ANALYSE : CREATIVE COMMONS ET JDR

CASUS BELLI
black-book-editions.fr
CASUS BELLI

#45 AUTOMNE 2023

Le magazine de référence des jeux de rôle

Hunter l Égrégore l Beyond the Wall

Les mystères d’Oxford

DOSSIER
JRR TOLKIEN

SCÉNARIOS : COC, COG, Hawkmoon, L’Anneau Unique, Laelith

ON RECHERCHE DE NOUVEAUX AVENTURIERS…

WWW.BLACK-BOOK-EDITIONS.FR

ISBN : 978−2−38227−591−7 Prix : 14,90€

 ON EST ASSEZ
FIERS DU TITRE
4 AVENTURES POUR LE JEU DE RÔLE DU GRAND COMPLOT FÉLIN !
VOUS MANQUIEZ D’ESPACE ?
TOUS LES GENRES DE LA SF !

DISPONIBLE !
 ÉDITO
Tolkien forever

I
 l y a cinquante ans, quasiment jour pour jour, le 2 septembre 1973, John Ronald
Reuel Tolkien s’éteignait à l’âge de 81 ans et rejoignait les halls de Mandos pour
l’éternité. Étant né quelques jours plus tard, j’aime à penser que son esprit m’a
effleuré au passage, me communiquant en partie son amour des langues, de la
mythologie nordique et de la Terre du Milieu (mais clairement pas des arbres !). La
réalité, c’est que le professeur Tolkien fait partie de ceux qui ont contribué à faire
de la fantasy ce qu’elle est aujourd’hui ; et ainsi, nombre de rôlistes ont pu être
touchés par son œuvre littéraire ou par les films qui en ont été adaptés.
Tolkien est l’un des précurseurs de la fantasy, et surtout, il est de ceux qui ont
marqué l’histoire en créant un univers fictif profond et riche, probablement l’un
des plus riches qui aient été créés en littérature. Pour lui rendre hommage, Casus
Belli a décidé de lui consacrer une partie de ses pages, le faisant apparaître dans un
scénario, se penchant sur la façon dont il a créé certains peuples, présentant sous
un jour un peu fantastique la ville d’Oxford où il a longtemps vécu et enseigné, etc. RÉABONNEMENT
Et nous ne pouvions passer à côté de l’occasion de le mettre à l’honneur en couver‑
ture grâce à la magnifique illustration réalisée par Xavier Beaudlet pour le festival
EN VUE ! 
Étrange Grande (les 16 et 17 septembre 2023 à Hettange‑Grande), dont nous vous
parlions dans notre précédent numéro. Pour tous les abonnés du
Et même si en réalité, les halls de Mandos n’existent pas, et qu’il ne peut pas numéro 39 à 44, il est l'heure
nous lire, nous voulions tout simplement lui dire : « merci professeur ! » de se réabonner. Nous vous
invitons à aller en page 5 et
Marc Sautriot et la rédaction de Casus Belli à découvrir dès maintenant
notre offre !

EN DIRECT |1
2 | EN DIRECT
EN DIRECT
En direct - Édito1
En direct - Sommaire2
En direct - Buzz mon rôliste 6
ACTUALITÉ
Actualités - Nouvelles du front 8 Critique - Polskar, le jeu d’expéditions 50
Actualités - Nouvelles d’ailleurs 26
Casus Belli est édité par Black Book Éditions, 12 rue Jean
Carmet, 69 800 Saint Priest, www.black‑book‑editions.
fr. N°45, automne 2023. Directeur de publication David
Burckle, Responsable de la rédaction David Burckle, Comité
de rédaction Pierre Balandier, Laurent Bernasconi, David
Burckle, Julien Dutel, Géraud Gourjon, Didier Guiserix,
Tristan Lhomme, Philippe Rat, Marc Sautriot Secrétaire
de rédaction Marc Sautriot Assistantes d’édition Louise
Chalier et Chloé Halnais Création graphique Damien Coltice
& Romano Garnier Maquette Romano Garnier Relecture
Loïs‑Emmanuel Meyer.
Ont participé à ce numéro :
Auteurs et relecteurs (le Gang Casus) : Timothée Aubry,
Pierre Balandier, Olivier Caïra, Anthony Cala, Fabien Cerutti,
Slawick Charlier, Yannick Chazareng, Arnaud Cuidet, Olivier
Durand, Julien Dutel, Sébastien Fajal, Alexis Flammand,
Sylvain Forge, Jean‑Philippe Jaworski, Lionel Marty, François
SOMMAIRE
CRITIQUES
Critique - Hunter : le Jugement 38
Critique - Mechatron42
Critique - Tales of the red 43
Critique - Le Troisième Parallèle 44
Critique - Seattle, cité d’émeraude 46
Critique - Le Compagnon du Sixième Monde 47
Critique - À tombeau ouvert 48
Critique - premiers pas dans les ténèbres 49
Critique - Le Caveau des abominations 54
Critique - Le Guide des ascendances... 55
Critique - Beyond the wall 56
Critique - Seconde Inquisition 60
Critique - La Prophétie de Vélas /
Le Dernier Bastion 61
Critique - L'Empire Minoen 62
Critique - Égrégore64
Critique - La Bannière de la liberté 68
Niedercorn, Olivier Halnais, Romain d’Huissier, Juan
« Nurthor le Noir » Lagrange, Tom Le Goareguer, Steve Luga,
Grégoire Macqueron, Mélina Mandon, Romain « Belaran »
Pelisse, Philippe Pinon, Benoît Ramos, Clément Ruby, Ciro
Alssandro Sacco, Marielle Sarran, SLM, Adrien Saurat, Marc
Sautriot, Florian Turchet, Marilys Vallet
Image de couverture : Xavier Beaudlet, affiche du
festival Étrange Grande, avec l’aimable autorisation des
organisateurs – le festival se tient à Hettange‑Grande
(Moselle) les 16 et 17 septembre 2023, avec le soutien de la
Communauté de communes Cattenom et environs (CCCE).
Illustrateurs, cartographes et photographes : Guillaume
Albin, Xavier Beaudlet, Marianne Bergeonneau, Anthony
Boursier, Augustin Rogeret, Josselin Grange, Didier Guiserix,
Mathilde Marlot, Meo, Laurent Miny, Mélanie Planquelle, Tod.
Toutes les illustrations sont © leurs auteurs et leurs éditeurs.
Les manuscrits et illustrations non sollicités ne sont pas renvoyés.
ÉTAGÈRE DU RÔLISTE AIDES DE JEU
L'étagère - Guide de Tolkien Aide de jeu - Les mystères d’Oxford 178
& Hommage à J.R.R. Tolkien 72 Aide de jeu - Les thèmes de Tolkien 196
L'étagère - Something is killing the children 74 MJ Only - Le voyage 200
L'étagère - Baldur’s gate 3 76 Analyse - Utilisation des Creative commons 204
L'étagère - Lies of P 77
L'étagère - Earthborne Rangers 78
L'étagère - Spellbook 79
L'étagère - Frimaë la rôliste 80
RÉTRO
Archéo-rôlisme - Le Seigneur des anneaux 210

SCÉNARIOS
Scénario - Bienvenue à Fédor
(CO Contemporain) 86 MAGAZINE
Scénario - Le dernier voyage du Bellérophon
Tolkien - Les Rohirrim, seigneurs des chevaux 216
(CO Galactiques) 106
Tolkien - Les nains 220
Scénario - Tolkien au service de Sa Majesté
Tolkien - Les elfes de la Terre du Milieu 226
(CO Contemporain) 120
Hommage - Tolkien et moi 230
Scénario - Des ombres de l’âge d’Or
Nouvelle - La Sapologie 238
(Hawkmoon) 136
Enquête - J.R.R. Tolkien au collège 241
Scénario - Un message pour Thranduil
Interview - Pauline Loquin 244
(L'Anneau Unique) 150
Enquête - « Prof de JdR » 250
Scénario - L’Ogre de Coraz (Laelith) 164
Prochainement - Dans casus Belli n°46 254
BD - Le casus Blub 256

Toutes les illustrations originales et les noms des produits
mentionnés sont la propriété pleine et entière de leurs auteurs
et éditeurs respectifs. Toute reproduction ou diffusion, même
partielle, est interdite sans accord écrit de l’éditeur.
Remerciements. Tous les éditeurs et professionnels
qui jouent le jeu, Urban Comics, Lisa Stevens, Maxime
Chattam, Florent de Scriptarium, Xavier de Oh My Game,
Margaret Weis Productions, Charles de Trollune et les
orgas d’OctoGônes, Julien De Jaeger & Di6dent, Le Grümph
et Emmanuel Gharbi, Sébastien Boudaud et le Grimoire,
Stéphane Bogard et la Edge team, Erik Mona et Paizo
Publishing, la communauté du site Pathfinder‑FR, Neko
et Florrent, 7e Cercle, A.K.A. Games, Gary Gygax et Dave
Arneson, Jawad et le Département des Sombres Projets,
Florian et Stéphanie des éditions Bragelonne, Sébastien
Célerin et les XII Singes, Laurent Rambour de LETO, Hicham
et Romain d’Open Sesame Games, Shane Hensley pour
Pinnacle, Batronoban, Studio Deadcrows, Studio Agate,
Arkhane Asylum Publishing, Sophie et Nazir
de Bamboo, Simon et Coline d’Antre Monde, le
festival Étrange Grande et la CCCE.
Abonnements. Pour vous abonner ou pour tout
changement d’adresse de votre abonnement, écrivez
à : info@casus‑belli‑mag.fr ou à
Black Book Éditions,
12 rue Jean Carmet 69 800 Saint Priest
Tarifs abonnement 59,60 € pour la France.
Autres pays : nous consulter.
Publicité Marc Sautriot (marc@black‑book‑editions.fr)
Numéro ISBN (PDF) : 978−2−38227−586−3
Numéro ISBN (papier) : 978−2−38227−591−7
Dépôt légal août 2023. Imprimé en UE.
Pour contacter la Rédac info@casus‑belli‑mag.fr
Retrouvez‑nous sur le site www.black‑book‑editions.fr et
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BUZZ MON RÔLISTE

Rôlistes hypés, cette rubrique est faite pour vous

Le meilleur (et le pire) des réseaux

D&D
dans Le Monde
Il n’a échappé à personne que
D&D était le jeu de rôle le plus pra‑
tiqué dans le monde. L’objet de ce
billet n’est donc absolument pas
de savoir quelle est la place de D&D
dans le monde, mais de signaler à
ceux d’entre vous qui ne l’ont pas
vu cet été, que D&D était dans Le
Monde. Oui, le fameux quotidien
national, une référence en matière
de journalisme !
En effet, une série de six ar‑
ticles d’une page chacun a été
publiée entre le 25 et le 31 juillet
dernier, illustrés avec talents par
Vincent Roché. L’auteur, Julien
Laroche‑Joubert, directeur des
relations avec les plateformes nu‑
mériques du Monde et lui‑même
rôliste, y analyse des périodes
clé de la vie du plus ancien des
jeux de rôle, depuis sa naissance
jusqu’à l’épisode de l’OGL Gate. Il
y évoque bien sûr les personnali‑
tés qui ont exercé une influence
sur le développement du jeu (Gary
Gygax, Dave Arneson, Lorraine
Dille Williams) ainsi que les hauts
et les bas du jeu de rôle, de la
chasse aux sorcières des années
80 à 90 jusqu’à la reconnaissance
« post‑Stranger Things ».
Marc Sautriot

Copyright Le Monde / Articles : Julien Laroche‑Joubert /

Illustrations : Vincent Roché

Erratum
Psycho‑Scribe –
Casus Belli 44
La guerre de Vendée
À la suite de certains retours,
j’ai réalisé avoir employé de façon
inadaptée l’expression « génocide
vendéen » dans mon article « La
vie sous le directoire ». Il n’était
pour moi aucunement question
de revendiquer une quelconque
position politique sur le sujet, et
encore moins laisser entendre
que Nota Bene cautionnait cette
expression. Comme vous pourrez
le constater en regardant sa vidéo
passionnante (https : //www.you‑
tube.com/watch ? app=desktop&
v=MAqlECcfzHY&t=620s), il décrit
la guerre de Vendée comme une
guerre civile au cours de laquelle
des crimes de guerre ont été perpé‑
trés, mais explique qu’on ne peut
pas lui appliquer le terme « géno‑
cide », qui répond à une définition
précise dans laquelle le massacre
des Vendéens ne rentre pas.
Il était malvenu de ma part d’uti‑
liser cette expression afin de pré‑
senter un épisode de la Révolution
française du point de vue des
royalistes sans que ce soit expli‑
cite. Le format de l’encadré m’a
amenée, en voulant être concise,
à commettre une maladresse qui
n’est en rien le reflet de ma pensée.
Je suis navrée si mes propos ont
pu choquer ou laisser à penser que
je puisse prendre parti. Les articles
de « Psycho–Scribe », et je ne man‑
querai pas de le préciser dans les
futurs numéros, explorent l’his‑
toire sous divers prismes, en es‑
sayant d’être le plus neutre et ou‑
vert possible. Exercice dans lequel
je dois encore me perfectionner.
Marielle Sarran
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8 | ACTUALITÉS

ACTUALITÉ (VF)

NOUVELLES DU FRONT
La trêve estivale ne concerne que notre vie professionnelle. Tout rôliste qui se respecte
en profite pour acheter, lire, fantasmer sur ses dernières acquisitions… et peut‑être jouer
un peu entre la baignade, la randonnée et les grillades ! Voyons un peu ce que nous nous
ont concoctés nos éditeurs préférés pour occuper l’été.

LES XII SINGES / ARCANE XV

Méphisto fait son cinéma

Michaël Maurat (Man in the
Maze) revient avec une nouvelle
campagne, annoncée comme
un thriller occulte dans la droite
lignée du Club Dumas d’Arturo
Pérez‑Reverte et de son adap‑
tation cinématographique, La
Neuvième Porte. Arcane XV pro‑
pose d’incarner de jeunes acteurs
recevant, sous la forme d’une mys‑
térieuse carte de tarot, une invi‑
tation pour un casting susceptible
de déterminer le reste de leur vie.
Tournant autour d’un tarot mysté‑
rieux et d’une demeure en banlieue
parisienne qui l’est tout autant, la
campagne revendique une struc‑
ture bac‑à‑sable axée autour d’une
série de fils rouges qui ne cessent
de s’entrecroiser. La campagne est
motorisée par un système inédit,
à la croisée entre Miles Christi et
Clé en Main. Le jeu se joue avec
des cartes traditionnelles (poker,
bridge…) et un jeu de tarot spéci‑
fique, le Tarot de Seth. Si celui‑ci
est basé sur le tarot de Marseille,
ses particularités iconographiques
sont toutefois intrinsèquement
liées à l’intrigue de la campagne.
Financée avec succès, la campagne
verra le jour début 2024.

TABULA RASA/VERSUS

Jeu de main…
Alors que le livre de base est bou‑
clé, les deux campagnes financées
se précisent. L’Ultime Compromis
bouleverse les codes de VersuS.
Les vilains PJ, persécutés par leur
hiérarchie, vont devoir sauver le
monde en jouant notamment avec
le temps et les dimensions… il y a
forcément plus méchant qu’eux,
qui veut plonger la Terre dans une
nouvelle ère glaciaire.
La seconde campagne, Les Héros
de l’âge d’Or, fait suite au livret de
découverte. Elle fait sortir les PJ de
leur retraite pour sauver la petite
fille d’un ami. Ce n’est que le dé‑
but des ennuis, qui les mettra aux
prises avec une vilaine ligue, de cu‑
rieux extraterrestres et la menace
d’une nouvelle ère glaciaire sur la
Terre. Vous allez dire que le rédac‑
teur de ce texte a abusé du copier/
coller ? Eh bien non, le finale des
deux campagnes est commun et
peut amener à des cross‑overs. Si
cela attise votre curiosité, patience
et rendez‑vous en novembre !
DONJON SERVICE TOLKIEN SERVICE (I) par Olivier Caira & Guillaume Albin

AGATE STUDIO/7E MER

La route de la soie
En 2021, lors du financement de la
campagne Le Prix de l’arrogance pour
7e Mer, l’un des paliers débloqués
consacrait la traduction de Cathay.
Plus qu’un supplément, c’est un
nouveau livre de base indépendant
qui nous ouvre les voies vers l’Orient.
Après un long travail de traduction,
une version PDF quasiment finali‑
sée a été envoyée aux souscripteurs,
il ne devrait donc plus tarder. Pour
revenir en Occident, le supplément
Cities of faith and wonder est tra‑
duit et Lands of a thousand nations
va bientôt subir le même sort. Cette
nouvelle édition de 7e Mer se porte
donc à merveille et vogue sur les
océans de la plénitude.

ACTUALITÉS |9
10 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
DÉPARTEMENT DES SOMBRES PROJETS/HAWKMOON & CIE
Tortilla 4 saisons
Le Département continue à ho‑
norer le suivi de ses différentes
gammes. Le Carnet des quatre
saisons pour les Héritiers est dis‑
ponible depuis quelque temps
déjà. Comme son titre l’indique,
il revient sur la symbolique des
quatre saisons et en dévoile un
peu plus sur la mystérieuse cin‑
quième. Le livre de 128 pages pro‑
pose des portraits de PNJ de diffé‑
rentes factions et quatre scénarios
faisant quitter Paris à vos chers
Faux‑semblants. Il fournit deux
DONJON SERVICE TOLKIEN SERVICE (II)
nouveaux archétypes de person‑
nages (le goupil et l’épouvantail) et
bien d’autres ressources.
Du côté de Hawkmoon, les sorties
tiennent le rythme depuis la sortie
de la nouvelle édition. Alors que
Kamarg est arrivé en boutique, c’est
au tour d’Espanyia d’en prendre le
chemin à la rentrée. Ce nouveau
supplément régional explore la
péninsule hybérique (vous vous en
doutiez, vu le titre !), avec une des‑
cription détaillée de Madrid, des
mines d’Estremadra, de l’archipel
par Olivier Caira & Guillaume Albin
des Baléars et de nombreuses
autres provinces dont le Portgal.
Il explore les actions clandestines
que mène l’empire Grandbreton et
développe les luttes de pouvoirs qui
règnent à la cour du roi Némayos.
Un scénario, premier acte d’une
mini‑campagne qui débute sur le
caillou de Gibral, couronne le tout.
Le supplément numérique feuil‑
letonnant, Chroniques Européanes,
arrive à son terme avec la sixième
partie disponible depuis début juil‑
let. Quelques divertissements porte
bien son nom. Il met en lumière
une distraction trop rare dans ce
Tragique Millénaire, les sources
d’amusements, et notamment
le sulfureux théâtre ambulant
de Galérium. Plusieurs scénarios
à développer sont aussi fournis.
Comme pour les Quatre saisons
des Héritiers, il est prévu que
l’ensemble soit regroupé dans un
supplément papier à l’issue de
leur publication. Mais la crise des
matières premières fait toujours
rage dans notre Europe Tragique.
Si cet ouvrage choral est toujours
d’actualité, il prendra peut‑être un
peu plus de temps que prévu.
STUDIO AGATE/DRAGONS ET 5E

Lézards à toutes les sauces

Le dernier foulancement bilingue de Brancalonia, l’éditeur a reçu The The Shadow of the Seeker) devrait
FR/EN concernant Dragons date Empire Whacks Back et The Jinx’s vite suivre.
de début juillet. Il porte sur l’im‑ Almanach dont les traductions Il nous reste tout juste assez de
pression de scénarios jusque‑là ne devraient plus tarder à démar‑ place pour revenir sur Draconis. Le
disponibles uniquement en PDF, rer. Quant aux Royaumes d’Acier, succès de son financement a été
une réimpression de la tétralogie le Monstronomicon est traduit et tout simplement mirifique. Nous
Dragons et le développement de en cours de relecture. Le prochain avons pu jeter un œil à l’artbook,
modules pour les VTT Foundry et triptyque de cette gamme steam‑ qui résume bien cette gamme :
Roll 20, dont les licences proposent punk (Borderlands and beyond, beauté et onirisme illuminent
l’intégralité des quatre livres de Survival guide to Borderlands et chaque page.
Dragons : Aventuriers, Grimoire,
Créatures et Encyclopédie. Une
mini‑campagne, Le Festin gro‑
tesque, faisait aussi l’objet de
l’un des paliers débloqués, qui a
manqué de peu celui permettant
sa conversion immédiate pour les
deux plateformes de jdr en ligne
(elle le sera plus tard, mais pas
en cadeau pour les souscripteurs).
La petite frenchie Let’s Rôle n’est
pas loin derrière, avec des skins
officiels de table et de personnages
aux standards des ouvrages de la
gamme. Autant vous dire que c’est
du très beau.
Du côté des licences sous 5E,
le PDF du kit d’initiation Inferno,
annoncé lors de la souscription
de Brancalonia, a été récemment
envoyé aux souscripteurs. Du côté

LES ÉDITIONS DÉRIVANTES/POLSKAR

Que de terres à découvrir

Polskar, le jeu post‑apo surviva‑
liste est sorti chez vos receleurs
habituels début juillet. L’écran
du Narrateur et le premier sup‑
plément sont aussi disponibles,
mais seulement en conventions
(que l’auteur arpente souvent)
ou sur la boutique en ligne de
sa maison d’édition. Le Recueil
d’expéditions propose plusieurs
contrats que l’entreprise des PJ
pourra contracter. Il a été écrit par
les membres de la communauté
du jeu dans le cadre d’un concours
de scénarios.
Trois autres suppléments ont été
débloqués lors de cette opération :
Pols’Kid (l’adaptation du jeu pour
enfants), Guerre boréenne et Porta
mundis, qui présentent des cadres
de jeu et des carrières, des peuples
et des voies supplémentaires. Ils
sont en cours d’élaboration. Pour
vous faire patienter, la critique du
livre de base est au programme
de ce numéro.

ACTUALITÉS | 11
12 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
STUDIO AGATE/TAINTED GRAIL
Dirty Arthur
Le studio étend les champs des
possibles avec une nouvelle gamme
à son catalogue. Et pour de l’inédit,
il frappe fort avec une ambitieuse
adaptation en JdR de l’univers du
jeu de plateau Tainted Grail, en
BLACK BOOK ÉDITIONS/SHADOWRUN & ANARCHY
Running wild
BBE a tenu avant la trêve esti‑
vale à se consacrer sur l’une de ses
licences‑phares. C’est ainsi une
vague de trois suppléments pour
Shadowrun 6E (S6), et son petit frère
Anarchy, qui déferle sur le sixième
monde. Tout d’abord, La France
des Ombres, pour S6, est le premier
ouvrage entièrement dédié à notre
petit hexagone qui a bien changé
depuis la Néo‑révolution. Le tour de
partenariat avec l’éditeur de ce‑
lui‑ci, Awaken Realms. La légende
arthurienne et les mythes celtiques
sont revisités dans une ambiance
sinistre et désespérée, dans la‑
quelle les chevaliers de la Table
France va de la Bretagne mystique
à une Marseille gangrénée par les
mafias, en passant par la Loge Noire
auvergnate, l’enclave corpo du Nord
et bien d’autres lieux touristiques.
Cette création française est pour
une importante partie l’œuvre du
collectif Ombres Portées 2.0, bien
connue dans le milieu des runners
pour ses traductions Héritages.
Anarchistes, comme son titre
Ronde ont disparu. De simples
gens reprennent le flambeau de la
quête du Graal pour sauver la per‑
fide Albion. Et détrompez‑vous,
cette adaptation ne sera pas moto‑
risée par la 5E, mais par le système
de règles des Ombres d’Esteren. Le
financement de ce jeu post‑apo ar‑
thurien est envisagé pour la rentrée
prochaine, à la fois en français et
en anglais. Nous vous en reparlons
inévitablement dans un prochain
numéro. En attendant, les abonnés
au tout nouveau Patreon de l’édi‑
teur pourront en apprendre un peu
plus, la première saison étant jus‑
tement consacrée à Tainted Grail.
l’indique, est destiné au petit
frère libertaire de Shadowrun. Il
apporte tout ce qui manquait au
livre principal, tant en termes de
règles que de contexte. Vise juste
enfin, clôture ce mercato d’été
avec un ouvrage biclassé pour les
deux éditions du jeu (vous sui‑
vez toujours ?). Il s’attarde sur
les opérations clandestines et les
escroqueries à la Ocean’s 11, une
véritable petite bible du runner
sachant runner. Parmi les paliers
débloqués, notons l’ajout d’une
petite campagne à Anarchy et un
supplément cadeau, Le Bazar de
l’Hexagone. Cela fait quand même
pas mal de travail en perspective,
prévoyez une livraison au mieux en
fin d’hiver. En attendant, les der‑
niers suppléments de la campagne
précédente, Le Troisième paral‑
lèle et le Compagnon du sixième
monde, sont annoncés pour une
sortie publique à la rentrée (voire
notre critique dans ce numéro).
DONJON SERVICE TOLKIEN SERVICE (III) par Olivier Caira & Guillaume Albin

LÉGION DISTRIBUTION/INFINITY

Du plateau au rôle
Après un faux départ, la traduc‑
tion française d’Infinity a fina‑
lement été financée. Le projet
couvre un gros livre de règles, un
écran, deux recueils de nouvelles
graphiques et plusieurs cartes.
C’est le distributeur hexagonal
d’Infinity, le jeu de figurines, qui se
charge du boulot.
Le JdR, qui existe depuis un petit
moment en VO et bénéficie d’une
jolie gamme, propose aux joueurs
d’incarner des agents du très se‑
cret Bureau Noir de l’organisation
tout aussi secrète O−12. L’ouvrage
de plus de 500 pages est motorisé
au système 2D20 de Modiphiüs,
une valeur sûre qui rassurera vos
agents. Il devrait sortir, avec son
écran, début 2024. D’ici là, vous
pouvez visiter Paradiso et ses pla‑
nètes exotiques grâce au livret de
découverte disponible gratuite‑
ment en ligne.

ELDER CRAFT/LES LAMES DU CARDINAL & CIE

Horoscope des Gémeaux

Annoncés dans le numéro pré‑
cédent, les jumeaux Hydre et 1979
ont fait leur apparition en boutique
en juin. Jumeaux car, comme chez
les humains, ils se ressemblent
comme deux gouttes d’eau : un
livre et un écran, et ils sont tro‑
gnons ces bambins. Ils sont aussi
réunis ensemble dans une édition
collector plus belle encore mais ré‑
servée aux souscripteurs. Comme
pour les humains, leurs caractères
diffèrent néanmoins. Hydre fait
des personnages des chasseurs de
monstres en pleine exposition uni‑
verselle de 1888. 1979 en fait aussi
des chasseurs, de trésors cette
fois, pour le compte du musée du
quai Branly. Différents, mais claire‑
ment avec un ADN commun ! Nous
décortiquons tout ça dans notre
prochain numéro.
Le monde d’Aria n’est pas en
reste, avec la sortie du Codex de
la guerre des Deux Royaumes qui
compile les trois premières saisons
de l’actual play. Ce supplément ne
se limite pas à un résumé des épi‑
sodes diffusés, il propose du conte‑
nu encyclopédique pour enrichir
vos parties. Les grands principes de
l’univers y sont dévoilés et embel‑
lis par de nombreuses illustrations
à exposer à vos joueurs ébahis.
Cerise sur le gâteau, vous pourrez
lancer une partie de Masdar, un
jeu de cartes d’inspiration pharao‑
nique qui est sorti en même temps
que ce supplément et qui s’intègre
parfaitement à l’ambiance d’Aria.

ACTUALITÉS | 13
14 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
DON’T PANIC GAMES/COWBOY BEBOP
Garde le rythme, gringo
Pas de panique, l’éditeur s’est
lancé dans l’adaptation JdR du
manga Cowboy Bebop (qui fête
ses vingt‑ans galactiques), pas de
la série éponyme sur une célèbre
plateforme de streaming, même
si elle se laisse regarder. Le projet
s’est terminé avec succès depuis
mi‑juillet et a permis non seule‑
ment de financer l’offre de base
(livre de règles + écran) mais aussi
cinq scénarios dématérialisés (dont
un en cadeau du Studio Agate).
Vous pouvez donc vous prépa‑
rez à envoyer vos chasseurs de
DONJON SERVICE TOLKIEN SERVICE (IV)
primes à travers le système solaire !
L’ambiance flirte entre le western
spaghetti et le space opera en pattes
d’éléphant. Le système fonctionne
au D6 sur fond de danses contem‑
poraines (des approches de jeu) et
permet de motoriser des sessions
de jeu rapides et débridées. Comme
dans une série TV, Big Shot (le MJ)
organise une chasse à prime avec
objectifs secondaires et rebondisse‑
ments. L’atterrissage est prévu pour
début 2024, ça va tanguer grave dans
le système solaire l’année prochaine.
En attendant, vous pouvez lancer un
JOHN DOE/MEUTE
Déambulations lunaires
Le livre de base de Meute était
au bord de la rupture, victime de
son succès. Il fallait donc lancer
une nouvelle vague d’impression.
Mais plutôt que de s’en conten‑
ter, l’éditeur a décidé de proposer
un supplément de contexte pour
fêter ça, Errances. Bien lui en a
pris : le financement, réussi, per‑
met de réimprimer le livre de base
au même niveau que l’original
avec couverture rigide et signet.
Quant au supplément, qui se voit
par Olivier Caira & Guillaume Albin
rock endiablé avec le chouette kit de
démarrage, disponible gratuitement.
Il permet d’orchestrer une première
prime et de tester le système de
gestion de mouvement (de hanche)
de Big Shot.
doté de scénarios supplémen‑
taires, il transporte vos meutes
dans les Pyrénées, les Ardennes, le
Lubéron et Paris. Contexte et his‑
toires lupines sont au rendez‑vous
à chaque fois. Plusieurs pointures
bien connues du JdR se sont mises
à l’écriture, ainsi qu’une illustra‑
trice habituée des pages de votre
magazine préféré. Tout est organi‑
sé pour vous faire passer une ren‑
trée romantique sous la pleine lune
au cœur de la ville des Lumières…
ORIGAMES/SHAAN RENAISSANCE
Sur tous les fronts
Grosse actualité sur Héos. La
boîte d’initiation Shaan va profiter
d’une réimpression et subir une
actualisation pour une meilleure
prise en main. Le contenu sera le
même, avec quelques petits chan‑
gements, dont l’ordre des scéna‑
rios permettant une montée en
puissance plus progressive pour le
MJ. Y seront aussi intégrées la re‑
fonte des pouvoirs et des clarifica‑
tions de règles. Les cartes de pou‑
voirs vont ressortir sous la forme
de quatre decks thématiques
(Esprit, Âme, Corps et Nécrose), qui
intégreront ceux des suppléments
déjà publiés.
Coté nouveautés, le générateur
de campagne universel, qui permet
de créer un setting de campagne
de manière collaborative en des‑
sinant une carte à partir de dés
lancés sur une feuille, est sur le
chemin de fer du prochain finan‑ de la même façon que les pouvoirs
cement participatif de l’éditeur. Le via des compendiums. La base
Manuel d’influence vous propose du système Shaan est gratuite,
de jouer dans les hautes sphères : comme sur le site officiel. Les
guildes, partis politiques, sociétés éventuels modules supplémen‑
secrètes… Il contiendra son lot de taires, correspondant aux supplé‑
nouvelles règles pour personnages ments et campagnes jouables, se‑
de haut niveau, des générateurs ront payants. Le portage de la boîte
d’historiques et d’environnements, d’initiation est aussi en cours.
des conseils de jeu, des créatures
et héros légendaires. Du très lourd
en perspective.
Pour terminer avec cette four‑
née estivale, Shaan est dès à pré‑
sent disponible sur la plateforme
Foundry VTT. Cette première ver‑
sion est constituée des fiches de
personnage joueur et non‑joueur,
des lancers de dés, des spécialisa‑
tions, des pouvoirs, des acquis…
Les races, peuples, castes et mé‑
tiers peuvent se glisser directe‑
ment dans la fiche de personnage,
ACTUALITÉS | 15
16 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
JDR EDITIONS/TINY & IMPERATOR
La guerre
des doudous
Le financement d’une nouvelle
boîte d’initiation pour Tiny est pré‑
vu pour octobre prochain, pour une
livraison assurée avant Noël. Dans
ce nouveau coffre bien rempli (plu‑
sieurs grands plans, pions, cartes
d’équipement et nombreuses fiches
de prétirés), les jouets devront ga‑
gner la guerre des doudous. La cam‑
pagne incluse, en quatre scénarios,
donnera l’occasion aux PJ de régler
un conflit intrafamilial, à travers
les relations tendues entre leurs
doudous. Quel secret se cache der‑
rière les terrifiants jouets gothiques
d’Anita ? Préparez‑vous à jouer en
famille à la lueur des guirlandes !
Pour Imperator, les supplé‑
ments Rome (bac‑à‑sable), Magna
Germania (supplément de contexte
germanique qui comprend une im‑
posante campagne ayant pour cadre
la célèbre bataille de Teutoburg) et
Septimontium. Ce dernier explore
plus en profondeur les sept collines
de la cité impériale, avec 1 scénario
pour chacune d’entre elles, ainsi
que des pions et une piste pour
organiser des jeux du Cirque dignes
de Marc Aurèle et du nouvel écran
débloqué. L’Empire est éternel !
LAPIN MARTEAU/MONSTERHEARTS
Cœurs d’artichaut sauce terreur
Le Lapin s’est lancé à la poursuite dommage de vous priver du Volume
de la deuxième édition de l’un de 2 qui offre de nouvelles mues et
ses jeux favoris, Monsterhearts, un décor prêt à l’emploi, Snake
dans lequel les joueurs incarnent Bay. Comme pour Falkenstein, le
des adolescents torturés par financement (en cours, mais déjà
leurs hormones et leur sensibi‑ atteint) ne propose pas d’autres
lité. Comme si cette période de la paliers que le financement de ces
vie n’était déjà pas suffisamment ouvrages. Sortie prévue pour la fin
compliquée, ils doivent aussi de l’année.
affronter des monstres et autres
créatures surnaturelles qui se
cachent dans l’ombre. L’ambiance
oscille entre urban fantasy et hor‑
reur, dans les méandres du lycée
d’une petite ville d’Amérique du
Nord. Le jeu possède aussi une
forte identité inclusive. Cette nou‑
velle mouture est organisée sur
deux livres.
Le Volume 1 contient le sys‑
tème de règles, le Powered by the
Apocalypse et ses 2D6, ainsi que
tous les outils et dix mues (les
fameux monstres) pour commen‑
cer à jouer. Ajoutez‑y l’écran et son
livret proposant une mini‑cam‑
pagne et vous êtes tranquille pour
un moment. Il serait pourtant
ARKHANE ASYLUM PUBLISHING/LE MONDE DES TÉNÈBRES
Sortez les griffes
Quelques informations sont sor‑ tombola d’école : sous-verres,
ties de geôles de l’asile concernant mug, bourse à dés, piste de dés,
la VF de la nouvelle édition de Loup t-shirts, à croire que la Pentex est
Garou, l’Apocalypse, en dehors de derrière tout ça !
sa somptueuse couverture. Le jeu
est finalement passé par un finan‑
cement participatif. Sans surprise
largement réussi, il couvre la sor‑
tie, pour fin 2023, du livre de base
(en deux versions, standard et col‑
lector) et de quelques accessoires
(dès, bloc de feuilles de person‑
nage, feuille de caern…).
Il était aussi possible d’acquérir
quantité de goodies digne d’une
DONJON SERVICE TOLKIEN SERVICE (V)
SHAKOS/BEYOND THE WALL
Quand la communauté s’en mêle
Alors que l’étui contenant l’en‑
trée de gamme est disponible (et
PATTERN RECOG EDITIONS/MAJESTIC 12
Sur les terres de Mulder & Scully
Pattern Recog a également
annoncé la sortie, sans date an‑
noncée, de Majestic 12, un jeu de
Cédric « Hatsukoi » Moland. Les
plus érudits auront reconnu dans
ce titre l’organisation créée par le
président Truman en 1947 ayant
pour but de cacher les preuves
d’un contact avec des civilisations
par Olivier Caira & Guillaume Albin
décortiqué avec plaisir dans ce nu‑
méro), la suite de Beyond the wall
(BtW) est déjà en cours. Comme
promis lors du financement parti‑
cipatif, l’éditeur va proposer gratui‑
tement du contenu complémen‑
taire sur son site, que ce soit des
livrets de personnage, de scénario
ou de menace. La première série de
six livrets tourne autour des créa‑
tures fantastiques (elfes, nains
et halfelins). Les quatre premiers
sont en cours de relecture partici‑
pative avec la communauté du jeu,
avant de les passer à la maquette.
Par ailleurs, l’éditeur a lancé la
création collaborative d’un livret
extraterrestres. C’est exactement
ce qu’auront la possibilité de faire
les PJ, en charge d’enquêter sur
des phénomènes liés de près ou
de loin aux êtres du fin fond de
l’espace. Au programme de cette
futur sortie, un contexte enrichi
et des règles étoffées comparé au
kit de découverte déjà disponible,
de scénario, La Forteresse aban‑
donnée. Le format du jeu étant
propice à ce genre d’initiative, il y
aura donc de la création française
pour BtW. Ce matériel de jeu sera
ensuite regroupé en deux ouvrages
thématiques publiés en phy‑
sique, avec quelques exclusivités
complémentaires.
Il reste encore de la marge pour
la suite : la VO dispose de près de
quarante livrets de Personnages
(dont vous pourrez trouver la liste
dans le supplément Toujours plus
loin, cherchez un peu), une dizaine
de Scénarios et autant de Menace.
De quoi casser la routine !
ainsi qu’une campagne. Le finan‑
cement participatif devrait inter‑
venir courant 2024. À noter que les
mécaniques du jeu sont aussi pré‑
vues sur trois autres projets encore
peu détaillés : un jeu de western
moderne, un post apo et un jeu
d’espionnage aux états unis qui
sent bon la guerre froide.
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18 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
LES XII SINGES/MYTHENDER
Gods killers
Gare à vous locataires de
l’Olympe, du Valhalla ou autre
GEEK FABULA/LES CHRONIQUES D’AETHERION
Et de deux
Chroniques d’Aetherion est un
actual play qui a fait vivre de nom‑
breuses aventures à un groupe
d’aventuriers sous le patronage
de Geek Fabula. Petite spécifi‑
cité, aux trois personnages pen‑
sionnaires venait s’ajouter un
DONJON SERVICE TOLKIEN SERVICE (VI)
domaine des Dieux, vous n’êtes
plus à l’abri du courroux des
hommes. Dans Mythender, les
joueurs incarnent des mortels
assez puissants pour faire rendre
gorge aux immortels. Les XII Singes
ont proposé en mai de financer les
armes qu’il vous faut pour vous at‑
taquer aux dieux. Mais attention,
cette élévation a un prix, c’est de
devenir un dieu à son tour… et de
chasseur devenir le gibier !
L’offre française de ce jeu, primé
en VO par un indie RPG Award, se
compose d’un épais livre de règles
disposant de tous les conseils et
astuces afin de mener cette guerre
contre les dieux. Il contient aussi un
panthéon complet à occire, issu des
mythes et légendes scandinaves.
visiteur invité à chaque épisode de
la saison 1, le tout dans un décor
très med-fan.
Cette success story (plus de
1 000 abonnés) leur a donné envie
de continuer l’aventure. L’équipe
de joyeux drilles a donc lancé un
par Olivier Caira & Guillaume Albin
D’autres dodekathéons sont propo‑
sés pour vous donner plus de proies
à traquer. Un premier supplément
accompagne les règles. Le Temps
des Hommes est une imposante
campagne 100 % française. Écrite
par des auteurs chevronnés, elle
forme une saga de douze scéna‑
rios se déroulant sur trois époques.
Elle transporte les personnages
du fond des âges à un futur loin‑
tain en passant par notre époque.
Enfin, le livret Memento Mori pro‑
pose un cadre de jeu de pirates et
de Caraïbes où les Grands Anciens
ont les tentacules qui tremblent à
la vue de leurs Némésis humaines…
la peur a vraiment changé de camp,
il se dit que même Père Noël est un
peu inquiet !
financement le mois dernier. Avec
de nombreux paliers franchis (ajout
de plusieurs séances de jeu, géné‑
rique dédié à la saison 2, partie
des enfants…), c’est reparti pour
une deuxième année d’aventures
hautes en couleurs !
BLACK BOOK ÉDITIONS/RNP ET 5E
Une promesse est une promesse
Héritier d’une gamme dont nous
ne pouvons plus prononcer le nom,
Rôle’n Play a repris le flambeau
de l’adaptation 5E de l’éditeur en
noir. Le premier livre de règles nous
avait abandonnés en rase cam‑
pagne au niveau huit, avec la pro‑
messe de nous revoir pour passer
ce cap. C’est dans une campagne
éclair début juin que les adeptes de
RnP ont repris la route pour enfin
conduire vos personnages jusqu’au
Graal du niveau 20 (nous ne l’avons
pas déjà écrit plus haut celle‑là ?).
Le Livre du joueur avancé comble
tous nos fantasmes et fournit le
matériel de création tant attendu.
Il est accompagné de deux sup‑
pléments de scénarios : le tome 3
des Plaies ouvertes, suite (et fin)
elle aussi attendue de la campagne
officielle (dont les deux premiers un recueil de scénarios, un écran
tomes seront disponibles en bou‑ et d’autres accessoires… Le pauvre
tique à la rentrée, avec le recueil de livreur va avoir le dos en miettes au
scénarios), et un autre plus court printemps prochain…
et indépendant, L’Enfant Nuit.
RnP sera enfin exhaustif et pleine‑
ment utilisable pour la campagne
L’Ascension des drows ou le setting
Vers le Ragnarök, qui arrivent en
version physique cet automne.
Du coup, avec la gamme com‑
plète de niveaux, cela vous dirait
d’aller visiter Ptolus, l’insidieuse
cité voulant rivaliser avec notre
Laelith ? Apparemment oui, étant
donné le succès du financement
qui permet à la première traduc‑
tion française de la Cité du Pic de
voir le jour. Soit près de 700 pages
de guide touristique, auquel vous
pouvez ajouter deux campagnes,
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20 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
LES XII SINGES/CHRONIQUES DE FORGE PIERRE
Du très lourd en 5E
Les Chroniques de Forge Pierre
est un autre projet financé par Les
XII Singes ce printemps (ils sont à
fond et c’est ce qu’on aime). Cette
campagne titanesque se découpe
en quatre ouvrages. Quatre arcs
narratifs s’imbriquent et s’entre‑
croisent parmi une myriade de
scénarios, dans l’ordre voulu par
le MJ selon son humeur. Le pre‑
mier ouvrage permet de créer
les personnages (avec l’appui
d’un système 5E de votre choix),
les trois autres conduisent les
aventuriers à travers les niveaux,
jusqu’au Graal du numéro vingt.
SYCKO/WITHIN
La peur en marche
En cette fin de printemps, l’édi‑
teur a lancé le financement de
trois nouveaux suppléments pour
Within. Il revient aux sources du
jeu avec une réédition de Kath, pre‑
mier des (deux) Tableaux de Chasse
édités à la fin des années 90. Ce
gros scénario vampirique portait
les germes du futur Within, sans
le savoir à l’époque. Sa résurrection
est totalement réécrite, actualisée
et bien sûr enrichie pour se fondre
dans le décor actuel. La Fondation
L’ensemble est accompagné d’un
écran souple et de fiches, plans
posters, dossiers et même des
livrets d’adversaires.
Le pitch ? Il est question de tech‑
nomagie expérimentale, de me‑
nace venue du nord, d’un monstre
emblématique porté disparu et de
malédictions interplanaires. Vous
n’en saurez pas plus, pas question
de divulgâcher un tel bijou. On se
revoit dans un an pour en discu‑
ter… Bon d’accord, nous vous tien‑
drons au courant de l’avancée du
projet, mais c’est bien parce que
c’est vous !
Mercurius propose du contexte,
en explorant cette société dis‑
crète employeur régulier des PJ.
Ce Mr Smith reprend à son compte
plusieurs scénarios publiés dans
d’autres médias, dont votre cher
Casus. Urban Legends envoie votre
groupe à Detroit, entre industriels
sans scrupules et gangs incen‑
diaires diaboliques. L’ensemble de‑
vrait être disponible cet automne,
ce qui vous permettra de fêter
Halloween en toute frayeur.
PATTERN RECOG EDITIONS/ARC : DOOM
Apocalypse au
grand cœur
La fin du monde a déjà commen‑
cé. L’horloge du Jugement Dernier
va bientôt sonner le glas de l’hu‑
manité, sauf si des héros contre‑
carrent sa funeste mécanique. Tel
est le pitch d’ARC : Doom, un JdR
en provenance des Philippines
(notre hobby n’a pas de frontière !)
et dont la VF vient d’être financée.
Son système est unique en son
genre et mêle règles classiques et
narratives, avec des mécanismes
en temps réel laissant libre cours à
l’histoire. La charte graphique allie
modernisme et traditionalisme,
ce qui renforce encore le dépay‑
sement. Enfin, le financement ne
permettait pas de débloquer des
paliers classiques, mais visait à pro‑
mouvoir le JdR solidaire. Ainsi, en
ajoutant quelques euros à sa sous‑
cription, chaque participant pouvait
envoyer une version PDF (pour 2 €)
ou physique (pour 10 €) à un orga‑
nisme social, une médiathèque,
voire un établissement péniten‑
tiaire. La sortie du livre de base
est prévue dès cet été, enfin une
Apocalypse qui a du bon en elle.
BLACK BOOK ÉDITIONS/CHRONIQUES OUBLIÉES ET CIE
Cet automne, chez les MiB, y aura du CO
Et à toutes les sauces. Alors que
les envois de Chroniques Oubliées
(CO) Galactiques se terminent, c’est
une très attendue seconde édi‑
tion de CO Fantasy qui se prépare
pour la fin des vacances estivales.
Comme indiqué dans notre numé‑
ro précédent, le financement est
prévu pour fin août. Que d’émotion
de voir ce nourrisson d’hier être un
adulte assumé et indépendant !
À destination des enfants jus‑
tement, l’arrivée du livre de base
et de l’écran des Légendaires est
imminente, la maquette ayant
été validée.
Et parce que CO c’est bon, pra‑
tique et polyvalent, une troisième
(!) boîte d’initiation des Terres d’Ar‑
ran sera proposée en financement
fin octobre. Elle se concentrera
cette fois sur les peaux‑vertes,
comme le troisième cycle de la
saga de bande dessinée. Orcs &
Gobelins disposera de sa propre
OBÉHA ÉDITIONS
Vers Octogônes et au‑delà !
De l’actualité pour le flagship
Imperium 5 avec la sortie du deu‑
xième scénario de l’arc narratif en
boutique à partir du mois d’août.
Le troisième scénario devrait
quant à lui être disponible pour
Octogônes cette année.
À venir également à Octogônes,
un kit de découverte pour un nou‑
veau jeu très étrange Vers un der‑
nier outrage. Il s’agira d’un jeu à la
croisée de plusieurs genres : super
héroïques, anticipation sociale SF
et horreur Lovecraftienne. Si le jeu
mélangera ces trois inspirations, il
sera possible pour le maître de jeu
de débuter par le prisme de son
choix. L’ouvrage et ses thématiques
plutôt dures seront bien entendu à
petite campagne de découverte,
qui ne fera pas d’ombre, espé‑
rons‑le, à la campagne officielle qui
sera proposée en même temps. Ces
Chroniques des Terres mortes sera
une grande histoire indépendante
des trois coffrets, jouables avec le
diptyque de règles déjà édité.
Enfin, nous n’avons pas oublié
Cthulhu‑Origines. L’éditeur a ren‑
contré des difficultés éditoriales
sur ce projet pharaonique. Les
deux auteurs principaux ont dû se
mettre en retrait pour des raisons
mettre dans les mains d’un public
mature. La direction artistique est
confiée à Willy Cabourdin, ce qui
promet une mise en ambiance effi‑
cace, ce dernier ayant déjà officié
précédemment chez Obhéa dans
un autre genre avec Les Veilleuses.
Il faudra attendre l’automne pour
le financement de Wallow Wide, du
nom de cette petite bourgade du
Wyoming dans lequel les joueurs
incarnent des membres de la police.
L’ambiance de série policière US
est mâtinée d’un peu de western –
après tout l’action se situe dans les
grandes plaines américaines. Après
un petit kit de découverte prenant
la forme d’une aventure solo dont
vous êtes le héros, un kit plus
personnelles, ce qui a engendré un
retard conséquent sur le calendrier.
La relève a été trouvée en la per‑
sonne de Mehdi Sahmi à qui l’on doit
déjà la réédition CO de L’Héritage
Greenberg. Cette version lovecraf‑
tienne est entre de bonnes mains.
Le retard accumulé est conséquent
et en cours d’évaluation. Un nouvel
échéancier sera publié par l’éditeur
à la rentrée, période initialement
prévue pour la sortie du jeu. Mais
n’est pas mort qui a jamais dort,
comme dirait l’autre !
conséquent, comprenant des pré‑
tirés et un scénario, est désormais
disponible au format physique ou
PDF. S’il est possible de donner des
coups de tatane à la Walker Texas
Ranger, j’achète !
Terminons par Lunes. Le jeu de
cartes d’initiation aura droit à son
financement participatif courant
décembre 2023 ou janvier 2024. Son
objectif est de permettre aux néo‑
phytes une initiation au jeu de rôle
l’air de rien, en racontant une his‑
toire à l’aide de cartes somptueu‑
sement illustrées. Le twist (vous
venez de faire une partie de jeu de
rôle !) est révélé aux joueurs en fin
de partie et propose une ouverture
vers les jeux d’autres éditeurs.
ACTUALITÉS | 21
22 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
STUDIO DEADCROWS/RUNEQUEST
Sword & Sorcery
Les Corbeaux continuent le long
travail de traduction de la dernière
édition de Runequest. Fin juillet, ils
ont lancé une nouvelle campagne
de financement pour trois sup‑
pléments. Le projet a été assuré
dès le premier jour et les paliers
devraient tomber les uns après
les autres d’ici début septembre.
En attendant de voir l’ampleur de
cette réussite, découvrons ce que
se cache derrière cette offre.
Le premier supplément, Le Livre
Rouge de la magie, a été rédigé
MNÉMOS/TRÉGOR
Shakespeare à la française
Trégor est un ancestral cadre de
campagne francophone né dans les
pages de la non moins ancestrale
revue Dragon radieux. Paul Chion,
son créateur, l’a pensé comme
un contexte médiéval réaliste et
poétique dans lequel les joueurs
sont confrontés à de véritables
dilemmes – « Shakespearien », dit
même la page du jeu.
Une nouvelle édition va voir le jour
aux éditions Mnémos, dont le sa‑
voir‑faire a déjà profité à Nephilim
Légende. La version financée com‑
prend deux ouvrages, l’un de règles
et l’autre avec univers & scénarios,
par Zzabur le Sorcier Suprême, rien
que ça. Son grimoire contient cinq
cents sorts et rituels de toutes na‑
tures (runiques comme spirituels),
des secrets et informations sur les
métaux magiques, un bestiaire et
un herbier et des règles option‑
nelles (dont celles permettant de
créer vos propres formules).
Armes et équipements, est clair
comme de l’eau de roche. C’est
d’abord un catalogue très fourni
de nouveau matériel utilitaire et de
guerre, mais aussi un guide culturel
trois livrets de textes in medias
res sur chacune des trois nations
du monde et divers accessoires
complémentaires.
Les joueurs y incarnent des éveil‑
lés, membres du conseil d’un su‑
zerain et conscients du destin de
Trégor et du combat éternel entre
l’Éclat et la Corrosion. Tout en me‑
nant les affaires courantes (mais
aux enjeux importants), ils ont la
délicate tâche de guérir Trégor…
Les thématiques abordées
sont vastes et le projet ambi‑
tieux. Résultat attendu au prin‑
temps 2024 !
sur la Passe du Dragon à travers
ses échanges commerciaux. Il est
une mine d’options à exploiter au‑
tant pour les aventuriers que pour
la Meneuse.
En parlant d’elle, le dernier sup‑
plément proposé la concerne, avec
un coffret découverte très promet‑
teur. Cette jolie et grosse boîte
contiendra tout le nécessaire pour
faire découvrir Runequest en dou‑
ceur à des joueurs débutants. Il
faudrait plus que quelques lignes
pour en parler, mais sachez qu’elle
est remplie de livres (dont un de
tutoriel pour apprendre les règles
et un autre d’au moins trois scé‑
narios), de pré‑tirés (14 a minima),
de cartes (dont plusieurs de la cité
de Jonville où se déroulent les his‑
toires) et sûrement un écran (si le
palier correspondant est franchi)
… C’est autant un outil d’initiation
que de matériel à exploiter dans la
durée. Nous gardons un œil sur le
sujet et vous en reparlons dans un
prochain numéro.
ACTUALITÉS | 23
24 | ACTUALITÉS
VERSION FRANÇAISE
ANTRE MONDE/CÉLESTOPOL
Vers des cieux lunaires
Célestopol est la cité lunaire de
l’empire de Russie, son joyau,
LA LOUTRE RÔLISTE/LA PORTE D’ISHTAR
Mercenaires
antiques
À peine le livre de base sorti, la
gamme La Porte d’Ishtar se dote
d’un supplément PDF d’ores et
déjà disponible. Celui‑ci traite de la
célèbre compagnie de mercenaires
des briseurs de siège qui donne
son titre à l’ouvrage. Au cours de
ces 21 pages, vous aurez tous les
détails sur cette faction pour mieux
la mettre en scène.
symbole du renouveau de la civili‑
sation humaine. Cet univers a été
imaginé par Emmanuel Chastellière
au travers de deux recueils de nou‑
velles, Célestopol et Célestopol 1922.
Son ambiance unique se situe entre
steampunk et romantisme russe,
dans un décor qui fleure bon le
cinéma fantastique des années 20.
Un décor idéal de jeu de rôle
donc, et Antre Monde ne s’y est
pas trompé en annonçant la mise
en chantier d’une adaptation rôlis‑
tique. Chastellière est lui‑même
coauteur du jeu avec Julien Arnaud
(Agone, Écryme). Un financement
participatif est prévu pour la fin de
l’année, pour une sortie en 2024.
ARKHANE ASYLUM PUBLISHING /ALIEN
Trilogie
Au cœur des ténèbres est un scé‑
nario format cinématographie (et
toujours en boite) qui clôt la trilo‑
gie initiée avec Le Chariot des dieux
et poursuivit dans Le Destructeurs
de mondes. Ces deux derniers,
épuisés, seront réimprimés pour
l’occasion. La sortie étant prévue
pour septembre, profitez bien de
l’été car à la rentrée, il vous faudra
replonger dans les ténèbres…
Olivier Halnais, Timothée Aubry, SLM et Slawick Charlier
ALKONOST/TERRES DE LÉGENDES
Et Madeleine,
elle aimera ça !
Beaucoup de rôlistes des années
80 ont découvert le loisir par le
biais des Livres dont vous êtes le
héros, et en particulier par certains
ouvrages de JdR édité au même
format. L’Œil Noir est le plus connu,
mais ne fut pas le seul. Terres de lé‑
gende, le pendant rôliste des livres
jeu de la série L’Épée de légende, a
même connu une petite gamme
complète de six ouvrages.
Alkonost, qui a fait revivre cette
dernière série (et bien d’autres
LDVELH) vient de faire financer
une nouvelle édition de ce JdR.
Les six volumes originaux sont
au programme, couvrant règles,
bestiaire, univers et même une
campagne. Outre quelques acces‑
soires, deux ouvrages inédits com‑
plètent l’offre, comprenant chacun
nouvelles options de personnage,
règles optionnelles et deux scé‑
narios. Les bases des règles sont
conservées mais le tout est mo‑
dernisé pour l’occasion – classes
revues, simplification des com‑
bats… Bien plus qu’une simple
madeleine de Proust donc, et c’est
tant mieux !
ARKHANE ASYLUM PUBLISHING /COLOSTLE
Fantastique solo
Il sort parfois des petites sur‑
prises de l’asile. Colostle en fait
partie et s’est rendu directement
en boutique. Il s’agit de la VF d’un
jeu solo qui a obtenu rien de moins
que l’ENNIE du meilleur système
l’année dernière. Le livre de base
est accompagné d’un journal de
l’explorateur, complément quasi‑
ment indispensable pour y consi‑
gner vos aventures, et du paquet de
cartes de l’explorateur – un jeu de
cartes standards mais aux couleurs
du jeu. De quoi vous occuper sur la
plage, en attendant de retrouver
votre table de jeu à la rentrée.
ARKHANE ASYLUM PUBLISHING /BLADE RUNNER
Sur le fil du rasoir
C’est sans surprise, mais avec
plaisir (et soulagement !) de l’ap‑
prendre néanmoins, qu’Arkhane
Asylum a confirmé assurer la tra‑
duction de Blade Runner, bien en‑
tendu adapté de l’univers initié par
LETO
Des serpents sous la colline
Alors que les vieux comptes de
LETO semblent en passe d’être sol‑
dés (Valérian et Laureline, si vous
m’entendez…), les nouveaux pro‑
jets peuvent enfin s’avancer.
Le premier est la traduction de
Under the Hill, By Water, sous le
titre Sous la colline, au bord de
l’eau. Le principe de ce petit jeu
bucolique est très simple, vous
mettre dans la peau de hobbits
de la Comté… pardon, dans la
peau des petites‑gens et de leurs
préoccupations simples du quoti‑
dien. De quoi se reposer entre deux
sauvetages du monde ! L’ouvrage
regroupe le livre de base et un
Philip K. Dick et magnifié sur grand
écran à deux reprises. Le livre de
base et la boîte d’initiation sont au
programme, mais il faudra encore
un peu de patience car la sortie
n’est prévue que début 2024.
supplément, avec une maquette
et des illustrations revues pour
la VF. Il est actuellement en pré‑
commande, pour une livraison
vers octobre.
Le second projet est un tout
autre morceau, puisqu’il s’agit de
Swords of the Serpentine. Le JdR
de Pelgrane Press est une déclinai‑
son med‑fan urbaine du système
Gumshoe. Oui oui, vous avez bien
lu, le système orienté investiga‑
tion, pour un jeu sword & sorcery !
Il permettra en effet de plonger
les PJ dans une ville d’intrigues et
de secrets qui évoque directement
Lankhmar. Cette déclinaison a
MAISON NÉBULEUSE/GROK ? !
Nébuleusement
grotesque
Maison nébuleuse est une toute
nouvelle structure éditoriale qui
revendique une orientation artis‑
tique forte. Elle ambitionne de tra‑
duire des jeux, mais aussi de propo‑
ser des créations inédites à la fois
en français et en anglais. Rouille &
Sang est un print & play disponible
sur son site. Il s’agit d’une première
étape dans l’exploration de l’uni‑
vers de la Brigade des ombres. Le
continent est plongé dans un hiver
perpétuel. Les PJ sont les membres
d’une Bridage des ombres dont le
rôle est d’explorer des terres per‑
dues et combattre des créatures
indescriptibles.
La Maison vient par ailleurs de
financer la VF de Grok ? !. Dans ce
monde « infiniment grotesque »,
la magie côtoie la technologie.
L’identité graphique du jeu est,
en effet, particulièrement mar‑
quée. La sortie étant prévue en
septembre, nous pourrons bientôt
juger sur pièce.
d’ailleurs été bien appréciée dans
sa VO. Patience néanmoins pour la
découvrir en français, aucune date
n’étant pour l’instant annoncée.
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26 | ACTUALITÉS
NOUVELLES D’AILLEURS
Avec l’été, la sortie de nouveautés s’est forcément un peu
ralentie. Mais les éditeurs sont déjà en embuscade pour les
sorties de la rentrée et de fin d’année.
Acchiappasogni
L’éditeur italien a présenté son nou‑
veau jeu Spiriti del Crepuscolo au festi‑
val de Modena Play cette année. Il prend
place dans un univers vraisemblable‑
ment medfan où une force mysté‑
rieuse, el Crepuscolo, altère des régions
entières en fissurant la barrière entre
les dimensions. Les joueurs incarnent
des Prodigiosi, des individus ayant une
relation symbiotique avec un esprit
grâce à l’influence du Crepuscolo et qui
leur permet de déployer de puissants
pouvoirs et de se transformer en des
créatures mythologiques. Ces pouvoirs
sont cependant liés à un système d’hor‑
loges aggravant le Crepuscolo à chaque
usage… Le jeu utilisera une version al‑
ternative du moteur de Destino Oscuro.
Aces Games
Annoncée pour le 13 septembre
de cette année, la nouvelle précom‑
mande participative pour la gamme
anthologique VHS Story, dont chaque
ouvrage est indépendant, devrait per‑
mettre d’acquérir trois nouvelles varia‑
tions du jeu, consacrées à autant de
sous‑genres du cinéma d’horreur des
années 80. Deadbreak, le premier jeu
annoncé, aura pour thème les inva‑
sions zombies et fournira de nouveaux
prétirés, de nouvelles règles et des scé‑
narios pour les fans du genre.
ACTUALITÉ (VO)
Petit tour d’horizon…
Acheron Books
Financé en mars dernier, Apocalisse
‑ John’s Guide to the Armageddon est
un cadre de campagne 5e, en italien ou
anglais, dans lequel on joue l’un des
derniers groupes d’humain encore en
vie alors que la guerre entre les anges
et les démons bat son plein. L’ouvrage
principal est également accompa‑
gné d’un bestiaire (Monsters of the
Armageddon), d’un artbook (The Book
of Revelation) et de divers accessoires
(écran, decks de cartes, bourse à dés).
Livraison prévue pour février 2024.
Alchemy RPG
Petit nouveau sur le marché de plus
en plus saturé des VTT, Alchemy a dé‑
cidé de se démarquer en revendiquant
un positionnement centré sur la narra‑
tion et le théâtre de l’esprit. Un choix
pour le moins audacieux si l’on se fie
aux jeux les plus joués sur Roll20 (la 5e
et Pathfinder) ! Il se concrétise notam‑
ment par des packs de scènes animées,
effets de particule, sons d’ambiance et
musiques vendues par la plateforme,
parfois directement en bundle avec les
jeux. Les aficionados des combats tac‑
tiques sur battlemap peuvent toutefois
respirer, celles‑ci sont tout de même
intégrées au VTT mais ne sont pour le
moment pas au cœur des priorités de
développement.
 Si l’idée est donc de proposer une
expérience ergonomique et simpli‑
fiée des VTT pour ceux qui seraient
intimidés par une concurrence parfois
bien plus complexe ou austère, la pla‑
teforme lorgne également très forte‑
ment du côté des actual plays. Il est
ainsi possible de streamer directement
sa partie, avec un affichage spécifique
pour les spectateurs. De plus, un sys‑
tème d’export simplifié vers les plate‑
formes vidéo ainsi que la monétisation
ont déjà été annoncés, bien qu’il ne
s’agisse pas de priorités immédiates.
Pour l’heure, l’équipe se concentre
sur la livraison du contenu promis
durant la campagne de financement
participatif qui vient de se clôturer sur
un beau succès. Si tout se passe bien,
les usagers de la plateforme pourront
dès septembre bénéficier de sa v1 et
du support de dizaines de jeux tels que
L’Appel de Cthulhu, Vaesen, Coriolis,
Tales from the Loop, City of Mist ou
bien encore Mörk Borg.
Action Fiction
Vous voulez un projet original ?
Cthulhu Dreamt devrait répondre à
votre demande. Il s’agit ni plus ni
moins que d’un projet multimédia in‑
cluant jeu de rôle, roman, performance
musicale et jeu en réalité alternée.
L’histoire se situe dans un futur
proche où, par suite d’une expérience
scientifique probablement interdite et
certainement ratée, le monde a été de
manière irrémédiable mais impercep‑
tiblement détérioré. Au fil des ans, les
conditions climatiques se sont dégra‑
dées et les relations humaines se sont
faites plus tendues. En 2034, certaines
créatures ou légendes ne sont plus
tout à fait considérées comme du folk‑
lore ou des mythes et de nombreux
humains commencent à partager un
étrange rêve peuplé d’innombrables
voix et formes incompréhensibles.
Dans ce contexte, les person‑
nages sont chargés par une agence
gouvernementale de retrouver un
scientifique perdu. Le groupe de créa‑
tifs indépendant Action Fiction s’est
associé à un groupe de métal progressif
pour proposer cette expérience unique.
En plus d’un livre de base incluant les
règles et une campagne complète, le
maître de jeu pourra utiliser des QR
code afin de diffuser des morceaux ori‑
ginaux créés spécialement pour l’action
en cours. C’est plus de deux heures de
musique qui seront disponibles au
total. Afin de faire grossir le contexte
et donner plus de profondeur à la cam‑
pagne, un roman décrit les événements
ayant eu lieu avant le début de celle‑ci.
Et pour pousser le bouchon un peu plus
loin, la campagne devrait atteindre le
monde réel par l’intermédiaire d’un jeu
en réalité alternée collaboratif depuis
un forum Sub Reddit. La date de lan‑
cement du Kickstarter est proche mais
encore indéfinie.
Arc Dream
Publishing
Difficile d’y voir clair dans ce qui se
passe chez Arc Dream sur Delta Green
puisqu’ils en sont à trois financements
participatifs réalisés en huit ans dont
les produits n’ont pas encore été livrés
en totalité. Ainsi, trois ouvrages sont
toujours attendus sur le financement
initial de la gamme de 2015 (sic !)
et l’éditeur ne donne aucune date
prévisionnelle.
Pour le crowdfunding de The
Labyrinth (2018), trois autres ouvrages
sont en attente, dont deux étaient
annoncés pour 2023 (Those who came
after et God’s teeth). Fin 2022, Those
who came after était en cours d’édition
et la version numérique était même
attendue pour décembre 2022.
Et on ne parle pas du financement
le plus récent, The Conspiracy (2021),
édition anniversaire de Delta Green
dont les deux premiers ouvrages (The
Conspiracy et Convergence) ont été
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VERSION ORIGINALE
livrés au printemps aux backers (et
devraient donc être désormais dis‑
ponibles) mais sans la petite dizaine
d’autres suppléments débloqués.
Catalyst Game Labs
L’éditeur américain maintient un
rythme soutenu ce trimestre. Body
Shop est un nouveau supplément de
règles consacré aux augmentations.
On y retrouve du matos à piocher
pour personnaliser son personnage
mais aussi des informations sur les
drogues du Sixième Monde, les pra‑
tiques médicales illégales ou les ani‑
maux augmentés.
En parlant d’animaux, Bestial Nature
est un supplément ramenant les zoo‑
canthropes, des animaux capables de
prendre forme humaine, sur le devant
de la scène.
Get Bento est un scénario de conven‑
tion, publié en PDF, dont les règles
sont compatibles avec la cinquième et
sixième édition du jeu. Se déroulant à
Tokyo, comme le reste des scénarios
du même type, il propose une structure
assez ouverte dans laquelle les run‑
ners devront trouver le moyen d’empê‑
cher des employés corporatistes de
payer une dette.
Dernière sortie en date, Shoot
Straight est un supplément conférant
toute une série de conseils à des run‑
ners débutants pour mieux effectuer
leurs missions, gérer les conséquences
et maintenir leur équilibre de vie. À no‑
ter qu’il est déjà annoncé en français,
suite au denier financement participa‑
tif, sous le titre de Vise Juste, pour une
sortie prévue à l’hiver 2023/2024.
Chaosium
Chaosium a annoncé un nouveau scé‑
nario solo pour Call of Cthulhu. Alone
Against the Static se déroule en 1991
et vous invite à suivre un couple parti
se mettre au vert à la montagne pour
raviver la flamme. Autant dire que la
thérapie de couple risque d’être in‑
tense. Sortie prévue en octobre 2023.
Très attendue, la nouvelle édition de
Pendragon commence à pointer le bout
de son nez avec la sortie d’un Starter
Set contenant un guide du monde,
un scénario solo, une mini‑campagne
pour débutant, huit fiches de prétirés,
des dés et des cartes permettant de
générer l’adversité. En attendant le
livre de base, la gamme sera accom‑
pagnée d’une trilogie de romans, Ruin
of Britain. Le premier tome, Arthur the
Soldier, sortira en novembre et tentera
de lever le voile derrière le mythe du roi
légendaire.
Annoncé en grande pompe au prin‑
temps dernier, la série de suppléments
consacrés aux cultes de RuneQuest est
désormais lancée. Cults of RuneQuest :
The Prosopaedia, panorama des dif‑
férents panthéons de Glorantha,
sera suivi en aout (à l’occasion de la
GenCon) de deux autres volumes : The
Lightbringers décrira pas moins de
dix‑neuf cultes, dont ceux de Chalan
Arroy, Lambril et Humakt (avec no‑
tamment leur mythologie et la façon
d’entrer dans ces cultes), et contiendra
également de nouveaux sorts et com‑
pétences en lien avec eux ; The Earth
Godesses contiendra le même type
de contenu pour seize cultes liés à la
terre, dont Uleria, Ty Kora Tek et Maran
Gor. En octobre, Cults of RuneQuest :
Mythology sera consacré, comme
son nom l’indique, aux mythes de
Glorantha. Il est plus spécifiquement
destiné au MJ.
Plus annexe, The Meints Index to
Glorantha listant l’ensemble de la pro‑
duction liée à RuneQuest et Glorantha
entre 1975 et 2015 vient d’être réédité.
Coyote Press
Cet éditeur italien a commencé à
travailler sur War, un jdr militaire
dans lequel les personnages, en tant
que soldat, paramilitaire ou civil,
sont confrontés à des choix moraux
WEEKEND WARRIORS par Tod & Anthony Calla
et éthiques difficiles. Le jeu, écrit par
Jacopo Frigerio, n’a pas encore de sor‑
tie, mais son thème est sans aucun
doute très actuel.
Crimson
Studies Creations
Le retour des grands anciens est aus‑
si à la mode en Italie. La preuve avec
la mise en chantier d’un reboot de I
Signori del Caos (The Lords of Chaos),
le tout premier jeu de rôle en langue
italienne ‑ médiéval‑fantastique bien
sûr. Cette nouvelle édition promet de
conserver l’esprit old school de l’origi‑
nal, tout en apportant des mécanismes
frais et novateurs. Les joueurs pourront
s’immerger dans un monde ravagé par
la guerre. Pas de prince leur assignant
des missions ou de nobles emmu‑
rés dans de pompeux châteaux ici. La
survie est la chose qui compte. Le jeu
n’est prévu qu’en italien, à une date
encore non fixée.
Cubicle 7
Doctor Who continue son bonhomme
de chemin avec la parution d’un sup‑
plément dédié aux aventures du
Treizième Docteur, incarné par Jodie
Whittaker à l’écran. The Thirteenth
Doctor Sourcebook présente ainsi les
différentes péripéties vécues par le
docteur dans les saisons 11 à 13 de la
série éponyme sous la forme de scéna‑
rios, ainsi que ses alliés et ennemis.
La déclinaison 5e du jeu, Doctors and
Daleks, a également bénéficié d’un
supplément. Alien Archive est un bes‑
tiaire d’une soixantaine de monstres &
aliens apparus dans la série.
Pour Warhammer Fantasy, Forest
of Hate est un scénario PDF emme‑
nant les PJ sur les traces des forces
corrompant la forêt de Laurelorn, en
attendant un nouveau recueil Ubersreik
adventures III prévu pour début 2024.
Conçu pour Warhammer : Wrath &
Glory, l’itération space opera de la cé‑
lèbre licence, Redacted Records 2 est un
supplément présentant notamment de
nouveaux archétypes, diverses reliques
et des talents additionnels.
Darrington Press
Basé sur le système Illuminated
Worlds dont nous vous parlions dans
le numéro précédent, Candela Obscura
est un jeu de rôle d’enquête occulte se
déroulant dans un monde fictif, bien
que similaire au nôtre, en 1907. On y
joue les membres de l’organisation
ésotérique éponyme afin d’endiguer
la corruption magique du monde. Bien
que le jeu complet ne sorte pas avant la
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VERSION ORIGINALE
fin de l’année, un kit de découverte est
déjà disponible en téléchargement et
propose des règles simplifiées accom‑
pagnées d’un scénario d’enquête.
Eloso Förlag
L’éditeur suédois de L’Appel de
Cthulhu vient de financer avec succès
une nouvelle série de suppléments
prenant place dans la ville universitaire
de Lund. Le premier ouvrage proposé,
Lund ‑ den förbjudna kunskapens stad,
est un guide du cadre de Lund dans les
années 1920 décrivant la ville et son
importance politique, scientifique et
religieuse, ainsi que la manière dont le
mythe imprègne ses rues. Il s’accom‑
pagne de Skuggor över Skåne, un re‑
cueil de scénarios se déroulant dans la
région de Lund, et Räddaren i Nöden se
déroulant, comme son nom l’indique,
dans le quartier de Nöden, qui doit
son nom au faible niveau de vie de ses
habitants à l’époque. La sortie de ces
trois suppléments est prévue pour août
2023, à l’occasion de Lund 1923, événe‑
ment à mi‑chemin entre le festival de
jeu et le festival historique.
Evil Hat
On vous en parlait dans le dernier
numéro, Girl by Moonlight, le jeu forgé
dans les ténèbres où l’on incarne des
Magical Girls tentant de lutter grâce
à leurs pouvoirs contre une société
oppressive a été financée avec succès,
pour une sortie du livre de base en
janvier 2024.
Du côté des projets plus lointain de
l’éditeur, As The Sun Forever Sets est
un survival horrifique prenant place
dans la société victorienne alors que la
Terre subit une invasion martienne. Les
personnages doivent survivre pendant
15 jours, délai au terme duquel les en‑
vahisseurs succomberont aux microor‑
ganismes terrestres. Le jeu sera lui
aussi « Forged in the Dark », mais une
composante bac à sable / hex crawl a
également été annoncée. Les inscrip‑
tions au playtest ont été récemment
ouvertes, sans date de sortie annoncée.
Autre projet en cours de playtest,
Tiān Dēng : Diaspora in Space est un
PBTA spatial où l’on incarne un équi‑
page naviguant de planètes en pla‑
nètes pour accomplir diverses missions
et tenter d’apaiser les caprices de l’IA
aux commandes de leur vaisseau.
Free League
The Walking Dead Universe a connu
un succès retentissant qui devrait per‑
mettre aux heureux acquéreurs d’obte‑
nir son livre de base, sa boite d’ini‑
tiation et ses accessoires (fiches de
prétirés, cartes, indicateur de menace,
modules Foundry VTT et Roll20, écran
et dés customisés) d’ici la fin d’année.
Du côté de Drakkar och Demoner, ou
Dragonbane dans sa version anglaise,
le livre de base et le starter set sont
en cours d’expéditions au moment où
nous écrivons ces lignes. Pour rappel, ce
jeu médiéval‑fantastique est une nou‑
velle édition du plus ancien des jeux de
rôle suédois. Issu à l’origine de Magic
World de Chaosium, ce jeu de 1982
avait fini par voler de ses propres ailes
et proposera pour cette nouvelle édi‑
tion un système à la croisée entre son
système d20 traditionnel et des méca‑
niques issues du Year Zero Engine.
Très attendue, la suite de Blade
Runner a été annoncée sous la forme
d’un scénario, Case File #02 : Fiery
Angels qui explorera les limites et
conséquences de la technologie des
réplicants. Le scénario sera publié en
fin d’année sous format boite avec une
vingtaine d’aides de jeux et des cartes
des lieux traversés au cours de l’aven‑
ture. Il sera suivi en 2024 par Replicant
Rebellion, un supplément qui permet‑
tra aux joueurs de rejoindre une cellule
de réplicants agissant dans l’ombre
pour aider les leurs.
 Pour Coriolis, le troisième tome de
la campagne Mercy of the Icons est
désormais disponible. Wake of the
Icons offre trois nouveaux scénarios,
de nombreuses informations sur le
contexte des événements dépeints,
un système optionnel permettant de
mettre en scène les mouvements de
la flotte durant la campagne et des
détails sur une vingtaine de vaisseaux
différents.
The Lost Mountain Saga pour Vaesen
est une campagne constituée de cinq
mystères. Elle est issue d’un actual
play d’Ellinor DiLorenzo qui a étendu
et révisé les scénarios pour l’occasion.
Sans trop de surprises, ceux‑ci se dé‑
roulent en Scandinavie et confrontent
les personnages à d’étranges accidents
dans la ville minière de Falun, à une
réception scientifique à l’université
d’Upsala ou à d’anciennes traditions
qui pourraient bien cacher plus de se‑
crets qu’il n’y parait.
Urban Operations est un supplément
pour Twilight : 2000 inspiré par Free
City of Krakow, un ancien supplément
de la première édition du jeu. Prenant
la forme d’une boite, il contient tout
le nécessaire pour jouer dans des envi‑
ronnements urbains avec de nouvelles
règles de combat et de voyage, de nou‑
velles factions, de nouveaux scénarios
et des informations pour créer des cam‑
pagnes plus longues. Il contient égale‑
ment le descriptif de deux cadres de
jeu, Krakow et Karlsborg, ainsi que tout
un tas d’accessoires, notamment de
nombreuses battlemaps modulaires.
The One Ring et son équivalent 5E,
The Lord of the Rings Roleplaying
désormais disponible, continuent leur
bout de chemin avec la publication d’un
recueil de scénarios, Tales From the
Lone‑lands ‑ Tales From Eriador en 5E.
Contenant six scénarios pouvant être
joués séparément ou en campagne, le
supplément confrontera les person‑
nages aux espions et stratagèmes de
l’Ennemi au nord‑ouest de la Terre du
Milieu. À noter par ailleurs, la précom‑
mande de Ruins of Eriador, conversion
5E du supplément Ruins of the Lost
Realm, décrivant le cadre dans lequel
se déroulent les scénarios précédem‑
ment évoqués.
Goodman Games
La nouveauté de l’été est la précom‑
mande participative de XCrawl Classics
RPG, un JdR stratégique d’explora‑
tion de donjons se déroulant dans un
monde dystopique d’autoritarisme
absolu et de conflits de classes, avec
une histoire moderne décalée. Une
sorte de miroir déformant et caricatural
du monde étrange dans lequel nous vi‑
vons et une critique du phénomène de
renommée. Le CF sera terminé lorsque
vous lirez cette news, mais le projet est
déjà financé pour une sortie planifiée
en juin 2024.
Haunted
Table Games
Petit nouveau de la scène anglo‑
phone, Haunted Table Games est un
nouvel éditeur fondé par Caleb Zane
Huett et Sean Ireland, tous deux me‑
neurs professionnels. Triangle Agency,
leur premier projet, est un jeu contem‑
porain où l’on incarne les employés
d’une mystérieuse agence. Ils ont
pour but d’enquêter et de capturer de
mystérieuses anomalies menaçant le
reste du monde dans des histoires aux
tonalités teintées d’horreur, mais aussi
d’humour. Motorisé par un système
original ayant recours aux d4, le jeu
permet aux personnages de façonner
la réalité pour atteindre leurs objectifs,
au risque de créer du Chaos dont le me‑
neur peut s’emparer pour leur compli‑
quer la vie. Si des mécaniques inspirées
des jeux legacy ont également été an‑
noncés, les joueurs devront également
prendre une part plus importante dans
la mise en scène des « PNJ » puisqu’ils
pourront incarner les relations clés de
ACTUALITÉS | 31
32 | ACTUALITÉS
VERSION ORIGINALE
leurs camarades de table. Financée
avec grand fracas, cette première vague
de contenu comprend un livre de base,
un recueil d’aventure, un carnet de
personnage, des dés personnalisés et
même la réplique d’un des objets du
jeu. Livraison prévue à l’été 2024.
Horrible Guild
Cet éditeur italien de jeu de plateau
vient d’annoncer Wilderfeast – You Are
What You Eat, « un jdr culinaire mons‑
trueux ». Il prend place dans un monde
post‑post‑apocalyptique, sur un super
continent où la nourriture est la magie.
The One Land est peuplé de monstres
et d’humains qui découvrent son éco‑
système. En arrivant, les humains ont
introduit un virus surnaturel qui rend
les monstres violents. Ces derniers sont
gardés sous contrôle par les Wilders,
un groupe de rangers mutants qui les
chasse et mange ceux qu’ils n’ont pu
sauver de leur frénésie. Ils augmentent
ainsi leurs propres pouvoirs et gagnent
de nouvelles mutations.
Le jeu utilise des d8 pour les humains
et des d20 pour les monstres. Les per‑
sonnages alternants entre humain et
monstre, leurs pools de dés alternent
aussi en conséquence.
Lancement du financement prévu
à l’automne 2023, en italien et en
anglais ‑ d’autres langues pourraient
être ajoutées.
Hunters
Entertainment
Sans surprise, le financement de
Silent Falls, l’extension d’Alice is
Missing, a été un succès. Elle apporte
de nouvelles cartes de différents types
(Personnages, Suspects, Lieux, Indices,
Recherches) venant compléter ou rem‑
placer certaines cartes du jeu d’ori‑
gine. À noter que même si l’extension
apporte de nouveaux personnages
jouables, l’éditeur déconseille forte‑
ment de jouer à plus de 5 joueurs et
aucune carte Intentions supplémen‑
taires n’a été ajoutée. Le PDF de l’ex‑
tension est d’ores et déjà disponible
et le support pour Discord, Roll20 et
Alchemy devrait suivre sous peu. Les
amateurs de formats physiques de‑
vront attendre février 2024 pour mettre
la main sur la boite tant attendue.
Modiphiüs
Winter of Atom est un supplément
de campagne bac à sable de niveau 1 à
21 pour Fallout : The Roleplaying Game.
Il confronte les personnages à une
secte qui pourrait bien provoquer un
second holocauste nucléaire. L’ouvrage
contient également de nouvelles op‑
tions et règles, ainsi que des conseils
pour équilibrer les combats.
Nouvelle déclinaison du mythe,
Cohors Cthulhu proposera bientôt aux
joueurs intéressés de se confronter
à des créatures non‑euclidiennes à
coup de 2D20 dans la Rome antique.
Si le Player’s Guide et le Gamemaster’s
Guide sont en cours d’édition, les cu‑
rieux peuvent déjà se tourner vers le
Quickstart Guide.
On ne s’y attendait pas forcément,
mais les Trekkies fans de jeux en
solo peuvent désormais se tourner
vers le Captain’s Log pour explorer
la Fédération des planètes unies. Ce
« journaling game » (qui se joue en
consignant les aventures de son per‑
sonnage comme si l’on écrivait son
journal intime) est pensé pour être
compatible avec l’ensemble des pé‑
riodes de l’univers. L’ouvrage est en
précommande, et le PDF immédiate‑
ment disponible.
Monte Cook Games
Au moment où vous lirez ces lignes,
Old Gods of Appalachia, basé sur le
podcast du même nom, devrait être
disponible. Proposant de jouer de l’hor‑
reur cosmique intimiste en Appalachie
dans les années 1920 et 1930, le jeu
sera également accompagné d’un
Player’s Guide de seulement 32 pages
pour permettre aux joueurs de prendre
en main l’univers et les règles, basées
sans surprises sur le Cypher System.
Également basé sur un podcast
horrifique, The Magnus Archives
permettra de rejoindre les rangs du
Magnus Institut spécialisé dans les
recherches ésotériques pour des aven‑
tures lorgnant fortement du côté de
Lovecraft. Le jeu sera motorisé par
le Cypher System et devrait être pro‑
posé en financement participatif d’ici
quelques mois.
Who the Devil Are You ? est un jeu
en narration partagée pensé pour être
jouer en one‑shot et où les joueurs
inventent une situation à partir d’une
image avant de créer leurs person‑
nages. Le genre des histoires mises en
scène peut être varié et un paquet de
50 cartes permet de réguler le jeu et de
relancer la narration.
Les publications s’enchaînant du côté
du Cypher System, Monte Cook Games a
mis au point un index des créatures ac‑
cessibles gratuitement en ligne. Il per‑
met de trier et de retrouver un monstre
par niveau, genre (Fantastique,
Horreur, Contemporain…), environne‑
ment, motivation et source.
Mulciber Games
Ce collectif italien récemment consti‑
tué travaille sur un nouveau contexte
5E très intriguant, Regnum Solis
(Kingdom of the Sun). Il se situe en
Sicile après l’invasion normande me‑
née par Roger Hauteville (Ruggero d’Al‑
tavilla en italien). L’île est alors l’enjeux
de nombreuses convoitises, entre les
nobles arabes divisés quant à l’atti‑
tude à adopter face aux envahisseurs,
de puissantes familles locales qui font
tout pour garder leur pouvoir et les
bandits et mercenaires qui parcourent
le pays. Cette situation politique chao‑
tique offre de multiples opportunités
à des gens ambitieux comme nos PJ.
Mais les dangers abondent aussi, et
certains ne sont pas de ce monde…
Aucune date d’annoncée pour l’ins‑
tant, mais la confirmation que les jeux
historiques avec ou sans fantastique
ont décidément le vent en poupe chez
nos voisins transalpins.
Need Games
L’éditeur italien, jusqu’ici surtout
connu pour ses traductions, conti‑
nue de se construire un petit cata‑
logue de JdR originaux. Après Fabula
Ultima (disponible en VF chez Don’t
Panic Games), voici The Breach, écrit
par Matteo Sciutteri et basé sur le
Breathless System.
Construit pour reproduire la structure
en épisodes d’une série TV, son univers
évoque divers séries SF : en 1943, une
expérience du Ministère de la Culture
et des Science de la Confédération sur
le flux espace‑temps tourne mal. L’un
des accélérateurs de particules explose
et ouvre une porte vers une infinité de
dimensions. Le bâtiment est bouclé
et ses occupants évacués vers un abri
anti‑bombe. 35 ans plus tard, ils y sont
toujours enfermés. Leurs souvenirs de
l’extérieur se sont évanouis. La struc‑
ture sociale qui s’y est développée ne
sert plus qu’un seul objectif, le dernier
ordre qu’il ont reçu : explorer le multi‑
vers à la gloire de la Confédération. Le
jeu n’est hélas disponible qu’en italien
pour l’instant.
Onyx Path Publishing
Tending the Flame est un supplément
élargissant les options proposées dans
la seconde édition du livre de base de
Hunter : The Vigil avec de nouveaux
compacts, conspirations et tactiques
ou des conseils pour mettre en scène
les relations entre les chasseurs.
Exalted : Essence est une version
condensée et simplifiée de la troisième
édition d’Exalted destinée aux groupes
préférant des règles plus légères que
ACTUALITÉS | 33
34 | ACTUALITÉS
VERSION ORIGINALE
celles du jeu de base. Contenant éga‑
lement une présentation de l’univers,
l’ouvrage est pensé pour être auto‑
suffisant et adapté aux meneurs qui
découvriraient le jeu par son biais.
They Came From the RPG Anthology !
est le dernier né de la gamme antho‑
logique They Came From dont chaque
supplément est dédié à un genre spéci‑
fique. Après They Came Beneath the Sea
dédié à la science‑fiction des années 50
et 60, ou They Came From Beyond the
Grave consacré à l’émulation des films
de la Hammer ou de Roger Corman, ce
nouvel opus prend un parti pris plus
hétéroclite. Il devrait ainsi permettre
d’émuler des genres aussi différents
que le western, les films noirs ou les
drames historiques. L’ouvrage devrait
paraître l’été prochain.
La nouvelle édition de Trinity
Continuum : Adventure, le jeu d’action
pulp se déroulant dans le même uni‑
vers que Trinity Continuum : Aberrant
et Trinity Continuum : Trinity, vient de
sortir (rappelons que le livre de règle gé‑
nérique Trinity Continuum est requis).
Cette nouvelle édition troque les an‑
nées 20 pour les années 30 et contient,
outre de nouvelles options pour le
moteur maison (le Storypath System)
des informations pour mettre en scène
des aventures pulp. Un kit de démar‑
rage pour le jeu est également dispo‑
nible. Celui‑ci contient six prétirés et
des règles synthétiques permettant de
jouer une intrigue tournant autour d’un
avion détruit par une mystérieuse force.
Vigil Watch : Kelder Mountains est
un supplément pour Scarred Lands
décrivant la citadelle naine de Burok
Torn et la ville elfique ennemie de Dier
Dendral. Toutes deux sont fortement
influencées par le dieu vénéré par
leurs habitants.
Paizo
Désormais terminée, la campagne
Stolen Fate pour Pathfinder 2, centrée
autour du Harrow Deck et du futur de
l’univers, a laissé sa place à Sky King’s
Tomb. Elle propose 3 volumes centrés
autour de la cité naine de Highhelm et
de la Quête du Ciel ayant amené les
nains à migrer à la surface de Golarion.
Permettant d’approfondir la cam‑
pagne, Lost Omens : Highhelm permet‑
tra de développer la cité éponyme et de
décrire plus en détails la culture naine
et les différents clans de la ville.
Du côté des règles, Rage of Elements
apportera de nouveaux sorts et équi‑
pements, une description des plans
élémentaires, un bestiaire et le retour
des kineticists, en attendant la ressor‑
tie des ouvrages de base expurgés du
contenu OGL.
Pegasus Press
Schwere Fracht est un nouveau recueil
de scénarios pour Shadowrun pouvant
être joués séparément ou dans le cadre
d’une mini‑campagne. Ils tournent
autour d’une thématique importante
mais rarement abordée par la gamme,
le fret de marchandises. S’appuyant
sur les PDF parus au printemps (voir les
news de notre numéro précédent), ses
intrigues constituent un prologue à la
campagne draconique à venir d’ici la fin
d’année prochaine.
Du côté de la folie et du désespoir
poulpique (à chacun son été), l’édi‑
teur propose pour L’Appel de Cthulhu
un nouveau recueil de scénarios pen‑
sés pour les one‑shots, Ein Abend mit
dem Grauen, ainsi qu’une nouvelle
édition collector d’un supplément
consacré à l’Allemagne des années 20,
Deutschland ‑ Blutige Kriege & Goldene
Jahredes. Un ensemble de scénarios
issus de l’actual play Orkenspalter
devrait suivre sous peu sous le titre
Orkenspalter und der Mythos.
Sam Clark/
Skullcamera Games
Si vous aimez les films d’hor‑
reur, n’hésitez pas à rejoindre les
contributeurs du financement du bien
nommé Slash ! Véritable déclaration
d’amour au genre Slasher, des films
où une créature décime un groupe de
personnes une par une de manière très
violente, le jeu vous propose d’endos‑
ser le rôle d’une potentielle victime et
de tenter de survivre à une nuit d’hor‑
reur. Les scénarios reprennent la struc‑
ture habituelle des films du genre en
trois actes et propose d’incarner les
archétypes de ce genre de production
comme la Vierge ou encore le Geek.
L’offre de base la comprend le livre
de 150 pages en couverture rigide, trois
paquets de cartes et un set de dés.
Ces accessoires sont visiblement de
bons compagnons pour tout maître
de jeu, les jeux de cartes permettant
de construire en quelques instants un
antagoniste, un personnage ou encore
un terrain d’affrontement. Si les dés
sont optionnels, grâce à un lanceur vir‑
tuel fournis gratuitement, ils sont tout
de même au cœur du moteur de jeu. De
trois types, ils déterminent non seule‑
ment la réussite de l’action mais aussi
les conséquences qui en découlent. La
promesse ludique est plutôt alléchante
et en fonction de vos envies les parties
peuvent osciller en petits frissons et
gore assumé.
The World Anvil
Publishing
Lost Stories est un supplément qui
vient d’être financé pour le jeu de rôle
horrifique italien Broken Tales, nomi‑
né aux ENnies 2023. Se déroulant en
Europe au XVIIIe siècle, le jeu propose
de chasser les héros des contes qui
sont devenus maléfiques par suite d’un
vœu ayant mal tourné.
Ce nouvel ouvrage propose diverses
propositions (objets, ennemis, lieux…)
pouvant servir d’inspiration pour ali‑
menter la création d’une campagne et
sept nouveaux scénarios inspirés par
le Père Noël, La Reine des neiges, Le
Loup et les sept chevreaux, Tristan et
Isolde et Le Briquet de Hans Christian
Andersen. Il s’accompagne également
de nouveaux prétirés, d’un écran et
de dés à l’effigie du jeu. Le finance‑
ment étant un beau succès, la sortie de
l’ouvrage est garantie, en italien et en
anglais, pour l’instant en juin 2024.
Two Little Mice
Outgunned, le jeu inspiré par les films
d’action dont nous vous parlions dans
le numéro précédent, est désormais
confirmé par la grâce d’un financement
particulièrement réussi. En mars 2024,
si tout se déroule comme prévu, il sera
donc possible de mettre la main sur le
livre de base, un supplément de règles
et campagne inspiré par John Wick, un
recueil de cadres de jeu inspirés par
différents types de films d’action, une
mini‑campagne prolongeant le kit de
découverte et une pelletée d’acces‑
soires (dés, decks de cartes, écran).
L’éditeur italien n’oublie toutefois
pas l’adage rôliste « Financer c’est bien,
livrer c’est mieux ». Il faut dire que les
livraisons de Household battent leur
plein alors que sont écrites ces lignes.
Pour rappel, le jeu italien initialement
sorti en 2019 avait bénéficié d’un finan‑
cement participatif en 2022 en parte‑
nariat avec CMON pour lui permettre de
ressortir dans un nouvel écrin, avec en
prime une traduction anglaise. Après
un peu plus d’un an d’attente, vont
enfin être disponible le livre de base,
son supplément de scénarios et un
supplément détaillant le cadre du jeu ‑
un manoir abandonné depuis une cen‑
taine d’années dans lequel vivent dans
une paix précaire différents peuples de
petites fées, boggarts, sluagh et lutins.
Son système est similaire au Fortune
System bien connu des fans de Broken
Compass où l’on jette des D6 dans l’ob‑
jectif d’obtenir un maximum de résul‑
tats identiques.
ACTUALITÉS | 35
36 | ACTUALITÉS
VERSION ORIGINALE
Ulisses Spiele
L’éditeur allemand continue de sor‑
tir des suppléments et des jeux à une
cadence infernale.
Après la 2e édition de HeXXen 1733 au
printemps, voici qu’il a réalisé un finan‑
cement participatif pour un supplé‑
ment permettant de jouer dans cet uni‑
vers avec SWADE. L’offre comporte non
seulement un livre de règles mais aussi
l’adaptation de la campagne Königreich
der Dornen, un Kompendium (compila‑
tion d’antagonistes, de scénarios et
de règles optionnelles), et un kit du MJ
comprenant des personnages prétirés
et l’aventure Dämonenbrut (qui faisait
déjà partie d’un kit similaire pour la 1ère
édition du jeu). Si cette version SWADE
ne remporte pas le même succès que
l’original, elle a tout de même trouvé
son public.
Das Schwarze Auge n’est pas en
reste et connaît une évolution dans la
structuration de ses suppléments ré‑
gionaux. Jusqu’ici composés d’un gros
ouvrage de 256 pages contenant à la
fois du fluff et du crunch, pour le MJ et
les joueurs, ainsi qu’un scénario et un
supplément de matériel, les régions
feront désormais l’objet de tryptiques.
Un premier ouvrage de 128 pages sera
uniquement consacré à la description
de la région, sans élément de méca‑
nique de jeu ou secrets ; un deuxième
livre de 80 pages destiné aux joueurs
fournira toutes les options de PJ liées
à la région ; et un troisième livre de
96 pages réservé au MJ contiendra tous
les secrets de la région et un scénario.
Ulisses inaugurera ce fonctionnement
avec Die Winterwacht – Das Bornland &
Die Walberge, Helden der Winterwacht
et Mysterien der Winterwacht, les trois
suppléments consacrés au pays de la
Source. Comme d’habitude, ces ou‑
vrages de base auront leur magnifique
boîte, leur Heldenbrevier, un CD de mu‑
sique d’ambiance, deux Vademecum
(l’un sur l’ordre du Bélier et l’autre
sur Mokosha, la déesse la plus impor‑
tantes pour les Norbards), un set de
cartes géographiques et bien d’autres
éléments encore. Tout cela a été finan‑
cé royalement au mois de juin : près de
1 700 souscripteurs et 325 000 euros !
En attendant la livraison prévue pour
l’automne, le supplément régional Die
Flusslande et ses ouvrages annexes, qui
étaient épuisés, vont ressortir en sep‑
tembre selon cette formule du tryptique.
De son côté, le supplément régional
Das Wüstenreich et sa suite sont dis‑
ponibles, tout comme les ouvrages de
la précommande participative Rahja’s
gunst, qui vont vous permettre de vivre
plusieurs aventures sous le signe de
Rahja. Et en septembre, sortira le Buch
der Ungeheuer, un livre de 160 pages
à l’aspect luxueux, au format B5 avec
une couverture softtouch dont le
contenu consacré aux monstres est
présenté façon « in game ». Il suit en
cela le Eynmaleyns der Kräuterkunde
consacrés aux plantes et le tout récent
Amaziella Bosvani’s Bordellführer,
guide des établissements de plaisir pu‑
blié en même temps que Rahja’s Gunst.
Vas quas editrice
Vas quas est le label de Giovanni
Micolucci, véritable homme‑orchestre
qui assure toute la chaîne de produc‑
tion d’un jeu (textes, illustrations…).
Un Grümph italien en quelque sorte :
Tomorrow est sa dernière création.
Dans ce jeu de survie post‑apocalyp‑
tique pour 3 à 6 joueurs (MJ compris),
le Ragnarök a eu lieu. Les PJ ont sur‑
vécu. Mais les dieux qui les ont plongés
dans cet enfer accepteront‑ils de leur
laisser une ultime chance d’atteindre
le Valhalla ? Les joueurs qui apprécient
de se plonger dans un environnement
postnucléaire, d’explorer des bunker
et arches technologiques en suivant
une ancienne prophétie prédisant la fin
du monde seront ravis. Ce jeu plein de
soleil et de bonne humeur est déjà dis‑
ponible, mais en italien uniquement.
WEEKEND WARRIORS par Tod & Anthony Calla

