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Cahiers d'outre-mer

L'histoire du Dahomey
Yves Péhaut

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Péhaut Yves. L'histoire du Dahomey. In: Cahiers d'outre-mer. N° 65 - 17e année, Janvier-mars 1964. pp. 106-109;

doi : https://doi.org/10.3406/caoum.1964.2331

https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1964_num_17_65_2331

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L'HISTOIRE DU DAHOMEY

Comme il le dit lui-même dans sa conclusion, M. Cornevin a « ten


présenter une somme de ce qu'il faut connaître du Dahomey (1), d
les grattoirs, les pierres de tonnerre et les haches polies de la préhi
jusqu'en 1961, en passant par les palais d'Abomey, les comptoirs fortif
trafic esclavagiste, les manœuvres portugaises, anglaises et allemandes,
l'installation française, la course vers l'hinterland, l'administration col
et l'évolution politique récente ». Il est pour le moins « chargé d'hist
ce petit pays africain, étiré en latitude, figurant l'image d'une main
de l'océan et agrippée au sol, favorisé sans doute par son climat
sans outrance, « équatorial tempéré » pour M. Paul Pélissier. La p
préhistorique, marquée au Nord par des oscillations climatiques, est as
à quelques sites archéologiques, recélant des pierres de tonnerre, tand
le Sud, alors sans doute forestier et dépourvu de pierre, ne fournit
de vestiges. Mais la richesse des terres, la salubrité des régions mé
nales, en font très tôt, avec les montagnes refuges, les cadres du peuple
Si les Paragourma, les groupes mossi et groussi représentent les p
autochtones du Nord, les Fon, les Adja et les Ouatchi apparaissent c
leurs homologues du Sud. Assez tard, sans doute, au XVIe siècle, vie
de l'Est d'importants groupes Yourba qui s'installent dans le Sud et d
région moyenne du pays, alors que des princes Barriba organisent le
L'Ouest par contre ne fournit que de petits groupes: Guin, Baséda,
alors que du Nord proviennent les Peul vivant en marge des collect
noires. Un des éléments original de ce peuplement est certainement
par le retour au pays des créoles brésiliens qui rapidement formen
classe très évoluée.
La mise en place de ces différents peuples peut être largement éc
par l'histoire que l'auteur présente dans son cadre géographique ré
Celle du Dahomey méridional nous est connue depuis le XVIIe sièc
une remarquable tradition orale encouragée par les souverains success
recoupée par les témoignages des voyageurs européens. C'est à partir de
berceau des peuples du Sud, que se font les migrations vers Sahé
Ouidah, des Houéda, alors que celles des Agassouvi sont à l'origine
formation des royaumes d'Allada, Porto Novo et Abomey. De l'histoire
vementée de ce dernier royaume solidement organisé et disposant de
militaires redoutables — dont les fameuses amazones — , retenons les g
constantes contre les peuples voisins et les règnes fameux du roi
(1818-1858) qui organise l'administration et le commerce de l'huile de
et du roi Glelé (1858-1899) qui noue des relations diplomatiques av
puissances européennes. Face à cet empire agressif, chassant l'esclav
royaumes du moyen Dahomey, Mahi et Yorouba, s'efforcent avant t
résister et de préserver leur indépendance. C'est un peu en marge d
événements que malgré divers aléas, le royaume Bariba du Borgou
structure féodale, domine la scène politique du Nord Dahomey aux
et XIXe siècles. Si les souverains de Nikki ont joué pendant longtem
NOTES ET COMPTES RENDUS 1

rôle essentiel, ceux de Kouandé, forts d'une armée redoutable, sont a


XIXe siècle, avant l'arrivée des Européens, l'élément dynamique du royaum
Bariba.

