deux Corées ?

113
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

Méthode : Préparer et présenter un exposé en groupe

Manuel p. 164-165

Entraînement Préparez un exposé en groupe : « Faut-il supprimer les frontières ? »

Étape 1 : Se documenter
Mots-clés
→ « Frontière », tracé qui délimite le territoire entre deux entités politiquement indépendantes ; peut
être net et linéaire ou zonal et mouvant, fermé et fortifié (rupture) ou ouvert et dynamique (interface).
→ « Faut-il » : idée d’impératif, qui peut découler de plusieurs causes : morales, économiques,
géopolitiques, écologiques…
Cadre chronologique et spatial : celui du monde contemporain, avec quelques plongées pertinentes dans
l’histoire pour éclairer la notion mouvante de frontière, son évolution et les réalités qu’elle recouvre.
Étape 2 : Dégager une problématique et construire un plan
À la fois affaiblies par l’accélération de la mondialisation depuis la fin de la guerre froide et sans
cesse réaffirmées par l’érection de murs et de barrières, les frontières restent-elles pertinentes
face aux grands enjeux économiques, géopolitiques et environnementaux contemporains ?
I) Fondement de l’État de droit souverain, les frontières n’ont pourtant jamais cessé d’être contestées
A) Les frontières sont au fondement de l’État de droit (construction des monarchies étatiques euro-
péennes, identification des sujets/citoyens/contribuables, principe d’intangibilité des frontières)
B) Mais elles apparaissent souvent comme arbitraires (Europe du traité de Versailles après 1919,
séparation des peuples privés de leur droit à « disposer d’eux-mêmes », tracés exogènes fondés sur
des intérêts économiques ; cf. Hongrie, Chypre ou Irak)
II) À l’heure de la mondialisation, les frontières semblent obsolètes à plusieurs échelles
A) Les frontières perdent leur rôle cloisonnant (accélération de la mondialisation financière, recul
des États face aux acteurs privés directement interconnectés, internet, organisations régionales
intégrées telles que l’UE)
B) Les frontières sont de plus en plus dénoncées comme liberticides (permettent le « surveiller et
punir » de Michel Foucault ; sont technicisées avec informatique et caméras ; sont matérialisées de
manière monumentale et contestable, cf. mur EU/Mexique ou Israël/Cisjordanie)
III) Mais elles connaissent un regain de vigueur et restent pertinentes dans un monde en équilibre
instable
A) Les frontières restent des fondements indispensables de l’unité et du rayonnement nationaux
(dépassement des frontières perçu dans le monde comme un luxe d’Occidentaux, cf. innombrables
litiges frontaliers en Afrique, parfois réglés par la Cour internationale de Justice comme au Tchad/
Libye, mais dégénérant souvent en guerres hybrides ; multiplication des contentieux maritimes
avec fixation de plus en plus nette des frontières dans le droit international depuis Montego Bay ;
absence de volonté réelle des peuples de constituer des entités supra-étatiques avec abandon de
souveraineté, cf. UE).
B) Les frontières restent la garantie de la sécurité et du droit étatiques dans un monde de plus en
plus incertain (cf. Régis Debray, la frontière exclut autant qu’elle protège ; effondrement des États
faillis dotés de frontières insuffisamment solides, cf. Somalie ou Soudan du Sud avec conflits sanglants
et pérennes ; contestation de l’intangibilité des frontières, cf. condamnation de l’annexion de la Crimée
par la Russie ; la frontière reste un attribut indépassable de l’État pour la préservation des droits fon-
damentaux, des droits sociaux et de la sécurité des personnes dans un contexte de mondialisation et
déterritorialisation des menaces, cf. terrorisme, expansionnisme russe voire chinois, cyber-guerre).

114
 Thème 3 - Méthodes

Méthode : Lire une image satellite

Manuel p. 166-167

Entraînement Analyser une image satellite choisie sur le site geoimage.cnes.fr

Image satellite de la frontière États-Unis-Mexique

Source : https://geoimage.cnes.fr/fr/la-frontiere-etats-unis-mexique-mexicalicalexico-mur-villes-
jumelles-maquiladoras-cartels-et-drogue (© CNES)

Étape 1 : Identifier la source

Il s’agit du site Geoimage.cnes.fr. L’image a été prise par le satellite Sentinel 2 le 21 janvier 2019.
Geoimage a pour but de fournir des ressources réalisées à partir d’images acquises par les satellites
Pléiades, SPOT, Sentinel et Venus.
Comme l’image satellite du manuel, ce site est pertinent pour analyser les frontières contempo-
raines, dans le cadre du thème 3 « Étudier les divisions politiques du monde ».
Étape 2 : Maîtriser des repères spatiaux et historiques
Où se localise cet espace frontalier ?
Cet espace se situe sur le continent américain, entre les États-Unis d’Amérique et le Mexique, et
plus précisément à l’ouest de cette frontière.
De quand date la création du mur frontalier ?
C’est le président George W. Bush (2001-2009) qui a fait construire un mur frontalier long de 1 300 km.
L’actuel président Donald Trump souhaite prolonger cet édifice mais il rencontre une forte opposition
politique.
Comment est aménagé ce mur transfrontalier ?
Le mur fait plusieurs mètres de hauteur et est doublé de chaque côté par une route ou une piste
qui longe l’itinéraire ; cette route/piste est parcourue par des patrouilles de sécurité. Au-delà de la
frontière linéaire, c’est toute la zone qui est étroitement surveillée (capteurs, drones, satellites…).

115
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

Axe 2. Les frontières en débat

Manuel p. 168-177

Établir des frontières rassure le pays traceur qui s’assure alors le bornage de son territoire et la
reconnaissance de sa souveraineté. Qu’il s’agisse de les agrandir, de les modifier, d’en établir de
nouvelles ou d’en abolir, de les ouvrir ou de les fermer, cette obsession des frontières rend compte
de la persistance de marqueurs territoriaux au sein de tout système sociétal. Cet axe aborde les
enjeux passés et présents des découpages frontaliers. Ainsi, la ligne Oder-Neisse a contribué à
« déterritoraliser » la frontière orientale de l’Allemagne pour « reterritorialiser » la Pologne sur fond
de nationalisme (jalon 1). L’espace maritime est quant à lui devenu un objet de convoitises, à la fois
géopolitique et géostratégique, renforçant la territorialisation1 et la règlementation de ce que l’on
nomme désormais le « sixième continent » (jalon 2).

BIBLIOGRAPHIE/FILMOGRAPHIE/SITOGRAPHIE
◗ Livres et revue
- A. Fremont, A. Fremont Vanacore, Géographie des espaces maritimes, © La Documentation
française, 2015.
- B. Tertrais, D. Papin, L’Atlas des frontières, © Les Arènes, 2016.
- T. Lecoq, F. Smits, Enseigner la mer. Des espaces maritimes aux territoires de la mondialisation,
© Réseau Canopé, 2016.
- F. Lasserre, A. Brun, Le Partage de l’eau. Une réflexion géopolitique, © Odile Jacob, 2018.
- E. Frécon, « Conflits en mer et droit international », in Benoît Pelopidas, Frédéric Ramel (dir.),
L’Enjeu mondial. Guerres et conflits armés au XXIe siècle, © Les Presses de Sciences Po, 2018.
- « Mers et océans : Géopolitique et géostratégie »,© Diplomatie, n° 46, août-septembre 2018.

◗ Films
- F. Cuvellier, Spratleys, du rififi en mer de Chine, 2011, 52 min.
- P. Greengrass, Capitaine Philips, 2013, 2h14.

◗ Sites internet
- Présentation de la région transfrontalière entre Allemagne et Pologne :
www.espaces-transfrontaliers.org/bdd-frontieres/frontiers/frontier/show/allemagne-pologne/
- Page internet de l’ONU consacrée aux océans et au droit de la mer :
www.un.org/fr/sections/issues-depth/oceans-and-law-sea/

1. « La territorialisation consiste en une appropriation qui peut être juridique et économique (la propriété) ou symbolique (le senti-
ment d’appartenance, de connivence). La notion de territoire implique, en principe, l’existence de limites précises. », glossaire du site
Géoconfluences (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/territoires-territorialisation-territorialite).