déroule principalement dans les

Vortex Verlag Wizards Outlands et est construite comme
The Straight Way Lost est une of the Coast une introduction à Planescape.
campagne qui prend place dans une Le retour très attendu de La pagination a légèrement aug‑
renaissance Italienne fantasmée. Planescape se précise. Il reprendra menté puisque le premier et le
Ce set up pour la 5e propose essen‑ donc exactement le même format troisième livret auront 96 pages
tiellement deux choses au long de que celui de Spelljammer, soit un au lieu de 64. Pas certain que cela
ses 400 pages. Tout d’abord un coffret regroupant un écran, une suffise pour offrir un setting suf‑
cadre détaillé d’une Italie en pleine carte et trois livrets : contexte et fisamment consistant, reproche
évolution économique et culturelle, options de personnage, bestiaire et qui avait été largement formulé
d’où émerge le mouvement huma‑ scénario. Ce dernier voit les person‑ à l’encontre de Spelljammer.
niste, avec un focus spécifique sur nages enquêter sur une anomalie Réponse le 17 octobre, date de
la ville de Florence. Le livre pro‑ dans le multivers. L’aventure se sortie officielle.
pose bien évidemment des adap‑
tations vis‑à ‑vis de la 5e pour ca‑
drer avec le contexte, notamment
avec des adaptations des races,
de nouvelles options de person‑
nages mais aussi des variations de
classes existantes ainsi que deux
nouvelles classes, le philosophe et
l’artiste. La deuxième partie pro‑
pose quant à elle une campagne en
sept actes où les personnages se
retrouvent impliqués dans un com‑
plot politique qui les mène à la ren‑
contre de personnages historiques
(amis ou ennemis !) mais aussi de
l’enfer au paradis dans les traces
de Dante Alighieri. L’ouvrage déjà Ciro Alessandro Sacco,
financé sera disponible en couver‑ Olivier Halnais, Timothée Aubry,
ture rigide et enrichi de plus de 140 Pierre Balandier, Slawick Charlier,
illustrations tout couleur. Marc Sautriot

ACTUALITÉS | 37
38 | CRITIQUES

HUNTER : LE JUGEMENT | LIVRE DE RÈGLES (VF)

HUNTER : LE JUGEMENT
Quand la proie devient le chasseur…
Le Monde des Ténèbres propose majoritairement d’incarner des
créatures surnaturelles (vampires, loups‑garous…). Mais depuis
ses débuts, il offre aussi la possibilité d’interpréter ceux qui les
traquent – de Hunter’s Hunted à Hunter : The Vigil – avec un
succès variable. Qu’en est‑il donc de cette nouvelle version de
Hunter : le Jugement ?

Fiche technique la main. D’autant plus que même les

Éditeur • Arkhane Asylum La majuscule
Matériel • Livre à couverture est importante
rigide et signet de 290 pages Vous savez que le surnaturel existe,
couleur
que des créatures inhumaines se
Prix constaté • 55 €
cachent dans les ombres et que l’hu‑
manité est leur proie… Vous le savez,
parce que vous l’avez expérimenté
de première main – survivant d’une
attaque sauvage ayant laissé votre fa‑
mille pour morte, esclave de l’un de ces
monstres étant parvenu à lui échapper
ou témoin d’événements traumati‑
sants dont vous semblez être le seul
à vous souvenir. Cet événement vous a
convaincu que vous deviez agir et vous
en prendre à ce mal à la racine. Cette
impérieuse pulsion vous transforme en
Chasseur, et avec quelques alliés parta‑
geant votre condition, vous allez pou‑
voir faire payer les ténèbres – quitte à y
laisse la vie s’il le faut.
Telle est donc la proposition ludique
de Hunter : le Jugement. Simples mor‑
tels sans aucun pouvoir, les person‑
J’aime : nages s’unissent au sein d’une cellule
+ Une proposition de jeu
active et mènent des opérations afin
excitante
de débarrasser le monde de tout ce
+ Une belle cohérence
graphique qui grouille dans la nuit. Hélas, le com‑
bat semble désespéré : les créatures
+ Des règles qui vont droit
paraissent innombrables et disposent
au but
de la puissance et de l’influence quand
J’aime moins : les Chasseurs ne sont que des outsi‑
- Ni scénario ni décor de jeu ders devant se débrouiller comme ils
de départ peuvent, avec le peu qu’ils ont sous
organisations ayant connaissance du
surnaturel ne se révèlent pas toujours
fiables – poursuivant leurs propres
objectifs et n’hésitant pas à sacrifier
leurs pions. Mais quelqu’un doit bien
prendre les choses à bras‑le‑corps et
mener cette guerre interminable – une
bataille à la fois.
Un exemple
de clarté dans
les ténèbres
Plusieurs éléments frappent à la lec‑
ture de Hunter : le Jugement. En pre‑
mier lieu, le livre possède une grande
cohérence graphique qui en rend la
lecture fluide et agréable. Les illustra‑
tions en noir et blanc se parent tou‑
jours de quelques nuances orangées,
et bien qu’elles soient l’œuvre de diffé‑
rents artistes, ce détail leur donne une
apparence unifiée. La mise en page se
montre aérée, avec une police s’avérant
lisible pour les plus vieux rôlistes (mer‑
ci !). Des graphiques et organigrammes
clarifient les informations et habillent
les chapitres. De nombreux exemples
sont proposés pour illustrer le texte…
C’est vraiment un plaisir de se plon‑
ger dans cet univers paranoïaque où le
danger guette partout.
 On note également qu’ici, le verbiage
auquel d’autres ouvrages du Monde
des Ténèbres avaient pu nous habituer
est totalement absent. La rédaction est
directe et limpide ; chaque paragraphe
se révèle utile et riche en informa‑
tions. Bref, on ne perd pas de temps en
digressions sans but – le livre ne com‑
portant qu’une seule nouvelle. Quant à
la traduction, elle se montre parfaite‑
ment à la hauteur, avec un registre de
langage adapté à chaque chapitre.
Enfin, le jeu offre une réelle et jouis‑
sive rugosité : on ne plaisante pas
quand on mène une vie de Chasseur.
Toute la société apparaît suspecte,
les affrontements avec les « menaces
non‑conventionnelles » ne laissent
aucune chance à ceux qui s’y jettent
sans préparation, la nuit dissimule de
nombreux dangers… Les personnages
marchent sur le fil d’une existence
rude et souvent courte mais il leur est
impossible de s’y soustraire. C’est leur
mission, leur sacerdoce. Personne ne se
battra à leur place. Cette ambiance sied
parfaitement à « l’inversion de camp »
qui se trouve au cœur de Hunter :
le Jugement.

Définir le Chasseur
Hunter : le Jugement est motorisé
par une version moderne et épurée du
fameux Système du Conteur.
Les Chasseurs disposent ainsi de
neuf attributs (Force, Charisme,
Intelligence…) et d’un large panel de
compétences (Armes à feu, Survie,
Empathie, Intimidation, Occultisme,
Vigilante…). Une jauge de santé et une
autre de volonté permettent de mesu‑
rer leur état physique et mental. Et…
c’est à peu près tout. Les personnages
ne possèdent aucun don particulier,
aucune capacité surhumaine, aucun
artefact mystique qui faciliterait leur
mission. Animés par une pulsion (la
motivation qui les pousse à abandon‑
ner leur vie d’avant pour affronter le
surnaturel), ils ne peuvent compter que

CRITIQUES | 39
40 | CRITIQUES
les uns sur les autres et forment
ainsi une cellule unie – car personne
ne peut combattre seul l’obscurité.
Cela dit, ils se mesurent tout de
même au Mal grâce à quelques
atouts (des alliés, certaines res‑
sources, un statut social…) mais
surtout au moyen d’ascendants :
ces derniers constituent des avan‑
tages tels que l’accès à des armes
ou véhicules, une foi qui protège
contre certaines influences surna‑
turelles, une bibliothèque recelant
des secrets bien utiles (comme
le point faible de certains êtres),
etc. Des extras leur offrent une
certaine spécialisation dans les
ascendants qu’ils possèdent –
les rendant encore plus efficaces
(disposer d’armes intraçables ou
de véhicules customisés, avoir
des documents approfondis sur
un type d’être, utiliser sa foi pour
protéger autrui…). Un credo définit
également leur vision de la chasse :
les martiaux n’hésitent jamais à se
confronter physiquement à leurs
ennemis, les investigateurs se
renseignent toujours au maximum
avant de passer à l’action, les clan‑
destins connaissent les usages de
la rue et des milieux criminels…
Les règles
de la traque
De là, le système reste classique :
un jet s’effectue en additionnant
un attribut et une compétence
et il suffit de lancer autant de
D10 que la somme obtenue. Tout
résultat de 6 ou plus est un suc‑
cès et la difficulté fixe le nombre
de succès à obtenir pour réussir
l’action. Subtilité propre à Hunter :
le Jugement : le Danger et les dés
de Détresse. Le Danger mesure la
tension d’une scène (de 1 à 5) et
plus il est élevé, plus la proie des
Chasseurs comprend qu’elle est
traquée et peut donc s’en prendre
aux impudents qui sont après
elle. Quand un personnage agit
en accord avec sa pulsion, il peut
ajouter des dés de Détresse à son
jet (en nombre égal au niveau de
Danger) mais attention ! Ces dés
particuliers peuvent certes amélio‑
rer les chances de réussites, mais
aussi augmenter le Danger quand
ils affichent un 1. Un échec en uti‑
lisant les dés de Détresse plonge le
Chasseur dans le désespoir, l’em‑
pêchant de recourir à nouveau à sa
pulsion tant qu’il ne parvient pas à
se reprendre.
Les règles ne présentent guère de
sous‑système en dehors du Danger
et de la Détresse (qui ajoutent une
réelle tension aux parties !). Même
le combat se mène aisément, avec
des jets en opposition et une ges‑
tion simple des dégâts. Cette légè‑
reté est appréciable, permettant
de se concentrer sur la narration
mais apportant tout de même des
éléments qui colorent l’expérience
de jeu : le recours aux ascendants,
l’utilisation de la pulsion, la varia‑
bilité du Danger… Tout cela permet
de soutenir la proposition ludique
qui mêle conspiration, paranoïa,
mystère et action meurtrière.

Partout, les ténèbres…
Le bestiaire de Hunter : le Jugement
est une véritable perle. Loin de dérouler
un descriptif global des différents types
de créatures hantant le Monde des
Ténèbres, il préfère fournir le portrait
d’êtres singuliers aux méthodes va‑
riées et à la personnalité dérangeante.
Chacun de ces adversaires peut faire
l’objet d’un scénario entier – voire d’une
petite campagne. Identifier sa nature,
étudier ses points faibles, analyser ses
habitudes : la clé d’une traque réussie
réside toujours dans une phrase prépa‑
ratoire poussée – ce que montre claire‑
ment un des graphiques du livre. On ne
se lance jamais aux trousses d’un en‑
nemi inconnu, si l’on souhaite survivre
pour voir le jour se lever ! Rien qu’avec
ce chapitre, le meneur de jeu en a pour
des mois de jeu sans aucun risque de se
répéter. Un véritable modèle du genre.
La partie sur les « orgas » n’est pas en
reste. Les Chasseurs nomment ainsi
les diverses factions qui connaissent
l’existence du surnaturel et cherchent
à le combattre, le comprendre ou
l’utiliser. Ces groupes peuvent consti‑
tuer aussi bien des alliés (fournissant
un appui logistique ou offrant des
informations) que des adversaires (les
orgas n’hésitant jamais à envoyer les
Chasseurs à l’abattoir pour servir leurs
intérêts). Il en existe de toutes sortes,
qu’elles soient au service d’un gouver‑
nement ou d’un mouvement religieux
– on y retrouve même Orpheus ! Elles
forment une mosaïque d’influences au
sein de laquelle les Chasseurs doivent
être capables de s’orienter, le mieux
pour eux étant d’en tirer ce qu’ils
peuvent sans jamais leur faire totale‑
ment confiance…
Un chapitre de conseils permet enfin
de s’emparer de toute cette matière à
bras‑le‑corps. Comme pour le reste du
jeu, il va à l’essentiel : poser les principes
de la chronique, sélectionner l’adver‑
saire, construire le scénario, mettre en
exergue telle ou telle ambiance (horreur,
terreur, fantastique…), etc. La sécurité
émotionnelle est particulièrement mise
en avant : Hunter : le Jugement manie
des concepts sombres et dérangeants,
ce qui en fait certes tout le sel, mais
afin que chacun profite de la partie, il
convient de mettre en place quelques
règles sociales autour de la table. Cela
ne fait jamais de mal de le rappeler.
Y a le bon Chasseur et
le mauvais Chasseur…
Et indubitablement, Hunter : le
Jugement appartient à la catégorie du
bon Chasseur ! Le jeu se révèle une totale
réussite, un ouvrage sans aucune trace
de gras et où tout s’avère directement
utile. Concis (malgré ses presque trois
cents pages, grâce à une maquette qui
respire) et enthousiasmant, il présente
une proposition ludique aboutie. Bien
qu’il appartienne de plein droit au Monde
des Ténèbres (cette version s’alignant
sur la cinquième édition de Vampire : la
Mascarade), il s’en détache suffisam‑
ment pour être utilisé comme un jeu d’oc‑
culte‑contemporain permettant d’ému‑
ler des séries comme Supernatural ou
des comics comme Something is Killing
the Children (cf. « le Coin des Comics » du
présent numéro de Casus Belli).
Si l’on peut déplorer l’absence de scé‑
nario ou de décor de jeu de départ (une
ville ou une région), les chapitres sur les
créatures et les orgas fournissent déjà
un énorme matériel de départ. Que le
meneur de jeu décide de se lancer dans
une chronique sédentaire (reprendre
Londres aux forces démoniaques !) ou
nomade (sillonnons les États américains
pour débusquer les créatures où qu’elles
se trouvent !), il n’aura que peu de travail
à fournir tout en étant assuré que les
joueurs s’éclatent. Hunter : le Jugement
se révèle donc un excellent jeu de rôle
jouant sur plusieurs genres (le fantas‑
tique, l’horreur, l’action…), dont on es‑
père qu’un suivi intéressant arrive vite !
Romain d’Huissier
Le mal est partout…
Hunter : le Jugement ne
cantonne visiblement pas son
action aux seuls États‑Unis.
Bien qu’aucun cadre de jeu
ne soit réellement fourni,
les nombreux exemples de
créatures et d’organisations
montrent bien que le monde
entier est la proie des
ténèbres. Manille est ainsi
souvent citée (peut‑être du
fait de la série Trese ?), ainsi
que Rio de Janeiro.
Il est en effet intéressant
de placer l’action dans des
pays rarement exploités en
occulte‑contemporain, de
façon à utiliser leur folklore
particulier pour dérouter
des joueurs un peu trop
habitués au Monde des
Ténèbres. Cela pose quelques
défis : si se procurer des
armes en Amérique n’est pas
un problème, il en va tout
autrement en Europe ou au
Japon par exemple. Or un
bon arsenal est nécessaire
aux Chasseurs pour
combattre leurs ennemis si
puissants…
Espérons donc que la gamme
s’enrichira de suppléments
régionaux, décrivant des pays
inhabituels mais riches d’une
belle tradition occulte afin de
varier les plaisirs de la traque !
CRITIQUES | 41
42 | CRITIQUES

MUTANT YEAR ZERO | SUPPLÉMENT DE RÈGLES (VF)

MECHATRON
Des robots pas comme les autres
Free League nous propose de découvrir une nouvelle facette
de son monde post‑apocalyptique déjà décrit dans Mutant :
Year Zero et Genlab Alpha. Après les mutants et les animaux
conscients, c’est au tour des robots !

Fiche technique Faussement binaire même système de résolution que MYZ :

Éditeur • Arkhane Asylum
Publishing
Matériel • Livre de 240 pages
couleur, format US Letter
Prix constaté • 45 €
J’aime :
+ La loufoquerie assumée du
jeu et de son univers
+ La description, plus étoffée
que dans MYZ, du contexte
de jeu
+ La construction de la
campagne (notamment les
indications post‑campagne)
J’aime moins :
- Le moteur de résolution
- À peu près tout ce qui vient
de Mutant : Year Zero
Tout comme Genlab Alpha, Mechatron
est structuré et écrit comme un jeu
autonome, qui peut aussi être utilisé
comme supplément par les MJ de MYZ
ou de Genlab Alpha. Cela étant, les MJ
qui se livreront à cet exercice devront le
faire en autonomie, car à part quelques
encarts dispersés dans l’ouvrage, ils ne
seront pas guidés dans cette utilisa‑
tion… sauf s’ils commencent par jouer
à Mechatron en tant que jeu à part (tout
ça s’éclaircira dans quelques lignes).
La machine sous le capot
Mechatron propose d’interpréter des
robots habitant une usine sous‑ma‑
rine. La Terre a été frappée par une
terrible apocalypse, et les humains
ont fini par abandonner les robots, qui
continuent pourtant de travailler dans
l’usine. Lorsque l’histoire des PJ com‑
mence, ceux‑ci vivent une expérience
particulière qui les dote d’un défaut :
une conscience individuelle.
Démarre alors une grande aventure !
Les PJ se posent des questions sur le
sens de leur existence, et la destinée
du complexe. C’est tant mieux, parce
que celui‑ci part en lambeaux, et de
plus en plus de robots sont victimes de
dysfonctionnements.
Pour faire vivre ces aventures aux
PJ, Mechatron utilise sensiblement le
les compétences sont remplacées par
des programmes, les mutations par des
modules et les points de mutation par
des points d’énergie, mais on voit vite
les correspondances.
Un fantôme dans la machine
Mechatron est un jeu‑campagne :
l’Éveil des PJ les propulse directement
dans une histoire qui scellera le destin de
leur communauté. Tout est exposé dans
le livre de base (sur environ 80 pages),
avec une structure modulaire et originale.
Cette campagne durera entre huit et
douze séances de jeu, et alternera des
aventures liées à l’intrigue centrale, et
d’autres qui ne le sont pas mais qui
contribueront à l’ambiance. Le dernier
chapitre de Mechatron permet de jouer
après la campagne, et en combinant ce
jeu avec MYZ et Genlab Alpha.
La machine
dépasse‑t‑elle le mutant ?
Mechatron donne l’impression d’une
version plus aboutie et mieux maîtrisée
du concept derrière Mutant Year Zero.
Outre le fait qu’il en ressort un meil‑
leur jeu, ça donne envie de voir ce que
donnerait une nouvelle édition de MYZ
profitant de tous ces acquis ludiques.
Même si vous préférez les mutants aux
robots, Mechatron mérite le coup d’œil.
Arnaud Cuidet

CYBERPUNK |RECUEIL DE SCÉNARIOS (VF)
TALES OF THE RED
Des missions inédites à l’ère du rouge
Neuf aventures se déroulants à Night City vous attendent dans
cet ouvrage. Gangs, IA, mercenaires, star de ciné mais aussi
histoires d’amour. C’est votre ville, ce sont vos histoires.
Éclatez‑vous à Night City !
On retrouve la maquette habituelle
de la gamme Cyberpunk Red, toujours
agrémentée de nombreuses illustra‑
tions d’une vingtaine d’artistes. Les
scénarios sont l’œuvre de quelques au‑
teurs talentueux, mais la plupart sont
de Neil Branquinho, plus connu en tant
qu’illustrateur, et de Sebastian Szmyd.
Neuf missions pour les hommes
mortels destinés au trépas
Cette fois ci, les aventures ne sont
pas de simples ébauches, mais bien
neuf scénarios complets et détaillés
pour le MJ. Assez différents les uns
des autres, ils vont emmener les PJ
dans des lieux et ambiances variés.
Par exemple, dans Une soirée à l’opéra,
les PJ vont se rendre sur un campus
pour enquêter sur des enlèvements
impliquant les membres du Vampyres
Philarmoniques. Dans Un Seau de
croque‑corn, ils seront figurants pour
un film dans lequel les membres du
tournage vont leur demander quelques
services. Se faire des amis/ennemis
dans l’industrie du divertissement peut
avoir un impact sur leur vie à Night City.
Drummer et la baleine se déroule dans
les environs du port où les PJ vont ten‑
ter de récupérer des conteneurs. Grosse
tension lorsque la mission va virer à la
fusillade face à un groupe rival dans
une zone submergée. Agents du désir
CRITIQUES | 43
est en apparence une simple mission Fiche technique
d’extraction pour retrouver la fiancée Éditeur • Arkhane Asylum
de leur client… mais de nombreuses Matériel • Livre à couverture
questions restent en suspens et le final rigide de 196 pages en
est fort en émotions. couleur, grand format
Prix constaté • 45 €
Structure scénaristique
Chaque mission applique une struc‑
ture claire reprenant les conseils du
livre de règles sur les séries d’arcs. Elle
débute avec un contexte à lire à haute
voix aux joueurs, puis « le reste de l’his‑
toire » détaille l’histoire réelle pour le
MJ ainsi que le « cadre » de la partie.
S’ensuivent les détails sur les adver‑
saires et l’accroche, puis le script du
scénario proprement dit : développe‑
ments (« dév ») et cliffhanger (« cliff »).
Tout cela amène au « point culminant »
et à la « résolution » de la mission. Cet
enchaînement et la juxtaposition de
ces arcs narratifs permet d’obtenir un
bon équilibre entre action et introspec‑
tion tout en gardant un rythme fluide.
J’aime :
Conclusion + Enfin des scénarios
Si vous n’aimez pas écrire vos propres complets !
scénarios, Tales of the Red est fait pour + La diversité des missions
vous. Avec ces neuf missions, l’ouvrage + Nouveaux lieux et
personnalités
offre un bel éventail de thématiques,
un bon aperçu de l’univers et de la ville + La structure claires
de Night City. Très bien structuré, il per‑
met également de mieux construire ses J’aime moins :
- Compter deux sessions
propres scénarios.
de jeux pour la plupart des
Pierre Balandier missions
CRITIQUES | 43
44 | CRITIQUES

SHADOWRUN 6E | CAMPAGNE (VF)

LE TROISIÈME
PARALLÈLE
Sur tous les fronts
Campagne, cadre de campagne ou ouvrage prolongeant le
métaplot, Le Troisième Parallèle est de tous les combats.
Parvient‑il à jongler avec toutes ses ambitions ?

Fiche technique
Éditeur • Black Book Éditions Un cadre de jeu
Matériel • Livre à couverture (presque) original
rigide de 128 pages couleur, Vendu comme une campagne, Le
grand format
Troisième Parallèle contient égale‑
Prix constaté • 36,90 €
ment un cadre de jeu décrivant la tu‑
multueuse cité de Denver et la Zone
Libre du Front Range où elle se situe.
La ville est bien connue des fans pour
être tant un guê banishing pier poli‑
tique où se retrouvent la plupart des
factions nord‑américaines du Sixième
Monde que le fief du Grand Dragon
Ghostwalker qui règne sur la région
indépendante d’une patte de fer. En
2082, l’échiquier politique a toutefois
été vidé d’une bonne partie de ses
pièces à la suite de la mise en place de
la loi martiale et à l’éviction des repré‑
J’aime : sentants des nations étrangères de la
+ Un travail éditorial région, trois ans plus tôt.
ambitieux pour la VF Bien que la zone libre soit décrite
+ Une campagne confrontant dans le cadre de ce nouveau contexte,
réellement les PJ avec ses particularités s’avèrent relative‑
certains secrets du ment peu exploitées. La description
Sixième Monde du cadre s’attarde plutôt sur la mise
+ Le retour de Denver après
en avant de lieux et de personnalités
une longue absence dans la
disparates, facilitant leur inclusion au
gamme française
débotté dans une campagne. La super‑
J’aime moins : ficialité des descriptions et la démulti‑
- Le guide de Denver plication des entrées peinent toutefois
trop morcelé à brosser un portrait clair des lieux dont
- Une campagne les enjeux s’avèrent finalement plutôt
extrêmement directive maigres au vu de la cinquantaine de
- Où sont les plans ? pages allouée.
Une campagne
tridimensionnelle
Le titre du supplément trouve son ori‑
gine dans la promesse de la campagne :
tenir une intrigue mettant en avant des
enjeux magiques ET matriciels. Une
gageure pour le jeu dont les campagnes
officielles ne parviennent que rare‑
ment à équilibrer les différents pans
de son univers. Sans trop en dévoiler,
le fil rouge déployé par la campagne
tourne autour d’expérimentations
techno‑magiques en lien direct avec le
métaplot central de la Sixième Édition.
À ce titre, les lectures de Réalité à la
dérive et des compléments français à
Streetpedia s’avèrent quasi‑indispen‑
sables pour le meneur pour comprendre
la nature de deux des factions centrales
de la campagne.
La majorité des scénarios reposent
toutefois sur des intrigues simples,
accessibles à des joueurs débutants, et
relativement cadrées pour les meneurs
moins aguerris.
Structure lâche
La campagne est composée de 23
scénarios reprenant le format court
de ceux de 30 Nuits : rarement plus de
5 pages et présentation en trois par‑
ties successives (intrigue, lieux, PNJ).
Souffrant de sa nature de jeu à mission
et d’une écriture collaborative pro‑
bablement trop cloisonnée, les
scénarios ont des liens particuliè‑
rement ténus. La campagne distille
énormément les informations sur
l’intrigue générale avant de s’accé‑
lérer dans la dernière ligne droite.
Ce choix rend la campagne par‑
ticulièrement modulaire, un me‑
neur pouvant facilement sauter
plusieurs scénarios sans perte ni
fracas. Compte tenu du temps
que met la campagne à vraiment
plonger les joueurs au cœur de ses
enjeux, la suppression d’une partie
du contenu sera même sans doute
une nécessité pour densifier l’in‑
trigue et éviter aux joueurs d’avoir
le sentiment de piétiner.
Cette structure complique néan‑
moins énormément la lecture et
la préparation de la campagne,
d’autant que les scénarios liés ne
sont pas forcément consécutifs !
Fort heureusement, la traduction
française adjoint en introduction
un diagramme des scénarios et des
fils conducteurs (souvent liés aux
commanditaires) permettant de
s’y retrouver plus facilement.
Destin inéluctable
À noter également que la cam‑
pagne s’avère bien plus généreuse
que 30 Nuits dans ses révélations,
et qu’elle implique pleinement
les personnages dans le cœur de
ses intrigues et du metaplot de la
gamme. Le revers de la médaille
est qu’elle s’avère également bien
plus dirigiste et que bon nombre
d’événements mis en scène sont
gravé dans le marbre. Les scénarios
laissent plus ou moins de marge de
manœuvre, mais l’échec ou le refus
sont rarement des options réelle‑
ment prises en compte. On notera
ainsi que l’un des conseils récur‑
rents de l’ouvrage (« si vos joueurs
refusent la mission, une autre
équipe de runners s’en charge »)
trivialise les choix des person‑
nages, alors même que l’ouvrage
conseille également de les brosser
dans le sens du poil en insistant
sur la rareté d’équipe de leur niveau
pour renforcer leur implication.
Traduire e(s)t
trahir
Si la gamme VF comporte habi‑
tuellement des ajouts et correc‑
tifs, deux des auteurs de la VO du
Troisième Parallèle sont franco‑
phones et ont remanié en profon‑
deur cette campagne pour BBE,
plaçant l’ouvrage à la frontière
entre création et traduction.
Ainsi, le nombre de scénarios a
été massivement réduit (de 35 à
23) pour resserrer la proposition
de la campagne en coupant ses
éléments les plus annexes, sans
toucher au cœur de l’intrigue.
L’agencement des scénarios a
aussi été remanié pour cadrer la
temporalité de l’ensemble. Autre
modification particulièrement
visible, la campagne VF bénéfi‑
cie d’un préambule conséquent
décrivant ses enjeux et acteurs
principaux, donnant une vision
d’ensemble de la campagne claire.
Plus à la marge, de nombreux
petits ajouts permettent de pré‑
ciser des informations ou de cla‑
rifier certaines difficultés poten‑
tielles susceptibles d’être posées
par le scénario, tout en proposant
des alternatives, malheureuse‑
ment alignées sur les directives
très dirigistes de la campagne.
On regrette également que BBE
n’en ait pas profité pour ajouter
quelques plans des lieux traversés
par la campagne, d’autant plus que
certains sont parfois décrits très
longuement.
Conclusion
À la fois cadre de jeu et cam‑
pagne, Le Troisième Parallèle
propose de retourner vous frotter
aux Ombres de Denver. Si vous en
acceptez la proposition, vous plon‑
gerez pour une campagne relati‑
vement longue et dirigiste tenant
toutefois sa promesse de placer les
personnages des joueurs au cœur
d’une intrigue technomagique
plus généreuse que de coutume en
révélations.
Timothée Aubry
CRITIQUES | 45
46 | CRITIQUES

SHADOWRUN 6E | SUPPLÉMENT DE BACKGROUND (VF)

SEATTLE,
CITÉ D’ÉMERAUDE
Les Ombres de l’émeraude
Cette nouvelle mouture du Guide de Seattle arrive avec une
double promesse : décrire la Cité d’émeraude avec un niveau de
détails que l’on n’avait plus vu depuis une décennie et revenir
sur la ville à la suite de sa prise d’indépendance.

Fiche Technique
Éditeur • Black Book Éditions
Matériel • Livre de 200 pages
en couleur, grand format
Prix constaté • 41,90 €
J’aime
+ Un descriptif en profondeur
des districts
+ Une bonne mise en avant
de la couleur et des enjeux
propres à chaque quartier
+ Peu d’éléments de règles
J’aime moins
- Peu de visibilité sur les
dynamiques globales
de la ville
- Très pauvre en illustrations
Les facettes de l’émeraude
Classique dans sa forme, ce supplé‑
ment est essentiellement dédié au
passage en revue de la dizaine de dis‑
tricts composant la ville. Chacun de
ses chapitres est constitué d’une des‑
cription de l’ambiance du quartier, de
ses enjeux actuels, de quelques points
d’intérêt et des groupes et figures
locales susceptibles de croiser la route
des runners. À ce titre, la gamme aura
rarement proposé de description plus
fournie des districts de Seattle.
Seuls éléments de règles, des traits
en lien avec les différents districts
complètent chaque chapitre afin de
permettre aux joueurs de donner un
peu de couleur à leurs personnages
issus des lieux. Un ajout sympathique,
mais franchement dispensable.
Si les descriptions pèchent sur
quelques points, à commencer par
leur manque flagrant de cartes ou
d’illustrations d’ambiance, force est de
constater que l’ensemble fonctionne
plutôt bien et que les idées de scéna‑
rios et campagnes germent facilement
à la lecture.
Joyau terni
Brillant particulièrement à l’échelle
réduite des districts, le supplément
s’avère plus lacunaire dans sa vision
d’ensemble de la ville et de ses enjeux
globaux. Le point est d’autant plus re‑
grettable que l’indépendance de la ville
actée par le début de la sixième édition
augurait des pistes politiques intéres‑
santes qui sont ici réduites à leur plus
simple expression.
Autre pan de la présentation générale
de la ville, son historique s’avère très
synthétique et pas toujours suffisam‑
ment dialectique. Les liens entre les
différents éléments cités sont parfois
opaques alors qu’ils découlent réelle‑
ment les uns des autres. Plus curieu‑
sement, les événements des dernières
années, qu’ils soient directement liés
à la ville ou plus globaux, sont pour la
plupart à peine esquissés.
Il faut également reconnaître que cer‑
tains mystères entourant la ville com‑
mencent sérieusement à stagner, et
les fans les plus aguerris de la gamme
retrouveront de nombreux lieux et ac‑
croches que la ville se traîne parfois de‑
puis plusieurs éditions. Une bonne oc‑
casion de ressortir un adage bien connu
dans les Ombres : plus ça change, plus
c’est la même chose.
Timothée Aubry

SHADOWRUN 6E | SUPPLÉMENT DE RÈGLES (VF)
LE COMPAGNON
DU SIXIÈME MONDE
Boîte à outils bicéphale
Ce supplément très hétéroclite propose un grand nombre
d’informations pêle‑mêle dont certaines pourraient bien vous
aider, et peut‑être même vous réconcilier avec cette sixième
édition.
Premiers pas guidés
Le Compagnon du Sixième Monde
s’inscrit dans une lignée de supplé‑
ments de règles, réguliers depuis la
deuxième édition, qui ont pour fonction
d’apporter divers outils et informations
aux joueurs pour les aider à créer leur
personnage et cerner plus précisément
le quotidien des shadowrunners.
On y retrouve ainsi une méthode de
création alternative par points, plus
flexible que celle du livre de base, ainsi
qu’un système de création par com‑
binaison de modules chronologiques
permettant de bâtir le background de
son personnage en même temps que
ses statistiques. L’ouvrage signe égale‑
ment le retour salutaire des PACK, des
ensembles d’équipements regroupés
par thématique permettant de gagner
un temps précieux face aux innom‑
brables options du jeu.
En sus, la présence d’une paire de
chapitres décrivant plus précisément la
place et le rôle des shadowrunners per‑
met de reposer les bases du jeu pour les
plus néophytes. Difficile toutefois de
ne pas regretter que de telles informa‑
tions n’aient pas été incluses de facto
dans le livre de base, ou que le supplé‑
ment ne soit pas paru plus tôt dans le
cycle de vie de la gamme.
CRITIQUES | 47
Pas de côté Fiche technique
L’autre pan du supplément consiste Éditeur • Black Book Éditions
Matériel • Livre à couverture
en une série d’options avancées per‑
rigide de 200 pages couleur,
mettant de modifier ou d’approfondir grand format
certaines mécaniques du système. Si Prix constaté • 44,90 €
les planques, les contacts et la répu‑
tation se taillent la part du lion avec
des chapitres dédiés, de nombreuses
options de jeu indépendantes sont
proposées pêle‑mêle. On y retrouve
notamment des modifications au fonc‑
tionnement des atouts, des options de
combat, des propositions pour rééqui‑
librer la magie et deux règles alterna‑
tives au fonctionnement de l’armure
qui avait été au cœur des polémiques à
la sortie du livre de base.
À ces options s’ajoute également la
réapparition des règles pour jouer des
profils de personnage plus rares, qu’il J’aime
+ Les outils simplifiant la
s’agisse des variantes locales aux dif‑
création de personnage
férents métatypes, des changelins + Des options pour moduler
ou des infectés. Absence notable au le système en fonction de ses
tableau, les zoocanthropes, des ani‑ besoins
maux capables de prendre une forme + Le retour de la
métahumaine, ont fait l’objet d’un métahumanité dans
supplément PDF ultérieur en VO dont (presque) toute sa diversité
une éventuelle traduction demeure
J’aime moins
incertaine.
- Utilité réduite si vous êtes
Timothée Aubry déjà en pleine campagne
- Un peu foutraque
- L’absence des
zoocanthropes
CRITIQUES | 47
48 | CRITIQUES
Fiche technique
Éditeur • Black Book Éditions
Matériel • Livre à couverture
rigide de 186 pages couleur,
grand format
Prix constaté • 39,90 €
J’aime :
+ Le retour de vieux
amis : Picador, Hard Exit et
Slamm−0
+ Un supplément exhaustif
+ Maquette bien aérée
J’aime moins :
- Un côté « catalogue sans fin »
- Les (très belles) illustrations
sont un peu trop rares
SHADOWRUN | SUPPLÉMENT DE RÈGLES (VF)
À TOMBEAU OUVERT
Encore plus dingues qu’Ethan Hunt !
On ne s’aventure pas dans le Sixième Monde si on ne possède
pas des nerfs à toute éprouve et un certain grain de folie.
À
tombeau ouvert est un excellent
film de Martin Scorcese avec
le non moins excellent Nicolas
Cage. À bien y regarder, Franck Pierce
aurait composé un excellent rigger, prêt
à tout pour mener sa mission à bien.
C’est ce même credo qui est défendu
par les riggers du Sixième Monde, et cet
ouvrage est là pour les aider à devenir
encore meilleurs.
Angles d’attaque
C’est le titre de la nouvelle d’ouver‑
ture de l’ouvrage qui, comme dans
chaque supplément de Shadowrun, fait
mouche. Elles sont non seulement tou‑
jours prenantes et rythmées, mais elles
composent encore une excellente mise
en situation. Alors certes, chacun va
défendre son bout de gras en arguant
que sans lui/elle, il n’y a pas de team
de runners qui tienne la route et que
n’importe quel Johnson le confirmera,
mais il faut avouer que le rôle du rigger
reste de tout premier plan. Sans un bon
pilote, pas d’extraction, ni de fuite, ni
de filature.
C’est la raison principale de la rédac‑
tion de cet (imposant) ouvrage qui va
donc se consacrer à tout ce qui touche
de près ou de loin ces pilotes experts.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que
l’équipe de Catalyst n’y est pas allée de
main morte en termes d’équipements
en tous genres. Après lecture, si votre
rigger ne trouve pas son bonheur au
sein de ces pages, un conseil : chan‑
gez‑en ! Enfin, cette première partie se
termine par un exposé de Papa Jazz qui
brosse un historique des activités des
riggers d’hier jusqu’à aujourd’hui.
Les mains dans le cambouis
La principale partie du livre s’ouvre
sur un déballage de matériels en tous
genres : véhicules terrestres, aqua‑
tiques, aériens et drones. Ces caté‑
gories sont subdivisées en sections
où chaque entrée est formatée de la
même façon : une introduction suivie
du bloc de stats de l’engin en question.
Classique, mais efficace !
Cette partie s’achève sur les mods et
la customisation, et propose même des
règles permettant de concevoir le véhi‑
cule de ses rêves.
Homme ou machine ?
Si souvent, l’homme ne fait qu’un
avec sa machine, il n’en reste pas moins
un individu composé de chair et de sang
(avec d’éventuels bouts de métal…).
C’est la raison pour laquelle la dernière
partie du livre propose différents traits
afin de composer le rigger qui vous cor‑
respond le plus. Le chapitre L’Avantage
du rigger présente de nouveaux bonus
d’action et autres actions d’Atout pour
tout ce qui va concerner les courses,
dans le sens le plus littéral du terme.
Parce qu’un Shadowrunner a tout de
même souvent le feu aux fesses !
Vous l’aurez compris, avec À tombeau
ouvert, vous ne jouerez jamais plus vos
riggers de la même façon !
Philippe Pinon

THE NIGHTSTALKER RPG | SUPPLÉMENT DE CAMPAGNE (VF)
PREMIERS PAS
DANS LES TÉNÈBRES
De l'ombre aux Ténèbres
Vous pensiez draguer une ex avec un punch maison sur une
musique endiablée… vous voilà embarqué dans un monde
que vous n’imaginiez pas ! Vous auriez dû rester chez vous,
maintenant ils vous connaissent.
T
he Nightstalker RPG est un envi‑
ronnement écrit par Fabio, l'âme
métalleuse de Sercati, qui a bâti
une atmosphère ténébreuse ne pou‑
vant qu’aboutir à un jeu de rôle. Après
le livre de règles (présenté dans le
Casus #38), place à une campagne pré‑
quelle à la guerre secrète annoncée par
les trompettes célestes.
Souvenirs d'adolescents
L'histoire se déroule à Natural City,
cité du Nightstalker. Pour l'occasion,
les personnages sont des humains ordi‑
naires, ignorants de la guerre occulte qui
fait rage. Ils sont moins puissants, leurs
pouvoirs surnaturels ne se sont pas
manifestés. Les sept pré‑tirés proposés
ont des liens entre eux et connaissent
celle qui va les mettre sur un sombre
chemin, sans retour possible.
La soirée débute par un bal des anciens
du lycée auquel les personnages sont
invités. Qu’ils aient soient restés en
contact ou pas, leurs yeux se focaliseront
de toute façon sur la belle Catherine. Dès
la fin de la soirée, leur amie est assassi‑
née sur le sordide parking du bahut. Un
SMS de la morte, reçu trop tard, les met
sur la piste d’un antiquaire mystérieux,
qui va les entraîner dans les tréfonds de
la cité du Rôdeur nocturne, à la recherche
d’un artefact volé et d’une société se‑
crète en quête d’immortalité. L’intrigue
se déroule sur trois arcs narratifs,
CRITIQUES | 49
eux‑mêmes divisés en sous‑arcs, aux‑ Fiche technique
quels s’ajoutent scènes optionnelles et Éditeur • Editions Stellamaris
entractes. L’écriture est fluide et conseille Matériel • Un livre carré
le Guide dans la gestion de la campagne. (21x21 cm) à couverture
De nombreuse illustrations et aides de souple de 174 pages en N&B
Prix constaté • 29 €
jeu ajoutent à l’ambiance sombre et oc‑
culte. Un petit pack à télécharger serait
top pour encore faciliter la maîtrise.
Ni anges, ni démons
La campagne est suivie d’un chapitre sur
les néphilims, précisant les informations
du livre de base. Ces bâtards au sang angé‑
lique (ou démoniaque) ne sont pas dans
les petits papiers du Bon Dieu. D’ailleurs,
qui a dit qu’il était bon ? Il a déclenché le
Déluge pour faire disparaître ces infortunés
rejetons, par peur de leur puissance, disent
les mauvaises langues. Il a aussi créé le
Conclave, un triumvirat chargé d’éviter
toute nouvelle naissance. Le scénario bo‑
nus illustre bien cette chasse impitoyable,
que les joueurs vont devoir contrecarrer.
Premiers pas dans les Ténèbres dispose
J’aime :
des ficelles pour initier des personnages + Objectif initiatique réussi
néophytes au surnaturel. Les joueurs + La playlist dédiée offerte
doivent être avertis, l’ambiance est dure,
comme attendue chez le Nightstalker. J’aime moins :
- Ne pas avoir les aides de jeu
Vous pourrez anticiper des mises en garde
en téléchargement
pour les âmes candides. Cette descente
- Attention aux âmes
aux Enfers est très attirante… et renfor‑
sensibles
cée par une playlist gratuite spécialement
- Une maquette « amateur » et
créée pour accompagner cette campagne.
une reliure et une couverture
Olivier Halnais fragiles
CRITIQUES | 49
50 | CRITIQUES

POLSKAR | LIVRE DE RÈGLES (VF)

POLSKAR,
LE JEU D’EXPÉDITIONS
Blizzard post‑apo
Financé en toute fin d’année dernière sur GameOn Tabletop,
Polskar est le rêve d’un passionné de grands espaces. Après une
gestation de dix ans, dans la moyenne pour une aérocétacée,
Enzo a réalisé son projet : faire découvrir au public rôliste son
JdR initiatique et aventureux. Bienvenue sur les rives du Levant.
Fiche technique
Éditeur • Les Éditions
Dérivantes nouveau monde et se sont improvi‑
Matériel • Livre A4 à
Un monde sés explorateurs et bâtisseurs. Ils ont
couverture rigide de à la dérive aussi appris à cohabiter avec d’autres
324 pages en couleurs Polskar est une terre brisée. Un mil‑ espèces intelligentes. Les Ciselés, ado‑
Prix constaté • 45 € lénaire plut tôt, la chute d’une méga rateurs de Cryos personnalisant le froid
météorite venant du froid de l’espace a qui règne sur le Polskar, sont les des‑
fracturé les continents. Ce cataclysme cendants des humains qui refusèrent
a bouleversé le climat, plongeant les de se réfugier sous terre. Ils ont survécu
terres habitables dans un blizzard en adaptant leur corps aux conditions
destructeur. L’humanité fut en partie extrêmes, sillonnant le monde sur des
éradiquée, les survivants durent fuir la navires volants. Encore plus exotiques,
surface pour tenter de résister à cette les deïnos sont d’étranges petits mar‑
apocalypse naturelle. Pendant mille supiaux évolués qui ont bâti une civi‑
ans, les rescapés ont vécu dans les lisation aborigène. Leur mythe fonda‑
entrailles de la terre, à l’abri du froid. teur explique comment ils sont arrivés
J’aime : depuis l’espace sur un astre vivant,
Repartant de rien, ils sont parvenus
+ Un post‑apo réfléchi, ayant dû quitter leur monde détruit par
dans lequel le groupe est au à prospérer, remettant lentement en
place un semblant de civilisation. Puis l’Essaim. Étrangement, leur crash coïn‑
premier plan
vinrent des signes de la surface leur in‑ cide avec l’épisode de la Déchirure !
+ Une cohérence graphique
harmonieuse et immersive diquant qu’il était possible d’y revivre.
+ Des fiches pour gérer Cette nouvelle humanité osa sortir
de ses habitats troglodytes, décou‑
Une identité
compagnies, personnages,
véhicules, PNJ… vrant une Terre bien différente de celle graphique bien ancrée
+ Le système d’icônes très qu’elle connaissait des légendes racon‑ Vous l’aurez compris, Polskar est
élaboré… tées à travers les générations passées. un monde en pleine renaissance.
La croûte terrestre n’existe plus. Les L’apocalypse a eu lieu depuis assez
J’aime moins : continents errent à la dérive sur un longtemps pour que les civilisations
- …mais qui peut rendre la reprennent pied sur ces continents
immense océan de brumes et de gaz.
lecture difficile, le temps de fracturés. Près de la moitié de l’ouvrage
Le Déchirure a totalement transfi‑
bien les maîtriser est dédié à la présentation de cet envi‑
guré la planète, bien loin des images
- Des informations parfois ronnement sauvage et original. Il ex‑
éparpillées dans l’ouvrage rupestres transmises par les Déchus,
les survivants du monde d’avant. Leurs plore de nombreuses régions, dévoile
- Je ne sais pas parler le
lointains héritiers ont découvert un des contrées exotiques, installe petit
deïnos
à petit un bac‑à‑sable riche en se‑
crets à explorer. L’ensemble est
renforcé par un style graphique très
personnel et cohérent au fil des
pages. Il faut dire que l’auteur est
aussi graphiste, ce qui se ressent à
la lecture et est fort agréable pour
poser une ambiance. L’ouvrage est
abondamment illustré et très colo‑
ré, avec des codes couleur qui faci‑
litent les liens entre les nombreux
éléments de jeu présentés. Le fond
se fond avec la forme pour aboutir
à un livre très soigné.

Le groupe d’abord
Assez parlé de l’environnement,
passons aux choses sérieuses :
les personnages. Mais avant cela,
une première étape de création
est indispensable : l’entreprise des
joueurs. Polskar pose un principe :
les personnages sont des explora‑
teurs, réunis au sein d’une même
structure. Il faut donc bâtir cette
fondation commune avant de pen‑
ser à l’individu. Créer une compa‑
gnie est simple et didactique. Les
joueurs vont choisir ensemble leur
secteur d’activité de prédilection,
parmi les quatre proposés (explo‑
ration, escorte, récupération et
convoi). Ils définissent leurs biens
et capitaux de départ, qui leur oc‑
troient un comptoir et un véhicule,
véritables bases arrières et avan‑
cées de leur entreprise. Puis vient
le temps de leurs ambitions, pour‑
quoi et vers quoi ils veulent pré‑
tendre dans leur futur aventureux.
L’exercice est peu commun et très
fédérateur. Il permet de réfléchir
sur le groupe et de créer une fiche
de compagnie qui sera leur lien et
un outil très pratique pour le MJ
afin de préparer leurs expéditions.
Un point important de la compa‑
gnie consiste dans le choix du véhi‑
cule du groupe. C’est lui qui les por‑
tera au cours de leurs campagnes.
Ils sont de deux types : roulant ou
volant. Mine de rien, cet élément
renforce l’ambiance contemporaine
du jeu. Motocyclettes à ski, camions
à roues ou chenilles, cargos et cor‑
vettes volantes, les possibilités
sont nombreuses et importantes
pour la suite. Les règles de création
sont là encore simples et rapides.
Les joueurs vont choisir les compo‑
santes de leur véhicule, qui influe‑
ront sur sa maniabilité, sa capacité,
sa vitesse… Comme pour la compa‑
gnie, cette création partagée est un
moment fédérateur du groupe, qui
contribue à forger son identité.
Des icônes…
C’est aussi lors de ces moments
créateurs que les icônes de jeu
prennent leur importance. Dès la
lecture de la partie réservée à la
description du Polskar, ces petits
symboles commencent à appa‑
raître dans les corps de textes.
Leurs couleurs et leurs symboles
ont leur importance, signalant une
origine géographique, ethnique, re‑
flétant un aspect du monde (froid,
environnements urbains ou sau‑
vages…). Explicites et bien expli‑
quées, elles ont toujours un intérêt
en termes de règles. Par exemple,
le bleu glacial est lié à Cryos et au
froid. Tout élément de cette cou‑
leur aura un impact lorsqu’il sera
question du froid. Le système est
bien pensé et s’assimile vite.
L’individu ensuite
La compagnie constituée, il est
maintenant temps de donner vie à
ses membres. Trois choix successifs
vont permettre de créer un habitant
du Polskar. Le peuple est à choisir
parmi les nations humaines, les
ciselés et les deïnos, car oui vous
pouvez jouer l’un de ces charmants
petits marsupiaux. Ces derniers ne
sont cependant pas doués de la
parole, incarner l’un d’entre eux de‑
mandera un certain investissement

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52 | CRITIQUES
au joueur. Puis vient l’hésitation de
la voie, de la vie préservée dans les
cités aux étendues sauvages, vous
pouvez prendre la vie médiane des
airs. Enfin, il faut définir quelle est
la carrière de chacun, en prenant
en considération les autres afin de
constituer une compagnie équili‑
brée et efficiente. Au nombre de
dix, elles couvrent les principaux
postes utiles dans l’entreprise des
joueurs. Ferrailleur, medicaë, pro‑
tecteur et même mystique, qui
représente la seule option mys‑
térieuse sans pour autant être
magicien, les possibilités sont
nombreuses. De plus, chaque car‑
rière se divise en trois niveaux de
progression : recrue, spécialiste et
vétéran. Passé le premier grade,
chaque niveau se subdivise en trois
variantes. Ainsi, un tirailleur spé‑
cialiste sera artilleur, franc‑tireur ou
émeutier. Le mashar (marchand)
vétéran sera libre mashar, anti‑
quaire ou trafiquant. Pas de crainte
de doublons dans votre groupe
donc, si deux joueurs étaient tentés
par la même profession.
Ces trois principales étapes vont
donner des points dans les trois
caractéristiques principales, ici
appelés aspects : Corps, Cœur et
Esprit. Ils vont aussi faire évoluer
les aspects secondaires et les com‑
pétences. De plus, chaque joueur
dispose d’un nombre de points
d’expérience pour acheter des
options de personnages, comme
des manœuvres, des vécus, des
équipements et des contacts. Créer
une recrue octroie 80 points, ce qui
semble beaucoup mais peut être
vite dépensé tant les choix sont
nombreux et alléchants. La créa‑
tion d’un habitant du Polskar reste
simple et didactique, elle prend
un peu plus de temps que pour la
compagnie. Surtout que l’équipe
se doit d’être complémentaire pour
prospérer dans un monde où la
concurrence est rude et sans pitié.
...Encore
des icônes
La fiche de personnage reprend
et multiplie les icônes de jeu.
Normalement, le lecteur s’est habi‑
tué à leur présence. Cependant, leur
nombre s’accroît lors de la création
de PJ et il faut bien s’en imprégner.
Non pas qu’elles soient complexes,
elles sont toutes accompagnées de
leur signification claire et précise. Il
devrait suffire de quelques séances
pour s’affranchir de cette façon de
jouer un peu différente. Leur sym‑
bolique est suffisamment explicite
pour être rapidement comprise (un
bouclier pour la défense, une boite
de conserve pour les vivres…).
Et le système D
pour survivre…
C’est ainsi qu’est surnommée, à
bon escient, la mécanique de jeu :
le Système D. Il est original à plus
d’un titre. Prenez une bonne poi‑
gnée de D6, vous n’aurez besoin
de rien d’autre. Pour triompher
d’une épreuve, le joueur choisit
un aspect principal et d’éventuels
aspects secondaires qui pour‑
raient s’appliquer à la situation. Le
peuple, la voie et l’environnement
peuvent augmenter le nombre de
D6 à lancer. De même, les niveaux
d’expertise d’une compétence
apportent jusqu’à trois D6 supplé‑
mentaires. Le joueur peut même
solliciter l’un de ses vécus, tirant
les leçons d’une expérience passée.
Cela peut faire un paquet de dés à
lancer, parfois une bonne dizaine.
La réussite n’est pour autant pas
garantie, car pour vaincre la diffi‑
culté, il faut obtenir des combinai‑
sons de dés identiques. Une paire
suffit à réussir une action facile, il
vous faudra une triplette pour une
action plus complexe, voire un full
pour une difficulté plus ardue ou
un carré pour la plus difficile. Vous
rigolez moins maintenant, car vous
constaterez que ce n’est pas si fa‑
cile de réussir. Le joueur peut déci‑
der d’utiliser un objet ou une arme
de l’inventaire de son personnage
pour obtenir des relances. Elles
permettent de relancer autant de
dés que voulu pour changer les
combinaisons obtenues. Piocher temps pour le valeureux engagé de
dans ses ressources est une bonne prendre sa retraire. Car s’il venait
façon d’augmenter ses chances, à en prendre une deuxième dans
mais rend les objets temporaire‑ l’un de ses états, c’est la mort qui
ment hors d’usage, voire définiti‑ l’attendrait.
vement si le MJ veut mener la vie Polskar est à peine effleuré à
rude à ses joueurs. l’issue de cet article. Il y a encore
beaucoup à dire sur l’équipement
…ou mourir ! très complet et parfois exotique, le
bestiaire bien fourni, les règles de
Le système de jeu est simple contrats que va signer la compa‑
et facile à prendre en main. C’est gnie des joueurs pour réaliser des
d’ailleurs là que les icônes colorées expéditions (éditables grâce à un
prennent toute leur importance. générateur intégré) et toucher sa
Elles permettent de créer rapide‑ prime… Un scénario en fin d’ou‑
ment des associations d’idées de vrage illustre parfaitement toutes
résolution et d’ajouter de la nar‑ les facettes de ce jeu de rôle d’ex‑
ration aux prouesses des person‑ ploration post‑apo à l’ambiance
nages. D’ailleurs, les compétences steampunk matinée d’années 50
sont compatibles avec les trois de l’autre côté du mur. Vous vous
aspects principaux et donnent une ferez très vite à l’ingénieux sys‑
orientation différente quand il faut tème d’icônes d’Enzo, qui signe
combattre avec le Cœur, le Corps ici un premier jeu très abouti. Il
ou l’Esprit. En parlant de baston dispose déjà de plusieurs petits
justement, les règles de combat suppléments qui apportent du
sont aussi simples que les autres. contexte et des options de person‑
Une fois le décor planté et la sur‑ nages. Tout n’est pas dit dans ce
prise éventuellement passée, il livre, nous vous en reparlerons une
faut définir la ligne de Réactivité prochaine fois.
pour savoir qui tape quand. Puis
chaque protagoniste génère ses Olivier Halnais
points d’aspects comme pour une
action classique. Attention tou‑
tefois, ils ne se renouvellent pas
automatiquement.
Chaque antagoniste peut en
dépenser trois par tour pour réali‑
ser des attaques et autres actions
offensives (mais pas pour les dé‑
fenses, ouf !). Et quand l’un d’entre
eux n’en a plus, tant pis pour lui, il
doit encaisser un point dans l’un
de ses états de santé pour les ré‑
générer. Comme ces états sont au
nombre de trois (Fatigue, Stress
et Blessure), il faut faire des choix
judicieux pour ne pas trop s’affai‑
blir. Quand les coups et les em‑
bûches sont trop rudes, que toutes
ses jauges ont fini par subir une
Cicatrice (tombées à zéro), il est

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54 | CRITIQUES
Fiche technique
Éditeur • Black Book Éditions
Matériel • Livre grand format
de 290 pages en couleur
Prix constaté • 49,90 €
J’aime :
+ La construction du
background, qui donne des
pistes de jeu
+ Utiliser Otira comme une
nouvelle Pointesable où bien
des aventures prennent place
J’aime moins :
- L’introduction lapidaire pour
les personnages
PATHFINDER 2E | SUPPLÉMENT (VF)
LE CAVEAU
DES ABOMINATIONS
Otira (encore) en difficulté
Alors que Paizo teste le concept d’une campagne en trois tomes
au lieu de six, c’est un méga‑donjon que l’éditeur de Pathfinder
décide de nous proposer. Un type de campagne rare dans la
gamme. Plongée dans les profondeurs du caveau
des abominations.
Retour en Otira environnement intéressant et plein d’en‑
Otira est certainement une petite jeux. Force est de constater que Paizo a
localité bien connue des amateurs de appris de ce succès et propose une fois
la seconde édition de Pathfinder. En encore un donjon qui n’est pas que ça.
effet, c’est le lieu dans lequel prend L’histoire du donjon est reliée à la ré‑
place l’aventure de la boîte d’initiation, gion, et les suppléments de background
ainsi que sa suite, Otira en difficulté. permettent de jouer aussi hors du donjon
Cependant, n’imaginez pas prendre la lui‑même. Il faudra cependant du travail
suite des aventures précédentes : en au MJ, car tout n’est pas livré clé en main.
effet, Otira en difficulté menait les per‑ On peut, par exemple, noter que l’intro‑
sonnages jusqu’au niveau 5, là où Le duction du premier scénario considère
Caveau des abominations débute au ni‑ que les personnages arrivent directe‑
veau 1 pour monter jusqu’au niveau 10. ment à l’entrée du donjon. Motiver les
Cette aventure en trois parties lance personnages ? Leur donner une histoire
les personnages sur la piste d’étranges qui les lie au donjon et ensemble ? Les
lueurs aperçues dans un lieu maudit, mettre en route vers le donjon ? Au MJ
non loin de la bourgade d’Otira, où nul de l’imaginer. S’il est classique pour les
n’ose mettre les pieds. Rien d’insur‑ adventure paths de Paizo de laisser le MJ
montable de prime abord, mais les per‑ gérer la constitution du groupe d’aven‑
sonnages découvriront que la menace turiers, c’est certainement l’une des
qui pèse sur Otira est bien plus grande introductions les plus paresseuses et les
et bien plus importante que ce qu’ils moins motivées des nombreuses cam‑
avaient imaginé, et devront s’enfon‑ pagnes publiées jusqu’ici.
cer au plus profond d’anciennes ruines Mais que l’on ne s’y trompe pas : outre
pour contrecarrer les plans de la chose
ce petit défaut et la nécessité de travail‑
qui les occupe et les utilise. ler en profondeur la campagne si l’on
n’est pas amateur d’exploration de don‑
Un méga donjon jons, la campagne est plaisante, bien
Le Caveau des abominations fait par‑
écrite, et le livre en propose assez pour
tie des rares « méga‑donjons » de l’édi‑
s’approprier le tout. Pour les amateurs
teur. Le précédent, La Tour d’émeraude
du genre, c’est une bonne campagne qui
pour Pathfinder première édition, était
a l’avantage d’exister en un seul livre.
une petite réussite, et malgré son côté
« donjon à rallonge », il proposait un Julien Dutel

PATHFINDER 2E | SUPPLÉMENT DE CONTEXTE (VF)
LE GUIDE DES
ASCENDANCES...
Welcome to the freak show
Des ascendances, des ascendances, encore plus d’ascendances !
On aime quand les personnages ne sont pas humains, alors
voilà venir tout un tas de nouvelles ascendances et de nouveaux
héritages pour les joueurs en manque d’originalité.
Des options, plein d’options !
Les rôlistes sont insatiable. Après le livre
de base, le Guide des joueurs – règles avan‑
cées et le Guide de prédictions perdues,
les joueurs de Pathfinder 2 avaient à leur
disposition une masse impressionnante
d’ascendances et d’héritages à leur dispo‑
sition. C’était sans compter l’imagination
prolifique des auteurs et autrices de Paizo.
L’ouvrage se découpe en deux parties.
La première propose de nouveaux dons et
héritages pour un certain nombre d’ascen‑
dances déjà connues. Les nouvelles op‑
tions permettent de varier encore un peu
plus les concepts possibles, augmentant
la probabilité que deux personnages d’une
même ascendance ne se ressemblent pas.
La seconde partie, elle, propose six
nouvelles ascendances et huit nouveaux
héritages applicables à toutes les ascen‑
dances. À cet égard, ces héritages fonc‑
tionnent comme ceux du Guide du joueur
– règles avancées, et s’appliquent en
réalité à toutes les ascendances (comme
l’Aasimar, par exemple). Les concepts
sont parfois originaux mais décalés
(comme l’androïde, une ascendance dé‑
finitivement SF trouvant sa place dans
des contrées comme la Numérie, ou
comme l’étrange distordu, mutant dif‑
forme issu d’expériences arcaniques), et
parfois des classiques revisités (comme
les génierins, ces êtres habités par une
parcelle des plans élémentaires).
CRITIQUES | 55
Enfin, une petite partie fournit de Fiche technique
nouveaux équipements dédiés aux Éditeur • Black Book Éditions
diverses ascendances. Matériel • Livre grand format
de 146 pages en couleur
Des options Prix constaté • 36,90 €
pour tout le monde ?
Combien d’ouvrages sont nécessaires
à exploiter pleinement ce livre ? C’est la
question qui se pose. Car nombre d’as‑
cendances et d’héritages présentés ici
ne sont pas présents dans le livre de
base de Pathfinder 2.
Les ascendances et héritages avancés
trouvent tout leur intérêt dans l’utilisa‑
tion d’autres ouvrages de la gamme ci‑
tés plus haut, puisque les capacités et
traits de base des ascendances traitées
ne sont pas répétées dans cet ouvrage.
Le fait qu’aucune ascendance du livre
de base de Pathfinder 2 n’est concernée
renforce ce sentiment d’incomplétude.
Mais que l’on ne se trompe pas, ce livre
est rempli à ras‑bord d’options et les nou‑
veaux héritages et ascendances valent, J’aime :
à eux‑seuls, son achat. Chaque option + De nombreuses
donne envie de créer un personnage, ascendances sympathiques
inspirant de multiples concepts et his‑ et inspirantes
toires. Les héritages applicables à toutes
les ascendances, déjà présents dans les J’aime moins :
livres précédents, sont une idée sans pa‑ - Malgré ce qui est annoncé,
la nécessité d’autres ouvrages
reille, permettant de multiplier encore les
combinaisons. Les illustrations sont ins‑ que le livre de base afin
de profiter pleinement de
pirantes. Un livre rempli de bonnes idées.
l’intégralité des options de
Julien Dutel ce guide.
CRITIQUES | 55
56 | CRITIQUES

LIVRE DE RÈGLES ET ACCESSOIRES (VF)

BEYOND THE WALL

Sortir du bois
Financé à l’automne 2022 sur GameOn Tabletop, la traduction
française de Beyond the wall (BtW) nous promet un JdR presque
sans préparation. Ce Plug’n Play annonce aussi une narration
partagée des aventures.