C'est dans le cadre de ces royaumes à l'histoire mouvementée, et dan


celui, plus étroit, des multiples ethnies, que s'épanouissent les civilisation
dahoméennes. Par-delà les traits propres à chacun de ces groupes se retro
vent des croyances ou des techniques communes. Est générale la croyan
en la force vitale et en la réincarnation qui apparaît dans les coutum
et les rites funéraires. Les clans totémiques avaient partout une grand
importance, de même que les interdits royaux, dont un des plus originau
est la défense faite au roi de Porto Novo de voir la mer. Sorciers et oracl
jouaient partout un grand rôle alors que le Panthéon dahoméen est rich
d'un grand nombre de divinités. Toutes ces croyances sont encore vivace
malgré les progrès du christianisme et surtout de l'Islam dans le Nor
du pays. Pour l'auteur, l'art d'Abomey, remarquablement représenté p
les sculptures sur bois, les statues, les bijoux, les bas-reliefs et les attribu
royaux, est représentatif d'une civilisation digne de la comparaison ave
l'Europe. On peut regretter au passage que structures sociales et vie mat
rielle des peuples du Dahomey soient présentées trop succinctement.
A la fin du XV' siècle, les Portugais débarquent au Dahomey, où
premier fort, San Jorge del Mina, est fondé en 1482. Alors commence
triste période de la traite, qui excite les rivalités entre commerçants euro
péens. En 1637, les Hollandais s'emparent de del Mina et repoussent l
Portugais vers l'Est, alors que les Anglais arrivent au Bénin. Après les éche
de tentatives missionnaires et d'une ambassade espagnole, les França
débarquent en 1670, s'installent peu après à Ouidah, et multiplient l
contacts auprès des souverains locaux. Alors les conflits entre puissance
européennes, leurs immixtions dans les affaires locales créent des situation
difficiles, favorisent les entreprises d'aventuriers, tel l'extraordinaire Chach
de Souza qui, malgré les mesures anti-esclavagistes, se livra au début d
XIXe siècle aux trafics des noirs et des armes.
C'est cette lutte contre la traite qui est à l'origine de la croisière d
lieutenant Bouet-Willaumez en 1839. Le voyage de la « Malouine » dans
golfe de Guinée, marque en fait la volonté d'expansion française vers le Su
Trois comptoirs fortifiés sont créés à Garoway, Assinie et au Gabon, alors qu
la maison marseillaise Régis s'installe à Ouidah pour faire la traite d
l'huile de palme à laquelle les Anglais s'intéressaient depuis les « année
vingt ». Au travers de multiples difficultés avec Anglais et Allemands,
s'agit pour la France de faire reconnaître ses droits. Après accord avec le
Anglais sur le protectorat de Porto Novo, la France obtient la cession d
territoire de Cotonou. Puis l'acte de Berlin en 1885 reconnaît les droi
respectifs de la France au Dahomey et ceux de l'Allemagne au Togo. Le
derniers litiges avec l'Angleterre sont réglés en 1889.
Mais surgit alors, au sujet du territoire de Cotonou, un différend ave
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Ouidah conduit à une trêve précaire signée en octobre et utilisée par les
deux camps pour la préparation des prochaines opérations. Les incursions
dahoméennes, les massacres d'indigènes captifs sont les causes essentielles
de la rupture. Le colonel Dodds conduit la campagne de 1892 avec énergie.
Après le passage de l'Ouémé, les troupes de Béhanzin sont pratiquement
anéanties le 4 novembre. Le 17, les troupes françaises entrent à Abomey.
Mais il faudra une dernière campagne pour obtenir la reddition du valeureux
souverain le 20 janvier 1894. Le 28 janvier, en présence du nouveau roi, le
général Dodds fait lire le traité de protectorat de la France sur le Dahomey.
Les armées de Béhanzin défaites, commence alors l'exploration de l'hin-
terland qui est liée au problème des frontières septentrionales du nouveau
protectorat. Face aux tentatives anglaises et allemandes le gouvernement
français, conseillé par Binger, engage la « course au Niger », confiée à la
responsabilité de l'énergique gouverneur Victor Ballot. La mission Decœur
(août 1894-marsl895) reconnaît le pays Bariba et obtient du souverain de
Nikki un traité de protectorat qui est confirmé, malgré le passage de l'An¬
glais Lugard, par un acte authentique obtenu par V. Ballot. Après avoir
traversé le Gourma, Decœur parvient à Say où un de ses lieutenants a
signé un traité avec l'Almamy. Ces explorations sont complétées par la
mission du commandant Toutée qui atteint le Niger en Nigéria actuel, après
avoir reconnu l'Est du Dahomey, et par celles des lieutenants Baud et
Vermeersch, qui, par le Nord, réalisent la liaison Dahomey-Côte-d'Ivoire
(mars-juin 1895). Alors commence malgré les litiges franco-allemands, la
période d'occupation effective du Nord du pays où une insurrection Bariba
échoue en août-novembre 1897. Une commission mixte franco-allemande est
chargée de délimiter sur le terrain la frontière Ouest définie au traité de
Paris (23 juillet 1897), alors que la convention franco-britannique du 14 juin
1898 reconnaît les droits des Anglais sur le Niger inférieur et fixe la fron¬
tière du Dahomey face au nouveau territoire anglais de Nigéria.
La conquête terminée se pose le problème de l'administration du pays
qui, depuis 1886 était placé dans la sphère d'action du lieutenant gouverneur
des rivières du Sud, en même temps gouverneur du Sénégal. Bientôt, en
1889, les établissements français de la côte du Bénin accèdent à l'autonomie.
En juin 1894, naît la colonie du Dahomey. L'auteur décrit alors les étapes
la
de fédération
mise en place
de l'A.O.F.
de l'administration du pays qui, en 1904, est inclus dans

