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Travail sur les femmes en

Hainaut
BA1 Droit
Mme Baï

Christine de Lalaing, princesse aux


multiples influences

Eva Deham
Lisa Mercier
Groupe de TP n°9
Table des matières
Introduction.................................................................................................................................2
1. Un destin prometteur...........................................................................................................4
1.1. Une famille pleine d’influence.....................................................................................4
1.2. Une vengeance personnelle..........................................................................................5
1.3. Un mariage d’autorité...................................................................................................6
2. Une pionnière des libertés...................................................................................................7
2.1. Un patriotisme inébranlable.........................................................................................7
2.2. Rébellion contre les autorités religieuses.....................................................................8
2.3. Lutte contre l’absolutisme espagnol.............................................................................8
3. Une princesse guerrière.......................................................................................................9
3.1. La résistance tournaisienne..........................................................................................9
3.2. Une digne capitulation...............................................................................................10
3.3. Un hommage monumental.........................................................................................11
3.4. Héroïsme avéré ou contesté ?.....................................................................................12
4. Annexes.............................................................................................................................14
5. Bibliographie.....................................................................................................................17

1
Introduction
Le regard grave, le pas déterminé et le bras semblant inviter à la suivre, telle est la statue qui
surplombe la Grand-Place de Tournai. À la fois intrigante et imposante, elle témoigne du
courage de Christine de Lalaing lors du siège de Tournai en 1581, devenu un symbole pour
les générations tournaisiennes à venir. Son histoire, ainsi que celle d’autres femmes avant elle,
est pourtant méconnue du grand public. À une époque où l’émancipation féminine bat son
plein, il nous paraît important de revenir sur ces grandes dames du passé qui ont joué un rôle
plus ou moins considérable dans l’Histoire, tant pour leur mémoire que pour comprendre leur
implication dans la société.

Christine de Lalaing, également appelée Marie-Christine de Lalaing ou Philippe-Christine de


Lalaing, est née en 1545 à Condé dans un contexte de tensions.

En effet, au XVIème siècle, nos régions étaient dirigées par Charles Quint, l’empereur le plus
influent de l’époque. Il était à la tête du Saint-Empire, de la Bourgogne, composée des Pays-
Bas et de la Franche-Comté, de l’Espagne, de l’Autriche mais également d’autres régions de
l’Italie et de l’Espagne actuels. En 1555, Charles Quint abdique au profit de son fils, Philippe
II, qui devient roi des Pays-Bas espagnols. Dès 1568, un conflit, appelé par la suite Guerre des
Quatre-Vingts Ans, intervient entre l’Espagne et les Provinces-Unies pour la scission des
Pays-Bas espagnols. Cette période voit aussi la naissance du protestantisme avec la Réforme
menée par Luther et Calvin et par conséquent, l’arrivée des inquisiteurs et des Placards1.

Christine de Lalaing, épouse du gouverneur de Tournai Pierre de


Melun, s’insurge contre la domination espagnole de plus en
plus contestée. Ainsi, elle s’illustre par sa résistance en défendant
seule sa patrie contre l’envahisseur en 1581. En effet, Alexandre
Farnèse, Duc de Parme et gouverneur des Pays-Bas espagnole, profite de
l’absence du prince d’Epinoy pour attaquer la ville. La princesse encourage
alors les Tournaisiens mais, malgré sa résistance acharnée, elle est obliger de
capituler. Cependant, cette échec n’a pas entaché sa réputation, bien au
contraire.

1
Un Placard est le nom donné à 13 normes adoptées par Charles Quint qui visent à lutter contre
l’apparition du protestantisme.
2
Dès lors, une question se pose : dans quelles mesures Christine de Lalaing, princesse
d’Epinoy, acquiert-elle cette renommée de princesse guerrière au point d’être la première
femme honorée par une statue de cette ampleur en Wallonie ?

Afin de fournir un travail sérieux, nous nous sommes tournées vers la Bibliothèque de
Tournai pour nous documenter. La recherche de sources est sans doute l’étape la plus
compliquée de ce travail. Effectivement, le sujet concerné est quelque peu démuni de sources
puisqu’il s’agit d’une femme et, qui plus est, qui habite en Hainaut.