Fiche technique directement des premières générations

Éditeur • Shakos Un bel écrin
Matériel et prix constaté • Prenons un peu de temps pour ap‑
Livre de règles à couverture précier la forme. L’ensemble de cette
rigide de 152 pages en première vague de la gamme BtW est
couleurs, grand format disponible dans un solide étui, qui
– 44,90 € reprend l’illustration de l’écran tout
Supplément de règles aussi robuste. Il renferme, en plus du
à couverture rigide de
paravent susnommé (dont l’illustra‑
100 pages en couleurs, grand
tion côté joueurs augure de l’ambiance,
format – 34,90 €
avec un groupe de fringants aventu‑
Écran à 4 volets portraits
rigides – 24,90 € riers se préparant à affronter l’incon‑
Pochette des 6 livrets nu), deux livres et une pochette. Les
cartonnés de personnages deux ouvrages disposent des mêmes
– 12 € caractéristiques et sont très plaisants
Offre de lancement intégrale à feuilleter. La mise en page est aérée,
dans un étui – 124,70 € installant une ambiance de fantasy pas
trop surchargée et plutôt bien illustrée.
Les images alternent entre crayon‑
nés et illustrations couleurs, qui se
complètent et donnent une cohérence
graphique immersive. Le seul bémol
J’aime : pourrait être le contraste de certaines
+ La création partagée de planches aux traits un peu agressifs
l’environnement et acidulés, qui peuvent trancher avec
+ Les ajouts du supplément l’ambiance générale, mais qui pourra
+ La magie simplifiée mais aussi plaire, selon votre ressenti.
très complète
L’ensemble est soigné et écrit assez
gros, c’est gentil de penser à la pre‑
J’aime moins :
- Seulement 6 livrets de mière génération de rôliste qui doit
personnages pour l’instant maintenant être atteinte de la cata‑
- Certaines illustrations un racte. Mais plutôt que de se moquer
peu étranges de nos aînés dans cet article, c’est
- Le multiclassage trop vite plutôt un hommage qui leur est rendu
expédié dans BtW. En effet, le jeu s’inspire
du plus vénérable et populaire JdR du
monde, comme il est spécifié dès le
début du livre de règles.
Héritier du D20
Question héritage justement, la
mécanique de BtW est l’exemple par‑
fait d’une adaptation modernisée et
réussie des règles de D&D. Le livre de
base fait le tour de force de nous pro‑
poser des règles de jeu et de création
en une vingtaine de pages, classes de
personnages incluses. Rassurez‑vous,
tout y est pour jouer, car le principal
se cache ailleurs. Il faut dire qu’avec
seulement trois classes (guerrier, mage
et roublard) sur dix niveaux, le choix
est vite fait. Les talents sont réduits
au plus élémentaire, comme l’équipe‑
ment et l’armement, qui est simplifié
en groupes de dégâts (du D4 pour les
plus petites armes au D10 pour les
plus meurtrières). Comme indiqué en
préambule, il est question de faire vite
pour commencer à jouer en moins de
trente minutes.
Adeptes de l’optimisation, ma‑
niaques de systèmes simulationnistes,
passez votre chemin, BtW n’est pas
fait pour vous. Réussir une action est
simple : il suffit de lancer 1D20 et de
faire un score égal ou inférieur à l’une
des six caractéristiques bien connues

de D&D. Vous noterez la différence de
système, qui ne s’embarrasse pas de
nombreux bonus/malus et qui va à l’es‑
sentiel. Pour les combats, on revient
aux fondamentaux, avec le retour d’un
bonus de caractéristique qui s’ajoute
au D20, dont le total doit cette fois
surpasser la classe d’armure de l’adver‑
saire. Passez de l’une à l’autre façon de
réussir une action reste simple et facile
à quantifier.
Création
(ultra) rapide…
Trois classes de personnages, vous
trouvez cela un peu court ? Bon, vous
pouvez y ajouter le haut‑elfe, qui se
balade ici sans trop savoir ce qu’il fait
dans un si petit village. Il illustre pour‑
tant comment mélanger deux classes :
il est en effet possible de les panacher
pour étendre le choix des possibles.
Cette mécanique est cependant un
peu vite expédiée et consiste à choisir
en alternance les bons et moins bons
côtés de chaque classe. De toute façon,
les joueurs sont en priorité des hu‑
mains, même si des règles optionnelles
permettent d’incarner les habituelles
oreilles pointues et autres visages et
pieds poilus.
Pour autant, la diversité est cachée
dans la pochette évoquée en pré‑
ambule. Celle‑ci renferme six livrets
A3 cartonnés d’archétypes, que l’on
retrouve dans le livre de règles. On
rembobine la création de personnages
CRITIQUES | 57
depuis le début. Oubliez la possibilité
de paramétrer vos caractéristiques et
munissez‑vous d’un set de dés polyé‑
driques. Après une petite introduction,
il vous suffit de lancer des dés dans une
suite de tableaux, dont les symboles
ont une importance pour toute la table.
En sept lancers, vous construisez une
vie à votre avatar, depuis son enfance,
ses liens avec les autres PJ et les habi‑
tants du village, pourquoi et comment
ils ont choisi cette voie… Chaque résul‑
tat influe sur les caractéristiques, en
plus ou en moins, tout en assurant un
équilibre. Et miracle, en un bon quart
d’heure et quelques échanges avec les
autres, vous devenez une aspirante
chevaleresse ou un magicien autodi‑
dacte qui partage son quotidien avec
ses camarades de jeu. Derrière chaque
livret se cache bien sûr l’une des trois
classes de base, mais elles deviennent
personnalisées et modulent les pon‑
cifs du genre.
… partagée
avec le MJ
Pendant ce temps, le MJ ne reste pas
inactif. L’objectif premier de BtW est
de pouvoir lancer une partie un samedi
soir sans préparation préalable. Il se
munit d’un livret de scénarios (non
fourni dans la pochette, disponible seu‑
lement à la fin de l’ouvrage) et prend au
vol les choix de création des joueurs. En
fonction des symboles des tables de
tirages, il ajoute certains lieux ou PNJ
à l’histoire en cours de création. Avec
CRITIQUES | 57
58 | CRITIQUES
les joueurs, il place tous les tirages
sur la carte du village, qui depuis
une simple auberge bâtie en son
centre, prend rapidement forme et
se peuple de nombreux habitants.
Chaque livret de scénario dispose
de ses propres tables aléatoires qui
personnalisent le synopsis initial.
Elles impliquent les personnages et
fait tourner l’intrigue autour d’eux.
Le chef du culte maléfique qui me‑
nace le village sera peut‑être l’un
de leurs proches. La colère des fées
est sûrement leur faute. Tout aussi
rapidement que les joueurs, le MJ
bâtit une histoire prête à jouer en
quelques minutes. Place au plai‑
sir de jouer, avec une bonne dose
d’improvisation et d’adaptation.
Le livre de règles propose deux li‑
vrets, d’autres viendront plus tard.
Magies et bestioles
L’ouvrage de règles propose bien
sûr de la magie, qui a subi elle
aussi une cure de simplification
bien pensée. Il existe trois types de
sorts. Les tours de magie sont des
effets simples qui ne demandent
pas de prérequis mais un test de
caractéristique. Utilisables à volon‑
té, sauf en cas d’échec, leur impact
reste limité. À l’opposé, les rituels
sont plus puissants et classifiés sur
dix niveaux. Pour les lancer, il faut
avoir le niveau requis et prendre du
temps pour l’incantation. Ils sont
aussi subordonnés à un test de ca‑
ractéristique qui, comme pour les
tours, peut faire perdre le contrôle
en cas d’échec. Entre les deux se
trouvent les sortilèges, qui sont
une force de frappe intermédiaire
et dont le nombre d’utilisation est
limité chaque jour par le niveau du
magicien. La réussite est cette fois
automatique et fait d’un lanceur
de sort un personnage puissant…
ou un adversaire dangereux ! Les
trois catégories sont suffisam‑
ment bien fournies pour offrir un
grimoire riche de possibilités.
Il en est de même avec le bes‑
tiaire, lui aussi plutôt complet pour
un livre de base. Il propose de nom‑
breux adversaires, avec parfois des
variantes pour encore plus de choix.
Les blocs de statistiques sont ré‑
duits au plus simple, avec des dés
de vie, une classe d’armure, des at‑
taques et quelques spécificités. En
plus de nombreux adversaires qui
peupleront les scénarios cuisinés
sur le pouce, le bestiaire s’attarde
sur la création de trois figures du
genre : les démons, les dragons et
les gobelinoïdes. Quelques règles
de personnalisation en font des
entités uniques et dangereuses,
avec une particularité pour les
deux premiers : ils sont nommés.
Avoir un Vrai Nom est synonyme
de faiblesse si les adversaires le
découvrent. Ils le tiennent donc
jalousement secret, ce qui donne
un outil scénaristique tout trouvé
pour préparer une aventure contre
l’une de ces puissantes engeances.
Passer en mode
campagne partagée
Le livre de règle répond à la com‑
mande de jouer très vite et sans
préparation préalable. L’expérience
peut facilement se répéter, per‑
mettant de peupler rapidement
votre village ou celui d’à côté. Mais
il y aura forcément un moment où
vos joueurs voudront aller plus loin.
C’est justement le titre et le sujet
du supplément publié en même
temps que le corpus de règles. Il
apporte quelques précisions, des
règles optionnelles ou alternatives,
comme des traits ou une gestion
revisitée de l’expérience. Il aug‑
mente sensiblement le grimoire
avec de nouveaux rituels et la créa‑
tion d’objets magiques. L’ensemble
s’intègre en douceur, sans alourdir
le système de jeu et tomber dans
le travers de D&D, qui a eu de cesse
d’enfler avec le temps.
Le supplément se penche sur‑
tout sur l’extension du bac‑à‑sable
partagé. Les personnages sortent
de l’école élémentaire, direction le
second cycle et la vie dans un petit
empire. Comme pour le village et
ses environs, les joueurs proposent
des lieux, tirés sur une table, et les
placent sur une carte régionale :
cité, ruines anciennes ou récentes,
sources de pouvoir et liens vers
d’autres mondes… Ces grandes
catégories laissent une large place
à leur imagination. De son côté, le
MJ les prend en compte et déter‑
mine si la vérité des joueurs et
réelle, si la rumeur est fondée, si
ce qu’ils ont vu est ce qui se passe
vraiment. Comme pour le village,
si toute la table se prend à ce jeu
créatif, elle obtiendra un environ‑
nement unique et personnalisé où
placer des aventures plus corsées.
Cet outil collaboratif générique très
simple peut, comme le suggère un
petit encart, être utilisé pour n’im‑
porte quel autre jeu… argument
publicitaire implacable et tota‑
lement vrai !

Du scénario
à la menace
Un environnement étendu induit
conduire jusqu’à la confrontation Les deux livres sont complé‑
des histoires plus ambitieuses, que
finale… formant une campagne en mentaires et indispensables.
les livrets de scénarios peuvent
définitive. Jouer avec celui des règles est
peiner à assouvir. Faites place aux
L’ouvrage propose quatre me‑ bien entendu très satisfaisant,
Livrets de menaces, qui montent
naces : Pestilence, le Prince gris, la mais vos joueurs auront un jour ou
nettement d’un cran. Une menace
Cité impériale et le Dragon revan‑ l’autre envie d’aller plus loin. Des
est une intrigue en filigrane qui
chard. Moins aléatoires que les livrets supplémentaires sont déjà
s’insinue lentement dans le quo‑
livrets de scénarios, leur origine en cours de traduction et seront
tidien des personnages. Par un
peut varier par le hasard ou le choix bientôt disponibles en libre télé‑
simple score d’imminence, elle
du MJ. L’écriture didactique le guide chargement sur le site de l’éditeur.
passe d’un vague désagrément à la
dans sa mise en place, lui permet Allez donc faire un tour dans la ru‑
catastrophe totale. Elle a pris racine
de cocher les indices à suivre et les brique des news de ce numéro de
dès l’enfance des personnages,
principaux antagonistes à mettre Casus Belli, vous en apprendrez un
qui l’ont peut‑être déjà repoussée
sur le chemin des personnages. peu plus. En attendant, vous avez
sans le savoir. Elle monte inexo‑
L’exercice ne demande pas beau‑ déjà de quoi leur faire jouer de
rablement en puissance jusqu’au
coup plus de préparation que pour nombreuses parties préparées à
climax. Bien entendu, des pistes
la volée, avant qu’ils ne se lassent
et des indices émergent, induisant le format de base. À la clé, vous
de leur comté et ne veuillent aller
des scénarios à part entière. Leur disposez de campagnes uniques,
voir ce qu’il y a vraiment de l’autre
enchaînement permet aux joueurs dont les joueurs participent à l’écri‑
côté du mur.
d’en découvrir l’ampleur, les clés ture et qui en feront les héros de
pour la vaincre et finalement les leur village. Olivier Halnais

CRITIQUES | 59
60 | CRITIQUES
VAMPIRE, LA MASCARADE 5E | SUPPLÉMENT DE CONTEXTE (VF)
SECONDE INQUISITION
Vous reprendrez bien un peu d’eau bénite
L
Fiche technique a Seconde Inquisition (SI) est
Éditeur • Arkhane Asylum l’un des aspects déterminants de
Publishing cette nouvelle édition de Vampire,
Matériel • Livre à couverture qui a réalisé l’importance, pour l’équi‑
cartonnée de 164 pages en libre du jeu et l’intérêt de la Mascarade,
couleur, format US Letter de cette organisation. Mais, la question
Prix constaté • 45 € demeure : ce supplément contient‑il
bien toutes les informations dont la
table a besoin sur la SI ?
Ne cédant pas à la tentation d’offrir
un « jeu alternatif » où les PJ incarne‑
raient des inquisiteurs, cet ouvrage se
dédie tout entier à être un outil pour
enrichir ses parties de Vampire et déve‑
lopper ses propres intrigues autour de
cette puissante menace. Le contenu est
donc ainsi intégralement présenté sous
l’angle d’une opposition pour la coterie.
Inventaire des troupes
Le premier chapitre, Tueurs de pré‑
dateurs, rentre d’ailleurs directement
dans le sujet en décrivant une série
d’archétypes de soldats de l’organi‑
sation qui détaille leur rôle et leurs
J’aime : tactiques dans la lutte contre les vam‑
+ L’orientation aide de jeu et
pires. La plupart de ceux‑ci ont des
non encyclopédique variations, des agents à la fonction ou
+ La mécanisation (pour ceux
l’approche comparable, ce qui est une
qui aiment) …
mine d’idées pour placer l’un d’eux au
+ … qu’on peut
complètement ignorer sein d’un scénario, comme rebondisse‑
ment ou élément central de l’intrigue.
J’aime moins : En outre, la présentation, abstraite
- Certaines idées/ mais riche en propositions de jeu, per‑
propositions se ressemblent met d’injecter facilement ce type d’ad‑
- L’approche rend parfois les versaires, quel que soit le contexte ou
éléments trop abstraits le cadre de la campagne.
avec votre incinération ?
Armes spéciales, le second chapitre un
peu moins inspirant, est consacré à l’ar‑
senal de l’organisation. Heureusement,
il évite l’écueil du catalogue d’armes,
et propose à la place un inventaire
exhaustif des outils et même des véhi‑
cules employés par les agents de la SI.
Le suivant dépeint les méthodes d’in‑
vestigation et les tactiques du groupe
et fourmille ainsi d’idées sur l’utilisa‑
tion de la SI pour rappeler aux vampires
que la prudence et la discrétion sont
essentielles à leur survie !
Les dessous de la SI
Suit un chapitre qui fait un véritable
parcours du globe et évoque les dif‑
férentes factions, ou plutôt conspi‑
rations, qui forment la SI. Là encore,
le supplément évite la description
détaillée et précise de lieux et de PNJ
mais se focalise, ici aussi, sur les pos‑
sibilités d’intervention de ces éléments
dans la partie. D’ailleurs, le dernier
chapitre conclut dans cette lignée, en
fournissant des fragments d’intrigue
ou des thématiques « prêtes à inté‑
grer » à n’importe quelle campagne.
En essence, l’ouvrage se termine sur
l’illustration de la mise en pratique du
contenu du supplément !
En conclusion, Seconde Inquisition
est un excellent supplément sur la
SI qui devrait ravir toutes les tables
de Vampire !
Romain « Belaran » Pelisse
 CRITIQUES | 61

TYLESTEL | CAMPAGNES ET SCÉNARIO (VF)

LA PROPHÉTIE DE VÉLAS
/ LE DERNIER BASTION
Heureux qui, comme Ulysse,
a fait un beau voyage…
Deux ans après sa sortie en boutique, Tylestel, le bébé de La
Plume de Cyrano, revient en rayon avec non pas une, mais deux
campagnes supplémentées d’un petit scénario en guise de bonus.

La Prophétie de Vélas Qualité à souligner de ces scénarios : Fiche technique

La campagne La Prophétie de Vélas est
une proposition de récit ouvert classique
mais solide. Les héros sont envoyés à
Imar pour arrêter le funeste destin pré‑
dit à la région. Leur mission est d’aider le
duc à unifier son domaine en préparation
de la menace à venir. L’ouvrage présente
un guide détaillé du duché et des mul‑
tiples factions impliquées dans l’intrigue
de la campagne. De manière appréciable,
on peut choisir d’en retirer certaines pour
simplifier la campagne et réduire ainsi le
nombre de séances nécessaires afin de
la terminer. Le supplément inclut aussi
des règles de combat de masse, ainsi
qu’un petit lot de règles additionnelles
et 54 cartes qui viennent agréablement
compléter celles de la boîte de base.
ils prennent soin de mettre les person‑
nages au cœur de l’action, sans jamais
présumer de leur décision ou de leur
choix. En outre, la structure de la cam‑
pagne se veut ouverte et non linéaire,
et présente avec intelligence les moti‑
vations des différentes factions et les
événements qui peuvent en découler.
La Corne d’abondance
Plus anecdotique, le scénario Corne
d’abondance demande aux PJ d’éluci‑
der pour le compte des dieux le mystère
qui se cache derrière la richesse subite
d’une cité. Sans réellement renouveler
la proposition des précédents scéna‑
rios et campagnes pour Tylestel, cette
petite aventure demeure sympathique.
Éditeur • La Plume de Cyrano
Matériel
• La Prophétie de Vélas :
couverture souple, 100 pages
en couleur et 54 cartes.
Prix constaté : 45 €
• Le Dernier bastion :
couverture souple, 52 pages
en couleur.
Prix constaté • 45 €
• La Corne d’abondance :
couverture souple, 12 pages
en couleur (exclusivité
des souscripteurs de la
précommande participative)

Le Dernier Bastion Le mot de la fin

Moins ambitieuse et plus linéaire dans
sa structure, la campagne Le Dernier
Bastion forme néanmoins une excel‑
lente mise en jambes à la proposition
ludique de Tylestel. Centrée sur la ville
d’Aram, l’intrigue évoque celle du siège
de Troie sans pour autant en être une
œuvre dérivée. Elle s’organise autour
de cinq scénarios progressifs qui per‑
mettent à ses PJ de découvrir graduel‑
lement le monde tout en appréhendant
les enjeux qui culminent à sa conclu‑
sion. Un parfait cadre pour expérimenter
le jeu sur une dizaine de séances.
L’ensemble de ces ouvrages complète J’aime :
à la perfection la gamme. Si la boîte de + Des aventures qui
base fournissait tout pour jouer, y compris embrassent à plein cœur la
quelques scénarios, il manquait encore proposition de Tylestel
à la proposition de Tylestel une ou deux + Des scénarios qui ne
grandes campagnes d’envergure afin d’ex‑ présument pas, autant que
plorer et d’étoffer son univers. C’est main‑ possible, des actions des PJ
tenant chose faite. Si nous souhaitons à la + Les structures radicalement
différentes des deux
gamme un avenir radieux, les possesseurs
du jeu ont désormais largement de quoi campagnes (une ouverte, une
plus linéaire)
arpenter cette antiquité alternative en at‑
tendant que ses auteurs reviennent avec
J’aime moins :
une suite à leur proposition.
- Ne pas avoir eu le temps de
Romain « Belaran » Pelisse jouer à Tylestel : (

CRITIQUES | 61
62 | CRITIQUES

DARK RUNES | SUPPLÉMENTS DE REGLES ET DE CONTEXTE (VF)

L'EMPIRE MINOEN
Sous le signe du Taureau
Dark Runes est un JdR de fantasy antique initialement focalisé
sur les légendes nordiques. Le monde est vaste et les nations
puissantes. La rivale la plus envahissante a depuis longtemps
conquis le bassin de la Megale Thallassa. Faites place aux
minoens et à leur empereur immortel.

Fiche technique
Éditeur • Éditions Yggdrasil
Matériel et prix constatés •
L'Empire minoen – 1 livre à
couverture souple et reliure
spirale de 208 pages en
couleurs, format A4 – 39 €
Arelate, la cité éternelle ‑ 1
livret à couverture souple
de 45 pages en couleurs,
format A4 – 19 €
Livre du joueur ‑ 1 livre à
couverture souple et reliure
spirale de 136 pages en
couleurs, format A4 – 17 €
J’aime :
+ L'adaptation de l’antiquité
gréco‑latine
+ Le contexte minoen
approfondi
+ Un bestiaire très
mythologique
J’aime moins :
- La reliure spirale de la
version imprimée
- Les couvertures dépareillées
qui ne permettent pas
d’identifier une gamme
- Quelques coquilles sont
passées dans les mailles de la
relecture
D
ark Runes continue son odyssée
éditoriale. Après les immensités
septentrionales, c'est au tour de
l’empire méridional de Minos de voir
le jour. Le financement sur GameOn
Tabletop fin 2021 n'avait pu être validé.
Malgré tout, avec 80 % de la somme de‑
mandée, les auteurs ont décidé de sortir
ce supplément. Et l’Empereur n’est pas
venu seul pour consacrer son triomphe.
Mon empire
pour un minotaure
L’empire minoen s’inspire de l’Antique
Crète. Le supplément nous embarque
sans coup férir à la découverte de cette
histoire réécrite. L’empire irradie depuis
la Krète, siège du pouvoir de Minos, em‑
pereur immortel de droit divin. L’histoire
est rapidement brossée, un peu trop
vite peut‑être. L’expansion impériale
aurait pu être plus développée. Le sup‑
plément se rattrape avec des chapitres
très complets sur les cultures et les ter‑
ritoires. Les minoens et de leurs cousins
étrusques sont les principales civilisa‑
tions qui règnent sans partage sur la
Megale Thalassa. Leurs usages et tra‑
ditions reprennent les aspirations an‑
tiques connues. Leurs contrées et colo‑
nies sont visitées avec assez de détails
pour que chacune puisse devenir l’ori‑
gine d’un personnage ou le siège d’une
future aventure. Atlantis, déjà entrée
dans la légende, est le point d’orgue
de cette croisière touristique. Les des‑
cendants des rares survivants de l’île
arpentent encore les terres impériales.
Le panthéon minoen reprend celui des
hellènes. Les divinités primordiales ont
enfanté Titans et dieux olympiens, les
seconds ayant triomphé des premiers
pour régner sans partage sur les mortels.
La mythologie regorge d’éternels, de hé‑
ros et de monstres divins. Nous retrou‑
vons de nombreuses têtes connues dans
le bestiaire. Il est très orienté sur les en‑
geances mythologiques, dont certaines
sont très puissantes. Rappelons‑nous
que les joueurs incarnent des héros dont
l’ichor coule dans les veines. Il faut leur
opposer des adversaires à la hauteur de
leurs exploits herculéens.
Un monde
pour les héros
Les règles de création de personnages
minoens permettent de bâtir des héros
dont le sang divin est plus dangereux
que celui de leurs comparses barbares.
Zeus a détruit la première humanité et
n’aime pas vraiment les hommes. S’il
tolère cette nouvelle portée, elle n’est
pas à l’abri de ses foudres. Imaginez
l’épée qui menace des héros devant
défendre le peuple. Leur sang pourrait
être cette fois synonyme de malédic‑
tion. Pour autant, pas question de jouer
autre chose qu’un rejeton divin. De
nouveaux archétypes sont dispo‑
nibles, dont les célèbres amazones,
hoplites et magos. Pour ces der‑
niers, les Arcanes sont adaptés pour
la circonstance, avec des sorts et
des décoctions alchimiques inédits.
Cette partie du supplément pro‑
pose, outre un équipement antique,
quelques règles complémentaires
pour la lutte et la navigation, deux
passions minoennes reconnues.
L’ouvrage se conclut par deux aven‑
tures antiques complètes. Le sup‑
plément est bien exploité et appose
sa marque méridionale. La première
les met justement face à quatre
pattes dont ils auront du mal à cou‑
per les griffes. La seconde les des‑
tine à porter les lauriers de la gloire,
s’ils triomphent de jeux presque
olympiques. L’intrigue se déroule
après le Ragnarök, alors que le reste
du supplément exploite plutôt la
période précédente. Elle ne sera
peut‑être pas simple à placer dans
la temporalité de votre campagne.
Une bourgade
au carrefour
des civilisations
Comme annoncé plus haut, l'em‑
pire minoen n'est pas venu seul.
Il est accompagné d’une escorte
de suppléments promis lors de la
souscription. Le premier est un petit
fascicule consacré à la cité d’Are‑
late, notre Arles antique. Pourquoi,
vous étonnerez‑vous ? C'est que
cette bourgade est à la lisière entre
l’empire et les terres barbares gau‑
loises. Cette ville‑frontière entre‑
mêle les deux civilisations, donnant
une atmosphère unique, un choc
des cultures intéressant à explorer.
De nombreux lieux sont décrits, cer‑
tains bâtiments sont visités plus en
profondeur, avec leurs plans et loca‑
taires principaux. Les thermes, le lu‑
panar des Narcisses et la caupona du
Sanglier brun sont des endroits tout
trouvés pour vivre des aventures.
En parlant d'aventures, un scéna‑
rio clôt le supplément. Les person‑
nages sont engagés par un édile de
la cité pour enquêter sur la mort
violente de son fils unique. Leurs
investigations les conduisent dans
les méandres politiques d’Arelate.
L’histoire exploite pleinement
les lieux décrits précédemment,
ouvrant des suites possibles pour
installer vos joueurs dans leurs
pénates… à moins qu'ils ne se
soient attirés la rancune de l’une
ou l’autre des parties prenantes du
complot. Avec cette histoire un peu
sordide, vous avez de quoi écrire
des suites tout aussi truculentes.
Suivez le guide
L’autre supplément de cette sous‑
cription est consacré aux joueurs,
avec un livre rien que pour eux. Cet
épais pavé de 136 pages reprend
la création du livre de règles, en
y adjoignant les nouveautés mi‑
noennes. On y retrouve toutes les
règles de création d’un enfant de
sang divin, avec tous les archétypes
et un grimoire regroupant les tra‑
ditions magiques et alchimiques.
L’équipement n’est pas en reste,
avec de nombreuses listes d’armes
et de matériels. Vos joueurs n’au‑
ront plus besoin de vous piquer votre
livre, ils ont tout sous la main. Le
supplément propose aussi la fiche
de personnage révisée. Un livret de
personnage est aussi disponible à
part, il deviendra le meilleur ami de
vos joueurs en quête de gloire.
Cette cohorte de suppléments valait
la peine que les auteurs désobéissent
aux lois du financement participatif.
Les soutiens en sont d’autant plus
récompensés, avec du matériel solide
pour changer un peu d’horizon en
attendant le Ragnarök. Si les reliures
en spirale sont un peu contraignantes
(on n’a plus l’habitude), comme dit le
dicton : qu’importe le flacon, pourvu
qu’on ait l’ivresse.
Olivier Halnais
CRITIQUES | 63
64 | CRITIQUES
L’esprit est une prison
Imaginez : vous êtes des gens ordinaires travaillant tous dans
un grand groupe pharmaceutique. On vous demande de mener
une enquête sur des collègues d’une autre filiale que la vôtre.
É
Fiche Technique grégore est un jeu campagne
Éditeur • Les XII Singes autonome. Concrètement, il
Matériel • 1 grande boîte s’agit d’une campagne en sept
contenant 2 livres grand scénarios, livrée avec un set de règles
format de 176 pages couleur, complet, la description du cadre de jeu,
1 écran de trois volets des lieux, des PNJ et des personnages
paysage, 1 livret grand
pré‑tirés. Difficile d’en parler sans
format de 16 pages couleur,
aborder son contenu et donc de spoiler.
42 feuilles d’aides de jeu en
Pour les joueurs que ça intéresse, nous
couleur
Prix constaté • 99 € allons donc commencer par évoquer sa
forme et le système de jeu avant de
parler du fond et de l’intrigue.
Une belle boîte
Pour commencer, l’écrin. Autant le
dire tout de suite, Les XII Singes ont
une fois encore réalisé un très beau
produit avec Égrégore. Une jolie boîte
annonce la couleur (à dominante verte)
avec un visage énigmatique et angois‑
sant de jeune fille bizarre et le papillon
bleu qui est un peu la mascotte du jeu.
J’aime Le jeu est composé de deux livres de
+ Un jeu complet avec du 176 pages à couverture rigide, qui uti‑
matériel superbe lise de nombreuses photos en couleur
+ Une ambiance de folie, au lieu des traditionnelles illustrations.
dans tous les sens du terme Pour une campagne contemporaine,
+ Une campagne structurée c’est un choix malin qui permet aux
et riche
joueurs de se plonger dans l’ambiance.
La maquette est très plaisante à l’œil
J’aime moins
et facilite la lecture. On reprochera tout
- Un système de jeu qui peut
sortir de l’ambiance juste le positionnement de certains
- Quelques fantaisies au encadrés qui coupent une colonne en
niveau de la maquette plein milieu d’une phrase, mais rien de
JEU COMPLET
ÉGRÉGORE
Et petit à petit…
bien méchant. On pourra aussi regret‑
ter une disparité sur les couvertures
des livres, qui n’ont pas un design har‑
monisé, si ce n’est le code couleur et la
présence du papillon bleu.
Les livres sont accompagnés de 42
feuilles d’aides de jeu, fac‑similés de
rapport, copies de papiers d’identité,
articles divers et autres plans réalisés
à la perfection et imprimés sur papier
glacé. L’écran est assez sobre : repre‑
nant le code couleur et le papillon, il
comporte la photo d’un personnage
important de la campagne sur cha‑
cun de ses trois volets. L’ensemble est
plutôt réussi.
Des règles
de base simples
Penchons‑nous à présent sur le
contenu des deux livres, découpés de
façon très pratique : le premier ouvrage
contient les éléments nécessaires au
jeu, le second les sept scénarios de
la campagne. Autant dire qu’ils sont
complémentaires et interdépendants.
Le premier livre est composé de trois
parties : les règles du jeu, le cadre
de campagne et la présentation de
son intrigue puis, enfin, un cahier
d’ambiance.
Le premier ingrédient donc, ce
sont les règles. Égrégore fait appel
à une variante du moteur du jeu
Freeform Universal (FU), utilisé
précédemment par Wastburg ou
encore Friponnes. Ce système est
réputé pour être léger et flexible.
Les personnages sont définis par
un concept (ce qu’ils font au quo‑
tidien, qui définit par conséquent
un champ de compétence plus ou
moins large) et des descripteurs,
qualificatifs ou expressions ultra
courtes qui identifient leurs ta‑
lents ou faiblesses (ex : menteur
invétéré, bâti comme un tank).
Ces éléments jouent bien sûr sur la
résolution d’action.
Contrairement aux systèmes les
plus courants, FU est un système
dit narratif et propose aux joueurs
de déterminer un enjeu en posant
une question fermée. Ainsi, au lieu
de dire « J’essaie d’être discret pour
entrer dans le bureau », le joueur
va poser la question : « Est‑ce que
mon personnage parvient à entrer
discrètement dans le bureau ? ».
Il effectue alors un test pour qui permettent de relancer des « péripéties », qui peuvent ajouter
avoir la réponse à sa question, qui dés, de créer une coïncidence qui ou retirer des dés à la réserve selon
consiste à lancer une « réserve » arrange le personnage… et d’autres qu’elles sont mineures (+1D), fortes
de d10 : par défaut, il lance 5 dés, choses que les joueurs n’ont pas à (−1D) ou écrasantes (−3D).
mais les descripteurs, les circons‑ savoir à ce stade ! Chose impor‑ Un conflit est généralement réso‑
tances ou l’état de santé du PJ, par tante : un personnage qui n’a plus lu sur le résultat d’un unique jet de
exemple, vont ajouter ou retirer d’EGG peut être éliminé s’il échoue dé, mais un adversaire important
des dés à sa réserve. Au maximum, sur un test menaçant. Sachant entraînera forcément la résolution
le joueur jette dix dés et en retient qu’au début de la campagne, les PJ de plusieurs actions différentes.
cinq. Selon le nombre de résultats n’ont que 2 EGG… Si un adversaire mineur n’a pas
pairs obtenus, la réponse à la ques‑ d’EGG et peut être vaincu sur l’une
tion va varier de « non et… » (0 dé)
à « oui et… » (5 dés) en passant par Résoudre des trois variantes de « Oui », un
personnage majeur (jusqu’à 5
les « non », « non mais… », « oui les conflits EGG) résistera nettement plus. Les
mais… » et « oui ». Quel que soit le Si la résolution d’action est a résultats peuvent avoir un impact
résultat, le MJ va devoir interpréter priori simple, les choses se corsent sur les jauges de Conséquences des
le résultat, les joueurs étant invités un peu au moment de résoudre un PJ et PNJ ; ces quatre jauges me‑
à participer. conflit, qu’il s’agisse de combat surent la condition physique, l’état
Autant dire que le système ou d’une rencontre sociale, par mental, les relations sociales et les
pousse aux rebondissements via exemple. Déjà, il faut détermi‑ ressources sur une échelle qui com‑
les réussites ou échecs partiels. ner si le conflit est faible ou ma‑ porte, au mieux, trois niveaux.
Cependant, les joueurs peuvent jeur (auquel cas les personnages À partir de là, un conflit va se
exercer un certain contrôle en uti‑ risquent de perdre des EGG). De résoudre à coups de questions (voir
lisant des points d’Égrégore (EGG) plus, un conflit peut faire l’objet de plus haut) pour trouver un moyen

CRITIQUES | 65
66 | CRITIQUES
de réduire l’une des jauges de
l’adversaire pour le vaincre. Le jeu
comporte de nombreux exemples
pour faciliter la compréhension,
en particulier cette partie qui peut
sembler ardue : face à un malfrat
avec un couteau, un agent du FBI
pourra demander « s’il peut sor‑
tir son arme avant d’être blessé
par le malfrat », ce qui nécessite
d’évaluer les différents paramètres
intervenant dans l’action avant de
lancer les dés. N’y parvenant pas
mais n’étant pas blessé, le joueur
demande « si son PJ peut maîtriser
son adversaire », puis « s’il parvient
à le désarmer ». Sur un résultat
« Oui mais… », il y parvient, mais
le MJ décide qu’il se blesse dans la
manœuvre. Et ainsi de suite…
On est loin de « J’attaque, je
fais les dégâts » ! Pour les habi‑
tués des systèmes traditionnels,
ce système va nécessiter un bon
temps d’adaptation. Soulignons
aussi qu’il pousse véritablement
les joueurs à être inventifs pour
résoudre chaque action.
Et la campagne,
alors ?
Spoiler alert ! Le moment est
venu pour les joueurs potentiels de
stopper leur lecture.
L’auteur, Stéphane Sokol, a pris
un soin particulier à adapter FU
pour jouer Égrégore, qui comporte
clairement un aspect « fantas‑
tique » : avec les EGG, les person‑
nages peuvent aussi traverser la
« Membrane » et pénétrer dans le
monde des chimères (oui, on parle là
de dimensions parallèles à la nôtre) ;
et ils disposent de pouvoir psi.
Six personnages pré‑tirés (en par‑
tie, ils n’attendent que d’être per‑
sonnalisés sur deux ou trois points)
sont fournis spécifiquement pour
commencer la campagne (s’ils ve‑
naient à décéder, des règles sont
fournies pour créer des rempla‑
çants très rapidement). Il s’agit
d’employés du groupe de santé
OTK, qui est au centre de l’intrigue.
Ils ne se connaissent pas et sont, a
priori, des gens ordinaires : méde‑
cin urgentiste, agent de sécurité,
informaticien, coursier, chimiste et
laborantine. Mais tous font depuis
quelque temps des cauchemars ou
rêves étranges.
Étonnamment, ils sont réunis
par les RH du groupe pour leur
confier une mission : mener une
enquête interne sur cinq employés
d’une clinique OTK à Los Angeles,
suspectés d’avoir volé des docu‑
ments importants qui ne doivent
pas tomber entre les mains de la
concurrence. Les PJ sont immédia‑
tement embarqués dans un jet pri‑
vé et se retrouvent propulsés dans
cette histoire déstabilisante.
Égrégore est un jeu d’horreur : de
scène en scène, les PJ vont réaliser
peu à peu, de découverte en décou‑
verte, une descente aux enfers. Et
avec eux, ces sont les joueurs qui
vont aller de surprise en surprise,
et vivre une expérience qui devrait
les bousculer. Nous n’allons pas
vous raconter la campagne (il faut
la lire pour cela), mais sachez que
sa structure est inhabituelle, cer‑
tains scénarios relevant quasiment
du psychédélique ou du flash‑back
permettant peu à peu de com‑
prendre l’atroce vérité.
Mais quoi ?
Le dos de la boîte ne révèle pas
grand‑chose du contenu du jeu, et
c’est probablement volontaire pour
ne rien spoiler aux joueurs poten‑
tiels. Aussi, il nous semble impor‑
tant de vous l’exposer rapidement.
Bien sûr, les PJ ne sont pas ceux
qu’ils pensent être. Leur mémoire a
été altérée, et l’un des enjeux de la
campagne va être de recouvrer une
partie de leurs souvenirs.
Plus compliqué, chacun d’eux
incarne en réalité la fusion de deux
personnes issues de groupes diffé‑
rents : d’une part, des chercheurs
nazis (imaginez le choc de la décou‑
verte !) qui, suite à leurs recherches
sur l’Übermensch, ont découvert
une dimension parallèle, le monde
des chimères, et s’y sont perdus ;
et d’autre part, une équipe partici‑
pant à l’exploration du monde des
chimères dans les années 2000,
les recherches des nazis n’ayant
jamais cessé et s’étant poursuivies
aux États‑Unis, au sein d’OTK, en
lien avec la CIA. La fusion des per‑
sonnalités des deux groupes a réin‑
tégré la réalité en 2022, dans les
corps des sujets de l’expérimenta‑
tion. OTK tente alors une nouvelle
expérimentation en réimplantant
ces personnalités fusionnées. C’est
là que commence la campagne…
d’OTK, ce gigantesque groupe de
santé auquel appartiennent les
PJ et qui poursuit, en secret, les
recherches débutées par les nazis.
Classique des récits du genre, OTK
va rapidement passer du statut
d’employeur et pourvoyeur de
mission à celui de « grand mé‑
chant » de l’histoire, même si les
choses ne sont pas simplistes, une
grande partie du groupe et de ses
employés n’ayant aucune connais‑
sance de ses activités occultes.
Tout est expliqué en détail et
l’auteur a pris soin de fournir orga‑
nigramme et glossaire. C’est une
bonne chose car, mine de rien, tout
cela est très riche et peut vite sem‑
bler complexe, ce qui est à peu près
normal dès lors qu’on joue avec
l’ésotérisme et l’occulte. Quoi qu’il
en soit, le premier livre contient ab‑
solument tous les éléments pour
comprendre l’intrigue de fond et
connaître les PNJ majeurs qui vont
intervenir dans la campagne.
Dès lors, le second livre peut
se concentrer entièrement sur
le déroulé des scénarios, qui ne
sont pas nécessairement linéaires
pour autant. Globalement, chacun
forme un entonnoir, mais selon les
actions des PJ, l’enchaînement des
scénarios pourra être bousculé.
L’investigation et l’ambiance
lourde sont clairement l’axe prin‑
cipal d’Égrégore, ce qui ne signifie
pas qu’il n’y a pas d’action : la scène
finale avec des hélicoptères qui at‑
taquent une plateforme pétrolière
est grandiose et permet de conclure
la campagne de façon marquante.
En conclusion, si vous aimez
l’ésotérisme et les ambiances
lourdes, Égrégore est une magni‑
fique campagne qui devrait vous
marquer, votre groupe et vous.
Marc Sautriot

Ésotérisme
et délires nazis
Autant dire qu’Égrégore jongle
avec l’ésotérisme, les concepts
métaphysiques et les délires dé‑
ments des nazis. Le premier livre
décrit abondamment ces diffé‑
rents aspects, toute l’histoire qui
commence avec les expérimenta‑
tions sur l’Übermensch et se pour‑
suit jusqu’à nos jours, ainsi que les
conséquences des recherches (inci‑
dents, disparitions et manifestions
étranges). Tous les lieux évoqués
voire visités au cours de la cam‑
pagne sont décrits, ainsi que les
activités qui y sont menées et les
diverses factions auxquelles les PJ
auront affaire.
Bien entendu, un soin particu‑
lier est apporté à la présentation

CRITIQUES | 67
68 | CRITIQUES

KIT D’INTRODUCTION (VO)

LA BANNIÈRE
DE LA LIBERTÉ
Virez à bâbord et feu à volonté
avec les canons laser !!!
Amoureux d’Albator qui rêvent d’écumer l’espace pour y vivre
des aventures inoubliables, La Bannière de la liberté est là pour
enfin assouvir vos fantasmes les plus fous !

D
Fiche technique ès les premières lignes, l’am‑
Editeur • Empyreal Media biance de La Bannière de la
Productions liberté est clairement définie
Matériel • Un livret à en quelques mots, en partie par les
couverture souple de œuvres de fiction auxquelles le jeu se
102 pages, format mook réfère. Si vous avez adoré Albator ou
Prix constaté • 15 € Firefly, ce Kit d’introduction s’adresse
à vous ! Si vous aimez la science‑fic‑
tion avec du panache et de l’aventure
plutôt que des considérations réalistes
et scientifiques, vous serez également
séduit par ce que ce jeu a à vous offrir.
Des règles simples
et efficaces
Ce Kit d’introduction rentre direc‑
tement au cœur de l’action après
quelques pages brossant, dans les très
grandes lignes, son univers. Les règles,
plutôt classiques tout en restant effi‑
caces, sont aisées à prendre en main et
J’aime : reposent sur une arithmétique de jeu
+ Absolument tout pour se sans complexité inutile.
lancer et deux premières Pour réussir ce qu’un personnage en‑
aventures qui donnent envie ! treprend, il faut dépasser un certain seuil
+ Une esthétique simple mais
avec les dés. Si le personnage dispose
adaptée, qui ne se limite pas
d’une capacité appropriée, il lance 1d10 et
à un style « manga ».
ajoute la valeur de la capacité associée.
+ Des règles simples,
complètes et adaptées. Si ce n’est pas le cas, il jette 1d6 à la place
du d10, et ajoute un attribut à défaut de
J’aime moins : score dans la capacité appropriée. Cette
- Devoir attendre pour mécanique classique est complétée par
découvrir la suite de la notion de dés de Fortune et d’Adversi‑
l’histoire ! té : selon les capacités des personnages
(ou les circonstances), ces dés peuvent
se joindre à ceux du test.
Le personnage lance alors plusieurs
d10 (ou d6) et, selon qu’il s’agit d’un dé
de Fortune ou d’Adversité, le résultat
s’ajoute ou se retranche au score final.
Il ne peut y avoir qu’un dé de Fortune
ou d’Adversité, mais les deux peuvent
se greffer à un test si, par exemple, un
joueur utilise une capacité qui lui octroie
un dé de Fortune tandis que la situation
lui attribue également un dé d’Adversi‑
té. Bref, tout ceci est simple à appréhen‑
der, intuitif, et les règles associées pour
les jets d’opposition, les tests en équipe
ou encore le combat, se construisent
sans difficulté sur cette base.
Cette mécanique simple de Fortune
donne le moyen aux personnages
de briller et de remporter la bagarre
quand les chances sont contre eux, ce
qui rentre parfaitement dans le ton et
l’ambiance recherché par La Bannière
de la liberté, où l’on incarne des héros
vaillants seuls face au reste du monde.
Des batailles spatiales
Outre cette mécanique de base et
les règles de combats, il y a bien sûr
des règles concernant les batailles
spatiales. Un sujet régulièrement
couvert par de nombreux jeux de
rôle, qu’il s’agisse de Star Wars, Star
Trek, Starfinder ou, plus récemment,
Chroniques oubliées Galactiques.
Malgré tous ces prédécesseurs, ce n’est
jamais un exercice facile pour autant.
Les règles proposées dans ce Kit
d’introduction n’ont rien de particuliè‑
rement révolutionnaires, cependant
elles ont le mérite de la simplicité et
de coller à l’ambiance recherchée par
le jeu. Ainsi, on retrouve la notion de
poste au sein du vaisseau, associé
aux règles permettant à chacun des
membres de l’équipage d’avoir sa place
dans la bataille.
Des personnages
et de l’aventure !
Comme il s’agit d’un kit d’introduc‑
tion, il n’y a pas de règles de création de
personnages, mais quatre prétirés qui
couvrent bien le spectre des personnages
possibles sont fournis. Les fiches sont
présentées sous la forme d’un avis de
recherche, ce qui participe au ton du jeu !
Une fois l’ensemble des règles cou‑
vert, le livret du Kit d’introduction
passe directement aux choses sé‑
rieuses, en proposant non pas un, mais
deux scénarios d’introduction. Ceux‑ci
ont pour objectif avoué de donner une
idée claire de ce que peuvent être des
aventures typiques dans l’univers du
jeu. Nécessairement, ils sont plutôt
linéaires mais sans forcer inutilement
la main des joueurs. En fait, les pré‑
suppositions du scénario sur les choix
et actions des personnages sont en co‑
hérence avec la nature de leur groupe,
soit une bande de pirate de l’espace en
maraude, mais romantique et éprise de
liberté. Si la table accepte la proposi‑
tion du jeu, ils ne devraient pas se sen‑
tir particulièrement sur des rails.
Le style sobre et « Art déco » du livret,
tout en noir et blanc, colle parfaite‑
ment à l’ambiance du premier scéna‑
rio qui flirte très franchement avec les
clichés des romans noirs. Une aventure
où Albator croise les personnages du
Faucon maltais. Si celle‑ci laisse peu
de place à l’initiative des joueurs, elle
a la qualité de poser le ton de l’aven‑
ture et de créer du mystère, tout en
présentant les nombreuses factions de
l’univers. Si les personnes autour de la
table sont normalement constituées,
elles auront envie de jouer la suite pour
découvrir de quoi il retourne !
Le second scénario, quant à lui, est une
aventure spatiale plus traditionnelle, à
la Star Wars, où le vaisseau spatial de
la table se retrouve à jouer au chat et à
la souris au milieu d’un champ d’asté‑
roïde, tout en faisant la course pour
être le premier à attraper le McGuffin
de l’histoire. Le tout se conclut sur
une ouverture qui laisse, et c’est
probablement volontaire, sur sa
faim. Espérons que ce récit
continuera avec le reste
de la gamme et sera tout
aussi passionnant !
Conclusion
Dans l’ensemble, ce Kit
d’introduction coche toutes les
cases et fait bien son boulot. Il
est impressionnant de voir com‑
ment il parvient à donner tant
d’éléments en si peu de pages.
Un exercice de concision et
d’efficacité, souvent tenté par
ce genre de produit, mais sans
toujours arriver à un tel suc‑
cès. Il fournit tout pour jouer
rapidement, incluant les
règles essentielles et des scé‑
narios, ainsi qu’une vue glo‑
bale et claire de l’univers que le
jeu propose. Sans oublier, bien sûr, de
détailler son ambiance. Cependant, pour
jouer sur la durée et enrichir ce monde,
pour le moment seulement esquissé
dans les pages de ce livret, la suite de
la gamme sera critique. Souhaitons‑lui
donc d’être pléthorique afin de satis‑
faire les nombreux moussaillons de
l’espace qui vont voguer à travers le sys‑
tème solaire à l’aide de ce kit !
Romain « Belaran » Pelisse
CRITIQUES | 69
70 | CRITIQUES
THE WITCHER | SUPPLÉMENT DE RÈGLES ET
SCÉNARIO (VO)
LE TOME
DU CHAOS
Tout savoir sur la magie
Le Tome du chaos est un gros sup‑
plément consacré aux différentes
formes de magie : celle des mages
mais aussi celles des prêtres et des
druides. En 220 pages, il complète
largement le livre de base en appor‑
tant au MJ aussi bien du fluff, avec
des informations sur les mages, les
prêtres, les druides, que du crunch
avec de nouvelles professions (et
les dons qui vont avec), de nouveaux
sorts et invocations, sans parler des
arts sombres.
Les textes sont pour l’essentiel pré‑
sentés in game, donnant la parole
à des personnages comme Glynnis
var Treharne et Brandon d’Oxenfurt,
comme si ce Tome existait vraiment
dans l’univers du Witcher et consti‑
tuait une étude des différentes formes
de magie existantes, de leurs prati‑
ciens et des créatures liées à la magie.
L’ouvrage contient également
un scénario très chouette qui va
confronter les PJ à un démon. Un bon
supplément quasi indispensable.
Marc Sautriot
Éditeur • Arkhane Asylum
Matériel • Livre à couverture rigide de
224 pages en couleur, grand format
Prix constaté • 45 €
FALLOUT : LE JEU DE RÔLE | ACCESSOIRES (VF)
KIT DU MJ
De l’utile et de l’agréable
Ce kit comprend un bloc de feuilles
de personnage (oui, ça existe en‑
core !), quatre feuillets cartonnés de
résumé des règles (à mettre à dispo‑
sition des joueurs), deux planches de
capsules de Nuka Cola en carton (plus
classes que des jetons anonymes,
moins que les « vraies » capsules dis‑
ponibles par ailleurs avec la gamme
VO), une carte recto‑verso de Boston
et un livret.
Ce dernier propose des règles op‑
tionnelles (tests étendus, réputation
de factions…) qui enfoncent parfois
des portes ouvertes mais pourront
avoir leur utilité.
Le reste du livret reprend les tables
d’équipement et de butins du livre
de base, utiles même s’il est curieux
d’avoir mélangé des informations
destinées aux joueurs et d’autres
pour le MJ.
Ces accessoires sont à la fois dis‑
pensables et pratiques, et méritent
l’investissement malgré son prix
élevé digne d’une boîte de jeu avec
autant de matériel.
Slawick Charlier
Éditeur • Arkhane Asylum Publishing
Matériel • Pack d’accessoires divers
Prix constaté • 35 €
FALLOUT : LE JEU DE RÔLE | ÉCRAN (VF)
FALLOUT :
ÉCRAN DE JEU
Une cerise sur le gâteau
Cet écran exclusif à la VF de Fallout
est une excellente nouvelle. C’est un
très solide écran trois volets paysage
qui, pour une fois, n’est pas accom‑
pagné de l’habituel livret.
Le côté joueur présente une belle
illustration de type « fenêtre sur l’uni‑
vers » parfaitement à propos. Rien à
redire de ce côté, bien au contraire !
La partie MJ regroupe quelques
tables importantes (peu nombreuses
dans cette itération du système
2d20), principalement orientées
combat, plus l’utilisation des points
d’action et les tables de soif et de
faim. Ces dernières semblent moins
utiles que d’autres, absentes, comme
les complications et les résultats de
combat. Comme il n’est jamais pos‑
sible de répondre à toutes les at‑
tentes, cette remarque est au mieux
anecdotique.
Nonobstant le prix un peu élevé
(relativement à l’absence d’un livret),
voilà un indispensable pour accom‑
pagner vos campagnes !
Slawick Charlier
Éditeur • Arkhane Asylum Publishing
Matériel • Écran 3 volets paysage
Prix constaté • 25 €
MYTHRAS | SCÉNARIO (VF)
LE TRIBUT LE PHARE
DES ARAKULINES SOLITAIRE
La quête du bouclier
Une bande d’aventuriers est recru‑
tée par un chef de clan afin de récu‑
pérer l’emblème volée de son peuple,
qui entraîna dans le même temps la
mort du seigneur de l’époque et de
sa descendance. C’est une question
d’honneur que de récupérer cet arte‑
fact, maintenant aux mains de bri‑
gands sans morale. Il faut débusquer
le repaire caché des voleurs, puis or‑
ganiser une expédition musclée pour
leur faire payer cet affront et restau‑
rer la dignité des Arakulines.
Cette courte aventure est destinée
à des personnages expérimentés.
Simple dans son déroulement, elle
demande aux joueurs de la prépara‑
tion pour venir à bout d’une adver‑
sité relevée. Le MJ dispose de son
côté d’une intrigue politique qui
s’imbrique dans l’histoire de l’empire
Taskien. Il peut exploiter ce contexte
de rivalité clanique (le bouclier n’ap‑
partient pas à celui qui le clame) et
d’honneur bafoué pour complexifier
et prolonger l’aventure.
Olivier Halnais
Éditeur • D100.FR
Matériel • Livre A4 à couverture souple
de 21 pages en noir et blanc
Prix constaté • 5 € en PDF, 8 € en
impression à la demande
MYTHRAS FANTASIE CLASSIQUE | SCÉNARIO (VF)
Le phare à qui ?
La bucolique vallée du fleuve Bleu
est à cheval sur les terres du baron
de Sable‑blanc et celles du prévôt
de Grand‑Roseau. Vous pouvez pla‑
cer cette région n’importe où sur la
carte de votre campagne et y installer
vos joueurs pour jouer un peu dans
ce bac‑à‑sable. Ce module est assez
générique pour s’insérer facilement
dans votre chronique.
L’histoire se joue en trois actes, aux
paysages et rencontres diverses. Il y
est question de fils disparu, d’amours
contrariés, de voleurs à la peau verte,
de contrebandiers et de pillards.
L’ensemble conduit une aventure
cohérente qui mène fatalement à
un phare solitaire. Il trône fièrement
sur une pointe de terre, attendant les
aventuriers pour livrer ses sinistres
secrets. Une planche de figurines
(en N&B) est fournie en fin d’ouvrage
pour scénariser vos scènes de combat
et les rencontres aléatoires que vous
pourrez ajouter à l’histoire principale.
Olivier Halnais
Éditeur • D100.FR
Matériel • Livre A4 à couverture souple
de 43 pages en noir et blanc
Prix constaté • 6 € en PDF, 10,50 € en
impression à la demande
PATHFINDER 2 | SUPPLÉMENT DE RÈGLES (VF)
BESTIAIRE 3
Pour quelques bestioles
de plus
La tradition des gammes donjo‑
nesques veut qu’elles regorgent de
bestiaires à chaque édition, quitte
à recycler ses pensionnaires d’une
fois sur l’autre en changeant juste
la sauce. Pathfinder n’échappe pas
à la règle, avec un troisième volume
monstrueux calibré pour sa 2e édi‑
tion. Pour autant, il n’est pas ici uni‑
quement question de recyclage.
On y retrouve bien sûr des ani‑
maux et monstres connus adaptés
aux règles de la V2, mais l’ouvrage
regorge aussi de créatures et mons‑
truosités aux noms exotiques, nées
d’une imagination débridée por‑
tant de doux noms, comme le char‑
mant décorticrâne ou la désopilante
eunemvro. Il plane même un air de
space‑punk, avec des androïdes et
autres automates de science fantasy.
Les illustrations ont aussi pris un
coup de jeune et font parfois un peu
flipper. Sûr qu’ils en ont encore sous
le pied pour un volume 4 ; en atten‑
dant vous avez de quoi hacher menu.
Olivier Halnais
Éditeur • Black Book Éditions
Matériel • Livre à couverture rigide de
320 pages en couleur, grand format
Prix constaté • 49,90 €
CRITIQUES | 71
72 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE

ESSAIS

GUIDE DE TOLKIEN &

HOMMAGE À J.R.R. TOLKIEN
os Apprendre Tolkien…
D

sie ie
r t ol k Si la magie de la Terre du Milieu opère sur vous, il est temps
de connaître la personne derrière ces denses livres que sont Le
Seigneur des anneaux, Le Hobbit et Le Silmarillion. Quelles
sont les véritables sources d’inspiration derrière cet imaginaire
foisonnant ?

Fiche technique – Guide
de Tolkien
Éditeur • ActuSF
Matériel • Livre 11x16 cm de
350 pages N&B
Prix constaté • 10 €
Fiche technique –
Hommage à J.R.R.
Tolkien
Éditeur • Ynnis Éditions
Matériel • Livre 19x27 cm de
160 pages couleur
Prix constaté • 14,50 €
J’aime :
+ Leurs petits prix
+ Les anecdotes et les détails
sur Tolkien
+ La vision globale de toute
l’œuvre de Tolkien
+ Le glossaire et le tableau
comparatifs des traductions
du Guide
J’aime moins :
- L’effet catalogue, parfois,
surtout de L’Hommage à JRR
Tolkien
- Les coquilles (petites erreurs
à corriger dans une v2 ?)
V
enez suivre deux bons séminaires
sur Tolkien avec un des meilleurs
passionnés qui soit : Yannick
Chazareng. Cet expert a rassemblé
dans ces deux ouvrages des biographies
détaillées, des anecdotes, un catalogue
complet des sources d’inspirations du
professeur Tolkien ainsi que des récapi‑
tulatifs de ses œuvres et de nombreux
produits dérivés qu’il a inspirés. De
quoi aller à la rencontre de Tolkien pour
mieux connaître l’homme afin de mieux
comprendre son œuvre et son monde :
Arda, et en particulier la Terre du Milieu.
Guide de Tolkien
Ce livre de 350 pages est édité dans
un format poche par ActuSF. La pre‑
mière partie porte sur la vie de l’auteur
et de ses livres, de leur écriture à leur
traduction. Ce morceau du livre n’énu‑
mère pas les événements de la vie de
J.R.R. Tolkien, mais nous plonge dans
les changements qui l’ont affectée,
en particulier le succès planétaire du
Hobbit. Le récit est entrecoupé de
témoignages et d’entretiens avec dif‑
férents intervenants (traducteurs, édi‑
teurs…) qui apporteront de riches éclai‑
rages sur divers aspects. La deuxième
partie s’intéresse aux thèmes abordés
dans Le Seigneur des anneaux et ana‑
lyse comment Tolkien est devenu un
pilier dans l’imaginaire moderne ac‑
tuel. La troisième partie est constituée
d’annexes : un imposant glossaire et
un tableau comparatif des différentes
traductions en VF.
L’énumération de tout ce qu’a pro‑
duit Tolkien, dont une partie a été
éditée et publiée après sa mort par
son fils Christopher, est très précise. Il
en va de même pour les nombreuses
adaptations, de l’écran de cinéma au
jeu de rôle en passant par d’autres
médias comme les jeux vidéo. Même
si des puristes aguerris trouveront
quelques « coquilles » de l’auteur, les
nombreuses anecdotes sur la vie de
Tolkien, l’influence de son entourage,
son amour des forêts britanniques avec
ses vieux arbres et ses cours d’eau, sa
passion de linguiste, son perfection‑
nisme, nous sont ici clairement présen‑
tés et permettent de cerner l’homme et
surtout mieux comprendre son œuvre.
Écrits dans un style fluide, rapide et
facile à lire, les textes ne sont jamais
un cours magistral pompeux mais for‑
ment plutôt un récit riche et bien ima‑
gé, ponctué de belles interviews. Sa
lecture est très vivante, et on apprend
sans se rendre compte en suivant le
cours d’une vie paisible bouleversée
par la guerre et par l’imaginaire. Avec
l’éclairage de ce guide, il nous devient
facile de comprendre les raisons
pour lesquelles Tolkien écrit, ses
luttes intérieures et certaines de
ses ambiguïtés. On apprécie l’ex‑
cellent glossaire mêlant person‑
nalités réelles, héros de ses livres,
lieux, etc. ainsi qu’un excellent
tableau montrant les différences
entre les mots utilisés pour la pre‑
mière traduction et la plus récente.
Sans spoiler, la conclusion, à la‑
quelle nous amène l’auteur n’est pas
celle à laquelle on s’attend. On a là
un très bon essai présentant Tolkien
et ce qui l’a influencé pour créer, ce
qui est toujours, encore aujourd’hui
50 ans après sa mort, un des univers
les plus denses, cohérents et presque
réels par son perfectionnisme.
Hommage
à J.R.R. Tolkien
Également de Yannick Charazeng,
Hommage à J.R.R. Tolkien –
Promenade en Terre du Milieu (édi‑
tions Ynnis) est un livre grand format
avec énormément d’illustrations,
de dessins, de photos et d’images,
sur 160 pages tout en couleur. S’il
commence aussi par une biogra‑
phie de Tolkien, ce livre se diffé‑
rencie en ajoutant celle de son fils
Christopher, et surtout en étudiant
plutôt les œuvres de l’auteur et ses
inspirations que ses influences. Du
Hobbit au Seigneur des anneaux en
passant par Le Silmarillion, on a ici
l’occasion d’explorer les correspon‑
dances qu’il a eues, notamment
avec C.S. Lewis, son ami et auteur
d’un autre monstre de la littérature
anglaise : Narnia. Enfin, l’auteur
aborde les liens entre Tolkien et les
membres de sa famille, comme la
très forte attention qu’il a portée à
ses enfants.
Bien entendu, comme à son
accoutumée, se gardant de dérou‑
ler un cours magistral, l’auteur
entrecoupe son récit d’entretiens
avec des spécialistes de tous hori‑
zons, issus du monde littéraire ou
de domaines moins académiques
comme le JdR, notamment Coralie
David et Jérôme Larré. On explore
ici une facette moins proche des
textes, plus du professeur Tolkien.
En étudiant des textes différents
de la Terre du Milieu, vous décou‑
vrirez d’autres thèmes abordés
par l’auteur, parfois similaires,
parfois diamétralement opposés.
Des dizaines d’anecdotes, d’ex‑
traits de lettres et de discussions
donnent une vision plus person‑
nelle de la personnalité de J.R.R.
Tolkien, montrant, entre autres,
son amour de la géographie et sa
passion pour la philologie (études
des langues anciennes sur des
écrits). Néanmoins, ce livre laisse
aussi, parfois, l’impression d’être
un catalogue. Ceci est principale‑
ment dû à son côté très visuel des
différentes œuvres du maître et de
nombreux produits et objets qu’il
a inspirés, tout en étant extrême‑
ment complet, citant les noms des
ouvrages, les dates de parution,
leurs éditeurs, les illustrateurs, etc.
Cela permet d’approfondir certains
points qui peuvent plaire, en allant
directement à ces sources.
Cette Promenade en Terre du
Milieu est une parfaite porte d’en‑
trée pour les néophytes au monde
imaginaire créé par Tolkien, qui
plaira également aux passionnés
de Tolkien, qui découvriront des
informations précises et surtout
insoupçonnées sur lui, sa vie, ses
inspirations ou même sur des ou‑
vrages publiés en anglais mais qui
sont encore en cours de traductions
et qui paraîtront ces prochaines
années. Le livre se conclut par trois
entretiens qui présentent l’héri‑
tage que nous laisse Tolkien, vu
sous un angle qui donne à réfléchir.
Pour conclure
Ces deux livres traitent du même
sujet mais sur des aspects très dif‑
férents et complémentaires l’un
de l’autre. Amoureux du monde de
Tolkien, de ses histoires (livres), de
ses peintures, et des films, jeux‑vi‑
déo, etc. qui s’en sont inspirés, ces
deux livres vous tendent les bras.
L’Istar Nurthor le Noir
L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 73
74 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE

COIN DES COMICS

SOMETHING IS KILLING
THE CHILDREN
Erica the Monster Slayer
Les enfants savent que les monstres existent, qu’ils se tapissent
dans les ombres et qu’ils aiguisent leurs griffes avec délectation.
Les adultes ont beau l’avoir oublié, la nuit recèle bien des
horreurs. Alors, qui protège les enfants de cette menace ?

Spin off
Afin de continuer à étendre
l’univers, James Tynion IV
s’est également lancé dans
un spin off intitulé The House
of Slaughter (disponible tout
comme SIKTC chez Urban
Comics). Dans cette série, on
se détache d’Erica pour suivre
d’autres personnages et ainsi
découvrir d’autres aspects de
la Maison du Massacre (qui
ne s’avère pas exempte de
conflits internes…).
Le premier tome nous
raconte l’initiation d’Aaron
Slaughter, un camarade
proche d’Erica – nous
montrant la difficile
formation des chasseurs qui
dédient leur vie à traquer les
monstres. Dans le deuxième
tome, on suit à nouveau
Aaron lancé cette fois‑ci après
un traître à l’organisation
– mais un traître avec qui
il entretient une relation
intime. Vers qui ira finalement
sa loyauté ? D’autres tomes
sont prévus afin d’étoffer
plus avant le background de
SIKTC.
Œ
uvre de James Tynion IV
et Werther Dell’Edera,
Something is Killing the
Children (SIKTC en abrégé) est un
comic‑book indépendant qui frappe
fort dès son introduction, entraînant
le lecteur dans un récit mêlant action
effrénée et horreur frontale en un cock‑
tail détonnant. Bande‑dessinée d’une
grande noirceur, elle captive du fait de
sa maestria scénaristique et graphique
tout en proposant un univers plus pro‑
fond qu’il n’y paraît.
Bienvenue dans la
Maison du Massacre
Quand les enfants de la petite ville
d’Archer’s Peak se mettent à dispa‑
raître les uns après les autres – certains
sans laisser aucune trace, d’autres
dans des circonstances extrêmement
violentes –, peur, colère et suspicion
s’emparent des proches des victimes
alors que la situation laisse la police
en plein désarroi. Seul témoin oculaire
du massacre de ses trois camarades, le
jeune James, qui évoque des créatures
terrifiantes vivant dans la pénombre…
Débarque alors une étrange inconnue
nommée Erica Slaughter, une tueuse
de monstres capable de voir l’impen‑
sable – ce que l’inconscient des adultes
a depuis longtemps préféré occulter.
Dotée d’impressionnantes capacités
martiales et de connaissances appro‑
fondies sur ce qui se cache dans les té‑
nèbres, elle entreprend de retrouver les
êtres responsables de ces massacres –
quitte à se mettre la police à dos. Au fil
de son enquête, on en apprend plus sur
son passé et sur la mystérieuse organi‑
sation pour laquelle elle travaille – et il
s’avère que rien n’est simple dans ce
monde tout en nuances de gris.
Dans la peau
d’une blonde
Si SIKTC évoque dans un premier
temps Buffy la tueuse de vampires (une
héroïne blonde et badass qui combat
des créatures surnaturelles), le récit
s’en détache très rapidement. Pas de
métaphore de passage à l’âge adulte
ici, mais au contraire une constatation
désabusée sur la perte d’imagination
des adultes qui les pousse à abandonner
leurs enfants à une terreur sans nom.
Seuls quelques individus se révèlent
capables de continuer à distinguer les
monstres, au prix d’une délicate opé‑
ration du cerveau – et ces personnes
exceptionnelles se mettent dès lors au
service de la Maison du Massacre, une
organisation qui se voue à anéantir les
entités errant dans la nuit. Toutefois, il
semble qu’il ne s’agisse pas là du seul
objectif de cette faction et qu’elle entre‑
tienne des desseins secrets. Sans même
parler de sa propension à ne laisser adaptation motorisée par le système Monsters of the Week, Hunter – le
aucun témoin vivant derrière elle… de jeu générique ayant la préférence Jugement, Hellboy, le jeu de rôle
Protagoniste du récit, Erica du meneur de jeu : Chroniques ou‑ ou (pour les chanceux qui les pos‑
Slaughter apparaît comme une bliées Contemporain convient bien, sèdent en version originale) Buffy
jeune adulte dégingandée, au regard mais Genesys ou Fate s’envisagent / Angel et Supernatural RPG. La
hanté (son design est saisissant !), également. SIKTC se prête ainsi Maison du Massacre (et ses équi‑
mais aux gestes assurés. Bien vite, idéalement à des scénarios one‑shot valents internationaux, dont pour‑
elle finit par mettre en doute le ou une petite campagne basée sur le quoi pas une version chinoise pour
bien‑fondé des actions et méthodes format « jeu à missions ». Hong Kong – les Chroniques de
de la Maison du Massacre et se Mais tous les éléments mis en l’Étrange) constituerait alors une
lance alors dans sa propre quête. scène dans ce comic‑book s’im‑ faction de ces jeux, pouvant être
Le personnage se révèle immédia‑ portent également avec facilité un allié ou un adversaire des per‑
tement attachant, une sorte de dans tout univers contemporain sonnages (voire les deux alternati‑
grande sœur rude et cynique mais ayant une composante « chasse vement, comme avec Erica).
dévouée à la protection des enfants aux monstres », à la façon de Romain d’Huissier
et qui n’hésite jamais à se mettre en
danger pour accomplir sa mission.
Sa défiance envers l’autorité et son
sens aigu des responsabilités la
situent entre l’adolescente rebelle
et l’adulte mature, lui octroyant une
plaisante singularité.
À mesure que l’histoire avance,
l’univers se densifie et on en
apprend plus sur les monstres,
tandis que de nouvelles factions
apparaissent. Tout cela rend ce
comic‑book particulièrement
accrocheur : SIKTC est un titre
exceptionnel à plus d’un titre (maî‑
trise narrative, dessins sombres et
dynamiques), une pépite noire à ne
toutefois pas mettre entre toutes
les mains (des enfants y meurent
de façon particulièrement san‑
glante – mais sans que cela ne soit
jamais gratuit). Mais si vous vous
en sentez le courage, n’hésitez pas
à vous procurer ce chef‑d’œuvre de
fantastique contemporain.