116

DOUBLE-PAGE D’OUVERTURE p. 168-169
De quoi les frontières sont-elles l’expression ? À
cette question d’essence géopolitique, il est dif-
ficile de donner une réponse uniforme tant les
frontières dépendent du contexte dans lequel
elles naissent. Pour autant, elles concernent
et intéressent aujourd’hui tous les territoires,
y compris les océans. Elles portent donc en
elles les appétits géopolitiques des États qui
peuvent être source de tensions et de débats.
Les trois iconographies présentées évoquent
les enjeux qui animent l’établissement de fron-
tières. La photographie des soldats polonais
plantant des poteaux indiquant où commence
le territoire polonais en 1945 révèle cet ancrage
de la frontière qui a besoin d’être matérialisée
pour exister et trouver une forme de légitimité
et de reconnaissance. L’arraisonnement du
chalutier chinois par les garde-côtes japonais
rappelle que les mers et océans sont devenus
des espaces stratégiques, un véritable eldo-
rado économique, que les États cherchent à
s’approprier. C’est pourquoi, une juridiction des
espaces maritimes a vu le jour délimitant des
zones d’exploitation. L’existence d’un droit de la
mer n’empêche pas pour autant les litiges et les
contestations comme en témoigne la manifesta-
tion des pêcheurs de Douarnenez dénonçant la
législation européenne sur les zones de pêche.
JALON 1 – Reconnaître la frontière.
La frontière germano-polonaise
de 1939 à 1990 p. 170-171
La ligne frontalière Oder-Neisse est devenue le
symbole de la renaissance de la Pologne après
la Seconde Guerre mondiale. En décidant de
ce tracé totalement arbitraire, les Alliés ont
pourtant enraciné la nation polonaise et fait de
l’Oder-Neisse un marqueur d’identité. À l’in-
verse, cette ligne a signifié, pour une partie de
la nation allemande, une perte du cadre à la
fois spatial et historique de leur nation. La ligne
Oder-Neisse est dès lors apparue comme une
ligne de fracture et l’expression des crispations
allemandes, les Allemands refusant de la recon-
naître comme frontière avec la Pologne. Par
Thème 3 - Axe 2
conséquent, comment la ligne de l’Oder-Neisse
a-t-elle pu s’imposer progressivement comme
une frontière légitime ? Quelles dimensions
idéologiques l’Oder-Neisse a-t-elle pu porter ?
Document 1
La première des conséquences du décalage de
la frontière vers l’ouest en Allemagne a été le
déplacement forcé des populations vivant aupa-
ravant à l’est de l’Oder-Neisse. La photographie
évoque ce double déracinement pour l’État alle-
mand comme pour sa nation. Ce déplacement
organisé est vécu douloureusement par les
populations allemandes qui parlent dès lors du
Heimat, la patrie qu’ils ont dû abandonner. La
majorité va réclamer le droit au retour dans leur
patrie dès le début de l’exil. La perte de ces ter-
ritoires s’apparente alors à une perte d’identité.
Le décalage de la frontière a ainsi fait passer
ces populations allemandes de l’état de citoyens
d’un État aux frontières établies au statut d’ex-
pulsés voire d’apatrides.
Document 2
Cette carte permet de visualiser l’évolution de la
frontière germano polonaise et russo-polonaise
ainsi que la territorialisation de la Pologne. Pays
dépecé dès le 1er septembre 1939, la Pologne
retrouve progressivement une unité territoriale
et des frontières que les Alliés stabilisent et légi-
timent. Pour autant, force est de constater que
le tracé est purement arbitraire et idéologique.
À l’est comme à l’ouest, les limites territoriales
de la Pologne s’inscrivent dans un partage pensé
par les deux grands vainqueurs de la Seconde
Guerre mondiale, notamment pour satisfaire les
appétits de l’URSS lors des Conférences de Yalta
(février 1945) et de Postdam (juillet-août 1945).
Ainsi, par un jeu d’expulsions d’est en ouest, les
Polonais et les Allemands se retrouvent décalés
vers l’ouest. Les nouvelles frontières établies
sont idéologiques mais brouillent les identités
des populations et exacerbent les tensions.
Document 3
L’intérêt du document est de porter un regard
global sur l’évolution de la frontière, en paral-
lèle avec l’histoire de l’Allemagne. En effet, la
117
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
ligne Oder-Neisse, simple ligne géographique,
est lourde d’enjeux. Ces derniers sont poli-
tiques (construction d’un État-nation polonais),
idéologiques (le symbole de la défaite alle-
mande) et identitaires (polinité contre heimat).
Le document retrace l’histoire chaotique de la
reconnaissance par l’Allemagne du tracé et les
représentations de cette frontière pour les deux
peuples. Ainsi, jusqu’aux années 1970, la ligne
Oder-Neisse stigmatise les aspirations nationa-
listes polonaises face aux volontés de retour des
expulsés allemands. Pendant la décennie 1980,
la frontière devient plus ou moins hermétique et
certains Allemands entreprennent le voyage de
l’autre côté de la Neisse comme un pèlerinage.
Depuis la réunification, une coopération trans-
frontalière s’est établie. La ligne Oder-Neisse
n’est plus uniquement une frontière aux enjeux
identitaires, elle est aussi devenue une frontière
économique entre une Allemagne réunifiée et
stable économiquement face à une Pologne au
développement économique plus contrasté.
Document 4
Cette affiche de propagande s’inscrit dans la
politique de « polonisation » orchestrée par
l’État polonais afin de faire correspondre la ligne
Oder-Neisse à la limite de l’État-nation polonais.
Pour ce faire, l’État encourage les Polonais, qui
ont été expulsés à l’est par le décalage de la
frontière soviétique, à s’approprier cette zone
frontalière auparavant peuplée d’Allemands.
Ainsi, la frontière devient un marqueur iden-
titaire : tout ce qui était auparavant allemand
est éradiqué. La région de l’Oder-Neisse doit
devenir « polonaise », l’expression du « natio-
nalisme polonais », de la « Polonité ». La ligne
Oder-Neisse cloisonne afin d’y enraciner le
118
nationalisme identitaire polonais. L’enjeu natio-
naliste s’inscrit dans le contexte d’après-guerre.
Corrigé des questions
1. La frontière Oder-Neisse est fixée lors de
la conférence de Potsdam, en juillet 1945, au
moment où la guerre est terminée à l’ouest.
Le tracé est décidé par les grands vainqueurs
du conflit. Ainsi, les États-Unis et l’URSS déci-
dent conjointement du sort des Polonais. Les
États-Unis prévoient un tracé « occidental » de
la frontière proche de celui de 1939, mais Staline
impose le décalage vers l’ouest afin de récupé-
rer les territoires ukrainiens et biélorusses. Ils
acceptent provisoirement le temps qu’un traité
de paix soit signé.
2. La Pologne devient de nouveau un État sou-
verain avec des frontières établies. Il s’agit de
« limiter la puissance allemande » mais aussi
de « dédommager » la Pologne qui est l’État qui
a le plus souffert pendant le conflit.
3. L’établissement de la ligne Oder-Neisse
comme frontière entre la Pologne et l’Allemagne
engage un double processus pour les popula-
tions : deux millions d’Allemands sont expulsés
des territoires annexés par la Pologne à l’ouest
tandis que deux millions de Polonais sont rapa-
triés de l’est, c’est-à-dire des territoires cédés
à l’URSS.
4. La polonisation correspond à la reconquête
des terres par la nation polonaise. Ainsi, le gou-
vernement polonais en appelle au nationalisme
des Polonais pour aller « coloniser » les terres
à l’est de l’Oder-Neisse d’où sont chassés les
Allemands, puisque désormais ce territoire est
polonais. Il s’agit d’une appropriation du terri-
toire par les Polonais.
 Thème 3 - Axe 2

Vers le bac ont longtemps été considéré comme res nullius,

5. L’histoire de la frontière germano-polo-
naise est très liée à l’histoire de l’Allemagne du
XXe siècle car depuis 1945, le pays conteste le
tracé qu’il vit comme une amputation.
L’élève peut réaliser une double frise chronolo-
gique sur le modèle suivant :
Le tracé de l’Oder-Neisse dans l’histoire
allemande
Déplacement
Occupation
des Allemands
quadripartite
1945
n’appartenant à personne. Pour quelles raisons
ce « découpage » des mers et océans s’est-il
avéré nécessaire ? À quelles logiques les fron-
tières maritimes répondent-elles ? Comment ce
droit de la mer a-t-il élargi la notion de frontière ?
Document 1
Cette carte des espaces maritimes a un double
intérêt. En lien avec le document 2, elle permet
de voir quels sont les 168 États qui ont ratifié la
Convention de Montego Bay. L’absence du géant
des mers que sont les États-Unis confirme les

de l’est de l’Oder difficultés de l’établissement d’une gouvernance

de l’Allemagne maritime reconnue mondialement. La réticence
vers l’ouest.
américaine illustre leur politique en la matière
qui consiste à défendre la liberté de navigation
1949 -1950

Création de la Reconnaissance par

fondée sur le statut de Mare liberum pour les
RFA et de la la RDA de la ligne
mers et les océans (Grotius 1609). Depuis 1994,
RDA Oder-Neisse. Refus
le Congrès américain a toujours refusé de rati-
de la RFA.
fier la Convention. La carte permet aussi (avec
l’étude du document 2) de visualiser les zones
Apaisement des économiques exclusives (ZEE) et la haute mer,
Ostpolitik de
tensions, dialogue
1970

Willy Brandt patrimoine commun de l’humanité, mais qui

entre la RFA cristallise de plus en plus les enjeux géopoli-
et la Pologne. tiques des États qui veulent se l’approprier et
l’exploiter.
Reconnaissance
Réunification Document 2
1990

officielle par l’Alle-

allemande
magne réunifiée de la
ligne Oder-Neisse.
JALON 2/1 – Dépasser les frontières :
le droit de la mer p. 172-173
Représentant 70 % de la surface terrestre, les
mers et océans constituent d’immenses réserves
de ressources à l’échelle de la planète. Grâce
aux progrès technologiques et scientifiques,
leur exploitation est en constante augmentation,
d’autant que les règles de souveraineté et de
partage sont peu établies. Ainsi, depuis la fin du
XXe siècle, les États se sont appropriés un tiers
des océans selon un cadre législatif internatio-
nal fixé en 1982. On assiste à une territorialisa-
tion des mers et des océans qui, par tradition,
Ce texte montre que la Convention de Montego
Bay est née de l’urgence d’établir un cadre juri-
dique d’exploitation des ressources devant la
frénésie conquérante des États. Elle apparaît
comme un compromis entre quelques États vou-
lant protéger les ressources et d’autres désirant
maintenir, voire élargir la liberté de navigation.
Par conséquent, sont établies des zones mari-
times dans lesquelles les États peuvent puiser
et exploiter les ressources, tout en garantissant
la liberté maritime et les droits de passage. De
fait, la ZEE a légitimé l’extension des frontières
maritimes en élargissant la souveraineté des
États, qui y ont vu globalement un prolongement
de leurs frontières terrestres.

