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Sous l'Empire, il devint de l'état-major, duc de Tabara, et jusqu'à la dernière heure, jouit de la
confiance de son impérial maître. Mais cela ne l'empêcha pas de prendre part aux
conspirations ourdies contre son chef. Il fut très connu dans le monde de la politique et de la
culture. Ainsi se comprend l'enthousiasme de la jeunesse intellectuelle à son avènement au
pouvoir.
La fin du règne de Soulouque est marquée par une situation de crise qui a tenté de plonger
le pays dans l'abîme le plus profond. Si pendant les premières années de la présidence de
Soulouque, le nationalisme a pu triompher, dès l'instauration de l'empire, la dictature
apparaissait dans toute son horreur. Cette dictature était tellement féroce que même les
têtes de pont du régime souhaitaient des réformes qui passeraient nécessairement par la
disparition de l'Empereur.
Geffrard, opportuniste de marque nourrissait dans son coeur l'ambition du pouvoir, quoiqu'il
fut chef de la garde du palais de Soulouque et dauphin du régime par les privilèges de
toutes sortes dont il jouissait à l'époque. Il fut élu président le 15 Janvier 1859 par le comité
révolutionnaire des Gonaïves dont il était le chef de file. Rappelons-le, c'était ce comité qui
renversait Soulouque au pouvoir pour élire l'un des siens aux fins de satisfaire ses
desiderata.
Son administration
Geffrard était attiré par les réformes économiques du gouvernement de Soulouque via son
ministre des finances Salomon. Ainsi, des efforts considérables étaient consentis par le
nouveau président dans plusieurs domaines.
Sur le plan économique, des progrès dans les domaines agricole, industriel, commercial
ont été enregistrés, tels que la promotion de la production cotonnière très demandée par les
États-Unis et l'Angleterre, l'augmentation du nombre de ports en vue de commercer avec les
pays étrangers, l'interdiction d'importer les produits existant en Haïti, la mise en place d'un
embryon d'industrie, l'introduction d'un code rural (1863) pour la relance de l'agriculture, la
construction de nouvelles routes.
Sur le plan financier, le gouvernement était confronté à une crise très grave. Le gaspillage,
les abus, les concussions et malversations au niveau de l'administration publique n'avaient
pas disparu. Geffrard ne réagissait pas de façon énergique et se faisait complice des actes
répréhensibles de ses collaborateurs. Les conséquences de cette gabegie administrative
furent des plus lourdes. Les budgets de la République expérimentèrent un déficit croissant :
de 2 millions de gourdes en 1859, il passa à 5 millions de gourdes en 1862 pour atteindre
finalement 8 millions de gourdes en 1865.
Des pas géants ont été franchis par l'équipe gouvernementale. De nombreuses écoles à
vocations multiples ont été construites (primaires, secondaires,³³4³
Mais en ce qui a trait à la situation matérielle et d'existence du peuple, il n'y avait pas eu de
changements véritables. Les masses rurales et urbaines n'étaient pas à l'abri des
malversations des privilégiés , des hommes de la caste de Geffrard qui utilisaient le code
rural pour amplifier la misère de ces infortunés, destinés à travailler sur les habitations des
membres de l'oligarchie. Or les terres relevant du domaine public étaient distribuées pour la
plupart à des émigrants.
L'incident Rubalcava
Pour se protéger contre les invasions militaires haïtiennes, les dirigeants dominicains
prenaient la douloureuse décision de placer leur pays sous la tutelle de l'ancienne
métropole, la couronne d'Espagne. Le gouvernement haïtien voyait un danger dans la
présence d'une puissance comme l'Espagne dans l'île. Non seulement l'avenir de la
souveraineté peut être menacé mais aussi l'intégrité territoriale, car l'Espagne pourrait
réclamer le recul des frontières pour récupérer les territoires qui rentraient dans la partie
haïtienne après 1844.
Geffrard mobilisa un secteur du nationalisme dominicain en les fournissant des armes et des
munitions pour se débarrasser de la présence espagnole. Le gouvernement espagnol se
rendra compte très tôt à travers les rapports du gouverneur général Santana et décida de se
venger en envoyant en Haïti une flotte commandée par l'Amiral Rubalcava, avec ordre de
réclamer une indemnité d'un million de Francs payables dans les quarante-Huit heures, plus
un salut qui ne sera pas rendu.
À cette époque, le doyen des représentants des étrangers était notre consul général
M.Byron. Il vit Rubalcava, lui exposa les difficultés de la position de Geffrard, et en obtint
d'importantes concessions : d'abord , que l'indemnité serait réduite à 125 mille francs, puis
que le salut serait rendu aux Haïtiens.
-L'ingérence des États-Unis et l'Angleterre dans la lutte pour le pouvoir entre Geffrard
et Salnave
Les factions politiques haïtiennes étaient aux prises avec les rivalités inter-impérialistes. Les
États-Unis voulaient diminuer le poids des puissances européennes en Haïti. Aussi
appuyaient-ils l'insurrection de 1865 de Sylvain Salnave contre Geffrard qui n'en
triomphaient que grâce au concours de l'Angleterre. En effet, le consul anglais Spencer
St.John devait personnellement accompagner le croiseur anglais " Le Bulldog " en rade du
Cap-Haïtien pour bombarder la ville et ainsi infliger la défaite à l'insurrection salvaniste en
1865. D'ailleurs Salnave, son adjoint Demesvar Delorme et ses partisans n'eurent la vie
sauve que grâce à l'asile qu'ils obtinrent sur le bateau américain, l'USS DeSoto, qui était en
rade du Cap.
La constitution de 1846 (art 31) abolissait la peine de mort en matière politique. Cependant,
chaque conspiration entraînait de nombreuses exécutions capitales, des rigueurs
regrettables pour ses principaux adversaires. Des mesures qui étaient destinées à
décourager ses adversaires excitèrent davantage ces derniers à conspirer la chute du
régime. Toute la période comprise entre 1861 et 1867 était donc dominée par de
nombreuses conspirations.
-Le 1er Mai 1862, les piquets du Sud prenaient les armes.
-En 1862, c'était la prise d'armes du général Aimé Legros, ministre de la police générale. Un
mouvement qui avait été vite neutralisé et entraîné l'arrestation du général. Le président
l'avait gracié. En Avril 1863, à cause d'une politique de Geffrard à l'égard des étrangers, ces
derniers pouvaient jouir du droit de propriété en Haïti. Ce qui donnait prétexte au général
Aimé Legros pour soulever l'Artibonite.
Au cours de l'année de 1865, Salnave avait pris les armes au cap. Il avait eu le support de la
bourgeoisie du Nord et les États-Unis. Les troupes gouvernementales avaient maîtrisé les
insurgés grâce à l'appui de la marine anglaise qui assurait leur ravitaillement en provisions
de toutes sortes et en armes.
-Conséquences: Salnave avait été abandonné par la bourgeoisie du Nord, ce qui lui portait
à se tourner vers le peuple dont il devenait l'idole. L'appui populaire le rendait fort et la
métropole du Nord était transformée en une place imprenable. L'appui des Anglais au
gouvernement de Geffrard contre les insurgés du Cap avait été vivement reproché par
l'opinion nationale.Geffrard démissionnait le 13 mars 1867 et partait pour la Jamaïque. Du
même coup, Salnave était devenu l'idole du peuple haïtien.