Inspiration
SIKTC propose un univers quasi‑
ment prêt à jouer, avec son organi‑
sation chasseuse de monstres et
ses créatures terrifiantes à élimi‑
ner – sans compter les nombreux
PNJ marquants la mise en scène.
En reprenant ce background, il
s’avère aisé de mettre sur pied une

L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 75
76 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE
Fiche technique
Éditeur / Développeur •
Wizards of the Coast / Larian
Studios
Genre • C‑RPG (jeu de rôle
sur ordinateur)
Plateforme (s) • PC/Mac (3
août), PS5 (6 septembre)
Prix constaté • env. 60 €
J’aime :
+ De belles cinématiques
(170 heures !) et de
nombreuses possibilités
+ Modes multijoueur et coop
en écran partagé
+ Quatre fois plus grand que
Divinity : Original Sin 2
J’aime moins :
- Équipe de 4 maximum
- Des jets de dé aux résultats
parfois étranges
BALDUR’S GATE 3
Vingt trois ans après Baldur’s Gate II : Shadows of Amn, c’est
au tour de Laria Studios (la saga des Divinity) de s’atteler à
cette adaptation du système D&D5 en jeu vidéo.
C
’est ainsi le grand retour du RPG
en tour par tour, avec les techno‑
logies actuelles, et ça explose les
rétines ! Rapide tour d’horizon…
A devil in my head
Cent ans après les événements de
Baldur’s Gate 2, le retour aux Royaumes
oubliés ne se fait pas sans heurt.
Kidnappé par des Flagelleurs mentaux,
infecté puis miraculeusement échappé,
votre personnage va peu à peu décou‑
vrir ses nouvelles capacités, mais aus‑
si leurs contreparties. Une nouvelle
menace va vous mettre à l’épreuve et
vous contraindre à choisir votre camp.
Heureusement, vous ne serez pas seul…
Coup de jeune
Le studio belge Larian s’est construit
une réputation avec les RPG Divinity,
salués par la critique. Raison pour la‑
quelle Wizards of the Coast leur a confié
les rênes de ce nouveau Baldur’s Gate
3 tant attendu : après une si longue
absence, un sérieux coup de jeune était
nécessaire. On retrouve ainsi beaucoup
des Divinity : Original Sin dans ce nou‑
veau Baldur’s Gate, qui a été développé
avec le même moteur graphique, et les
similitudes sont nombreuses. Les dé‑
cors sont vastes et fouillés (quatre fois
plus grand que DOS 2 !), les cinéma‑
tiques hyper réalistes et les échanges
avec les PNJ nombreux et stimulants.
On y retrouve aussi certains éléments
JEU VIDÉO (VF)
Retour sur le seuil
de gameplay communs, ce qui pourra
surprendre les anciens joueurs de BG,
comme une vue 3D en caméra libre à
la place d’une perspective isométrique.
Horizons étendus
Côté création de personnage, vous
aurez le choix entre de nombreuses
classes (12) et sous‑classes (46) évolu‑
tives, races et sous‑races (11+31), afin
de personnaliser au mieux votre avatar.
En hommage à ses prestigieuses ori‑
gines papier, BG3 propose un système
de jets de D20 faisant la part belle à
l’aléatoire, tout en évitant de frustrer
les joueurs avec trop d’échecs critiques
aux conséquences définitives. De plus,
vous pourrez former une équipe de
quatre aventuriers en ligne, ou tenter
la coopération en local à écran partagé.
Les possibilités sont vastes.
Malgré plus de deux ans d’Early
Access (version non complète ni finali‑
sée), difficile de se faire un avis défini‑
tif pour le moment, seul le temps dira
si BG3 mérite les éloges des rôlistes.
Mais les premiers retours des joueurs
s’accordent à dire qu’en dehors de cer‑
tains changements notables, Baldur’s
Gate 3 semble apte à relever le défi de
ses illustres ancêtres, à savoir offrir
une expérience similaire à D&D5 dans
son approche, avec toute l’interactivité
et le visuel que permet un jeu vidéo de
cette ampleur. À suivre donc…
Marilys Vallet

JEU VIDÉO (VF)
LIES OF P
Pinocchio au pays de Bloodborne
Inspiré par le conte Les Aventures de Pinocchio de Carlo Collodi,
ce nouveau souls‑like va permettre aux joueurs d’incarner une
marionnette.
U
n souls‑like, vous avez bien lu…
Adieu gentil petit pantin de bois,
vous serez ici aux commandes
d’une véritable machine à tuer dans un
monde steampunk au bord du gouffre…
Une marionnette à la
rescousse des humains
La Frénésie des marionnettes a
quasiment détruit la ville de Krat,
capitale à l’aspect indus/néo‑clas‑
sique désormais jonchée de cadavres.
Vous incarnez « P », une marionnette
à l’apparence humaine (exceptée son
bras mécanique) tirée de sa léthargie
pour tenter d’endiguer la menace des
automates devenus fous. Une marion‑
nette qui protège les humains des…
marionnettes et qui va devoir pour
cela se battre et mentir, chose dont
les marionnettes sont censées être
incapables. Voilà un postulat de départ
intéressant pour ce jeu d’action‑RPG
au défi relevé.
Bras armé de l’humanité
Une fois dans les rouages cliquetants
de cette machine à l’aspect huma‑
noïde, vous allez vous rendre compte
du potentiel létal qui vous habite.
D’abord un bras mécanique hyper évo‑
lué – créé par votre père Gepetto – qui
va pouvoir évoluer en cours d’aventure,
vous permettant d’activer des Arts de
fable (lance‑flammes, électricité, etc.)
L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 77
de plus en plus meurtriers. Ensuite Fiche technique
votre arme, simple épée au début du Éditeur / Développeur •
jeu (plutôt lourde pour plus de dégâts, Round8 Studio / Neowiz
équilibrée ou rapide) que vous allez Genre • action Souls‑like
pouvoir échanger, combiner (la lame Plateformes • PC, PS5, PS4,
et la poignée peuvent se séparer), Xbox Series, Xbox One
Prix constaté • env. 70 €
faire évoluer ou sublimer grâce à des
attaques dévastatrices… mais pensez
bien à régulièrement l’affûter pour évi‑
ter la casse !
Il vous faudra aussi augmenter vos
caractéristiques pour personnaliser
votre style de combat grâce aux Ergo
(un peu comme les âmes dans les
Souls) récoltées en chemin, un aspect
RPG important donc. Vous pourrez
même vous faire aider par un spectre
pour les boss grâce à des fragments
de météorites trouvés. Car les ennemis
auxquels vous allez être confrontés
seront de plus en plus intelligents et
habiles, vous obligeant à faire preuve
de plus d’astuce que de brutalité (l’ADN
J’aime :
des Souls‑like).
+ L’ambiance Steampunk /
Avec une durée de vie annoncée de Dark
trente heures et trois fins différentes + La personnalisation des
selon vos choix de dialogues, Lies of P armes et du bras de légion
s’annonce comme un titre à l’univers + Le défi : frapper sans
léché, à l’ambiance malsaine comme on réfléchir ne sert à rien
les aime et aux belles opportunités de
J’aime moins :
gameplay (même si on n’est pas dans
- La maniabilité est parfois un
du Bloodborne non plus, pour ne citer
peu retorse
que lui). Prévu pour le 19 septembre.
- Il est parfois difficile de
Marilys Vallet s’orienter
L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 77
78 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE
Fiche technique
1 à 4 joueurs • Dès 12 ans •
Parties environ 2−3 heures /
campagne
Éditeur • Intrafin Games
Auteurs • Andrew Fischer et
compagnie
Matériel • Boîte, livrets
de règles/de campagne,
plan, cartes, matériel de jeu
(jetons, intercalaires).
Prix constaté • PVP 89,95 €
J’aime :
+ L’univers qui fait très Ghibli
(Nausicaa, Totoro, Princesse
Mononoké…)
+ L’originalité du concept et
sa direction artistique
+ Un jeu éco‑responsable
(recyclable, biodégradable et
production locale)
J’aime moins :
- Un prix un peu élevé (mais
l’éco‑responsabilité a un coût)
EARTHBORNE RANGERS
Retour vers le passé
Au bord de l’extinction, l’humanité a enfin compris une chose :
la survie passera par l’entraide. Des milliers d’années dans le
futur, incarnez un ranger et parcourez une Terre revenue
C’était la fin
Après avoir fait l’amer constat que
notre planète était mourante, les êtres
humains se sont alliés pour éviter l’ex‑
tinction. Ils mirent en place de vastes
projets – pour certains sur plusieurs
centaines, voire milliers d’années – afin
de guérir la planète. Plusieurs millé‑
naires dans le futur, c’est un paysage
sauvage et verdoyant que parcourent
les rangers, protecteurs de la Vallée.
Vous incarnez l’un d’entre eux et vos
journées sont ponctuées de décou‑
vertes, de rencontres, de dangers par‑
fois, mais aussi d’émerveillements
face à la beauté de la nature…
Un jeu de rôle avec des cartes
Earthborne Rangers est un jeu de rôle
entièrement jouable avec des cartes
(et quelques pions), produit de façon
éco‑responsable pour s’accorder avec
son thème. Comme dans tout bon JdR,
vous démarrez par la création de votre
personnage, à l’aide de cartes : sa per‑
sonnalité, ses antécédents, sa spécia‑
lisation (artisan, cueilleur, voyageur…),
son rôle dans l’équipe, etc. En fonc‑
tion de vos choix de background, vous
allez définir ses caractéristiques, ses
Aspects (Vigilance, Esprit, Physique et
Concentration), avec lesquelles vous al‑
lez pouvoir gérer toutes les situations.
Puis d’autres cartes détermineront
votre emplacement dans la Vallée pour
la partie, la météo du jour, ainsi que
BOÎTE DE JEU/JEU DE CARTES (VF)
à l’état sauvage…
les différents événements qui vont
survenir sur le chemin. Ici pas de jets
de dés pour les tests, mais des jetons
Énergie liés aux Aspects à dépenser.
Chaque jour de jeu, vous allez devoir
effectuer des missions et utiliser votre
Deck Ranger (constitué de cartes com‑
pétences, possessions, etc.) pour ten‑
ter d’y parvenir. Mais attention, car il
représente votre endurance : quand il
est vide, c’est la fin.
Un grand bol d’air
À ceux qui se poseraient des ques‑
tions quant à la pertinence de l’emploi
quasi exclusif de cartes à jouer dans
un jeu narratif, je citerais deux noms :
Horreur à Arkham et 7th Continent.
Mais ce qui fait l’attrait d’Earthborne
Rangers, c’est surtout son univers,
qu’on croirait tiré d’un film des studios
Ghibli. Arpentez plaines, montagnes
et forêts à pied, entouré d’une nature
qui a repris ses droits et dont chaque
chemin, chaque bosquet fleure bon la
chlorophylle. Une expérience qui ravira
les amoureux de la nature (même si
celle‑ci a beaucoup changé en plusieurs
millénaires) et de la découverte. Un
grand bol d’air frais à parcourir seul ou
jusqu’à 4 en coopération, avec la sen‑
sation revigorante de respirer à plein
poumons. Et qui sait, vous trouverez
peut‑être des restes d’une technologie
perdue au détour d’un sentier…
Marilys Vallet
 L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 79

BOÎTE DE JEU (VF)

SPELLBOOK
Hold up de materia
Jouer un magicien, c’est aussi savoir remplir son grimoire. Dans
ce jeu de stratégie/collection, vous allez devoir jongler avec les
éléments pour obtenir le plus de points possibles.

Autour de l’autel acheter des sorts, ou à alimenter votre Fiche technique

Comme chaque année, le Grand
Rituel est l’occasion pour nous autres
sorciers, de nous confronter les uns aux
autres dans des combats de magie.
Mais avant de pouvoir défier nos adver‑
saires, il faut remplir nos grimoires de
nouveaux sorts, si on veut une chance
de l’emporter. Tous en place autour du
Vortex pour quérir des materia et les
transformer en victoire !
familier. Plus votre familier est nourri,
plus cela vous rapportera de points en
fin de partie et chacun de vos sorts dé‑
bloqués vous en rapportera aussi, selon
le nombre de materia engagées (chaque
sort a trois niveaux qui coûtent plus ou
moins cher). Votre plateau‑familier
rempli, ou vos sept carte‑sorts déblo‑
quées, la partie s’arrête et on compte
les points pour désigner le vainqueur.
1 à 4 joueurs • Dès 12 ans •
Parties 45 min environ
Éditeur • Space Cowboys
Auteurs • Phil Walker‑Harding
Matériel • Boîte, livrets de
règles, cartes, jetons, matériel
de jeu (plateaux, boîte de
défausse, etc.).
Prix constaté • PVP 35,90 €

Combat de robes et de runes Tactique et combos

Dans Spellbook, tout repose sur les ma‑
teria, des émanations du Vortex liées aux
élémentaux : magma, plante, vapeur,
mercure, etc. Les joueurs vont régulière‑
ment en piocher au hasard dans un sac
« Vortex » et les mettre à disposition sur
un autel, et parfois les stocker chez eux.
Car chaque joueur possède sept cartes
« sort » en début de partie (déterminées
ou tirées au hasard) qui représentent
des rituels magiques à apprendre – un
sort de chaque couleur de materia – et
il va falloir les débloquer avec comme
monnaie ces mêmes élémentaux (sous
formes de jetons colorés).
Pour ce faire, chacun votre tour, vous
allez pouvoir effectuer une action du
matin, une du midi et une du soir, le
plus souvent collecte, stockage, puis
apprentissage. Durant l’action du
matin, par exemple, vous allez pou‑
voir récupérer des jetons « materia » de
sept couleurs/éléments, qui servent à
Toute la subtilité va donc résider dans
le fait de débloquer les bons sorts au
bon moment et ainsi créer les bonnes
combinaisons pour optimiser ses
récoltes de materia (un léger goût de
Wingspan), pour faire le plus de points
possibles avant le gong final.
On a ici affaire à un petit jeu de tac‑
tique/combos, jouable dès 12 ans (voire
dès 9−10 ans), avec un thème Fantasy/
Magie et de belles illustrations. Et les J’aime :
trois sets (un facile, un moyen, un plus + Jouer les mages
costaud) de sept cartes de sorts par calculateurs
joueur permettent plus de 2 100 com‑ + Tenter de créer les
binaisons pour une belle rejouabilité, meilleures combos, un
même si on aurait aimé quelques sorts casse‑tête stimulant !
en plus, ou une asymétrie plus mar‑ + Les règles sont simples et
quée (selon son familier, par exemple). les illustrations très jolies
Nous, on y joue roleplay, c’est encore
plus sympa : « Je lance une Divination J’aime moins :
- 21 sorts différents en tout,
niveau 5 et pique tous les jetons mag‑
ça paraît un peu léger
ma de l’autel, gnac gnac ! »
- Peu d’interactions et limité à
Marilys Vallet 4 joueurs

L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 79
80 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE
FRIMAË LA RÔLISTE
Dites‑le avec des fleurs… ou un bijou !
Affichez votre geekerie de la plus belle manière.
L
Fiche signalétique : e style a toujours son impor‑
Nom : Frimaë la rôliste tance : que ce soit en jeu ou IRL,
Année de naissance : ? les accessoires ne sont jamais à
Nationalité : Française négliger. Voici donc une créatrice qui a
Techniques : Bijouterie compris comment faire rimer prestance
Gamme de prix : de 25 € à et élégance avec polyèdres.
40 €
Site internet :
www.frimaelaroliste.fr La perceuse de dés
Frimaë la rôliste est née sur une table
de cuisine, son appétence pour les tra‑
vaux manuels l’amenant à créer pour
elle‑même des petits accessoires et
bijoux à base de dés. Un moyen pour
elle d’allier plusieurs passions : le jeu
de rôle, la pulsion créatrice et les bijoux
uniques et originaux à porter. L’histoire
aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans
compter des amis et connaissances qui
lui posaient toutes la même question :
où était‑il possible de se procurer les
sympathiques parures ? Lorsqu’elle
révélait que ses bijoux étaient des créa‑
tions persos, les questions se chan‑
geaient en : « Est‑il possible d’avoir
des modèles sur demande ? Combien
les vends tu ? » Au vu de la demande,
Frimaë se dit qu›il y avait peut‑être un
marché à conquérir et décida de fran‑
chir le pas en proposant ses articles à
la vente en boutique, mais un confine‑
ment lié à une sombre histoire de virus
à couronne a mis le projet en stand by.
La période critique passée, Frimaë a
décidé de relancer le projet avec un site
VUE D’ARTISTE
Geek is pretty
internet vitrine. Chaque pièce proposée
par Frimaë est unique et elle renouvelle
ses collections régulièrement, propo‑
sant des thèmes selon ses envies :
gaming, jeux de rôle (tentacules ou dra‑
gons), espace ou même, récemment,
mythes et astrologie. Les articles de
Frimaë ne se déclinent pas seulement
en bijoux (boucles d’oreilles, colliers et
bracelets) mais aussi sur plusieurs ty‑
pologies de produits et accessoires du
quotidien comme des marque‑pages,
des boules à thé, des pics à cheveux et,
plus surprenant, des chapelets.
Huginn et Munnin
L’œil d’Odin est une magnifique paire
de boucles d’oreilles sur l’évidente
mythologie nordique. Ces deux dés à
huit faces sont surmontés d’une paire
de corbeaux évoquant indubitable‑
ment les deux compagnons du Père
de toutes choses. La couleur jaune des
octaèdres sera comme les yeux des
deux volatiles : à l’affût de tout ce qui
vous entoure.
Rosaire Céleste
Sobrement nommé Présage, ce
sobre chapelet vous permettra de
percer les secrets des astres grâce à
une triplette de dés à douze faces aux
motifs numéraires et zodiacaux dont
les paillettes évoquent des ga‑
laxies lointaines. Ses sombres
perles noires sont complé‑
tées par une petite loupe de
« Oui‑Chat » pour garder un œil
sur vos neuf vies.

Coming Soon
Jamais en mal d’idées,
Frimaë proposera prochaine‑
ment une série de dés aiman‑
tés pour décorer la porte de
votre garde‑manger, mais
aussi un pochon en tissu ré‑
versible pour vous permettre
d’emporter avec vous tout le
petit matériel nécessaire à vos
parties. Trois formats seront
disponibles pour s’adapter à
votre niveau. Du pochon simple
pour rôliste débutant, tout
de même capable de contenir
plus d’une centaine de dés, à
ceux pour joueurs confirmés et
aguerris avec une ou plusieurs
pochettes. À découvrir prochai‑
nement sur son site.
S.L.M.

L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 81
82 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE
LIVRE DONT VOUS ÊTES LE HÉROS
LES MYSTÈRES
DE SALAMONIS
Joyeux anniversaire !
Les Mystères de Salamonis est
un titre inédit dont Gallimard nous
propose la VF, en édition cartonnée,
pour fêter les 40 ans de la série. C’est
l’occasion de se rappeler pourquoi
les LDVELH sont si puissants : pas
uniquement pour leur pouvoir d’im‑
mersion, mais aussi parce qu’ils sont
très bien écrits, en particulier ceux de
Steve Jackson et Ian Livingstone.
Steve Jackson, seul à la plume sur
cet épisode, n’a pas perdu la main.
Les règles habituelles sont complé‑
tées d’un petit système d’expérience
tout à fait rôlistique, mais c’est sur‑
tout dans sa structure qu’il innove.
Une guilde et un bazar servent de hub
central où vous pourrez vous équiper
et choisir vos missions. L’aventure
est aussi moins punitive que la
moyenne (tant mieux), et vous, jeune
aventurier sans le sou, aurez vite à
cœur de faire votre trou dans la cité
de Salamonis, où vous venez tout
juste de débarquer !
Slawick Charlier
Éditeur • Gallimard Jeunesse
Auteurs • Steve Jackson (Textes) et
Tazio Bettin (Illustrations)
Prix constaté • 18 €
ROMAN (VF)
AZINCOURT PAR BRAVOURE
TEMPS DE PLUIE Le Livre des Terres
bannies t.2
La grande déculottée
Sur le papier, la France avait tout
pour gagner cette bataille face à des
Anglais en sous‑nombre, affamés
et acculés. Ils ont pourtant subi une
défaite grandiose.
La sortie en poche d’Azincourt par
Temps de Pluie, dernier roman du
déjà regretté Jean Teulé, est l’occa‑
sion de vous en toucher quelques
mots. Sans surprise, c’est plein de
boue et de sang, et d’un cynisme
absolument délicieux. Trouvaille for‑
midable, le personnage de Fleur de
Lys, prostituée de ces seigneurs, va
de passe en passe, commentant avec
ce qu’on appellerait de nos jours « le
bon sens paysan » tout ce qui va faire
la défaite française.
Le récit fourmille ainsi de ces dé‑
tails ironiques et mordants qui font
le charme d’une écriture colorée et
unique en son genre – détails que
vous pourrez récupérer quasiment en
l’état pour donner du mordant à vos
combats de masse. Un grand Teulé,
assurément.
Slawick Charlier
Éditeur • J’ai lu
Auteur • Jean Teulé
Prix constaté • 7,80 €
ROMAN (VF)
Dans ce second tome du Livre des
Terres bannies, la quête initiatique
du jeune Corban se poursuit au tra‑
vers d’un long voyage, entrepris
pour échapper aux griffes de Rhin et
tenter de mettre la jeune reine légi‑
time d’Ardan en sécurité. Devenu un
homme dans le champ des sorbiers,
Corban sera ici confronté à des choix
difficiles. Son esprit sera forgé dans
les feux de la guerre des dieux qui
menace les Terres bannies.
Sous la plume simple mais efficace
de John Gwynne, le plein potentiel
de cette saga se dévoile enfin. Les
personnages prennent de l’épaisseur
au travers d’épreuves qui concernant
autant leurs destins individuels que
celui de royaumes entiers. La guerre
est là, et les manigances politiques
et les batailles rangées prennent
enfin une place plus importante dans
ce second tome. Une fresque épique
et sanglante, jalonnée par les trahi‑
sons et les révélations, prend forme
avec Bravoure.
Steve Luga
Éditeur • Leha Éditions
Auteur • John Gwynne
Prix constaté • 26 €
ESSAI (VF)
LA VIE ALIEN
Manuel pour Construire
un Monde Extra‑Terrestre
Ce petit précis s’amuse à donner
quelques considérations scienti‑
fiques aux créateurs en herbe qui
souhaiteraient créer des extra‑ter‑
restres crédibles. Il part du système
solaire avant de zoomer sur la pla‑
nète puis la vie qui l’habite.
Un disque gazeux, système en de‑
venir, une planète aux jours plus long
qu’une saison… les perspectives ou‑
vertes sont vertigineuses quoi qu’un
peu arides par moment. Mais ce qui
est bien avec l’astrophysique, c’est
que même lorsque ces considérations
sont trop ardues pour le commun des
mortels, on peut toujours se laisser
bercer par son vocabulaire poétique.
Même s’il n’est pas un outil de
jeu de rôle, l’ouvrage, déjà passion‑
nant en soi, vous servira forcément
pour vos parties de Traveller ou de
Chroniques oubliées Galactiques.
Slawick Charlier
Éditeur • Le Bélial
Auteurs • Roland Lehoucq,
Jean‑Sébastien Steyer, Laurent
Genefort
Prix constaté • 19,90 €
BD (VF)
AIR
Sous un ciel moins gris
Air est un récit d’aventure et d’es‑
pionnage dans un univers fictif dans
lequel les humains ont dû faire face
à une catastrophe naturelle : des
météorites se sont abattues sur le
permafrost et ont libéré des bac‑
téries, rendant l’air radicalement
irrespirable. La population vit dans
immeubles étanches, circule dans
des véhicules étanches, et marche
à l’extérieur avec des masques res‑
piratoires. L’État assure la distribu‑
tion d’air, et cherche un moyen de
rendre l’atmosphère à nouveau res‑
pirable. Toutefois, un groupe terro‑
riste sabote systématiquement les
expériences. Un membre du comité
central dirigeant le pays est chargé
d’infiltrer les rebelles…
Sur la base classique d’un récit
opposant des rebelles à un État tota‑
litaire mis en place pour faire face à
l’urgence, les auteurs développent un
univers original évoquant les années
50, bien soutenu par le dessin. Une
belle inspiration pour COC.
Marc Sautriot
Éditeur • Grand Angle
Scénario • Philppe Pelaez
Dessin • Francis Porcel
Prix constaté • 16,90 €
BD (VF)
ANGE LECA
La femme démembrée
Paris, 1910. Alors que la Seine
inonde largement la capitale, un
corps de femme démembrée et dé‑
capitée, impossible à identifier, est
retrouvé dans une malle. Journaliste
au Quotidien, Ange Leca s’intéresse à
l’affaire et se met en tête de mener
l’enquête. Abusant de la bouteille,
il est licencié par son patron… qui
se trouve aussi être le mari de sa
maîtresse, la belle Emma, dont il
est amoureux.
Ange Leca est le polar typique dans
lequel le héros a un passé un poil
chargé, enquête sur une affaire sor‑
dide et s’accroche à ses addictions
pour survivre, en l’occurrence, l’alcool
et une jolie femme. La recette est
connue, mais bien réalisée et sou‑
tenue par le dessin magnifique de
Victor Lepointe. L’intrigue, de son
côté, ne repose pas sur un mystère à
résoudre façon Agatha Christie, mais
plus sur des ressorts humains, dans
un contexte dramatique (l’inonda‑
tion). Une belle inspi pour Crimes.
Marc Sautriot
Éditeur • Grand Angle
Scénario • Tom Graffin et Jérôme
Ropert
Dessin • Victor Lepointe
Prix constaté • 15,90 €
L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 83
84 | L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE
BD (VO)
CEUX QUI
N’EXISTAIENT
PLUS
Projet Anastasis
Simple institutrice au quotient
intellectuel supérieur à la moyenne,
Natacha a décidé de participer à un
programme expérimental de traite‑
ment neurobiologique. Comme les
autres cobayes du centre Matriochka,
à Vologda en Russie, elle a subi un
traumatisme : l’assassinat de ses
enfants, qu’elle revit toutes les
nuits dans ses cauchemars. Au sein
du centre, les patients sont coupés
du monde extérieur, et très vite,
Natacha va suspecter qu’il s’y passe
des choses étranges et qu’elle n’est
pas là par hasard.
Jouant avec les codes du huis clos
et du complot gouvernemental, les
auteurs nous entrainent dans une
grande intrigue d’espionnage et de
manipulation mentale qui glisse peu
à peu de l’investigation à l’action. Si
le principe est assez classique, l’his‑
toire est intéressante et se prête à
merveille pour une adaptation en JdR,
pour une partie en solo stressante, ou
même en groupe (parano assurée).
Marc Sautriot
Éditeur • Grand Angle
Scénario • Philippe Pelaez
Dessin • Olivier Mangin
Prix constaté • 15,90 €
BD (VF)
KLEOS – LIVRE 1
Celui qui rêvait de gloire
500 ans avant notre ère, un jeune
pêcheur grec remet en cause les
guerriers de son village, qui n’ont pas
osé faire face à des pirates, préférant
mener les habitants à l’acropole pour
s’y réfugier. Féru de récits mytholo‑
giques, il décide de pourchasser les
pillards pour les détruire… ou mourir.
Apprenti héros maladroit, Philoklès
est touchant, et pourtant, il peut
rappeler les héros de niveau 1 de nos
parties. Il s’embarque dans sa propre
odyssée et, de Charybde en Sylla, va
apprendre à son corps défendant à
quel point la vie de guerrier glorieux
n’est ni simple, ni reposante. De quoi
remettre en cause bien des certitudes
et changer son regard naïf sur la vie.
Servi par le trait léger, presque
naïf lui aussi, d’Amélie Causse, le
récit aborde des situations sérieuses
comme le comportement soi‑disant
viril des hommes et le massacre de
populations. Une belle découverte !
Marc Sautriot
Éditeur • Grand Angle
Scénario • Mark Eacersall et Serge
Latapy
Dessin • Amélie Causse
Prix constaté • 16,90 €
ROMAN (VF)
LA COUR
DES ABYSSES
Le cauchemar de Port
Triton
Avec La Cour des abysses, Alex
Nikolavitch et Camille Salomon
s’inspirent très clairement des récits
lovecraftiens et en particulier du
Cauchemar d’Innsmouth auquel ils
rendent ainsi hommage. Pour autant,
le roman n’est pas une copie, loin de
là. Le récit commence par un échange
épistolaire via un téléscripteur entre
Emilia et le capitaine du bateau sur
lequel elle voyageait. Le navire a été
forcé par les garde‑côtes à accoster
à Port Triton et les passagers mis en
quarantaine. Emilia et le capitaine
ont été séparés des autres passagers
et essaient de comprendre. Chacun
de leur côté, ils vont explorer le bâti‑
ment, puis la ville étrange où ils se
trouvent, essayant de comprendre.
Les auteurs jouent à merveille des
codes du genre, adaptant le style
narratif au fil du déroulement de
l’intrigue. Le lecteur est dans des
chaussons tout redécouvrant le plai‑
sir du Cauchemar.
Marc Sautriot
Éditeur • Éditions Leha
Auteurs • Alex Nikolavitch et Camille
Salomon
Prix constaté • 18 €
BD (VF)
LA VIEILLE
ANGLAISE ET
LE CONTINENT
Une vie de cachalot
Adapté du roman de Jeanne
A‑Débats, La Vieille Anglaise et le
continent est un superbe récit d’anti‑
cipation évoquant des questions de
société très actuelles : féminisme,
transidentité, transhumanité, écolo‑
gie, libéralisme...
Dans un futur proche, l’écoactiviste
Ann Kelvin, dont le corps était mou‑
rant, a bénéficié d’une transmnèse,
qui consiste à transférer un esprit
dans un nouveau corps. Jusque‑là, les
scientifiques avaient essayé ce pro‑
cédé avec des clones d’êtres humains,
mais échoué. Mais l’esprit d’Ann a
été transféré dans un cachalot mâle.
Cohabitant avec l’esprit du cachalot,
elle explore son nouvel environne‑
ment tout en restant en contact élec‑
tronique avec son ami Marc Sénac.
Au travers de monologues d’Ann
et de flash‑backs, on découvre peu à
peu une intrigue de fond. Car l’air de
rien, La Vieille Anglaise est une sorte
de thriller qui pourra nourrir votre
imagination rôlistique.
Marc Sautriot
Éditeur • Drakoo
Scénario • Valérie Mangin
Dessin • Stefano Martino
Prix constaté • 17,90 €
BD (VF)
PATRIARCHY T.2 WANTED
La Fureur
Après avoir fui le Thing (cf. notre
critique dans Casus Belli #44),
Kahina, Tala et Ishta essaient de
survivre dans un monde dominé par
les hommes, qui considèrent les
femmes comme des objets. La gros‑
sesse d’Ishta ne leur facilite pas la
vie et, avec l’aide du jeune Mylo, elles
cherchent un accoucheur.
En parallèle, Sigrid, la cheffe du
Thing, est remise en cause par la
population féminine du Thing, au
moment même où les clans alentour
décident d’en finir avec ces femmes
rebelles qui menacent le Protectorat.
Avec ce tome 2, Runberg, Saveg
et Ortega développent les pistes
semées dans le premier album.
L’Europe désastreuse de Patriarchy
prend de l’épaisseur et on souffre
pour les femmes qui l’habitent. Les
52 pages sont vite dévorées, et en
attendant le tome 3, vous pourrez
sans aucun doute exploiter certains
personnages ou scènes dans votre
jeu postapo (Degenesis ?) ou même
medfan préféré.
Marc Sautriot
Éditeur • Caurette
Scénario • Sylvain Runberg et Anna
Saveg
Dessin • Belén Ortega
Prix constaté • 14,95 €
BD (VF)
Portrait de sang
Même s’il s’agit d’un western
classique (c’est‑à‑dire « pas fan‑
tastique »), Wanted constitue une
chouette inspi pour Deadlands.
Cette grosse BD (100 pages) suit les
aventures d’Oscar Carjat, un photo‑
graphe itinérant, et du jeune Dull,
un Cheyenne qui a échappé au mas‑
sacre de sa tribu. Ce dernier a un
don : il est capable de dresser des
portraits‑robots en quelques coups
de crayon. Mieux, après une incan‑
tation, le dessin indique la direction
de celui qu’il représente. Oscar et Dull
se sont donc mis au service de la jus‑
tice et recueillent les dépositions de
témoins pour réaliser les fameuses
affiches « Wanted », qui permettent
ensuite de traquer les hors la loi. En
route, ils s’associent à Rose, une
chasseuse de prime…
Grâce à un dessin et un découpage
« nerveux », la BD est très cinéma‑
tographique, avec des personnages
riches dont l’histoire télescope l’in‑
trigue. À lire !
Marc Sautriot
Éditeur • Drakoo
Scénario • David Boriau
Dessin • Steven Dhondt
Prix constaté • 18,90 €
L'ÉTAGÈRE DU RÔLISTE | 85
86 | SCÉNARIO

BIENVENUE À FÉDOR
Ce scénario vous propose un voyage dans la ville contemporaine
CO CONTEMPORAIN
et post‑apocalyptique de Fédor, ravagée par la guerre, la
maladie et les monstres. En tension entre le slice of life
contemporain et la survie post‑apocalyptique, ce scénario
d’introduction peut facilement s’intégrer à un contexte
moderne, réaliste ou fantastique.

En quelques mots… permet autant de l’intégrer à n’importe

Captifs des Pillards, les PJ
rencontrent Pamela Mills,
prisonnière elle aussi. Elle
leur apprend qu’elle a une
piste pour pouvoir s’enfuir de
Fédor et leur demande leur
aide. Les PJ vont se rendre
jusqu’au Casino, un lieu
d’échange de ressources et
d’informations tenu par les
Anarchistes. C’est en effet
là‑bas qu’ils pourront trouver
la date de départ du convoi
militaire qui va leur permettre
de fuir. Bien sûr, ce plan n’est
pas sans risque.
Fiche technique
TYPE • introduction /
exploration / action
PJ • 3 à 4 PJ de niveau 1
MJ • tous niveaux
Joueurs • tous niveaux
ACTION 
AMBIANCE 
INTERACTION 
INVESTIGATION 
Introduction :
Fédor
L’action se déroule dans la ville de
Fédor, capitale du pays du même nom.
Le pays et sa capitale se sont scindés en
deux à la suite de tensions politiques :
Fédor Est et Fédor Ouest. Une guerre
oppose les deux nations, chacune vou‑
lant réunifier le pays sous son autorité.
La capitale fut le premier théâtre de
la guerre. Les civils sont prisonniers
des fortifications entourant Fédor, et
le réseau internet mobile est coupé.
Les joueurs incarnent des survivants
dans une ville glaciale, au milieu des
bombardements et des combats inces‑
sants. Pour ne rien arranger, une épi‑
démie meurtrière sévit : le rhume noir.
Elle tue en quelques jours à peine et
dans d’atroces souffrances. Enfin, de
dangereuses créatures errent dans les
rues enneigées. Constamment affamées,
elles sont à la recherche d’un repas.
Les dangers sont nombreux à Fédor.
Chaque survivant est une cible facile, et
une bonne alliance est la clé de la survie.
L’histoire
pour le MJ
Le passé de Fédor est entouré de mys‑
tères, et va le rester pour l’instant. Cela
quel univers que de stimuler l’ima‑
gination. Et puis qui sait si, au fil des
pages, certains secrets ne seront pas
révélés… Pour l’intrigue qui concerne
les PJ, tout commence quelques jours
plus tôt. Au plein cœur de la guerre, un
groupe nommé « les Anarchistes » s’est
formé à Fédor. Ils enquêtent sur les
forces armées et ont découvert qu’un
convoi militaire allait quitter la ville le
10 mars. Cette information aura circu‑
lé parmi les survivants jusqu’à Pamela
Mills, la cheffe d’un petit groupe. Elle
a appris que ces convois allaient par‑
tir tout en étant protégés. Même si
elle ignore quand, elle a compris qu’ils
constituaient un moyen de s’enfuir de
la ville. Alors qu’elle mettait un plan en
place, son groupe a subi l’attaque de
terribles créatures, et a fini en déroute.
Introduction
des PJ : les Pillards
8 mars, midi.
Les PJ sont des survivants isolés de
Fédor. Alors qu’ils cherchaient des
ressources dans le centre‑ville au pe‑
tit matin, ils ont été capturés par un
groupe de pillards. Ils ont été emme‑
nés dans un camp de pillards, un bâti‑
ment dont le seul étage a été réduit à
l’état de ruines.
SCÉNARIO | 87
88 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Il reste en bon état comparé à d’autres
bâtiments du centre‑ville. Les quatre
fenêtres du rez‑de‑chaussée ont été
barricadées avec de solides planches.
La façade est criblée de balles et la
neige épaisse recouvre les trous de la
chaussée. Il ne reste qu’un panneau
publicitaire sur le mur, qui témoigne
de l’ancienne activité du bâtiment :
une compagnie d’assurance.
Le rez‑de‑chaussée était un open
space. Les meubles ont été poussés
pour aménager la pièce et vidés de leur
Les Pillards contenu. En plus des survivants, deux
Les Pillards de Fédor ne pillards occupent la pièce. À droite de
reculent devant rien pour la porte, un campement est installé.
rester en vie. Ils capturent Quelques meubles séparent cette partie
d’autres survivants pour les du reste de la pièce. Plusieurs boîtes de
vendre à d’autres groupes conserve, une tasse à café et des muni‑
comme les Anarchistes tions sont posées sur une table, à côté
en échange de précieuses
ressources.
d’un magazine de mots fléchés. Un tas
de papiers et de stylos s’y trouve aussi.
Pillard
Les pages noircies témoignent de leur
NC 1
FOR +2 DEX +2 CON +0 utilisation récente par les pillards : des
INT +0 PER +1 CHA +0 notes sur la ville, un inventaire de mu‑
DEF 12 PV 12 INIT 13 nitions et de la nourriture, quelques
Poignard +2, DM 1d4+2 dessins et même des jeux et magazines
Pistolet léger +2, DM 1d6+1 people pour passer le temps.
Au sol, il y a quatre sacs de couchage,
un feu de camp éteint, un réchaud,
trois bières et deux kits de soin. Des
serviettes, du papier toilette et deux
bouteilles d’eau sont posés dans un
coin de la pièce. Des habits chauds
sont empilés sur un fauteuil. Une pil‑
larde concentrée observe la rue à tra‑
vers l’interstice des barricades. Elle
serre fermement son arme à la main.
Près de la porte, les sacs et l’équi‑
pement des PJ ont été posés à terre
contre un mur. À gauche de la porte
d’entrée, des meubles entourent les
prisonniers. Ceux‑ci sont dos au mur,
pieds et poings liés par une corde. Un
pillard est posté à quelques mètres
d’eux, mais il est plus occupé à aiguiser
son couteau qu’à les surveiller.
S’enfuir
Le premier contact entre les PJ se fait
dans une situation délicate. Il leur faut
un plan pour s’enfuir ensemble.
Note au MJ : Laissez aux PJ le
temps de se présenter et de discuter
discrètement de la situation. C’est un
moment de roleplay pour leur per‑
mettre de faire connaissance.
Si les PJ deviennent trop bruyants,
le pillard aiguisant son arme viendra
les menacer et mettra fin à toute dis‑
cussion. Si l’agitation continue, il ira
prévenir son alliée, qui n’hésitera pas
à faire usage de la violence pour les
calmer. S’ils décident de parler direc‑
tement aux pillards, ces derniers sont
peu loquaces et vagues dans leurs ré‑
ponses. Ils sous‑entendent qu’ils vont
échanger les prisonniers avec d’autres
survivants en échange de ressources.
En observant les alentours avec un
test de PER difficulté 10, les PJ
remarquent à leur droite un canif,
oublié sous les affaires de bureau qui
jonchent le sol.
En tendant l’oreille, les survivants
peuvent écouter les conversations de
leurs geôliers et en apprendre plus.
Choisissez un sujet, les PJ peuvent
entendre plusieurs conversations :
Les pillards attendent le retour de
l’un d’entre eux, Léo.
« Bon il en met du temps, là, Léo. Tu
penses qu’on devrait aller vérifier ?
— Hors de question ! On doit surveil‑
ler les autres là‑bas, personne reste
ici tout seul. On attend encore un peu.
Faut vraiment qu’on se trouve des tal‑
kie‑walkies ou un truc du genre… »
Ils discutent des ressources qu’ils
pourront obtenir en vendant leurs pri‑
sonniers à d’autres survivants : nourri‑
ture et soin en priorité.
Ils viennent de perdre récemment un
des leurs, Daniel, dévoré par une créa‑
ture alors qu’il était sorti chercher de
quoi manger.
« On commence à plus avoir assez
pour se soigner, ni assez de bouffe.
Faudra retourner au casino.
— Mmh, je sais pas, on n’a pas
grand‑chose à échanger non plus.
— Mais c’est le moyen le plus facile !
On est sûrs de trouver ce qu’on veut
là‑bas, sans risquer sa peau dans les
rues qui grouillent de bestioles ! Je Les Anarchistes
finirai pas comme Daniel… Les Anarchistes sont un
— Leurs échanges sont durs, Rick. grand groupe impossible
On va avoir ce qu’on veut mais va fal‑ à rater dans le coin. Ce
loir payer une blinde en ressources. sont des survivants qui
profitent du chaos de
— Ça va, avec ce qu’on a dans les sacs
la guerre et célèbrent la
des autres là, on va pouvoir échanger chute des institutions. Les
des bons trucs. Et au pire on peut tou‑ pillards se sont rendus il
jours y aller pour glaner des infos sur y a peu dans leur quartier
la situation en ville ! Les anarchistes général, un grand casino
ont toujours des bonnes infos. qui accueille tout le monde.
— Ouais… Enfin faut aussi qu’on On peut notamment y faire
trouve une nouvelle planque en prio‑ des échanges, parier des
rité… On verra, on attend le retour de ressources et s’informer
Léo avant. » de la situation en ville. Ils
ont beaucoup de moyens
et ont d’autres groupes de
La Survivante survivants à leur service.
Ils n’hésitent pas à faire
Les conversations des PJ sont inter‑ usage de la force pour se
rompues par des éclats de voix à l’exté‑ faire respecter. Un groupe
rieur. Le compagnon des pillards est de d’anarchistes est même
retour, avec deux nouveaux prisonniers. chargé d’espionner les
Un des pillards va leur ouvrir la porte et militaires pour se tenir au
les pointe de son arme en s’adressant courant de leurs agissements.
à eux. Il leur ordonne de montrer leur Le casino n’est pas loin : à
ventre avant de rentrer, un ventre cou‑ peine quelques stations de
métro. Étonnamment, le
vert de plaques noires étant le premier
métro fonctionne toujours
signe d’une infection au rhume noir.
malgré la guerre, et reste un
Un des prisonniers relève son haut : bon moyen de déplacement.
des croûtes sombres noircissent son
ventre. Ses supplications sont arrê‑
tées par la détonation d’un pistolet. La
prisonnière à ses côtés crie de terreur.
Les deux personnes rentrent dans le
repaire. Le pillard a l’air sévèrement
blessé. Il lance le sac de sa prisonnière
avec les autres, et amène cette der‑
nière à côté des PJ avant de rejoindre
ses comparses pour qu’ils puissent le
soigner. Les pillards étant concentrés
sur cette tâche, les PJ peuvent discu‑
ter entre eux.
La prisonnière est Pamela Mills, an‑
cienne pharmacienne quarantenaire.
Des cheveux roux secs tombent sur
un visage fatigué et sale. Son regard
concentré est à la recherche d’une
échappatoire. Elle porte une veste car‑
go verte, des bottes hautes et un panta‑
lon de son groupe de rock préféré.
SCÉNARIO | 89
90 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN

Pamela Mills Elle est encore sous le choc des évé‑ le partager avec eux s’ils s’enfuient en‑
FOR −1 DEX +3 CON +2 nements et ses traits crispés trahissent semble. Elle peut leur donner la base
INT +1 PER 0 CHA 0 sa peur. Elle vient de perdre son groupe du plan : s’infiltrer dans un camion
DEF 14 PV 8 / 11 Init. 13 d’alliés et amis en quelques heures. de ravitaillement militaire. Plusieurs
Trait : Anguille (DEF +1, tests C’était elle la meneuse du groupe. Ils d’entre eux arrivent et partent d’une
de contorsion +5) sont tombés sur une embuscade de zone militaire au nord de la ville, dans
Voies : Corporation créatures, à laquelle seuls Pamela et un le quartier du Lys blanc. Cependant,
(médecine), rang 1 ; autre ami avaient survécu. Blessés et elle ignore deux choses : comment
Médecine, rang 2 ;
sans moyen de se défendre, ils se sont s’infiltrer dans ce camp militaire, et les
Psychologie, rang 2.
ensuite retrouvés face aux pillards, qui horaires exacts d’arrivée et de départ
viennent à l’instant d’abattre son ami des camions.
Créature
NC 1 atteint du rhume noir.
Elle sait cependant que des
FOR +2 DEX +1 CON +0 En discutant un peu plus avec Anarchistes enquêtent sur les mili‑
INT −2 PER +1 CHA −2 Pamela, les PJ apprennent que son taires et qu’ils trouveront certaine‑
DEF 9 PV 9 INIT 11 groupe avait trouvé un moyen de partir ment cette information au casino. En
Morsure / griffes +1, DM de Fédor. Désespérée, elle est prête à effet, les Anarchistes cherchent le plus
1d8+1
de renseignements possibles sur les
armées pour se tenir au courant des
avancées militaires, et éventuellement
se servir de ces informations pour
négocier avec eux. Son équipe avaient
prévu d’y aller en passant par le métro
toujours fonctionnel, un moyen simple
et rapide. Ces informations sont aussi
inscrites sur le carnet de Pamela,
dans son sac.

Créatures
De leur côté, les pillards remarquent
que le bruit du coup de feu a alerté
deux créatures. Elles se dirigent vers la
source du bruit dans l’espoir de trou‑
ver des proies. S’ils sont suffisamment
silencieux, les créatures ne les trouve‑
ront pas… À l’inverse, le moindre bruit
trop fort les alertera d’autant plus.
Les créatures ont un gabarit humain
et se déplacent à quatre pattes en ba‑
layant le sol de leur queue. Elles
ont un corps à la peau noire,
nue et fripée, qui laisse de‑
viner leurs os. Leurs pattes
griffues et souples adoptent
des angles étranges, comme
si elles étaient désarticulées.
Des yeux blancs sans pupille
surmontent une mâchoire large
aux dents difformes et acérées.

Fuite
Il existe plusieurs moyens pour
les PJ de s’enfuir de là.
Le canif peut couper leurs liens
avec un test de FOR difficulté 8.
Ils peuvent profiter d’une dis‑
traction, lorsque les pillards
soignent leur allié, par exemple.
S’ils se sont libérés de leurs liens,
un test de DEX difficulté 12 leur
permettra de s’enfuir discrètement
sans alerter les pillards.
Une fois que les PJ sont sortis,
les pillards ont le droit à un test
d’INT difficulté 10 chacun pour
remarquer la disparition des PJ.
S’ils remarquent leur absence, ils
peuvent choisir de partir à leur
poursuite, au risque de se faire
repérer par les créatures du coin.
Les PJ peuvent également favo‑
riser ou attendre l’arrivée des
créatures, et créer ainsi un affron‑
tement entre ces dernières et les
pillards pour s’enfuir pendant
la bataille.
Note au MJ : favorisez toute
solution crédible proposée par les
joueurs et adaptez les jets de dés
en conséquence. Il est malgré tout
plus facile de s’enfuir que d’enga‑
ger un affrontement, les pillards
aux aguets étant mieux équipés.
Les PJ peuvent récupérer leurs
sacs et celui de Pamela dans leur
fuite. Celui‑ci contient un carnet à
spirales, un couteau de cuisine, un
paquet de cigarettes, un antibio‑
tique, un jeu de cartes, une radio,
un calendrier à la date du jour (8
mars), une collection de timbres,
une radio et deux kits de soin.
Note au MJ : Libre à vous de
rajouter du contenu dans les sacs
des PJ selon leur background et
la quantité d’équipement que vous
souhaitez qu’ils possèdent : armes,
babioles, matériel de survie, etc.
Pour se cacher et échapper aux
pillards ou aux créatures, le quar‑
tier du centre‑ville n’est pas avare
en bâtiments ou en ruines. Il était
très actif et regroupait beaucoup
d’activité : la mairie, la gendarme‑
rie, une caserne de pompiers, des
magasins en tout genre, salles de
spectacles, musées : tout autant de
cachettes potentielles.
Un vent froid souffle dans les
rues de Fédor, la ville est recou‑
verte d’une épaisse couche de neige
et les flocons tombent en pagaille.
Le blanc du sol est tâché de boue,
de sang et des décombres des bâ‑
tisses. Un fond sonore constant de
tirs et de cris emplit l’atmosphère.
Avec les créatures aux alentours,
les pillards ne prendront pas le
risque de poursuivre les fugitifs
trop loin. À partir de là, Pamela
peut accompagner ou quitter les
PJ. C’est un personnage coura‑
geux et déterminé à sauver des
vies, mais si ses informations sont
déjà dans les mains du groupe, elle
n’est plus essentielle au scénario.
Traverser la ville
Après un bref répit, les PJ
doivent trouver leur prochaine
destination. Pour espérer s’échap‑
per de Fédor, il leur faut trou‑
ver plus de renseignements sur
les camions de ravitaillement : à
quelle heure ces derniers partent
et arrivent, et comment entrer dis‑
crètement dans la base militaire
qui les accueille. Les anarchistes
auront sûrement la réponse au
casino, vu qu’ils enquêtent sur les
militaires. De plus, le casino est un
endroit facile d’accès qui accueille
beaucoup de monde.
Une fois ces informations ac‑
quises, ils pourront se mettre en
route pour le quartier du Lys blanc
où se situe le camp militaire et
tenter leur fuite. Si les PJ décident
de fouiller les bâtiments aux alen‑
tours, vous pouvez les récom‑
penser avec quelques trouvailles
cachées sous les décombres. Ils y
trouveront autant de matériel de
la vie de tous les jours (brosse à
dents, mouchoirs) que de maté‑
riel militaire (casque, munitions)
ou de survie (rations de survie,
lampe torche).
Prendre le métro est assez
simple. Une station se situe non
loin de la position des PJ, sur la
grande place du marché de Fédor.
Devant leur destination s’étend
un spectacle macabre : trois pil‑
lards gisent à terre, le corps lacéré
d’entailles profondes. Une créa‑
ture criblée de balles est allongée
à côté, tandis que deux autres
sont en train de se repaître des
cadavres. En observant mieux la
scène, les PJ peuvent remarquer
que les pillards ont encore leur
sac d’équipement avec eux, et des
armes fonctionnelles. Affronter les
créatures serait prendre un risque,
mais la récompense pourrait en
valoir la peine.
Note au MJ : Leurs descrip‑
tions et caractéristiques sont iden‑
tiques à celles des créatures qui
ont attaqué les pillards.
En allant fouiller les corps, les
PJ s’aperçoivent que l’un d’entre
eux est couvert de croûtes noires.
La peau de son visage boursou‑
flé recouvre presque ses yeux
injectés de sang. Il est atteint du
rhume noir et hautement conta‑
gieux : n’importe quel personnage
qui s’approche trop près du corps
devra faire test de CON difficul-
té 9 pour ne pas tomber malade
à son tour.
Les PJ peuvent parvenir à récu‑
pérer l’équipement des pillards :
un gilet pare‑balle, deux casques,
trois kits de soin, deux paquets de
SCÉNARIO | 91
92 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Le rhume noir
Le rhume noir met quatre
jours à tuer. Il apparaît avec
de simples symptômes de
rhume, puis les plaques
noires envahissent le corps
de la victime en commençant
par le ventre. Une quinte
de toux s’ensuit, puis des
hallucinations, faisant
sombrer le malade dans la
folie. Il finit par mourir dans
d’atroces convulsions.
Il est possible de soigner
la maladie durant les deux
premiers jours, à l’aide d’un
remède contre le rhume noir.
Au‑delà de ce délai, le malade
est condamné.
cigarettes, une montre, quatre muni‑
tions, trois rations de survie, une pé‑
toire de l’avant‑guerre, un couteau et
trois barres chocolatées.
Il est aussi possible d’éviter l’affron‑
tement et de rentrer discrètement dans
le métro. Les PJ doivent réussir un test
de DEX difficulté 11 pour rester ina‑
perçus. Si les survivants ne sont pas
assez furtifs, les créatures les attaque‑
ront. Cependant, elles n’iront jamais
dans le métro, même pour poursuivre
une proie potentielle. Elles s’arrêtent
toujours quelques mètres avant et font
demi‑tour, ventre à terre.
Le métro
La bouche de métro est déserte et
silencieuse. Aucune créature, pas un
bruit. Une odeur métallique accom‑
pagne les morceaux de cadavres éclai‑
rés par la lumière grésillante de la
rame. Les pas des PJ et le craquement
des murs résonnent dans cette am‑
biance pesante.
Le métro ne tarde pas à arriver. Les
wagons tagués et usés ne sont pas
dans le meilleur des états, mais ils sont
fonctionnels. Le trajet dure quelques
minutes, le temps de trois arrêts qui
doivent rappeler le quotidien révolu de
certains personnages.
En sortant du métro, ils sont directe‑
ment dans la rue qui mène au casino.
Le casino
Lisez aux joueurs en arrivant
sur la scène :
Le casino est un grand bâtiment de
quatre étages, large d’une soixantaine
de mètres sur près de quarantaine de
longueur, pour plus de cinq mètres
par étage. L’architecture est assez
simple, avec une façade lisse beige,
noircie par la fumée des explosions, et
ornée de différents graffitis à la gloire
de l’organisation. Ceux‑ci louent la
guerre éternelle qui a permis de faire
tomber les carcans sociaux afin de
vivre une liberté sans limites. Assez
rapidement, vous prenez conscience
du bon état général de l’édifice. Si la
totalité des fenêtres du rez‑de‑chaus‑
sée et du premier étage ont été bar‑
ricadées grâce à des planches et des
plaques de métal, le bâtiment a été
épargné par les bombardements,
et les impacts de balles sur le béton
sont rares.
Sur la face sud, la devanture du ca‑
sino, de nombreux clients se pressent
vers une double porte renforcée à la
hâte par des plaques de fer. Celle‑ci
est ouverte en journée, mais deux
gardes lourdement armés se dressent
devant. Ils portent chacun sur eux un
gilet pare‑balle, un casque militaire,
le tout orné du « A » rouge des anar‑
chistes. Ils sont armés de fusils d’as‑
saut, qu’ils tiennent le canon baissé
mais prêt à l’usage. Au‑dessus d’eux,
ornant le sommet de la double porte,
un immense drapeau noir est peint du
A rouge cerclé de l’organisation.
Si les PJ décident de faire le tour du
bâtiment, ils constatent que toutes
les portes de secours, d’usage avant
la guerre, sont désormais murées. La
face nord du bâtiment, quant à elle,
possède un grand rideau métallique
qui sert sûrement à faire passer les
véhicules vers le parking souterrain.
Entrer par ici serait dangereux car le
volet métallique est lourd et bruyant.
Si les PJ s’y essayent avec un test de
FOR difficulté 21, ils risquent d’atti‑
rer l’attention des gardes du garage,
qui sont aussi lourdement armés
que ceux de l’entrée, voire de tomber
nez‑à‑nez avec eux. Or, pour les intrus
tentant de passer par effraction par ici,
la consigne est simple : tirer à vue.
En s’approchant, les PJ constatent
que les deux gardes à l’entrée
contrôlent les visiteurs. Après s’être
assurés que la personne voulant
rentrer n’est pas une ennemie connue
de l’organisation, ils lui ordonnent de
montrer son ventre. Si celui‑ci ne pré‑
sente aucune marque noire, ils laissent
le passage libre.
Dans le casino
Dans la file d’attente qui se forme, les
PJ peuvent être curieux et demander
ce que font les gardes. Les clients du
casino sont des habitués pour la plu‑
part. Ils ne font pas forcément partie
des anarchistes et profitent de ce qu’ils
offrent. Si on leur demande, ils infor‑
ment alors les survivants qu’avec cette
manœuvre, les gardes vérifient que
personne infecté par le rhume noir ne
pénètre dans le casino.
La plupart des clients n’ont rien à
cacher et ne sont pas contre un peu
de sociabilisation. Certains souhaitent
simplement se décontracter dans un
lieu à peu près sûr. D’autres sont là
pour faire des échanges, il paraît que
les anarchistes ont accès à beaucoup
de ressources. D’autres sont là pour
les jeux, espérant parier et remporter
quelques objets qui leur permettront
de survivre un peu plus longtemps.
Le rez‑de‑chaussée
Une fois passés les premiers gardes,
les PJ arrivent dans une antichambre
de seulement quelques mètres carrés.
Là, un deuxième duo de gardes, tout
aussi lourdement armés, est chargé
de garder le calme et la sécurité. Cette
pièce de quelques mètres carrés donne
accès par une double porte ouverte à la
salle principal du casino.
Note au MJ : Les joueurs ont tout
à fait le droit de rester armés. Ça n’a
rien de surprenant au vu du monde qui
les entoure.
La salle principale du rez‑de‑chaus‑
sée est gigantesque. La foule rappelle
les grandes fêtes d’avant‑guerre.
Des éclats de voix, de rires et parfois
d’énervement, traversent la pièce. Ils
Et si les PJ décident de
rester dans le métro ?
Si vos joueurs pensent que
le métro est un endroit sûr,
ils ont tort. S’ils décident
d’y rester un moment,
rappelez‑leur que les camions
de ravitaillement ne vont
pas les attendre pour partir !
De plus, les lumières peu
fonctionnelles et les cadavres
ne font pas du métro l’endroit
le plus agréable pour un peu
de repos.
Si malgré ça ils décident
tout de même de rester,
vous pouvez faire appel au
seul habitant permanent
du métro pour les faire
fuir : le Sans‑Visage. Il est la
raison pour laquelle aucun
monstre ne s’aventure dans
le métro. Le Sans‑Visage est
une créature de la hauteur
du tunnel, aux quatre pattes
longilignes qui se terminent
en pointe acérée. Sa longue
queue traîne derrière lui. Il
a un cou immense, comme
tronqué au bout, un trou
béant faisant office de tête.
Son cri d’outre‑tombe fige
d’effroi n’importe qui.
Le Sans‑Visage est une
créature mortelle à qui il est
difficile d’échapper. En plus
d’être très véloce, un seul
coup peut mettre à terre un
personnage. Même si les PJ
se réfugient dans les wagons
de métro, le Sans‑Visage les
attaquera une fois à l’arrêt.
C’est donc un outil à n’utiliser
qu’en dernier recours, si vos
PJ ont la ferme intention de
faire leur vie dans le métro.
Vous pouvez commencer
par insinuer la présence de
cette grande créature, par
des bruits inquiétants, des
raclements de métal ou des
grognements sourds qui se
rapprochent.
SCÉNARIO | 93
94 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
se mêlent aux odeurs d’alcools et
de poudre à canon, qui occultent
à peine celles de tous ces survi‑
vants pour qui l’hygiène est deve‑
nu un luxe. L’intérieur ressemble
à un patchwork mêlant la vie
d’avant‑guerre, avec les plafonds
moulés, le sol en moquette verte,
le mobilier, et les rafistolages faits
mains des anarchistes.
Le mur nord est agrémenté d’un
escalier horizontal, où est peint
grossièrement « Lupanar », sur‑
monté d’une flèche montrant le
premier étage. La salle est pleine
de tables de jeux, billards, jeux de
cartes et de dés prenant différentes
formes, où les usagers parient
entrent eux sous le regard des
gardes anarchistes lourds, postés
aux quatre coins de la pièce.
Sur le mur est se trouve l’ancien
bureau grillagé qui servait à faire
les échanges entre les jetons et
l’argent. Aujourd’hui, les anar‑
chistes y pratiquent l’échange de
ressources, sous les yeux de deux
gardes armés. Chaque transaction
se fait par un petit trou fait dans
la grille, la porte de fer servant à
entrer dans la pièce fermée à clé.
C’est Martin, un petit homme rigo‑
lard, à la mâchoire carrée qui pos‑
sède la clé et s’occupe des échanges
et négociations. En engageant
la discussion avec lui, il s’excuse
pour la forte augmentation du prix
des armes à feu qui deviennent de
plus en plus rare. « Pour couron‑
ner le tout, Adrien, le petit jeune
de la chambre 204, s›est fait des‑
cendre la nuit dernière, avec deux
flingues sur lui, perdus à jamais…
et il a même pas encore présenté
son rapport sur les checkpoints
et déplacements des troupes mili‑
taires à Tyler. »
Les anarchistes disposent de
ressources que les PJ pourraient
rechercher. Cette partie de leur
périple leur permet de faire des
échanges. Gilet pare‑balles,
casque, arme à feu, munitions,
armes blanches, kit de soin,
ration de nourriture, alcool, re‑
mède contre le rhume noir, etc.
Cependant, les échanges ne se font
jamais à l’avantage des survivants
et toujours à l’avantage des anar‑
chistes. Le matériel médical et
l’armement sont généralement les
choses les plus difficiles à acquérir.
L’alcool et les cigarettes possèdent
un bon taux de change et sont perçus
comme du confort. Vous pouvez aussi
entamer des négociations en deman‑
dant un test de CHA pour réduire ou
augmenter la valeur marchande des
objets proposés par les PJ.
Sur le mur ouest, on trouve le comp‑
toir du bar. On peut y échanger des
munitions ou une ration de nourri‑
ture contre un verre d’alcool ou une
bouteille pour les plus offrants. C’est
Sarah, une grande femme brune, aux
cheveux longs et frisés, qui tient le
comptoir. Elle est plutôt sympathique
mais reste ferme sur les prix et la sécu‑
rité au sein de l’organisation. Si on la
questionne un peu sur cet endroit et
ce qu’il s’y passe, elle présente le ca‑
sino comme une terre de providence,
le sommet de la liberté, et un endroit
affranchi des règles de la société.
L’organisation prospère même si les
pertes sont fréquentes. La disparition
d’un jeune homme, nommé Adrien,
un éclaireur de l’organisation, semble
lui faire beaucoup de peine. C’était un
jeune homme agréable souriant, avec
ses petites habitudes.
Informations
En tendant un peu l’oreille avec
un test de PER difficulté 13, ou
en engageant la conversation, les PJ
peuvent se mettre au goût des ru‑
meurs. Les joueurs peuvent tirer 1d6
pour entendre des rumeurs un peu au
hasard s’ils écoutent alors orientez les
conversations :
1 : Tyler, le leader craint et respecté
des anarchistes, aurait la mainmise
sur plusieurs camps de survivants à
travers la ville.
2 : Cette organisation change en bien
des points de ce que l’anarchisme
politique est. De nombreuses contro‑
verses sont à ce sujet mais tous s’ac‑
cordent pour dire qu’en ville, ils sont
craints et mieux vaut ne pas avoir à
faire à eux.
3 : Des fanatiques vénéreraient le
rhume noir au sein d’une secte dans
l’ancien musée.
4 : Une immense créature aurait été
aperçue dans le métro. Sans tête,
avec des griffes comme des rasoirs.
Des survivants auraient vidé un char‑
geur dessus, sans effet…
5 : Un sniper a été repéré sur
le toit du centre commercial.
Redoutable tireur.
6 : Un éclaireur n’est pas revenu la nuit
dernière. C’est Adrien, un homme de
confiance chargé de surveiller les
militaires. Les anarchistes espèrent
tous récupérer sa belle chambre, la
204 était l’une des mieux réputées
de l’hôtel.
Les jeux
Il est possible que les PJ sou‑
haitent parier et jouer avec
d’autres survivants. Ceci est un
bon moyen de gagner (ou perdre)
des objets, voir tout simplement
de discuter. Tous les types de jeux
sont pratiqués au casino. Vous
pouvez demander plusieurs jets
de DEX pour une partie de billard,
face aux jets de DEX de concur‑
rents. Vous pouvez aussi utiliser
la PER pour une partie de poker ou
même lancer des dés pour tout jeu
de dés.
Vous pouvez résoudre une par‑
tie par un jet de caractéristique
opposé à des concurrents ou réel‑
lement faire le jeu autour de votre
table. Notez que la plupart des
survivants ne parient pas d’objets
trop importants. La plupart des
gains et des mises sont des ra‑
tions d’alcool, de nourriture, voire
quelques munitions. Personne
ne prendra le risque de perdre un
remède ou une arme à feu. Prenez
également conscience que si les PJ
Anarchiste
NC 1
FOR +1 DEX +0 CON +1
INT −1 PER +0 CHA −1
DEF 11 PV 14 Init. 10
RD (balistique) 5
Machette +3, 1d6+2
Fusil d’assaut, 2d8+1
Gilet pare‑balle, +2 DEF, RD 5
jouent particulièrement bien, per‑
sonne ne voudra prendre le risque
de parier contre eux. Gardez un œil
sur les réserves d’objets de vos PJ
afin que ceux‑ci restent en danger.
La grille ci‑dessous permet rapi‑
dement de faire des échanges qui
seraient acceptés par les anar‑
chistes, chaque partie devant
équilibrer avec un nombre de
points équivalent, rarement au
détriment des anarchistes. La
somme des objets proposés par
les PJ lors d’une transaction est
toujours réduite de 1.
Armes à feu : 10
Remède contre le rhume noir : 7
Gilet pare‑balle : 7
Kit de soin : 6
Armes blanches : 5
Casque : 5
3 munitions : 5
Bouteille d’alcool : 3
Ration de nourriture : 2
Briquet, petits objets du
quotidien : 1
SCÉNARIO | 95
96 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
 Un homme est affalé sur le comptoir.
Un long manteau brun, des cheveux
et une barbe poivre et sel dans la qua‑
rantaine. Il est endormi, une bouteille
vide à la main. En le réveillant et en
engageant la conversation avec lui, les
PJ peuvent apprendre, non sans mal,
qu’il s’agît d’Antoine Philtzer. C’est un
médecin qui a pour mission de soigner
un anarchiste souffrant au deuxième
étage, une recrue du nom de Simon
Barriera. Manifestement, ce pauvre
Antoine est trop ivre pour faire son
travail et compte bien rester accoudé
au comptoir. Il commence à sérieuse‑
ment douter de son utilité ici. Adrien,
l’un de ses derniers patients dont il a
soigné les engelures, n’est pas revenu
la nuit dernière. Peut‑être attrapé par
les militaires qu’il espionnait…
Le premier étage
Le premier étage est plus restreint.
Une fois arrivés en haut de l’escalier,
les PJ tombent sur une porte à droite.
Il s’agit du lupanar. Contre une arme
ou du matériel médical, les clients
peuvent passer un temps avec les tra‑
vailleurs et travailleuses du sexe, sous
la protection de gardes anarchistes.
À gauche, un escalier monte, mais
deux gardes lourdement armés font
barrage. À les écouter, l’accès est stric‑
tement interdit au public et réservé
aux membres de l’organisation.
Note au MJ : Les moyens de pas‑
ser à l’étage sont multiples. Les PJ
peuvent tenter de distraire les gardes
et de passer ou de faire croire qu’ils
sont de l’organisation. S’ils disposent
de ces informations, ils peuvent ten‑
ter de prendre la place du médecin
Antoine Philtzer, et prétendre mon‑
ter pour soigner la recrue Simon.
Les gardes savent qu’un médecin est
attendu. Laisser vos joueurs élaborer
un plan et réagissez en conséquence.
Utilisez des statistiques des gardes
anarchistes pour effectuer des jets si
nécessaire.
Le deuxième étage
Au second étage, tout l’espace du
bâtiment est traversé par des couloirs.
Hormis celui menant à l’escalier pour
accéder à l’étage supérieur (gardé
par quatre gardes lourdement armés,
hommes de confiance et aguerris de
Tyler), tous mènent sur les chambres
des recrues. Le couloir est un lieu
vivant avec pas mal de passage. Des
recrues entrent et sortent sans réel‑
lement faire attention aux PJ, du
moment que rien de suspect ne paraît
dans leur comportement. Au bas mot,
une vingtaine d’anarchistes doivent
vivre à cet étage, dans des chambres
simples ou double.
Note au MJ : A priori, pour le besoin
de ce scénario, les PJ n’ont pas besoin
d’avancer plus haut dans ce bâtiment.
Cependant, leur curiosité pourrait les
pousser à s’aventurer davantage dans
le casino. Cela reste dangereux, les
gardes de cet étage étant plus quali‑
fiés. Au‑dessus d’eux se trouvent les
hauts‑gradés de l’organisation, moins
nombreux et qui connaissent leurs
effectifs. Ils ne tarderont pas à iden‑
tifier les PJ comme des intrus. Les PJ
pourraient s’enfuir par une échelle qui
descend au garage et accéder aux véhi‑
cules du sous‑sol, gardés par quatre
gardes. Cet étage est aussi celui de la
seconde chambre de Tyler, et là où se
trouve le coffre‑fort des recettes du ca‑
sino. Désormais, ce coffre sert à garder
l’équipement des membres avant qu’ils
ne partent en mission. Enfin, on trouve
un ascenseur toujours fonctionnel,
gardé par deux gardes à l’entrée et à la
sortie. L’ascenseur mène au bureau de
Tyler, qui ne reçoit personne, et ça tous
les anarchistes sont au courant.
La porte de la chambre 204 est close
mais pas verrouillée. La chambre fait
une vingtaine de mètres carrés. C’est
un mélange de luxe d’avant‑guerre et
de nécessité de survie en ces temps
troubles. On y trouve un lit luxueux
dont une partie de la mousse a été
Note sur le bloc‑notes
« Rapport d’exploration
n°42. Lors de ma sortie de
récupération de matériel dans
le quartier des Lys Blanc, j’ai
fouillé une grande demeure
jaune au croisement de la
rue St Georges, avec deux
cheminées. Visiblement, la
bâtisse avait déjà été fouillée
mais un bombardement
récent semble avoir eu lieu.
L’obus a transpercé le toit, mais
également le parquet du sol
pour exploser dans la cave. La
déflagration a fait tomber un
des murs, mettant au jour un
passage. Après l’avoir exploré
rapidement, je peine et frémis
d’effroi à l’idée de ce qu’il s’est
passé ici. J’ai recroisé nos
informations avec le service
en charge de la surveillance
des militaires. Je pense que
ce passage souterrain, utilisé
par l’armée, mène droit au
centre de dépôt qui assure le
relai entre Fédor et l’extérieur.
De ce que j›ai pu entendre
des soldats qui discutaient
entre eux, un convoi doit faire
la navette le 10 mars. Trois
camions doivent entrer dans la
ville, chargés de munitions et
de matériel. Après avoir déposé
leur cargaison à 5 h du matin,
ils sont censés repartir vers une
base arrière à 6h, en dehors de
la ville, afin d›être à nouveau
chargés pour livrer un autre
front. »
SCÉNARIO | 97
98 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Et si les PJ entrent
en conflit avec les
Anarchistes ?
Une chose qu’il faut
avoir en tête, c’est que
cette organisation est
redoutablement armée
et que la philosophie,
l’empathie ou la pitié ne font
pas partie de leurs priorités.
Si les PJ se font remarquer
ici, il est fort probable que
les gardes les dépouillent
de quelques objets avant de
les jeter dehors. Si la faute
s’avère grave et met en
danger la paix du bâtiment
et de l’organisation, ils
n’hésiteront pas à faire
usage de la violence. Ils sont
habitués à ce genre de cas et
arrivent très bien à maintenir
l’ordre durant les épisodes
imprévus. De nombreux
renforts sont à disposition et
prêts à l’action.
arrachée et sur lequel est déposé un sac
de couchage. Les meubles sont anciens
et certains ont été mis en pièces, sûre‑
ment pour nourrir un feu.
La table de nuit est fermée à clé. On
peut la forcer avec un test de FOR dif-
ficulté 15 OU de DEX difficulté 12
avec l’équipement adapté.
Elle renferme un couteau, des pho‑
tos d’avant‑guerre représentant une
femme d’une trentaine d’années,
blonde aux lunettes de soleil, avec un
homme carré avec une coupe en brosse
et deux jeunes enfants à la plage. Ils
ont l’air heureux. On trouve aussi des
crayons et un bloc‑notes.
Note au MJ : Si les PJ sont vifs d’es‑
prit, ils comprendront que le convoi
est très bientôt. Si ce n’est pas le cas,
n’hésitez pas à rajouter une légère
indication du type « le 10 mars, donc
après‑demain » (ou demain au cas où
les PJ se seraient déjà arrêtés pour
passer la nuit). Pour rappel, l’aventure
commence le 8 mars. Le tout est qu’ils
aient bien conscience que le temps
presse et que la date d’échéance soit
claire pour tous.
Les autres pages du bloc‑notes men‑
tionnent des escarmouches menées par
les deux armées l’une contre l’autre.
Visiblement, l’Est a perdu pas mal de
terrain depuis quelques semaines.
Un passage mentionne également
« Ceux du musée » qui se sont enfin
soumis à l’autorité des anarchistes,
tandis que celle qu’on surnomme
« l’Œil d’or », est toujours introuvable.
Dans la salle de bain, un baquet d’eau
est disposé car la tuyauterie ne fonc‑
tionne plus. On trouve aussi quelques
produits d’hygiène : une brosse à dent,
du dentifrice, des antibiotiques, un kit
de soin, une boîte de pansements et une
crème hydratante. Si les PJ fouillent
dans la cuve de la chasse d’eau, qui est
vide, ils trouvent un paquet plein de
cigarettes et 3 balles de pistolet. Cette
découverte peut aussi se faire avec un
test de PER difficulté 14.
Une fois l’information du lieu du pas‑
sage souterrain en leur connaissance,
les PJ peuvent prendre la route du
quartier des Lys blanc.
Repos
Les PJ peuvent souhaiter se reposer
ou dormir à un moment de l’aventure,
pour soigner leurs blessures, manger,
discuter ou tout simplement passer
le temps. Se poser est essentiel pour
gérer le sommeil des personnages
et leur faim.
Pour espérer passer un moment
tranquille, il faut qu’ils trouvent un
endroit suffisamment sécurisé. Les
cachettes ne manquent pas à Fédor, il
faut juste trouver la bonne : un endroit
à l’abri des regards, qui ne menace pas
de s’effondrer à tout instant.
Ces moments de repos peuvent être
utilisés pour faire plus ample connais‑
sance et laisser les PJ parler entre
eux, raconter leur histoire et échanger
leurs inquiétudes. Fédor est un endroit
rude, une bonne cohésion d’équipe est
indispensable pour garder le moral.
Si Pamela est toujours avec les PJ,
elle n’hésitera pas à leur poser des
questions et s’assurer de leur état
mental et physique. Elle rendra l’at‑
mosphère plus légère en montrant sa
collection de timbres. Passionnée de
jeux de cartes, elle proposera même
une partie pour s’éloigner un moment
de leur quotidien difficile.
Le quartier
du Lys Blanc
À partir du Casino, le trajet à pied
pour aller jusqu’à la prochaine des‑
tination est d’environ deux heures.
Ce quartier périphérique de Fédor
comporte de nombreuses résidences
luxueuses. Les villas et leurs grands
jardins sont séparés entre elles par de
hauts murs.
 C’est un des endroits les plus des affrontements sont lointains, Le mur nord est complètement
calmes de la ville, le quartier le bruit de la radio n’attirera détruit. Progresser dans les gravats
n’ayant pas grand‑chose de plus donc personne. peut faire beaucoup de bruit si on ne
à offrir que des maisons en ruines fait pas attention (test de DEX dif-
pillées. Le canal de l’Eau dorée le ficulté 11). On devine les escaliers
traverse. C’était autrefois un lieu Militaires menant à la cave près de celui‑ci.
de balade paisible et agréable. Après une trentaine de minutes Entre ces murs se trouve une an‑
Les bombardements n’ont pas de marche, les PJ arrivent en vue cienne pièce à vivre. Il reste encore
épargné la chaussée et les villas. de la fameuse maison. Il ne reste un canapé et deux fauteuils en pi‑
Des trous béants parsèment les que quelques pans de murs, les teux état, une table en bois brisée et
rues et les propriétés. Il ne reste étages effondrés forment une pile quelques meubles. Les restes d’une
de certaines maisons qu’un amon‑ de gravats dans le jardin. télévision s’accompagnent d’une
cellement de boue, de gravats et L’entrée principale de la bâtisse, console de jeu et de magazines sur
de neige. C’est plus calme, par au sud, a été bloquée par les fonda‑ les nouvelles technologies.
ici. Le mur de Fédor entourant la tions détruites. Deux fenêtres cas‑ Le drapeau de Fédor Est dépasse
ville semble encore plus haut et sées, par lesquelles on peut large‑ d’un tas de pierres : une colombe
infranchissable. ment passer, ornent le mur ouest. blanche en plein vol, sur un fond
Les PJ cherchent la maison Le mur est, quant à lui, menace bleu et noir. Une affiche de propa‑
décrite dans les notes de l’anar‑ de s’effondrer. Une large fissure gande pend péniblement au mur.
chiste : une maison bombardée le traverse de haut en bas. Elle est Un militaire regarde directement
aux murs ocres, située non loin du suffisamment grande pour faire le spectateur de l’affiche d’un air
canal. Pendant leurs recherches, si passer une personne à la fois, mais déterminé, vêtu d’un uniforme
les PJ possèdent une radio, celle‑ci les tiges de fer qui dépassent des aux couleurs du pays. « Repoussez
se met à grésiller. Une voix rocail‑ briques la rendent dangereuse. Si vos limites au‑delà des fron‑
leuse prend la parole : les PJ ne passent pas habilement, tières ! Protégeons le vrai Fédor
« (grésillements) Allô… ? Rah la ferraille peut les blesser. ensemble, rejoignez l’Armée ! »
ça marche enfin ou pas ce truc ?
(grésillements, raclement de
gorge) Ah j’crois que ça y est….
Bien le bonjour les loulous ! J’vous
présente Rob Radio, la seule,
l’unique radio libre de Fédor ! On
espère que tout va pour le mieux
pour vous, et surtout oubliez pas
d’vous hydrater ! Une bonne bière
ça vous fait apprécier la vie ! Et
tout de suite, on s’écoute une p’tite
compil’ ! »
Une musique familière s’échappe
de la petite radio. Une voix chaude
fredonne des airs de rock’n roll.
Son ton réconfortant est guidé
par les pulsations des guitares
électriques. Le rythme entraînant
de la batterie accompagne les pas
et le balancement des têtes des
survivants. Il n’y a aucun danger
immédiat, les PJ remarquent faci‑
lement qu’il n’y a ni créatures, ni
pillards aux alentours. Les bruits

SCÉNARIO | 99
100 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Militaire Les PJ peuvent sonder les alentours
NC 1 à l’aide d’un test de PER difficulté
FOR +1 DEX +1 CON +1 11. En observant attentivement, ils
INT 0 PER 0 CHA 0 peuvent apercevoir deux silhouettes
DEF 13 PV 14 Init. 13 au rez‑de‑chaussée de la maison : un
Couteau +3, DM 1d4+2 militaire armé et son chien d’attaque.
Fusil d’assaut, DM 2d8+1 Ils ne bougent pas, surveillent les envi‑
Gilet pare‑balle, DEF +2 RD 5
rons, en particulier les fenêtres et l’en‑
(armes à feu)
trée Nord qui sont les plus dégagées.
Le militaire est en pleine conversation,
Chien d’attaque
NC ½ son talkie‑walkie à la main :
FOR +1 DEX +1 CON +1 « C’est bien clair ?
INT −4 PER +2 CHA −2 — Oui, chef, c’est compris.
DEF 11 PV 9 Init. 12 — Bien. Ne laisse passer personne
Morsure +2, DM 1d6+1 jusqu’à ce que ce soit réglé. Ne cherche
pas à comprendre, tue quiconque
s’approche trop près d’ici.
— Oui, chef. »
Le militaire est là pour s’assurer que
personne n’approche de la zone, en
attendant que cette entrée opportune
vers les souterrains de leur base soit
bouchée. Si les PJ ne sont pas attentifs
ou font trop de bruit, il finira par les
repérer. Il n’a qu’un ordre dans ce cas :
tirer à vue.
Si les PJ parviennent à défaire le
militaire, ils peuvent récupérer ses
possessions : trois kits de soin, une
montre, deux rations de survie, un fusil
d’assaut, un couteau, trois munitions,
un remède contre le rhume noir, une
lampe‑torche et un gilet pare‑balle.
La maison offre plusieurs cachettes et
moyens de surprendre les adversaires.
Le choix s’offre aux PJ : il est possible
de les attaquer par surprise, de les at‑
tirer en dehors de la maison pour les
affronter un par un, ou encore de les
provoquer et de foncer tête baissée.
Une fois le militaire et son chien
d’attaque hors d’état de nuire, les PJ
peuvent progresser dans la cave.
Cave et
souterrains
La cave est désormais à ciel ouvert à
cause des bombardements. La réserve
de vin a été complètement pillée, ou
détruite par l’explosion. Un des murs
de la cave, effondré, donne accès à un
large souterrain en béton.
À peine entrés dans le souterrain, une
odeur piquante de javel agresse les na‑
rines des survivants. Elle imprègne les
murs et envahit la pièce. Le couloir est
vide et le moindre bruit résonne. Les
PJ entendent leur propre respiration
irrégulière. On n’entend ni ne voit au‑
cun danger. Aucun éclairage ne fonc‑
tionne. Plus les PJ progressent, plus
le silence et l’obscurité s’installent,
alimentant l’ambiance pesante du lieu.
Ces souterrains sont un ancien réseau
d’égouts réhabilités par les militaires
de Fédor Est. C’est pour cela qu’on
peut voir, à certains endroits derrière
le béton, des briques anciennes et de
la tuyauterie inutilisée. Les multiples
embranchements qui constituaient
un vrai dédale ont été condamnés à la
va‑vite. On peut encore voir les traces
maladroites du béton coulé.
Les ouvertures se font enfin remar‑
quer dans le couloir. Sans porte, elles
mènent sur des salles tout aussi vides.
Si les PJ font attention, ils remarquent
sur les murs des salles de longues et pro‑
fondes entailles, comme des griffures,
qui vont parfois même jusqu’au plafond.
Des taches brunes, presque invisibles,
maculent le sol. Il s’agit de sang séché,
nettoyé à la hâte. D’autres marques dans
le béton témoignent de l’ancien agence‑
ment des meubles. Des débris de verre
jonchent le sol d’une des salles. À l’inté‑
rieur, on peut trouver une fiole encore
intacte, débouchée, dont le fond est ta‑
pissé d’un fin dépôt noirâtre. Une sangle
de cuir a été abandonnée par ici.
Le petit quart d’heure qu’il faut
pour traverser le couloir paraît une
éternité. En se rapprochant du bout,
des vrombissements de moteur se
font entendre. Il ne reste qu’un seul
battant de la porte au fond, suffisam‑
ment grand pour cacher quelques per‑
sonnes derrière.