119
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
Documents 3 et 4
L’analyse des documents 3 et 4 permet de com-
prendre les enjeux de souveraineté et écono-
miques que représentent pour la France ses
frontières maritimes, et donc sa volonté de
repousser la simple frontière de la ZEE établie
par Montego Bay. Ouverte sur l’océan Atlan-
tique, les mers Méditerranée, du Nord et de la
Manche, la France métropolitaine dispose déjà,
par sa position géographique, d’un vaste espace
maritime côtier. L’extension de ses frontières
maritimes concerne surtout ses territoires
ultra-marins dont elle compte exploiter les
ressources du sous-sol maritime. Ainsi, elle a
obtenu l’extension de sa ZEE au plateau conti-
nental en Guyane pensant y trouver des hydro-
carbures. En revanche, ses revendications dans
l’océan Indien, dans les Caraïbes ou encore dans
le Pacifique, se heurtent pourtant aux États tiers
comme les Comores (vis-à-vis de l’île de Mayotte)
ou le Brésil et le Surinam (pour la Guyane).
Corrigé des questions
1. La mise en place d’un droit de la mer s’inscrit
dans un contexte de « course à la mer » com-
parable au phénomène de l’expansion coloniale
de XIXe siècle. Sous la pression des pays du Sud,
dans le cadre de l’expansion économique mais
aussi devant la montée des tensions, il apparaît
nécessaire et urgent d’établir un cadre juridique
qui territorialise les espaces maritimes en fixant
alors des frontières maritimes.
2. La Convention de Montego Bay instaure un
zonage de l’espace maritime. À partir du littoral
sont établies plusieurs zones maritimes reposant
chacune sur une caractéristique géographique et
une délimitation (en milles), et auxquelles cor-
respondent différents niveaux de souveraineté.
Comme le montre le schéma, six zones mari-
times sont délimitées : les eaux intérieures, les
eaux territoriales, la zone contiguë, la ZEE, le pla-
teau continental et la haute mer (zone interna-
tionale). La ZEE s’étend sur 370 km au-delà des
côtes de chaque pays souverain, ce qui lui donne
la possibilité d’exploiter les eaux et le sous-sol
marin. Elle peut être considérée comme un pro-
longement de la frontière terrestre des États.
120
3. La haute mer est libre de navigation, de sur-
vol, de pêche, d’exploitation off-shore et de
pose de câbles sous-marins. Elle représente
64 % de la superficie des océans et, à ce titre,
est un espace qui n’est pas encore « conquis »,
où aucun État n’a établi sa souveraineté par des
limites, des frontières. Néanmoins, elle appa-
raît aujourd’hui comme une zone de non-droit
car largement polluée et soumise aux trafics et
à la surpêche.
4. La France fait valoir l’article 16 de la Conven-
tion de Montego Bay pour légitimer son droit
d’étendre sa souveraineté en mer jusqu’au pla-
teau continental. Elle a constitué depuis 2002
un organisme regroupant des politiques et des
scientifiques afin de justifier cet élargissement
fondé sur des critères orographiques et géolo-
giques. Ainsi, il s’agit d’un programme d’intérêt
public qui repose sur un cadre légal.
Vers le bac
5. Les raisons qui poussent les États à élargir
leur domaine maritime peuvent être regrou-
pées autour des items suivants et être illus-
trées par des exemples issus du jalon et/ou des
recherches de l’élève.
– Chercher de nouvelles ressources halieu-
tiques et minières à exploiter
Exemple : Les recherches pétrolières de la
Chine et de Japon en mer de Chine orientale
– Étendre sa superficie maritime (ZEE)
Exemple : la France et l’extension du pla-
teau continental de la Guyane / Idem pour
le Brésil.
– Poursuivre des intérêts économique et mili-
taires
Exemple : La Russie, qui revendique le titre de
puissance maritime, réclame l’accès privilégié
à l’Arctique pour assurer son développement
économique et sa puissance stratégique.
Les enjeux sont donc autant géopolitiques que
géoéconomiques, sans oublier les enjeux scien-
tifiques et environnementaux qui peuvent s’avé-
rer tout aussi stratégiques.

JALON 2/2 – Dépasser les frontières :
le droit de la mer p. 174-175
Plus les frontières maritimes s’étendent, plus
les contentieux frontaliers sont nombreux. Cette
réalité rend compte de la difficulté de respecter
le cadre juridique uniforme de la Convention de
Montego Bay. Elle prouve aussi que les espaces
maritimes sont devenus des outils géostra-
tégiques et géopolitiques. Nombreux sont les
États qui réclament l’extension de leurs fron-
tières maritimes pour assoir leur puissance et
leur souveraineté. Le droit de la mer se heurte
aussi aux questions de sécurité, hautement sen-
sibles. Qui prend en charge la lutte contre la
pollution ? le piratage ? Faut-il créer une gou-
vernance mondiale des océans et des mers ?
Que prévoit le droit de la mer pour faire face
aux phénomènes migratoires ? Autant de ques-
tions qu’aborde ce second jalon qui pousse à la
réflexion sur le dépassement des frontières.
Document 1
Les litiges en mer de Chine méridionale sont
emblématiques des revendications territoriales
qui affectent de plus en plus les espaces mari-
times. La Chine y revendique un domaine mari-
time contesté par les autres pays riverains,
notamment les Philippines. En effet, la mer de
Chine méridionale revêt surtout un enjeu com-
mercial et stratégique. Dans cette zone tran-
sitent 80 % des exportations. Les ressources en
hydrocarbures sont avérées et nombreuses. De
plus, la puissance nucléaire chinoise avec ses
sous-marins stationne dans la région. La Chine
matérialise alors sa présence par des îlots arti-
ficiels militarisés notamment dans les Paracels
et les Spratleys. Ici, chaque État cartographie
ses prétentions territoriales qui symbolisent
l’expression de leur puissance. Le droit de la
mer se heurte aux volontés impérialistes.
Document 2
Les documents 2, 3 et 4 questionnent sur le bien-
fondé d’une gouvernance mondiale des mers et
des océans. La réflexion ici posée par le journa-
liste répond à ceux qui réclament un ajustement
Thème 3 - Axe 2
de la Convention de Montego Bay en lien avec l’in-
térêt géopolitique et géostratégique grandissant
des mers et des océans. La réponse est claire : la
convention a établi un cadre souple afin de per-
mettre à tous de s’y adapter et de répondre aux
appétits de chacun. Toutefois, l’auteur souligne
que la réalité de l’unité des océans vient rappe-
ler les limites des délimitations juridiques pour
traiter de certaines questions cruciales comme
l’environnement ou les migrations.
Documents 3 et 4
Les documents 3 et 4 prolongent l’idée d’une
gouvernance mondiale sans frontières, sans
limites exclusives abordée dans le document 2.
Ainsi, qu’il s’agisse de l’aide apportée aux
migrants en mer par l’Aquarius (doc. 3) ou de la
lutte contre la piraterie et les trafics illégaux en
mer (doc. 4), le droit de la mer réclame une appli-
cation conjointe de l’ensemble des États pour
assurer les fonctions marines essentielles. Ainsi,
l’enjeu environnemental, l’enjeu sécuritaire, la
sauvegarde de la vie humaine, des espèces et
même l’exploitation raisonnée des ressources
nécessitent une gestion internationale et inter-
gouvernementale des océans qui doit se départir
des principes et des revendications de souverai-
neté et de territorialisation des mers et océans.
Corrigé des questions
1. La mer de Chine est une mer semi-fermée qui
recèle des ressources halieutiques nombreuses
ainsi que des hydrocarbures. Elle se situe le long
d’un des axes principaux du trafic maritime. C’est
donc un espace stratégique autant économique-
ment que militairement.
2. La Chine multiplie les actions pour étendre
sa souveraineté sur la mer de Chine dont elle
revendique 80 % de la souveraineté. Ainsi, elle
multiplie les accrochages avec ses voisins en
faisant intervenir ses gardes-côtes. Elle a aussi
« poldérisé » les îlots des îles Spratley afin de
matérialiser sa présence.
3. Les espaces maritimes sont soumis à une véri-
table « course à la mer ». Chaque État y projette
ses volontés d’étendre son territoire terrestre afin
d’accroître sa puissance par la reconnaissance
121
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

de sa souveraineté. On compte plus de deux cent
accords de bornage d’espaces maritimes. Les
litiges frontaliers sont nombreux tant les appé-
tits de conquêtes alimentent les mers et océans
aujourd’hui. Les États cherchent à être les pre-
miers à trouver des ressources, à maîtriser les
passages stratégiques, à dominer les mers.
4. Tous les États ont le devoir de protéger
le milieu marin et sa biodiversité. Ainsi, la
Convention de Montego Bay rappelle que la
protection de l’environnement maritime (faune
et flore) appartient aux États. De même, les
États doivent porter secours aux naufragés
(assistance en mer). Dans les deux cas, ces
obligations ne sont pas réellement respec-
tées, les intérêts géopolitiques et économiques
l’emportant sur toute autre considération.
5. La gouvernance partagée est devenue
nécessaire dans les cas de piraterie et de
trafics illégaux en tout genre car les activités
illégales non seulement ne respectent pas
les frontières mais en jouent. Cela explique la
coopération française dans le golfe de Guinée.
Toutefois, il faut noter que l’intervention
conjointe répond à un enjeu géostratégique
car la France compte ainsi protéger ses gise-
ments off-shore. De même, les atteintes à
l’environnement et les flux migratoires en mer
ignorent les frontières maritimes. Mais dans
ces deux cas, l’établissement d’une gouver-
nance plurielle s’avère plus difficile.
Vers le bac
6. Les mers et les océans sont devenus des
espaces de compétition politique, économique et
militaire. Les élèves peuvent prendre appui sur
les exemples étudiés dans le corpus documen-
taire du jalon.