De prime abord, nous avons décidé d’évoquer la source de son influence. Son contexte
familial participe en effet à l’essor de ses convictions et au pouvoir décisionnel qu’elle a eu.
Ensuite, nous nous sommes concentrés sur son combat politique qui se développe sous
plusieurs aspect. Enfin, nous terminons sur l’événement à l’origine de sa réputation de
« princesse guerrière » ; le siège de Tournai en 1581.

L’héroïsme de son histoire a cependant des limites et a été l’objet de controverses, tant
religieux que politique. Cet aspect moins glorieux mais tout de même intéressant ne sera pas
laissé aux oubliettes.

Eva Deham et Lisa Mercier

3
1. Un destin prometteur

Au vu de son contexte familial, il parait évident que l’avenir de notre princesse était tracé
depuis longtemps. Cela s’illustre tout d’abord par ses ainés, titulaires de plusieurs titres et
fervente défenseuse des droits et libertés mais également par son mariage qui renforce son
autorité et son assise politique.

1.1. Une famille pleine d’influence

L’étymologie de « Lalaing » est issue du celtique ; Laech, qui signifie bas, et Len, étang, ce
qui donne « étang peu profond ». En effet, Lalaing, avant de devenir une famille, était une
région qui se situait dans l’actuel département du Nord, entre Valencienne et Douai, au bord
de la Scarpe, ce qui formait un lieu stratégique de défense. Le premier « de Lalaing » connu
est Gerald de Forest, seigneur, qui s’y installe avec sa famille vers 1198.

La maison de Lalaing est l’une des plus anciennes et illustres des Pays-Bas. À l’époque de
Christine de Lalaing, la famille comptait plusieurs chevaliers de la Toison d’Or, sept grands
baillis du Hainaut et trois stathouders de Hollande. La Toison d’or est un titre honorifique
réservé aux nobles et la fonction de bailli et de stadhouder sont des rôles haut-placés en
politique. La famille possédait en outre une armoirie qui comporte une gueule à dix losanges
d’argent. L’écu est timbré de la couronne comtale et le cimier est composé de deux griffons
d’or.

En 1545 nait Christine de Lalaing au château de Bailleul à Condé. Elle est la fille de Charles
II, comte de Lalaing, baron d’Escornaix et de Montigny, chevalier de la Toison d’or,
seigneur de Wavrin, de Bracle, sénéchal et amiral de Flandre et gouverneur du Hainaut. Sa
mère était la fille du seigneur de Nevèle, Marie de Montmorency. Son frère, Philippe II, n’a
d’autre comme parrain que le fameux Charles Quint. Depuis déjà trois générations, la
famille de Lalaing entretient des liens étroits avec l’empereur. Leur grand-père, Charles I de
Lalaing, était le conseiller-chambellan2 de Charles Quint et c’est ce dernier qui lui a donné le
titre de comte de Lalaing. Le prestige de l’entourage de cette femme démontre qu’elle n’était
pas destinée à rester dans l’ombre.

2
Un Chambellan est un officier de cour qui était chargé de tout ce qui concernait le service intérieur de la
chambre d'un souverain. (Source : Larousse)

4
Comme il sera abordé plus amplement par la suite, Christine de Lalaing est empreinte d’une
idéologie patriotique très forte. Celle-ci pourrait être le fruit de son père. En effet, celui-ci
appartient à un petit groupe de mécontents du règne de Philippe II d’Espagne. Aussi, il a été
d’une grande aide pour la rédaction des remontrances qu’Emmanuel-Philibert de Savoie a
adressé au successeur de Charles Quint. Malgré ses titres et les missions importantes qui lui
ont été confiées, il ne perdait pas à l’esprit  « son attachement profond aux intérêts
nationaux »3. Il est également dit que le comte profitait de son titre de gouverneur général
intérimaire pour jouer un rôle d’autant plus actif dans l’opposition.

1.2. Une vengeance personnelle

Par sa mère, Christine de Lalaing était la nièce de Philippe et de Floris de Montmorency


dont les destins sont tragiques. En effet, ils sont morts tous deux des mains de l’intolérance
religieuse de Philippe II.

Revenons tout d’abord sur les circonstances de leur mort.

Vers les années 1565, le comte d’Hornes, Philippe de Montmorency, est chargé par la
duchesse de Parme d’employer son influence pour contenir et satisfaire, dans certaines
limites, les protestants qui constituaient les cinq sixièmes de la ville de Tournai. Il s’acquitte
loyalement de sa tâche mais sa tolérance face aux calvinistes est blâmée par la Cour de
Bruxelles. Le comte d’Egmont et lui sont accusés de crime de lèse-majesté par la Cour de
Bruxelles. Ils seront exécuté le 5 juin 1568 sur la Grand-Place de Bruxelles.