Base militaire
Les PJ observent derrière la porte un
immense garage. En face, une pente
montante pour l’accès des camions. À
l’ouest, l’unique porte de sortie.
Trois camions sont garés dans le
hangar. Des militaires s’affairent à
les décharger. Ils sont une dizaine au
bas mot. Ils prennent les caisses des
véhicules et les emmènent derrière la
petite porte à l’ouest, située sur leur
gauche. Deux hommes en uniforme
blanc font l’inventaire et comptent les
caisses de marchandises. Les caisses
déchargées contiennent équipement,
armes, ravitaillement, munitions et
matériel médical en pagaille.
Très proche de la porte derrière
laquelle sont cachés les PJ, ceux‑ci
peuvent apercevoir quatre cadavres,
allongés côte à côte. Ils portent des vê‑
tements ordinaires, des bottes chaudes
et de gros manteaux coupe‑vent. Ils
ont encore leurs sacs sur eux. Leurs
corps ont reçu plusieurs balles mor‑
telles : ils n’avaient aucune chance !
En quelques minutes, les camions
sont déchargés. Un des hommes en
blanc se tourne vers un militaire et
désigne le tas des quatre civils :
« Va débarrasser les cadavres d’ici.
Les autres, chargez la prochaine car‑
gaison. On s’occupera ensuite de ce
souterrain, pour éviter d’autres ve‑
nues inattendues… »
SCÉNARIO | 101
102 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Le militaire prend les morts un à
un pour les transporter vers le même
endroit que les caisses déchargées.
Pendant ce temps, le reste du person‑
nel se met à charger la marchandise.
Les premières caisses contiennent du
matériel endommagé ou défectueux.
Les suivantes sont remplies de papiers,
de dossiers et de classeurs numérotés
par une classification impossible à
comprendre sans être formé. Le bruit
de verres qui s’entrechoquent pro‑
voqué par le transport des dernières
caisses attire l’attention du supervi‑
seur militaire.
« Faites plus attention que ça à la
marchandise bon sang ! La cargaison
du laboratoire est très fragile nom de
dieu ! » ordonne‑t‑il d’une voix tendue
aux militaires.
Dans ces caisses, on trouve des
bocaux, fioles remplis d’un liquide
pourpre ou sombre, mais aussi des
petits outils comme des seringues, des
scalpels et des aiguilles.
La pente par laquelle passent les
véhicules finit en plein cœur de la base
militaire. L’image de cinq chars se dé‑
coupe à travers l’ouverture du garage.
Si les survivants choisissent de s’aven‑
turer plus loin pour mieux observer
malgré la présence des militaires, ils
devront réussir un test de DEX dif-
ficulté 13 pour passer inaperçus. De
là, ils pourront voir le no man’s land
qui s’étend à perte de vue derrière les
murailles de Fédor.
Fuite impossible
À partir de là, les PJ doivent com‑
prendre qu’aucune échappatoire n’est
possible. L’endroit grouille de mili‑
taires, plus que prévus, tous armés et
préparés au combat. D’autres survi‑
vants ont tenté la même chose qu’eux
et ont échoué. Le no man’s land der‑
rière la base militaire et les chars
devraient suffire à faire changer vos
PJ d’avis. Insistez sur la létalité de la
situation pour les orienter sur l’aban‑
don de leur objectif.
Après un temps de réflexion (à la
discrétion du MJ), des sirènes brisent
le relatif calme ambiant. Les soldats
commencent à s’agiter et à se mettre à
couvert tout en observant le ciel. De la
ligne d’horizon se dessinent plusieurs
avions, qui immédiatement essuient
des tirs d’armes anti‑aériennes venant
du sol. Ils répandent au sol un gaz
noir, tel un mur infranchissable, qui
engloutit tout sur son passage. À ce gaz
se mêlent des flammes : des bombes
explosent dans la zone vers laquelle les
PJ comptaient sortir. C’est désormais
une muraille de gaz noir, de flammes
et d’éclats d’obus qui avance vers eux
dans le chaos le plus total et les cris
de douleurs.
Note au MJ : Cet événement a pour
but de faire reculer les PJ. S’ils dé‑
cident de tenter le tout pour le tout, ils
subiront de lourdes conséquences. Le
gaz donne le rhume noir sur un test de
CON difficulté 16 raté. Chaque tour
passé dans le gaz nécessite un nou‑
veau jet. La distance à parcourir étant
de près de 100 m pour atteindre la
barrière, ils essuieront des tirs d’obus
chaque tour passé dans la zone à 4d6
dégâts touchant à 10 de DEF, avec des
dégâts réduit de moitié en cas d’un test
de DEX difficulté 15 réussi. Quand
bien même les PJ arriveraient devant
le grillage, il est électrifié, occasion‑
nant 1d10 dégâts à tous ceux le tou‑
chant. Derrière, les fuyards verront
l’imposante armada de l’Ouest arriver.
Chars, fantassins, véhicules blindés…
Et leurs ordres sont clairs : ne laisser
aucun survivant.
Course‑poursuite
La meilleure chose pour les PJ est
alors de fuir à rebours, tandis que
le gaz noir, s’insérant dans tous les
interstices, progresse à une allure
de 15 m par tour, y compris dans les
souterrains. Les PJ disposent déjà de
20 m d’avance. Malheureusement,
attirées par le bruit et les cris, les créa‑
tures seront de la partie pour trouver
leur nourriture. Leurs cris résonnent
déjà dans le tunnel, avec un écho pro‑
fond. Après une trentaine de mètres
parcourus, c’est d’abord une première
créature qui déboulera, se jetant sur
les PJ, qui peuvent tenter de l’esquiver
puis de courir ou de l’affronter rapi‑
dement, alors que le gaz continue sa
progression.
Durant toute cette scène, les PJ
entendent les bombardements et les
déflagrations au‑dessus de leurs têtes.
Les impacts sont violents et lourds,
la structure entière tremble, tandis
qu’un amas rocheux tombe juste der‑
rière eux, les empêchant de revenir
vers le camp militaire. Demandez un
test de DEX difficulté 12 au dernier
survivant dans l’ordre de marche, afin
que celui‑ci ne soit pas bloqué sous les
décombres, subissant 1d6 dégâts et se
voyant immobilisé. Il peut se dégager,
ou ses amis peuvent soulever le dé‑
combre bloquant sa jambe sur un test
de FOR difficulté 14. Si cet effon‑
drement est suffisant pour empêcher
des humains physiques de passer, les
morceaux de béton et les tiges d’acier
sont suffisamment espacés pour laisser
passer le gaz noir. Celui‑ci ne progres‑
sera seulement que de 5 m le tour de
l’éboulement.
Après plusieurs minutes de course,
les PJ aperçoivent l’entrée de la cave
par laquelle, quelques heures plus tôt,
ils sont arrivés. Malheureusement, la
zone n’a pas résisté à un nouveau bom‑
bardement. La villa s’est effondrée,
obstruant le passage sous des tonnes
de pierres et de bétons. Et pour com‑
bler le tout, deux nouvelles créatures
sont entrées peu avant l’éboulement et
foncent désormais sur les PJ.
Avec un test de PER difficulté 14,
ils peuvent constater sur leur droite
que l’un des boyaux, condamné lors
de leur premier passage, est désor‑
mais libre d’accès : le béton disposé à
la va‑vite n’a pas supporté les défla‑
grations et les vibrations de cet intense
bombardement. Cela laisse un maigre
trou de 80 cm de rayon pour s’y glis‑
ser, en réussissant un test de DEX
difficulté 12. En cas d’échec, le per‑
sonnage perd un tour bloqué dans le
passage à ramper. Naturellement, seul
un personnage après l’autre peut pas‑
ser. Les créatures peuvent elles aussi
passer par cet interstice.
Note au MJ : Cette course‑poursuite
constitue le point de tension extrême
du scénario. L’action de cette séquence
s’enchaîne rapidement, pour mimer
l’urgence de la situation et le rythme
effréné de la course poursuite. Pour
rendre tout le dramatisme de la scène,
ne vous perdez pas dans des détails :
un survivant n’a pas vraiment le temps
d’observer le décor ou les quelques gra‑
vats au sol lorsqu’il est assailli par des
créatures et qu’il court pour sa vie pen‑
dant un bombardement. Faites vivre ce
point d’orgue en incarnant le plus pos‑
sible ces jets de dés.
Rappelez‑vous que décrire la ma‑
nière dont est réalisée l’action et ses
conséquences valent plus qu’annon‑
cer une valeur numérale définie
comme échouée ou réussie. Dire « Tu
lui inflige 4 points de dégâts et tue la
créature » n’a pas le même effet qu’an‑
noncer « Avec 4 points de dégâts tu
lui fracasses le crâne dans un craque‑
ment sinistre ». Cette scène se résume
à des jets de dés. C’est en jouant sur
la tension, le rythme de votre table et
les descriptions brèves mais impac‑
tantes, que vous donnerez une autre
dimension à votre partie. Il s’agit d’une
scène très cinématographique, plus
que ludique. La liberté des PJ est ici
restreinte à un couloir, mais seulement
pour accroître la mise en scène de ce
passage‑clé.
Ce corridor tourne rapidement à
gauche puis donne sur un autre long
SCÉNARIO | 103
104 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
couloir, d’une cinquantaine de mètres.
Ce dernier s’ouvre sur une cage d’esca‑
liers étroite, d’environ 1,20 m et allant
vers le haut. Les détonations se font
désormais plus lointaines et il semble‑
rait que le bombardement de gaz ne
permette pas d’atteindre un endroit
si éloigné. Dans cette cage d’escalier,
les PJ peuvent souffler un temps avant
de gravir les marches, désormais seul
chemin pour survivre. Depuis les esca‑
liers, les PJ arrivent à l’air libre, au mi‑
lieu des ruines d’un immeuble. Cette
partie du quartier, autrefois connue
pour ses belles maisons tranquilles,
ne ressemble plus qu’à un amas de
gravats silencieux. Le sol est meurtri,
balafré par les explosions, et menace
de s’effondrer à tout moment.
Nouveau départ
Derrière eux s’étend au loin la zone
qu’ils ont quittée. Un épais brouillard
noir y règne encore… Un coup de vent
un peu trop violent et dans la mauvaise
direction pourrait l’amener à traverser
la ville. De l’autre côté, les PJ aper‑
çoivent la limite entre le quartier des
Lys blanc dans lequel ils se trouvent
actuellement, et le quartier Nord de la
ville. Cette limite, à quelques dizaines
de minutes de marche, se matérialise
par de grands immeubles. L’un d’entre
eux pourrait bien être assez haut pour
surplomber le gaz si jamais celui‑ci
commençait à venir, ou si l’armée
bombardait à nouveau la zone.
Le trajet pour aller à ce bâtiment est
relativement calme : la plupart des créa‑
tures ont dû être attirées par le vacarme
qu’a causé l’attaque. Les PJ peuvent
parvenir devant cet immense bâtiment,
autrefois refuge pour les plus démunis,
construit à la hâte par les politiques
dans les dernières années d’union de
Fédor pour faire face à une crise du
logement. Le bâtiment, et le secteur en
général, semble avoir été épargné par
les bombardements. Seules l’entrée et
la cage d’escalier, qui contenait aussi
l’ascenseur, sont totalement éboulés. Le
reste semble particulièrement stable.
Par chance, il semblerait que le bâti‑
ment ait été en rénovation juste avant
la guerre. Un échafaudage de chantier
est adossé à la façade et rend l’ascen‑
sion réalisable. Si les PJ souhaitent
visiter le bâtiment, ils peuvent trouver
les mêmes objets que dans le quartier
du centre‑ville. Mais ici, c’est surtout le
dernier étage qui devrait les intéresser.
Là, ils trouvent un appartement
calme avec un toit terrasse, relati‑
vement bien conservé et éclairé par
de grandes baies vitrées, malheu‑
reusement en morceaux. Le salon, à
l’exception d’un poste radio disposé à
même le sol, est vide de tout meuble.
Le mobilier semble avoir été découpé
pour entretenir un feu dont on trouve
encore les restes sous la forme de
cendres. À proximité, un corps inani‑
mé, celui d’une jeune femme à la peau
bleutée, emmitouflée dans une cou‑
verture, tient un nourrisson au teint
violacé, lui aussi mort. Avec un test
d’INT difficulté 12, les PJ peuvent en
déduire qu’ils sont morts de froid. Leur
décès remonte à plus d’une semaine,
sûrement lors de la vague de froid.
Heureusement le temps s’est réchauffé
depuis. Ils n’ont sur eux que des habits.
Dans les toilettes, une sorte de pota‑
ger a été installé avec deux plans de
tomates éclairés par une petite fenêtre.
Ils sont en mauvais état mais, avec la
main verte, ils peuvent repartir. À côté
de ces plantations, un ingénieux sys‑
tème de récupération d’eau de pluie,
reliant les gouttières par un tuyau à un
bac, se déverse dans un purificateur
d’eau à filtre, contenant actuellement
deux litres d’eau propre.
La chambre elle est presque aussi
vide que le salon, avec seulement un
matelas disposé sur le sol, sans som‑
mier. Pas de table de chevet, seule‑
ment un petit tapis mauve de quelques
mètres carrés, et des jouets d’enfants.
 La fouille de la maison s’avère quant
à elle très prolifique. Voici ce que les PJ
découvrent en fonction de leur test de
PER. Une réussite octroie les objets de
la valeur obtenue, et également ceux
inférieur à la valeur obtenue. Les ob‑
jets ne peuvent être obtenus deux fois
par différents jets :
Résult. Objets
10 La salle de bain contient
du dentifrice, du gel
douche et de la crème
hydratante. Une boîte
d’allumettes est à proxi‑
mité des restes du feu
dans le salon, aux côtés
d’une hache d’incendie,
qui a sûrement servie à
découper les meubles pour
nourrir le feu.
12 Deux rations de survie
restent dans les placards
alimentaires de la cuisine.
Dans le porte parapluie,
c’est une lampe torche qui
attend d’être récupérée.
14 En fouillant bien la
chambre, les PJ trouvent
dans les draps deux
kits de soin.
16 Une grande et vieille malle
est disposée dans un
renfoncement au‑dessus
d’une porte et cadenassée.
En la forçant avec les ou‑
tils adéquats avec un test
de DEX difficulté 14 ou un
test de FOR difficulté 21,
la boîte s’ouvre et renfer‑
mait un fusil de chasse et
quatre cartouches.
Les PJ peuvent se rendre sur le
toit terrasse. Du haut des toits, ils
contemplent ce quartier calme, et
voient que de l’autre côté, les combats
semblent avoir pris fin. Seule s’élève la
fumée des bombes et ce gaz noir qui
s’évapore et disparaît lentement.
Conclusion
Lisez aux joueurs :
« Bien que vous soyez encore prison‑
niers de cette ville, vous avez trouvé
un refuge. Calme, en hauteur, avec de
la place et le nécessaire pour vous y
établir. Bon nombre de citoyens rêve‑
raient de cela. L’accès unique permet
de le surveiller facilement et offre une
sécurité relative. Vous contemplez
alors Fédor, ses bâtiments blessés,
qui se dressent courageusement vers
le ciel, défiant la violence des hommes
pour croître vers un idéal. Cette ville,
autrefois resplendissante, sera votre
enfer quotidien. Un endroit où chaque
seconde recèle son lot de dangers. Un
endroit qui mettra à rude épreuve
votre humanité et votre rage de
survivre. »
Et après ? Comme vous l’aurez com‑
pris, s’échapper de cette ville réside du
miracle, mais cette situation permet
de développer des intrigues narra‑
tives particulièrement intéressantes,
centrées sur la survie des personnages
dans ce milieu hostile. Des explora‑
tions pour trouver des vivres, des alter‑
cations avec d’autres groupes de survi‑
vants ou des militaires : n’hésitez pas à
explorer cette ville qui recèle sûrement
bien des dangers pour les survivants.
Des pillards aux créatures, en passant
par le rhume noir ; les PJ pourront
même essayer de trouver l’origine de
ces terribles monstres ou de la maladie
à travers les diverses bases militaires
actives ou abandonnées.
Mélina Mandon & Clément Ruby
Illustrations et plans :
Marianne Bergeonneau
Édition par Louise Chalier
SCÉNARIO | 105
106 | SCÉNARIO
CO GALACTIQUES
En quelques mots…
Les personnages s’éveillent
sur le sol de l’infirmerie de
bord du Bellérophon, dans
la quasi‑pénombre des
éclairages d’urgence. Les
systèmes ne répondent plus
aux commandes, et aucune
trace de l’équipage. Ce qui
avait débuté comme une
banale mission de minage
en espace profond tourne
au cauchemar lorsque des
machines démentes rodent
dans les coursives. Quelles
expériences la section
de recherche menait‑elle
réellement sur ce bâtiment ?
Fiche technique
TYPE • Horreur
PJ • 4 à 5 PJ de niveau 1−2
MJ • Intermédiaire à
expérimenté
Joueurs • tous niveaux
ACTION 
AMBIANCE 
INTERACTION 
INVESTIGATION 
LE DERNIER VOYAGE
DU BELLÉROPHON
S’inscrivant dans la grande tradition des histoires d’horreur
dans l’espace, ce scénario est un huis clos dans une épave de
vaisseau spatial contrôlée par une IA. Bienvenue à bord !
L’histoire
La période suivant la découverte des
singularités a vu des bonds technolo‑
giques sans précédents. S’en est suivi
le développement des technologies de
traitement informatique et l’émergence
des premières intelligence artificielles
évoluées. À la suite de la multiplication
des incidents impliquant les IA (cf. cam‑
pagnes L’Intelligence d’Orion et Paradis
perdu), ce domaine de recherche s’est
vu imposer de lourdes restrictions par
les instances gouvernementales.
Une corporation privée, bien décidée
à prendre l’ascendant sur ses concur‑
rents, décide néanmoins de braver les
interdits et monte secrètement une
équipe de recherche à bord d’un de ses
vaisseaux miniers, s’assurant de pou‑
voir mener ses travaux en toute discré‑
tion lors d’une mission de prospection.
Devant le peu d’avancée des tra‑
vaux et l’insistance de ses cadres
dirigeants, le responsable tente de
numériser le schéma neural d’un pri‑
sonnier, secrètement embarqué à
bord du Bellérophon. Mais la fusion
de conscience est un désastre dont
les conséquences ne se feront sentir
que des jours plus tard, de façon très
progressive : les premiers bugs se
manifestent au sein des systèmes alors
que l’IA naissante tente de prendre
le contrôle du vaisseau. Puis un frag‑
ment de l’IA tente de fuir sa « prison de
métal » et provoque le crash d’une des
navettes de secours.
Tout s’accélère lors des dernières
heures alors que l’IA acculée par les
chercheurs prend le contrôle des
drones miniers, fait un carnage par‑
mi l’équipage, libère des composés
toxiques dans le circuit de ventilation,
provoque l’explosion d’un propulseur
et enfin génère une défaillance majeure
aboutissant à la fusion du réacteur !
La vaste majorité de l’équipage et des
passagers éliminés, l’intelligence dé‑
sormais aux commandes du vaisseau
fantôme affiche un comportement des
plus erratiques…
Au milieu de ce chaos, les personnes
présentes dans l’infirmerie (les PJ) ont
échappé aux conséquences les plus
graves de la folie de l’IA. Mais le pire
reste à venir…
Partie 1 :
Fusion du cœur !
Tous les personnages émergent
dans l’infirmerie de bord. Celle‑ci a
résisté au gros de l’explosion du pro‑
pulseur. De plus, son propre système
de traitement de l’air indépendant
s’est enclenché peu après que des
gaz ont été détectés dans les circuits
SCÉNARIO | 107
108 | SCÉNARIO
CO GALACTIQUES
Introduction des
personnages
Dans le cas d’un groupe de
personnages niveau 1, le
plus simple est sans doute
d’incarner des membres de
l’expédition qui formeront
un groupe par la force de
la nécessité, voici quelques
suggestions :
• Un scientifique tenu à
l’écart par ses supérieurs
• Un mineur représentant de
syndicat
• Un agent de sécurité
empêtré dans une salle
affaire
• Un technicien candide
• Un pilote tête brûlée
Pour un groupe déjà
constitué, vous pouvez
utiliser la ficelle scénaristique
suivante : leur vaisseau a
subi une grave avarie qui
les a tous laissés aux portes
de la mort. Par chance, leur
balise de détresse a été
captée et ils ont été secourus
par l’équipage. Dans ce
cas, remplacez la navette
intacte du Bellérophon par le
vaisseau des PJ (En revanche,
rien ne dit que celui‑ci a été
réparé !)
d’aération (suffisamment tard pour survie a des ratés. De plus, ils ne dis‑
que l’ensemble du personnel dans posent pas de leur équipement habi‑
l’infirmerie soit déjà inconscient, mais tuel (armes, combinaisons…), soit
suffisamment tôt pour éviter la mort parce qu’ils étaient présents en tant
par asphyxie). que patients, soit parce qu’il est entre‑
Une fois qu’ils auront repris posé dans leurs quartiers.
conscience les PJ se rendront rapi‑ La table ci‑dessous propose de géné‑
dement compte des problèmes dont rer un événement aléatoire lorsque le
souffre le Bellérophon : les terminaux groupe entre dans une nouvelle section
s’allument et s’éteignent sans logique pour la première fois, voire dès que les
apparente, les portes se ferment par‑ PJ s’attardent trop dans la même zone
fois sans prévenir et le système de (à la discrétion du MJ).
1d8 Anomalies & avaries
1 Glitch : Les terminaux informatiques de la section diffusent des
bribes de conversation incompréhensibles intercalées de bruit blanc
de manière aléatoire. Un personnage doté de la voie de l’électronique
peut avoir constaté la multiplication de ce genre de bugs ces derniers
jours.
2 Panne d’éclairage : Toute la section du vaisseau se trouve plongée
dans la pénombre (−5 en attaque à distance).
3 Alarme sonore : Le message standard de sécurité est diffusé dans
les hauts parleurs, à un volume assourdissant pour les personnages
et alertant les éventuels drones à proximité. Le message s’arrête de
lui‑même au bout de 5 tours.
4 Fermeture des portes : Les cloisons de sécurité se ferment sans pré‑
venir, piégeant les personnages dans la pièce (INT (électronique) dif‑
ficulté 15 ou FOR difficulté 20 pour ouvrir).
5 Chauffage en panne : Le système de survie est défaillant dans la
section, la température est en dessous de 0°C. Tout personnage non
protégé est Ralenti dans cette section.
6 Surcharge : Un système sous tension explose au moment où un PJ
(déterminé aléatoirement) passe à proximité, lui infligeant 1d4 DM
et la condition Renversé s’il échoue un test de FOR difficulté 10. Il
reste dangereux de s’approcher du système (1 DM par round passé à
moins de 3 m).
7 Air vicié : Les gaz nocifs n’ont pas totalement été purgés par le sys‑
tème de secours : le système de ventilation se met brusquement en
route et les personnages non protégés souffrent de l’état Affaibli
tant qu’ils restent dans cette section.
8 Ouverture des sas (section pourvue d’un sas uniquement) : Toutes
les cloisons de sécurité de la section se verrouillent magnétiquement.
Le signal d’ouverture du sas s’enclenche, et les PJ réalisent avec hor‑
reur que les deux portes (extérieure et intérieure) du sas sont sur le
point de s’ouvrir simultanément. Les personnages ont 5 tours avant
que toute la section ne soit dépressurisée.
 Réparer une avarie ou neutrali‑
ser une anomalie nécessite d’accé‑
der au circuit électrique et de réus‑
sir un test d’INT (réparation)
difficulté [10 + valeur du dé
de l’avarie].
Désastre imminent
Tout personnage disposant de
la voie des moteurs (ou effectuant
un test d’INT difficulté 10) com‑
prend immédiatement qu’il y a un
gros problème en ce qui concerne
la distribution d’énergie dans le
vaisseau. Si un personnage par‑
vient à se connecter à l’une des
consoles d’administration (il y en a
une sur la passerelle (1), une dans
les ateliers (7), une dans le labo‑
ratoire (12) et la dernière dans la
salle des machines (13)) et réus‑
sit un test d’INT (moteur) dif-
ficulté 12, il comprend que ces
fluctuations d’énergie proviennent
d’un effondrement de la matrice
du réacteur : les personnages n’ont
plus qu’une ou deux heures avant
que la fusion du cœur n’entraîne la
destruction du vaisseau !
La procédure pour réparer le
cœur est détaillée dans la descrip‑
tion de la salle des machines. Une
fois l’alimentation rétablie, les
anomalies cessent peu à peu.
Intelligence dormante
Le manque d’énergie a provoqué
la mise en veille de l’IA, qui n’in‑
terfère donc pas avec les actions
des personnages (les drones pour‑
suivent des routines préprogram‑
mées et répondent de leur mieux
aux stimuli externes). Une fois le
réacteur réparé et l’alimentation
rétablie, l’IA se réactive et prend
conscience qu’elle n’est plus la
seule entité pensante du vaisseau…
Le Bellérophon
Construit dans les chantiers
navals d’Antares, le Bellérophon
est un extracteur/transporteur de
classe Atlas dédié à la prospection
minière en espace profond. Ces
lourds vaisseaux voyagent hors des
principaux réseaux de singularités
en quête des minerais rares pré‑
sents dans les anneaux de certaines
géantes gazeuses. Il embarque
deux plateformes d’extraction qui
se chargent de dévier les astéroïdes
les plus intéressants de leur orbite
pour les rapporter au vaisseau. Ils
y sont exploités au sein d’une usine
de traitement où les mineurs assis‑
tés de drones se chargent de récol‑
ter les éléments précieux.
Équipage
• 5 membres d’équipage navi‑
gant (dont 2 officiers) et un mé‑
decin de bord
• 30 ouvriers (60 habituellement)
dont 5 techniciens
• 10 chercheurs travaillant se‑
crètement sur l’IA et 5 agents
de sécurité
Cargaison notable
• 2 navettes de sauvetage
• 2 plateformes d’extraction
lourdes
• 30 drones de minage
1 ‑ Passerelle
Ambiance : Corps de membres de
l’équipage gelés par le vide stel‑
laire flottant dans l’habitacle.
Petit matériel en zéro‑g.
Atmosphère & gravité : Vide spa‑
tial ; défaillante (microgravité)
Ce pont comprend le poste de
pilotage, les coms et le poste de
commandement. Il est conçu pour
superviser les opérations d’extrac‑
tion, les capteurs sont donc relati‑
vement performants (SEN +2). La
porte est bloquée du fait de l’ab‑
sence de pression dans la section.
On y voit des corps flotter à l’inté‑
rieur, et une brèche dans la verrière
indique qu’une violente dépressuri‑
sation a eu lieu. Il doit être possible
d’y accéder depuis le sas supérieur.
Les systèmes fonctionnent au
minimum de leurs capacités : il
est impossible de se connecter à
un autre système depuis cette zone
(une console d’administration per‑
met cependant d’afficher l’état du
réacteur), ni d’émettre un mes‑
sage de détresse. Il est néanmoins
possible de consulter le journal de
bord pour obtenir des informa‑
tions sur le déroulement des der‑
nières heures.
Un casier verrouillé à proximité
du sas contient deux pistolets
laser, deux pistolets à impulsion
soniques ainsi qu’une grenade so‑
nique en cas d’insurrection. Le sas
contient une combinaison intravé‑
hiculaire prête à l’emploi.
L’escalier descend vers les quar‑
tiers de l’équipage.
2 ‑ Quartiers
de l’équipage
Ambiance : Des dégâts au niveau
des parois de la section, bruit
permanent de dépressurisation
légère. Un corps (le médecin de
bord) au sol, le crâne fracassé
par l’explosion. Nombreux objets
renversés ou au sol.
Atmosphère & gravité : ténue
(brèches) ; gravité terrestre
Cette section comporte deux
chambres : la première est celle
du personnel navigant et du méde‑
cin de bord. La seconde comporte
deux lits simples et est dévolue
aux officiers du bord. Un petit
bureau est couplé à cette chambre.
Le personnel navigant dispose
de sa propre salle d’eau. Le reste
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110 | SCÉNARIO
SCÉNARIO | 111
112 | SCÉNARIO
CO GALACTIQUES
de la section fait office de mess et
de salle de repos pour l’équipage
(les repas sont pris à la cuisine et
transportés jusqu’ici).
On peut trouver deux combi‑
naisons intravéhiculaires dans les
placards de cette section.
3 ‑ Infirmerie
et détention
Ambiance : équipement médical
renversé, appareils d’analyse
mal fonctionnels. La section
semble épargnée.
Atmosphère & gravité : normale ;
gravité terrestre
Les mineurs se blessent réguliè‑
rement pendant leur travail, c’est
pourquoi l’infirmerie est de taille
conséquente. Un quart de l’infir‑
merie environ fait office de cellules
de détention pour les mineurs
éméchés ou désobéissant. Une
petite salle de sport complète cette
section, mais est généralement
boudée par les robustes ouvriers.
L’infirmerie dispose d’une phar‑
macie fournie. S’y trouvent notam‑
ment trois stimpacks et des scal‑
pels chirurgicaux pouvant servir
d’arme infligeant 1d4 DM.
L’escalier descend vers l’arrière
du mess. Le sas est d’ordinaire
réservé à l’équipage.
4 ‑ Cuisine et mess
Ambiance : chaise et tables ren‑
versés, lumières d’urgence uni‑
quement. Multiples corps mais
ne portant pas de traces de bles‑
sures physiques.
Atmosphère & gravité : normale ;
gravité terrestre
Une vingtaine de personnes
peuvent y prendre leur repas si‑
multanément. La cuisine de petite
taille permet tout juste de prépa‑
rer une nourriture simple à partir
d’aliments déshydratés. L’eau est
distribuée avec parcimonie. Un
coin détente offre quelques activi‑
tés hololudiques aux mineurs ayant
terminé leur service. Une buande‑
rie attenante est dédiée à l’entretien
des tenues de tous les membres
du vaisseau. Les mineurs doivent
partager cet espace commun avec
l’équipe scientifique, ce qui n’est
pas sans causer quelques frictions.
Six corps sont étendus au sol ou
effondrés sur les tables du mess.
Ils ne présentent aucune blessure
apparente mais un examen rapide
via un test d’INT (médecine)
difficulté 10 révèle des lèvres
cyanosées caractéristiques d’une
asphyxie. L’un des corps est celui
d’un des agents de sécurité. Il a en‑
core une matraque sonique sur lui.
Du bruit se fait entendre du
côté de la cuisine. Un drone de
minage est occupé à dépecer
un mineur (l’IA à la personna‑
lité fragmentée croit qu’elle doit
encore manger pour survivre,
aussi a‑t‑elle décidée de se payer
un steak, sans trop savoir quoi en
faire…). S’il est dérangé, il attaque
furieusement celui qui l’a inter‑
rompu dans sa tâche.
L’escalier avant descend vers les
ateliers ou monte vers le hangar à
navette. La porte du hangar est ac‑
tuellement verrouillée car la com‑
mande d’ouverture est endomma‑
gée (INT (réparation) difficulté
18 pour forcer l’ouverture). L’accès
vers les quartiers scientifique a été
scellé, la porte d’accès a littérale‑
ment été soudée à la cloison. Il fau‑
drait disposer d’outils lourds (tels
qu’un chalumeau industriel) pour
dégager cette voie…
5 ‑ Quartiers
des mineurs
Ambiance : section obscure et
lourdement endommagée.
Nombreux corps de mineurs au
sol. Mobilier renversé.
Atmosphère & gravité : ténue
(brèches) ; gravité terrestre
Les mineurs logent dans une
enfilade de baraquements spar‑
tiates où ils dorment jusqu’à huit
dans la même chambre, répartis
sur deux ailes. Les pièces cen‑
trales, autrefois de petits espaces
dédiés à la détente et à l’intimité,
ont été reconverties en quartiers
pour les contremaîtres à la suite
de la transformation des baraque‑
ments arrière en couchage pour les
scientifiques. De fait, les mineurs
disposent d’encore moins d’espace
personnel que lors des traversées
habituelles.
L’écoutille avant (aile bâbord)
s’ouvre sur un tunnel de main‑
tenance menant au hangar des
navettes. Elle est verrouillée (INT
(électronique) difficulté 15)
mais un test de PER difficulté 15
permet de trouver une carte d’ac‑
cès sur le corps d’un technicien.
Les deux sas sont utilisés par les
mineurs lors de l’embarquement,
mais seul le sas tribord est en état.
6 ‑ Hangar
des navettes
Ambiance : section relativement
épargnée. Navettes ayant glissé
au sol malgré leur ancrage ma‑
gnétique, témoignant de la vio‑
lence de l’explosion.
Atmosphère & gravité : normale ;
gravité terrestre
Le hangar abritait deux navettes
d’évacuation, mais l’une d’elle s’est
échouée sur un astéroïde proche.
Si la navette restante est bien
en état de voler, il est cependant
impossible d’ouvrir les portes du
hangar pour le décollage tant que
la puissance n’a pas été rétablie au
générateur.
 En cas d’urgence, il est possible
d’ouvrir la baie du hangar de ma‑
nière manuelle (y compris sans
énergie). En revanche, le système
de secours a été endommagé par
l’explosion et nécessite un test de
FOR difficulté 20 afin de déblo‑
quer le mécanisme. Actionner
la manivelle pour ouvrir la baie
prend ensuite une minute durant
laquelle le hangar se trouve peu à
peu dépressurisé.
La porte menant au mess est
verrouillée, mais un simple badge
d’accès permet son ouverture (la
console n’est pas endommagée de
ce côté). Une trappe de mainte‑
nance permet l’accès aux quartiers
des mineurs via un pass de méca‑
nicien. Un accès de maintenance
muni d’un sas permet de sortir
du vaisseau.
7 ‑ Ateliers
Ambiance : section lourdement
encombrée de minerais, de maté‑
riel et de composants endomma‑
gés. Peu de lumière.
Atmosphère & gravité : normale ;
faible gravité.
En descendant l’escalier menant
à cette section, la gravité diminue
peu à peu jusqu’à atteindre 0,3 g
environ. Cette caractéristique a
été choisie pour faciliter la manu‑
tention mais aussi pour réduire
la dépense énergétique des ma‑
chines‑outils. L’atelier sert à la fois
au raffinement des métaux extraits
et à la réparation des drones et
outils endommagés.
Trois monte‑charges sont utilisés
dans cette section. Le plus grand (à
l’arrière) est dédié aux transports
de matériel, du minerai et des pla‑
teformes d’extraction. Il n’est pas
alimenté actuellement. Les deux
plus petits (à l’avant) permettent
tous deux au personnel de circuler
entre cette section et le hangar des
drones. Tous les monte‑charges
sont équipés d’un sas qui délimite
la zone pressurisée (l’atelier) du
reste de la zone d’extraction (hors
atmosphère). Une console d’admi‑
nistration permet d’afficher l’état
du réacteur.
Les machines semblent devenues
folles : pour traverser, chaque per‑
sonnage devra réussir trois tests
de DEX difficulté 13 pour éviter
de trébucher dans le bric‑à‑brac
ou se faire saisir par un bras ro‑
botisé. En cas d’échec, une ma‑
chine‑outil lui inflige la condition
Immobilisé ainsi qu’1d4 DM. Se
libérer nécessite un test de DEX
difficulté 15. Attaquer les bras
robotisés déclenche un combat
(trois bras, INIT10, DEF 10, PV 4,
attaque +0 ; 1d4 DMG).
Au total trois combinaisons ex‑
travéhiculaires et cinq combinai‑
sons intravéhiculaires sont rangées
dans des casiers étanches à proxi‑
mité des monte‑charges avant.
Des outils assez lourds comme
des clés à molette (1d6 DM, FOR
10 pour manier) ou des masses de
chantier (1d8 DM, 2 mains, FOR
12 pour manier) sont trouvables
un peu partout dans l’atelier. Il est
possible d’y trouver une torche à
plasma pour découper les portes
de cloisons verrouillées (portes
de sécurité, voie de la réparation
nécessaire et 15−30 min pour en
venir à bout).
L’escalier arrière monte en direc‑
tion du mess.
8 ‑ Baie des drones
Ambiance : anormalement
calme. Des corps de mineurs
flottent doucement.
Atmosphère & gravité : vide spa‑
tial ; microgravité
SCÉNARIO | 113
114 | SCÉNARIO
CO GALACTIQUES
Méchas
Si vous utilisez les règles de
méchas, le compartiment
bâbord héberge deux
exo‑porteurs (utiliser les
statistiques du Booster,
p°198 du Livre de règles).
Auparavant utilisés dans le
processus d’extraction, ils
ont peu à peu été poussés
vers la retraite par la
modernisation des drones.
Reconvertis en méchas de
manutentions, leur usage est
réservé aux charges les plus
volumineuses et ils passent
le plus clair de leur temps
à prendre la poussière. Ils
pourront néanmoins montrer
leur utilité face aux drones.
La gravité diminue rapidement dans
la baie pour atteindre zéro‑g à proxi‑
mité des portes. Cette section dotée de
multiples outils de manutention est
ouverte vers l’usine d’extraction : les
drones sont d’ordinaire pilotés par les
mineurs qui s’en servent pour extraire
les minerais.
La baie peut héberger jusqu’à une
cinquantaine de drones de minages
mais le hangar est vide à l’exception
de deux drones de minage inactifs
et de multiples corps qui flottent en zé‑
ro‑g (tués par le souffle de l’explosion).
Il est possible de tenter de se connec‑
ter à l’un des deux drones via un test
d’INT (électronique) difficulté 18.
En cas de réussite, les personnages
apprennent que les drones sont télépi‑
lotés par une entité inconnue. En cas
d’échec critique, ou au bout de trois
échecs, les deux drones se réactivent et
attaquent les personnages…
Les monte‑charges mènent en direc‑
tion de l’atelier. Le monte‑charge prin‑
cipal est bloqué au niveau de l’atelier
et n’a plus l’énergie pour opérer sa
descente. Une rampe d’accès s’ouvre
à la proue mais est d’ordinaire réservé
au chargement et au déchargement
des drones. Elle ne s’ouvrira pas hors
atmosphère à moins d’un test d’INT
(électronique) difficulté 15.
9 ‑ Centre d’extraction
Ambiance : ouvert à l’espace, débris
d’extraction. Corps de mineurs
enchevêtrés dans les armatures
de sécurité.
Atmosphère & gravité : vide spatial ;
microgravité
Cette section est ouverte sur le vide
stellaire sur trois côtés (bien que des
volets métalliques puissent cloisonner
la section en cas d’urgence). Jusqu’à
une quarante d’ouvriers et autant de
drones s’y affairent habituellement
pour dépouiller des petits corps stel‑
laires de leur ressources (les minerais
exploitables sont transportés à l’atelier
pour traitement). Une armature de ful‑
lerène sécurise machines et mineurs,
mais les accidents de travail sont mon‑
naie courante…
Cinq drones de minages conti‑
nuent d’extraire les ressources d’un as‑
téroïde de belle taille, suivant
leur programmation ini‑
tiale faute de pertur‑
bation. Ils ignorent
les personnages
tant que ceux‑ci
gardent leur
distance (ce
qui ne sera
pas aisé car
les drones se
déplacent régu‑
lièrement). Un
test de DEX difficulté
10 est nécessaire à chaque tour
passé dans cette section. Il faut cinq
tours pour la traverser de bout en bout.
Au premier échec, l’ensemble des
drones s’immobilise. Au second,
ils réagissent en « observant »
intensément le personnage res‑
ponsable. Au troisième, l’IA folle
prend conscience de leur présence
et les perçoit comme une menace :
les drones passent à l’attaque !
Deux grandes portes permettent
d’accéder au hangar à drones (vers
la proue) et à la soute (vers la
poupe). Il est difficile de naviguer
en navette dans cette section (test
de DEX (pilotage) difficulté 15
chaque tour ou la navette subit 1d6
DM cinétique) et les vaisseaux de
plus grande taille ne peuvent pas
s’y faufiler.
10 ‑ Soute
Ambiance : des containers éven‑
trés ou ayant quitté leur sup‑
port, mais toujours ancrés ma‑
gnétiquement. Quelques corps
de mineurs.
Atmosphère & gravité : vide spa‑
tial ; microgravité
Cette large section du vaisseau
est encombrée de caisses de mine‑
rais et de cargo pressurisés fixés
au sol par supports magnétiques
en l’absence de gravité. Elle donne
directement sur l’usine d’extrac‑
tion et est donc généralement ou‑
verte au vide.
Le compartiment tribord abrite
trois coffres sécurisés. Étant donné
que les soutes secondaires ont été
reconverties en laboratoires, deux
de ces coffres contiennent actuel‑
lement les réserves de nourriture
déshydratée pour le voyage ainsi
que le petit matériel. Le troisième
coffre est verrouillé (INT (élec-
tronique) difficulté 18 pour
forcer) : Il s’agit de l’armurerie
du vaisseau. La chance veut que
l’entreprise de sécurité fournisse
du matériel lourd à ses agents « au
cas où » dans le cadre des missions
en espace profond. Il y a dans ce
coffre cinq pistolets laser, trois
fusils laser et un fusil plasmique.
Deux écoutilles d’accès sont
pourvues d’un sas et mènent à la
soute secondaire (désormais le
laboratoire). Un monte‑charge
central permettait de déplacer
des charges entre les soutes, mais
celui‑ci a été condamné (il est blo‑
qué au niveau du laboratoire). La
trappe de maintenance à la poupe
menait auparavant à l’ingénierie
mais a également été condamnée
(INT (électronique) difficulté
18 pour forcer). De grandes portes
coulissantes à la poupe permettent
le déchargement des marchan‑
dises une fois en atmosphère mais
ne s’ouvriront pas dans l’espace à
moins d’un test d’INT (électro-
nique) difficulté 15.
11 ‑ Quartiers
des scientifiques
Ambiance : silence troublant. Peu
de débris et des lumières tou‑
jours actives.
Atmosphère & gravité : normale ;
gravité terrestre
Cette section était celle des
contremaîtres. Elle sert aujourd’hui
à loger les chercheurs et les agents
de sécurité qui doivent se partager
une chambre double. Le directeur
des recherches dispose de sa propre
chambre, auparavant réservée au
premier maître. Les agents de sécu‑
rité dorment dans les chambres les
plus proches du mess, et interdisent
toute entrée à quiconque ne fait pas
partie de l’équipe de recherche ou
des officiers navigant.
L’une des chambres a,
semble‑t‑il, été verrouillée de
l’intérieur. Pour y entrer, un test
de FOR difficulté 20 ou un test
d’INT (électronique) difficulté
15 est nécessaire. À l’intérieur, l’un
des chercheurs se vide lentement
de son sang. Il est actuellement
inconscient mais, s’il est soigné via
un test d’INT (médecine) diffi-
culté 13, il raconte ce qu’il sait à
propos du projet (les recherches
sur l’IA maquillées en dévelop‑
pement d’un nouveau modèle de
drone, le prisonnier constituant
le plan B, etc.) et des derniers évé‑
nements : il se rendait au mess au
moment où le propulseur a explo‑
sé, et a perdu conscience quelques
secondes. Le vaisseau entier a
commencé à se remplir de vapeurs
toxiques mais il est parvenu à iso‑
ler cette section pour éviter que
les gaz n’y circulent, s’enfermant
du même coup. Il a passé deux
heures à chercher une solution
en supportant les hurlements de
douleur provenant du laboratoire.
Une créature mi‑homme mi‑ma‑
chine en est brusquement surgie
en défonçant la porte au passage.
Elle s’en est prise à lui mais il a pu
se barricader dans une chambre
avant de perdre conscience.
La porte avant mène vers le
mess mais est actuellement scel‑
lée (un test de PER indique
qu’elle a été soudée de l’intérieur,
ce qui est l’œuvre du professeur
Cambridge). La porte arrière, lour‑
dement endommagée, mène vers
la soute secondaire reconvertie en
laboratoire.
12 ‑ Laboratoire
(anciennement soute
secondaire)
Ambiance : luminosité fluctuante.
Encombré de matériel de re‑
cherche qui semble avoir été
empilé en plusieurs tas suivant
une logique étrange. Des corps
de scientifiques forment d’autres
piles. Bruits de grattement.
Atmosphère & gravité : normale
(radiation au‑delà des seuils de
sécurité) ; gravité terrestre
SCÉNARIO | 115
116 | SCÉNARIO
CO GALACTIQUES
Cette soute annexe a été recon‑
vertie en laboratoire dernier cri. De
lourds câbles d’alimentation par‑
courent l’allée centrale et mènent
en direction de la salle des ma‑
chines. Une console d’administra‑
tion permet d’afficher l’état du ré‑
acteur. Les cadavres de chercheurs
s’empilent dans cette section. Un
examen (INT (médecine) diffi-
culté 10) révèle une intoxication
par voies respiratoires. Une réus‑
site de 10 ou plus indique que les
corps commencent à montrer des
signes d’exposition aux radiations
(ce que peut confirmer une analyse
de l’atmosphère) : mieux vaut ne
pas trop traîner dans le coin…
Le responsable du projet de re‑
cherche, le professeur Cambridge
(tout du moins ce qu’il en reste) ère
dans un état de semi‑conscience
dans le laboratoire. Il a été l’une
des premières victimes de la rage
de l’IA : elle a fusionné sa chair
avec les morceaux d’un drone. Si
le professeur a eu la malchance de
survivre au procédé, sa raison l’a
définitivement abandonné…
Les PJ pourront confondre
l’armature métallique qui sort de
son dos avec un fauteuil roulant
élaboré. Chaque tour, il a 25 % de
chance d’entamer le dialogue (au‑
quel cas il les somme des quitter
son laboratoire), 50 % de chance
de les ignorer et 25 % de chance de
les attaquer. Les PJ peuvent faire
parler le professeur par un test de
CHA difficulté 15, mais ses pro‑
pos ne sont que peu cohérents et il
semble ne pas se souvenir des évé‑
nements récents. Il n’a pas davan‑
tage conscience de la mort de ses
assistants. Sur une réussite de 5
ou plus, le professeur accepte de
les aider. Mais cette collaboration
ne dure qu’un temps et il finira par
les attaquer alors que les routines
de l’IA reprennent le dessus. Ses
statistiques sont celles d’un drone
de minage avec un rang de boss.
Une cloison vitrée isole cette sec‑
tion de la salle des machines. Elle
n’est pas verrouillée, s’est opacifiée
et affiche un avertissement d’expo‑
sition aux radiations lorsqu’on
s’en approche.
13 ‑ Salle des machines
Ambiance : section supérieure lour‑
dement endommagé. Signaux
d’alerte sur tous les terminaux.
Taux critiques de radiations et
perturbation des signaux radios.
Une aura jaunâtre intense émane
du réacteur.
Atmosphère & gravité : normale
(radiations dangereuses) ; gra‑
vité terrestre
Cette section se divise en trois
étages : l’étage médian et l’étage in‑
férieur abritent l’énorme générateur
du Bellérophon, tandis que l’étage
supérieur permet d’accéder aux pro‑
pulseurs. Des terminaux à tous les
étages permettent de contrôler l’état
des systèmes, dont celui du réacteur.
La salle des machines a considé‑
rablement souffert de l’explosion
du propulseur tribord : les cloisons
d’urgence isolent désormais l’étage
supérieur, désormais inaccessible
(si un PJ tente d’y accéder depuis
l’espace, il ne reste guère plus que
de l’acier froissé). Plus grave : le
réacteur, toujours en activité, me‑
nace d’exploser sous peu ! Les fis‑
sures dans la verrière d’observation
attestent d’une rupture de confine‑
ment : toute personne non protégée
est victime d’un empoisonnement
aux radiations et perd 1 point de
CON par round passée dans cette
pièce. Une combinaison ne protège
que partiellement des rayonnements
nocifs, toute personne en portant
une perd 1 point de CON par tranche
de 10 minutes passées dans cette
salle (seul un traitement approprié
permet de récupérer les points de
CON perdus, au rythme d’1 par jour).
Purger le cœur
Il faut évacuer la chaleur du réac‑
teur en urgence, mais les consoles
ne répondent plus aux commandes,
se contentant d’afficher la procé‑
dure d’urgence : il est nécessaire
d’actionner manuellement des
vannes situées à l’extérieur, ce qui
implique une sortie extravéhicu‑
laire sur la poupe du Bellérophon.
Le sas d’accès de la salle des pro‑
pulseurs n’étant plus accessible,
les PJ devront faire un détour. Une
fois positionnée, la première vanne
s’ouvre aisément mais l’échappe‑
ment qui s’ensuit impose un test
de DEX difficulté 10 pour ne pas
subir 2d6 DM de feu. La seconde
vanne est coincée et nécessite un test
de FOR difficulté 20 pour s’ouvrir
(même test pour éviter de subir la
convection thermique). Pour corser
le tout, deux drones de minage
rampent le long de à la coque du
vaisseau et se préparent à engager
les PJ… Une fois la chaleur évacuée,
il faut encore redémarrer le réacteur
en salle des machines via un test
d’INT (moteurs) difficulté 15.
Passager clandestin
La plupart des conduits d’alimen‑
tation mènent à l’étage inférieur
via une trappe de maintenance,
où un entrelacs de câbles relient
un genre de sarcophage métallique
à une série d’appareils qu’un per‑
sonnage doté de la voie de l’élec‑
tronique reconnaîtra comme un
serveur sophistiqué. C’est ici que le
professeur Cambridge a installé en
toute discrétion le condamné (pré‑
alablement plongé dans le coma) et
l’a utilisé pour créer l’IA fautive…
L’intelligence est toujours « pré‑
sente » dans ces serveurs, bien que
sa personnalité soit morcelée.

Partie 2 :
Un problème
de conscience
Une fois l’IA éveillée, elle met
quelques minutes à recouvrer toutes
ses facultés. De plus, sa mémoire
à court terme est défaillante, et sa
conscience est scindée en une per‑
sonnalité mécanique (qui est persua‑
dée de devoir poursuivre sans délai
une mission d’exploitation minière)
et une personnalité biologique (qui
ne se souvient de rien sinon d’être
enfermée dans une prison obscure et
d’avoir tenté de s’enfuir sans succès).
Aucune des personnalités n’a réelle‑
ment conscience de l’autre. L’IA va
donc passer quelques cycles de trai‑
tement, perturbés par sa conscience
biologique, avant que la conscience
mécanique ne reprenne le dessus et
n’assimile les personnages à des nui‑
sibles ou à des pirates : dès cet instant,
elle enverra ses drones de minage
s’occuper d’eux.
Les personnages devraient avoir le
temps de prendre conscience des élé‑
ments suivants :
• L’alimentation est désormais rétablie
et la plupart des anomalies cessent.
Il doit être possible d’ouvrir la baie
des navettes ;
• Une entité (ils savent qu’il s’agit
d’une IA défaillante s’ils ont pu par‑
ler à Cambridge ou lire ses notes)
habite les systèmes du vaisseau ;
• Toute tentative d’accéder à un sys‑
tème majeur comme la navigation
ou les coms se heurte à l’entité, qui
réagit en conséquence à l’intrusion.
S’enfuir ?
Une fois l’alimentation du hangar
à navettes rétablie, et étant donné
qu’ils n’ont pas accès aux systèmes du
Bellérophon, les personnages pour‑
raient être tentés de fuir à bord de la
navette restante. Faites‑leur bien com‑ La manière forte
prendre qu’ils feront face à plusieurs Un groupe un peu trop
problèmes, le premier étant l’absence
de moteur à singularité sur ces vais‑
expéditif pourrait décider
que la meilleure solution à
seaux de secours, limitant de facto leur problème serait de s’en
leur déplacement au seul système lo‑ prendre au prisonnier, au
cal. De plus, si les navettes disposent sarcophage, aux câblages ou
encore aux baies de serveur.
bien d’une balise de détresse, ce genre
Dans ce cas, l’activité
de signal mettrait des mois à atteindre
électronique du vaisseau
le premier système civilisé. Pour être s’en trouve effectivement
secouru rapidement, mieux vaut faire paralysée, l’alimentation
appel à un système de téléportation semblant même coupée
quantique comme celui qui équipe la dans sa globalité… Mais
balise d’urgence du Bellérophon. quelques minutes plus tard,
S’ils persistent malgré tout, vous les consoles se réactivent,
pouvez les autoriser à bricoler un crachent des lignes de codes,
amplificateur de signaux à partir des et les alarmes retentissent.
astéroïdes ferreux présents dans les L’entité n’a pas été détruite,
mais mutilée et enragée !
anneaux de la géante gazeuse. Ils se‑
Tous les drones de minage
ront cependant harcelés par les pla-
du vaisseau convergent
teformes d’extraction lourdes dans leur direction. Si les
qui n’auront de cesse de les détruire. serveurs ont été coupés, ils
Faites alors en sorte qu’ils localisent se rallument alors que l’entité
l’épave de la seconde navette, d’où est recouvre ses facultés. Les
émis un puissant signal (celui de la PJ devraient être poussés à
conscience fractionnée de l’IA). fuir le vaisseau via la navette
• S’ils s’approchent pour étudier le de sauvetage. Une analyse
signal, les plateformes cessent leurs poussée par les senseurs
attaques. L’IA tente de communiquer indiquera que le Bellérophon
semble communiquer avec
avec eux et essaie de les persuader de
un point dans la ceinture
la réunir avec le reste de sa person‑
d’astéroïdes.
nalité (cf. Mission de récupération).
• S’ils détruisent le fragment de mé‑
moire, les plateformes poursuivent
leurs attaques jusqu’à destruction,
mais subissent désormais un malus
de −2 à tous leurs tests. S’ils s’en
sortent, ils n’auront vraisemblable‑
ment aucune envie de retourner au
Bellérophon, vous pouvez donc avoir
pitié d’eux en considérant que le reste
de l’IA finit par s’autodétruire avec le
vaisseau et les laisser construire leur
antenne géante.
La navette dispose de suffisamment
de réserves pour nourrir la moitié
d’un équipage pendant un mois, ce qui
permet à un groupe de PJ de tenir la
moitié d’une année environ : c’est le
temps qu’il faudra pour que le signal
SCÉNARIO | 117
118 | SCÉNARIO
CO GALACTIQUES
parvienne jusqu’à un secours et
pour qu’une équipe de récupéra‑
tion soit envoyée. Nul doute que
les PJ devront fournir des explica‑
tions sur la perte du Bellérophon.
Se confronter
à son ennemi
Si les PJ traînent trop, ceux‑ci
devront affronter un drone de
minage à chaque fois qu’ils
changent de section (ou s’ils
restent plus d’une dizaine de mi‑
nute sans bouger). Les routines
informatiques de l’IA la poussent à
se débarrasser d’eux.
Pour autant, il est possible d’éta‑
blir le dialogue avec la personna‑
lité biologique de l’IA qu’ils ont
déjà probablement rencontrée en
la personne du « sarcophage »
dans les sous‑sols de la salle des
machines. L’entité peut commu‑
niquer avec le groupe par le biais
d’une des consoles des serveurs
ou par le biais d’une voix roboti‑
sée et hachée émise par les hauts
parleurs. L’esprit humain est très
atteint et un test de CHA de dif-
ficulté 15 est nécessaire pour
obtenir chacune des informations
suivantes (au bout de cinq échecs
cumulés aux tests de CHA, la per‑
sonnalité mécanique reprend le
dessus et lance la « purge » : trois
drones de minage surgissent
quelques rounds plus tard).
• Il se souvient avoir été drogué
et traîné hors de sa cellule avant
de perdre conscience. Quand
il s’est réveillé, il était nu dans
une grande pièce sans aucune
lumière. Depuis il ne peut ni
bouger ni dormir : c’est comme
s’il était enfermé dans son
propre corps.
• Il a capté des brides de conver‑
sation et été soumis à des expé‑
riences. Il y a cette voix froide
dans sa tête qu’il ne connaît
pas et lui murmure des choses,
lui donne des ordres et le tor‑
ture sans cesse. C’est comme
s’il était devenu l’organe d’une
grande machine.
• Il a réussi à s’enfuir par les
« conduites » : il se rappelle un
vaisseau et d’une planète gazeuse
mais il a perdu le contrôle. Il
a ressenti ensuite une terrible
douleur, comme s’il avait per‑
du un membre, une partie de
lui‑même : il doit absolument la
retrouver, il la sent encore ! Alors
seulement, il pourra dormir.
Les personnages devraient com‑
prendre qu’une fraction de l’IA
est enfermée dans les restes de la
navette qui doit se trouver quelque
part dans la ceinture d’astéroïdes.
Pour réunir les deux fractions
de conscience, le plus simple et
de récupérer le fragment pré‑
sent dans la navette accidentée
en rapportant son ordinateur de
bord. S’ils désirent faire l’inverse,
ils devront cumuler deux tests
d’INT (réparation) et d’INT
(électronique) difficulté 18
pour extraire les serveurs, ce qui
s’annonce très difficile. Dans tous
les cas, les fragments de l’IA conti‑
nuent en permanence à communi‑
quer avec le Bellérophon.
Mission
de récupération
Les personnages devraient logi‑
quement utiliser la navette pour
tenter d’aller récupérer le frag‑
ment d’IA. Le trajet prend moins
de trente minutes, mais implique
de traverser une zone dense en
astéroïdes. Une fois sur place, ils
détectent la présence des deux
plateformes d’extraction
qui s’approchent d’eux à grande
vitesse : l’occasion de tester la
robustesse de la navette en com‑
bat spatial !
Chaque tour de combat passé
dans la ceinture d’astéroïde im‑
pose un test de DEX (pilotage)
difficulté 12 via une manœuvre
(M). En cas d’échec, la navette ne
parvient pas à éviter un astéroïde
de bonne taille et elle subit 1d6
DM cinétique.
Une fois dans la ceinture, un test
de PER (senseurs) difficulté 13
permet de repérer un signal ténu
provenant de l’un des astéroïdes :
la carcasse de la seconde navette
y repose dans un canyon étroit.
Les personnages devront sortir
du vaisseau pour pénétrer dans
l’épave et récupérer l’ordinateur
de bord. Le corps du pilote est tou‑
jours harnaché à son siège.
En finir
Une fois le fragment d’IA réunit
avec la matrice principale, la per‑
sonnalité biologique remercie les
PJ dans un murmure alors qu’une
console à proximité demande
confirmation manuelle de la purge
mémoire complète du vaisseau : la
conscience biologique de l’IA sou‑
haite en finir au plus vite.
Dès que la commande est confir‑
mée, tous les systèmes s’éteignent
pour ne laisser place qu’à l’éclai‑
rage d’urgence. Le redémarrage
complet des systèmes va prendre
plusieurs heures, au terme des‑
quelles les PJ pourront prendre
manuellement les commandes du
vaisseau, et rentrer au bercail.
Bien sûr, il va de soi que les
cadres de la corporation voudront
savoir ce qu’il est arrivé à leur
vaisseau, et chercheront un res‑
ponsable à l’échec de leur petite
expérience.

Annexe
Drones de minage
Ces drones ne varient qu’assez peu
du modèle d’extracteur standard : un
corps sphérique d’un mètre de dia‑
mètre environ sur lequel repose une
série de capteurs, deux bras multi‑
fonction pouvant prendre la forme de
toute une série d’outils (foreuse, pince,
disqueuse etc.), quatre pattes arach‑
noïdes pouvant adhérer à tout type
de surface, et un compartiment dorsal
pour le transport des minerais extraits.
Ils sont conçus pour être télé‑pilotés
par un opérateur spécialisé, bien que
leur programmation basique leur per‑
mette d’accomplir seuls les tâches les
plus simples.
Ils ne disposent pas de système de
propulsion et sont donc transpor‑
tés par les plateformes d’extraction
lourdes lorsque leur présence est re‑
quise pour la récupération d’un asté‑
roïde. Leurs tuyères propulsives leurs
permettent néanmoins des déplace‑
ments limités en zéro‑g.
Bien que dépourvus de systèmes
d’armements à proprement parler, ils
ont un blindage épais et une capacité
à donner forme à des outils mécanisés
qui en font des adversaires dangereux.
Plateforme
d’extraction lourde
Ces vaisseaux prennent la forme
de chasseurs bombés dont les flancs
peuvent accueillir jusqu’à six drones
de minage. Leur équipage est habituel‑
lement constitué d’un pilote et d’un
technicien d’extraction en charge de
la flotte de drones et des opérations
d’extraction (qui consistent à repérer Drones de minage
un astéroïde intéressant, utiliser les NC 1
drones pour réduire sa masse inutile FOR +3 DEX 0 CON +3
puis l’arrimer à la plateforme. Les DEF 10 PV (RD) 15 (5)
puissants propulseurs de ce vaisseau Init. 10
le ramènent alors au Bellérophon où il Attaque – disqueuse +2 / DM
1d6+3
sera traité).
Foreuse (L) : Sur une attaque
Utilisez le profil du chasseur léger réussie le drone s’accroche
lançant des drones en guise d’arme à sa cible et utilise ses outils
(1d4 DM cinétiques). Sa program‑ d’extraction pour infliger
mation équivaut à une équipe de 1d6 DM ignorant la RD. Le
Baroudeurs. drone peut dépenser une
action limitée lors des tours
successifs pour infliger
Navette lourde les dommages sans jet
de classe Pégasus d’attaque. S’en libérer est une
En guise de vaisseau de sauvetage action limitée nécessitant un
pour le Bellérophon, l’armateur a test de FOR diff. 20 ou DEX
réduit les coûts en rachetant à vil prix diff. 15.
deux anciens vaisseaux de transport
légers dont les compartiments ont été
Navette lourde de classe
reconvertis. Une navette peut accueillir
Pégasus
jusqu’à trente passagers pour des vols
Taille (DV) 2 (d8)
de courte durée. Malheureusement, NT 2
ces vaisseaux antiques datent d’avant Cargo 10
le développement des moteurs à sin‑ FOR +1 DEX +1 CON +3
gularité à usage civil. INT 0 PER +2 CHA 0
PV (RD) 22 (3)
Mais les Pégasus n’ont pas que des
désavantages : elles sont construites Équipage : Pilote (PIL/CAN/
pour durer (en attestent leurs impres‑ SEN/ORD) + Canonnier (CAN/
sionnants états de service) et sont SEN) + Mécano (MOT)
Batterie légère / 3d6+FOR /
équipées d’armes, contrairement aux
Thermique/ TO
vaisseaux de transport de leur caté‑
gorie. Il aurait coûté trop cher de dé‑
manteler la tourelle laser située sous
le vaisseau ; les ingénieurs de bord se
sont contentés de brider le mécanisme.
Un test d’INT (réparation) diffi-
culté 15 suffit à la rendre de nouveau
opérationnelle.
Florian Turchet
Plan : Josselin Grange
Illustrations : Simon Labrousse
SCÉNARIO | 119
120 | SCÉNARIO

TOLKIEN AU SERVICE
CO CONTEMPORAIN DE SA MAJESTÉ
Ce scénario s’appuie sur plusieurs éléments historiques, à
commencer par les célèbres Cinq de Cambridge (Kim Philby, Guy
Burgess, Donald Maclean, Anthony Blunt et John Cairncross), un
réseau d’agents doubles au service du KGB, qui opéra en toute
impunité au sein des services de renseignements britanniques
jusqu’au début des années 50.

En quelques mots… Il se déroule pendant la visite de conséquences de leurs bourdes avec

18 avril 1956. Au rebut du
MI5, les PJ sont affectées à
une mission aussi dégradante
que sans intérêt : surveiller
un événement mondain,
auquel le professeur Tolkien
participe, au cas improbable
où un agent du KGB viendrait
à prendre contact avec l’un
des invités. Contre toute
attente, c’est ce qui semble
se passer !
Boulganine et de Khrouchtchev en
Angleterre, du 18 au 27 avril 1956 et
se construit aussi sur une réelle ma‑
nœuvre du MI6. Le 19 avril, les ser‑
vices secrets britanniques ont effecti‑
vement tenté de faire de l’espionnage
industriel en recrutant l’ancien soldat
et plongeur Lionel « Buster » Crabb
afin d’étudier la propulsion de l’Or‑
djonikidze, le navire soviétique qui a
amené les deux dignitaires de l’URSS
au port de Portsmouth.
L’implication de Tolkien dans ces
événements, comme le stratagème du
KGB dans ce scénario, sont bien sûr
une pure fiction. Son recrutement par
le MI6 pendant la guerre et au‑delà,
lui, n’est peut‑être pas entièrement fic‑
tif, mais reste à être corroboré par les
historiens…
Une bande
de colossales erreurs de jugement.
Comme disent les Anglais, ce sont
des slow horses (des chevaux lents,
sous‑entendu les plus mauvais de
l’écurie) et on les a donc mis au pla‑
card. On ne leur confie plus de tâches
sérieuses et encore moins de missions
de terrain. Leur petite équipe est confi‑
née dans une minuscule pièce du quar‑
tier général, à peine plus grande qu’un
placard, où ils sont condamnés à trai‑
ter de la paperasse.
Le briefing
Un regain d’espoir s’empare des PJ
alors que le scénario commence et
qu’ils sont convoqués par leur supé‑
rieure, l’acariâtre Lady Margaret
Rosemary Tyer, responsable de
leur unité au sein de la branche D
(dont la fonction est, entre autres,
le contre‑espionnage). Cependant,

de losers elle n’a pas l’air particulièrement

Fiche technique
Les trois personnages prétirés qui
TYPE • Enquête viennent avec ce scénario ne sont pas
PJ • 1 à 3 PJ de tous niveaux des héros, ni même des antihéros. Ce
MJ • Moyen sont des losers, le rebut du Service de
Joueurs • Débutants la sûreté (MI5, le contre‑espionnage
ACTION  britannique). S’ils ont réussi à se qua‑
AMBIANCE  lifier pour entrer dans ses effectifs, ils
INTERACTION  se sont révélés depuis être des agents
INVESTIGATION  de terrains exécrables, multipliant les
heureuse de les voir ni d’avoir à leur
confier une mission.
« La situation l’exigeant, nous allons
vous donner une nouvelle chance de
faire vos preuves sur le terrain et,
peut‑être, de faire enfin un peu hon‑
neur à votre position au sein du MI5.
Une source, peu crédible, affirme
qu’un agent soviétique va se rendre ce
soir à une petite sauterie universitaire
SCÉNARIO | 121
122 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Slow Horses
Ce scénario célèbre avant
tout l’anniversaire de la mort
de Tolkien, en proposant à
ses joueurs de rencontrer,
en roleplay, l’auteur du
fameux Seigneur des anneaux.
Cependant, cette aventure
s’inspire également, et
ouvertement, de l’excellente
série britannique Slow Horses.
Visionner celle‑ci n’est pas
nécessaire pour mener ce
scénario, car le texte et les
éléments disponibles en ligne
sur les figures historiques
suffisent amplement, mais
elle aidera à bien saisir la
nature « bras cassés, mais
sympathiques » des héros de
cette histoire.
à Oxford. Il serait là pour transmettre
un nouveau code de cryptage à une
taupe du KGB.
Celui‑ci serait un membre du réseau
recruté à Cambridge, soit un com‑
père de Kim Philby, Guy Burgess, et
Donald Maclean, que nos services
n’auraient toujours pas réussi à iden‑
tifier. L’information est douteuse,
mais on ne peut pas complètement
l’ignorer. Au lieu de perdre de pré‑
cieuses ressources, mes supérieurs ont
eu la brillante idée de vous envoyer ! »
Lady Margaret ne cache pas son aga‑
cement et les PJ se rendent compte,
sans difficulté, qu’elle ne croit pas une
seconde à cette histoire.
« La bonne nouvelle, c’est que cette
mission de routine est probablement
impossible à rater, même pour une
bande de bras cassés telle que vous.
Et vous rendrez service à votre pays,
car nos effectifs sont, comme vous
le savez, mobilisés par la visite de
Boulganine et de Khrouchtchev. Être
loin de Londres, à ne rien faire, est
sans doute la meilleure manière pour
vous d’assister vos collègues… »
Sur cette note, elle tend un dossier
aux PJ et leur accorde quelques ins‑
tants pour répondre à leurs questions
qui, qu’elles soient pertinentes ou non,
déclenchent toujours de sa part un rou‑
lement des yeux. Autant que possible,
elle coupe court à leurs interrogations
en disant, « C’est dans le dossier ! », et
elle conclut rapidement la discussion,
car « j’ai de véritables agents, respon‑
sables de missions importantes, qui
attendent mes instructions ».
Le dossier
Le dossier est bien rempli. On y
trouve d’abord des biographies ex‑
haustives des espions susnommés, dé‑
sormais réfugiés en Russie (utilisez les
informations disponibles sur Internet
à leur sujet pour donner une biogra‑
phie de ceux identifiés en 1956 aux PJ).
Il contient aussi des couvertures pour
chacun d’entre eux, afin qu’il puisse
s’immiscer au colloque universitaire.
Laissez les joueurs définir ces couver‑
tures, ça sera plus fun ainsi. Veuillez
juste à ce qu’elle reste cohérente avec
le colloque et crédible.
Le dossier contient également une
liste des professeurs et autres cher‑
cheurs, invités à l’événement. Celle‑ci
mentionne un certain J.R.R. Tolkien,
dont les PJ sont tous, en secret, fans.
À ces éléments s’ajoutent les docu‑
ments nécessaires pour obtenir un
véhicule de fonction afin d’aller à
Oxford, ainsi qu’un permis de retrait
d’un pistolet de petit calibre (Walther
PPK), équipé de silencieux pour cha‑
cun d’entre eux.
Il est 10 h du matin et, entre la bu‑
reaucratie pour récupérer véhicule et
armes, les emplettes vestimentaires
pour que leur apparence corresponde
à leur couverture et le trajet jusqu’à
Oxford, ils n’auront que peu de temps
pour étudier celui‑ci…
Un certain J.R.R. Tolkien
Admiratifs de l’œuvre de Tolkien, les
PJ s’intéresseront probablement à ce
que le dossier contient sur l’auteur. Il y
a deux éléments notables. D’une part,
le dossier mentionne ses travaux pour
les services de renseignement pendant
la guerre. En mars 1939, le gouver‑
nement britannique le contacte et lui
offre de rejoindre une équipe de spé‑
cialistes consacrée au déchiffrement
des codes nazis, située à Bletchley
Park. L’Histoire a retenu qu’il a refusé
l’emploi proposé, mais des documents,
non encore publiés, attesteraient d’une
participation suivie et importante de
sa part à l’effort de décodage. Le dos‑
sier confirme donc, pour le propos de
ce scénario, que Tolkien a bien pris
part à ces travaux pendant la guerre.
Ce que les renseignements à la dis‑
position du MI5 ne disent pas, en
revanche, c’est que leur auteur favori
travaille toujours, dans le plus grand
secret, pour le MI6 et utilise ses talents
de linguiste pour aider à concevoir et
cracker des codes…
D’autre part, un dossier de la po‑
lice d’Oxford, d’assez piètre qualité
et incomplet, mentionne plusieurs
plaintes de sa part au sujet d’individus
que l’on décrirait aujourd’hui comme
des stalkers. J.R.R. Tolkien a porté
plainte contre eux après plusieurs
altercations typiques de ce genre de
personnage, insistant avec lourdeur
pour qu’il lise leurs fanfictions, ou
lui reprochant tel ou tel point de son
œuvre (« Galadriel aurait dû se ma‑
rier à Gimli ! »). Ces documents font
partie d’un ensemble transmis par à
la police de Londres sur l’auteur et
d’autres invités. Seule la mention de
Tolkien peut attirer l’œil des PJ sur
ces papiers en particulier.
Parmi les documents concernant les
proches de Tolkien, on trouve égale‑
ment un dossier de quelques pages
remis par la CIA au MI6 au sujet de
Joy Davidmann, l’épouse de son ami
C.S. Lewis. Celui‑ci mentionne les
fortes suspicions de « sympathie com‑
muniste » de la jeune femme, qui sont
tempérées par les notes des agents du
MI6, moins prompts que les fidèles de
McCarthy à voir des « rouges » par‑
tout. Là encore, utilisez les informa‑
tions disponibles sur ces figures histo‑
riques pour les décrire aux PJ.
Les dossiers sur les traîtres de
Cambridge sont très complets et men‑
tionnent le lien de tous avec Anthony
Blunt, le conservateur des collections
royales, ainsi que l’enquête minutieuse
du MI5 sur celui‑ci. Cependant, n’indi‑
quez pas ceci immédiatement aux PJ,
attendez qu’ils reconnaissent Anthony
Blunt au colloque universitaire grâce
aux photos du dossier. Ou, s’ils pré‑
cisent qu’ils cherchent si des personnes
en lien avec ces traîtres sont parmi les
invités du colloque. Dans ce cas, souli‑
gnez que la présence de Blunt à un tel
événement n’a, en soi, rien de suspi‑ Un dossier survolé
cieux, que les PJ ne pensent pas immé‑ Le dossier remis aux PJ
diatement que celle‑ci soit de facto une est exhaustif et il leur est
preuve de barbouzerie en cours… impossible de réellement
l’étudier en détails dans
les délais impartis. Il ne
Un début s’agit donc pas de ralentir
le début du scénario en
de soirée faisant une sorte de second
sans événement briefing laborieux où vous
évoquez tout son contenu.
Donnez‑leur un aperçu des
Tolkien et ses fans éléments clés (les Cinq de
À moins que les PJ aient fourni des Cambridge, Tolkien s’ils s’y
efforts particuliers pour arriver sen‑ intéressent et Blunt s’ils font
siblement plus tôt, ils devraient at‑ un réel effort pour remarquer
teindre le lieu du colloque, à Oxford, sa présence) en ajoutant
peu après le début des festivités. En que leurs personnages ont
effet, si les présentations commencent survolé assez le contenu
pour que vous puissiez leur
le lendemain, tous les participants
signaler, si un élément du
sont invités à une petite collation et
dossier devient subitement
une bonne partie sont venus satis‑ pertinent pour la mission
faire leurs penchants pique‑assiettes. (exemple : les plaintes contre
Décrivez une assemblée de profes‑ les stalkers de Tolkien, la
seurs tout aussi prétentieux que bar‑ présence de Blunt).
bants, quelques étudiants ou thésards
invités pour servir soit de souffre‑dou‑
leur, soit de faire valoir (ou les deux),
un personnel irréprochable mais
incarnant à la perfection le cliché du
passif‑agressif (pseudo) flegmatique
Anglais. Tous se goinfrent de petits
fours, délicieux et gras, de vins et de
champagne (la bière est présente,
mais plus rare, car elle est vue comme
une boisson pour la plèbe).
Une fois ce décor morose planté, une
bulle d’air de fantaisie et d’humour
s’ouvre aux PJ. J.R.R Tolkien s’est
lancé dans un cours improvisé sur
la géographie de la Terre du Milieu,
pour le plus grand plaisir des invités
les plus sympathiques, dont son ami
Lewis, accompagné de sa conjointe.
Goguenard, il décrit toute la topogra‑
phie du monde du Seigneur des an‑
neaux avec une précision encyclopé‑
dique, et a toujours une réponse quand
l’un de ses confrères met en doute la
cohérence de son exposé ou soulève
une invraisemblance.
SCÉNARIO | 123
124 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
C’est une première opportu‑
nité pour les PJ d’interagir avec
l’auteur, s’ils le désirent. S’ils se
concentrent sur leur mission, ils
peuvent se rappeler avoir vu le
nom de Joy Davidmann mention‑
né dans le dossier et opter pour ob‑
server ses faits et gestes, qui sont
tout à fait innocents. Cependant,
avec un test de PER 15 réussi,
ils remarquent qu’un membre du
personnel surveille, discrètement,
la jeune femme. Il s’agit, en fait,
d’un espion de la CIA.
L’homme
de Washington
L’agence américaine a bien senti,
quand elle a notifié son homologue
britannique, que ses correspon‑
dants n’étaient pas convaincus de
leurs renseignements sur la com‑
pagne de Lewis. Au cas où Joy
serait la taupe russe que le KGB
doit contacter, l’agence a joué la
prudence et a dépêché un agent.
Celui‑ci est un homme d’action
et non un analyste, qui a réus‑
si à remplacer, à la va‑vite, un
membre du personnel. Ils sont
assez nombreux pour ne pas tous
se connaître, il a donc chloroformé
l’un d’eux et l’a enfermé dans le
placard d’un bureau vide, avant
de s’emparer de son uniforme. Le
pauvre bougre se réveillera le len‑
demain, avec un mal de tête cara‑
biné et sans la moindre idée de ce
qui lui est arrivé. Depuis, l’agent de
la CIA sert des petits fours et des
verres de vin ou de champagne, en
gardant un œil sur sa cible.
L’espion a fondamentalement
la même mission que les PJ, mais
il n’est pas au courant de leur
présence et n’a pas pour instruc‑
tions de collaborer avec le MI5.
Découvert, il a une couverture : il
prétend être un journaliste d’une
feuille de chou anglaise, envoyé
pour pondre une histoire typique
des tabloïds britanniques sur les
mœurs dissolues de Lewis et son
épouse. C’est un peu gros, vu la
faible notoriété du couple, et un
observateur avisé (test de PER
15) peut également se rendre
compte que l’accent londonien de
l’espion est quelque peu forcé.
Si vraiment les choses tournent
mal pour notre homme, il cherche
à quitter discrètement les lieux,
car il sait que ses supérieurs se‑
ront irrités s’il est arrêté par des
agents du MI5 (à moins que les
PJ agissent de manière réellement
suspicieuse, il part du principe
que ceux‑ci sont des agents de la
couronne). S’il ne peut y parve‑
nir et que les PJ le confrontent,
ou l’accusent ouvertement d’être
un espion (soviétique ou autre), il
finit par jouer cartes sur table et
sort un document faisant de lui
« un attaché culturel à l’ambas‑
sade des États‑Unis de Londres ».
Il bénéfice donc de l’immunité
diplomatique. Puis, il suggère d’en
rester là. « Inutile d’embarrasser
nos supérieurs, après tout, nous
sommes des alliés, n’est‑ce pas ? »
Libre aux PJ de lui proposer de
se joindre à eux, mais la collabora‑
tion inter agence n’est pas la force
des services secrets en général. Il
préférera donc s’éclipser une fois
que les PJ l’auront démasqué. S’ils
insistent pour qu’il reste et les
aide, utilisez‑le plus comme une
source de problèmes et non une
réelle assistance. C’est un homme
d’action, doublé d’un casse‑cou,
il est plus enclin à parler avec ses
poings, à plaquer les « individus
suspects » au sol, avant de les
fouiller manu militari, qu’à agir en
douceur et avec subtilité.
Et inutile dire que, quand le col‑
lègue des PJ débarque (voir Andrei
Bondarenko arrive à la soirée),
les deux vont immédiatement se
mépriser et se jeter mutuellement
des bâtons dans les roues. Pour ne
pas trop compliquer la tâche aux
PJ, le mieux est probablement que
l’agent de la CIA profite du chaos
lors de l’agression du stalker (voir
Le stalker) pour disparaître.
Anthony Blunt
Que les PJ mordent ou pas
aux hameçons que sont Joy
Davidmann et celui qui l’espionne,
n’oubliez pas d’ajouter à leur
assiette, pendant cette séquence,
Anthony Blunt. Celui‑ci arrive
tranquillement à la soirée, peu
après eux. Idéalement, mettez‑le
sur le radar des PJ alors qu’ils
sont encore occupés par Joy
Davidmann, l’agent américain et/
ou Tolkien.
S’ils n’ont pas exhumé son nom
lors de la lecture du dossier, men‑
tionnez‑le à ce moment‑là en indi‑
quant que l’un d’eux se remémore
que c’est un proche de plusieurs
membres du réseau que l’Histoire
retiendra sous l’appellation des
« Cinq de Cambridge ». Utilisez
les informations en ligne sur
l’agent double pour en faire une
courte biographie et vous donner
quelques éléments de roleplay.
L’homme est suave, charmant,
et doté d’un intellect brillant,
interprétez‑le comme un per‑
sonnage rafraîchissant, surtout
en comparaison des poussiéreux
et prétentieux universitaires qui
les entourent. Même si les PJ le
soupçonnent immédiatement
(d’une certaine façon, à raison)
d’être un espion, rendez‑le aussi
sympathique que possible. Après
tout, il a berné pendant longtemps
les services de renseignement,
c’est bien parce qu’il a su se mon‑
trer convaincant dans son rôle
d’innocent.
L’envers du décor
Les manigances du MI6
Pour le service de renseignement,
la présence de l’Ordjonikidze à
Portsmouth est une opportunité à
saisir, malgré les risques d’incident
diplomatique. Le service a donc recru‑
té Lionel « Buster » Crabb, un ancien
soldat de la Seconde Guerre mondiale,
mais surtout un plongeur d’exception,
afin d’étudier le système d’hélices du
navire russe, dont la conception fas‑
cine la Royal Navy. L’opération est
prévue le 19 avril, le lendemain de
l’arrivée du navire. Comme celle‑ci
empiète sur les platebandes du MI5,
tout est fait dans le plus grand secret et
une prudente discrétion.