Mers et océans =
Espaces stratégiques

Compétition politique Compétition militaire Compétition économique

= = =
Étendre sa souveraineté Bases militaires Ressources
Protéger ses espaces mari- Marines, flottes halieutiques, pétrole, mine-
times Sécuriser les mers rais, pierres précieuses
Thalassocraties

=
- Litiges, tensions entre États pour :
• étendre la ZEE → Mer de Chine / îles Senkaku/ îles Spratleys
• être reconnu puissance maritime → compétition entre les États-Unis et la Russie et/ou
entre les États-Unis et la Chine
• exploitation des ressources et routes maritimes → l’Arctique : nouvel eldorado maritime,
dispute entre la Russie et ses voisins
CONSÉQUENCE
- Nécessité d’une réglementation et juridiction / gouvernance mondiale
• Montego Bay
• Juridiction sur la haute mer

122
 Thème 3 - Méthodes

Méthode : Mener un débat

Manuel p. 178

Entraînement Mener un débat sur le thème « La montée des populismes met-elle en péril
la démocratie en Europe ? »

Étape 1 : Préparer le débat

Le débat a pour sujet l’essor contemporain des populismes en Europe et son impact sur les régimes
démocratiques. La question est de savoir dans quelle mesure la montée de ces idéologies remettra
en cause de façon plus ou moins profonde les démocraties européennes.
Il faut d’abord commencer par définir et clarifier les termes du débat, « populismes » et « démocratie »
notamment. Vous remarquerez que le terme « populismes » est au pluriel (à l’inverse de « démocra-
tie » au singulier) : ceci vous conduira à dresser une typologie des populismes européens et à souligner
que ce terme désigne un ensemble hétéroclite de phénomènes, d’idéologies ou de mouvements. Rap-
peler que le terme « populiste » est aujourd’hui galvaudé et qu’il ne se résume pas à l’extrême droite.
Les populistes peuvent être de gauche (populisme inclusif) ou de droite (populisme exclusif).
Quelques lectures utiles :
- « Europe : ces pays où gouvernent les populistes » :
www.touteleurope.eu/actualite/europe-ces-pays-ou-gouvernent-les-populistes.html
- « Carte. Hongrie, Italie, Autriche... Où sont les populistes en Europe ? » : www.francetvinfo.fr/elec-
tions/carte-hongrie-italie-autriche-ou-sont-les-populistes-en-europe_3249661.html
- « Le populisme dans le monde » :
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000565-le-populisme-dans-le-monde
- « Tous populistes », Manière de voir, n° 164, avril-mai 2019.

Étape 2 : Installer le débat

Pour débattre et échanger, il faut se voir. Réfléchissez à la meilleure façon d’organiser la classe.
Au regard de la question débattue, deux opinions pourront être confrontées : ceux qui pensent que
les populismes peuvent faire évoluer la société vers une démocratie approfondie, plus directe, plus
à l’écoute du peuple, qui « corrigerait » les défauts de la démocratie représentative (radicalisa-
tion, revitalisation de la démocratie) ; et ceux qui perçoivent leur montée comme un danger pour la
démocratie et craignent leur dérive autoritaire, nationaliste, xénophobe et souverainiste (donc anti-
européenne). Autrement dit, ceux qui pensent que les populistes ont été élus démocratiquement,
respectent voire renforcent la démocratie en la réformant, et ceux pour qui ils menacent fondamen-
talement les principes et les institutions démocratiques, dans leurs discours et dans leurs actes.

Étape 3 : Garder une trace écrite du débat

La trace écrite peut se présenter sous la forme suivante :
À l’aide de cette synthèse, rédigez pour vous-même une évaluation du débat et de votre participation :
votre opinion a-t-elle changé ? Oui/non ? Pourquoi ? Ai-je réussi à m’exprimer, à faire passer mes idées ?

La montée des populismes met-elle en péril la démocratie en Europe ?

Arguments POUR Arguments CONTRE
Les populismes divisent la société en deux camps Les représentants des partis populistes sont élus
opposés (le peuple vs les élites). démocratiquement.
……………………………………………………………… ………………………………………………………………

123
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

Méthode : Analyser la une d’un journal

Manuel p. 179

Entraînement Analysez la une du journal Le Point p. 44.

Étape 1 : Présenter la une
La une est constituée de la manchette qui rappelle la source : Le Point, un magazine d’actualité et
d’opinion hebdomadaire, dont le format (encart rouge) s’inspire du Time, magazine américain. Il
s’agit d’un numéro spécial, un des hors-série consacrés aux maîtres-penseurs, publié en avril 2018.
Le ventre de la une est occupé par le portrait d’Alexis de Tocqueville peint par Théodore Chassériau
en 1850. Sur le bandeau apparaissent, en sus de son nom, une phrase qui le caractérise : « la pas-
sion de la liberté, la vie d’un rebelle », ainsi que deux questions que ce hors-série entend traiter :
« Comment il a donné les clés de la démocratie » et « Pourquoi l’égalitarisme lui faisait peur ». Ainsi,
la une interroge sur la définition de la démocratie qu’Alexis de Tocqueville livre dans son œuvre De
la démocratie en Amérique (1835-1840). Il a consacré toute sa vie à l’étude et à la compréhension du
fonctionnement de ce régime.
En bas de cette une figure le nom des auteurs ayant participé à ce hors-série.
Étape 2 : Décrypter la une
L’association du portrait de Tocqueville et des questions posées sur la nature des valeurs que porte
en elle la démocratie rend compte de toute la démarche de réflexion menée au XIXe siècle par Toc-
queville et qui éclaire encore aujourd’hui l’organisation politique du monde. Le Point se propose
donc de revenir sur la pensée de Tocqueville pour expliquer les failles, voire la faillite actuelle du
processus démocratique. En effet, précurseur, Tocqueville avait déjà pointé du doigt les écueils
de la démocratie : le risque d’aboutir paradoxalement à l’autoritarisme, mais aussi la difficulté de
concilier individualisme et égalitarisme au sein de toute démocratie. Pour lutter contre ces dan-
gers, il insistait sur la nécessaire implication des citoyens. Tous ces thèmes sont contemporains.
Cette une s’inscrit en effet dans la montée des populismes mais aussi la multiplication de ce que
l’on nomme les « démocratures » à l’image des régimes pseudo démocrates comme la Russie de
Vladimir Poutine ou la Turquie de Erdogan. Elle fait aussi écho aux limites du processus démocra-
tique constaté par exemple avec l’élection de Donald Trump aux États-Unis ou celle de Viktor Orbán
en qualité de Premier ministre en Hongrie. Leur accession au pouvoir va dans le sens de ce que
Tocqueville avait constaté : la démocratie repose certes sur la volonté générale mais peut aboutir à
des systèmes démocratiques inégalitaires et marqués par un manque de liberté.
Étape 3 : Montrer l’intérêt du document
La une du Point s’inscrit parfaitement dans l’actualité politique actuelle. Elle invite à s’interroger
sur l’intérêt de lire le présent à travers la réflexion d’un des plus grands penseurs de la démocratie,
Tocqueville. Il s’agit alors de questionner ce qu’est la démocratie aujourd’hui, à la lumière de son
ouvrage de référence De la démocratie en Amérique.

124
 Thème 3 - OTC

Objet de travail conclusif. Les frontières internes et externes de l’Union européenne

Manuel p. 180-193

La construction européenne a profondément modifié la nature des frontières de la Communauté

économique européenne, puis de l’Union européenne (UE) à partir de 1992. Les accords de coopéra-
tion économique, politique ou encore culturelle ont amené les États européens à abaisser progres-
sivement leurs frontières avec les autres États membres : le marché commun, créé par le Traité de
Rome en 1957, a ainsi effacé les barrières commerciales, tandis que les accords de Schengen signés
en 1985 et entrés en vigueur en 1995 ont créé un espace de libre circulation des personnes, trans-
formant profondément le rôle des frontières internes, leur contrôle et leur spatialité (enjeux). Pour
autant, les frontières externes de l’UE demeurent des espaces de filtrage et de contrôle, et des murs
frontaliers se construisent aujourd’hui encore en Europe (enjeux).
Conclure ce thème par les frontières de l’UE permet de réinvestir l’ensemble des connaissances et des
notions acquises à travers trois parties : l’espace Schengen qui se caractérise à la fois par des frontières
ouvertes et par des dyades fermées (jalon 1), les frontières de l’Allemagne qui permettent de com-
prendre le processus de fixation des frontières en Europe ainsi que leur évolution (jalon 2), et enfin les
espaces transfrontaliers qui connaissent dans l’UE des dynamiques sans commune mesure avec celles
que l’on peut observer dans le reste du monde (jalon 3).