Aujourd’hui encore, ces deux martyrs sont considérés comme des héros « ayant affronté, au
péril de leur vie, le despotisme et l’intolérance religieuse ».

Quant à Floris de Montmorency, lui aussi fait preuve d’une grande tolérance à l’égard des
protestants et il le paie de sa vie. Il se rend en Espagne pour discuter avec Philippe II de la
situations des Pays-Bas. Celui-ci, au lieu de le renvoyer aux Pays-Bas pour l’exécution de sa
peine, le tue secrètement par strangulation dans la forteresse de Simancas en 1570. Philippe
II répand ensuite la rumeur que le baron de Montigny avait succombé à sa maladie.

Au moment des faits, Christine de Lalaing avait une bonne vingtaine d’années. Elle qui était
très attachée à ses oncles, montre un dévouement particulier à leur mémoire. Très tôt, elle
3
A. LOUANT, « Charles de Lalaing et les remontrances d'Emmanuel-Philibert de Savoie (juillet et novembre
1556). Documents pour servir à l'histoire du début du règne de Philippe II dans les anciens Pays-Bas »,
In : Bulletin de la Commission royale d'histoire. Académie royale de Belgique. Tome 97, 1933. p. 258.

5
apprend à maudire la domination espagnole et à glorifier la mémoire des victimes de
Philippe II. Ainsi, de par son histoire familiale, elle était devenue anti-espagnole.

1.3. Un mariage d’autorité

Le 2 juillet 1572, Christine de Lalaing épouse Pierre de Melun, prince d’Epinoy, Elle
devient alors la princesse d’Epinoy. Son époux était aussi le baron d’Antoing, de
Wallincourt et de Werchin, le marquis de Richebourg et le sénéchal du Hainaut.

En 1579, le prince d’Epinoy est nommé gouverneur de Tournai et superintendant de


Tournai, Tournaisis, Valenciennes, Bouchain, Landrecies et Cambrai. Ses titres lui confèrent
les pouvoirs les plus amples tels que le remplacement des magistrats qui paraissaient
suspect, la libre taxation, etc. Il poursuit deux buts dans sa politique : le premier est
d’assurer la tranquillité dans sa ville, le deuxième est de repousser les attaques des alliés
d’Alexandre Farnèse qui tente d’imposer la domination de Philippe II.

Pierre de Melun se distingue par son zèle et sa fidélité. Christine de Lalaing, quant à elle,
exprime sa conviction de seconder son mari dans sa « noble, vertueuse et patriotique
résolution »4. Connaitre avec certitude la base de leur relation à cet égard est impossible
mais, au vue de l’influence de certaines dames sur leur époux à cette époque, il est possible
que Christine de Lalaing ait recours au Prince pour faire valoir ses idées. Ce qui est toutefois
certains, c’est qu’ils partagent les mêmes opinions sur la domination espagnole et sur la
liberté de culte. Ils sont aussi très obstinés. En effet, Pierre est devenu l’ennemi déclaré du
Duc de Parme et a décidé de lui faire une guerre continuelle jusqu’à ce qu’il se lasse.
Malheureusement, sa lassitude est la cause du siège de Tournai, ce que le prince n’avait pas
prévu. Christine de Lalaing, elle, a persévéré à combattre lors du siège.

Le couple est sur la même longueur d’onde sur plusieurs sujets et, lorsque l’un s’engage
officiellement, l’autre le suit. De tel faits sont remarquables, par exemple, quand Pierre
promet de protéger sa ville et d’y rester fidèle et que, lorsque l’occasion s’y prête, Christine
de Lalaing se donne corps et âme -ou plutôt, cœur et armes-, à la défense de sa ville.

2. Une pionnière des libertés

Par son combat, Christine de Lalaing est une précurseure de l’article II de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de

4
Th. JUSTE, Christine de Lalaing, princesse d’Epinoy, Bruxelles, Lacroix, 1861, p. 9.
6
toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de
toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation. »5

Le combat politique mené par Christine de Lalaing et son époux se caractérise par trois
aspects bien qu’il concerne, dans le fond, la lutte contre l’absolutisme et la tolérance des
protestants.