L’opération du KGB
Informé par l’une de ses taupes des
plans du MI6, le KGB décide de faire
d’une pierre deux coups. Guy Burgess
a partagé avec les Russes ses soupçons
que le MI6 a un consultant d’Oxford
pour l’assister dans ses travaux de
cryptographie. Il supputait que celui‑ci
ne soit pas « un technicien tradition‑
nel, et ainsi d’apporter un peu de flair
et d’élégance à toute cette affaire ».
Après plusieurs années d’investiga‑
tions, le KGB pense avoir identifié ce
casseur de code « hors norme » : il
s’agirait de J.R.R. Tolkien !
Burgess, malheureux comme tout en
Russie, a exagéré l’importance de cet
expert en en faisant un atout détermi‑
nant des services de renseignements
britanniques, afin d’obtenir plus de fa‑
veurs du KGB. Les Russes sont un peu
tombés dans le piège et considèrent
que retirer Tolkien de l’échiquier
est important.
Ils ont donc décidé de se débar‑
rasser du professeur tout en menant
une opération de désinformation.
Capitalisant sur la paranoïa qui règne
au sein du MI5 depuis la défection des

SCÉNARIO | 125
126 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
judas de Cambridge, les Russes
veulent faire croire que l’auteur
est également un traître et qu’il
leur a fourni les clés des codes uti‑
lisés par les Britanniques. Dans le
même temps, les maîtres‑espions
soviétiques souhaitent pousser le
MI6 au crime, en transmettant de
fausses informations sur la pré‑
sence d’ogives nucléaires à bord de
l’Ordjonikidze !
Avec une telle information, im‑
possible pour les services secrets
britanniques de ne pas se pré‑
cipiter et envoyer une douzaine
de plongeurs pour espionner
l’Ordjonikidze, voir y pénétrer
pour confirmer l’existence de cet
armement nucléaire. Et le service
enverra ses meilleurs hommes
de terrains, qui seront alors des
proies aussi faciles qu’attendues
par les soldats du navire. Et der‑
rière, les chefs soviétiques auront
l’option d’échanger ces prises
contre des camarades capturés
ou de dégainer la carte « incident
diplomatique ».
Andrei Bondarenko
L’agent du KGB dépêché pour
« contacter » Tolkien, Andrei
Bondarenko, est un marin de
l’Ordjonikidze qui, en fait, est tout
sauf un véritable espion. C’est un
matelot nerveux, qui parle un
anglais poussif et a été forcé par
les services de renseignement à se
« porter volontaire » pour livrer
un appareil de cryptage à Tolkien.
Les Russes savent qu’il sera suivi
et probablement arrêté, c’est d’ail‑
leurs leur objectif. Ils sont égale‑
ment conscients que ce n’est pas
un grand patriote et qu’il n’a pas
d’attache (pas de famille proche) ;
capturé, il devrait donc tout faire
pour négocier son « passage à
l’Ouest ». En fait, leur plan repose
sur sa défection, une fois entre les
mains de la police britannique.
Lors de son briefing à bord de
l’Ordjonikidze, le KGB orchestre
une petite mise en scène à son
profit. Peu avant que le navire
accoste à Portsmouth, le comman‑
dement du vaisseau a ordonné à
Andrei Bondarenko de suivre deux
hommes (des agents du KGB) dans
une cale sécurisée, dont l’accès
n’est autorisé qu’aux plus gradés.
Là, les deux hommes du KGB lui
expliquent, avec fermeté, qu’il
vient d’être « porté volontaire »
pour une mission « de la plus
grande importance pour la Mère
Patrie ». Estomaqué, le marin,
conscient qu’il n’a pas vraiment
l’option de refuser, acquiesce et
tenter d’écouter avec attention.
La mission expliquée, l’un des
hommes du KGB fait mine d’attra‑
per la mallette qu’il doit livrer à
Tolkien et, ce faisant, il fait « acci‑
dentellement » tomber une bâche
qui couvre… plusieurs missiles
à tête nucléaires ! Un beau logo
radioactif, flambant neuf, figure
même sur chacun d’eux afin de
s’assurer qu’Andrei Bondarenko
ne rate pas le message. Les
deux agents, parfait acteur de la
Méthode, se lancent un regard pa‑
niqué avant de vite cacher à nou‑
veau les missiles et de foudroyer
du regard le marin : « Si tu oses
parler de ce que tu viens de voir à
qui que ce soit, camarade, le KGB
tuera toute ta famille ! » Même si
le KGB sait pertinemment qu’il n’a
justement aucun proche.
Andrei Bondarenko n’y voit que
du feu et, capturé, il aura donc
une information brûlante à vendre
aux Britanniques pour négocier
sa liberté. Une fois qu’il a quitté
la pièce, les agents du KGB dé‑
montent les faux missiles et font
disparaître toute preuve de cette
supercherie, au cas où les autorités
anglaises en viennent à aborder le
navire en espérant révéler la pré‑
sence d’armements nucléaires.
Le 18 avril, en milieu d’après‑mi‑
di, Andrei Bondarenko réussit à
se faufiler à travers le cordon de
police qui surveille le navire. À son
insu, il est bien sûr suivi par l’un
des agents du MI5 également sur
place. Obéissant aux instructions
du KGB, il dérobe une voiture
pour se rendre à Oxford, suivi par
David Clarke, un « collègue » des
PJ. Les deux arrivent à temps pour
rejoindre la prestigieuse univer‑
sité seulement une heure ou deux
après le début des festivités…
Tirer son épingle
du jeu
L’objectif des PJ dans ce scéna‑
rio est essentiellement de ne pas se
faire avoir par les machinations du
KGB. L’arrogant agent Clarke, lui,
mord immédiatement à l’hameçon.
Il croit complètement que J.R.R.
Tolkien est un traître et, si Andrei
Bondarenko lui révèle la présence
d’ogives nucléaires (voir plus loin),
il va insister pour contacter le QG,
mais également tenter d’appeler,
discrètement, l’un de ses « corres‑
pondants » au MI6.
Si cela arrive, au lieu de l’embar‑
rassante disparition de Lionel
Crabb pour le MI6 qu’a retenue
l’Histoire, c’est une douzaine
d’agents d’élite anglais qui sont
capturés par le KGB sous la coque
de l’Ordjonikidze… Si les PJ ont
soutenu les actions de David
Clarke d’une manière ou d’une
autre, ils auront signé la fin de
leur carrière. À l’inverse, s’ils
réussissent à empêcher les deux
services de se compromettre, ils
auront peut‑être ouvert la porte
menant à leur rédemption.

Là où tout bascule
Ce paragraphe présente les événe‑
ments tels qu’ils se dérouleront si les
PJ ne font rien pour les contrecarrer.
Il sera bien sûr nécessaire d’adapter ce
qui suit selon leurs actions.
Un marin à terre
Arrivé deux heures après le début
des festivités, Andrei Bondarenko suit
à la lettre les instructions du KGB. Sur
place, il se présente comme le profes‑
seur Aleksander Kovalenko, un
éminent linguiste ukrainien. Andrei
Bondarenko est de Kiev, il parle russe
et roumain, en plus de bredouiller l’an‑
glais. Tout ceci est loin de faire de lui
un expert en langues, mais le KGB ne
tient pas réellement à ce que sa couver‑
ture tienne. Pour justifier sa présence
ici, le soi‑disant professeur, spécialisé
dans les langues slaves, raconte être
de passage à Londres et avoir été pré‑
venu du colloque par un autre invité…
Anthony Blunt !
D’ailleurs, il lui a apporté un cadeau
de « la Mère Patrie » et la première
chose qu’il fait, toujours observé, à son
insu, par David Clarke, est de chercher
Blunt pour lui offrir une bouteille de
Vodka « de la part de votre bon ami de
Pologne, Antoni ». Si les PJ assistent à
cette scène, une information du dos‑
sier leur revient immédiatement à la
tête : « Antoni le Polonais », amateur
de Vodka, était l’une des couvertures
employées par Guy Burgess ! Quoi
que les PJ fassent de cette connexion,
David Clarke, lui, retient avec peine
son excitation : elle lui confirme que le
marin est bien un espion du KGB !
Blunt, de son côté, est désemparé,
mais conserve malgré tout son calme.
Ses années aux services des Russes
sont derrière lui, il n’a eu aucune cor‑
respondance avec eux, ou presque, de‑
puis la défection des autres membres
du groupe de Cambridge. Il sait qu’il
est grillé et devenu inutile à l’URSS, et
il ne s’attendait pas à être contacté, en
particulier de manière aussi grotesque
et publique. Il ne sait quoi en penser,
mais il réalise qu’on lui joue un sale
coup qui ne présage rien de bon. Il
accepte le cadeau et tente de mettre
fin, poliment, mais rapidement à la
discussion.
Cependant, Andrei Bondarenko
insiste : « Vous devez me présenter
au professeur Tolkien, je souhaite lui
parler, de linguiste à linguiste, seul
à seul ». Blunt ne sait pas de quoi il
parle, il n’a pas la moindre idée de qui
peut être ce Tolkien (l’agent double
n’est pas amateur de ce genre de litté‑
rature). Bien évidemment, cette mas‑
carade orchestrée par le KGB n’a que
pour but de donner de la crédibilité à
leur espion de pacotille.
Prudent, Blunt va faire poireauter le
marin, en insistant pour qu’il reprenne
un verre, puis des petits fours. Il gagne
du temps pour réfléchir à ses options,
délayant autant que possible le mo‑
ment d’introduire le russe auprès du
professeur dont il ignore tout. Il profite
de la première distraction (voir l’épi‑
sode du stalker) pour filer à l’anglaise
et échapper aux griffes de Bondarenko.
David Clarke
Les PJ reconnaissent leur collègue du
MI5 dès que celui‑ci arrive avec Andrei
Bondarenko (s’ils le remarquent, car
David Clarke cherche à passer ina‑
perçu). Expliquez‑leur alors que c’est
l’un de leurs camarades de « promo »,
entré dans les services en même temps
qu’eux, mais qui, lui, n’a pas fini au
rebut. Il les prenait déjà de haut quand
ils étaient jeunes agents ensemble,
et il les méprise encore plus ouverte‑
ment depuis qu’on les a mis au pla‑
card. Il se moque d’eux chaque fois
qu’il les croise dans les couloirs et leur
rappelle constamment qu’ils sont la
risée du MI5.
SCÉNARIO | 127
128 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN

Dès que David Clarke les remarque,

il a du mal à cacher sa surprise, mais
tente rapidement de leur parler, sans
lâcher une seconde le marin russe. Il
leur demande la raison de leur pré‑
sence ici. Il ne songe pas une seconde
que Lady Margaret ait pu leur confier
une mission, il suppute donc qu’ils
sont là pour un improbable mo‑
tif personnel.
S’ils lui révèlent la raison de leur
venue, il se retient avec peine de rire,
avant de se reprendre et de se décré‑
ter « chef des opérations ». En fait, en
termes de hiérarchie, son rang est égal
à celui des PJ. Cependant, son expé‑
rience de terrain supplémentaire peut
justifier sa séniorité. Il leur ordonne de
cesser leurs « âneries » et de l’assister
dans sa surveillance de l’espion russe,
et de se préparer à l’aider dans son
arrestation. Mais, seulement une fois
qu’il aura révélé le « traître à la cou‑
ronne qui se cache parmi ces ronds
de cuirs ».

Le stalker
Alors que les PJ jonglent avec
leurs manœuvres concernant Joy
Davidmann, l’agent de la CIA et main‑
tenant l’arrivée du mystérieux pro‑
fesseur ukrainien et de leur collègue,
déclenchez ce nouvel événement.
Vraisemblablement, à ce moment‑là,
ils ne sont plus aux côtés de Tolkien,
car ils se sont intéressés à Blunt ou
discutent avec Clarke. Dans ce cas, une
commotion non loin d’eux devrait les
attirer vers la scène qui suit.
Ronald Baker, né à Manchester,
pompiste de nuit de sa profession,
fan de l’équipe de football d’Arsenal,
est une brute épaisse qui fait un bien
improbable fan de J.R.R. Tolkien.
Et pourtant, depuis deux ans, c’est le
chef‑d’œuvre du professeur qui ac‑
compagne ses longues nuits de service.
Il lit, relit et relit encore Le Seigneur
des Anneaux, au point qu’il peut dé‑
sormais en citer des passages entiers,
sans faute. Avec son accent et son
attitude « prolétaire », comme
dirait aussi poliment qu’hautaine‑
ment, les participants de cette soi‑
rée, c’est un spectacle ubuesque.
Quoi qu’il en soit, Ronald,
peut‑être à cause de son isolement
social ou simplement à force de
recevoir des coups sur la caboche
dans les gradins des stades de
foot, a, comme on aurait dit à
l’époque, un « pète au casque ».
Devenu complètement obsédé par
les aventures de Frodo et ses com‑
pagnons, il commence à mélanger
réalité et fiction. Il y a quelques
jours, alors que deux personnes
de l’université papotaient pendant
que lui remplissait leur réservoir, il
les a entendues parler de cette soi‑
rée à laquelle l’auteur devait par‑
ticiper. L’idée de se faufiler pour
rencontrer son héros l’a travaillé
depuis et, en début de soirée, avec
le courage apporté par une série
de pintes de bière, il a décidé de
sauter le pas.
Il débarque donc sur les lieux,
agité et rougeaud. Des membres
du personnel essaient immédia‑
tement de l’escorter dehors, mais
il les repousse sans difficulté et
se rue vers Tolkien dès qu’il le
voit, laissant les appariteurs se
relever, avec difficulté, derrière
lui. Dans un état presque second,
il lui déclame à la perfection un
extrait du Seigneur des anneaux.
Complètement abasourdi par cette
scène surréaliste, le professeur le
regarde alors pendant quelques
secondes, sans mot dire, avant
que les deux qu’il a bousculés
ne reviennent à la charge, cette
fois‑ci dans son dos et avec plus
de véhémence.
Ils tentent de le prendre par
les bras, chacun d’un côté de lui,
mais leur manœuvre ne fait que
déclencher son courroux le plus
total. Ronald, d’un coup de poing
au visage pour l’un et d’un coup
de tête pour l’autre, réussit l’ex‑
ploit, peu reluisant, de casser le
nez à deux personnes différentes,
en même temps. Les deux, cho‑
qués et ayant leur compte, restent
cette fois‑ci à terre, laissant leurs
collègues prendre le relais. Mais
ceux‑ci, refroidis par ce qu’ils
viennent de voir, ne se bousculent
pas au portillon.
Malheureusement, Ronald est
désormais furieux. Il hurle main‑
tenant sur Tolkien, le traitant de
suppôt de Sauron, et se jette sur
lui pour l’étrangler de ses mains.
C’est probablement à cet instant
que les PJ arrivent dans la pièce.
Sur un test de PER difficulté
12, ils reconnaissent immédia‑
tement Ronald comme l’un des
individus contre lequel l’auteur
a porté plainte il y a peu, après
avoir reçu une série de lettres
« inquiétantes ». Leur contenu
n’était pas réellement menaçant,
mais dérangeant. La police d’Ox‑
ford n’a pris aucune action à son
encontre à la suite du dépôt de
plainte, mais elle l’a transmise
à Scotland Yard, à Londres, à la
demande du MI5.
Si, pour une raison ou une autre,
nos héros n’interviennent pas, le
personnel, assisté par les membres
de l’université les plus jeunes et
vigoureux (parions sur un bour‑
sier aussi brillant qu’athlétique)
viennent heureusement à la res‑
cousse de Tolkien. L’auteur ne
suffoque pas, et quatre personnes
parviennent à maîtriser Ronald.
Il est escorté dans un autre bâti‑
ment, puis enfermé dans une
pièce dépourvue de mobilier, en
attendant que la police, prévenue
par téléphone, vienne le chercher
pour l’emmener en cellule de
dégrisement.
Utilisez le profil de Gros bras
pour Ronald Barker (COC, p. 304)
en augmentant le bonus de Force
de +3 à +5.
Suivre Blunt
Profitant du chaos ambiant,
Anthony Blunt a filé à l’anglaise
(haha). Clarke ne le suit pas, car
il ne réalise pas que celui‑ci va
quitter les lieux. Il pense, à tort,
qu’il s’éloigne juste du tumulte.
Cependant, les PJ pourraient déci‑
der de le faire, et même essayer de
le confronter.
Blunt ne s’enfuit pas sur les toits
à la James Bond. Il disparaît dans
la foule, faisant mine de chercher
les toilettes puis, constatant que
ni Andrei Bondarenko, ni Clarke
(qu’il a repéré) ne l’ont suivi
jusque‑là, il rebrousse chemin et
sort de l’édifice pour rejoindre
sa voiture et rentrer à son hôtel à
Oxford. Une fois à l’extérieur, il
jette la bouteille de vodka dans la
poubelle après en avoir effacé ses
empreintes à l’aide d’un mouchoir,
dont il se débarrasse à son tour
dans une bouche d’égout un peu
plus loin. L’agent double surveille
bien sûr ses arrières et remarque
les PJ s’ils échouent à un test de
Discrétion difficulté 15 ; si
c’est le cas, aucun de ses gestes
ne l’indique (il se moque éperdu‑
ment qu’ils le filent, son objectif
est qu’Andrei Bondarenko ne le
retrouve pas).
Si les PJ l’interceptent et dis‑
cutent avec lui, par la ruse ou
l’intimidation, Blunt tente de le
mener en bateau, d’abord en niant,
évidemment, être un agent secret
et encore plus un agent double.
Il confesse, embarrassé, qu’il ne
se rappelle pas du tout qui est cet
Antoni. Il l’a peut‑être rencontré
pendant la guerre, mais il n’en a au‑
cun souvenir. Quoiqu’il en soit, la
SCÉNARIO | 129
130 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN
Un peu d’action…
Si vous souhaitez un peu
d’action, lorsque Clarke (et/
ou les PJ) débarque dans la
pièce, Andrei Bondarenko
dégaine son arme équipée
d’un silencieux tout en se
jetant derrière le massif
bureau de Tolkien, le
renversant au passage.
Depuis ce couvert, il tire
sur Clarke qui, touché à
l’épaule, s’effondre dans un
gémissement de douleur,
sans avoir eu le temps
d’ouvrir le feu. Aux PJ de
mettre Andrei Bondarenko
hors combat.
Attention cependant, Andrei
Bondarenko ne doit pas
mourir, sans quoi il ne pourra
révéler la présence des
« armes nucléaires » à bord du
bâtiment soviétique.
conversation avec Andrei Bondarenko
l’a beaucoup gênée. « Vous comprenez,
l’homme m’envoie un cadeau des plus
précieux de son pays, et moi je ne me
souviens même pas de lui ! »
Blunt ne démord pas de son his‑
toire, quels que soient les stratagèmes
employés par les joueurs. Toute men‑
tion des autres membres des Cinq de
Cambridge, provoque chez lui une
expression de douleur sur son visage :
« Laissez ces tristes scélérats là où ils
sont. Rien que l’évocation de leur tra‑
hison envers la Couronne m’est déjà
trop pénible. » Rappelez‑vous que c’est
un brillant agent double qui n’a jamais
été vraiment démasqué, donc même
une réussite critique sur un test de
CHA ne va pas permettre aux PJ de
le confondre.
Cependant, si Blunt réalise qu’ils tra‑
vaillent pour le MI5 et qu’ils lui font
bonne impression (en restant poli, en
ne l’accusant pas d’être traître et fai‑
sant preuve d’une certaine sagacité
dans l’échange avec lui), il peut leur
donner un indice important : « Ce
rustre personnage n’est pas très cré‑
dible en professeur émérite… Si c’est
un espion, on est loin des couvertures
et opérations si bien ficelées et métho‑
diques que la presse attribue habituel‑
lement au KGB. Enfin, je ne suis qu’un
vieux conservateur, pas un expert de
ce genre de chose, n’est‑ce pas ? » Si
cette déclaration suggère qu’il tente de
passer un message en douce aux PJ,
rien dans son expression corporelle
ne l’indique. L’homme est trop habile
pour se trahir en ajoutant un clin d’œil
à sa remarque.
Aparté avec Tolkien
Heureusement pour Andrei
Bondarenko, l’altercation lui a permis
d’identifier Tolkien, même s’il a perdu
Blunt de vue dans la foulée. Il décide
de lui‑même, une fois l’ordre rétabli,
d’aller l’aborder, peu après l’incident,
dès que l’auteur semble s’être un peu
remis de la bizarre altercation avec
Ronald. Il voit donc arriver ce nerveux
et rustre professeur, dont il a vague‑
ment entendu parler, mais qu’il n’a
jamais rencontré. Andrei lui demande,
dans un anglais maladroit, s’il peut
lui accorder « quelques instants dans
votre bureau pour parler d’un sujet
qui vous intéresse ».
Poliment, Tolkien tente de décliner,
mais Andrei Bondarenko se fait insis‑
tant et, embarrassé d’être toujours
au centre de l’attention, suite à cette
humiliante péripétie, le professeur fait
contre mauvaise fortune, bon cœur.
S’isoler un peu, au calme, pour dis‑
cuter avec un confrère linguiste n’est
finalement pas le pire. Il accepte donc
de guider jusqu’à son bureau Andrei
Bondarenko, qui ne pipe plus mot à
partir de là. Les deux sont suivis à leur
insu par David Clarke.
Une fois seul avec Tolkien, le marin
pose sa lourde sacoche sur le bureau,
sans un mot, et en sort un étrange
appareil (un décodeur) qu’il lui donne.
Le professeur est complètement dé‑
boussolé et ne sait quoi en faire. Si les
PJ n’interviennent pas à ce moment,
c’est là que Clarke ouvre la porte en
disant « MI5, vous êtes en état d’ar‑
restation ! ». Il triomphe et jubile,
non seulement, il vient de prendre la
main dans le sac une taupe du MI6
(Tolkien), mais également un espion
russe, sans compter que la machine est
une aubaine pour le contre‑espionnage
britannique.
Utilisez le profil de Garde de sé‑
curité pour Andrei Bondarenko
(COC, p. 303).
Démêler toute
cette histoire
Interrogatoire
À partir de là, la suite du scénario va
dépendre largement des actions et des
choix des PJ, si du moins ils arrivent à
maintenir Clarke sous contrôle. Il est
probable qu’ils souhaitent tous inter‑
roger Andrei Bondarenko et Tolkien.
Leur collègue, lui, veut garder la pri‑
meur de l’espion russe pour lui, mais il
peut leur jeter le professeur en pâture.
Celui‑ci ne comprend rien à la situa‑
tion, clame son innocence tout en
incarnant à la perfection son « privi‑
lège », comme on dirait de nos jours.
C’est un brillant universitaire britan‑
nique, il est flegmatique, mais agacé
qu’on l’implique dans ces histoires.
Son nom suffit, selon lui, à le placer
au‑dessus de tout soupçon. Il n’est
donc pas du tout inquiet, tout du
moins de prime abord. Cette mésaven‑
ture lui parait, à ce stade, plus absurde
qu’autre chose.
Si l’un des PJ lui rappelle qu’il a été
employé par le MI6, et qu’il n’est donc
pas si ignorant des affaires d’espion‑
nage, Tolkien se renfrogne un peu et
déclare, avec prudence : « Si je tra‑
vaille pour le MI6 comme vous le
suggérez, je ne suis probablement pas
autorisé à en parler avec des agents
du MI5, n’est‑ce pas ? ».
De son côté, Andrei Bondarenko est
débordé par les événements. Il crai‑
gnait de se faire arrêter depuis qu’il a
quitté l’Ordjonikidze, et le voilà captu‑
ré ! Pire, si Clarke l’interroge, il réalise
que celui‑ci le prend pour une sorte de
maître‑espion qu’il n’est pas du tout. Il
a alors peur de passer le reste de sa vie
dans une prison anglaise. Si les PJ sont
présents, il tente de les convaincre de
sa bonne foi, Clarke refusant de l’écou‑
ter. Il leur dit la vérité, qu’il n’est qu’un
simple marin, recruté contre son gré
par le KGB ! Mais, à l’inverse, s’ils se
joignent à Clark et l’accusent d’être
un espion, il ne leur raconte pas son
histoire et plonge, dans un premier
temps, dans un profond mutisme,
avant de finalement leur servir le ca‑
nular des missiles nucléaires (auquel
il croit dur comme fer) en espérant se
tirer d’affaire. Il peut également le faire
dès que l’un des PJ lui suggère que sa
meilleure option est de leur « révéler
quelque chose d’utile ».
Andrei Bondarenko ne sait rien des
ogives dont il ignorait la présence à
bord. D’ailleurs, il connaît bien l’Ordjo‑
nikidze, et le navire n’est pas du tout
équipé pour lancer de tels missiles. En
fait, si les PJ lui en parlent pendant
longtemps et prêtent attention à son
attitude, ils réalisent que lui‑même est
dubitatif. Il avance, un peu au hasard
mais en marchant dans la combine du
KGB, qu’elles sont peut‑être dans le
navire pour être déployées, en secret,
directement sur le sol britannique ?
(c’est complètement invraisemblable,
mais à l’époque de la peur permanente
d’une attaque nucléaire…)
Andrei Bondarenko est tombé dans
le panneau de la manipulation du KGB
parce qu’il est hors de son élément
depuis le début de cette mésaventure.
Si les PJ l’apaisent et font appel à son
expérience de marin, il va finir par se
rendre compte par lui‑même, à forcer
d’en parler de manière raisonnable
avec les PJ, que cette histoire ne tient
pas la route. Des ogives nucléaires à
bord du bateau de Boulganine et de
Khrouchtchev ? Un bâtiment qui, de
surcroît, n’est pas équipé pour de telles
armes ? Ça semble quand même, litté‑
ralement, incroyable.
De son côté, David Clarke boit tout
ça comme du petit lait. Il insiste pour
que les PJ emmènent leurs deux pri‑
sonniers au QG pour faire un rapport
en toute urgence à Lady Margaret. Lui
se propose de rester à Oxford « pour
arrondir les angles avec les autori‑
tés locales ». Les PJ n’ont même pas
besoin d’un jet de dés pour réaliser
que leur irritant collègue a des arrières
pensés. En effet, s’ils le laissent seul
derrière eux, Clarke, au petit matin,
contacte son « ami au MI6 » (un agent
qui l’a recruté pour être sa taupe, par‑
don, son « correspondant officieux »
au sein du MI5).
SCÉNARIO | 131
132 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN

Rappelez aux PJ, pendant cette

scène, qu’ils sont sur la sellette au MI5.
On leur a reproché leur manque de dis‑
cernement par le passé. Jouer la carte
de la prudence, en obéissant aveuglé‑
ment à David Clarke peut être tentant,
mais soulignez que leurs personnages
n’ont aucun doute sur le fait que ce‑
lui‑ci les jettera sous les roues du bus
si l’opération tourne au fiasco.

Tolkien à la rescousse
Idéalement, leur inimitié pour Clarke
et les petits détails de l’affaire qui ne
collent pas devraient amener naturel‑
lement les PJ à se méfier. Cependant,
s’ils mordent à l’hameçon du KGB,
utilisez Tolkien pour les faire douter.
Celui‑ci ne manque pas souligner que
c’est grotesque, bien sûr, d’imagi‑
ner qu’il soit un agent du KGB ; mais
également (s’il est au courant) que
transporter une douzaine d’ogives nu‑
cléaires avec deux des plus hauts digni‑
taires soviétiques lors d’une mission
diplomatique dans un pays étranger
défie la raison. L’homme est brillant,
utilisez son intellect pour semer autant
que possible l’incertitude.
Si rien n’y fait et que Tolkien voit que
les PJ (idéalement plus raisonnables
que Clarke) tombent tout de même
dans le panneau du KGB, il finit par
jouer son joker. Il leur donne le nom
de son contact auprès du MI6 et son
numéro de téléphone. Les PJ peuvent
l’avoir en ligne au petit matin et celui‑ci
balaye d’un revers de la main l’idée que
Tolkien soit une taupe. « Non seule‑
ment M. Tolkien ne travaille qu’épi‑
sodiquement pour le MI6, mais il n’a
accès à aucune information sensible.
En outre, nous n’avons pas fait appel
à lui depuis 1953 et son assistance a
toujours concerné le décryptage et
non la conception de code. Si c’est un
traître, je me demande bien à quoi il
sert aux Soviétiques ! »

Au rapport
À ce stade, selon les actions des PJ, la
manœuvre du KGB peut déjà être dé‑
samorcée. Cependant, il est probable
qu’ils n’auront pas pu empêcher Clarke
de prévenir le MI6.
Vraisemblablement, de retour à
Londres, au milieu de la journée du 19
avril, les PJ se retrouvent face à leur
supérieure, Lady Margaret. En fonc‑
tion de leurs décisions et de ce qui se
sera passé, elle pourra être furieuse
contre eux ou seulement agacée. En
aucun cas, elle ne sera reconnaissante,
en tout cas, pas à ce stade. Elle a plus
confiance en l’agent Clarke, qu’elle
a débriefé au téléphone avant de
les recevoir.
Les PJ vont devoir être convaincants
car, pour le moment, elle pense vrai‑
ment que Tolkien est un agent russe et
que cette histoire d’ogives nucléaires
à bord de l’Ordjonikidze est à prendre
au sérieux. Évidemment, Clarke lui
a dépeint un Andrei Bondarenko
« maître‑espion », un échange discret
mais habile avec Blunt qui lui a confir‑
mé ses suspicions, et que la scène,
quand il a débarqué dans le bureau,
« ne laisse planer aucun doute ».
Atout pour les PJ, Lady Margaret est
aussi désagréable avec eux qu’elle est
intelligente. Si leur récit est assez cré‑
dible, elle change son fusil d’épaule,
réalisant que Clarke lui a servi une
version des faits qui lui convenait.
Et, elle conclut (comme les PJ, idéa‑
lement) que « tout ceci fleure bon le
stratagème du KGB pour nous pous‑
ser à l’erreur. Heureusement que ces
zouaves du MI6 n’ont pas encore eu
vent de l’affaire, nul ne sait ce que ces
excités auraient décidé de faire de ces
informations douteuses… »
Par un heureux effet scénaristique,
elle est interrompue par un coup de
téléphone. Son supérieur vient d’ap‑
prendre par son homologue au MI6
la version des événements servis par
Clarke, et il est furieux de ne pas avoir
été mis au courant de toute cette his‑
toire. Lady Margaret raccroche rapide‑
ment et se lève en disant aux PJ, l’air
de rien : « Je vais perdre les heures à
venir à me faire tirer les oreilles… Il
me faudra des heures pour arriver
à convaincre notre hiérarchie que
tout ceci n’est qu’une supercherie. Et
pendant ce temps, Dieu sait ce que
les agents du MI6 trafiquent depuis
Old Victory House à Portsmouth »
(il s’agit d’un hôtel, voir un peu plus
loin). Lady Margaret n’est pas parve‑
nue à son poste sans disposer de ses
propres « correspondant officieux » au
sein du MI6 !
Sans un mot de plus, elle quitte la
pièce. Vient‑elle, sans le dire vraiment,
de leur confier la mission de prévenir
les agents du MI6 à Portsmouth ? En
tout cas, quoi qu’ils fassent mainte‑
nant, elle pourra certainement nier
toute complicité si ça tourne mal.
Sauver le MI6
malgré lui
Selon la vélocité de vos PJ, mais éga‑
lement les préférences de vos joueurs,
il faudra peut‑être adapter le finale
proposé ci‑dessous, qui se veut orienté
« action », plus dans le ton de James
Bond que du Pont aux Espions.
Portsmouth n’est pas à côté de
Londres, les PJ n’y arriveront proba‑
blement pas avant la fin de journée.
Là, ils découvrent plus ou moins faci‑
lement que les agents du MI6 ont déjà
quitté leurs chambres. Heureusement,
celles‑ci contiennent de nombreux in‑
dices sur ce qu’ils s’apprêtent à faire,
à savoir une opération sous‑marine
(bouteilles d’oxygène défectueuses
laissées de côté, et « Buster » y a laissé
son portefeuille et ses papiers). En
regardant une carte de la région et/ou
en interrogeant les locaux, les PJ iden‑
tifient vite plusieurs endroits adaptés
SCÉNARIO | 133
134 | SCÉNARIO
CO CONTEMPORAIN

(isolés, mais à proximité du port) pour

Buster lancer leur expédition sous‑marine.
Lionel « Buster » Crabb n’est jamais revenu de cette mission sur Évidemment, l’heure tourne alors
l’Ordjonikidze. Dix jours plus tard, le 29 avril 1956, l’amirauté britan‑ qu’ils visitent site après site sans suc‑
nique a annoncé sa disparition « dans le cadre d’essais de matériel cès, et c’est à la nuit tombée qu’ils
secret, dans la baie de Stokes », à proximité de Portsmouth. L’URSS a s’approchent du dernier. Cette fois‑ci,
alors accusé les britanniques d’avoir mené une « opération d’espion‑ c’est le bon ! Deux voitures sont ga‑
nage honteuse », selon Radio Moscou. Pour conclure, le ministère rées, côte à côte sur le bas‑côté, près
des Affaires étrangères britannique a expliqué que les essais ont été d’une petite forêt qui sépare la route
menés à proximité des navires russes sans y être autorisés, et a fait de la crique où se trouvent les agents
part de ses regrets quant à cet incident. du MI6. Malheureusement pour les
Quatorze mois plus tard, un corps a été repêché. Il était décapité et PJ, un groupe d’hommes du KGB (un
avait les mains tranchées, rendant l’identification difficile. La combi‑ par PJ, utiliser le profil de Soldat vété‑
naison et les palmes correspondaient à celles portées par Buster lors ran, COC, p. 303,) est planqué dans
de sa dernière plongée, mais selon son ami Sydney Knowles et le mé‑ celle‑ci. Leur mission : s’assurer que
decin légiste, le corps ne portait pas certaines cicatrices identifiables. rien ne vienne interférer avec leur
Toutefois, deux semaines après son premier rapport, le légiste indi‑ combine. Armés de pistolets équipés
quait après un nouvel examen que les cicatrices y étaient bien… de silencieux, ils vont tenter d’abattre
les PJ avant qu’ils n’atteignent leurs
L’affaire a donné lieu à de nombreuses théories, mais on ne connaî‑
confrères du MI6 ! Ils se battent
tra jamais vraiment les conditions dans lesquelles Lionel « Buster »
jusqu’à la mort et rien ne permettra de
Crabb a disparu.
les identifier ou d’indiquer que ce sont
des Russes, encore moins des agents
du KGB, par la suite.
Lorsque les PJ parviennent tout de
même à la crique, Buster est déjà parti
en éclaireur et ne peut plus être rappe‑
lé. Il est cependant encore temps d’évi‑
ter que les autres hommes‑grenouilles
ne tombent dans le piège des Russes.
Les PJ doivent pour cela convaincre
l’officier en charge de l’opération.
Quelques heures plus tard, force est
Photo : Lieutenant R G G Coote, photographe officiel de la Royal Navy

de constater que Buster ne reviendra

pas et, en stoppant l’opération, les PJ
auront limité la casse : les soviétiques
n’auront mis la main que sur un plon‑
geur à la retraite et le MI6 pourra sau‑
ver la face.
Romain « Belaran » Pelisse
Illustrations : Mathilde Marlot
Les prétirés
John MacDonald
Ce solide écossais, après une courte carrière dans Militaire (Action) — Niveau 3
l’armée, a décidé de rejoindre le MI5, mais son fort FOR +2 DEX +1 CON +3
accent fait que les Anglais ne le prennent pas souvent INT +0 PER +1 CHA +0
au sérieux. Homme d’action avant tout, il n’a pas su
DEF 12 PV 22 Init 13
s’adapter à la subtilité requise pour le renseignement.
ATC+3 ATD+4 PC 2
En secret, c’est un fan absolu du Seigneur des an‑
Trait : Teigneux
neaux, qu’il a lu et relu pendant tout son service. Il
s’identifie beaucoup, sans le dire, au personnage de Voies : Armes à feu (3), Corps à corps (1), Danger (1)
Gimli.

Olivia Holmes
Petite et ronde, Olivia n’est pas dans les canons de Espion (Aventure) — Niveau 3
beauté de son époque, mais le MI5 l’a formée, à son FOR +0 DEX +1 CON +0
regret, au « jeu de la séduction ». Elle ne s’est pas épa‑ INT +3 PER +1 CHA +2
nouie dans ce genre de manœuvre, et ses premières
DEF 11 PV 13 Init 12
missions ont été une catastrophe à cause de cette réti‑
ATC+2 ATD+2 PC 6
cence. Elle a découvert Tolkien et son œuvre il y a peu,
lorsqu’elle a aperçu un exemplaire dans le sac de John. Trait : Expert (Psychologie +5)
Elle a lu Le Seigneur des anneaux puis Le Hobbit au Voies : Investigation (3), Furtivité (1), Voyages (1)
cours des dernières semaines, mais n’ose pas encore
aborder son collègue écossais pour évoquer la Terre du
Milieu avec lui…

Dylan Hugues
Le plus âgé des agents, ce discret ingénieur aime Scientifique/technicien (Aventure) — Niveau 3
avant tout bricoler des gadgets ou des voitures. S’il FOR +0 DEX +2 CON +0
avait été plus sûr de lui, le MI5 aurait réalisé qu’il avait INT +3 PER +3 CHA −1
peut‑être un Q (James Bond) à sa disposition. À la
DEF 12 PV 13 Init 15
place, il lui a confié des missions sans liens avec ses
ATC+0 ATD+4 PC 3
talents, avant de le mettre au placard.
Trait : Veinard
Brillant, il s’ennuyait souvent pendant ses années
d’études, et c’est à ce moment‑là qu’il a lu, pour la pre‑ Voies : Furtivité (3), Sciences (2), Investigation (1)
mière fois, Le Seigneur des Anneaux. Galadriel est, pour
lui, l’incarnation de la femme parfaite et il rêver d’être
Legolas, même si en vérité, il serait mieux placé pour
fabriquer son arc que l’utiliser.

SCÉNARIO | 135
136 | SCÉNARIO

DES OMBRES
HAWKMOON DE L’ÂGE D’OR
« Il y eut des tremblements de terre et des inondations
extraordinaires. La mer se déchira. Et dans l’espace d’un seul
jour et d’une seule nuit funeste, l’Atlantide disparut à tout
jamais dans les profondeurs de la mer. »
Gonzague de Bessiers – Mémoires fragmentées

En quelques mots… Par 41°80 de latitude nord et 05°20

Les PJ se réveillent
amnésiques sur une île
paradisiaque. Alors que leurs
hôtes se montrent à la fois
bienveillants et méfiants,
nos héros vont peu à peu
découvrir que cette terre
héberge une civilisation
relique, rescapée de l’âge
d’Or. Derrière les apparences,
l’île cache de terribles
secrets alors même que des
légionnaires du Sanglier se
trouvent déjà sur place…
Les PJ seront‑ils des sauveurs
providentiels ? Leurs hôtes
sont‑ils vraiment si inoffensifs
qu’ils le laissent paraître ?
Fiche technique
Les PJ au début
de l’histoire
Récemment, les PJ ont embarqué sur
le Moconostra, un petit navire de com‑
merce (au meneur de jeu d’en détermi‑
ner la raison). Après plusieurs heures
de navigation, les passagers du navire
aperçoivent au loin les contours d’une
île qui se détache dans le couchant.
Non cartographiée, cette terre ne de‑
vrait clairement pas être là. Depuis sa
plage volcanique, une sorte de phare
lance des signaux lumineux insistants
comme pour demander de l’aide. Plus
étrange encore, cette anomalie dispa‑
raît subitement, puis réapparaît, selon
un cycle totalement chaotique.
Décidant d’aller voir à bord d’un ca‑
not, les PJ sont subitement pris dans
une sorte de maelstrom d’énergie et
perdent connaissance…
L’Atlantide, un
de longitude est, il existe une petite
île non cartographiée, située en mer
Méditerranée, en dehors de toutes les
routes commerciales usuelles. Elle est
positionnée au‑dessus d’une plaque tec‑
tonique qui lui a permis, avec un peu
d’aide, de voir le jour. L’Atlantide se situe
quelque part à cent cinquante kilomètres
environ des côtes, mais elle peut être
positionnée ailleurs à votre convenance,
suivant les besoins de votre campagne.
À l’époque, une colonie de rescapés
lui donna vie au moyen d’un artefact
appelé « le Cœur », une très puissante
sorcellerie capable de produire une
énergie supposée infinie. Les réfugiés
s’y installèrent et, afin de protéger
leur terre, leurs scientifiques dévelop‑
pèrent un écran holographique ren‑
dant l’île invisible et l’isolant du reste
du monde. Avec le temps, cette terre
devint un petit paradis que rien ne
semblait pouvoir perturber.
Cette île perdue, vaguement circu‑
laire, est un endroit époustouflant,

TYPE • Scénario bac à sable
PJ • 3 à 5 PJ expérimentés
MJ • Expérimenté
Joueurs • Expérimenté
ACTION 
AMBIANCE 
INTERACTION 
INVESTIGATION 
mythe immortel !
Plusieurs siècles avant notre histoire,
une pluie de mort et de feu rédui‑
sit la majeure partie de la planète en
cendres. De ces ruines fumantes émer‑
gèrent de nouvelles civilisations. De
valeureux rescapés de l’âge d’Or fon‑
dèrent alors la colonie de l’Atlantide.
peuplé de créatures hors du commun.
Les côtes alternent entre falaises
abruptes et plages de sable noir an‑
noncées par des bas‑fonds vaseux qui
rendent les abords impraticables pour
des navires de hauts fonds. Ce bas‑
tion du passé possède des paysages
enchanteurs qui s’étendent à perte de
vue. Les terres, plantées de céréales, y
SCÉNARIO | 137
138 | SCÉNARIO
HAWKMOON
Les derniers
Atlantes
L’Atlantide est une création hu‑
maine issue de la puissante sorcel‑
lerie des Ancêtres. Elle fut conçue
jadis comme un Eden et abrita
une population composée essen‑
tiellement d’êtres humains assis‑
tés par une centaine de serviteurs
synthétiques.
Aujourd’hui, les derniers Atlantes
sont en fait les ultimes synthé‑
tiques de la colonie. Ces machines
antiques incarnent les derniers
représentants d’une civilisation
aux abois, au bord de l’effondre‑
ment. Dotés de capacités hors du
commun, ces « Ancêtres » éclairés
ont traversé le temps, à l’abri de la
fureur du Tragique Millénaire.
Par le passé, les hommes, expo‑
sés en permanence aux effets no‑
cifs du Cœur, devinrent progressi‑
vement stériles, conduisant de fait
au déclin rapide de leur commu‑
nauté. Parallèlement à cette situa‑
tion, les synthétiques virent leur
caractère évoluer au fil du temps,
en lien avec leurs contacts répétés
avec les hommes. Au fil des siècles,
leur part humaine prit peu à peu le
dessus dans leurs comportements,
les rendant corruptibles, avides et
matérialistes, alors qu’ils étaient
initialement programmés pour évi‑
ter l’inconvenance.
Dans ce nouveau contexte, une
rivalité larvée naquit bientôt entre
les hommes et leurs anciens ser‑
viteurs, qui conduisit à une guerre
intestine. Ce conflit fit rage, oppo‑
sant le légendaire chef humain
Issandolus au grand synthétique
Mélatias. Vaincus, les derniers
humains finirent exploités dans
les mines d’orichalque alors même
que les synthétiques avaient pris le
pouvoir.
sont noires et d’une fertilité excep‑
tionnelle. L’île fournit d’autre part
toutes les choses nécessaires à la
vie, regorgeant de plantes juteuses
et de fruits délicieux parfaitement
comestibles. Son cœur abrite une
seule cité, Atlantis, dont les habita‑
tions rutilent au soleil. Elle est noyée
dans une végétation luxuriante,
ceinturée par des sommets et des
pics abrupts culminants à presque
deux cents mètres d’altitude.
Ce lieu extraordinaire semble bâti
tout en or. Il regorge d’histoires
et de beauté naturelle. Les struc‑
tures massives et harmonieuses
reposent sur des briques parfaite‑
ment enliées, aux blocs de formes
très régulières mais arrondies.
Cette architecture et sa sorcellerie,
inconnues des PJ, s’inscrivent dans
une tradition antique et renvoient
à la survivance d’un passé glorieux.
L’endroit, vaste et envoûtant, est
arrosé par des chutes d’eau majes‑
tueuses et baigné par une rivière
aux eaux limpides. Cette cité très
ancienne est une bastide d’une
grande grâce et d’une beauté ex‑
ceptionnelle, qui a dû être très ani‑
mée autrefois. Si la majeure partie
semble abandonnée ou en ruine, le
cœur de la cité affiche encore des
demeures en forme de tourelles,
de flèches ou de dômes, aux formes
harmonieuses et symétriques. Ces
bâtiments vibrent d’une clarté
mystérieuse et changeante, faites
de nuances d’or, d’argent et de
teintes d’aquarelles. Sur les murs
se distinguent les ombres pâles et
délicates qui se déplacent à la sur‑
face des bâtiments. De cette splen‑
deur chatoyante et de ces reflets
doux et subtils émane quelque
chose de véritablement divin.
Le Cœur
Cet antique artefact, dissimulé
dans les entrailles de l’île, en
constitue le cœur. C’est un géné‑
rateur qui alimente toute chose
dans la cité et fait fonctionner l’en‑
semble de ses systèmes (les portes
automatiques, les différentes ma‑
chines et même la population de
synthétiques…). Pris dans la roche,
cet objet a l’apparence d’un cristal
irrégulier pailleté d’or, de la taille
d’une grosse citrouille. Du Cœur
partent de nombreuses veines
d’orichalque qui s’étendent dans
les mines. Comprendre le fonc‑
tionnement d’un tel artefact n’est
pas une mince affaire et nécessite
de réussir un jet de Clairvoyance
+ Savoir : Sorcellerie / 20.
Cela permet de comprendre
que l’Atlantide est en quelque
sorte vivante mais que son cœur
d’énergie est en train de mourir.
Des dérèglements majeurs sont
observables depuis déjà quelques
années. La surface de l’artefact
est parcourue de vagues d’énergie
instables qui irradient et explosent
parfois. Le rythme des pulsations
est anormal.
La surexploitation de l’île et de
ses filons d’orichalque semble être
la cause de cet affaiblissement
considérable. C’est ce qui explique
par exemple le fait que l’écran
holographique connaisse à présent
des dysfonctionnements et des ex‑
tinctions, rendant alors l’Atlantide
visible de tous et sans protection.
À terme, ces anomalies pourraient
entraîner la destruction du Cœur,
puis conduire à l’effondrement de
l’Atlantide.
L’écran holographique
ou holocran
Ce bijou de sorcellerie, alimenté
par le Cœur, forme une barrière
intangible, un dôme protecteur
dont l’hologramme dissimule les
contours de l’Atlantide aux yeux
de tous. Cette illusion très réaliste
efface visuellement l’île, la ren‑
dant indétectable. De plus, cette
protection défensive possède les
capacités d’assommer toute chose
vivante la traversant, conjuguée
à la faculté d’effacer les souvenirs
récents d’une victime. Un humain
confronté à une telle sorcellerie
sera assommé dès son entrée dans
le champ de l’holocran en même
temps qu’il sera victime d’une am‑
nésie effaçant sa mémoire récente.
En raison des problèmes du Cœur,
ce bouclier millénaire donne à pré‑
sent des signes de fatigue entraî‑
nant des extinctions sporadiques.
Les séides du
Ténébreux
Empire
Récemment, l’Atlantide a été
découverte par hasard par des
Granbretons du Sanglier. Plusieurs
jours avant l’entrée en lice des
PJ, ces guerriers ont accosté sur
une des plages, à la faveur d’une
panne de l’holocran. Leur chef de
meute, le sinistre Ark Démédon,
s’est immédiatement lancé dans
une mission d’exploration à la
tête de ses meilleurs éléments. Les
légionnaires ont fini par découvrir
Atlantis et sa petite population.
À la faveur de la nuit, ils ont lancé
une attaque surprise contre la cité,
causant d’énormes pertes chez
les Atlantes, même si les pertes
subies coté Granbretons les ont
finalement contraints à se replier
après pillage.
Amnésiques !
Au commencement de cette
aventure, nos valeureux résistants
s’éveillent dans une étrange habi‑
tation aux murs faits d’or patiné.
Les ouvertures laissent passer une
lumière tamisée alors que des oi‑ restaurer. Les PJ ignorent pour‑
seaux s’égosillent à l’extérieur. Sur quoi et comment ils sont arrivés
les tables, plusieurs corbeilles de là. C’est un peu comme si leur
fruits appétissants et des carafes mémoire récente avait été effa‑
d’eau cristalline permettent de se cée et qu’ils se trouvaient frappés
Ark Démédon,
chef de meute de l’ordre du Sanglier
Grand, brun, bien bâti et charismatique, Ark est craint et respecté par
sa meute. Son caractère et sa personnalité froide, cruelle et sadique lui
ont permis de se frayer un chemin dans les méandres sinueux de son
ordre. Sociopathe, il lui est impossible d’éprouver de la pitié, de la culpa‑
bilité ou des remords. Il est déterminé, et ses compétences et son sens
de l’organisation ne doivent en aucun cas être sous‑estimés.
Afin de représenter ses hommes, vous pouvez vous inspirer du mer‑
cenaire du Vautour présenté à la p.295 du livre de base. Dépourvus de
jugeote et amoraux, ses Sangliers grognent en permanence. Ils sont plus
proches de leur animal totem que d’êtres humains.
Ark Démédon
Caractéristiques
Adresse 7 Clairvoyance 6 Présence 5
Puissance 6 Trempe 7
Armes à distance 5, Discrétion 5, Mêlée 7, Monte 3, Mouvements 3,
Perception 4, Soins 1, Survie 3, Persuasion 2, Coercition 4.
Talents
Prédilections : Armes à une Main (Mêlée), Vigilance (Perception),
Intimidation (Coercition), Course (Mouvements), Recherche (Perception),
Arme de jet (Arme à distance).
Dur au mal, crapule, Parade.
Combat
Vitesse : 6
Seuil de Vigueur : 7 (avec dur au mal)
Initiative : 1d10 + 7
Capacité offensive : 13 + BO
Seuil de Défense : 23 + BD (avec parade)
Protection : 8 (harnois granbreton)
Ressources
Bonne aventure : 5 Éclat : 2
Équipement
Une sacoche de cuir encombrante, remplie de divers objets en or (ou
plutôt en orichalque) dont le chef de meute ne veut plus se séparer.
Un bouclier rond très maniable, forgé dans un métal inconnu, léger et
très résistant, dérobé aux atlantes (valeur de protection + 2). Hache de
bataille, coutelas, deux javelots de lancer.
SCÉNARIO | 139
140 | SCÉNARIO
HAWKMOON

d’amnésie. Étrangement, leurs

Démétÿr armes et armures lourdes leurs ont
Balafré, Démétÿr possède un visage de caractère. Sophistiqué, il est été enlevées.
hanté par son passé douloureux et n’est autre que le légendaire Mélatias Leur habitation est dotée de
qui terrassa autrefois les humains à l’issue d’une mutinerie. Une fois les deux magnifiques portes d’or her‑
derniers adversaires décimés, ce dirigeant effaça les mémoires de ses métiques fonctionnant comme
pairs au moyen de l’Imaginarium. Il s’employa ensuite à développer sa des sas automatiques dès qu’on
société parfaite. s’en approche. Les deux accès sont
Ce synthétique est une exception en ce sens qu’il est, avec Mézion surveillés depuis l’extérieur par
(cf. Mézion l’exilé), le seul à connaître le véritable passé de l’Atlantide. quatre gardes, Harild, Vernède,
À ce titre, il est capable de comprendre parfaitement les sentiments Bartéomus et Galanie, qui saluent
humains, de les analyser finement et de les reproduire, une contrepartie poliment les PJ et vont les suivre
étant qu’il a développé certains des travers de ses adversaires d’antan, dans tous leurs déplacements. Les
comme le mensonge ou la trahison. C’est pour cette raison que ses PJ comprennent rapidement qu’ils
semblables peuvent parfois paraître plus froids et inhumains que lui. peuvent aller où bon leur semble ;
Démétÿr pense à présent que les ressources de l’Atlantide s’épuisent et seule une partie de la bastide
que la cité n’est plus un environnement propice à la survie de son peuple. semble leur être interdite. Leurs
Les récents événements lui ont fait comprendre que dans un monde gardiens sont de solides gaillards
en pleine mutation, l’Atlantide affaiblie doit désormais faire face à des aux visages fermés portant des
menaces extérieures qui viennent remettre en cause sa souveraineté bandages sanglants aux bras et
voire sa survie. aux jambes. Bizarrement ils ne
portent ni armes ni armures, mais
Démétÿr seulement des gantelets d’acier qui
Caractéristiques couvrent leurs avant‑bras.
Adresse 6 Clairvoyance 7 Présence 5 Puissance 6 Trempe 5 Peu de temps après leur éveil, les
résistants sont conduits au palais
Armes à distance 5, Coercition 6, Discrétion 3, Mêlée 4, Mouvements 4,
de Démétÿr, le roi des Atlantes. Ce
Persuasion 8, Perception 4.
dernier les reçoit poliment dans
Talents
une vaste salle très lumineuse
Prédilections : Armes à feu (Armes à distance), Vigilance (Perception), aux murs recouverts d’or. Le sym‑
Intimidation (Coercition), Course (Mouvements), Recherche (Perception). bole Ψ est présent un peu partout
Aura princière, beau parleur. dans la cité. D’après les Atlantes,
Combat ce trident symbolise l’Atlan‑
Vitesse : 5 tide, une ancienne thalassocratie
Seuil de Vigueur : 5 conquérante.
Initiative : 1d10 + 6 Lors de cette entrevue, Démétÿr
Capacité Offensive : 10 + BO occulte soigneusement l’attaque
des granbretons, souhaitant
Seuil de Défense : 16 + BD
d’abord mieux connaître les PJ
Protection : 6 (Endosquelette standard)
avant de se livrer davantage.
Ressources L’Atlante peut cependant répondre
Bonne aventure : 3 Éclat : 1 à certaines questions des PJ.
Équipement Que faisons‑nous ici ?
La clé Ψ de la chambre forte et celle de la salle du charnier. Un pistolet Vernède, un de nos patrouilleurs
automatique contenant un chargeur de 12 balles de 9 mm. vous a trouvé inanimés, sur une
Arme Bonus / SD Dégâts Courte Longue plage située à l’est de l’île. Nous
Pistolet 9 mm +1 /+0 +4 15 25 vous avons ensuite ramenés ici
pour vous soigner.
Pourquoi notre mémoire récente
est‑elle effacée ?
 J’ignore pourquoi. Peut‑être
est‑ce à cause d’une des tempêtes
d’énergie qui frappent parfois
notre terre.
D’où viennent l’Atlantide et
son peuple ?
Cette île est l’œuvre des dieux
et les Atlantes sont leurs enfants,
modérés et dépourvus de dépra‑
vation. L’Atlantide est située aux
frontières du monde connu. C’est
une région fabuleuse baignée par
la mer Méditerranée. Peu nom‑
breux sont ceux qui ont un jour
eu l’honneur de fouler cette terre
sacrée. Vous êtes à n’en pas douter
des Élus des dieux.
Un coin
de paradis !
L’Atlantide figure la survivance
d’un système condamné à dis‑
paraître. Cette civilisation cré‑
pusculaire est proche de vaciller.
Explorer ce lieu ancien, tout en
nuance, plonge dans une ambiance
futuriste, paradoxalement issue
d’un passé lointain. Une partie
du sel de cette aventure consiste à
doser savamment les découvertes
des PJ lors de leurs investigations
dans la cité des Atlantes. Les résis‑
tants partent ici à la découverte
de l’histoire de cette civilisation
et de son passé florissant. Les
paragraphes suivants regroupent
autant de thèmes qui devraient
attiser la curiosité des joueurs au
cours de leurs déambulations.
L’écran holographique
L’île est protégée par un écran
holographique qui la dissimule
aux yeux de tous. Ce bouclier
intangible donne à présent des
signes de fatigue mais les Atlantes
sont incapables d’expliquer la
cause de ce dysfonctionnement.
De prime abord, il semble impos‑
sible de connaître la source de cet
écran protecteur.
La tablette
des Ancêtres
Une inscription en langue des
Ancêtres est gravée sur le mono‑
lithe d’or qui trône sur la place
centrale de la cité. Un jet réussi en
Clairvoyance + Savoir : Monde
Ancien / 15 révèle la traduc‑
tion suivante :
« L’âge d’Or touche à sa fin alors
que l’entropie s’empare de tout et
étend peu à peu son ombre. Sans
ordre, des guerres viendront pour
rassasier les appétits des hommes.
Leur issue changera la face de ce
monde à jamais. Mais après ces
temps de chaos reviendra une
ère de bonheur et de prospérité,
à moins que les hommes n’en dé‑
cident autrement. »
Le reste de la sculpture met
en scène des manœuvres mili‑
taires effectuées avec d’énormes
machines et des astronefs volants
dotés d’étranges hélices (il s’agit
en fait d’hélicoptères).
Le cimetière
S’intéresser au cimetière et le
visiter permet de s’apercevoir
(Clairvoyance + Perception / 14)
que personne n’a plus été enterré
ici depuis plus d’un siècle. La plus
récente tombe est celle d’un dé‑
nommé Issandolus. Si les PJ vont
jusqu’à déterrer ce cadavre, ils
découvriront, à ses os brisés, que
cette personne a apparemment
connu une mort violente.
L’Imaginarium
Il s’agit ici d’un endroit étrange,
une sorte de grande halle dotée d’un
large couloir central qui dessert
deux salles contenant chacune plu‑
sieurs récamiers (fauteuils longs)
capitonnés. L’ambiance clair‑obs‑
cur des deux pièces contraste avec
la luminosité du couloir.
La première salle, l’Imaginarium,
est utilisée par les Atlantes pour
se reposer et se détendre. C’est ici
qu’ils se ressourcent (c’est aussi ici
que Démétÿr effaça la mémoire de
ses pairs afin de les libérer de leur
sombre passé). Étrangement, ces
machines sont sans effets sur les PJ
(car ce ne sont pas des synthétiques).
La seconde salle, le miroir de
l’âme, contient une bulle‑écran
dotée d’un pupitre ainsi qu’un
gantelet relié à l’ensemble par
un réseau de câbles. Les Atlantes
assurent que ces machines dys‑
fonctionnent et qu’elles sont dan‑
gereuses. Pourtant il suffit d’enfiler
un gantelet d’or puis d’actionner
la molette présente sur le pupitre
pour voir la bulle‑écran s’allumer
et afficher ce qui se trouve dans
la mémoire du connecté. Il suffit
d’actionner la molette d’avant en
arrière pour avancer ou reculer
dans la mémoire du PJ. Cette sor‑
cellerie est donc capable de fouil‑
ler la mémoire et peut permettre
aux PJ de retrouver ce qu’ils ont
oublié. Ces installations ne fonc‑
tionnent pas avec les Atlantes (car
ils ne sont pas humains).
En utilisant cet objet, un PJ va
pouvoir accéder aux informa‑
tions qu’il a oubliées concernant
leur arrivée sur l’île (cf. Les PJ au
début de l’histoire). Il se voit em‑
barquer avec ses camarades sur le
Moconostra puis, après plusieurs
heures de navigation, c’est l’arri‑
vée au large d’une île inconnue se
détachant dans le couchant. Le PJ
voit une sorte de phare dressé sur
une plage volcanique, qui lance
des signaux lumineux insistants,
comme pour demander de l’aide.
SCÉNARIO | 141
142 | SCÉNARIO
HAWKMOON
Le plus étrange est que l’île dis‑
paraît subitement, avant de réap‑
paraître, plusieurs fois, selon un
cycle totalement chaotique.
À bord du Moconostra, tous sont
terrorisés par cette sorcellerie dia‑
bolique. Seuls les PJ insistent pour
qu’un canot soit jeté à la mer. La
mémoire semble s’estomper alors
que les résistants rament en direc‑
tion de l’île et que le Moconostra
s’éloigne rapidement. Puis les PJ
sont pris dans une sorte de maels‑
trom d’énergie et la bulle‑écran
redevient noire.
Enfin, si le PJ tourne encore la
molette, l’image revient au mo‑
ment précis où il s’est éveillé dans
l’appartement du début.
Les trésors
de l’Atlantide
Outre l’or que l’on retrouve un
peu partout dans la cité, mais qui
est en fait de l’orichalque, Atlantis
regorge également de nombreuses
pierres jaunes éclatantes, souvent
taillées et facettées en poire. Ces
merveilles, grosses comme des
noix pour les plus volumineuses
sont en fait des citrines, extraites
autrefois des entrailles de l’île.
Le jardin d’Eden
Ce jardin fastueux, harmonieux
et apaisant, s’étire au sud‑ouest de
la ville. Il est l’œuvre de Valéron,
un synthétique botaniste qui y tra‑
vaille jour et nuit, sans relâche. Ce
lieu forme une mosaïque de fleurs
et d’arbustes aux couleurs expres‑
sives dont il émane quelque chose
de divin. L’ensemble des volumes
et des tracés respecte scrupuleu‑
sement le nombre d’or. Prendre
le temps de s’aventurer au moins
une heure dans ce jardin plonge
le promeneur dans un moment
suspendu aux effets réparateurs.
En pratique, toute chose vivante
regagne un niveau de combativité.
La forge d’orichalque
Cette vaste forge à demi enterrée
contient toutes sortes de moules
utilisés pour concevoir les objets
en or qu’on retrouve dans la cité.
C’est également ici que sont fon‑
dues les briques d’or utilisées pour
les habitations. Un Atlante nommé
Vulcain se charge de réaliser les
commandes qui lui sont faites.
La rivière plane
Aux portes de la cité, un cours
d’eau alimente un lac tacheté
aux eaux turquoise et aux berges
moussues. L’eau qui alimente les
différents bâtiments est puisée
dans cette rivière au moyen d’un
système de captage ingénieux.
Les bâtiments qui suivent sont
situés dans la zone normalement
interdite d’accès aux PJ. Il est ce‑
pendant possible que ces derniers
trouvent un subterfuge pour se
soustraire à la vigilance de leurs
gardes et accèdent à ces lieux.
Le Memoria Mundi
« Le vieux monde se meurt et de
ses cendres le nouveau monde est
lent à émerger ».
Telle est la phrase gravée en
langue des Ancêtres sur la poutre
de la porte d’entrée.
Ce temple abandonné est consi‑
déré comme hors service par les
Atlantes. Il n’en est rien et si les
PJ décident d’aller y jeter un œil,
ils s’apercevront rapidement que
le Memoria Mundi fonctionne
parfaitement. Pour cela, il suffit de
s’installer dans un récamier très
confortable, de s’équiper du gante‑
let d’or qui lui est relié, de fermer
les yeux et de se laisser aller. Le
Memoria Mundi lance alors une
projection mentale qui présente
les grands hommes et femmes qui
ont façonné l’Atlantide. Les PJ
n’y apprendront pas grand‑chose
en réalité mais ils s’apercevront
(Perception + Clairvoyance / 15)
qu’à toutes les étapes de l’his‑
toire de l’île, ils retrouvent des
visages familiers (Démétÿr, par
exemple, mais aussi Galanie ou
Vulcain). Comment les Atlantes
ont‑ils fait pour échapper aux ef‑
fets du temps ?
La salle du charnier
Le sol à l’extérieur de ce bâti‑
ment en forme de dôme porte
de très nombreuses traces de
pas ainsi que des flaques de sang
séchées. La porte est condamnée
mais peut‑être forcée (Adresse +
Filouterie / 17). L’intérieur, plongé
dans l’obscurité, sent la chair en
décomposition. On dirait qu’une
bataille rangée récente s’est dérou‑
lée ici. S’y trouvent une douzaine de
cadavres dont plusieurs Atlantes
mais également trois dépouilles
de légionnaires du Sanglier ! En
observant les cadavres, un jet
réussi en (Clairvoyance + Soins /
15) permet de déterminer que les
Atlantes ne sont pas humains. Ces
découvertes inattendues changent
quelque peu la donne et peuvent
conduire les PJ à demander des
explications à Démétÿr…
La chambre forte
C’est ici que sont conservées les
armes des PJ qui leurs ont été ôtées
à la suite des exactions commises
récemment par les Granbretons.
Elle est protégée par une porte cir‑
culaire très épaisse scellée, la seule
manière d’ouvrir cette chambre
étant de dérober la clef trident (Ψ)
de Démétÿr.
SCÉNARIO | 143
144 | SCÉNARIO
HAWKMOON
À l’extérieur
d’Atlantis
Si les PJ s’aventurent à l’extérieur
d’Atlantis, ils seront confrontés à une
végétation luxuriante, peuplée d’oi‑
seaux et de petits rongeurs inconnus.
À l’est de l’île, ils retrouveront le phare
qui les a attirés ici. C’est là qu’ils pour‑
ront rencontrer Mézion. Au nord se
trouve le campement des Granbretons.
Enfin, l’Atlantide accueille aussi de
très anciennes créatures, les archǽops,
supposées protéger les extérieurs
de la cité.
Espionner le campement
des Sangliers
Les PJ peuvent découvrir le camp
des Granbretons situé sur une plage
au nord de l’île où la navigation est
gênée par les bas‑fonds vaseux et le
limon. Le site, peuplé par une dizaine
de légionnaires, regroupe plusieurs
canots et des tentes. Le camp est truffé
de grands feux prévus pour éloigner
les redoutables archǽops. Au large
mouille une petite goélette baptisée
La Baliste. À son bord, une poignée de
Requins vaquent à leurs occupations.
Mézion l’exilé
Mézion est le synthétique qui a acti‑
vé le phare pour attirer des sauveurs,
car il pressentait un drame pour son
peuple. Cet Atlante désabusé est un
proscrit qui choisit jadis de se ranger
aux côtés d’Issandolus pour défendre
la cause des humains. Autrefois me‑
nacé de mort par ses congénères, il
a dû s’exiler ici. Pour sûr, Mézion ne
laisse pas indifférent. Cauteleux, il a
désormais son arrogance pour seule ri‑
chesse. Comme Démétÿr, ce dissident
connaît toute la vérité sur l’Atlantide et
sur les rouages profonds de cette socié‑
té relique d’un passé révolu. Il pourra
au besoin compléter les connaissances
des PJ. Mézion vit au milieu d’un
groupe d’archǽops qui assure sa pro‑
tection et qu’il a appris à monter à cru.
Soit dit en passant, cet Atlante ferait
un bien meilleur roi que Démétÿr…
L’Atlantide et ses secrets
Bien des trouvailles attendent les
PJ lors de leurs investigations. Le
MJ s’attachera à dévoiler ces décou‑
vertes en réponse à la curiosité et à
la perspicacité des joueurs. Les para‑
graphes ci‑dessous éclairent certaines
problématiques et devraient amener
les résistants à s’interroger.
Une civilisation perdue
L’Atlantide est un endroit exception‑
nel qui possède une dimension occulte
doublée d’une cohérence archéolo‑
gique. Son ordre particulier, aux ac‑
cents parfois familiers, devrait heurter
les repères, les références et les valeurs
des PJ. Comment cette civilisation ago‑
nisante a‑t‑elle réussi à s’adapter à la
chute de l’ancien monde et à la disrup‑
tion ? D’un autre côté, les Atlantes
ignorent complètement comment
le monde a évolué. Ils ignorent par
exemple ce que sont les Granbretons
ou les mutations. L’arrivée d’Ark
Démédon et de sa meute les confronte
donc à l’inattendu et à l’inacceptable.
Des faits observables
Si les PJ se montrent curieux
(Clairvoyance + Perception / 12), ils
s’apercevront qu’il n’y a nul enfant
ni vieillard dans toute la cité. En fait,
tous les Atlantes ont le physique d’une
personne d’une trentaine d’années.
Par ailleurs, un nouveau jet réussi de
Clairvoyance + Perception / 15, per‑
met de s’apercevoir que les Atlantes ne
mangent ni ne boivent jamais, même
s’ils tentent de dissimuler ce fait à leurs
hôtes. Enfin, les PJ constateront rapi‑
dement qu’il ne reste que très peu d’At‑
lantes, à peine plus d’une vingtaine en
comptant leurs quatre gardes. Ils re‑
marqueront aussi que certains portent
des blessures par arme récentes…
La sorcellerie
Les PJ remarqueront que les Atlantes
qualifient la sorcellerie de technologie
ou de science.
Les secousses sismiques
Comme les PJ le remarquent, cer‑
tains bâtiments sont effondrés depuis
peu. De la même manière, ils res‑ Les aveux de Mézion :
sentent parfois que le sol vibre légè‑ une vérité glaçante
rement. Ces tremblements de terre se Dans les temps anciens,
produisent plusieurs fois par jour et l’Atlantide était gouvernée
ne cessent de gagner en intensité. Les par des souverains sages,
Atlantes ne savent pas expliquer l’ori‑ justes et vertueux. Durant
gine du problème et c’est donc aux PJ cet âge d’Or, ils édifièrent
de le découvrir. une cité d’or et de lumière
au cœur d’un monde riche
d’innombrables ressources
Les sombres et secrets. Mais avec la
décadence, les Atlantes
projets d’Ark finirent par oublier leur
Démédon histoire. Ils exploitèrent les
mines d’orichalque, au‑delà
Arrivés ici plusieurs jours avant les du raisonnable, menaçant les
PJ, les Granbretons sont les premiers équilibres de leur écosystème
étrangers à fouler le sol de l’île depuis jusqu’à le faire vaciller.
des siècles et à y semer le chaos. Les
Sangliers agissent ici en freelance, hors
de tout contrôle.
Opportuniste, Ark fait preuve d’ini‑
tiative et manipule habilement ses
hommes. Il sait que cette expédition
non officielle pourrait le conduire
directement en cour martiale, mais
il sent que les secrets de l’île peuvent
dépasser toutes ses espérances et
satisfaire sa soif de richesse. Il existe
une forme de collusion entre Ark et
ses hommes qui le voient comme un
gourou. Attiré par les butins, l’or et le
pouvoir, le chef de meute compte piller
l’île, massacrer ce qui reste de sa po‑
pulation ou, pourquoi pas, en devenir
le monarque.
Il appartient au MJ de décider quand
et comment il met en scène les événe‑
ments repris ci‑dessous.
L’attaque surprise
• Ark Démédon lance une nouvelle
attaque à la tête de huit de ses meil‑
leurs Sangliers, de jour ou de nuit.
C’est peut‑être à cette occasion que
les PJ vont s’apercevoir que des
Granbretons sont présents sur l’île et
qu’il est donc capital d’empêcher ce
joyau de tomber entre leurs mains.
L’enlèvement de Monia
• Monia est une Atlante habituellement
chargée du service. Les PJ l’ont déjà
SCÉNARIO | 145
146 | SCÉNARIO
HAWKMOON
croisée à maintes reprises dans
ce cadre. Lors de l’attaque sur‑
prise d’Atlantis (ou à une autre
occasion), cette synthétique est
enlevée par les Granbretons. Cet
événement gravissime sèmera le
trouble dans la communauté, y
compris chez Démétÿr.
• Dans le campement granbreton,
Monia sera torturée et elle finira
par révéler l’entrée cachée de la
mine d’orichalque dissimulée
par un holocran. Ark, dévoré par
sa soif irrépressible de fortune,
décide alors d’explorer cette
mine aurifère…
S’emparer du Cœur
• À ce stade, il est probable que les
effectifs de Sangliers soient plus
réduits. Ark monte une expédi‑
tion visant à s’emparer du Cœur
de l’Atlantide. Ils sont pour cela
accompagné de Monia, ligotée et
tuméfiée. Cette dernière, terrori‑
sée à l’idée d’entrer dans la mine
maudite, tombe en panne après
seulement quelques mètres
sous terre. Sa dépouille est alors
abandonnée par les Sangliers qui
poursuivent leur périple.
Un cas de force
majeure
L’heure est grave et Démétÿr re‑
quiert la présence des PJ (en fonc‑
tion de leur comportement passé
bien sûr). Les attaques répétées
des Granbretons et l’enlèvement
de Monia contraignent le roi des
Atlantes à jouer cartes sur table
et à tenter le tout pour le tout.
Manifestement troublé, il reçoit les
résistants dans le grand salon de
ses appartements et leur explique
à peu près ceci :
« Comme vous avez pu le consta‑
ter, nous ne sommes plus qu’une
poignée et nous faisons face à une
menace qui nous dépasse. Sachez
que l’Atlantide possède une mine
d’où provient l’orichalque de
notre cité. Elle n’est plus exploitée
depuis un siècle. J’ai déjà envoyé
plusieurs expéditions dans ce lieu
souterrain, mais aucune n’est
revenue et j’ai fini par abandon‑
ner cette option. L’enlèvement
de Monia va permettre aux
Granbretons de connaître l’entrée
cachée de cette mine. Il est abso‑
lument nécessaire d’empêcher ces
monstres d’atteindre le Cœur de
l’Atlantide. L’énergie de cet objet
anime toute chose ici. Je vous
demande humblement votre aide
pour stopper ces agresseurs. »
Si les PJ n’ont pas encore été
confrontés aux archǽops, Démétÿr
les met en garde contre ces créa‑
tures qui vivent hors de la cité.
Il leur propose alors de leur faire
installer des implants microder‑
maux. Le premier annule les effets
amnésiques et assommants de
l’holocran. Le second empêche les
archǽops d’attaquer leur porteur.
Avec leur accord, ces implants
leurs seront installés dans une
salle de l’Imaginarium, au moyen
d’une seringue, par Nobutabé, un
laborantin plutôt maladroit.
Dans la mine
d’orichalque
La mine d’orichalque a mauvaise
réputation. Les rumeurs relayées
par les Atlantes évoquent un dan‑
ger omniprésent dans cet endroit
maudit. Aucun de ceux qui s’y
sont aventurés auparavant n’en
est revenu.
Elle se situe quelque part à
l’ouest de la cité d’Atlantis, à flanc
de montagne. Son entrée est dissi‑
mulée par un holocran qu’il suffit
de franchir pour révéler un trou
béant. On accède aux profondeurs
de la mine au moyen d’un escalier
taillé dans la roche qui s’enfonce à
plus de 80 mètres sous terre. On
débouche ensuite sur un tunnel
cyclopéen, en forte pente, dont la
voûte s’élève à 30 mètres de hau‑
teur. Un peu partout, des veines
d’orichalque forment de larges
saignées qui zèbrent les parois
des galeries. Des merveilles géo‑
logiques, stalactites, stalagmites
et concrétions calcaires façonnées
par le temps ponctuent le trajet.
Après une centaine de mètres de
progression, les PJ tombent sur
plusieurs dépouilles d’Atlantes
inanimés. Il y a peut‑être une
vingtaine de corps au total, dont
celui de Monia, enlevée récem‑
ment. Étrangement, les cadavres
ne sont pas décharnés. On dirait
davantage qu’ils sont en sommeil,
même si aucune fonction vitale
n’est perceptible (Clairvoyance +
Soins / 12). En effet, les synthé‑
tiques ne fonctionnent plus sous
terre. À une certaine profondeur,
cela perturbe leur alimentation
puis les plonge dans un sommeil
artificiel. Plusieurs galeries vague‑
ment parallèles conduisent jusqu’à
un embarcadère qui permet de tra‑
verser une rivière souterraine au
moyen de barques.
À présent, voici des exemples
d’événements qui peuvent se pro‑
duire dans la mine :
Alors que les PJ progressent
dans un boyau ou sur une barque,
un tremblement de terre secoue la
mine. Il débute par des secousses
légères qui gagnent en intensité.
Des blocs de roches et des stalac‑
tites se détachent du plafond, me‑
naçant de les écraser ou de couler
leur embarcation. Plusieurs jets de
Mouvements + Adresse / SD entre
10 et 15 sont nécessaires afin d’évi‑
ter le pire. Puis le calme reprend
finalement ses droits.
 De l’autre côté de la rivière, au
débarcadère, les PJ découvrent
une autre barque (celle utilisée
par les Sangliers). Ils perçoivent
aussi (Clairvoyance + Perception
/ 15) des sortes d’ondes sonores,
pareilles aux déflagrations des
éclairs. Au fur et à mesure qu’ils
progressent, ces bruits gagnent en
intensité. Les PJ débouchent fina‑
lement dans une vaste chambre
dont le mur opposé contient une
pierre bleutée et pailletée, aux
contours très irréguliers. Cette
sorcellerie est enchâssée dans la
roche dont partent de nombreuses
veines d’orichalques exploitées. Ce
Cœur vibre et est agité de soubre‑
sauts. Des éclairs bleutés partent
de son centre et frappent aléa‑
toirement les parois, qui se désa‑
grègent. Éviter ces éclairs nécessite
de réussir un jet de Mouvement +
Adresse / 12, la puissance de ces
jets d’énergie étant de 16. Au‑delà
du danger, la situation semble
critique pour le Cœur. En effet,
un jet de Clairvoyance + Savoir :
Sorcellerie / 18 permet de com‑
prendre que l’artefact est en train
de mourir. Suivant le cas, Ark et
ses hommes, fidèles à leur finesse
légendaire, sont probablement en
train d’essayer de briser le Cœur
pour en récupérer des échantillons.
Il est temps d’agir car, à défaut,
cette action entraînera la destruc‑
tion de l’Atlantide et sa disparition
dans les flots de la Méditerranée.
Il appartient au MJ de déci‑
der ce que font les Granbretons.
Les PJ peuvent par exemple les
surprendre dans la chambre du
Cœur alors qu’ils tentent de bri‑
ser un morceau de l’artefact pour
s’en emparer. Au contraire, les
Sangliers peuvent leur tendre
une embuscade afin d’éliminer
leurs concurrents. Quelle que soit
l’option retenue, le groupe d’Ark
Démédon compte autant de lé‑
gionnaires que de PJ…
Échec ou mat !
Si les Granbretons l’emportent
et se rendent maîtres de l’île, des
sorciers du Serpent ne tarderont
pas à déferler sur cette terre pour
en percer tous les secrets. D’autre
part, si les Sangliers parviennent
à briser le Cœur, cela déstabili‑
sera instantanément l’Atlantide,
entamant son processus de des‑
truction. En moins de vingt‑quatre
heures, elle s’enfoncera dans les
abysses, obligeant les PJ à fuir pré‑
cipitamment pour échapper à cette
apocalypse.
SCÉNARIO | 147
148 | SCÉNARIO
HAWKMOON

Inversement, si les PJ l’em‑
portent, ils auront alors la pos‑
sibilité de sauver pour un temps
l’Atlantide d’un destin tragique.
Il leur faudra préalablement
faire disparaître tous les témoins
de l’existence de ce joyau (les
Granbretons), peut‑être avec
le concours de Mézion, de ses
archǽops et des synthétiques pro‑
tecteurs. À ce stade, les PJ peuvent
parfaitement conserver l’île pour
eux. Elle constitue en effet un
endroit secret de premier plan,
parfait pour des résistants en ma‑
raude. Dans ce cas, il appartient à
chaque meneur d’apprécier la via‑
bilité de l’Atlantide en fonction de
la situation. En effet, le Cœur reste
très instable et fragile et pourrait
exploser à tout moment, entraî‑
nant un cataclysme qui engloutira
l’île en l’espace d’un jour et d’une
nuit funeste. Ce désastre effacera
toutes traces de cette brillante civi‑
lisation de l’âge d’Or. Dans ce cas
les PJ devront trouver un moyen
de fuir en utilisant un canot, la
Baliste ou encore en construisant
un radeau de fortune. À noter que
la destruction du Cœur mettra
instantanément un terme au fonc‑
tionnement de tous les systèmes et
de toutes les machines de l’Atlan‑
tide, synthétiques compris.
Réparer le Cœur nécessite des
trésors d’ingéniosité qui peuvent
faire l’objet d’une ou de plusieurs
quêtes. Pour le stabiliser, il faut
d’abord réduire sa consommation
d’énergie en déconnectant cer‑
tains systèmes, voire des synthé‑
tiques (et en évitant par exemple
à tout prix de ramener à la surface
les synthétiques inanimés dans
la mine. Cette erreur aura pour
effet de les ramener à la vie, aug‑
mentant de fait la consommation
d’énergie du Cœur…).
Pour finir, le MJ doit garder à
l’esprit que les synthétiques ne
sont pas des enfants de cœur et que
par le passé, ils ont été capables
d’éradiquer leurs frères humains…
Olivier Durand
Illustrations : Anthony Boursier
Plans : Josselin Grange

Synthétiques protecteurs ou standards

Il reste seulement quatre synthétiques protecteurs
depuis l’attaque des Sangliers. Ces modèles sophisti‑
qués sont avant tout des machines à tuer qui n’ont pas
besoin de dormir, de manger ou de boire. Nerveux et
implacables, ils ont un physique massif qui n’augure
rien de bon. Les protecteurs sont dotés de gantelets
d’acier qui couvrent entièrement leurs avant‑bras et
leurs permettent de parer et d’attaquer. Tous les syn‑
thétiques sont faits de sang et de chair à tel point qu’il
s’avère presque impossible de les reconnaître. Seuls
des modules internes, profondément enfouis, révèlent
leur véritable nature. Il est possible de les démasquer
sous réserve de réussir un jet de Clairvoyance + Soins
/ 20. À noter que les synthétiques sont convaincus
aujourd’hui d’être des humains. Enfin, ces machines
sont alimentées par le Cœur. Si elles perdent le contact
avec cette source d’énergie, elles se désactivent. C’est
ce qui arrive par exemple quand elles s’enfoncent trop
profondément sous terre.