BIBLIOGRAPHIE/FILMOGRAPHIE/SITOGRAPHIE
◗ Livres et magazines
- F. Dubet, Politiques des frontières, © La Découverte, 2018.
- P. Rumiz, « Aux frontières de l’Europe », © Folio, 2012.
- « Union européenne : du projet à la crise », © Carto, n° 51, janvier-février 2019.
- « Le retour des frontières », © Carto, n° 41, mai-juin 2017.

◗ Bandes dessinées
- T. Tervonen et J. Pourquié, « Les Frontières de la honte », © La Revue Dessinée, n° 7, 2015.
- C. Spottorno et G. Abril, La Fissure, traduit de l’espagnol par Faustina Fiore, © Gallimard BD, 2017.

◗ Film et documentaires
- P. Lioret, Welcome, 2009, 1h50.
- S. Brunel et N. Pannetier, Le Retour des frontières, 2018, 52 min.
- E. Putelat et N. Dupuis, L’Europe au pied du mur, 2019, 52 min.

◗ Sites internet
- Dossier « Frontières et territoires frontaliers en Europe : une visite guidée » publié sur le site Géo-
confluences par Pascal Orcier, 11 mai 2019 : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scien-
tifiques/dossiers-regionaux/territoires-europeens-regions-etats-union/corpus-documentaire/
frontieres-et-territoires-frontaliers-en-europe-une-visite-guidee
- L’antiAtlas des frontières : www.antiatlas.net/
- Site de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) : www.espaces-transfrontaliers.org/
- Y. Lagarde, « Une Europe sans barrières, photographiée par Valerio Vincenzo » (texte et vidéo),
France Culture, 6 juin 2019 : www.franceculture.fr/photographie/une-europe-sans-frontieres-
photographiee-par-valerio-vincenzo?fbclid=IwAR0EvV7-aQlw_djxKLbUW5CKLSm-zHSne-
VkWRtbtbzHR4hEDzxBsbBVt2N0

125
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
DOUBLE-PAGE D’OUVERTURE p. 180-181
La double-page d’ouverture illustre la diversité
des espaces frontaliers au sein de l’UE. L’espace
Schengen a pour effet d’ouvrir les frontières
entre les États membres, de les rendre per-
méables aux mobilités. Les postes de douane
ont ainsi largement perdu leurs fonctions de
contrôle, car les Européens peuvent franchir les
frontières internes de l’espace Schengen avec
beaucoup plus de facilité, ce qui n’exclut pas
néanmoins la permanence de contrôles doua-
niers ponctuels. Le photographe polonais Josef
Schulz s’est intéressé à ces postes-frontières
abandonnés dans une série intitulée « Vestiges
des frontières européennes », dont est extrait
le premier cliché. On retrouve cette ouverture
des frontières sur la troisième photographie :
le tramway qui relie Strasbourg (France) et Kehl
(Allemagne) depuis mai 2017 témoigne des poli-
tiques transfrontalières qui se mettent en place
en Europe. La forte fréquentation de cette ligne
(plus de sept mille usagers l’empruntent chaque
samedi) s’explique notamment par le com-
merce transfrontalier. Les espaces frontaliers
connaissent donc un processus d’intégration
fonctionnelle et politique, qui conduit à l’émer-
gence d’espaces transfrontaliers.
Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que
les accords signés en 1985 reposent aussi sur
un contrôle des frontières externes de l’espace
Schengen. Ces frontières filtrantes ont vu leur
rôle de barrière se renforcer, comme réponse
aux flux migratoires en direction de l’Europe.
Les murs frontaliers réapparaissent sur les
frontières externes, notamment entre la Serbie
et la Hongrie (photographie en haut à droite).
ENJEUX – Les frontières de l’UE p. 182-183
Carte
Les frontières de l’Union européenne sont mul-
tiformes : la carte présente les frontières natio-
nales, westphaliennes, mais aussi les limites
supranationales de l’espace Schengen et de
l’UE qui constituent, elles aussi, des frontières
avec le reste du monde. Il ne faut pas oublier
126
par ailleurs le caractère récent et mouvant des
frontières, même sur le continent européen : les
frontières de l’Europe méridionale et orientale se
sont dessinées pour l’essentiel dans les années
1990, tandis que les limites de l’UE et de l’espace
Schengen ne cessent de s’élargir, d’évoluer. Si
l’on utilise souvent l’expression d’« Europe à
géométrie variable » pour désigner les différents
espaces de l’intégration européenne, on pour-
rait aussi l’employer pour les frontières, dont la
géométrie varie selon l’époque, ou encore selon
que l’on parle des frontières nationales ou des
limites supranationales qui sont devenues des
frontières externes communes.
Dates clés
Cette chronologie donne à comprendre l’ouver-
ture progressive des frontières de l’UE, qui a
commencé par un abaissement des barrières
douanières et commerciales, pour aboutir avec
l’Union européenne (1992) et l’espace Schengen
(1995) à un espace de libre circulation des
citoyens européens, des idées, de la monnaie,
etc. La naissance d’institutions supranationales
a elle aussi un effet sur les frontières, puisqu’en
déléguant une partie de leur souveraineté, les
États acceptent d’atténuer la fonction défensive
ou protectionniste de leurs limites politiques.
Néanmoins, les chiffres clés et le tableau de
données page 183 laissent apparaître le morcel-
lement de l’UE, qui a vu se multiplier les fron-
tières westphaliennes dans les années 1990 et
les murs frontaliers dans les années 2000 : un
mur a été construit entre la Bulgarie et la Turquie
en 2014, entre la Hongrie et la Serbie, et entre
la Russie et la Lituanie en 2017.
Les frontières de l’UE, de natures extrêmement
diverses, présentent donc des formes spatiales
et des fonctions variées.
ENJEUX – L’intégration des espaces
frontaliers dans l’UE p. 184-185
Les caractéristiques essentielles des frontières
internes de l’UE sont leur degré d’ouverture et
le dynamisme des échanges qui les traversent.
La frontière devient même la colonne vertébrale
d’espaces transfrontaliers, car les différentiels