2.1. Un patriotisme inébranlable

D’abord, Pierre et Christine sont dotés d’un patriotisme très puissant. Ils appartiennent au
parti national qui siégeait à Anvers. Ce parti a pour but de maintenir l’union des états
généraux en lui donnant pour base la paix religieuse. Le parti national est composé de
catholiques et protestants formant la majorité des habitants des Pays-Bas. Les époux sont
convaincus que l’union des catholiques et protestants est essentielle à la conservation du
pays et à la lutte contre la tyrannie espagnole. Cette alliance existe un moment mais est
rompue par l’influence de Philippe II. Cependant, Pierre et Christine restaient inébranlables
dans leur fidélité à la cause fédérale. Ils savent résister aux menaces, aux « suggestions » et
aux promesses venant à la fois des autorités espagnoles que des autorités ecclésiastiques.

Pierre de Melun avait d’ailleurs juré fidélité aux Etats généraux : « Je désire me maintenir
avec mes soldats en l’union des états jusqu’à ma mort »6. Ce serment est également respecté
par Christine de Lalaing lors de la capitulation, lorsqu’elle refuse de rejoindre de camp de
Farnèse pour rester dans sa ville. Elle préfére « mourir au rempart »7 plutôt que
d’abandonner la cause qu’elle pense juste.

2.2. Rébellion contre les autorités religieuses

Christine de Lalaing et Pierre de Melun sont tous les deux de bons catholiques. Cependant,
ils se sont bornés à respecter la Pacification de Gand8 de 1576. En effet, bien que les
espagnols proscrivent et exterminent les protestants, ils les accueillent tous les deux avec
bienveillance. Un asile pour tous les protestants bannis des provinces soumises fut même
ouvert. Au-delà de leurs convictions, Christine de Lalaing voit en eux des alliés sur lesquels

5
J.-J. SOURDEAU, Notre statue de la Liberté : Christine de Lalaing, Princesse d’Espinoy, Tournai, J.J.
Sourdeau, 1998, p. 37.
6
Th. JUSTE, op cit, p. 12.
7
Th, JUSTE, Ibidem, p. 26.
8
Texte ratifié le 8 novembre 1576 qui « appelait les Etats-généraux à diriger le soulèvement provoqué par la
tyrannie espagnole ».
7
s’appuyer pour se défendre contre l’armée du roi. Cet aspect témoigne à la fois du partage
du pouvoir entre les époux et de l’intelligence militaire dont la princesse d’Epinoy est dotée.

Leur tolérance profonde est très critique de la part des catholiques, et encore pendant des
siècles. Pourtant, elle ne manifeste pas un désintéressement à la religion catholique. Déjà, le
culte catholique est le plus dominant dans la ville et il était le seul à être autorisé d’être
exercé publiquement. Certains catholiques vont à l’encontre de l’autorité du gouverneur
mais celui-ci ferme les yeux pour ne point les sévir. De plus, les époux participent aux
offices solennelles dans la cathédrale. Christine de Lalaing, est et restera cependant une
fervente catholique jusque dans sa tombe.

Ils sont donc menacés ou « simplement » conseillé par les catholiques de rejoindre le parti
de Philippe II. Le clergé tente à plusieurs fois d’ébranler la fidélité du prince et de son
épouse, en vain. Tantôt par la visite de l’archidiacre Cotreau, tantôt par une requête
d’ecclésiastiques importants comme l’évêque de Tournai.

2.3. Lutte contre l’absolutisme espagnol

L’arrivée des espagnols au pouvoir signe le début des troubles. Quand Charles Quint
abdique, son fils prend le contrôle du territoire et a poursuivis sa politique. La direction de
nos régions était laissée à Marguerite de Parme, la demi-sœur de Philippe II, en 1559. Avant
que Pierre de Melun ne soit aux commandes de la ville de Tournai, les peines de morts
pullulent. En 1581, Tournai fait partie des places importantes qui résistent à l’envahisseur
espagnol, par le biais d’Alexandre Farnèse. Celui-ci, envoyé du roi, doit s’emparer des
places restantes et imposer l’absolutisme. L’essentiel des règles sont dirigées contre les
hérétiques. D’ailleurs, dans une lettre au pape, le roi aurait affirmé « qu’il préférait mourir
plusieurs fois plutôt que d’être le seigneur des hérétiques »9. Face aux menaces venant de
toute part, Melun sait toujours s’en sortir, appuyé par son épouse qui est anti-espagnole.
Quand les magistrats encouragés par les émissaires de Farnèse ou par les lettres de Philippe
II lui proposent de suivre l’exemple des provinces wallonnes et de se détacher des états
généraux, le gouverneur répond de manière évasive, qu’il n’a pas l’intention de perdre la
ville ni le pays de Tournaisis.

