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Les frontières africaines ont toujours été contestée, et ce depuis leur création même.

Les premières
frontières de l’Afrique sont le résultat de la conférence de Berlin, ayant duré du 15 novembre 1884
au 26 février 1885 et dont le but était de partager le continent africain en part égales pour tous les
principaux empires coloniaux et de définir les règles de la colonisation. Mais les frontières définies
par la conférence de Berlin n’étaient pas précises et ne prenaient pas en compte les groupes
ethnolinguistiques du continent. Alors que les frontières sont d’habitude tracées par rapport à des
contraintes hydrographiques (fleuves) ou topographiques (chaînes de montagnes), les frontières de
l’Afrique ont surtout été tracées soit à la règle, soit selon des supports astronomiques, comme des
méridiens ou des parallèles. Un bon exemple est celui de la frontière entre l’Égypte et le Soudan ;
cette frontière a été tracée selon le 22ème parallèle. Et ce fut le cas de la majorité des pays
africains : tandis qu’énormément de frontières étaient tracées sur des critères géographiques ou
géopolitiques, seulement 11% de ces frontières furent tracées en ayant pris en considération les
critères sociolinguistiques ou de l’histoire précoloniale des pays concernés. Les frontières étaient
tracées dans des régions peu ou pas connues et qui ne furent jamais vigoureusement explorées, ce
qui amena à des conflits locaux.

En plus du tracé des frontières s’ajoute les conflits géopolitiques, non seulement entre les entités
coloniales et les peuples conquis, mais aussi entre empires eux-même. Les conflits avec les peuples
conquis étaient prévus par les autorités coloniales, et certains empires ont décidé de composer
contre ces peuples. C’est notamment dans ce cadre la que les délégations coloniales européennes se
retrouvent à négocier ardemment avec les peuples locaux, et en étant souvent en position de
faiblesse. Tandis que ces délégations s’attendaient à voir des peuples barbares sans foi ni loi et
faciles à domestiquer, ils se sont heurtés à des sociétés bien construites et hiérarchisées, notamment
avec des gouverneurs d’État. Cependant, d’autres empires ont décidé de composer avec les peuples
locaux. La France, par exemple, a consulté les chefs locaux du Sénégal et du Soudan français et
ceux-ci ont pu suivre les travaux de la commission coloniale sans problème. L’avantage de la
collaboration avec les chefs locaux est d’avoir une vue beaucoup plus précise sur le terrain. Grâce
aux chefs des deux pays, la France a pu tracer une carte topographique précise des lieux et a pu
dresser des frontières basées sur des critères socio-économiques, comme par exemple la présence de
champs, les routes ou encore les points d’accès à l’eau. Les frontières étaient aussi délimitées
physiquement, grâce à des éléments de décor comme des arbres ou des rivières.

Aux conflits locaux s’ajoutent les conflits entre empires. Car, même si ces empires se sont mis
d’accord lors de la conférence de Berlin sur le découpage de l’Afrique, dans les faits, ces limites
sont basées sur des sphères d’influence plutôt que sur ces frontières tracées. Même si un pays
possédait un territoire selon les frontières tracées sur les cartes, un autre pays peut le clamer si son
influence dans le pays est suffisante, ce qui amena à des contestations manifestes. Déjà, les
frontières étaient tracées de manière incertaine, compte tenu du manque de connaissance des zones
concernées. C’est notamment prouvé par le protocole franco-allemand de 1894, qui établit la
frontière entre le Congo et le Cameroun, qui indique que la frontière des deux pays doit suivre le
fleuve Ngoko si celui-ci ne coupe pas le deuxième parallèle. Les frontières de l’Afrique sont tracées
en trois temps : l’allocation, la délimitation et la démarcation. L’allocation désigne la phase ou les
zones d’influence sont attribuées à des empires sur le papier, sur des cartes imprécises et fausses.
Les diplomates, acteurs majoritaires de cette phase, ne connaissent peu ou pas le terrain et
demandent aux ministères chargés de la colonisation – celui de la Marine pour la France, par
exemple – d’y envoyer des explorateurs. Ensuite viens la phase de délimitation : cette phase à pour
but de vérifier les frontières hypothétiques et de voir si elles sont applicables dans les conditions
données. Généralement, cette phase force les réajustements des frontières concernées et essaie de
trouver un compromis entre les acteurs coloniaux et africains. En dernier, la démarcation est la
démarche de matérialiser les frontières physiquement ; cette dernière étape est rarement parvenue à
son terme pendant la période coloniale. Pendant toutes ces étapes, il est possible d’avoir des
contestations des différents acteurs coloniaux et des frontières qui sont plus dans l’intérêt de l’un
que de l’autre.

Pour finir, nous allons nous pencher sur les enjeux économiques de ce continent. Car l’objectif
initial des puissances européennes de coloniser l’Afrique, c’est la récolte de ressources naturelles.
La conférence de Berlin définit aussi les règles commerciales en Afrique, et surtout dans le cadre du
commerce fluvial. Les plus grands fleuves africains, comme le Congo et le Niger, sont
internationalisés et tous les marchands de toutes les puissances coloniales peuvent commercer entre
eux sur ces fleuves. Cette mesure se révèle quasiment impossible à mettre en œuvre, compte tenu
des rivalités locales entre empires. Des comptoirs commerciaux sont placés le long de ces fleuves,
souvent très près les uns des autres, ce qui fait des fleuves une zone de conflits majeurs entre les
différents acteurs commerciaux. Enfin, les diplomates européens cherchent à faire disparaître ces
conflits inter-impériaux en attribuant un ou plusieurs fleuves à un seul empire à la fois, au lieu
d’avoir des fleuves administrés par plusieurs empires. C’est pour ça qu’en 1886, la convention
franco-portugaise, dressée à la suite de l’action des diplomates européens, force les Portugais à
céder un comptoir de commerce aux Français, et les Français à en céder un autre aux Portugais. La
nouvelle frontière est placée dans une région mal connue, à égale distance entre deux rivières. La
France, au final, veut se saisir du territoire portugais sur le moyen terme, étant donné la mauvaise
réputation et l’autorité de la puissance portugaise dans ses propres territoires. Les rivalités inter-
empires sont surtout économiques plutôt qu’idéologiques, étant donné l’importance des ressources
en Afrique.

Pour conclure et pour répondre à la question : les frontières africaines furent tracées non seulement
sur des critères astronomiques et topographiques plutôt que sociaux et ethniques, mais aussi pour
avantager certains empires plutôt que d’autres, notamment les empire français et britanniques. Les
rapports de force entre puissance impériales sont l’élément clé de la formation des frontières
africaines d’avant, mais aussi d’aujourd’hui ; entre deux pays limitrophes, il peut y avoir des
différences radicales de culture et de langue. Le découpage administratif de l’Afrique actuelle date
de la colonisation, et même si tous ses pays ont pris leur indépendance, ils sont profondément
marqués par les cicatrices qu’a laissé la période coloniale.

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