Synthétique protecteur
Caractéristiques Seuil de Vigueur : 8 (avec dur au mal)
Adresse 6 Clairvoyance 5 Présence 6 Initiative : 1d10 + 6
Puissance 7 Trempe 8 Capacité Offensive : 13 + BO
Discrétion 4, Mêlée 6, Mouvements 5, Perception 5 Seuil de Défense : 22 + BD
Talents Protection : 8 (Endosquelette renforcé)
Prédilections : Armes à une Main (Mêlée), Vigilance Ressources
(Perception), Course (Mouvements), Recherche Bonne aventure : 2 Éclat : ‑
(Perception)
Équipement
Dur au mal, ambidextre, deux mains droites
Bracelets et colliers d’orichalque, gantelets de combat
Combat en acier (+3 / +0, dégâts +1)
Vitesse : 5
Gains
Expérience et Éclat
Action PX PE
Survivre à l’aventure 3PX
Découvrir tout ou partie des mystères de l’Atlantide et reconstituer son histoire perdue 2PX
Sauver l’Atlantide 3PX 1PE
Empêcher Ark Démédon et ses hommes de se rendre maître de l’île ou de la détruire 3PX 1PE

Pour la Cellule
Si les PJ sont parvenus à sauver l’Atlantide et son peuple et si la Notoriété de leur Cellule est inférieure ou égale
à 3, celle‑ci augmente d’un point.
S’ils ont réussi à débarrasser l’île de la menace granbretonne, les derniers Atlantes deviennent des Alliés de
niveau 3.

Les archaéops, créatures de l’ancien monde

Ces monstres aviens sont les prédateurs naturels de
l’île. Redoutables, les spécimens mâles adultes at‑
teignent presque trois mètres de haut pour un poids al‑
lant jusqu’à deux cents kilos. Montées sur deux pattes
puissantes et dotées de plumes épaisses et colorées,
ces créatures territoriales sont de très grands oiseaux
dépourvus d’ailes et incapables de voler. Ces carnas‑
siers chassent en meute, en courant à vive allure. Les
archǽops sont équipés d’énormes becs très résistants,
recourbés en crochets à leurs extrémités, pareils à
ceux des aigles. L’absence de dents n’empêche pas ces
armes redoutables de sectionner, broyer ou déchirer les
chairs. Leurs cous flexibles leurs permettent de frapper
leurs proies avec vélocité et avec une grande force. Ces
créatures issues d’un autre temps ont jadis été rame‑
nées à la vie par les scientifiques de l‘île afin de devenir
les défenseurs des extérieurs d’Atlantis. On en recense
aujourd’hui à peine une trentaine de spécimens qui
survivent en chassant les poissons se hasardant sur les
côtes. Les archǽops peuvent être apprivoisés quand ils
sont jeunes puis montés au prix d’un entraînement
intensif d’une année.

Archaéops
Caractéristiques Capacité offensive : 13
Adresse 8 Clairvoyance 2 Présence 5 Seuil de Défense : 21
Puissance 7 Trempe 7 Protection : 5 (plumes et peau épaisse)
Discrétion 4, Mêlée 6, Mouvements 8, Perception 6 Ressources
Talents Points de ressources : 2
Prédilections : Armes naturelles (Mêlée), Vigilance Armes naturelles
(Perception), Course (Mouvements), Recherche Bec (l’archǽops assène un coup de bec dévastateur) :
(Perception) 1d10+2
Dur au mal, coup dévastateur Coup de patte (l’archǽops porte un coup de patte puis‑
Combat sant) : 1d10+1
Vitesse : 6 Équipement
Seuil de Vigueur : 8 (avec dur au mal) Néant
Initiative : 1d10 + 8

SCÉNARIO | 149
150 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE
En quelques mots…
Les héros convoient du
minerai et du vin de Dale au
palais du roi des elfes. Au
cours de leur voyage, ils vont
croiser le chemin de Tauriel
qui les sauve des araignées
géantes. À son tour, elle
leur demande de les aider à
faire face à une menace qui
progresse au plus profond
de la forêt et, ce faisant,
de se racheter aux yeux de
Thranduil.
Fiche technique
TYPE •Voyage/enquête/
action
PJ • débutants
MJ • Tous niveaux
Joueurs • Tous niveaux
ACTION 
AMBIANCE 
INTERACTION 
INVESTIGATION 
UN MESSAGE
POUR THRANDUIL
Introduction
pour le gardien
des légendes
Les héros convoient du minerai de fer
et du vin depuis Dale jusqu’au palais de
Thranduil, le roi des elfes de la Forêt
noire. Au cours du voyage, qui dure
environ deux semaines, ils passent
par un village d’hommes‑des‑bois,
Feuilles‑de‑la‑cascade, situé à la lisière
de la Forêt noire, duquel plusieurs en‑
fants ont disparu.
La route se poursuit et, arrivé dans
la forêt elfique, le groupe est escorté
par deux gardes sylvains. Lors du
dernier bivouac au cœur de la forêt,
les héros sont confrontés à des arai‑
gnées. Mis en difficulté, ils sont tirés
d’affaire par Tauriel, l’ex‑capitaine des
gardes de Thranduil, qui a été bannie
du royaume. Elle demande leur aide
pour neutraliser un sombre individu,
un esclavagiste détenant prisonnier
un jeu homme, peut‑être enlevé à
Feuilles‑de‑la‑cascade. Elle leur donne
rendez‑vous deux jours plus tard,
après qu’ils auront achevé leur mission
auprès de Thranduil, pour traquer l’es‑
clavagiste et l’empêcher de nuire.
Mais la réelle menace n’est pas celle
que Tauriel croit. En réalité, l’escla‑
vagiste est Aragorn et son prisonnier
Gollum, qu’il amène au roi des elfes.
Le véritable danger provient d’une
bande d’orcs et de gobelins au ser‑
vice du Nécromant. Ils sont déguisés
en hommes du sud et rôdent dans les
environs. Ce sont eux qui ont enlevé les
enfants du village (et les ont dévoré !)
et qui menacent le royaume des elfes.
Contexte :
En route,
mauvaise troupe !
Les héros sont des amis du mar‑
chand Estefan de Dale, des membres
de sa famille (dont son fils curieux et
aventureux Ersefan), ou une escorte
que le marchand a recrutée. Estefan
est très réputé pour son commerce
La route se
poursuit sans fin
« Route se poursuit sans fin
Qui a commencé à ma porte
Et depuis m’a conduit si loin.
Je la suis où qu’elle m’emporte,
Les pieds las dès le premier jour,
Jusqu’à la prochaine croisée
Où se rencontrent maints
parcours.
Puis où encore ? Je ne sais. »
 Bilbon Sacquet
SCÉNARIO | 151
152 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE
fructueux avec l’importation de mine‑
rai de fer de très grande qualité venant
des nains d’Erebor et des lointains
monts du Fer. Il est un notable pros‑
père et de confiance qui fait partie des
amis de la lignée du roi Bard. Estefan
étant indispensable sur une autre de
ses affaires, il confie aux aventuriers
sa cargaison de minerai de fer et d’un
peu de vin dans des jarres pour qu’ils
en assurent la livraison jusqu’au palais
de Thranduil.
Les héros partent sereinement sur la
route commerciale vers l’ouest en di‑
rection de la Forêt noire, pour environ
deux semaines de marche. Bien que
frais, le temps est assez beau en ce dé‑
but d’automne 3017 du Troisième Âge.
La météo est donc propice au voyage et
deux chevaux s’alternent quotidienne‑
ment pour tirer la lourde carriole. La
route est en bon état et le voyage se
déroule sans encombre.
Scène 1 :
De Dale au palais
du roi des elfes
Une phase d’aventure Voyage peut
être jouée. Elle n’est que succincte‑
ment détaillée ici faute de place, mais
une rencontre avec des brigands occu‑
pant un vieux corps de ferme abandon‑
né comme quartier général peut épicer
le périple. Mais attention à ne pas
trop diminuer les héros avant qu’ils
arrivent au palais de Thranduil.
La troupe de bandits est consti‑
tuée d’un nombre de larrons au
moins égal au nombre d’aventu‑
riers (Attribut 2, Endurance 8,
Puissance 1, Détermination 1, Parade
‑, Armure 2, Gourdin 2 (3/12), Arc 2
(3/14 Perforation), Capacités redou‑
tables : Lâcheté). Leur chef, nommé
Ronvir, est un ancien garde de Dale
revanchard et mauvais (Attribut
3, Endurance 12, Puissance 1,
Détermination 3, Parade +1, Armure
2, Épée courte 3 (3/16), Arc 2 (3/14
Perforation), Capacités redoutables :
Cris de triomphe).
Le Gardien des Légendes peut utili‑
ser une carte de la zone orientale de la
Forêt noire jusqu’à Dale avec un trajet
de 5 hexagones. Déterminez avec les
joueurs les compagnons de route et les
rôles de chacun des héros : le Guide,
le (s) Guetteur (s), le (s) Éclaireur (s)
et éventuellement le (s) Chasseur (s)
sachant que la carriole transporte as‑
sez de nourriture pour le groupe pour
deux semaines.
Séquence de voyage :
1‑ Choix de l’itinéraire sur
une copie de la carte et sur le
carnet de route :
• 1er jour : franchissement du pont à la
sortie de Dale ;
• 3e jour : passage dans les ruines d’un
ancien fortin détruit par Smaug au
nord de la route ;
• 5e jour : corps de ferme des bandits
en retrait et caché de la route ;
• 6e jour : attaque des bandits dans
le passage étroit dans les pe‑
tites collines ;
• 8e jour : passage à gué de l’affluent la
Jaillissante ;
• 10e jour : arrivée au village de
Feuilles‑de‑la‑cascade au sud
de la route ;
• 11e jour : arrivée à l’orée de la Forêt
noire au 11e jour et rencontre avec les
gardes sylvains ;
• 14e jour : passage du pont de pierre
puis arrivée au palais de Thranduil ;
• 14e jour au soir : début du
conseil royal.
2‑ Tests de marche et
événements :
Vous pouvez adapter les tests de
marche (jet de Voyage de vos héros)
aux rencontres prévues indiquées dans
le choix de l’itinéraire ci‑dessus.
Le Gardien des Légendes peut
aussi ajouter des événements
de son choix.
3‑ Fin du voyage :
Si le test de marche égale ou sur‑
passe le nombre d’hexagones figu‑
rant sur le plan (5), les aventuriers
ont atteint le palais de Thranduil.
Les héros jouent les scènes 2
et 3 avant cette arrivée chez le
roi des elfes.
• Fatigue du voyage : 14 points (si
le voyage se passe sans encombre
et sans combattre les bandits)
• Durée du voyage : chaque hexa‑
gone de la carte représente
2 jours de marche auxquels on
ajoute 1 jour pour le passage dans
les collines (jour 6) et 3 autres
jours sur la piste pas très bien
entretenue dans la Forêt noire et
sous la pluie (jour 12 et suivant).
Soit 14 jours de voyage au total.
Scène 2 :
Disparitions à
Feuilles‑de‑la‑
cascade
Un ou deux jours avant la li‑
sière de la Forêt noire, les héros
parviennent au petit village des
hommes‑des‑bois au doux nom
de Feuilles‑de‑la‑cascade, accolé
au sud de la route commerciale.
Un petit bois de feuillus entoure le
village au sud et à l’ouest, coupé en
deux par la Jaillissante, une petite
rivière qui tombe en cascade à la
sortie du village pour se jeter bien
plus loin dans la Rivière de la forêt.
Les héros arrivent à la tombée
de la nuit et peuvent être héber‑
gés dans l’unique ferme‑auberge
du village tenue par Mertira, une
femme corpulente de fort carac‑
tère et à la langue bien pendue.
Âgée d’une quarantaine d’années,
elle les accueille à bras grands
ouverts. Les habitants rentrent
d’une journée de labeur et tirent
tous une mauvaise mine avec des
regards suspicieux vers nos voya‑
geurs. Peu d’enfants sont visibles
et ils sont étroitement surveillés,
on ne laisse pas les voyageurs les
approcher ni même leur parler.
Mertira, ou tout autre habitant
sollicité, explique assez facilement
que beaucoup d’enfants du village
ont disparu ces derniers jours,
et que ces nombreuses dispari‑
tions sont de plus en plus inquié‑
tantes. Les héros sont priés d’aller
porter de la part du village une
demande d’aide au roi des elfes
afin de retrouver les disparus. Ils
pourront enquêter sommairement
et poser quelques questions aux
parents ayant perdu un enfant.
Rapidement, ils constateront que
la plupart des disparitions ont eu
lieu au sein des équipes de bûche‑
rons ou aux champs du côté de
la Forêt noire, au moment où les
adultes n’avaient pas les yeux sur
eux. Si, malgré la nuit, les aventu‑
riers décident de se rendre dans
les bois ou aux champs proche de
la forêt elfique, ils percevront, en
réussissant un test d’action ordi‑
naire de Vigilance, de Voyage ou
d’Inspection, un feu de camp sur
l’autre rive de la Rivière de la forêt,
assez loin dans la Forêt noire. S’y
rendre de nuit serait une folie en
raison de la difficulté extrême de
traverser la rivière dans ces condi‑
tions (action insensée) et du risque
de se perdre dans la forêt (action
insensée). Mertira viendra en per‑
sonne accompagnée de quelques
villageois pour les dissuader, en
insistant qu’il serait préférable de
porter la demande d’aide au roi
Thranduil au plus vite. Nos héros
finiront par aller se reposer et dor‑
mir tranquillement sur de bonnes
paillasses après un bon repas
chaud et des bières très amères, ce
qui les change de leurs nuits pas‑
sées à la belle étoile.
Explication : une troupe d’orcs et
de gobelins de Dol Guldur a établi
un campement à hauteur du vil‑
lage de Feuilles‑de‑la‑cascade (cf.
Scène 3). Ils ont discrètement at‑
tiré quelques jeunes dans la forêt,
qu’ils ont emmenés avec eux. Le
feu de camp perçu par les héros est
celui de l’arrière‑garde qui partira
dans la nuit.
Scène 3 :
Rencontre
avec Tauriel
« Il est des choses qu’il vaut
mieux entreprendre que refuser,
quand bien même la fin risque
d’être sombre. » (J.R.R. Tolkien,
Le Seigneur des Anneaux, tome
2 : Les Deux Tours)
Dès la reprise de la route le len‑
demain, les beaux nuages rouges
de la veille s’amoncellent pour de‑
venir gris sombre, avant de lâcher
une pluie fine, soutenue et froide
sur la région. La température
chute rapidement, le trajet devient
cahoteux, ralentissant grandement
la progression de la carriole et des
aventuriers. Une partie seulement
des héros pouvant être abrités par
la charrette, certains d’entre eux
sont vite trempés.
La tour de garde elfique sur le
bord de la route surprend nos hé‑
ros. La faible visibilité fait qu’elle
semble être apparue d’un coup. Un
garde sylvain les hèle : « Qui va là
et où allez‑vous ? » Les échanges
sont courtois, bien que le garde
soit hautain, surtout si aucun elfe
n’est présent dans le groupe, et pire
encore si un nain les accompagne.
Dans cette hypothèse, les elfes
SCÉNARIO | 153
154 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE
demandent que ce dernier ait les
yeux bandés à partir de maintenant
et jusqu’au palais de Thranduil.
Le roi décidera de lui retirer le
bandeau ou pas. Si un autre PJ
est jugé louche ou s’est mal com‑
porté avec les gardes ou les villa‑
geois de Feuilles‑de‑la‑cascade, il
devra lui aussi porter un bandeau
sur les yeux. Il faut réussir un test
d’action ordinaire en Courtoisie
ou Persuasion pour pouvoir en
être dispensé. Les elfes rappellent
aux voyageurs : « Votre sécurité
n’est garantie que si vous restez
ensemble et sur la route. De même,
tout déplacement nocturne est à
proscrire. Il vous faut établir un
campement pour la nuit sans feu. »
Deux gardes sont alloués au
groupe des aventuriers. Ils ont
pour mission de surveiller les
héros mais aussi la marchandise
transportée. En cas d’attaque ou si
les héros quittent la route, un des
gardes elfes reste au chariot pen‑
dant que l’autre surveille et suit
discrètement les aventuriers. Les
héros reprennent la route qui est
maintenant devenue plutôt une
piste bien plus sinueuse et étroite.
Le ciel bas et noir ainsi que la pluie
incessante plombent l’ambiance du
voyage, le rendant morose et dépri‑
mant. Les héros doivent réussir un
test d’Ombre sous Vaillance ou
Sagesse, au choix du joueur, pour
ne pas recevoir un point d’Ombre.
Lors du deuxième soir, la pluie
s’est arrêtée mais le plafond de
nuages noirs est toujours aussi bas
et oppressant. Alors que les aven‑
turiers préparent le bivouac sur le
bord de la piste, ils doivent réali‑
ser un test d’action ordinaire sous
Vigilance, Voyage ou Exploration.
Ceux qui réussissent le test en
effectuant une petite ronde autour
du campement découvrent, un peu
plus loin dans la forêt côté sud, à
une cinquantaine de mètres de la
piste, une espèce de cocon lon‑
giforme blanchâtre reposant à
même le sol derrière un groupe
d’arbres. S’ils le mentionnent aux
gardes sylvains, ces derniers leur
rappellent qu’ils ne doivent pas
quitter la route pour leur propre
sécurité et disent qu’ils informe‑
ront la garde dès leur arrivée au
palais sur la chose.
Si les aventuriers pénètrent plus
avant dans la forêt pour atteindre
le cocon, les quelques mètres
qu’ils semblent avoir parcouru
se révèlent être plus de deux cen‑
taines de mètres. Le cocon est de
la taille d’un jeune homme (qui
doit faire penser aux joueurs
aux jeunes enfants disparus de
Feuilles‑de‑la‑cascade). S’ils
ouvrent le cocon avec un couteau
ou une épée, ils découvrent le
corps d’un jeune homme emmail‑
loté au teint livide. Ce dernier
est mort depuis plusieurs jours
et sert de garde‑manger à l’arai‑
gnée. D’autres cocons identiques
sont accrochés, suspendus à des
branches d’arbres. Les toiles
d’araignée pullulent et les héros
aperçoivent de nombreuses pu‑
pilles vermeilles les observer du
haut des branches d’arbres.
Ces cocons contiennent quelques
brigands de la bande du corps de
ferme. Ils se sont aventurés jusqu’à
la Forêt noire en suivant des mar‑
chands qu’ils pensaient détrous‑
ser facilement. Mais la garde des
elfes sylvains les a mis en fuite
en direction de la forêt vers un
repaire d’araignées qu’ils avaient
identifiées. Celles‑ci se sont ainsi
fait livrer des mets délicieux. En
se retournant, les héros constatent
que leur bivouac est très loin et
que quatre yeux rouges immo‑
biles les scrutent : une araignée
géante leur barre le chemin du
retour vers la piste. Il s’agit d’une
araignée géante Attercop (Attribut
2, Niveau 1, Parade +1, Haine 2,
Endurance 8, Armure 2, Piqûre
3 (3/12), Toile 2 (1/14, étreinte),
Capacités Redoutable : Peur du
feu : Au début de chaque round où
la créature est engagée en combat
rapproché contre un adversaire
portant une torche ou tout autre
objet enflammé, elle perd 1 point
de Haine) qui attaque les aventu‑
riers. Laissez les héros combattre
quelques rounds contre l’araignée
(si les Héros sont expérimentés,
n’hésitez pas à ajouter quelques
araignées) avant de leur annon‑
cer qu’ils sont entourés de très
nombreuses araignées et que leurs
chances de survie paraissent bien
faibles. Même les gardes sylvains
ne sont pas venus à leur aide.
Jouez quelques attaques d’une
araignée un peu moins farouche
que les autres et laissez les joueurs
vous indiquer leur stratégie de
défense. Alors que tout leur semble
perdu, une jeune elfe surgit des
ombres avec un brandon allumé
et une épée dans l’autre main.
Elle tranche littéralement toutes
les pattes d’une araignée en deux
gestes rapides, créant ainsi une
brèche dans le cercle arachnide
et permet la fuite des héros. Ces
derniers se retrouvent automati‑
quement en position arrière car
le brandon a fait reculer les arai‑
gnées. Nos aventuriers peuvent fuir
(p. 104 du livre de base) avec un
avantage. Les araignées les pour‑
chassent pendant peu de temps.
Dès que la route est en vue, elles
s’arrêtent et regagnent leur antre.
La jeune elfe lève sa main te‑
nant son épée pour mettre fin à la
course effrénée avant de rejoindre
le bivouac. Elle range sa lame et
pose son doigt sur ses lèvres pour
leur ordonner le silence. Elle
leur parle à voix basse : « Je suis tout en sueur. Après leurs tours de L’accueil des elfes sylvains est,
Tauriel, la capitaine des gardes garde nocturnes, ils reprennent la comme d’accoutumée, froid, dis‑
de Thranduil. Enfin l’ancienne route au petit matin. tant et hautain, même glacial si un
capitaine des gardes. Vous auriez nain est avec eux. De même, leur
pu tous mourir cette nuit... Il ne roi, Thranduil, est dur et sévère.
faut pas quitter la route, en ces Scène 4 : Les héros ne sont autorisés à cir‑
temps incertains. J’ai besoin de Le conseil culer que dans les cavernes dites
annexes, utilisées pour entrepo‑
votre assistance pour neutraliser
un grand péril, un sombre per‑ de Thranduil ser les marchandises et recevoir
sonnage qui progresse lentement Au soleil couchant, nos héros rustiquement marchands et voya‑
en direction du palais de mon roi. franchissent un magnifique pont geurs. Le déchargement prend
J’ai fait part de ce grave danger en pierre, un ouvrage à l’architec‑ tout le début de la soirée, car
au prince Legolas, le nouveau ture fine et épurée. Il surplombe
capitaine des gardes, et aussi la Rivière de la forêt et permet
aux gardes sylvains eux‑mêmes. l’accès au palais de Thranduil en‑
Malheureusement, comme j’ai core invisible mais situé dans la
été bannie, ils ne m’écoutent pas. colline. Deux tours de garde dissi‑
Vous arriverez demain soir à mulées dans les bois surprennent
l’entrée du palais de Thranduil. nos héros alors qu’ils se retrouvent
Je vous donne rendez‑vous, dès devant les immenses portes majes‑
le lendemain, au pied du grand tueuses des cavernes du palais. Ces
chêne face à la tour de garde sud, dernières s’ouvrent et permettent
pour venir avec moi et neutraliser au groupe d’enfin gagner un lieu
ce sombre individu. Il est impor‑ sûr avec leur carriole transportant
tant que vous acceptiez, il en va de le minerai et le vin.
l’avenir du royaume tout entier.
Sans cela, je crains que tout soit
perdu. À dans deux jours. ».
Elle ne dit pas un mot de plus
et disparaît comme par magie en
se fondant dans les bois. Alors
arrive un des deux gardes qui les
escortent. Ce dernier rabroue les
Héros, leur rappelant une nouvelle
et dernière fois qu’ils ne doivent
absolument pas quitter la route.
Après cette affreuse rencontre
avec les monstres arachnides, les
aventuriers doivent réussir un
test d’Ombre sous Vaillance ou
Sagesse, au choix du joueur, pour
ne pas recevoir un point d’Ombre.
Les Héros passent le reste de la
nuit à tenter de se reposer, faisant
d’horribles cauchemars dans les‑
quels ils combattent les arachnides
et se retrouvent empêtrés dans des
toiles d’araignée et finissent en
garde‑manger, mourant à petit feu,
avant de se réveiller en panique et

SCÉNARIO | 155
156 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE
les elfes donnent les indications au
compte‑goutte, les cavernes étant déjà
bien remplies en prévision de l’hiver.
Le Gardien des Légendes peut deman‑
der un test prolongé de Résistance 6 et
d’Échéance courte (peu de temps pour
décharger) d’Athlétisme ou d’Arti‑
sanat pour décharger leur charrette
et correctement entreposer les mar‑
chandises qu’ils transportent, à savoir
des lingots de fer nain et des jarres de
vin. Si le jet échoue, ils n’ont pas de
temps de repos et vont directement
prendre un repas sommaire servi avec
d’autres voyageurs commerçants éga‑
lement présents.
Ce repas servi est simple mais succu‑
lent, comme rarement les héros ont pu
en savourer. Il est composé d’une sa‑
lade de divers champignons, d’un civet
de cerf accompagné d’étranges tuber‑
cules et de fruits des bois. Un hydromel
à la saveur paradisiaque accommode le
tout. Les héros font table commune
avec d’autres hommes venus, comme
eux, pour affaires. La majorité sont
des humains, marchands de Dale ou
d’Esgaroth. Aucun nain n’est présent.
Dans un coin assez sombre se tient un
homme d’une quarantaine d’années au
physique très imposant mais taiseux
et discret. Il a clairement les traits du
noble peuple des Béornides. Sa tenue
champêtre, ses simples bottes de cuir
et son chapeau de paille contrastent
avec les efforts vestimentaires mis en
avant par les riches marchands au‑
tour de la grande tablée. Si les héros
n’ont pas réussi leur jet prolongé pour
décharger leurs marchandises (cf.
ci‑dessus), il leur est venu en aide, se
présentant simplement comme étant
Grimbeorn, fils de Beorn, apiculteur.
Legolas, escorté de gardes, apparaî‑
tra sans un bruit, presque par enchan‑
tement, à la fin du repas. Il viendra
personnellement convier puis guider
nos héros et Grimbeorn (mais pas
les autres) jusqu’au Conseil royal qui
a lieu cette nuit, dans la foulée. Les
aventuriers sont menés à la salle du
conseil du roi Thranduil en passant
par de splendides cavernes parsemées
de salles souterraines démesurées et
constellées de concrétions fabuleuses.
Les meubles composés d’essences de
bois rares, marquetés, sont disposés
dans des espaces séparés par des murs
en pierre de taille. Une alliance par‑
faite pour s’accorder avec les parois
naturelles ou parfois creusées des
souterrains.
L’écho du flot de la rivière souter‑
raine traverse le palais, berçant d’un
doux murmure ces lieux exquis et
reposants. Certaines grottes renvoient
en écho le bruit de la rivière souter‑
raine qui traverse le palais, berçant
d’un doux murmure ces lieux extraor‑
dinaires. Le groupe arrive dans une ca‑
vité immense et splendide qui semble
en grande partie naturelle avec des
stalagmites et stalactites qui se ren‑
contrent par ci‑par là pour former de
solides piliers de pierre. Des bancs en
bois de chêne magnifiquement sculp‑
tés sont installés pour recevoir les invi‑
tés du conseil.
En face et au fond, sur un ressaut du
sol, se trouve un grand rocher revêtu de
tissus et de cuirs divinement ouvragés.
Sur ce trône naturel est assis Thranduil,
dominant toute la pièce et rayonnant
par sa forte présence et sa prestance
royale. Des teintures magnifiques
montrent les différentes étapes de la vie
du peuple des elfes sylvains de la Forêt
noire avec son déménagement depuis
la Colline nue plus au sud jusqu’aux
actuelles cavernes du nord, en passant
par de terribles scènes de la bataille des
Cinq Armées. Le roi, bien que sévère,
hautain et froid, est pourvu d’une aura
dérangeante et d’un charisme envoû‑
tant, parfois effrayant lorsqu’il fronce
les sourcils ou donne de la voix.
Celui‑ci s’assure que tout le monde
est là et bien installé avant de faire
signe à ses elfes d’ouvrir le conseil
royal. Le protocole est lancé, un héraut
elfe cite tous les présents et an‑
nonce presque en chantant mélo‑
dieusement l’ouverture du conseil
du roi. À la présidence du conseil,
Thranduil est tranchant, glaciale‑
ment resplendissant et d’une auto‑
rité royale. Le roi reçoit les saluta‑
tions de Grimbeorn fils de Beorn.
Il donne en retour ses propres
salutations au Béornide, avec qui il
échange quelques mots sur son in‑
quiétude de la forte diminution de
ses abeilles, demandant l’avis de
Grimbeorn qui s’empresse de lui
dire qu’il est déjà à pied d’œuvre
avec quelques essaims apportés
de chez lui. Tous deux confirment
l’extension de l’Ombre au sud de la
Forêt noire, avec des mouvements
nombreux d’orcs, de gobelins, de
loups et d’hommes du sud, y com‑
pris à proximité de la demeure du
Béornide sur la lisière occidentale
de la Forêt noire. Puis Thranduil
se tourne vers les aventuriers.
Il leur demande de transmettre
ses chaleureuses et fraternelles
salutations au noble marchand
Estefan de Dale, fils d’Osfan, le
forgeron combattant. Ce dernier
fut, jadis, un ami personnel du roi,
et trouva la mort lors de la bataille
des Cinq Armées. Thranduil sou‑
haite écouter les dernières nou‑
velles de Dale et d’Esgaroth, voire
d’Erebor si un nain est présent,
mais aussi connaître les détails de
leur voyage.
Vous pouvez jouer une phase
de conseil. Le groupe doit annon‑
cer au Gardien des Légendes les
requêtes formulées par les héros
auprès du roi. Plusieurs phases de
conseil peuvent ainsi s’enchaîner.
Voici quelques idées de requête
que les aventuriers peuvent énon‑
cer. Ils peuvent, par exemple, de‑
mander à disposer d‘une caverne
dans le palais de Thranduil comme
lieu de refuge privé, ce qui sera
considéré comme une requête
scandaleuse (Résistance 9), ou sol‑
liciter audacieusement la protec‑
tion de Thranduil, qui deviendrait
ainsi leur garant (Résistance 6).
Les héros peuvent aussi de‑
mander l’aide de Thranduil
pour protéger et retrouver les
enfants des hommes‑des‑bois de
Feuilles‑de‑la‑cascade. Cette der‑
nière sera considérée comme une
requête raisonnable (Résistance 3)
si les Héros se proposent de s’en
charger sur leur chemin de retour.
Dans ce cas, Thranduil pourra
leur accorder un bouclier ou une
arme ainsi qu’allouer deux ou trois
gardes sylvains pour cette mission.
Elle sera considérée comme auda‑
cieuse (Résistance 6) si les aventu‑
riers refusent d’y participer.
Une demande d’équipement sans
expliquer ce qu’ils veulent faire
ou en annonçant qu’ils veulent
assister Tauriel sera considérée
comme une requête audacieuse
(Résistance de 6). Si elle réussit, le
roi fournira à chacun, au choix, un
bouclier, une armure de cuir, un
arc court ou une épée courte.
La phase des présentations n’est
jouée qu’une seule fois même si
plusieurs requêtes sont adressées
lors du conseil royal, alors que la
phase d’interaction est jouée pour
chaque demande des aventuriers.
N’hésitez pas à interpréter ce
conseil royal en roleplay. Ne vous
contentez pas simplement de lan‑
cer les dés, placez les joueurs dans
l’ambiance. Vous pourrez donner
un ou deux avantages (1 ou 2d)
aux personnages dont les joueurs
assurent un bon, voire un très
bon roleplay. La qualité de leur
prestation dans le cadre de leurs
requêtes adressées au roi des elfes
déterminera le niveau de l’avan‑
tage accordé.
Si les héros annoncent au roi
lors du conseil royal qu’ils ont
rencontré Tauriel, Legolas affiche
une courte surprise avant de se
reprendre, alors que Thranduil
fronce les sourcils. Sa voix devient
mordante, il se montre agacé,
voire courroucé. Il exige des aven‑
turiers de connaître la nature pré‑
cise de leurs échanges avec l’elfe
bannie. Pire, il est maintenant sus‑
picieux. Si les aventuriers tentent
de le rassurer ou le convaincre des
bonnes intentions de Tauriel, un
des héros doit réussir un test d’ac‑
tion dangereuse de Courtoisie ou
de Persuasion. En cas de succès,
le roi leur confira que Mithrandir
est venu il y a quelques mois, an‑
nonçant l’arrivée prochaine d’une
terrible menace, sans lui en révé‑
ler davantage. En cas d’échec, les
aventuriers ont 1d de désavantage
pour leur phase d’interaction sui‑
vante au Conseil.
À la fin du conseil royal, Legolas
reconduit, seul, les héros à leurs
chambres. Sur le chemin, il leur
pose des questions sur Tauriel,
surtout s’ils n’ont pas parlé d’elle
lors du conseil royal. Il veut savoir
s’ils l’ont rencontrée. Ont‑ils des
nouvelles de sa sœur de cœur ? Si
les personnages l’ont annoncé au
conseil, il veut en savoir plus et
s’inquiète ouvertement pour elle.
Elle vit dans les bois en dehors du
palais, car interdite de séjour au‑
près des siens. Il confie aux héros
qu’il œuvre auprès de son père,
le roi, pour la réhabiliter, mais ce
dernier reste intransigeant.
Si les aventuriers lui dévoilent
le contenu de leur conversation
avec Tauriel, il rit nerveusement,
avant de se reprendre. Il demande
aux héros de l’assister car, si elle a
raison, elle tient là sa rédemption.
Lui‑même n’y croit guère, car il
s’est déjà rendu sur les lieux indi‑
qués par Tauriel et n’a rien trouvé
ni vu. Bien sûr, Legolas aide au
SCÉNARIO | 157
158 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE

mieux les héros, en les équipant

avec des armes ou des armures,
par exemple. Mais il exige des
héros la promesse de ne rien dire à
Tauriel de l’aide apportée.
La nuit est courte et les aventu‑
riers sont attendus à l’aube au pied
du grand chêne proche de la tour
de garde sud.

Scène 5 :
En quête
de la menace
« Quand on cherche, on trouve
généralement quelque chose,
mais ce n’est pas toujours exac‑
tement ce qu’on voulait. » (J.R.R.
Tolkien, Le Hobbit)
Au petit matin, à peine ont‑ils
rejoint Tauriel qu’elle leur or‑
donne le silence d’un doigt sur ses
lèvres et leur fait signe de la
suivre dans la dense frondai‑
son du sous‑bois. S’assurant
qu’ils ne sont pas suivis, elle
marque une courte pause et
leur adresse un radieux bon‑
jour, puis reprend sa marche. La
jeune elfe est heureuse de pouvoir
compter sur les héros. Une fois les
présentations rapidement faites
en marchant, elle observe chacun
d’eux avec détermination, leur de‑
mandant directement si elle peut
leur accorder sa totale confiance.
Quelles que soient les réponses
des aventuriers, leur venue ce
matin en est la meilleure preuve.
Elle leur adresse en chuchotant :
« Voilà plusieurs jours que j’ai
repéré un homme de grande sta‑
ture, tout de cape vêtu, le visage
dissimulé par une capuche et traî‑
nant au bout d’une courte corde
un jeune prisonnier. Peut‑être un
esclave, qui sait. Ce dernier, bâil‑
lonné et correctement attaché,
avait un sac sur la tête. Sans doute
est‑ce lui le responsable de la dis‑
parition, voire du meurtre, des
enfants de Feuilles‑de‑la‑cascade.
Le prisonnier doit être le fils du
chef du village ou pire, un jeune
elfe sylvain. Ce malandrin tire
son prisonnier de force et se dirige
droit sur le palais de Thranduil en
évitant soigneusement nos che‑
mins et nos gardes. L’inconnu a
l’air redoutable. Il ne faudrait pas
s’y tromper. Je l’ai vu terrasser
une araignée d’un coup d’un seul
de sa longue épée. Il faut le neu‑
traliser et les amener tous deux
aux pieds de Thranduil et Legolas,
qui décideront ainsi de leur sort.
Le temps presse, mes vaillants
compagnons, il atteindra le palais
dès ce soir. »
Tauriel accélère la marche,
tout en écoutant les éventuelles
observations des héros. Puis elle
reprend : « Cette nuit, j’ai repéré
une troupe étrange qui semblait
constituée d’hommes du sud. Ils
se sont positionnés en embuscade,
exactement entre l’esclavagiste
et le palais. Pour nous piéger ? »
Tauriel devient inquisitrice. Elle
demande si l’un des héros n’est
pas un notable, ou a quelque chose
à se reprocher pour être cueilli par
des hommes du sud ? À moins que
cela ne soit pire : l’un des Héros ne
serait‑il pas un espion à la solde
de l’Ombre ?
Tauriel connaît le marchand
Estefan de Dale et ses liens avec
les aventuriers. Mais elle n’en
dira rien. Elle attend que les héros
abordent le sujet pour leur main‑
tenir sa confiance. Après quelques
échanges, elle en déduit que les
« hommes du sud » veulent captu‑
rer au moins l’un des héros pour
faire chanter le très réputé com‑
merçant Estefan, dont le père fut
un ami personnel du roi elfe. Cela
afin de détourner son excellent mi‑
nerai de fer qui permet de forger
des armes et des armures de très
bonne facture.
Elle voit deux options possibles,
mais les aventuriers peuvent en
proposer d’autres. Soit Tauriel
et le groupe tendent un piège à
l’esclavagiste et son prisonnier
puis s’en retournent rapidement
au palais en évitant les Hommes
du sud. Soit ils essaient de faire
d’une pierre deux coups, en éli‑
minant ces derniers après avoir
capturé l’esclavagiste. Elle s’en
remet aux héros, les laissant choi‑
sir, ne les connaissant pas assez
pour estimer leur valeur martiale.
Du peu qu’elle a vu d’eux lors de
leur bataille contre les araignées,
elle préfère assurer son objectif
principal de capturer l’esclava‑
giste en contournant l’embuscade
des Hommes du sud. Elle pousse
dans ce sens en annonçant que les
derniers forment une troupe d’au
moins une douzaine d’hommes.
Si l’un des aventuriers lui parle
de Legolas, elle l’arrête immé‑
diatement. Sèchement, elle ré‑
torque : « Trop tard maintenant
pour compter sur l’aide du prince
Legolas. Le péril est là et nous
allons rapidement le neutraliser
pour le lui montrer ! Qu’on ne me
parle plus de lui tant que ces deux
individus ne seront pas à ses pieds
pour qu’il juge sur pièce si je lui ai
menti ! » Elle essuie, l’air de rien,
une magnifique larme perlant sur
sa pommette et se retourne pour
reprendre la marche, et surtout
pour cacher ses yeux larmoyants.
Si les aventuriers ne prononcent
pas le nom de Legolas, elle fera
cette tirade d’elle même après
l’embuscade (cf. plus loin).
Tauriel mène les aventuriers
à travers la Forêt noire comme
personne. Elle en connaît tous les
recoins et adresse des mots doux
aux arbres, les appelant par leur
nom et les remerciant de lui faci‑
liter la marche. Sa connaissance
des lieux donne un double avan‑
tage (+2d) aux tests d’action dan‑
gereuse de Discrétion, de Voyage
ou d’Exploration, au choix de
chaque joueur. Test que doit effec‑
tuer chaque membre du groupe
pour éviter les hommes du sud en
embuscade. S’ils échouent ces der‑
niers repèrent les héros et lancent
quelques hommes sur le groupe
pour le combattre.
Les héros les plus téméraires,
ceux ayant le mieux réussi leur
test, peuvent tenter un test d’ac‑
tion dangereuse de Vigilance, de
Voyage ou d’Inspection. Si un
héros réussit, il repère de jeunes
hommes prisonniers. Un autre
succès dévoilera qu’il ne s’agit pas
d’hommes du sud mais d’orcs gros‑
sièrement déguisés en hommes
du sud. Si d’autres aventuriers
réussissent aussi, ou si un tengwa
est obtenu, ils voient que leurs
insignes de couleur pourpre, une
tour avec des ailes de chauves‑sou‑
ris, peintes sur les boucliers et les
cuirasses, sont grossièrement dis‑
simulées. Ces insignes montrent
que ce sont des orcs de Dol
Guldur, la tour du Nécromancien,
qui sont en embuscade. Cette
troupe manœuvre pour le compte
du Nécromancien, sous les ordres
de son lieutenant, le maître de
Dol Guldur, Khamûl l’Oriental,
un spectre de l’Anneau. La horde
d’une douzaine d’orcs est menée
SCÉNARIO | 159
160 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE
par Xareek, un chef orc irritable
et rusé (Attribut 5, Endurance 20,
Puissance 1, Haine 5, Parade +3,
Armure 3, Cimeterre 3 (3/16),
Lance 3 (3/14 Perforation)
Capacités redoutables : Cri de
triomphe, Grand bond et Vitesse
du serpent). Découvrir le com‑
manditaire de ces créatures mal‑
faisantes oblige les aventuriers
à réussir un test d’Ombre sous
Vaillance ou Sagesse, au choix du
joueur, pour ne pas recevoir un
point d’Ombre.
Grimbeorn peut venir en aide aux
héros et Tauriel à tout moment. Il
apparaît à un moment où les aven‑
turiers se trouvent dans une situa‑
tion délicate et arrive telle une
aide providentielle. Le Gardien
des Légendes peut ainsi renforcer
le groupe avec Grimbeorn s’il est
trop diminué. Ou, au contraire,
après s’être assuré que tout le
monde va bien, le Béornide repar‑
tira de son côté.
Si le Gardien des Légendes le sou‑
haite, il peut pimenter cette scène
ou la scène suivante, lors du retour
au palais, avec une rencontre for‑
tuite, les héros tombant nez à nez
avec un petit groupe d’éclaireurs
réalisant une ronde autour du
groupe principal en embuscade.
Leur nombre exact dépend du
groupe d’aventuriers. Si ce dernier
ne compte pas de puissant guer‑
rier, ces éclaireurs peuvent être
des archers gobelins (Attribut 2,
Endurance 8, Puissance 1, Haine
2, Parade ‑, Armure 1, Arc de corne
3 (3/14, Perforation), Couteau à
dents 2 (2/14), Capacités redou‑
tables : Lâcheté) qui n’ont plus de
poison orc. Sinon, ce sont des sol‑
dats orcs (Attribut 3, Endurance
12, Puissance 1, Haine 3,
Parade +1, Armure 2, Cimeterre 3
(3/16), Lance 3 (3/14 Perforation)
Capacités redoutables : Lâcheté).
La première rencontre avec ces
créatures malfaisantes contraint
les aventuriers à réussir un
test d’Ombre sous Vaillance ou
Sagesse, au choix des joueurs, pour
ne pas recevoir un point d’Ombre.
S’ils ne le savaient pas encore,
les héros se rendront immédia‑
tement compte avec terreur de la
nature réelle de ce qu’ils pensaient
être des hommes du sud. Suite à
cette découverte, les aventuriers
doivent réussir un test d’Ombre
sous Vaillance ou Sagesse, au choix
des joueurs, pour ne pas recevoir
un point d’Ombre.
Les héros peuvent vouloir captu‑
rer un un orc ou un goblein pour
le faire parler. S’ils y parviennent,
le survivant reconnaîtra que son
groupe a kidnappé des enfants
des hommes‑des‑bois du village
Feuilles‑de‑la‑cascade et les a
mangés. Certains hommes qu’ils
ont capturés étaient des bandits
cachés dans la Forêt noire au
bord la route vers Dale qui leur
ont servi de couverture. Ils les
ont tués et abandonnés aux arai‑
gnées pour être tranquilles. Leurs
affaires ont été utilisées pour se
grimer en homme. Si le Gardien
des Légendes le souhaite, il peut
exiger de l’un des aventuriers de
réussir un test d’action ordinaire
avantagé (+1d) de Persuasion
ou de Présence pour obtenir ces
informations.
Une fois la troupe d’orcs de Dol
Guldur évitée ou éliminée, les
héros, guidés par Tauriel, par‑
viennent à l’orée d’une clairière à
la tombée de la nuit.
Scène 6 :
L’esclavagiste
« Nombreux sont ceux qui vivent
et qui méritent la mort. Et cer‑
tains qui meurent méritent la
vie. Pouvez‑vous la leur donner ?
Alors, ne soyez pas trop prompt à
dispenser la mort en jugement. »
(J.R.R. Tolkien, Le Seigneur
des anneaux)
Au crépuscule, le groupe par‑
vient en vue d’une clairière. Au
centre de celle‑ci, le prisonnier est
attaché au tronc d’un grand chêne.
Il est à moitié nu, un sac sur la
tête et bâillonné. Celui que Tauriel
a désigné comme esclavagiste
semble être un homme de forte
carrure, enveloppé dans un grand
manteau avec une cape à capuche
dissimulant son visage, mais pas
son regard sévère et bleu. Il s’agit
en réalité d’Aragorn. Celui‑ci a
repéré les héros dès leur arrivée
et, alors qu’ils arrivent à la lisière
de la clairière, il la quitte d’un pas
tranquille pour donner le change,
laissant son prisonnier seul. En
l’observant de loin, les héros dis‑
tinguent que ce dernier ne porte
qu’un pagne et paraît maltraité,
sale et dénutri. Peut‑être est‑ce
un jeune homme‑des‑bois de
Feuilles‑de‑la‑cascade ?
Tauriel échange avec les aven‑
turiers et se fie à eux pour le plan
d’action. De son côté, Aragorn s’est
parfaitement caché des regards à
l’orée de la clairière et surveille les
héros, sans avoir repéré Tauriel.
S’ils se rapprochent du prison‑
nier qui est Gollum, ces derniers
constatent qu’il a les traits d’un
hobbit, s’ils en ont déjà vu, d’une
laideur excessive, qui serait re‑
tourné à la vie sauvage, ou d’un
jeune humain sauvageon.
Que nous réservent nos aventu‑
riers ? Nous ne traiterons ici que
trois cas pouvant se produire, le
Gardien des Légendes s’en ins‑
pirera pour des déroulements
différents :
• 1‑ Les héros échafaudent un
« bon » plan pour surprendre
 Aragorn avec une embuscade,
un semblant de pourparler ou
autre ruse dans laquelle ils par‑
viennent à assommer et captu‑
rer Aragorn et son prisonnier,
puis retournent au palais dans
la nuit, sur insistance de Tauriel
si nécessaire. Elle n’a pas pris le
temps d’identifier l’esclavagiste,
étant comme aveuglée tant elle
souhaite être réhabilitée.
• 2‑ Le groupe des PJ décide de
ne pas s’avancer dans la clairière
et tente de communiquer avec
l’esclavagiste pour connaître
ses desseins. Aragorn, sur ses
gardes, demande qui sont ses
interlocuteurs. Si, nos héros le
mettent à l’aise et prouvent leurs
bonnes intentions, il exige qu’ils
se montrent dans la clairière
pour valider leurs dires. Tauriel
peut les confirmer. Puis il sort de
l’orée des arbres levant sa main
droite en signe de paix. Après de
courtes présentations, il prétend
être un certain « Grand‑Pas ».
Il souhaite porter Gollum
jusqu’aux cachots du palais de
Thranduil le plus vite possible et
sans encombre.
• 3‑ Les aventuriers attaquent
ou simulent un mauvais traite‑
ment sur le prisonnier ou envers
Aragorn. Ce dernier n’est pas
surpris car il les observe et at‑
taque les héros sans retenir son
cri de cœur et de guerre, « Pour
le Gondor ! », lorsqu’il porte son
premier coup.
SCÉNARIO | 161
162 | SCÉNARIO
L'ANNEAU UNIQUE
• Si les aventuriers lui disent être
de son camp, il rompt le com‑
bat mais demande des preuves.
Tauriel peut garantir que les
héros sont bien des amis des
elfes de la Forêt noire, s’ils n’ont
pas d’idée. Aragorn se présente
sous le nom de « Grand‑Pas »,
précisant qu’il est un rôdeur du
nord qui a capturé la maléfique
créature nommée Gollum, qu’il
amène à Thranduil pour qu’elle y
soit ferrée dans ses cachots.
Si les héros tentent de s’en
prendre à Aragorn ou Gollum, sur‑
tout s’ils sont inconscients, Tauriel
les en empêchera et, si nécessaire,
Legolas, qui aura suivi les aventu‑
riers, s’interposera. Si cela ne suffit
pas, il sera accompagné de gardes
sylvains du roi Thranduil. Cela
permet de garantir tout dérapage
éventuel des joueurs…
Les aventuriers, qu’ils aient
reconnu Aragorn ou qu’ils l’aient
assommé, retournent au palais
de Thranduil au plus vite. Pour
échapper aux orcs en embuscade,
ils doivent de nouveau réussir le
même test qu’indiqué à la scène
5, avec les deux avantages (+2d)
donnés par Tauriel. Avec le même
risque, en cas d’échec, de tomber
sur une patrouille d’éclaireurs
et d’être poursuivis par toute la
troupe orc.
Si les aventuriers ont échappé
aux combats contre les orcs et
contre Aragorn, et que le Gardien
des Légendes souhaite donner
un peu d’action à sa table, il peut
mettre directement en scène
la rencontre avec les éclaireurs
orcs ou gobelins (voir scène 5).
Aragorn, tenant en laisse son pri‑
sonnier, se tient en retrait. Mais si
les choses tournent mal, il n’hésite
pas à brandir son épée, une fois
son prisonnier bien attaché à un
arbre, ce qui lui prend 2 tours.
Il se peut aussi que le groupe par‑
viennent aux portes du palais de
Thranduil avec les orcs et gobelins
à leurs trousses. Dans ce cas, les
gardes elfes sylvains conduisent
les aventuriers à l’abri pendant
que d’autres gardes menés par
Legolas mettent la bande d’orcs de
Dol Guldur en fuite.
Épilogue
« Un homme pourchassé est par‑
fois las de la méfiance et soupire
après l’amitié. » (J.R.R. Tolkien,
Le Seigneur des anneaux, tome 1 :
La Communauté de l’Anneau)
Enfin de retour au palais de
Thranduil, des gardes elfes
viennent spontanément assister et
aider les Héros, notamment s’il y
a des blessés. Legolas vient au‑de‑
vant des aventuriers. Il les guide
auprès du roi Thranduil, qui les
attend dans la salle du conseil. Il
a les traits tirés et est très circons‑
pect sur ce qui se présente à lui. Il
les accueille différemment selon la
façon dont ils ont traité Aragorn.
Aragorn inconscient
et entravé
L’esclavagiste, au visage mécon‑
naissable marqué de boue, est
livré inconscient et/ou entravé de
cordes. Tauriel attend ses amis,
cachée au pied du grand chêne
de la tour de garde sud. Le roi
suspicieux puis furieux reconnaît
Aragorn puis, presque hors de lui,
tout en conservant sa majesté, dé‑
clare les héros bannis de la Forêt
noire, comme leur soi‑disant amie
Tauriel. Le roi ordonne qu’on les
congédie du palais illico presto
avec leur carriole vide sans autre
forme de procès. Aragorn, repre‑
nant conscience, ou étant détaché
par Legolas, leur vient en aide.
Il déclame que malgré les circons‑
tances peu agréables de la dernière
partie de son voyage. En se tâtant
une belle bosse au crâne, il a tout
de même atteint son but. Les héros
l’ont, bien qu’inconfortablement,
conduit au palais du roi avec son
prisonnier. Il ajoute : « Ô mon roi,
l’Ombre grandit et devient chaque
jour une menace plus grande.
Ne l’aidons pas ! Ces valeureux
aventuriers ont fait preuve d’ini‑
tiative et m’ont courageusement
transporté, plus ou moins sain et
sauf, avec mon dangereux pri‑
sonnier jusqu’en votre demeure.
Les Peuples Libres ne doivent pas
attiser la haine entre eux, comme
le voudrait l’Ennemi ».
Le roi manifeste toute sa gra‑
titude à Aragorn pour ses sages
paroles. Puis, il reprend son vi‑
sage glacial et adresse un sobre
remerciement aux héros pour leur
mission brutalement menée, leur
conseillant de faire preuve de plus
de discernement à l’avenir. Les
héros quittent la salle du Conseil,
têtes basses. Après un repas léger,
ils sont reconduits aux cavernes
des marchands pour charger leur
carriole de bois et reprendre la
route du retour vers Dale sous la
pluie. Sous le grand chêne de la
tour sud, Tauriel, la bannie, leur
adresse un signe d’adieu de la main
et ses magnifiques larmes perlant
sur ses joues ne peuvent exprimer
un meilleur signe d’excuse. Puis
elle disparaît dans la Forêt noire.
Si le Gardien des Légendes le
souhaite, Aragorn peut rejoindre
les aventuriers, ayant convaincu
Thranduil de leur laisser une
chance de se racheter en chas‑
sant ou détruisant les orcs de Dol
Guldur postés en embuscade au
sud du palais. En plein combat,
ils seront rejoints par Tauriel qui
surgit à un moment opportun. En
cas de réussite, la fin plus heureuse
du paragraphe ci‑dessous, légèrement
adaptée en fonction de leurs actes, leur
sera faite.
Aragorn conscient
Il a été reconnu par les aventuriers
et les accompagne aux côtés d’une
Tauriel rayonnante tenant Gollum
ligoté. Des gardes s’emparent de ce
dernier et l’enferment dans leurs
cachots. Legolas conduit la petite
compagnie jusqu’à la salle du conseil
du roi. Thranduil, depuis son trône,
les accueille froidement et exige des
héros qu’ils lui narrent tous les détails
sur leur mission, puis en demande la
confirmation à Aragorn, qui s’exécute.
Il ajoute : « Mon roi, Mithrandir m’en‑
voie vous annoncer que l’Ombre gran‑
dit de jour en jour. Et me demande de
vous confier Gollum, un hobbit mal‑
faisant, comme prisonnier pour qu’il
puisse venir le questionner. Il est dan‑
gereux et très rusé. J’ajouterai en mon
nom que des jours sombres nous at‑
tendent, et toute aide pour combattre
l’Ombre est la bienvenue. Ces héros
nous ont démontré leur vaillance et
sont dignes de rejoindre notre combat
contre les Ténèbres ».
Le roi adresse toute sa gratitude à
Aragorn pour sa sagesse, lui garantis‑
sant que le prisonnier sera fermement
détenu dans ses cachots en attendant
la venue de Mithrandir. Il exprime
ensuite de profonds remerciements
aux aventuriers, les qualifiants de
nouveaux amis des elfes de la Forêt
noire. Puis se tournant vers Tauriel,
les larmes aux yeux mais toujours
aussi digne et majestueux, il lui remet
la lance du capitaine des gardes du
palais, en la réhabilitant à son poste.
Tauriel l’empoigne frénétiquement et
s’adresse au roi : « À vos ordres mon
roi ! Je vous suis fidèle, comme je l’ai
toujours été ! ».
Si cette menace n’a pas encore été
éliminée, Tauriel informe le roi de la
présence des orcs de Dol Guldur pos‑
tés en embuscade au sud du palais.
Puis elle demande aux aventuriers
de se joindre à elle, Legolas et éven‑
tuellement Aragorn, pour chasser ces
orcs dès l’aube. Quelle que soit leur
réponse, Thranduil propose aux héros
de se reposer ensuite quelques jours en
son palais avant de repartir pour Dale,
avec leur carriole chargée de bois, et
une lettre pour son ami Estefan le
marchand. Cette lettre peut être une
future quête pour nos Héros. À l’aube
de leur départ sous le soleil, Thranduil,
Legolas et Tauriel leur rendent un
dernier hommage. Le roi leur remet à
chacun un peu de lembas ainsi qu’un
précieux présent elfique en souvenir
de cette journée victorieuse sur le Mal.
Les héros, maintenant désignés
« amis du peuple elfique de la Forêt
noire », peuvent choisir Thranduil
comme garant principal et son palais
comme refuge. Ils repartent chacun
avec une relique merveilleuse de la
Forêt noire en récompense et souve‑
nir de cette journée victorieuse sur le
Mal : une magnifique broche en forme
de feuille elfique (+1d en Courtoisie),
un arc court sculpté des beaux chênes
de la Forêt noire (+1d en attaque), une
fine et belle dague courbe avec une
agate montée à l’extrémité du manche
(+1d en attaque) ou encore une cape
à capuche ouvragée prenant les cou‑
leurs du lieu et de la saison (+1d en
Dissimulation).
Nurthor l’Istar
Illustrations : Laurent Miny
Merci à Vincent Brié et Philippe
Languille pour leur relecture ami‑
cale ainsi qu’au Rédac‑Chef Marc
Sautriot pour ses corrections et idées
d’améliorations.
Testé avec la Team Flan, qui a failli
tuer Aragorn, et avec Guillaume
Gentile et les Scordato suisses père et
fils, passionnés de la Terre du Milieu,
qui ont deviné qui était l’esclavagiste.
SCÉNARIO | 163
164 | SCÉNARIO

L’OGRE DE CORAZ
Cette aventure a pour objectif de hisser vos PJ jusqu’aux toits
LAELITH
de Laelith : ils découvriront alors le royaume des Félys et la
cour princière des Maaz, évoquée dans la nouvelle que nous
vous proposons de lire en prélude avant de vous plonger dans le
scénario qui emmènera vos PJ des bas‑fonds de la ville jusqu’au
marché aux esclaves de Termoral à la poursuite d’un Demi‑ogre
brutal.

En quelques mots… Fenêtre sur les toits

Les PJ se retrouvent en
possession d’un collier aux
perles d’ambre qui attire
l’attention d’un Félys. Il leur
demande de retrouver l’Ogre
qui en était propriétaire ; ce
dernier est en effet coupable
d’avoir assassiné un prince
de la famille des Maaz
quelques mois auparavant,
et son commanditaire reste
inconnu. Une belle occasion
de s’attirer les faveurs des
félidés !
Fiche technique
TYPE • Enquête/action
PJ • Niveau 5
MJ • Tous niveaux
Joueurs • Tous niveaux
ACTION 
AMBIANCE 
INTERACTION 
INVESTIGATION 
Il pleuvait sur Laelith. Le Saghiann
s’était levé dans l’après‑midi et
l’averse avait débuté dans la soirée.
Elle rafraîchissait l’air de la ville qui
avait montré des premiers signes de
chaleur, inaugurant la belle saison.
Léonde Ubiel regardait l’eau ruisseler
sur les toits de la ville de l’unique pe‑
tite fenêtre de sa chambre, terrasse de
la Prospérité. L’endroit était exigu mais
le jeune homme aimait y contempler la
mer de tuiles ocres au coucher du soleil.
Il s’émerveillait toujours à la vue des
Félys rôdant dans le crépuscule dont la
vie était pour lui un mystère.
Brillant élève, ce fils d’artisan savou‑
rait déjà le chemin parcouru : après
quelques années de noviciat au Poisson
d’argent, il exerçait aujourd’hui la
fonction de mareschal à la porte des
Caravanes. S’il n’appartenait pas encore
à l’élite de sa corporation, qui soignait
les animaux exotiques qui arrivaient
par la porte de l’Ivresse enchanteresse,
il était le plus jeune rivière en exercice.
Il faut dire que Léonde avait fait des
sacrifices. Et sa fascination pour les er‑
rances des Félys n’était pas étrangère à
cette pointe de frustration qui le rongeait
régulièrement… Ce peuple semblait
animé d’une profonde liberté. Celle‑là
même qui expliquait en grande partie
leur mauvaise réputation. Personne
de sensé ne pouvait se fier à un Félys !
Léonde, au contraire, pensait observer
une scène de la vie sauvage telle qu’il
l’avait étudié dans les amphithéâtres de
l’Université matérialiste universelle. Et
d’habitude ce spectacle l’éblouissait.
Mais ce soir, ce que le prêtre obser‑
vait l’inquiétait. La portion de toit qu’il
pouvait voir était le domaine d’un Félys
solitaire qui exerçait son corps tous les
jours. Les autres Félys passaient alen‑
tour en prenant bien soin de ne pas
franchir une certaine limite invisible.
Cette frontière pourtant avait fini par
être franchie. Il y a trois jours, une belle
et jeune créature féline avait marché
jusqu’à la tente de l’ermite. Et celui‑ci
rompit sa solitude pour elle.
Léonde les avait regardés partager un
repas, sans un mot lui avait‑il paru. Il
avait vu leur regard se perdre dans le
ciel et entendu une voix féminine fre‑
donner un chant envoûtant. Perdu dans
sa rêverie il ne l’avait pas vue s’appro‑
cher. Aussi avait‑il sursauté en l’enten‑
dant murmurer en miaulant « Quelle
belle nuit ! », comme pour elle‑même.
Léonde avait acquiescé en grognant
maladroitement avant de se reprendre
et de poursuivre d’une voix un peu
tremblotante : « Vous…vous êtes arri‑
vée il y a peu, je crois… Le ciel n’a rien à
envier au Nuage par ici. »
SCÉNARIO | 165
166 | SCÉNARIO
LAELITH
« C’est exactement ce que le dis‑
ciple de ce sanctuaire m’a dit tout
à l’heure. » Elle avait désigné du re‑
gard celui qui lui était apparu pour
la première fois comme un moine,
vêtu qu’il était d’une simple toge.
« Vous êtes déjà allé au Nuage ? »
lui avait‑elle demandé, fausse‑
ment surprise. « Je vous croyais du
temple du Poisson d’argent.
— J’ai fait mes études pour devenir
chal à l’université toute proche.
— Et vous avez voyagé dans une
de leurs sphères ?
Cette fois‑ci, sa curiosité avait
été sincère. Aussi avait‑elle été
un peu déçue quand Léonde avait
secoué négativement la tête. Un
long silence s’en était suivi. Puis
Léonde avait bondi littéralement
de peur quand le Félys avait surgi
à ses côtés.
« Maaz’Ordia, princesse, il faut
partir. » Léonde avait remarqué le
corps souple et nerveux du Félys.
Il s’était exprimé dans la langue
commune, avec un léger accent,
pour s’assurer que Léonde le com‑
prendrait. Sa voix était ferme mais
cela ne ressemblait pas à un ordre.
Le ton employé évoquait plutôt ce‑
lui d’une nécessité impérieuse, de
celle qui ne se discute pas. La jeune
femme s’était levée et avait jeté
un dernier regard intrigué à Léonde
avant de remonter sa capuche de
soie blanche brodée de fils d’or.
Léonde les avait ensuite vus s’éloi‑
gner au‑delà de l’horizon en direc‑
tion de la Haute‑Terrasse.
Depuis, les deux individus avaient
disparu. Au matin, Léonde s’éton‑
na de ne pas voir la silhouette du
Félys se déplacer avec la grâce d’un
équilibriste sur les toits. Il ne s’en
inquiéta véritablement qu’au deu‑
xième matin, de manière inexpli‑
cable. Jusqu’à ce soir de pluie où il
finit par s’endormir, hanté par des
images de morts.
Au matin, Clepsydre le réveilla
doucement en frottant son pelage
sur le visage du mareschal, comme
il le faisait tous les jours. Cette
ponctualité du doudilain était à
l’origine du nom que lui avait don‑
né le rivière. Le devoir l’appelait. Le
jeune homme jeta sans véritable
espoir un coup d’œil sur les toits
mais il ne vit pas les Félys. Il sou‑
pira bruyamment, comme pour
évacuer ses sombres pensées. Il y
parvint plutôt bien. Léonde enfila
sa robe et dévala les escaliers fran‑
chissant les paliers labyrinthiques
du bâtiment sans même y prêter
attention. Quand l’Ouvrir sonne‑
rait, il devrait être à son poste !
Le jeune clerc passa au plus court, à
travers les traboules fumantes, pour‑
tant si malfamées. Il s’y remémorait
ses années d’étudiant, lorsqu’il avait
découvert pour la première fois ces
ruelles colorées et grouillantes, en
particulier au début de la nuit. Que
de plaies avait‑il oint de vinaigre des
sables ! Mais toujours le malheureux
semblait en sourire.
Le jeune mareschal arriva sur la
place du grand marché où les pre‑
miers étals faisaient leur appari‑
tion. Léonde ne put s’empêcher
d’admirer la longue esplanade
presque vide et son regard se per‑
dit un instant au bout de ces deux
cents toises sur le majestueux
théâtre de la ville, là où il ne man‑
quait pas de se rendre chaque mois
pour assister aux pieuses joutes
oratoires. Il dépensa finalement
quelques sous auprès d’un mar‑
chand ambulant pour s’offrir un pe‑
tit‑déjeuner qu’il dégusta en mon‑
tant la calme rue qui‑qu’en‑peut.
Lorsqu’il descendit vers la
Chaussée du lac, il avait fini de se
restaurer et il accéléra le pas. Sur
la place du Crâne, au loin, près du
temple à l’allure délabrée, il vit
les crieurs se préparer à annoncer
l’Ouvrir. Il devait être en retard. À
peine remarqua‑t‑il l’inhabituelle
procession qui quittait le temple à
une allure empressée.
Descendant les échelles les plus
étroites, coupant par les courettes
les plus obscures, se faufilant dans
les venelles, il rejoignit enfin le quai
de l’Antiquaille. Léonde stoppa sa
course un instant lorsqu’il vit une
galère de la ville rejoindre le chan‑
tier naval : la Flèche de Dénéris avait
visiblement souffert de sa sortie
sur le lac et quelques badauds intri‑
gués observaient son avancée. « On
dit qu’elle a mouillé quelque part
près de Coraz. M’est avis que c’est
un coup des Souleÿnains ! »
Cette remarque plongea Léonde
dans d’étranges réflexions. Que lui
arriverait‑il si une guerre se décla‑
rait ? Cette perspective l’effrayait
autant qu’elle l’excitait. Une guerre
était l’occasion de se mettre en
avant. Il pourrait plus rapidement
gravir la hiérarchie de son ordre. Et
il souriait en pensant aux exploits
qu’il allait accomplir et qui ferait
l’honneur de son nom. Lorsqu’il
arriva à la porte des Caravanes,
celle‑ci était déjà ouverte. L’ogul de
faction lui signifia d’un œil répro‑
bateur la présence de deux chevaux
de selle à inspecter. Léonde s’excu‑
sa du retard et détourna la conver‑
sation en évoquant l’arrivée du na‑
vire militaire. « Elle revient de Coraz
en piteux état. » commenta‑t‑il.
Xeniophal n’avait pas dormi de la
nuit. Hier, après avoir enquêté aux
abords du Châtiment, il avait dé‑
couvert les locaux du Salammatin
en proie aux flammes. Effrayé par
tant de violence, le jeune journa‑
liste s’était réfugié chez son père,
impasse de l’arbre de Tulé. Sans
éveiller personne, il quitta la mai‑
son familiale très tôt, bien décidé
à poursuivre sa tâche de noble
informateur au service de la vérité.
Il retrouva rapidement un ami à
l’UMU qui lui apporta deux bonnes
nouvelles. La première était que,
les locaux du Salammatin détruits,
son esprit survivrait : un nouveau
journal allait naître, La gazette
de Laelith, et Ansar Allamra, sa
rédactrice en chef faisait appel à
lui. La seconde lui offrait un sujet
inédit : une galère de la marine
laelithienne était revenue endom‑
magée de Coraz. Des délégations
des quatre temples se rendaient
à l’instant au palais. L’heure
était grave. La guerre était inévi‑
table. Les ambitions de la ville de
Souleÿna étaient bien connues : le
contrôle que Laelith exerçait sur
Coraz, la ville jumelle à Souleÿna,
était un frein à son expansion et
menait droit au conflit ouvert.
Ces nouvelles requinquèrent
Xeniophal. Il se lança à la pour‑
suite d’informations vérifiables
et vérifiées. Il se rendit d’abord au
temple du Nuage où il put s’assu‑
rer que le grand prêtre avait quitté
le bâtiment à la fin de la nuit pour
se rendre à la Haute‑terrasse avec
ses plus fidèles conseillers. Il solli‑
cita ensuite ses indics aux ambas‑
sades, mais il ne tira rien d’eux.
Puis il fila à la Haute pour interro‑
ger un contact au palais du Conseil
respectueux.
Xeniophal fût d’abord déçu : rien
ne confirmait la dégradation des
relations entre les Souleÿnains et
le pouvoir royal‑divin. Les consé‑
quences sur l’économie seraient
importantes et il semblait inen‑
visageable que les membres du
Conseil respectueux ne soient pas
informés d’un quelconque change‑
ment. Or il n’en était rien. Le gref‑
fier Virsef sortait tout juste d’une
entrevue avec maître Mourfaki,
le célèbre banquier, et le sujet
de Coraz n’avait même pas été
évoqué.
Mais il se passait bien quelque
chose. Vox Dei, le porte‑parole
du Roi‑Dieu allait s’exprimer ce
matin ! Xeniophal fonça esplanade
de la Demi‑Lune et attendit avec
une foule de gens bien informés
la déclaration officielle. L’heure
avançait et la foule grossissait.
Et devant plusieurs centaines de
personne, une incroyable nouvelle
tomba : Teaphanerys XIV était
mort. Le Roi‑Dieu n’était plus.
Xeniophal n’avait plus qu’à rédi‑
ger son article sur ce jour de deuil
soudain et inattendu.
Léonde s’amusa que la toute
nouvelle gazette évoque le retour
de la galère et la rumeur sur la
guerre avec les Souleÿnains. La
même idée l’avait traversé ce
matin. Avant que l’on apprenne le
décès du souverain. Les jours qui
allaient suivre allaient être une
longue succession de cérémonies
et de rituels. Et cette perspective
ne ravissait pas le religieux. Cela
s’apparentait pour lui à un simu‑
lacre, bien loin de la vraie foi.
Léonde pensait à cela en regar‑
dant de temps en temps la tente
du disciple onduler sous le vent,
esseulée sur les toits désespéré‑
ment déserts…
Et soudain il le vit. Le disciple
courait sur les toits comme un
enfant dans la rue, franchissant
avec aisance les obstacles. Léonde
ne put s’empêcher de sourire avant
de lire l’angoisse qui tirait le visage
du félys. Le disciple bondit jusqu’à
lui, renversant le clerc. Pour la pre‑
mière fois, Léonde perçut la nature
martiale du félys qui, sans at‑
tendre une seconde, l’interrogea :
« Tu es un chal ? Tu as déjà soigné
les fauves ? »
Léonde resta un moment interlo‑
qué avant d’ânonner une réponse
où il évoquait ses cours auprès
du magistère Rumil. Cela sembla
convaincre le guerrier. « Suis‑moi ! »
ordonna‑t‑il à Léonde sur le même
ton qu’il avait employé quelques
jours plus tôt en présence de la
princesse.
Prévenant, le Félys lui indiqua
un chemin sûr à travers les toits
qui imposa de nombreux détours
et qui n’était pas exempt de diffi‑
cultés. Léonde arriva essoufflé sur
une petite terrasse qu’il eut du mal
à reconnaître. Mais la toile de tente
qui flottait doucement plus haut
ne laissait aucun doute sur l’en‑
droit où il se trouvait. Une seconde
suffit à son regard pour trouver la
fenêtre de sa chambre. Il était dans
le sanctuaire du disciple.
« Elle est dans la tente », dit‑il
simplement. Léonde hésita avant
de soulever le pan de tissu coloré.
Ce qu’il découvrit le fit un instant
paniquer : Maaz’Ordia était cou‑
chée, tremblante. Du sang s’écou‑
lait d’une vilaine blessure sur le
flanc gauche. Le prêtre s’agenouil‑
la près d’elle et commença à prier.
Mais sa magie semblait sans effet.
Il se ressaisit puis réclama au Félys
une bassine d’eau claire, des draps
propres et sa fiole de vinaigre des
sables ainsi que les instruments
qu’il conservait dans son logis.
Léonde, l’ancienne rivière, veilla
Maaz’Ordia bien au‑delà du temps
nécessaire. Au point de ne plus
retourner à son poste qui jadis le
rendait si fier. Sa disparition sou‑
daine fit même l’objet d’une brève
rédigée par Xeniophal quinze jours
plus tard.
Non, depuis ce jour et la mort
du Roi‑Dieu, Léonde vit parmi les
Félys. Il est l’invité des Maaz’ et
l’ami dévoué de Remza Sshshr,
disciple Talvorrri.
Thomas Le Goareguer
Merci à Lucas pour nos échanges
à propos des Félys, et à JM‑MJ pour
sa relecture.
SCÉNARIO | 167
168 | SCÉNARIO
LAELITH
Le collier de Maaz’ordia
Un joaillier pourra estimer la
valeur du collier : elle n’est
pas très élevée, environ une
dizaine de po. Un savant
reconnaîtra cependant sa
valeur culturelle, car il a été
conçu dans la tradition des
arts Félys d’Ack’erm, une
antique tribu de félidés : il
s’agit d’un collier d’âmes.
Ses perles ont été gravées
de fines arabesques presque
invisibles qui évoquent la vie
des ancêtres du propriétaire.
Il a donc une valeur
considérable pour la famille à
laquelle il appartient.
Ce qui s’est passé
Alors que la ville pleure son sou‑
verain, Teaphanerys XIV, la foule
ignore qu’un autre drame s’est joué
le même jour, qu’un autre prince a
connu un destin funeste. La famille
des Maaz, une noble famille de féli‑
dés, a en effet perdu son héritier. Sa
sœur, Asma Sshshr Maaz’ordia, avait
eu vent quelques jours auparavant des
menaces qui pesaient sur son aîné. Elle
avait tenté de le prévenir à l’aide d’un
disciple de Talvorrri, Remza Sshshr,
un moine solitaire dont le sanctuaire
était situé terrasse de la prospérité.
Mais ils arrivèrent trop tard : un fé‑
roce demi‑ogre avait mortellement
blessé le prince, Maaz’ordem Madim,
et dans la lutte qui s’engagea ensuite,
il blessa grièvement Maaz’ordia avant
de s’enfuir. Au cours de l’empoignade,
l’assassin avait arraché à la princesse
son collier de perles d’ambre. Mais
cette perte était bien futile comparée
au décès du prince.
Les semaines passèrent. Maaz’ordia
se remit de sa blessure grâce à un
jeune médecin que la providence avait
mis sur son chemin et qui, depuis, ne
la quittait plus. Elle ne cessait de crier
vengeance. Léonde, l’ancien chal, ten‑
tait de l’apaiser tandis que Remza lui
conseillait la prudence. Personne ne
savait qui avait commandité cet assas‑
sinat. Mais la lame qui avait été utili‑
sée et qui infligeait des blessures que
la magie ne pouvait facilement soigner
ne laissait aucun doute : on avait bel et
bien voulu tuer l’héritier des Maaz. Et
on avait réussi.
Remza resta aux aguets et fit appel à
un mage pour retrouver le demi‑ogre,
en vain. Il instaura néanmoins une
veille magique pour retrouver le col‑
lier de Maaz’ordia et son instinct fut
récompensé : quelques mois plus
tard, il fut alerté de la réapparition
du collier entre les mains d’une bande
d’aventuriers…
Introduction
Les personnages se retrouvent,
comme souvent, dans une taberge.
L’ambiance du Grand Récliste, sise à la
Chaussée du lac, rue des Albatros, est
bonne, et le tenancier, Jilior Fémur,
un halfelin jovial, leur sert un ragoût
délicieux. Derrière le comptoir, une
impressionnante mâchoire de récliste
est accrochée. Jilior affirme fièrement
l’avoir tué dans sa jeunesse. À la nuit
tombée, une table commence à jouer
aux cartes. Peu à peu, la tension gran‑
dit : les sommes misées atteignent le
lithal. Des curieux s’attroupent et un
silence pesant entoure les joueurs…
Ils sont trois autour de la table :
Grabur, un demi‑ogre impressionnant
au maillot très échancré qui dévoile un
corps musclé et des greffes coraziennes
particulièrement intimidantes (un œil
avec une paupière fonctionnelle et un
doigt griffu notamment) ; Gilman de
Vérise, un bourgeois au front dégouli‑
nant de sueur et à l’œil vitreux (il a visi‑
blement abusé de la schtoob rigoule) ;
et Malfisa, une demi‑elfe au sourire
narquois. Les PJ devront enquêter sur
les joueurs de carte par la suite. Ne dé‑
voilez pas l’intégralité de leur identité
et communiquez uniquement ce qui
est nécessaire.
Les PJ sont libres de rester specta‑
teurs ou de s’inviter à la table. Mais ils
doivent impérativement finir la soirée
en possession du collier que l’ogre va
finir par miser à force de perdre. Pour
cela plusieurs options s’offrent à vous.
• Si les PJ jouent, ils peuvent gagner le
collier mais cela doit paraître natu‑
rel. Faites plusieurs jets de dés et,
si le sort est avec eux, alors ils em‑
portent la mise.
• S’ils ne jouent pas ou qu’ils perdent,
faites du bourgeois le gagnant. Au mo‑
ment de quitter l’établissement (après
la bagarre, voir plus loin), il proposera
aux PJ de l’accompagner et les récom‑
pensera en leur offrant le bijou.
 N’hésitez pas à laisser à vos joueurs
l’initiative : cela n’en sera que plus
amusant. Si un PJ peu scrupuleux
décide de subtiliser quelques bourses,
par exemple, le collier fera partie
de son butin.
Bagarre générale !
Enfin, il est possible aussi que le
collier finisse en leur possession sans
qu’ils s’en rendent compte. Car la soi‑
rée se clôture par une bagarre généra‑
lisée déclenchée par le Demi‑ogre, fu‑
rieux de sa malchance, accusant (à tort
ou à raison) les autres joueurs de tri‑
cherie. Les tabourets volent, les chopes
se brisent. Cette scène doit à la fois
démontrer la force de Grabur et offrir
quelques instants de franche rigolade.
Utilisez tous les poncifs du genre : le
mobilier qui casse, l’ivrogne ridicule
qui s’effondre, le coup de poing qui
atteint une autre personne que la cible
et qui déclenche une autre bagarre, le
tenancier qui court dans tous les sens Grabur, l’ogre de Coraz
pour calmer les esprits, désespéré par RNP
les destructions, la servante utilisant Voir le chef de gang,
une poêle pour assommer un belli‑ Compendium de PNJ, p. 23
gérant, le bourgeois effrayé à quatre
pattes sous les tables qui ramasse les COF
pièces qui tombent au sol… NC 3, taille moyenne
FOR +3* DEX +0 CON +3*
Normalement, les PJ s’en sortiront
avec quelques bleus (tous les dégâts
INT +0 SAG +0 CHA +0
DEF 19 PV 55 Init 10
sont temporaires) voire un œil au Épée courte +8 DM 1d8+7
beurre noir… et un beau bijou ! Les Voie du cogneur Rang 1
voilà lancés sans qu’ils le sachent dans
une nouvelle aventure.
Premier contact
Remza Sshshr va alors sortir de sa
réserve habituelle pour aller interroger
les PJ. Le moine est maladroit lorsqu’il
s’adresse à eux. Solitaire par nature, il
descend peu parmi les « rampants » et
il est très méfiant. Il paraîtra donc un
peu sauvage, voire agressif, désignant
le bijou ou le décrivant précisément
avant de demander : « Où avez‑vous
SCÉNARIO | 169
170 | SCÉNARIO
LAELITH
eu ce collier ? ». Il est possible que
les PJ refusent de répondre (après
tout, c’est qui, ce Félys ?). Remza
répétera la question, puis renon‑
cera finalement à cette approche.
Une patrouille de la garde arrivera
au même moment, ce qui pour‑
rait faire croire que Remza la fuit
(histoire d’embrouiller un peu
les joueur). Mais il continuera à
surveiller les PJ. Une fois leurs
habitudes bien connues, il enver‑
ra Léonde, plus diplomate, pour
questionner les personnages.
La rencontre avec Léonde n’est
pas nécessairement immédiate. Si
les PJ se désintéressent du collier et
de l’étrange Félys, aiguillez‑les sur
une autre quête. Rien ne presse. Le
jeune chal interviendra au meilleur
moment, quand les PJ seront bles‑
sés par exemple, pour les soigner
(Léonde est bénévole dans un dis‑
pensaire des traboules fumantes).
Son objectif est d’être entendu et il
ne brusquera pas les choses.
Une fois qu’il aura gagné leur
confiance, il abordera alors le
sujet qui l’occupe. Léonde expli‑
quera qu’il est à la recherche d’un
Demi‑ogre qui a assassiné le pro‑
priétaire du collier. Ce dernier
était un personnage important
de sa communauté et une forte
récompense sera versée à ceux qui
permettront d’arrêter et d’interro‑
ger le Demi‑ogre. Il insistera bien
sur un point : l’individu doit pou‑
voir parler ! Il ne s’agit pas d’une
simple vendetta mais bien d’une
investigation. Le Demi‑ogre n’est
que l’homme de main, la commu‑
nauté veut savoir qui lui a com‑
mandité ce crime.
Sur cette « communauté »,
Léonde restera évasif tant qu’il ne
sera pas certain que révéler qu’il
s’agit d’une famille princière Félys
ne compromettra pas les chances
de remonter à la source. Il usera
de parabole ou de métaphore :
« puissante famille », « noble li‑
gnée », « habitant les hauteurs »
(entretenant la confusion avec
la Haute‑terrasse). Les PJ pour‑
ront en revanche avoir la preuve
de leur richesse puisque Léonde
leur offrira, en guise d’avance
pour leur collaboration, une
belle somme d’argent (30 po par
PJ, à moduler selon votre conve‑
nance), indiquant que la capture
du demi‑ogre sera doublement
récompensée, en or et en grati‑
tude. Et la gratitude d’un prince
n’a pas de prix.