9
FUKS R., Bonjour, Belgique !, Bruxelles, Meddens, 1983, p. 83.
8
Les tentatives des agents d’Espagne sont vaines, tant il était impossible pour le couple
princier d’abandonner la cause fédérale. Lors du dernier essai, Farnèse et ses conseillers
utilisent la mère du prince, Yolande de Werchin pour le faire flancher. Cette dernière
demande une entrevue avec son fils et en profite pour lui présenter Jean Richardot, un
conseiller du duc de Parme. Il lui présente ses arguments mais le prince décline gentiment.

3. Une princesse guerrière

3.1. La résistance tournaisienne

Les Etats-généraux confient à Pierre de Melun les ordres de la cavalerie, ce dernier est
appelé à défendre la West-Flandre le 15 septembre 1581. Il sort donc de Tournai avec
presque toutes les troupes dont il dispose. Il confie la défense de la ville à François Divion,
seigneur d’Estrayelles et à son épouse. Apprenant la nouvelle, Farnèse prend la résolution
d’investir Tournai. C’est ainsi que le 5 octobre, 16.000 fantassins et 5.000 chevaliers se
trouvent devant Tournai. La plupart des troupes sont wallonnes et parmi les chefs, on
compte Emmanuel de Lalaing et Robert de Melun, respectivement le frère et le beau-frère de
la princesse d’Epinoy. De l’autre côté, se trouvent environ 500 hommes de troupe et 300
hommes de serment. Bien que minoritaire de nombre, le siège n’est pas aussi facile que
l’avait prévu Farnèse.

Du point de vue militaire, la défense est assurée par le seigneur d’Estrayelles. Du point de
vue logistique et moral, c’est Christine de Lalaing qui s’en charge. Par son attitude, elle
galvanise les Tournaisiens qui avait décidé de lutter. Femmes et enfants sont mobilisés pour
la réparation des remparts, apportant toute matière capable d’obturer les brèches. Certaines
femmes, prises d’inspiration par la guerrière, jettent des pierres sur l’ennemi.

Tout au long du siège, Farnèse a fait parvenir des demandes de redditions aux assiégés. Les
catholiques tournaisiens supplient également la princesse de capituler. Christine de Lalaing
n’obtempère pour autant et refuse à chaque fois. Elle aurait affirmé « qu’elle se ferait plutôt
couper par pièces que de se soumettre aux étrangers »10 et, pour prouver sa détermination,
aurait mis le feu au canon sur les remparts du château.

Le baron de Montigny, son frère qui combat dans l’armée ennemie, l’aurait à nouveau
supplié de se rendre. La princesse aurait alors retorqué « qu’elle n’abandonnerait point une

10
Th. JUSTE, op cit, p. 27.
9
cause qui était juste, qu’elle avait le bon droit pour elle et qu’elle plaçait sa confiance en
Dieu »11. 

En outre, Christine de Lalaing aurait imaginé un rempart de gazon et de terre pour renforcer
la muraille. Elle ne craignait pas non plus de se mêler aux troupes, ce qui lui vaut une
blessure au bras. Avant l’assaut, elle aurait tenu une courte allocution à l’intention des
résistants qui défendaient leur ville corps et âme : « C’est moi, c’est la femme de votre
gouverneur qui démarche à votre tête et sait braver la mort pour le service de la patrie.
Suivez mon exemple, je quitterais plutôt la vie que la brèche »12.

Ces quelques affirmations témoignent de la persévérance de la princesse d’Epinoy et de son


implication en tant que guerrière. Malheureusement, bien que ses efforts ont permis de
trainer en longueur le siège, qui dure deux mois, ils ne sont pas suffisant pour en venir à
bout. En effet, le fardeau de la résistance est devenu l’affaire des protestants. Les
catholiques, eux, sont divisés entre se joindre aux calvinistes tandis que d’autres n’osent
résister à Philippe II. La capitulation est donc inévitable d’autant que les consaux 13, le
conseil de guerre et les notables sont de cet avis.

