Vous êtes sur la page 1sur 2

La politique de doublure en Haïti (1844-1847)

Sous le gouvernement de Rivière Hérard, les boyéristes de quelque acabit qu'ils fussent,
étaient considérés comme les ennemis de la Révolution, car ils avaient la réputation de
magouiller dans l'ombre. Après s'être disqualifiés, à la suite de leur long règne de 25 ans,
passés sans promouvoir, dans le pays, un réel progrès économique et social, ils ne
recherchaient nullement à reprendre le pouvoir dans l'immédiat. Ils préféraient frayer la voie
du pouvoir à une marionnette analphabète dont ils tireraient habilement les ficelles, tout en
feignant de tenir compte des revendications du peuple qui, longtemps frustré par
l'ostracisme et le sectarisme du régime boyérien, réclamait un noir à la présidence. C'est
dans ce contexte que se situe la politique de doublure dont les principaux bénéficiaires
furent Philippe Guerrier, Louis Pierrot , Jean-Baptiste Riché et Faustin Soulouque.

Le gouvernement de Philippe Guerrier et la soumission de Jean-Jacques Acaau (3 Mai


1844- 15 Avril 1845)

Guerrier était un octogénaire conciliant et modéré. Il détestait la violence. Ivrogne, invétéré,


il sombrait, assez souvent, dans l'inconscience. Les boyéristes qui avaient contribué à le
porter au pouvoir profitaient de cette situation déplorable pour le faire signer n'importe quoi.

Le comportement de certains hommes du sud, dont Étienne Salomon, contribua à paralyser


le mouvement d'Acaau. Ils accordèrent des fonctions militaires aux principaux lieutenants
d'Acaau. Abandonné de tous , ce dernier se soumit et bénéficia du poste de commandant de
l'arrondissement des Cayes. Pour avoir affiché certaines velléités d'indépendance, Acaau
dut comparaître devant un conseil spécial militaire et assigné à résidence à Saint-Marc sur
ordre de Guerrier. Selon Madiou m, Acaau espérait devenir le chef d'un gouvernement
départemental, sous le protectorat du président de la République.

Le gouvernement de Guerrier passa onze mois au pouvoir. Il n'a pas pu signaler son
passage par des actions de grande envergure dans le domaine économique et social.
Signalons toutefois, la création au Cap-Haïtien et aux Cayes des lycées Philippe Guerrier à
l'initiative d'Honoré Féry, ministre de l'instruction publique.

Le gouvernement de Louis Pierrot et la Réhabilitation officielle de Dessalines ( 16 avril


1845 - 1er mars 1846)

Le personnage de Pierrot mérite de retenir l'attention. Porté au pouvoir par l'oligarchie, il n'a
rien fait pour lui témoigner sa reconnaissance. À peine occupa-t-il le fauteuil présidentiel qu'il
décida de réhabiliter officiellement la mémoire de Dessalines, ce qui ne pouvait nullement
plaire aux opportunistes et affairistes de tous poils qui, depuis environ quarante ans, avaient
tout fait pour détruire le mythe de l'Empereur. C'était faire preuve d'un grand courage à
l'époque, en décidant de témoigner publiquement sa gratitude envers le fondateur de la
patrie. Le 17 octobre fut décrété " jour de deuil national".

Pierrot reprocha aux port-au-princiens d'avoir commis le crime de lèse-patrie en assassinant


froidement l'Empereur. Il les vexa souverainement et transporta la capitale de la République
au Cap-Haïtien (décret du 1er novembre 1845). La bourgeoisie traditionnelle lui en voulait et
ne lui pardonnera jamais ce comportement jugé inqualifiable.
Le gouvernement de Jean-Baptiste Riché et le retour à la présidence à vie ( 1er mars
1846 - 27 février 1847 )

Riché passa, comme son prédécesseur, onze mois au pouvoir, sans que son gouvernement
ne se signalât par des actions importantes sur le plan économique et social. Il eut, pourtant,
le mérite de s'entourer de ministres compétents et créa la maison centrale destinée à
l'internement des petits vagabonds.

Cet ancien combattant, qui perdit l'oeil droit sur le front, fut un grand dignitaire du Royaume
du Nord. Il exécutait à la lettre les moindres ordres de Christophe. Il n'eut pas le temps de
donner toute la mesure des ses talents. C'est sous son gouvernement qu'Acaau fut traqué et
acculé au désespoir, en se logeant une balle à la cervelle (12 mars 1846). Avec la mort de
son leader, le piquétisme restera longtemps en veilleuse et ne ressuscitera qu'en 1868 à
l'appel de Sylvain Salnave.

Vous aimerez peut-être aussi