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Lieutenant RANDRIANARIVELO, Samedi, le 11 Mars 2023

Officier Stagiaire du XVI° CFCO/2. DEVOIR CSEF

Observations :

DISSERTATION
Sujet : Actuellement, à quoi sert le concept de frontière ?

Les frontières restent associées dans les représentations géopolitiques


traditionnelles à la notion de conflit. Toutefois, à mesure que certaines frontières s'affirment,
d'autres, comme au sein de l'Union européenne, ou entre le Canada et les États-Unis, tendent au
contraire à s'ouvrir pour définir des espaces plus fluides pour la circulation des personnes et des
biens. Du point de vue géopolitique, la frontière, issue du vocabulaire militaire, est ambivalente,
que ce soit une ligne de partage, mais aussi un lieu d'échange, soit une zone dans laquelle on
passait, progressivement, d'une souveraineté à une autre. Le fait de tracer des frontières est lié à
l'affirmation de la souveraineté de l'État, dont l'époque moderne lui a révolutionné.
Plus d’information, l'existence d'un litige frontalier provient localement de l'existence de
plusieurs tracés de la même frontière, tracés reconnus à des degrés divers au niveau international.
Certains concernant des régions inhabitées de très faibles étendues et difficilement accessibles
n'ont que peu d'impact et se règlent par la voie diplomatique, tandis que d'autres impliquent de
vastes régions fortement peuplées et au fort potentiel économique, notamment énergétique
(pétrole, minier ...), et sont à l'origine de guerres qui peuvent durer des décennies.
En effet, en servant le conflit de frontière actuel, pour sécuriser une souveraineté, prendre
le contrôle d’un territoire, et marquer une limite politique, certaines frontières sont pacifiées,
certaines demeurent des lieux de tensions. Explicitement, le tracé des frontières peut s'opérer
dans un cadre négocié, suite à une conférence réunissant plusieurs acteurs, mais il peut aussi être
le résultat d'un conflit ayant conduit à l'annexion d'un territoire. De plus, il peut également relever
d'un choix destiné à définir une nouvelle organisation géopolitique d'un espace : et, les frontières
marquent également des limites de nature politique, opposant des espaces de type différents.
Ainsi, nous allons montrer que si la mondialisation signifie l'effacement des frontières dans
certains domaines, celles-ci demeurent un enjeu majeur de conflits dans le monde contemporain,
mais plus seulement pour les États, qui sont désormais concurrencés par d'autres acteurs dans
leur effort pour définir et contrôler les frontières.
Premièrement, on s’interroge sur la permanence de rapports de force aux
frontières, dont le caractère westphalien perdure tout en se reconfigurant. Le système
westphalien reconnaît la souveraineté des États sur leur territoire national, délimité par des
frontières. La frontière est ainsi un enjeu de pouvoir important pour les États, qui doivent en
assurer la permanence face aux ennemis extérieurs, mais aussi face aux oppositions intérieures.
Certes, les disputes territoriales représentent les différends frontaliers les plus complexes, les plus
englobantes et les plus historiquement chargées de tous. Néanmoins, traditionnellement, elles
concernent des questions de souveraineté, mais aussi d'ethnicité, de langue, de religion, de culture
et de sentiment d'appartenance, ainsi que des problèmes de partage des ressources naturelles, y
compris d'accès à l'eau, aux rivières, à la mer et aux réseaux de transports. Et surtout, les
problèmes physiques et topographiques contribuent aux différends territoriaux parce qu'ils sont
souvent liés à des questions concernant la nature du paysage ou les ressources disponibles
terrestres et maritimes, ce qui rajoute à la complexité de la contestation. Par exemple, d’une part,
la décolonisation de 1945 à 1975 qui a permis l’indépendance des territoires colonisés par les
puissances européennes, en créant la nouvelle frontière ; et d’autre part, le processus de
décomposition de l’Empire soviétique en 1990-1991, qui était aussi l’un des facteurs du conflit
russo-ukrainien actuellement : la guerre en Ukraine.

Comme les frontières sont de plus en plus nombreuses dans le monde d’aujourd’hui, elles
sont aussi plus ou moins marquées suivant un effacement relatif (lié a la mondialisation) et une
réaffirmation ou une fermeture (liées a des conflits ou a un repli sur soi).