Alors que la « politique indigène » qui veut associer les Dahoméens à


la marche des affaires doit composer avec les structures hiérarchiques du
royaume d'Abomey, des troubles graves éclatent en 1916 dans le Nord où
les frustes populations bariba et somba, qui supportent mal la tutelle fran¬
çaise, profitent de la faiblesse d'une administration ne disposant que d'ef¬
fectifs dérisoires, pour se soulever. Une expédition militaire vient à bout
de l'énergique chef Somba Gaba, en avril 1917. Le problème des relations
entre la chefferie traditionnelle et l'administration française reste entier.
Le gouverneur Reste s'attache, par l'arrêté du 19 décembre 1930, à définir
droits et devoirs des chefs indigènes. Cependant, à la veille de la deuxième
guerre mondiale, de nombreux problèmes ne sont pas résolus, en particulier
ceux posés par les conseils de notables dont les décisions ne reflètent souvent
que l'opinion des administrateurs.
NOTES ET COMPTES RENDUS 10

L'auteur présente ensuite l'historique de l'action missionnaire au Daho


mey. Alors que les pères missionnaires ont souvent joué un rôle de média
tion lors de la conquête, les missions catholiques, poursuivent dans la colon
une œuvre d'évangélisation et d'africanisation des cadres. L'activité d
Missions africaines de Lyon mène à la création du vicariat apostolique d
Ouidah. L'action de Monseigneur Steinmetz, vicaire pendant près de tren
ans (1906-1934) s'identifie à l'expansion catholique au Dahomey. Il ouvre u
séminaire, encourage les œuvres féminines, et surtout l'action du révéren
père Aupiais, en matière d'enseignement. Son œuvre est poursuivie par Mg
Parisot qui s'emploie à l'évangélisation du Nord, alors que de nouvell
congrégations s'installent dans le pays. En 1960, Mgr Gantin, premier arch
vêque dahoméen, lui succède.
C'est en 1870, après de multiples persécutions, que la mission protestan
s'installe définitivement au Dahomey. Les méthodistes au Sud, les mission
américaines au Nord, mènent à la fois l'action d'évangélisation et celle d'en
seignement.
En une cinquantaine de pages, l'auteur brosse enfin un tableau rapid
de la situation économique et sociale du pays. La population du Dahomey
qui représente moins de deux millions de personnes, est caractérisée par
progression rapide et sa répartition très inégale. La région de Cotonou aura
plus de 250 habitants au km2. L'émigration des élites de ce véritable « qua
tier latin de l'Afrique » était, on le sait, une véritable tradition dans l'an
cienne A.O.F. Si l'économie du pays repose sur l'agriculture — 90 % de
population vit en milieu rural — , on peut dire que sa prospérité est li
aux oléagineux qui fournissent près de 90 % de la valeur totale des expor
tations. Mais le palmier à huile, le cocotier, le karité, l'arachide et le ric
posent de graves problèmes agronomiques et humains. Accroissement
diversification des richesses semblent s'imposer dans un pays où l'industr
est très réduite. Cependant les voies de communications qui contribuent
débloquer les pays du Nord comme le Niger, le port de Cotonou où d
grands travaux sont entrepris, constituent des éléments de dynamisme pou
le Dahomey où une élite nombreuse est paradoxalement un sujet d'inquié
tude ! Elle a fourni des hommes politiques de valeur. C'est elle qui, d
l'Union française à l'indépendance a, par-delà les crises et les dissension
entrepris de forger une véritable unité nationale et qui a la lourde respon
sabilité de mener la jeune République sur la voie du développement.
Une bibliographie exhaustive complète l'ouvrage et montre, par la mas

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