qui existent entre les deux côtés de la frontière
génèrent des flux de toute nature : commerce
ou travail transfrontalier en sont les deux prin-
cipaux exemples. Cette intégration fonctionnelle
est parfois précédée ou suivie d’une intégration
institutionnelle des espaces frontaliers. L’un des
principaux programmes de coopération trans-
frontalière est Interreg, dont le site internet pro-
pose de nombreux articles, cartes et exemples
de projets : www.interreg-fwvl.eu/.
En image
Les frontières de l’UE se prêtent particulière-
ment à une analyse multiscalaire : les échelles
européenne, nationale et locale apportent
chacune un éclairage spécifique. Au niveau
macro, on observe essentiellement les effets
des politiques européennes sur les frontières,
tandis qu’à l’échelle locale, le rôle des acteurs
spatiaux (populations, entreprises, etc.) apparaît
plus nettement. Cette nécessaire variation des
échelles a guidé le choix des documents pour les
trois jalons de cet objet de travail conclusif.
JALON 1 – Les enjeux de Schengen
et du contrôle aux frontières p. 186-187
Les accords de Schengen, signés par cinq pays
en 1985 et entrés en vigueur en 1995, ont mis en
place un espace de libre circulation européen
qui s’est progressivement élargi jusqu’à inté-
grer aujourd’hui vingt-six États européens (dont
vingt-deux sont membres de l’UE). Ils ont ouvert
les frontières internes de cet espace, autrement
dit les frontières entre les États membres. La
carte permet aussi d’observer que les frontières
externes de l’espace Schengen sont mouvantes :
elles se sont élargies dans les années 1990 et au
début des années 2000 (doc. 2), et sont encore
amenées à évoluer avec la candidature de la
Croatie, de la Roumanie et de la Bulgarie.
A contrario, les frontières externes, qui marquent
la limite entre les pays membres de l’espace
Schengen et ceux qui ne le sont pas, conservent
leur fonction de contrôle et de filtrage (doc. 2 à 4).
Des frontières filtrantes voire fermées restent
donc présentes en Europe, et des dispositifs de
surveillance communs sont mis en place.
Thème 3 - OTC
Document 1
Cette carte montre les limites de l’espace
Schengen, qui ne coïncident pas complètement
avec celles de l’UE : la Suisse, la Norvège et
l’Islande sont membres de l’espace Schengen
mais pas de l’UE, tandis que c’est le contraire
pour l’Irlande et le Royaume-Uni. Les frontières
externes connaissent un processus de ferme-
ture : près de mille kilomètres de murs et de
barrières les longent désormais, alors même
que la chute du mur de Berlin en 1989 laissait
espérer la fin des murs frontaliers en Europe.
Ce contrôle des frontières repose également sur
une coopération policière et douanière entre les
États membres, et sur une agence européenne
de contrôle des frontières, à la fois maritimes et
terrestres : l’agence Frontex. Créée en 2004, elle
a pour principales missions de contrôler l’immi-
gration clandestine et d’analyser les risques aux
frontières. Compte tenu de leur situation géo-
graphique, ce sont l’Italie, l’Espagne et la Grèce
qui accueillent le plus souvent les opérations
Frontex. Concernant les frontières maritimes,
l’une de ses dernières opérations baptisée
Themis se déroule en Méditerranée centrale.
Elle succède à l’opération Triton (2014-2018) et
consiste à aider l’Italie à contrôler des frontières ;
elle inclut aussi la recherche et le sauvetage des
migrants qui franchissent la Méditerranée pour
gagner les côtes européennes.
Document 2
Ces repères chronologiques reviennent sur
quelques étapes de la constitution d’un espace de
libre circulation en Europe ; on pourrait y ajouter
une date présente sur la double-page d’ouver-
ture du chapitre : l’entrée en vigueur des accords
de Schengen en 1995. Mais cette chronologie
montre aussi que cette ouverture des frontières
internes a eu pour corollaire un contrôle accru
des frontières externes (SIS, Frontex, Eurosur),
particulièrement dans les années 2000. Ainsi,
le système européen de surveillance des fron-
tières Eurosur (opérationnel depuis 2013) est un
instrument d’échange d’informations commun à
tous les États membres, qui attribue des niveaux
de risque (bas, moyen ou élevé) aux frontières
extérieures des États.
127
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
Document 3
Les aéroports sont des frontières nodales. Le
manuel propose une définition de cette notion
p.187, mais on pourra l’approfondir à l’aide de
l’article de Jean-Baptiste Frétigny, « La frontière
à l’épreuve des mobilités aériennes : étude de
l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle », Annales
de géographie, n° 690, 2013, p. 151-174 (dispo-
nible à l’adresse suivante : www.cairn.info/revue-
annales-de-geographie-2013-2-page-151.htm).
Sur la photographie, on distingue bien la fron-
tière qui sépare symboliquement et physique-
ment les passagers ressortissants d’un pays
de l’UE et les autres ; les modalités de contrôle
diffèrent entre ces deux catégories. La fron-
tière devient donc sélective. On pourrait com-
pléter cette photographie en parlant du centre
de rétention administrative (CRA) de l’aéroport
de Roissy, situé au Mesnil-Amelot, où sont rete-
nus des migrants sans papiers en attente d’une
expulsion du territoire. Ce CRA rappelle la fonc-
tion filtrante, voire de fermeture, des frontières
à l’égard des mobilités.
Document 4
Les frontières externes de l’espace Schengen
sont matérialisées : barrières, éventuellement
murs et barbelés, mais surtout systèmes de sur-
veillance et de contrôle des passages. C’est l’idée
de cette caricature, qui oppose de manière iro-
nique les « open borders » affichées par Schengen,
et la fermeture des frontières avec les pays non
membres (« closed », « security checking »). On
peut confronter ce dessin à la photographie du
poste-frontière p. 180 : ces postes-frontières sont
abandonnés à l’intérieur de l’espace Schengen,
mais renforcés sur ses limites externes.
Document 5
Ce texte vient compléter le document 4. On y
observe le fonctionnement d’un point de passage
frontalier entre un pays membre de l’espace
Schengen (l’Estonie) et un pays non membre
(la Russie). La description permet de relativiser
la fermeture de ces frontières, qui sont certes
contrôlées mais forment un filtre et non une
barrière infranchissable. Des relations peuvent
128
même se tisser de part et d’autre des points de
passage, par exemple dans le cas du commerce
transfrontalier comme c’est le cas entre Narva
et Ivangorod. L’élève doit néanmoins percevoir
que ces échanges forment comme un archipel le
long de la frontière, autour de points de passage
obligés, tandis que les frontières internes sont
souvent poreuses sur l’intégralité de leur tracé.
Éléments pour traiter la consigne
Après avoir consulté et analysé les documents,
les élèves préparent un exposé argumenté
sur les enjeux et les mutations de l’espace
Schengen. Le professeur pourra guider les
élèves en leur proposant de s’appuyer sur
des exemples variés et spatialisés :
– L’espace Schengen a créé un espace de libre
circulation en atténuant les frontières entre
les États membres (mais aussi avec des États
associés, comme les pays du Maghreb) ;
– C’est la limite externe de l’espace Schengen
qui conserve une fonction de contrôle et
de filtrage (immobilisation de L’Aquarius en
Méditerranée en 2018, négociation avec la Tur-
quie pour le contrôle ou l’accueil des réfugiés
aux frontières de l’UE) ;
– La surveillance de ces frontières externes s’est
considérablement renforcée, et touche ponc-
tuellement certaines frontières internes, lorsque
des pays réaffirment leur souveraineté sur le
contrôle des migrations (« jungle » de Calais).
Les élèves peuvent consulter la page 223, « Les
tutos du Grand Oral ». Ils peuvent également
s’appuyer sur le sujet traité p. 194 du manuel
« Les enjeux de Schengen et du contrôle aux
frontières ».
JALON 2/1 – Les frontières d’un État
adhérent : l’Allemagne p. 188-189
L’Allemagne est un État qui permet de réin-
vestir particulièrement bien les connaissances
acquises sur les frontières, et dont les dyna-
miques frontalières permettent d’aborder des
situations géographiques et géopolitiques
variées. D’abord parce que l’horogénèse est
récente pour l’État allemand : les traités de
Westphalie ont tracé des frontières maintes