Deuxièmement, on dresse le constat, à travers différents cas d’études, d’un


monde où les États ont perdu le monopole des politiques frontalières. Sur ce, d’une part, la région
du Sud Liban a été marquée par une longue occupation militaire israélienne (1978-2000) qui s’est
terminée par un retrait unilatéral. Lors de ce dernier, les Nations Unies ont délimité une ligne de
retrait, dite ligne bleue (Blue Line). Malgré cela, les protagonistes en conflit, Israël et le
Hezbollah, ont régulièrement violé cette ligne ce qui a fini par déboucher sur la guerre de l’été
2006. Et d’autre part, la frontière entre l’actuelle République de Macédoine et la Grèce, dans la
région de Pélagonie, entre les villes de Bitola et de Florina, offre un arrière-plan historique
relativement similaire, à la différence que celle-ci ne fut pas hermétiquement fermée durant la
période socialiste. Les contacts transfrontaliers ne furent donc pas interrompus, hormis pendant
la période de la Junte en Grèce (1967-1974), et ceux-ci ont même atteint un maximum tout au
long des années 1980. Et, certains États assurent ainsi une militarisation de leurs frontières pour
lutter contre l'immigration : la construction d'un mur séparant les États-Unis et le Mexique, bien
que déjà entamée depuis 2006, est une promesse centrale pendant la campagne de Donald Trump.
Par ailleurs, en Israël, à partir du début des années 2000, le gouvernement lance la
construction d'un mur de séparation en Cisjordanie, encerclant les territoires palestiniens et
permettant de lutter efficacement contre les attentats-suicides et de protéger les citoyens
israéliens, mais aussi d'affirmer le contrôle de l'État d'Israël en Cisjordanie. En 2010, 18 000 km
de murs et de barrières délimitant des frontières terrestres, signe d'un durcissement du contrôle
des frontières par les États.

Et, troisièmement, on revient sur l’influence des pratiques sociales, par le bas,
dans la transformation quotidienne des frontières, et leur caractère conflictuel ou pacifique. Dans
ce cas, les espaces frontaliers forment de plus en plus des espaces d’échanges en raison du
développement des flux et de l’existence de différentiels entre les territoires : régions
transfrontalières. On l’observe notamment avec la MexAmérique ou le nombre de travailleurs
qui vivent aux abords des frontières pour passer chaque jour d’un pays à l’autre : ils travaillent
par exemple en Suisse et bénéficient de salaires plus intéressants qu’en France, mais ils habitent
en France où la vie est moins chère. En outre, au cours des XXe et XXIe siècles, dans les espaces
où les frontières sont plus fragiles ou moins marquées, les conflits prennent une dimension
transfrontalière, c'est-à-dire qu'ils impliquent de plus en plus des acteurs internationaux qui
outrepassent volontiers les frontières des États. On peut mentionner la deuxième guerre du Congo
qui voit s'affronter, entre 1998 et 2003, de nombreux pays et groupes armés par rebond de conflits
internes. Plus récemment, le conflit en Syrie à partir de 2011 voit les interventions de multiples
acteurs étrangers sur le sol syrien : la Russie, la Turquie, une coalition internationale menée par
les États-Unis, le Hezbollah, les gardiens de la révolution iranienne, le parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK), ... en vue de leurs intérêts sur un territoire (depuis la guerre civile).

Pour conclure, les frontières étaient l'un des enjeux de conflits majeurs entre
puissances westphaliennes du XVIIe au XXe siècle. Mais elles n'ont pas perdu leur importance
avec la mondialisation, bien au contraire, et les conflits contemporains ont encore très souvent la
frontière pour enjeu. Le tracé d'une frontière est le corollaire du règlement de bien des conflits,
et l'enjeu de négociations des traités de paix. La séparation apparaît donc comme la solution aux
conflits, ce qui explique l'augmentation du nombre de frontières depuis la fin de la guerre froide.
La dimension symbolique des frontières demeure manifeste, tant de la part des États que des
groupes qui les contestent, et, dans un but politique, la frontière est souvent mise en scène dans
son contrôle, son franchissement ou, plus rarement, sa destruction. Par ailleurs, les questions
environnementales, ou encore les risques sanitaires, posent de nouveaux enjeux pour les
frontières dont le contrôle, par le biais de l'intensification des circulations aériennes, s'effectue
désormais aussi en plein cœur d'un territoire national.

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