Ainsi, Tournai est contraint de capituler le 30 novembre.

3.2. Une digne capitulation

Le 30 novembre 1581, Tournai est donc livré pour la 12e fois à un gouvernement étranger.
L’acte de la capitulation accordée par le duc de Parme prévoye plusieurs dispositives en
faveurs du peuple. De ce fait, la princesse et le Seigneur d’Estrayelles sont autorisés à sortir
de la ville avec tout leur train, les capitaines, officiers et soldats peuvent se retirer avec leurs
enseignes, armes, biens, etc., les bourgeois sont libres de demeurer dans la ville, ou d’y
partir, et les blessés et malades, lorsqu’ils se porteraient mieux, jouiraient des mêmes
bénéfices que leurs compagnons et seraient conduits par convoi jusqu’à ce qu’ils soient hors
de danger. En compensation, les habitants doivent payer 200.000 florins.

Le texte stipule, en outre, que Farnèse veut gratifier et honorer la princesse en tout endroit.
Christine de Lalaing, n’est pas attendrie par ces bonnes intentions. Avant de partir, elle va

11
Th. JUSTE, ibidem, p. 27.
12
F.-J. BOZIERE, La princesse d’Epinoy et le siège de Tournai en 1581, Tournai, A. Delmée, s.d, p. 8.
13
Assemblée qui regroupe quatre consistoires, composé de prévôts, de maïeurs, d’échevins, d’éwardeurs, de
doyens et sous doyens et qui forment l’autorité communale à Tournai. Ils siègent à la Halle des Consaux,
aujourd’hui disparue.
10
saluer, « le cœur bien gros », le prince et se retire, « moins en vaincue qu’en victorieuse ».
L’intégralité de l’acte se trouve en annexe.

Plus tard, on apprendra que son frère est venu lui rendre visite après la capitulation. Elle lui
aurait dit : « […] j’eusse mieux aimé une mort sanglante, j’eusse mieux aimé me faire brûler
au milieu de la ville incendiée dans tous ses quartiers que de venir au point de la rendre ». Il
l’aurait par ailleurs, essayer de la persuader de rester dans la ville et de convaincre le prince
de Melun d’abandonner le parti des Etats et de se réconcilier avec le roi. Même dans son
malheur, elle refuse cette offre, ses convictions plus fortes que sa situation. Christine de
Lalaing se dirige d’abord à Audenarde puis se retire à Gand et meurt en 1582.

3.3. Un hommage monumental

Tournai a toujours été fier de « sa princesse ». En 1837, le Conseil communal avait décidé
de baptiser une rue nouvellement construite du nom de la princesse ; il s’agit du Boulevard
Lalaing. Une autre rue de ville aux cinq clochers porte également son nom ; la rue
d’Espinoy. C’est dans cette rue qu’elle aurait prouvé sa valeur.

Toutefois, la plus belle glorification qui demeure à Tournai reste bel et bien la fameuse
statue. Située au cœur de la Grand-Place, elle y trône depuis le 21 septembre 1863. À ce
moment-là, la Belgique, jeune Etat, s’efforce à faire revivre les gloires nationales en mettant
en évidence les héros du passé. La tâche est confiée à un sculpteur tournaisien, Aimable
Durieux. Cette statue de 6m50 est coulée de bronze et pèse 2.200 kg. Elle a néanmoins été
l’objet de contestation de la part des autorités cléricales. L’évêque a même ordonné de
détourner le cortège de la procession pour ne plus passer devant la princesse, ce qui a été le
cas pendant plusieurs années. Les raisons sont officiellement la main tendue vers la
cathédrale et le fait que Christine de Lalaing est considérée comme une « icône de la
Réforme ».

D’un autre registre, Christine de Lalaing est aussi l’objet d’une cantate écrite par Adolphe
Le Ray et Amédée Dubois14 en 1863 pour l’inauguration de la statue. Les paroles sont très
épiques et non contemporaines mais le fond du texte exprime bien l’opinion qui traverse les
textes anciens et l’idée actuelle que les tournaisiens ont sur la princesse. Ainsi, on retrouve
des vers tels que : « Honneur, honneur à l’héroïsme ! A celle qui du despotisme déchira le
honteux drapeau ! », ou encore : « Elle allait soufflant dans les rangs, l’audace dans sa voix
magique ! Et la multitude énergétique, jeunes et vieux, petits et grands, comme dans un
14
Cfr Annexe 2
11
ouragan vers la brèche, montait [sic] grondant de toutes parts ! Elle debout sur les remparts,
des canons allumait la mèche ».