fois contestées et redessinées, et les frontières
actuelles ont été établies le 3 octobre 1990
seulement, lors de la réunification des deux
Allemagnes (RFA et RDA). D’autre part, la situa-
tion géographique de l’Allemagne explique son
grand nombre de dyades, qu’elles soient ter-
restres (avec neuf pays) ou maritimes (avec cinq
pays). Les frontières de cet État permettent donc
d’étudier le processus de frontiérisation aussi
bien que les dynamiques récentes des espaces
frontaliers et transfrontaliers.
Document 1
Ces cartes géohistoriques abordent le proces-
sus de frontiérisation qu’a connu l’Allemagne tout
au long du XXe siècle. Elles laissent apparaître
les pertes territoriales de l’Allemagne après les
deux conflits mondiaux, et par là-même la rétrac-
tion des frontières. Le traité de Versailles (1919)
comporte quinze parties ; la seconde s’intitule
« Frontières d’Allemagne » et mentionne les
pertes territoriales du Reich. Ce texte, extrême-
ment précis, est consultable en ligne. On peut
citer, à titre d’exemple, la restitution de l’Alsace
et du Nord de la Lorraine à la France, le corri-
dor de Dantzig attribué au nouvel État polonais
et qui divise le territoire allemand en deux,
ou encore le Nord du Schleswig qui revient au
Danemark (on peut relier cette idée au doc. 2
p. 189). Les frontières se sont élargies durant le
régime nazi : annexion de l’Autriche en mars 1938,
des provinces tchèques de Bohême et de Moravie
et du territoire lituanien autonome de Memel en
mars 1939, etc. Cependant après 1945, les limites
actuelles de l’Allemagne sont tracées. La division
de l’Allemagne (1949-1990) trace une frontière
d’orientation méridienne à travers le pays et sa
capitale Berlin, mais sans remettre en cause les
frontières délimitées en 1945.
Document 2
Ce texte se penche sur le cas du Schleswig
(voir doc. 1), à la frontière entre l’Allemagne et
le Danemark. Ce territoire a connu au cours de
l’histoire des influences tantôt danoise, tantôt
germanique, si bien que des minorités danoises
vivent du côté prussien depuis le XIXe siècle. Le
Schleswig illustre donc le fait que les frontières
Thème 3 - OTC
politiques sont surimposées sur des territoires
et des espaces vécus déjà existants, et qu’elles
ne constituent pas toujours une ligne de rupture.
La double influence germano-danoise se traduit
aujourd’hui par des échanges culturels, poli-
tiques et économiques particulièrement forts de
part et d’autre de la frontière, où les deux identi-
tés nationales s’entremêlent.
Document 3
L’Allemagne est un pays membre de l’UE et de
l’espace Schengen, ses frontières sont donc
ouvertes aux échanges commerciaux et aux
mobilités. Pourtant, le rétablissement des
contrôles aux frontières a été adopté en 2015 pour
redonner aux frontières leur fonction de barrière
migratoire. En effet, l’arrivée de migrants en Alle-
magne a généré une crise politique : la politique
migratoire d’Angela Merkel a été vigoureusement
critiquée par le parti populiste AfD, et son parti
politique a perdu de nombreuses voix aux élec-
tions législatives de septembre 2017. La chan-
celière a donc fixé une limite d’accueil de deux
cent mille réfugiés par an, ce qui implique de
filtrer les passages aux frontières, notamment
avec l’Autriche. La crise politique a été ravivée en
2017, lorsqu’Angela Merkel a refusé une proposi-
tion de son ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer
(également président du parti conservateur CSU),
de refouler les migrants déjà enregistrés dans un
autre pays de l’UE.
Document 4
La une du magazine allemand Der Spiegel
revient sur la « crise migratoire » et ses consé-
quences politiques en Allemagne. La représen-
tation du bateau transportant des migrants est
symbolique puisque ces migrants arrivent en
Allemagne par voie terrestre, mais elle reprend
l’image anxiogène de la « vague migratoire »
omniprésente dans l’imaginaire des pays euro-
péens depuis quelques années.
La méthode proposée à la p.179 du manuel
peut être utilisée pour analyser ce document de
manière plus détaillée.
129
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
Éléments pour traiter la consigne
Le professeur peut fournir un lexique en amont :
– Limes/frontière militarisée
– Frontière politique
– Frontières naturelles/culturelles
– Frontière migratoire
En s’appuyant sur ce lexique et sur les docu-
ments, les élèves rédigent en groupe un dossier
qu’ils peuvent ensuite présenter à l’oral. Celui-ci
peut s’articuler autour des idées suivantes :
– Les frontières de l’Allemagne ont été redes-
sinées au fur et à mesure des conquêtes ou
pertes territoriales successives. Elles ont une
fonction défensive, particulièrement marquée
dans la région rhénane, jusqu’à la Seconde
Guerre mondiale.
– Les frontières politiques ont donc suivi ces évo-
lutions territoriales, des traités de Westphalie
à 1945. Elles ne correspondent pas à des fron-
tières culturelles (voir exemple du Schleswig-
Holstein) ou naturelles (le Rhin par exemple),
mais sont bien un construit politique hérité.
– Leur fonction de contrôle a été réactivée
récemment pour filtrer l’arrivée de migrants.
Si une présentation du travail à l’oral est envisagée,
les élèves peuvent consulter la p. 164 du manuel,
« Préparer et présenter un exposé en groupe »,
ainsi que la page 223, « Les tutos du Grand Oral ».
JALON 2/2 – Les frontières d’un État
adhérent : l’Allemagne p. 190-191
La double-page est consacrée aux espaces
transfrontaliers. Il est intéressant de confronter
le carton de localisation des territoires trans-
frontaliers (haut de la p. 190) aux cartes du
document 1 p. 188, car leur croisement laisse à
voir l’évolution des relations de voisinage entre
l’Allemagne et ses États voisins, des conflits
militaires à l’apaisement et à la coopération. Les
documents portent sur trois espaces transfron-
taliers différents et permettent de comprendre
leurs mutations récentes.
On peut les compléter en présentant aux élèves
les Eurorégions. La notion d’Eurorégion apparaît
pour la première fois en 1958 à la frontière entre
130
l’Allemagne (Gronau) et les Pays-Bas (Enschede).
Elle définit une entité de coopération transfron-
talière ne disposant pas de pouvoir politique et
se limitant, jusqu’en 2006, aux compétences
juridiques des autorités qui la composent. Ces
dernières peuvent être de nature et d’échelle
géographique variées (associations de com-
munes, villes, districts, provinces, régions), dont
le but est de créer entre des membres de l’UE ou
entre des membres de l’UE et des membres du
Conseil de l’Europe un espace, voire un territoire
transfrontalier délimité, sur lequel est menée
une politique de coopération allant du simple
transfert d’informations ou de projets ponctuels
à de véritables projets transfrontaliers.
Même si le terme n’est pas officiellement
reconnu par l’UE, les politiques communau-
taires assurent le financement des Eurorégions,
notamment par le volet « coopération territo-
riale européenne ».
Document 1
Les Groupements européens de coopération ter-
ritoriale (GECT) ont « pour objet de faciliter et de
promouvoir la coopération, en particulier entre
ses membres, y compris un ou plusieurs des
volets transfrontaliers, transnationaux et interré-
gionaux de coopération, dans le but de renforcer
la cohésion économique, sociale et territoriale
de l’Union. […] Ils sont dotés de la personna-
lité juridique et sont régis par une convention
adoptée à l’unanimité de ses membres. » (site
du Parlement européen www.europarl.europa.
eu/portal/fr). La plaquette présente ici la Grande
Région (on peut d’ailleurs la retrouver sur le site
Internet de ce GECT), qui est composée du Land
allemand de Sarre, de l’ancienne région Lorraine
en France, du Grand-Duché de Luxembourg,
et d’une partie du Land allemand de Rhénanie-
Palatinat et de la région belge de la Wallonie.
Cette région transfrontalière est née dans les
années 1960 mais s’est renforcée dans les
années 1980, afin de renforcer les liens entre
des régions touchées par la désindustrialisation
et partageant une culture rhénane commune.
Exemples de coopération :
• Pôle européen de développement (PED) pour
encourager la reconversion économique du bas-

sin sidérurgique de Longwy-Rodange-Athus, et
améliorer les infrastructures de transport dans
la région.
• En 2007, Luxembourg est désignée « capitale
européenne de la culture » mais cela a en réalité
concerné toute la Grande Région. Le logo choisi
pour cette manifestation était d’ailleurs le cerf
bleu car il est associé aux paysages de forêts de
la Grande Région. Esch-sur-Alzette sera « capi-
tale » en 2022, et là aussi toute la Grande Région
sera concernée.
• Coopération culturelle : orchestre de la Grande
Région.
Document 2
Le travail et le commerce transfrontaliers
génèrent des mobilités pendulaires transfronta-
lières (terme défini dans le manuel p. 184). Pour
cette raison, une ligne de bus régulière relie
Saint-Avold (France) et Sarrebruck (Allemagne)
depuis 2005. Cette ligne se nomme d’ailleurs
Moselle Sarr (MS) et illustre une forme d’in-
tégration transfrontalière entre la France et
l’Allemagne : la frontière n’est plus une barrière,
mais au contraire une charnière et une interface.
Document 3
La coopération par la mise en place de réseaux
de transport transfrontaliers est également
abordée dans ce texte, qui porte sur la métro-
pole transfrontalière Francfort-Slubice, à cheval
entre l’Allemagne et la Pologne. On peut mettre
cet exemple en perspective à l’aide d’un article
sur les villes frontalières germano-polonaises :
Thème 3 - OTC
Alexander Tölle, « Berlin et la région frontalière
germano-polonaise : une métropole en Europe
centrale ? », Géocarrefour, vol. 80, 2005, p. 17-25
(disponible à l’adresse suivante : https://jour-
nals.openedition.org/geocarrefour/).
Document 4
Pour analyser ce texte sur le travail transfronta-
lier entre l’Allemagne et la République tchèque,
les élèves doivent remobiliser la notion de « dif-
férentiels » : ici, il s’agit de différentiel salarial,
mais aussi en matière de structures et d’aides
sociales, plus avantageuses du côté allemand.
Cet exemple permet aussi de voir que dans les
espaces transfrontaliers, les échanges sont
souvent dissymétriques : des relations bilaté-
rales existent, mais elles ne possèdent pas la
même intensité de part et d’autre et ne portent
pas sur les mêmes éléments.
Éléments pour traiter la consigne
On peut envisager la réalisation d’une carte
heuristique sur les caractéristiques des espaces
transfrontaliers allemands (page suivante),
après avoir vérifié que les élèves maîtrisent
la notion d’« espace transfrontalier » (p. 148
dans le manuel). Les frontières d’un autre État
adhérent, l’Irlande, peuvent également présen-
ter un intérêt certain à l’heure où le Brexit ravive
les questions frontalières : dossier « Le Brexit
et la frontière irlandaise », publié sur le site
Géoconfluences par Fabien Jeannier, 22 janvier
2019 : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actua-
lites/eclairage/brexit-frontiere-irlandaise.
131
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

L’Allemagne, un pays attractif

(avantage comparatif créé par la frontière)

Commerce transfrontalier Travail transfrontalier

(ex. : depuis la Pologne, la France) (ex. : depuis la France, la République tchèque)

Des espaces d’échange

Réseaux de transport
Caractéristiques
Des espaces transfrontalier
des espaces transfrontaliers
réticulaires (ex. Moselle-Sarre,
allemands
Francfort-Slubice)

Une coopération
à plusieurs échelles

GECT, plus nombreux

Locale
le long de la frontière occidentale

Des espaces transfrontaliers particulièrement dynamiques

à la frontière avec la Pologne, la Suisse, la France,
la Belgique et le Luxembourg

132

JALON 3 – Les espaces transfrontaliers
européens : passer et dépasser
la frontière au quotidien p. 192-193
Cette double-page peut constituer une mise en
perspective de la deuxième partie de l’étude de cas
sur l’Allemagne : les élèves y ont en effet appré-
hendé les échanges transfrontaliers (en particu-
lier liés au travail ou au commerce), les formes
spatiales réticulaires générées par les réseaux
de transport et les mobilités pendulaires trans-
frontalières, mais aussi les politiques menées de
manière conjointe et les formes de gouvernance
communes dans le cadre des GECT. Ces différents
éléments se retrouvent dans cette double-page et
amènent à se poser la question suivante : pourquoi
traverser quotidiennement la frontière en Europe ?
Document 1
D’après la définition du règlement de l’UE de juin
1971, « le terme “travailleur frontalier” désigne
tout salarié ou non-salarié qui exerce son acti-
vité professionnelle sur le territoire d’un État
membre et réside sur le territoire d’un autre État
membre, où il retourne en principe chaque jour
ou au moins une fois par semaine ». En 2015,
deux millions de résidents d’un pays européen
travaillaient au moins une fois par semaine dans
un autre pays. Ce nombre a plus que triplé entre
1999 et 2015, passant de 580 000 à un peu plus
de 2 000 000 de travailleurs. Cette augmentation
est en partie due à l’entrée de douze nouveaux
pays au sein de l’UE entre 2004 et 2007 (+ 300 000
nouvelles personnes issues de ces pays), mais
principalement liée au dynamisme général de
l’espace Schengen depuis 1999 (+ 1 120 000). Les
pays qui envoient le plus grand nombre de tra-
vailleurs à l’étranger sont la France (438 000, soit
22 % du total), l’Allemagne (286 000), la Pologne
(155 000) et l’Italie (122 000).
La vitalité du travail transfrontalier dépend de
la situation socio-économique à la frontière. Il
n’est pas forcément intéressant de traverser la
frontière pour trouver du travail, cela repose sur
l’existence d’un différentiel (en termes de salaire,
d’offres d’emploi par secteur d’activité…) impor-
tant ou non. Le travail transfrontalier englobe
aussi bien des travailleurs qui se déplacent quo-
Thème 3 - OTC
tidiennement vers un lieu de travail proche de
leur domicile de l’autre côté de la frontière, que
des actifs qui se rendent par avion ou par train
d’une métropole vers un autre pays de façon
hebdomadaire ou occasionnelle. Les premiers
sont les plus nombreux et se concentrent mas-
sivement dans les régions frontalières.
Document 2
Le texte se penche sur les travailleurs fronta-
liers qui travaillent en Belgique, sur les raisons
qui expliquent ce choix, ainsi que sur les sec-
teurs différenciés qui attirent les travailleurs de
part et d’autre de la frontière. On peut mettre
ce texte en perspective avec quelques données
plus larges sur les travailleurs frontaliers fran-
çais (source : recensement de l’Insee de 2015).
On compte 355 000 travailleurs frontaliers en
France. Ils se déplacent principalement vers la
Suisse (170 300 actifs), le Luxembourg (70 300),
l’Allemagne (46 000) la Belgique (37 800), et la
principauté de Monaco (26 200). Les Pyrénées et
les Alpes du Sud créent un « effet-barrière »
plus important, et sont donc moins favorables à
des mobilités transfrontalières quotidiennes. La
Suisse est le pays de destination qui a connu la
plus forte hausse en nombre d’actifs accueillis,
avec une progression de 70 % depuis 1990. Seule
l’Allemagne a vu le nombre de travailleurs trans-
frontaliers français diminuer, principalement en
raison de la mutation de son marché du travail.
Dans certaines villes françaises, la proportion
d’actifs travaillant de l’autre côté de la frontière
est extrêmement importante : 36 % à Thionville
et 39 % à Longwy dans la région Grand Est (le
pôle attractif étant le Luxembourg, surtout dans
le secteur des banques, des assurances, de l’in-
formatique), 42 % à Saint-Louis (les entreprises
suisses de Bâle emploient surtout des ouvriers
qualifiés), 42 % à Morteau dans le Jura.
Document 3
L’Eurométropole Lille-Kortijk-Tournai est un
GECT qui réunit cent quarante-sept communes
françaises et belges, dont le site internet com-
porte de nombreuses ressources utilisables en
classe : http://fr.eurometropolis.eu/. Le dévelop-
pement de réseaux de transport « eurométropoli-
133
Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re
tains » est l’une de ses priorités ; il doit être mis en
relation avec le dynamisme des échanges trans-
frontaliers, qu’il s’agisse de tourisme d’achat ou,
surtout, de commerce transfrontalier. La carte
montre aussi qu’il existe une continuité dans la
morphologie urbaine de part et d’autre de la fron-
tière, signe de la vitalité des échanges entre les
villes frontalières françaises et belges.
Document 4
Le texte porte sur le tourisme d’achat de
consommateurs lituaniens en Pologne ; ces
derniers franchissent la frontière pour béné-
ficier d’une offre plus large. Ce document peut
être mis en relation avec le document 3 p. 191
sur la métropole transfrontalière Francfort-Slu-
bice. En confrontant les deux situations géogra-
phiques, on comprend que le long de la frontière
germano-polonaise, c’est le côté allemand qui
semble plus attractif. Tandis que le long de la
frontière entre la Pologne et la Lituanie, ce sont
les espaces frontaliers polonais qui semblent
plus attractifs. Les relations transfrontalières
sont donc propres à chaque dyade et dépendent
souvent de la situation socio-économique qui
existe de chaque côté de la frontière.
134
Éléments pour traiter la consigne
Les élèves peuvent travailler sur d’autres
espaces transfrontaliers en Europe :
– la frontière Italie-Slovénie avec par exemple la
métropole transfrontalière Gorizia-Nova Gorica ;
– le programme opérationnel transfrontalier
Grèce-Bulgarie ;
– la frontière entre la Galice espagnole et le Por-
tugal ;
– la frontière entre la Roumanie et l’Ukraine, pour
montrer qu’il existe aussi des programmes
transfrontaliers européens avec des pays non
membres de l’Union européenne ;
– etc.
Pour commencer leurs premières recherches,
les élèves trouveront des ressources sur le site
de la Mission opérationnelle transfrontalière
(MOT) et sur le site du Parlement européen.
Ils peuvent s’appuyer sur la méthode p. 116-117
du manuel pour mener leurs recherches sur
Internet.
 Thème 3 - Préparer le bac

Préparer le bac/Analyse de document(s) : Analyser un texte et une image

Manuel p. 196-197

Sujet 2 La frontière entre les deux Corées. Confrontez les documents 3 et 4 de la page 159.

Étape 1 : Présenter les documents

Nous sommes en présence de deux documents, une photographie et un article de presse, dont le
thème commun est la zone démilitarisée (DMZ) entre les deux Corées. Ces deux documents datent
de 2017 et ont comme intérêt de décrire précisément la nature de la zone frontière entre les deux
Corées depuis 1953, la DMZ. La confrontation des deux documents permet de s’interroger sur la
permanence depuis l’armistice d’une zone tampon très militarisée entre les deux Corées, symbole
d’une guerre larvée.
Étape 2 : Analyser les documents par leur confrontation
L’article rappelle la genèse de la frontière entre Corée du Nord et Corée du Sud en 1945. Dès la fin
de la guerre entre les deux Corées en 1953, la DMZ est devenue l’élément visible et matériel de la
partition de la péninsule. Ainsi, la description de la frontière à laquelle se prête le journaliste dans
l’article est visible sur la photographie. On y distingue bien les barbelés, les postes d’observation
qui font écho dans l’article aux expressions : « surveillance en permanence », « frontière hermé-
tique », « on estime le nombre de mines à 1 million », « de chaque côté de la frontière, des haut-
parleurs ». La photographie permet de se rendre compte de l’hypermilitarisation de la frontière.
L’article donne des informations supplémentaires sur la division géopolitique de la frontière, ce qui
permet de mesurer la séparation idéologique toujours persistante : l’armée nord-coréenne et les
forces américano-sud-coréenne.
Ainsi, l’analyse de ces deux documents permet de rendre compte de la symbolique de la frontière
du 38e parallèle. Il s’agit d’une zone très militarisée à la fois pour rendre impossible une nouvelle
invasion de la Corée du Nord ou du Sud mais aussi pour rappeler que depuis 1953, les deux Corées
n’ont pas signé de traité de paix.

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Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques 1re

Préparer le bac/Grand Oral : 4 étapes pour le Grand Oral

Manuel p. 198-199

Sujet 2 Dépasser les frontières : le droit de la mer

Étape 1 : Analyser le sujet

– « Dépasser » : aller au-delà, élargir
– « Frontières » : ligne de partage, délimitation, discontinuité, limite
– « Droit de la mer » : ensemble des règles relatives à l’utilisation des espaces maritimes. Les fron-
tières maritimes s’appuient sur des critères différents des frontières terrestres. Droit coutumier
qui a été formalisé lors de la Conférence de Montego Bay, 1982.
→ Ainsi, le sujet interroge sur ce qu’est le droit de mer, ses spécificités, les différences entre les
frontières terrestres et les frontières maritimes.
Étape 2 : Présenter l’exposé
Problématique : Dans quelle mesure le droit de la mer a t-il contribué au partage/découpage des
mers et océans, espaces pourtant considérés comme un « bien commun de l’humanité » ?
(Dans quelle mesure le droit de la mer élargit la notion de frontière ?)
Plan :
1. Genèse du droit de la mer
a. Un contexte de conquête des mers et de concurrence
b. La législation de la Convention de Montego Bay
2. Enjeux du droit de la mer
a. Gérer l’exploitation des ressources maritimes
b. Encadrer la protection du milieu marin
3. Limites de la territorialisation des mers
a. Des tensions et litiges frontaliers
b. Une gouvernance mondiale des mers difficile à instaurer
Notions clés : ZEE, droit de la mer, plateau continental, haute mer
Chiffres/dates clés : Convention de Genève en 1958 ; Convention de Montego Bay en 1982
Étape 3 : Maîtriser les connaissances
Questions simples à se poser :
– À la différence des frontières terrestres, sur quels critères reposent les frontières maritimes ?
– Pourquoi a t-il fallu mettre en place un « droit de la mer » ?
– Qu’est-ce que le plateau continental ?
– Que prévoit la Convention de Montego Bay ?
– Quelles sont les limites du droit de la mer ?
– Quels sont les enjeux de l’établissement de frontières maritimes ?
Ressources :
www.un.org/fr/sections/issues-depth/oceans-and-law-sea/
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/montego-bay

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