3.4. Héroïsme avéré ou contesté ?

Les points ci-dessus démontrent l’héroïsme de la princesse d’Epinoy, mais tout le monde
n’est pas du même avis, ou du moins, pas dans cette mesure si extrême.

En effet, certains cherchent à salir la réputation de la princesse. Strada et Poutrain, deux


historiens respectivement italien et belge du XVIe et XVIIe siècles, affirmeraient que
Christine de Lalaing aurait emporté toute l’argenterie de la cathédrale et les richesses de la
ville sur des bateaux et que le duc de Parme les avait fait ramener. Cette anecdote ne se
retrouve pourtant dans aucun autre document. Discerner le vrai du faux est compliqué mais
il est probable, au vue de lien avec la religion, que cette information soit fausse. En effet,
Famien Strada est un jésuite et Poutrain, catholique, aurait écrit Histoire de la Ville et Cité
de Tournai dans lequel on retrouve l’accusation de vol, sous la protection du chanoine
Waucquier.

Un autre jésuite, dont le nom est inconnu, accuse la princesse d’avoir essayé de voler la
vaisselle et l’argenterie non monnayée du clergé. Il pourrait s’agir d’une mauvaise
interprétation d’une ordonnance du 17 octobre 1581 qui demandait aux habitants de déposer
leur vaisselle pour en faire une monnaie obsidionale. Christine de Lalaing ne s’est jamais
occupée des ordonnances et à elle-même sacrifier sa propre vaisselle.

Son rôle héroïque a aussi été contesté. D’abord par le fait que les registres des Consaux de
Tournai ne le mentionnaient pas. Cependant, la princesse d’Epinoy n’aurait pas pu prendre
part aux délibérations puisque son rôle ne le permettait pas. Aussi, son aide était volontaire,
pas officielle.

Ensuite, une peinture, bien que postérieure aux faits, démontre du contraire de ce qui est dit
sur la princesse. En effet, cette œuvre de Gustave Wappers illustre une dame parée d’atouts
qui n’ont rien de militaire qui « harangue les défenseurs tournaisiens »15. Elle pourrait
représenter la réalité, mais rien n’est certain. En annexe se trouve ladite peinture.

15
L.-D. CASTERMAN, « Christine de Lalaing : Tournai ou Antoing ? », Pasquier Grenier ASBL, s.l., 2010,
n°102, p. 25.

12
4. Annexes

13
ANNEXE 1 : Les armoiries de la famille de Lalaing (source : www.lalaing.be)

ANNEXE 2 : Cantate d’Adolphe Leray et Amédée Dubois en 1863.


F.-J. BOZIERE, La princesse d’Epinoy et le siège de Tournai en 1581, Tournai, A. Delmée,
s.d, p. 14 et 15.

14
ANNEXE 3 : acte de capitulation
accordé par Alexandre Farnèse en
1581.

J.-J. SOURDEAU, Notre statue de la Liberté : Christine de Lalaing, Princesse d’Espinoy,


Tournai, J.J. Sourdeau, 1998, p. 43 à 45.

15
ANNEXE 4 : La princesse d’Epinoy de Gustave Wappers

ANNEXE 5 : La prise de Tournai de Romain de Hoogh, fin 17e siècle.

16
5. Bibliographie
Ouvrages :

BOZIERE F.-J., La princesse d’Epinoy et le siège de Tournai en 1581, Tournai, A. Delmée,


s.d.

CASTERMAN L.-D., « Christine de Lalaing : Tournai ou Antoing ? », Pasquier Grenier


ASBL, s.l., 2010, n°102, p. 24 à 25.

FUKS R., Bonjour, Belgique !, Bruxelles, Meddens, 1983.

GODDING Ph., « Statuaire, histoire et politique au 19e siècle », In : Bulletin de la Classe
des lettres et des sciences morales et politiques, tome 8, n°1-6, 1997.

JUSTE Th., Christine de Lalaing, princesse d’Epinoy, Bruxelles, Lacroix, 1861.

LIEBERT J.-J.-Ph., La princesse d’Espinoy, ou, Le siège de Tournay : drame historique en


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