Intrigue
chez les Maaz
La rencontre avec le véritable
employeur de PJ semblera à un
moment nécessaire. Il est possible
que cette rencontre intervienne
assez tôt, selon les actions et les
désirs de vos PJ. Il est aussi envi‑
sageable qu’ils quittent Laelith
pour Termoral sans demander
leur reste. Les joueurs sont parfois
imprévisibles ! Néanmoins, appro‑
cher les félidés vous permettra
d’introduire des éléments qui ex‑
pliqueront les événements à venir.
Le palais des Maaz’
Il est situé en haut d’un im‑
meuble de la terrasse du Nuage.
De petite taille, son architecture
est orientale. Sur le toit se trouvent
les parties nobles : un ensemble
de salles assez hautes sans étage
s’organisant autour d’une cour
intérieure ouverte au vent côté
est. Le Blanc œil habite une tente
modeste sur le point le plus haut.
Les cellules et les habitations des
domestiques sont situées « en‑des‑
sous », c’est‑à‑dire au dernier
étage de l’immeuble.
Une famille princière
Les Maaz’ appartiennent à la
caste des logis de la rive nord de
la cité sainte. Dans le jeu com‑
plexe de la hiérarchie des familles
princières, les Maaz’ ont un rôle
mineur. Descendant d’une lignée
prestigieuse de Félys venue de
l’ouest, ayant longtemps occupé le
désert, leur influence n’est pas très
importante. Depuis leur arrivée
dans la ville sainte, ils sont mis au
ban de la société. Leur déchéance
fait qu’ils s’affranchissent volon‑
tiers des règles coutumières de
leurs congénères, n’hésitant pas
à traverser l’Inlam pour se mêler œil de la cour : devineresse et
aux clans plus rustres de la rive magicienne, la magie n’a pas de
sud. Ils ont même parmi leurs
employés un représentant de la
secret pour elle.
caste des cloaques pourtant si peu
Une question
appréciée habituellement.
d’honneur
La famille est actuellement diri‑
Le Maaz’rod considère en secret
gée par Maaz’oriel Fatila. La plus
que l’attitude des héritiers est
ancienne représentante du clan.
inconvenante. Il ambitionne d’éle‑
Fatiguée, elle ne se déplace pas sans
ver le clan dans les plus hautes
l’aide de Shifkari, sa jeune dame
sphères du royaume des félidés.
de compagnie qui lui est fidèle de‑
Cela nécessite de rompre avec
puis sa plus tendre enfance. Douce
certaines habitudes du passé. Il se
et charismatique, Maaz’oriel dirige
garde bien d’exprimer à visage dé‑
sa famille sans douter, et personne
couvert ses pensées mais lorsque
ne conteste ses décisions. Elle jouit
Maaz’ordem Madim a ramené de
d’un fort prestige auprès de tous les
ses expéditions nocturne Aflimia,
membres du clan.
Son héritière est Maaz’ordia
issue de la caste des cloaques, il
a décidé d’user de moyens plus
Asma. La jeune femme est fou‑ directs pour faire aboutir son plan.
gueuse et peut s’emporter facile‑ Il était impensable de laisser sa
ment. Depuis la perte de son frère, famille se mélanger avec une créa‑
le Maaz’ordem Madim, une colère ture de si basse classe !
sourde la ronge. Le Maaz’rod
Aussi le Maaz’rod a‑t‑il com‑
Baror est le chef de guerre du
mandité auprès de maître Cerbère
clan. Fier, il profite de toutes les oc‑
l’assassinat de l’héritier. Il espé‑
casions pour exhiber sa force. Il fait
rait bien ainsi être désigné par
appliquer strictement les décisions
Maaz’oriel comme son successeur.
de sa cousine Maaz’oriel. D’un âge
Mais les mois passent et Fatila
avancé, il n’hésite pas à prendre
ne semble pas se résoudre à cela.
la parole avec un air certain pour
Au contraire, elle passe beaucoup
donner son opinion sur des ques‑
de temps à consoler sa fille et à la
tions politiques, même si cela sort
faire instruire.
de ses fonctions. Il prône une plus
La nouvelle du retour du
grande implication du clan dans
Demi‑ogre en ville met en diffi‑
le jeu des alliances mouvantes des
culté Baror, car Grabur a assisté
familles nobles du nord de la ville.
à une entrevue que le Félys a eue
D’autres personnages notables avec maître Cerbère. Le Maaz’rod
gravitent autour de la famille prin‑ a donc chargé son assassin d’élimi‑
cière. Le chancelier Milan ac‑ ner le stupide témoin de sa félonie
compagne Maaz’oriel depuis plus (voir la deuxième partie).
de vingt ans. Il est chargé des actes
administratifs et accorde les au‑
diences à la cour. Il lui arrive fré‑ Sous
quemment de juger lui‑même des
affaires de moindre importance. Il surveillance
a toute la confiance de Maaz’oriel. À partir du moment où les PJ
Astur est l’intendant du pa- rencontrent Remza ou Léonde, ils
lais. Il dirige les domestiques avec seront suivis de près par Cerbère,
rigueur. Nosteria est le Blanc l’homme de main du Maaz’rod.
SCÉNARIO | 171
172 | SCÉNARIO
LAELITH
Scorpions géants S’ils ne peuvent pas le démasquer tout
mutants (peau de pierre) de suite, des PJ méfiants pourraient
RNP comprendre qu’on s’intéresse à eux ou
Voir le Livre de la meneuse, avoir la désagréable sensation d’être
p. 244 observé sans jamais réussir à en com‑
Peau de pierre : CA+3 prendre l’origine.
COF
NC 3, taille moyenne
FOR +3 DEX +4* CON +3* Première partie :
INT −2 SAG +2
DEF 20 PV 26
CHA −4
Init 17
Sur la piste de
Pinces +60 DM l’ogre de Coraz
1d6+4+poison
Poison mortel : Le poison Retour au Grand Récliste
inflige 2d6 DM à la victime ou Jilior Femur se souvient bien de
seulement 1d6 si elle réussit cette soirée et du grabuge qui s’en‑
un test de CON difficulté 10 suivit. Il ne connaît ni le nom du
Demi‑ogre, Grabur, ni celui de la
Malfisa Demi‑elfe, Malfisa. Gilman de Verise
RNP est en revanche un habitué qui vient
Voir le chef de bande,
dépenser son argent dans son établis‑
Compendium de PNJ, p. 22
sement dès qu’il est refait. Le Halfelin
COF le prend en pitié et il a d’ailleurs une
NC 3, taille moyenne belle ardoise… Autant dire que l’effacer
FOR +0 DEX +4* CON +0 aidera grandement à ce que la langue
INT +0 SAG +* CHA +1* de Jilior se délie ! les PJ pourront ainsi
DEF 20 PV 46 Init 23 apprendre où il réside : terrasse de la
Épée courte +9 DM 1d6+4
Main qui travaille, échelle écuyère,
Voie du champion Rang 1
une petite voie perpendiculaire à
l’échelle des Cuirs.
Homme de main de
Malfisa
RNP La maison Verise
Voir la brute, Compendium de
Gilman a vingt‑cinq ans et s’ennuie…
PNJ, p. 22
Son père, Hector, dirige une fabrique
COF d’écus assez ancienne pour avoir
Voir le profil du gros bras, donné son nom à l’échelle qui l’abrite.
p. 279. L’activité est intense mais personne
ne sait où est le fils de la famille. En
fait, tout le monde s’en fiche. Hector
s’inquiétera des éventuelles mauvaises
nouvelles dont les PJ pourraient être
porteurs : « Qu’a‑t‑il encore fait ? ! »
grognera‑t‑il. Présenter les événe‑
ments sous un jour avantageux pour
Gilman pourra accélérer la rencontre
(Sagesse (perspicacité) DD 10
pour s’en rendre compte). Le jeune
homme sera le premier surpris, mais il
se réjouira de pouvoir, pour une fois,
se mettre en avant. Il souhaitera alors
s’entretenir seul avec les PJ, craignant
ce qu’ils ont à révéler.
Gilman assurera dans un premier
temps ne pas pouvoir aider les PJ,
mais s’ils insistent un peu (Charisme
(intimidation ou persuasion)
DD 10), il avouera connaître Malfisa.
Il a déjà eu affaire à elle pour une
sombre histoire de dette dont il ne
s’était pas acquitté. Elle officie rue
Chantereine, sur la Chaussée, non loin
des jardins du Canal‑Rideau. Sa bande
et elle sont régulièrement embauchés
par des banquiers ou des prêteurs pour
recouvrer des impayés. Ils se chargent
aussi du transit des débiteurs indéli‑
cats vers Termoral, la ville qui sert de
marché aux esclaves pour Laelith, si
aucune autre solution n’est trouvée.
Les autres pistes
Les PJ peuvent aussi retrouver la
trace de Malfisa en faisant appel à des
liens (issus d’anciennes aventures ou
grâce à leurs historiques). Ils appren‑
dront peut‑être que « l’ogre de Coraz »
est revenu récemment de la ville côtière
avec ses implants après avoir disparu de
la circulation quelques mois. Il semblait
vouloir monter une affaire qui empié‑
tait sur les plates‑bandes de l’elfe, ce qui
provoqua quelques remous. Il est invi‑
sible depuis la rixe au Grand Récliste.
Une planque patiente près de la
taberge permettra de repérer la
Demi‑elfe qui vaque à ses occupa‑
tions à proximité. Une filature discrète
conduira les PJ rue Chantereine. En
cas d’échec, Malfisa repère les PJ mais
feindra n’avoir rien remarqué. Elle
les mènera alors tout droit dans un
piège (Intelligence (Investigation)
DD 20 pour comprendre son petit
jeu avant qu’il ne soit trop tard). Elle
sera ouverte aux propositions des PJ
si celles‑ci incluent une jolie somme
d’argent. Sinon, le combat est inévi‑
table. Ses complices et elles fuiront à
la première difficulté ou après avoir
donné une bonne leçon aux PJ.
Rue Chantereine
Le repaire de Malfisa
La Demi‑elfe dirige sa petite entre‑
prise d’une main de fer. Cinq personnes
sont à son service. La bande occupe le
rez‑de‑chaussée d’un immeuble avec des
portions importantes récupérées sur les
caves et le proche cloaque. Des débiteurs
malheureux occupent régulièrement ces
caves sombres et discrètes. Si les PJ ar‑
rivent jusque‑là sans encombre, l’accueil
est froid mais professionnel. Malfisa ne
mettra pas en danger son activité pour
quelques aventuriers un peu curieux.
D’autant qu’elle opère en toute légalité !
Mais elle ne se laissera pas se marcher
sur les pieds sans réagir. Elle invitera
donc les PJ a lui exposer leur requête
tout en les conduisant vers les sous‑sols.
« Ainsi, vous voulez voir l’ogre de
Coraz ? … Bien. Attendez‑moi ici, je
vous prie. » L’éclairage de la pièce est
faible. Il y règne une forte odeur d’hu‑
midité, le sol est en terre battue. Un jet
de Sagesse (Perspicacité) DD 15
réussi mettra les PJ sur leur garde (ils
bénéficieront d’un bonus de +5 sur
leur initiative). Les PJ percevront alors
des grattements secs et répétés sur le
sol sableux : deux scorpions géants à la
carapace de pierre se jetteront sur eux
pour les attaquer !

Duel dans les profondeurs

Malfisa observe le combat avec ses
compères depuis un balcon situé à
trois mètres de hauteur. Il est pos‑
sible d’y grimper en réussissant un
jet de Force (Athlétisme) DD 20.
Riant du tour qu’elle leur a joué, elle
encourage aussi bien les personnages
que ses bêtes, se délectant du spec‑
tacle. Son objectif n’est ni de tuer les
personnages, ni de perdre ses précieux
scorpions mutants (leur séjour dans le
cloaque les a en effet modifiés…). Dès
que le duel tourne à l’avantage des uns
ou des autres, elle fait cesser les hosti‑
lités. Les scorpions rentrent dans leur
cage dès qu’elle leur ordonne.

SCÉNARIO | 173
174 | SCÉNARIO
LAELITH
Maître Cerbère
RNP
Voir le limier, Compendium de
PNJ, p. 20
COF
Voir le profil du maître
assassin, p. 279.
Cerbère
RNP
Voir le Livre de la meneuse,
p. 150
COF
Cerbère
Le cerbère est un chien géant
à trois têtes. Sa queue est
couverte d’écailles coupantes
avec lesquelles il lacère ses
ennemis.
NC 6, créature vivante, taille
grande
FOR +8* DEX +0* CON +8
INT −2 SAG +2* CHA +0
DEF 20 PV 70 Init 10
Morsure et griffes +12
DM 2d6+10
Voie du prédateurs rang 2
Capacités
Flair surnaturel : Le cerbère
peut suivre la trace de sa
proie à une très longue
distance.
Les chasseurs
de bêtes demi‑orcs
Si vos PJ sont en galère,
vous pouvez faire intervenir
des guerriers demi‑orcs qui
résident près du camp de
la Longue Patience. Ils sont
spécialisés pour certains dans
la traque des monstres…
Malfisa consent à soigner les plus
blessés (elle dispose d’une réserve
importante de potions de soin) et à ré‑
pondre aux questions des PJ, d’autant
plus facilement que le combat a été
agréable à regarder. Elle peut même
proposer du travail aux PJ !
Ce qu’il est advenu
de Grabur
Le Demi‑ogre a eu l’outrecuidance de
refuser une offre similaire à celle que
Malfisa fait aux PJ. Pire, il s’est mis en
tête de lui voler des clients ! Malfisa
est intraitable en affaire. Elle a donc
profité de ses réseaux pour conduire le
Demi‑ogre à Termoral comme esclave
indenturé ! Il doit déjà y arriver et sera
mis aux enchères le lendemain. Si les PJ
sont convaincants et pas trop vindicatifs,
elle peut les aider dans leur poursuite en
fournissant un sauf‑conduit pour le mar‑
ché aux esclaves. Sans lui, la pointilleuse
administration royale‑divine pourrait
leur faire perdre un temps précieux (et
les agacer profondément !), surtout s’ils
reviennent avec le Demi‑ogre enchaîné.
Malfisa leur apprend que les esclaves
sont vendus aux enchères et qu’un
Demi‑ogre comme Grabur vaut son
pesant d’or. Elle est prête à leur faire
un crédit mais elle a besoin d’un ga‑
rant. « Les affaires sont les affaires,
que voulez‑vous. » Les PJ peuvent aus‑
si demander de l’argent aux Maaz. Ils
peuvent encore décider de partir sans
un sou en poche ou prévoir d’utiliser
leurs propres deniers.
Deuxième partie :
Partie de chasse
Pour les PJ une véritable course
contre la montre débute. Il s’agit de
pourchasser le Demi‑ogre avant qu’il
ne soit vendu et disparaisse hors de
portée. Ce dont les PJ ne se doutent
pas, c’est que leur rôle à venir sera plus
celui de la proie que du chasseur…
En tant que MJ, vous devrez adapter
les oppositions aux PJ en fonction de
leurs actions et des intentions des PNJ.
Il vous faudra tenir compte des heures
de départ et des choix de vos joueurs
pour adapter les obstacles proposés.
Sur la route de Termoral
Le marché aux esclaves indenturés de
Termoral se situe à cinq heures de route
de la ville sainte (un peu plus de 20 km).
C’est la fin de l’après‑midi, l’heure de la
Converse a déjà retenti et les portes de
la ville fermeront d’ici une heure. Les PJ
doivent rapidement décider de leurs ac‑
tions. Voici quelques indications pour
vous aider à gérer leurs décisions.
Les conditions de départ
Les portes de la ville ferment à 20 h et
ouvrent à 7 h le matin. En théorie, il est
impossible de sortir la nuit. Mais faire
jouer ses relations, soudoyer un garde
ou demander à Malfisa peut permettre
de contourner cette règle. À noter que
Termoral est accessible par les eaux du
lac, pour ceux qui voudraient en pro‑
fiter pour faire une lente croisière…
Une barque peut aussi quitter le port
et déposer discrètement des passagers
près du quartier des Maisons noires ou
du village utruz voisin.
On peut facilement louer des mon‑
tures à proximité des portes de la ville.
De bons chevaux se monnayent assez
chers cependant, et avec un dépôt
de garanti. Muni de bons destriers,
Termoral est à moins de deux heures de
parcours. Cinq heures sont nécessaires
à pied. Si les PJ forcent leur marche,
ce temps est réduit à trois heures. Ils
peuvent au contraire avancer prudem‑
ment en surveillant leurs arrières : le
trajet durera alors sept heures.
Maître Cerbère
L’homme de main du Maaz’rod se
fait appeler maître Cerbère. C’est un
assassin hors‑pair, initié à la magie,
qui a la particularité de dresser des
cerbères qu’il utilise lors de ses mis‑
sions. Ses motivations sont simples : le
pouvoir et l’argent. En s’associant avec
le chef de guerre, il gagne les deux.
Il ne connaît pas le destin de Grabur.
Le Maaz’rod l’a mis tardivement sur sa
piste et il suit les PJ dans l’espoir de le
retrouver et de le faire taire à jamais.
À défaut, il veut empêcher les PJ de
mettre la main dessus.
Il franchit les portes de la ville à la
suite des PJ et se lance à leur poursuite
sur la route de Termoral. Une fois en
dehors de la ville, il rejoint son repaire
(un réseau de grottes dans la vallée des
cendres) pour libérer son cerbère. La
créature est dressée pour la chasse :
elle fera tout pour ralentir l’avancée
des PJ. Si elle est grièvement blessée,
elle retourne dans son repaire pour se
soigner. Les PJ peuvent alors la suivre.
Si les PJ parviennent jusqu’à son
repaire, ils y trouvent un chiot cer‑
bère en cage et un parchemin conte‑
nant le sortilège Dominer un monstre
(5e) / Domination (COF). Une lettre
du Maaz’rod laisse peu d’équi‑
voque sur son rôle dans la mort du
Maaz’ordem Madim.
À Termoral
Le marché aux esclaves indenturés
de Termoral est un vaste caravansé‑
rail géré par les autorités de la ville.
Les esclaves sont amenés ici par des
esclavagistes, fonctionnaires de la Cité
sainte : un avantage pour les PJ quand
on connaît la rigueur administrative
de Laelith. Tous les échanges sont
minutieusement consignés. Quelques
tests de Charisme (Persuasion)
et d’Intelligence (Investigation)
réussis permettent aux PJ de retrouver
la trace de Grabur. « L’ogre de Coraz »
ne passe pas inaperçu !
Malheureusement pour les PJ,
Grabur n’est jamais arrivé au marché :
les Fers libres ont fait valoir leur droit
de préemption et il a intégré la com‑ Mercenaire
pagnie de mercenaires. C’est avec eux des Fers libres
qu’il va falloir négocier ! RNP
ID 5
Créature monstrueuse Taille P
Le camp des Fers Libres Bonus de Maîtrise +3
Les mercenaires sont installés à FOR DEX CON INT SAG CHA
+4 +2 +2 +0 +1 +1
mi‑chemin entre Termoral et Laelith
(19) (15) (14) (10) (12) (13)
(voir marge de Laelith, p. 444). La
+7 +2 +2 +0 +1 +1
compagnie réunit cinq cents guerriers
Langue Commun
et guerrières de toutes les espèces, très
Sens Perception passive 12
fiers de leur appartenance au groupe.
Capacités spéciales
L’officier chargé des nouvelles recrues
Tactique de groupe : Lorsqu’il
se nomme Rature le Jaune (en raison effectue un jet d’attaque
de sa tignasse dorée). L’accueil est contre une créature alors
froid et distant. Pour briser la glace, qu’au moins un de ses alliés,
une bonne démonstration de force qui n’est pas neutralisé, se
vaut mieux que la diplomatie ! trouve à 1,50 m de cette
Une fois que les PJ ont fait bonne dernière, le mercenaire Fer
mesure (en combattant devant eux le libre obtient l’avantage à
cerbère ou après une phase de lutte son jet.
selon les circonstances), Rature les Combat
écoute et peut faire preuve de compré‑ CA 12
hension si les PJ se montrent convain‑ PV 91 (14d8+28)
Vitesse 9 m
cants ou s’ils promettent une compen‑
Scores d’attaque
sation. Grabur n’a heureusement pas
Chaîne. Attaque d’arme de
encore accompli la cérémonie d’ini‑ corps à corps +7, allonge
tiation. Une cession est donc envisa‑ 3 m. Dégâts : 1d8+4 (8)
geable. Les PJ peuvent alors repartir contondants
avec le Demi‑ogre en toute légalité et Actions
retourner en ville. Attaquer. Trois attaques de
Grabur veut échapper à tout prix à ce chaîne.
retour. Il sait qu’il court vers une mort Action bonus
Désarmer (recharge 5−6) :
certaine. Il peut offrir de conduire les
PJ dans le repaire de maître Cerbère Le mercenaire Fer libre
ou bien avouer son implication en tente une manœuvre afin
échange d’une protection de la ville. de désarmer sa cible avec
une de ses chaînes. Sa cible
Il préfère être emprisonné dans les
effectue un jet de sauvegarde
geôles de la cité que la mort au détour
DD 13. Si elle échoue, l’objet
d’une échelle ! qu’elle tient en main tombe à
À vous de voir comment les PJ négo‑ ses pieds.
cient sa coopération. S’ils ont des liens
avec les autorités de la ville, ce peut COF
être le bon moment de les utiliser. NC 4
Grabur tente en tout cas de préser‑ FOR +3* DEX +0 CON +3
ver ses chances de survie et ne donne INT +0 SAG +0 CHA +0*
pas de nom. Il espère encore pouvoir DEF 17 PV 55 Init 13
trouver une porte de sortie s’il ne dit Chaîne +10 DM 1d8+7
Voie du combat rang 5
rien. En dernier recours, Grabur ac‑
cepte de piéger son commanditaire,
le Maaz’rod.
SCÉNARIO | 175
176 | SCÉNARIO
LAELITH
Le Maaz’Rod Barod
RNP
Voir le Chef de réseau,
Compendium de PNJ p.23
COF
Voir le profil du Capitaine,
p.279. Ajouter la Voie du PNJ
récurrent rang 2
Troisième partie :
Complot à la cour
Les PJ ont donc récupéré Grabur ou
bien la lettre du Maaz’rod dans le repaire
de maître Cerbère (ou même les deux).
Léonde les en félicitera et donnera la
récompense prévue. Le scénario peut
s’arrêter là si vous le désirez ou si les
joueurs ne poussent pas leur avantage.
La position des PJ est en effet idéale
pour accéder à la cour et démasquer
eux‑mêmes le traître. Utilisez alors la
description de la famille princière et
de son entourage présente au début du
scénario. Voici quelques suggestions
pour faire vivre l’ensemble :
• Grabur : Le demi‑ogre reste a priori
silencieux depuis sa cellule. Son
unique objectif est de sauver sa
peau. Si maître Cerbère est encore
en vie, il sera encore plus difficile à
convaincre. Si sa vie est en danger, il
dénoncera le Maaz’rod.
• Le Maaz’rod Baror : Déterminé,
il cache bien son jeu. Devant les
preuves, il nie sans hésitation.
Véritable expert des coups bas, il ne
recule devant aucune action. Si les PJ
se sont emparés de la lettre, il veut
la faire détruire avant que les PJ ne
la présentent. Ce sera parole contre
parole. Cela peut être stimulant pour
les PJ de connaître le traître mais de
ne pouvoir le démasquer aussitôt.
En dernier recours, le Mazz’rod
tente de faire tuer Grabur en manipu‑
lant Aflimia.
• Aflimia : Cette frêle Félys de la
caste des cloaques est discrète. Elle
n’en nourrit pas moins une pro‑
fonde haine contre celui qui a tué le
Maaz’ordem. Manipulée par Baror,
elle tente d’empoisonner Grabur en
lui apportant un plat dans sa cellule.
Si elle est présente lorsque l’impli‑
cation de Baror est révélée, elle se
jette littéralement sur lui toutes
griffes dehors !
• Maaz’oriel Fatila : elle n’a pas
confiance en Baror depuis que
Nosteria l’a mise en garde, mais
elle est aussi très fatiguée. Les PJ
devraient n’avoir que peu d’interac‑
tions avec elle, à l’exception peut‑être
de l’audience finale, quand il s’agit de
compromettre le Maaz’rod. Elle juge
sévèrement toute faute.
• Shifkari : La confidente de Fatila fait
part de ses soupçons sur le Maaz’rod
si l’occasion se présente. Elle est une
alliée pour les PJ, facilitant leur en‑
quête, autorisant notamment l’inter‑
rogatoire de Grabur ou des membres
de la cour.
• Le chancelier Milan : Il observe les PJ
d’un mauvais œil, n’appréciant pas
l’intervention de personnes n’appar‑
tenant pas au clan (il a la même réti‑
cence contre Léonde). Il ne cherche
cependant pas à s’opposer à Shifkari
qu’il sait être la voix de Maaz’oriel.
• Maaz’ordia Asma : Absente à l’arri‑
vée de Grabur, elle fera une appari‑
tion tonitruante à la cour, exigeant la
tête du Demi‑ogre.
• Léonde : Il arrive avec Maaz’ordia.
Il cherche à la calmer et aidera s’il
peut les PJ.
• Astur : Il déteste qu’on s’immisce
dans sa gestion du palais. Personnage
hautain et antipathique, il maltraite
régulièrement Aflimia. Un faux cou‑
pable idéal si vous voulez conduire
vos PJ vers une fausse piste.
• Nosteria, le Blanc œil : La devi‑
neresse parle par énigme et n’a
confiance qu’en sa magie. Elle sait
que le Maaz’rod est coupable (elle en
a fait part à Maaz’oriel) et qu’il sera
démasqué. Aussi elle laisse le destin
faire son chemin en confiance.
Thomas Le Goareguer
Illustrations : Mélanie Planquelle
BIENTÔT DISPONIBLE !

Seconde édition

SCÉNARIO | 177
178 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD

CO CTHULHU

LES MYSTÈRES
D’OXFORD
os Sur les traces de Tolkien,
D

sie ie
r t ol k étudiant et professeur
Et si l’auteur du Seigneur des anneaux avait fréquenté, sans le
savoir, des lieux hautement chargés en complots ésotériques ?
Les très anciennes facultés anglaises semblent tout à fait
propices aux recherches occultes.

Oxford Démographie et économie

Tolkien et le dictionnaire
En début de carrière,
Tolkien a passé deux ans à
travailler sur l’Oxford English
Dictionnary (en 1919 et
1920), en tant qu’assistant de
Henry Bradley, et ce au sein
de l’Old Ashmolean Building
(qui contient alors une
« Dictionary Room »). Il aurait
dit plus tard avoir appris
plus de choses en ces deux
années qu’en toute autre
partie de sa vie !
Géographie et climat
Située à 90 km (56 miles) au nord
de Londres, la ville connaît un climat
maritime tempéré, avec des tempéra‑
tures moyennes allant de 1,4 °C à 6,8
°C en janvier, et de 12,2 °C à 21,2 °C en
juillet. Les précipitations y sont éle‑
vées, avec un minimum de 41 mm en
février pour un maximum de 65,3 mm
en octobre. Notons d’ailleurs que ces
informations proviennent de la station
météorologique Radcliffe, qui dispose
de la plus longue série de relevés pour
la Grande‑Bretagne (en l’occurrence,
ces relevés remontent jusqu’à 1815, et
même au‑delà).
Deux grands cours d’eau traversent la
ville : la rivière Cherwell, mais aussi la
Tamise. En fait, les deux se rejoignent
à Oxford, la Cherwell étant un affluent
du fameux fleuve que l’on retrouve à
Londres. Remarquons au passage que,
jusqu’au début du XXe siècle, la Tamise
portait le nom d’Isis, dans les environs
d’Oxford (appellation encore utilisée
pour désigner une partie du fleuve en
ce qui concerne les courses d’aviron).
La population de la ville s’élevait à
environ 52 000 habitants en 1921, pour
atteindre 63 000 habitants en 1941. La
confession majoritaire est le christia‑
nisme, et plus spécifiquement l’angli‑
canisme : une religion proche du catho‑
licisme, mais moins centralisée, moins
homogène, et autorisant le mariage
des prêtres, voire le divorce et le rema‑
riage des fidèles.
Lieux notables
Passons rapidement en revue
quelques endroits qui pourraient agré‑
menter vos histoires se déroulant dans
la ville d’Oxford, après quoi nous abor‑
derons les deux collèges dans lesquels
Tolkien a exercé professionnellement.
L’Ashmolean Museum (A et B)
De nombreux musées d’Oxford dé‑
pendent de l’université. C’est le cas de
celui‑ci, institué en 1683, initialement
sur Broad Street (A). Il s’agit essen‑
tiellement d’un édifice dédié aux arts
et à l’archéologie, mais il contient une
variété de pièces, dont une fameuse :
un dodo empaillé, acquis dès 1656

par Elias Ashmole, fondateur du
musée. Le dernier dodo vivant fut
observé en 1662.
Au XIXe siècle, on construit un
nouveau bâtiment sur Beaumont
Street (B), qui devient l’Ashmolean
Museum, tandis que le bâtiment
de Broad Street devient secon‑
daire (on l’appelle d’ailleurs Old
Ashmolean Building). Ce dernier
reçoit en 1924 une donation de
Lewis Evans comprenant de nom‑
breux instruments scientifiques
remontant jusqu’au moyen‑âge. Il
prend alors le nom de Lewis Evans
Collection, jusqu’en 1934, date à la‑
quelle il devient le Museum of the
History of Science.
De 1909 à 1927, le conservateur du
musée était David George Hogarth,
archéologue autrefois marin (il fut
durant quelques années affecté
en Égypte au service des rensei‑
gnements de l’armée anglaise). De
1929 à 1945, c’est Edward Thurlow
Leeds qui prit le rôle de conserva‑
teur. Après avoir passé quelques
Cathédrale de Christ Church, Oxford – photo de Dmitry Djouce – Licence CC BY 2.0
années en Chine dans sa jeunesse
en tant que cadet de l’armée, il dut
se résoudre à abandonner cette
carrière pour raisons de santé et
revint en Angleterre, y devenant
archéologue.
Et si…
… le conservateur Hogarth
avait vécu des événements
extraordinaires et troublants lors de
ces années en Égypte ? Peut‑être
serait‑il désormais obsédé par ce
pays, sans jamais vouloir y retourner,
et chercherait à Oxford toute
personne ayant séjourné là‑bas afin
d’échanger sur le sujet ? Osera‑t‑il
avouer ce qui l’a ébranlé au pays des
pharaons ?
La salle de musique Holywell (C)
Bâtie en 1748, la Holywell Music
Room est considérée comme la
plus ancienne des salles de mu‑
sique de chambre en Europe. Elle
fait partie du Wadham College. On
peut y accueillir 200 personnes. On
y trouve un orgue, mais on peut y
assister à une grande variété de
concerts, ainsi qu’à des sessions
d’enchères à des expositions.
Et si…
… un artiste torturé parvenait à
y faire exposer ses toiles ou ses
sculptures ? Le londonien Austin
Osman Spare pourrait être un bon
candidat, en tant que peintre et
occultiste ayant côtoyé Aleister
Crowley. Il fut le fondateur d’une
magie des sigils (sceaux) qui sera
plus tard intégrée à la magie du
chaos.
La cathédrale de Christ Church (D)
C’est la cathédrale du diocèse
anglican d’Oxford. Elle sert aussi de
chapelle au collège universitaire de
Christ Church. Bâtie au XIIe siècle,
elle est située sur l’emplacement
légendaire du couvent fondé pour
Frithuswith (appelée plus commu‑
nément Frideswide, ou Fréwisse en
français), princesse devenue reli‑
gieuse, ayant vécu au VIIIe siècle.
Depuis la création de la cathédrale,
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182 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
cette abbesse est considérée
comme la sainte patronne de la
ville d’Oxford, mais aussi de son
université. L’histoire de Fréwisse
est relatée sur les vitraux de la
cathédrale, et cette dernière abrite
aussi les reliques de la sainte (qui
ont connu une histoire mouvemen‑
tée au cours des siècles).
Et si…
… les multiples transferts de
ces saints restes avaient donné
l’occasion à des conspirateurs de
Pinus nigra, arbre favori de Tolkien dans le jardin botanique – Photo de Jim Linwood – CC BY 2.0
pousser la population à vénérer
tout autre chose ? Le tombeau de
Fréwisse, de pierre décorée par
des visages énigmatiques, pourrait
désormais contenir les restes
d’une antique princesse des eaux
insondables, ou même… la larve
bien vivante d’une menace en
gestation ?
Les Presses universitaires
d’Oxford (E)
En anglais Oxford University Press
(ou OUP), il s’agit d’une maison
d’édition dont la création remonte
à 1586. C’est une telle institution
qu’on la surnomme tout simple‑
ment « The Press ». Des années 1910
aux années 1940, la maison d’édi‑
tion a beaucoup œuvré à établir un
commerce international. Durant
les années 20, le prix des maté‑
riaux (dont le papier) et de la main
d’œuvre ont explosé. Cela a poussé
l’entreprise à importer du papier
depuis l’Amérique du Sud. Notons
aussi qu’en 1923, l’OUP fut l’une
des premières maisons de ce genre
à ouvrir un département dédié aux
publications d’œuvres musicales.
Et si…
… ces nouvelles importations de
papier s’avéraient être confiées
à une compagnie douteuse,
récemment fondée, aux tarifs
imbattables ? Ces transports
pourraient l’occasion d’infiltrer en
Angleterre des documents anciens
aux pouvoirs dangereux. Ou plus
simplement de petits insectes
parasites d’une espèce inconnue,
et peut‑être pas tout à fait d’origine
terrienne (ou bien réveillés après
une longue stase dans les tréfonds
d’une forêt primaire) ?
Le jardin botanique (F)
Le plus ancien jardin de ce type
en Grande‑Bretagne, il fut fondé en
1621 pour y cultiver des plantes mé‑
dicinales à des fins de recherche. Il
abrite plusieurs serres permettant
de faire pousser des végétaux habi‑
tués à différents climats.
Lewis Caroll y trouva de l’inspira‑
tion pour ses Aventures d’Alice au
pays des merveilles.
Et si…
… l’une de vos aventures incorporait
un équivalent lovecraftien du
chapelier toqué ? Un énergumène
impoli et faisant une fixation sur
une coutume dont les PJ n’ont que
faire…
Le Pin noir
Le jardin botanique est voisin du
Merton College, bâtiment universi‑
taire (cf. ci‑après) fréquenté par J.R.R.
Tolkien. On peut d’ailleurs y trouver
des photos de son arbre favori au sein
du jardin, planté en 1830 : un Pinus
Nigra aux formes aussi majestueuses
que torturées (qui dût malheureuse‑
ment être coupé en 2014 pour raisons
de sécurité).
Et si…
… cet arbre était l’hôte d’une entité aux
composantes multiples (à la manière du
démon Légion mentionné dans la bible,
au sein des évangiles de Marc et Luc) ?
Ou s’il était parasité par des créatures
physiques provenant des profondeurs
de la terre ou du fin fond de l’espace ?
Le Sheldonian Theatre (G)
Acheté en 1668 et nommé d’après
son principal contributeur (Gilbert
Sheldon, alors président de l’université
d’Oxford), ce bâtiment n’a pas accueilli
de représentation théâtrale publique
avant 2015. Sur l’époque qui nous inté‑
resse, il était réservé aux spectacles
et cérémonies universitaires. C’est là
notamment que les étudiants, vêtus
de toges noires, se voient décerner
leurs diplômes. On peut y installer 800
à 1 000 spectateurs. En outre, le bâti‑
ment dispose d’un dôme à son som‑
met, assez haut pour offrir une vue
panoramique de la ville.
Et si…
… des étudiants occultistes y organisent
un récital maudit, chantant secrètement
les louanges d’une puissance oubliée,
dans l’espoir de pousser l’assemblée à
participer involontairement à un rituel
exigeant un large chœur ?
L’église universitaire St Mary
the Virgin (H)
C’est à partir de là que l’université
d’Oxford s’est développée, et sa pa‑
roisse est essentiellement composée
de bâtiments universitaires. Tout
comme le Sheldonian Theatre, elle per‑
met d’observer la ville depuis un point
surélevé : sa flèche, ouverte au public.
Cette dernière date de 1320, et fait
partie des éléments les plus anciens
du bâtiment. En effet, elle repose sur
une tour datant de 1270. Le reste a été
rebâti aux XVe et XVIe siècles.
La tour fait 27 mètres de haut, la
flèche fait 31 mètres, pour un total
de 58 mètres.
Prêtres anglicans (nommés vicaires)
en charge de l’église durant la période :
Charles Augustus Whittuck de 1905
à 1923, George Chatterton Richards
de 1923 à 1927, Frank Russel Barry de
1927 à 1933 (qui était alors rentré en
Angleterre après avoir été nommé ar‑
chidiacre d’Égypte en 1923).
Et si…
… le vicaire en place recevait des lettres
de menace provenant d’un groupe
visant à attaquer la foi des chrétiens
d’Oxford, et plus particulièrement la foi
anglicane ? Il pourrait s’agir de cultistes
démoniaques, bien sûr (la première
suspicion des PJ sans doute), ou bien de
catholiques fanatiques se faisant passer
pour des satanistes ?
… le vicaire Barry, anciennement
responsable du territoire égyptien,
était revenu dans l’espoir de recevoir
un exorcisme ? Passé par Londres avant
de s’installer à Oxford, il pourrait avoir
tenté en vain d’obtenir le soulagement
auprès de plusieurs exorcistes ou prêtres
divers. Quelle infâme malédiction a‑t‑il
pu contracter lors de la visite de cette
tombe pharaonique en compagnie de
compatriotes archéologues ?
Un modèle pour
La Radcliffe Camera (I) Morgoth
Bâtiment achevé en 1749, il est origi‑ Pour J. R. R. Tolkien, la forme
nal dans sa conception puisqu’il s’agit de la Radcliffe Camera
d’une bibliothèque circulaire destinée s’apparentait à celle du
aux ouvrages scientifiques. Peu utilisée temple de Morgoth à
jusqu’à son intégration à la Bodleian Númenor. Il mentionnait
Library (bibliothèque Bodléienne) en aussi la bibliothèque dans un
texte inachevé, intitulé The
1861, elle sert à partir de ce moment
Notion Club Papers.
essentiellement pour ses salles de
AIDES DE JEU | 183
184 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
Radcliffe Camera, Oxford ‑ Photo de Chensiyuan ‑ Licence CC BY‑SA 4.0
lecture. Entre 1909 et 1912, on y
bâtit un sous‑sol sur deux niveaux
abritant des réserves de livres
mais aussi un tunnel reliant dis‑
crètement cette bibliothèque à la
Bodleian Library (qui contient au‑
jourd’hui de nombreux manuscrits
et dessins originaux de Tolkien).
Ce passage était surnommé le
« Radder » dans les années 30.
Et si…
… pour faire référence à Morgoth
(Melkor de son premier nom), ce
bâtiment servait à la communication
avec une entité lointaine, justement
parce que la forme du lieu fait
écho de manière effroyablement
exacte à de sombres temples situés
à des années‑lumière de la Terre ?
Les prises de contact pourraient
être involontaires (et générer
des phénomènes inexpliqués)
ou volontaires (effectuées par
des occultistes utilisant les
annales akashiques pour glaner
des informations sur ce canal de
communication).
L’observatoire Radcliffe (J)
Achevé en 1794, cet observatoire
astronomique doit son nom au
médecin John Radcliffe (qui a aussi
financé la Radcliffe Camera ainsi
que l’hôpital Radcliffe Infirmary).
De forme octogonale, la conception
du bâtiment est inspirée par la tour
des Vents, une horloge hydraulique
antique située à Athènes.
L’observatoire fut confié de 1897
à 1924 à l’astronome Arthur Alcock
Rambaut, et à partir de 1924 à
Harold Knox‑Shaw. C’est ce dernier
qui, peu satisfait des conditions
d’observation en Angleterre (en
raison de la météo, du dévelop‑
pement urbain et de la pollution
lumineuse), œuvra au transfert des
observations en Afrique du Sud (ce
qu’il obtint en 1939).
Et si…
… l’un de ces astronomes constatait
un jour l’apparition d’une étoile
inconnue, semblant évoluer
étrangement ? Il pourrait s’agir
d’une météorite approchant de la
Terre, ou bien d’un navire céleste
brillant, transportant des êtres d’une
autre planète (chose que la lunette
astronomique ne peut facilement
confirmer). Cela pourrait aussi
être un de ces êtres cosmiques en
quête de nourriture ou de territoire
propice à la reproduction, comme
cette couleur tombée des étoiles
que connut le Massachussets dans
les années 1880.
La Radcliffe Infirmary (K)
Inauguré en 1770, ce lieu a
conservé sa fonction d’hôpital
jusqu’en 2007. Durant la première
guerre mondiale, une partie du
lieu fut consacré aux soins des sol‑
dats. Situé sur Woodstock Road,
en dehors du centre ville, l’hôpital
permettait dans les années 20 et
30 de recourir à des soins médi‑
caux généraux, mais aussi à des
traitements plus spécialisés, voire
des interventions chirurgicales.
L’endroit était réputé pour accueillir
un personnel médical compétent.
 Une fontaine du dieu grec Triton a été
installée à l’entrée du bâtiment médi‑
cal en 1858. Ce dieu, fils de Poséidon et
d’Amphitrite, est un homme à queue de
poisson, et jouait le rôle de trompette
du dieu de la mer. Il sait aussi bien
déchaîner que calmer les eaux. Pour
ces tâches, il souffle dans sa conque
marine, et le son de cette dernière est
si terrible qu’on l’entend sur toutes les
mers. Même les géants fuient devant
ce son ! Outre cet instrument puissant,
Triton dispose d’un trident, à l’instar
de son père.
Et si…
… ces liens avec la mer et le paganisme
pouvaient constituer un point faible
dans Oxford pour les dieux océaniques
souhaitant pervertir l’humanité ?
L’Exeter College (L)
Lieu d’enseignement établi depuis
1314 sur Turl Street, il fut fondé par
Walter de Stapledon, évêque d’Exe‑
ter. Le collège s’est agrandi au fil des
siècles. De l’époque médiévale reste
surtout la Palmer’s Tower, à proxi‑
mité de la chapelle. Dans les années
1850, le collège a subi de nombreuses
transformations. C’est de cette époque
que date la chapelle actuelle (inspirée
par la Sainte‑Chapelle de Paris), avec
ses vitraux aux riches couleurs et son
orgue. La bibliothèque date aussi de
cette période.
Mais c’est aussi à cette période qu’a
débuté l’activité de l’Adelphi Wine
Club. Ce club d’amateurs de vin pioche
ses membres dans l’Exeter College,
mais a régulièrement été dissous par
les autorités de l’université en raison
de son aspect… tumultueux. Le club
(« supposé » éteint aujourd’hui) était
connu pour ses dîners extravagants et
pour sa pratique excessive du pari après
chaque réunion. On pouvait facilement
être refusé ou sorti du club : on y pra‑
tiquait le vote par blackballing : en cas
de vote sur le maintien d’un membre,
une seule boule noire suffisait à justi‑ Étudiant, tuteur, recteur
fier l’exclusion. C’est à l’Exeter College
que Tolkien a étudié, de
Et si… 1911 à 1915. Parmi ses
… un vin frelaté et maudit était introduit tuteurs, on compte Joseph
dans le club afin d’en corrompre les Wright, dont les travaux ont
membres ? Cela pourrait susciter des inspiré l’auteur du Hobbit
hallucinations, des maladies, ou préparer (notamment l’ouvrage A
le terrain à une possession par des primer of the Gothic language,
forces supérieures. Et le club, partisan publié en 1899 et disponible
de tous les excès, pourrait avoir du mal sur le site archive.org). Le
professeur Wright apparaît
à remettre en question l’usage de ce
dans le film biographique sur
breuvage exceptionnel… jusqu’à ce qu’il
Tolkien (sorti en 2019), où il
soit trop tard.
est incarné par Derek Jacobi.
Cimetière de Wolvercote (M) À l’époque, le recteur
Située en banlieue d’Oxford (à 4 km (qui resta en poste de
1913 à 1928) était Lewis
au nord du centre), sur Banbury Road
Richard Farnell, qui avait
(dans le village de Wolvercote), ce ci‑
voyagé à travers l’Europe
metière existant depuis 1889 accueille
(principalement en
aujourd’hui la tombe de J.R.R. Tolkien Allemagne et en Grèce)
et de sa femme Edith Mary Tolkien. ainsi qu’en Asie mineure
Elle se trouve dans la section catho‑ entre 1880 et 1893. Il publia
lique du cimetière, qui contient de plusieurs livres sur les cultes
nombreuses parties dédiées aux diffé‑ des cité‑États helléniques et
rentes croyances. sur les liens entre la Grèce et
Babylone.
Et si…
… un rendez‑vous discret était donné
en pleine nuit aux PJ dans ce cimetière
isolé et calme ? Soit au milieu des
pierres tombales, soit dans la chapelle.
L’endroit n’a rien d’exceptionnellement
macabre, mais si vous avez besoin d’un
contexte où introduire des esprits ou des
goules… le lieu est tout trouvé !
Le vote par blackballing
Procédé durant lequel les participants placent discrètement des boules
blanches ou noires pour voter sur une décision. Ce type de vote est utilisé
depuis le XVIIe siècle au sein des clubs de gentlemen, loges maçonniques
et autres fraternités anglaises. On y a recours pour les décisions sur les‑
quelles un ou deux votes « contre » peuvent suffire à invalider une déci‑
sion. Par exemple, l’acceptation d’un nouveau membre.
Des boîtes spécifiques sont prévues. Des boules des deux couleurs sont
distribuées à chaque votant. On s’approche ensuite de la boîte pour y
déposer de manière audible une boule. La disposition de la boîte, et d’un
éventuel tissu autour, doit permettre de voir qui vote sans pouvoir perce‑
voir son choix.
AIDES DE JEU | 185
186 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
Lúthien et Beren
Sur la tombe du couple
Tolkien, une plaque
mentionne en parallèle les
prénoms Lúthien et Beren, en
référence à ces personnages
de la Terre du Milieu :
l’humain Beren, amoureux
de la princesse elfe Lúthien.
Amour rejeté par le père de
l’elfe, le roi Thingol, qui exigea
de Beren qu’il lui ramène un
Silmaril (les trois étant alors
en possession de Morgoth).
En cet amour, Tolkien voyait
un reflet de ce qu’il vivait avec
sa femme, qu’il rencontra
alors qu’il avait 16 ans et
elle 19.
Les Inklings
On désigne sous ce terme les
membres d’un cercle littéraire,
principalement actif dans les an‑
nées 1930 et 1940. J.R.R. Tolkien
en faisait partie ! Tout comme
C.S. Lewis (auteur des Chroniques
de Narnia),
Narnia), Charles Williams
(écrivain prolifique : romancier,
dramaturge, essayiste, critique
littéraire, biographe, théologien)
et Owen Barfield, auteur et philo‑
sophe anthroposophe, qui eut une
certaine influence sur l’écriture de
The Hobbit notamment.
Leurs réunions (tenues dans un
pub nommé The Eagle & Child) Child)
étaient très informelles, sans rè‑
glement spécifique ou d’élections
d’aucune sorte. Le but principal
restait de lire au reste du groupe
des extraits de travaux en cours,
Pembroke
College (N)
Fondé en 1624, ce vénérable collège
propose des cours dans des matières
diverses, et Tolkien y fut professeur
d’anglo‑saxon entre 1925 et 1945.
L’ancienneté du lieu en fait un éta‑
blissement prestigieux, mais nous ne
dirons pas grand‑chose du collège réel,
qui nous intéresse surtout ici pour son
lien avec l’auteur du Hobbit. Retenons
que ce type d’université comporte
sa bibliothèque, sa chapelle, etc.
Profitons‑en surtout, néanmoins, pour
tisser une toile mystique en ce lieu où
les PJ pourraient croiser Tolkien, voire
obtenir son aide ou le confronter. En
fin d’article, nous proposons aussi des
profils de PNJ.
Le club secret
des Pâles Lueurs
Ce groupe, fondé au XVIIIe siècle,
tente de génération en génération de
afin de récolter des impressions
et conseils. Parmi les premières
œuvres qui furent lues dans ce
contexte, on retrouve Le Seigneur
des anneaux,
anneaux, mais aussi le roman
de science‑fiction Le Silence de la
Terre écrit par C. S. Lewis.
L’ouvrage de Tolkien inachevé,
The Notion Club Papers (publié à
titre posthume dans L’Histoire de
la Terre du Milieu),
Milieu), propose une
vision fictionnelle des réunions
des Inklings, dans laquelle un
certain Alwin Arundel Lowdham
évoque ses rêves lucides prenant
place dans Númenor, une civilisa‑
tion perdue à la fois reliée à l’At‑
lantide et à la Terre du Milieu. De
quoi peut‑être faire un lien avec les
Contrées des Rêves de Lovecraft ?
faire vivre les recherches occultes au
sein d’une université qui n’y accorde
aucun crédit. Leur maître à penser est
Robert Fludd, mystique des siècles
passés. Chaque année, les membres
élisent un nouveau leader, puis effec‑
tuent des recherches et des expéri‑
mentations alchimiques ou magiques
en parallèle à leurs études.
Robert Fludd
Né en 1574 (décédé en 1637), aussi
connu comme Robertus de Fluctibus,
il s’agit d’un médecin anglais (adepte
des enseignements de l’alchimiste
Paracelse) surtout connu pour ses
ouvrages consacrés à la philosophie
occulte. Il fut astrologue, cabaliste,
rosicrucien… Il étudia et enseigna à
Oxford mais prit le temps de voyager
en Europe pour parfaire son savoir.
S’il a apporté au champ de la méde‑
cine (notamment concernant la circula‑
tion du sang), nous retiendrons ici qu’il
pratiquait la guérison à distance via
un système décrit par Paracelse. Fludd
appelle notamment cela « onguent
de sympathie ». Il a écrit à propos des
champs d’étude déjà mentionnés, ainsi
que sur la géomancie, la physique et
peut‑être la magie (certains traités si‑
gnés d’un autre nom lui sont attribués).
Croyances et devise
Les étudiants du club pensent que
Robert Fludd, officiellement basé
à Londres sur la fin de sa vie, aurait
secrètement participé à la création du
Pembroke College, allant jusqu’à en
influencer l’architecture pour qu’elle
assure une meilleure circulation des
énergies. Ils espèrent retrouver la pra‑
tique de son onguent sympathique, à
savoir cette capacité de guérir à dis‑
tance. Certains membres espèrent
pouvoir utiliser le même vecteur pour,
au contraire, blesser à distance (recher‑
chant ainsi l’onguent antipathique).
Leur devise est la suivante : « Per
unionem contrariorum, in lumine scien‑
tiae, ascendimus » (du latin signifiant
que « dans l’union des opposés, à la lu‑
mière de la science, nous nous élevons ».
Cela fait référence au savoir accumulé
par Fludd et au parcours alchimique
qu’il préconisait (qu’ils considèrent
comme une science mal comprise).
Merton College (O)
L’un des collèges les plus anciens
d’Oxford, il fut fondé en 1264, des
siècles avant celui de Pembrocke !
Parmi ses étudiants et professeurs,
on compte de nombreux personnages
influents, parmi lesquels Randolph
Churchill, le père de Winston, mais
aussi bien sûr J.R.R. Tolkien, qui y fut
professeur de langue et de littérature à
partir de 1945, jusqu’en 1959. L’auteur
avait l’habitude d’écrire souvent en
extérieur, sur une vieille table en pierre
située dans les jardins. Un petit air de
Fondcombe, peut‑être ?
Là encore, nous allons approfondir
le lieu sous un angle occulte large‑
ment imaginaire, même s’il s’ancre sur
quelques noms historiques. La struc‑
ture en miroir avec Pembroke College
permet d’accentuer une rivalité poten‑
tielle entre les deux lieux !
Le club secret
de l’Aube mystique
À l’instar du groupe homologue de
Pembroke, ce club secret ésotérique
travaille depuis des siècles à percer les
secrets de l’univers.
Ces étudiants ont aussi eu l’embar‑
ras du choix en ce qui concerne les
inspirations fameuses ayant étudié
en Angleterre et plus ou moins fré‑
quenté les universités d’Oxford. Ils
ont choisi pour mentors Robert Bacon
et John Dee.
Roger Bacon, le Doctor Mirabilis
Né en 1220 et mort en 1292, il s’agis‑
sait d’un moine franciscain ayant
œuvré en philosophie, alchimie et
recherches à propos de la nature. Il
fut parmi les premiers à critiquer les
thèses d’Aristote. Il a étudié l’optique
(arc‑en‑ciel, prismes, verres grossis‑
sants, télescopes, chambres noires…),
la poudre à canon (décrite en Europe
pour la première fois par lui), la pompe
à air… Il fut grand promoteur de la
méthode scientifique (dont certains
attribuent plutôt l’invention à Robert
Grossetête, dont Bacon fut un disciple).
Bien sûr, il a aussi écrit sur la lin‑
guistique, la médecine, les mathéma‑
tiques, l’astronomie, l’astrologie… Sur
certains de ces thèmes, pour coller à la
fois à l’ambiance lovecraftienne et aux
années 1920 empreintes d’occultisme,
voyons quelles rumeurs ont couru sur
Bacon, jusqu’à être consignées dans des
livres « sérieux » du XIXe siècle (on para‑
phrasera dans ce qui suit le Dictionnaire
infernal, de Collin de Plancy).
Ainsi, l’on a pu dire de Bacon qu’il
voulait élever l’astrologie judiciaire au
rang de discipline scientifique, qu’il
commerçait avec les démons pour
obtenir le savoir ou qu’il croyait en La tête de bronze
de nombreuses superstitions, parmi Une légende assure que
lesquelles le fait que tout alchimiste Bacon s’était fabriqué un
puisse prophétiser à l’aide d’un miroir androïde, à savoir une tête
nommé almuchefi (un miroir « composé de bronze qui savait parler et
pouvait même prophétiser.
suivant les règles de perspective » et à
Le moine, qui avait pour
utiliser sous une bonne constellation).
projet pharaonique
John Dee, père de l’Empire britannique d’entourer l’Angleterre d’un
gros mur d’airain (terme
Encore un savant multi‑cartes, ce‑
désignant aussi le bronze),
lui‑ci a vécu essentiellement au XVIe aurait confié la tête à l’un de
siècle et a œuvré dans les mathéma‑ ses disciples, Thomas Bungey.
tiques, l’astronomie, l’astrologie, l’oc‑ Elle devait lui annoncer le
cultisme, la divination, la philosophie bon moment pour lancer la
hermétique et l’alchimie. Il fut (à partir construction. En deux jours
de 1558) le conseiller et l’astrologue de distincts, l’androïde s’exprima
la reine Élisabeth Ire, qu’il a abandon‑ par un « Il est temps », durant
née un temps pour se consacrer à ses le sommeil du serviteur, sans
que ce dernier ne l’entende.
recherches, avant de revenir pour se
voir rejeté et remplacé. Il termina sa Plus tard, la tête prononça
la sentence « Il n’est plus
vie, en 1608 ou 1609, dans la misère ; on
temps ». On ne sait si Thomas
ne sait pas où il est enterré, et on n’a
dormait à ce moment et cela
même pas de traces de sa mort dans n’a pas grande importance,
les registres de l’état‑civil. car la maison s’écroula
L’université d’Oxford lui proposa en immédiatement sur lui pour
1554 une chaire de mathématiques, l’ensevelir.
AIDES DE JEU | 187
188 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
John Dee et Lovecraft
L’écrivain de Providence a
fait mention de John Dee
dans ses écrits. Notamment
dans la nouvelle intitulée
L’Abomination de Dunwich,
publiée en 1928. On y lit
que le philosophe occultiste
aurait rédigé une traduction
anglaise (depuis l’arabe) du
fameux Necronomicon. Un
livre entièrement fictif sur
lequel l’érudit n’a jamais
travaillé, bien sûr. Encore
que… Le Liber Logaeth, un
ouvrage de Dee, contient des
portions incompréhensibles
qui furent présentées en
1978 comme un encodage
du Necronomicon. Bon, c’est
encore faux, évidemment,
mais peut‑être pas à votre
table ?
qu’il refusa. En 1555, il fut accusé de
trahison envers la reine Marie pour
avoir prétendument calculé à son profit
les horoscopes la concernant. Il put s’en
tirer, non sans avoir à subir un examen
religieux de la part du prêtre catholique
Edmund Bonner, connu pour avoir per‑
sécuté nombre d’hérétiques.
Croyances et devise
Les étudiants du club révèrent autant
Bacon que Dee, mais d’un point de vue
pratique ils se reposent surtout sur ce
dernier, connu pour avoir mis au point
et pratiqué (avec son acolyte Edward
Kelley) la magie énochienne : une pra‑
tique permettant notamment de com‑
muniquer avec des entités spirituelles,
mais aussi d’influencer le monde et la
nature. Cette magie a plus tard alimen‑
té la Golden Dawn (L’Aube dorée), une
célèbre société occulte fondée en 1888
(dissoute vers 1905, mais son influence
perdura des années).
Les membres de ce club pensent que
John Dee a refusé cette chaire de ma‑
thématiques pour accepter à la place
une chaire secrète dédiée aux arts éso‑
tériques. En ce sens, ils pensent perpé‑
tuer une tradition non écrite du collège,
directement liée à ce mage.
Leur devise, qu’ils répètent en début
de réunion, est la suivante : « In tene‑
bris lux revelatur » (« Dans les ténèbres
sera révélée la lumière »).
La maison de
Northmoor Road (P)
Au 20 Northmoor Road (une rue rési‑
dentielle dans le nord d’Oxford, à 2 km
du centre) se trouve une grande maison
(370 m²) dans laquelle J.R.R. Tolkien a
habité de 1930 à 1947 (de 1926 à 1930,
il habitait juste à côté, dans une mai‑
son plus petite, au numéro 22). C’est
dans cette grande bâtisse qu’il écrivit
Le Hobbit et l’essentiel du Seigneur
des anneaux. Il déménagea ensuite
dans le quartier de Headington, sur
Sandfield Road.
Dans les années 20, cependant, il
semblerait que la maison ait apparte‑
nu à Basil Blackwell, propriétaire de la
maison d’édition Blackwell Publishing
(qui publiait des livres universitaires).
Il était l’héritier de son père Benjamin
Henry Blackwell (dont le père, Benjamin
Harris Blackwell était… libraire) qui
avait fondé sa propre librairie en 1879,
ce qui lui permet d’obtenir un certain
poids dans la politique de la ville.
Benjamin Henry mourut en 1924 (il
est enterré dans le même cimetière que
J.R.R. Tolkien, à Wolvercote), et c’est à
cette date que Basil prit la suite des
opérations. Il est connu pour avoir brisé
une chaîne de collusions délétères que
certains académiciens d’Oxford entre‑
tenaient pour soutirer un maximum
d’argent à leurs concitoyens. On peut
supposer qu’il a suscité quelques inimi‑
tiés dans l’opération. En tout cas, c’est
sans doute lui qui habite dans cette
maison (avec peut‑être pour voisin
notre cher Tolkien) au moment où des
PJ pourraient s’aventurer dans la zone.
Il a étudié au Merton College, ce qui
permet d’imaginer un lien avec cette
université. Il pourrait être l’ami des
parents de certains des étudiants oc‑
cultistes décrits plus haut. Peut‑être
même qu’en raison de son influence
et de son érudition, ces élèves auraient
décidé de le mettre dans la confidence.
Ainsi tenu au courant de recherches
ésotériques, encore en vogue à
l’époque, il pourrait avoir été piqué de
curiosité (ou de compassion) en allant
jusqu’à leur offrir l’usage occasionnel
de sa maison pour y conduire quelques
études discrètes. Ou bien… Serait‑il
lui‑même sorcier ?
Cette maison peut aussi être rendue
pertinente dans vos aventures en ima‑
ginant que son emplacement sur des
lignes telluriques particulières en fait
un lieu propice aux rituels maléfiques,
ou bénéfiques ! Si la ville d’Oxford est
en proie à une malédiction qui en fait
une ménagerie démoniaque, peut‑être
AIDES DE JEU | 189
190 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
que c’est à cette adresse que devra
être réalisé le rituel permettant
d’assainir la situation ?
Les usages et
rencontres des
clubs ésotériques
Une rivalité séculaire
Les clubs ésotériques de
Pembroke et Merton College sont si
vieux qu’ils se connaissent fort bien
et se livrent une compétition qua‑
si‑permanente. Suivant les généra‑
tions, et la personnalité des leaders
de part et d’autre, cette rivalité
peut être plus ou moins emprunte
de camaraderie ou de franche hos‑
tilité. Toujours est‑il qu’il paraît
impensable qu’une année entière
se déroule sans que chaque club ait
tenté au moins quelques crasses
envers celui d’en face.
D’ailleurs, en ces époques où les
bizutages sont encore courants (ne
faites pas ça chez vous), on peut
supposer que les « nouveaux » sont
enjoints à dessiner un pentacle
maudit, ou à aller voler quelque
chose, dans le collège ennemi (res‑
tons‑en à ce genre de défis n’ayant
pas de caractère avilissant).
Ils pourraient aussi être tentés
d’influencer les résultats de leurs
équipes d’aviron respectives (les
courses de bateau étant fréquentes
entre les collèges d’Oxford). Soit en
réalisant des rituels de bénédiction
ou de malédiction, soit en tentant
d’empoisonner (de façon non létale
bien sûr) la nourriture ou l’eau
des adversaires. Bien sûr, dans
ces cas‑là, seule la comparaison
entre les résultats de Merton et
Pembroke compte. Peu importe si
d’autres collèges arrivent premiers.
Olympiades occultes
Ces clubs s’affrontent lors de
jeux annuels autour des pratiques
magiques. Ceci a lieu de génération
en génération, avec des épreuves
diverses : quizz sur l’histoire oc‑
culte et les concepts ésotériques,
prédictions, pratique de rituels…
Traditionnellement, chaque col‑
lège est utilisé à tour de rôle pour
héberger cet événement. Mais de‑
puis peu, un certain éditeur, secrè‑
tement maître de l’occulte, semble
prêt à accueillir tout ceci chez lui,
dans sa demeure de Northmoor
Road, propice à de tels actes.
Enveloppes prophétiques
Chaque 13 décembre, les clubs ap‑
portent chacun une enveloppe dans
laquelle ses membres ont consi‑
gné des dizaines de prédictions
concernant l’année à venir. C’est
aussi l’occasion de faire le bilan
sur les prédictions précédentes. On
compte alors les points et un club
est désigné Société Prophétesse…
jusqu’à l’année suivante !
Accomplissement de rituels
L’épreuve reine reste celle consis‑
tant à piocher dans de vieux gri‑
moires magiques pour tenter d’en
réaliser des rituels. Un seul est re‑
tenu par année, et chaque collège
doit choisir des étudiants qui vont
le réaliser. En général, rien de bien
magique n’arrive… soit parce que le
rituel choisi est fumeux, soit parce
que les étudiants n’ont pas de
potentiel magique ou manquent
de rigueur.
Mais si un jour un étudiant par‑
ticulièrement doué parvenait à
réaliser à la perfection une procé‑
dure ayant un vrai potentiel ? C’est
peut‑être ce qui s’est passé il y a
quelques années. C’est du moins
ce que dit la rumeur supposée
expliquer le fait qu’une salle dis‑
crète des sous‑sols de Pembroke
a été murée.
Chaque année, un tel rituel
pourrait aussi réussir sans que
l’on s’en rende compte tout de
suite. Comment s’apercevoir tout
de suite qu’une entité cosmique
a pris possession de l’esprit des
opérateurs ?
Courses d’aviron
clandestines
Si les régates sont courantes
à Oxford, en ce qui concerne nos
clubs ésotériques, ils préfèrent
s’affronter sur le fleuve de façon
clandestine, sans se voir encom‑
brés par les étudiants classiques.
Opérant autour de trois ou quatre
heures du matin sur des sections
de cours d’eau peu fréquentées, ils
tentent par tous les moyens d’in‑
fluer sur les événements avec leurs
connaissances occultes. Durant des
générations, cela n’a rien donné de
bien concret, mais une recrue ré‑
cente de chez Merton semble par‑
ticulièrement à l’aise dans l’eau…
au point de parfois descendre du
bateau pour aider son équipe d’une
manière originale, ou gêner celle
de Pembroke.
Annexe : profils
des personnages
non joueurs
Cette galerie de personnage
peut‑être bien sûr combinée avec
des profils du livre de base pour
obtenir des groupes d’opposition
équilibrés face à vos PJ.
Dans l’ensemble d’Oxford
Le vicaire, serviteur de Shesmu
Son séjour en Égypte ne fut pas
sans conséquence, et il en revint
manipulé par un dieu appréciant
autant le vin et la fête que le sang
et les massacres. Il est désormais
capable de mêler le sang de ses vic‑
times à du vin de messe qu’il mau‑
dit afin de conserver un lieu avec
son maître Shesmu. Lorsqu’il est
en chasse, ses yeux s’injectent de sang,
et son visage devient rubicond.
NC 3
FOR +3 DEX +2 CON +5
INT +1 PER +0 CHA −2
Init 14 DEF 12 PV 23
Couteau de boucher +6 DM 1d4+1
Couteau envoûté : Le couteau de bou‑
cher est l’un des attributs du dieu
Shesmu. Si le serviteur de Shesmu
blesse quelqu’un avec, la victime (la
première fois que ça lui arrive) doit
effectuer un test de choc difficulté 12.
En cas d’échec, elle perd 1 PC et effec‑
tue son prochain jet avec un d12 au
lieu du d20 habituel.
Inspiration divine : Le vicaire, habitué
à placer sa foi dans des forces supé‑
rieures, représente un vecteur idéal
pour la puissance de Shesmu. Le
dieu lui permet ainsi de savoir où se
trouvent ses cibles même si elles se
cachent derrière des murs ou d’autres
obstacles (dans un rayon de 500 m).
Vomi post‑messe (L) : Une fois par
combat, le vicaire peut vomir sur une
cible située à moins de 2 mètres. La
substance projetée est très acide,
infligeant 2d6 DM et endommageant
les objets métalliques portés par la
victime. La cible doit en outre effec‑
tuer un test de choc (perte de 1 PC en
cas d’échec).
Le conservateur,
serviteur de Shesmu
A‑t‑il vécu les mêmes scènes impies
que le vicaire lors de son passage en
Égypte ? Ou le simple fait d’y avoir ha‑
bité aurait rapproché les deux hommes
en Angleterre ? Toujours est‑il que le
conservateur se délecte du vin mau‑
dit confectionné par le vicaire, et qu’il
compte bien l’aider à remplir d’autres
jarres de sang frais.
NC 2
FOR +5 DEX +3 CON +3
INT +1 PER +1 CHA −2
Init 16 DEF 14 PV 24
Couteau de boucher +7 DM 1d4+1
Pistolet moyen (20 m) +6 DM 1d8
Couteau envoûté : Le couteau de bou‑
cher est l’un des attributs du dieu
Shesmu. Si le serviteur de Shesmu
blesse quelqu’un avec, la victime (la
première fois que ça lui arrive) doit
effectuer un test de choc difficulté 12.
En cas d’échec, elle perd 1 PC et effec‑
tue son prochain jet avec un d12 au
lieu du d20 habituel.
Rugissement (L) : Une fois par combat,
son dieu à tête de lion peut inspirer le
conservateur, qui se met à pousser un
effrayant rugissement plus vrai que
nature. En même temps, une illu‑
sion étrange semble donner de vague
traits de lion (éphémères) au person‑
nage. Tous les PJ à proximité (pouvant
voir ou entendre l’action) effectuent
un test de choc difficulté 10, perdant
1 PC en cas d’échec.
Serviteurs subalternes de Shesmu
Le vicaire et le conservateur ont pu
faire boire leur vin maudit à des esprits
faibles de leur entourage (ou à un club
d’amateurs de vin ?), dans le but de
se constituer une petite troupe de
va‑t‑en‑guerres prêts à les aider durant
leurs chasses. Leur nombre est à ajus‑
ter suivant la taille et la puissance de
l’équipe de PJ.
NC 1
FOR +2 DEX +1 CON +2
INT −1 PER +0 CHA −3
Init 12 DEF 13 PV 13
Couteau de boucher +4 DM 1d4
Pistolet léger (10 m) +3 DM 1d6
Couteau envoûté : Le couteau de bou‑
cher est l’un des attributs du dieu
Shesmu. Si le serviteur de Shesmu
blesse quelqu’un avec, la victime (la
première fois que ça lui arrive) doit
effectuer un test de choc difficulté 12.
En cas d’échec, elle perd 1 PC et effec‑
tue son prochain jet avec un d12 au
lieu du d20 habituel.
AIDES DE JEU | 191
192 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
Au sein du Merton College
Henry Kingston,
étudiant aquaphile
Issu d’une famille américaine de la
côte Est, cet étudiant n’est pas tout
à fait comme les autres. Affublé d’un
physique hors norme qui met de nom‑
breuses personnes mal à l’aise, il est
particulièrement efficace dans l’eau
et participe à toutes les courses d’avi‑
ron. Ah, mais attendez, est‑ce que sa
famille n’aurait pas des liens avec la
ville d’Innsmouth ? Se pourrait‑il qu’un
cousin à lui se promène dans le fleuve,
en tant que responsable de l’éducation
du jeune hybride ?
NC 2
FOR +2 DEX +1 CON +2
INT +1 PER +1 CHA −1
Init 15 DEF 12 PV 13
Griffes discrètes +4 DM 1d3+1
Presque amphibie : Henry peut respirer
dans l’air, bien sûr, mais aussi sous
l’eau pendant quelques minutes (une
dizaine environ). Il nage plus vite
qu’un humain standard (15 m par
action au lieu de 10).
Télépathie : Henry, en tant qu’hybride
mi‑homme mi‑profond, peut com‑
muniquer par télépathie avec ces
derniers à une distance de 20 mètres
(surtout en tant que récepteur,
mais il apprend à le faire en tant
qu’émetteur).
Helena Bettens
Membre de l’équipe administrative
du collège, elle a remarqué, plus que
d’autres, l’étrangeté du regard du
jeune Kingston. Et pour cause, elle fait
partie d’une minuscule société secrète
sur le déclin (fondée au début du XIXe
siècle, mais dont elle est la dernière
membre, peinant à recruter) : les Sœurs
de l’Aube. Groupe de femmes versées
dans les arts occultes et connaissant
certains aspects du Mythe, elles ont
juré de combattre les entités cos‑
miques et leurs serviteurs jusqu’à leur
dernier souffle. Elle souhaiterait mieux
connaître Henry et voir s’il est possible
de le sauver de sa malédiction, mais si
cela s’avère impossible…
NC 4
FOR +1 DEX +2 CON +2
INT +2 PER +2 CHA +2
Init 16 DEF 11 PV 19
Couteau +6 DM 1d4 (+1 contre créa‑
tures du Mythe)
Pistolet léger (10 m) +5 DM 1d6
Pistolet lourd (20 m) +4 DM 1d10 (caché
dans un lieu sûr, elle ne le porte pas
généralement)
Note : ses tirs à l’arme à feu infligent +2
DM aux créatures du Mythe.
Sens magiques aiguisés : Lorsqu’elle
est en contact (visuel ou autre) avec
une personne ou créature liée au
Mythe, elle effectue un test de PER.
Suivant le degré de réussite, elle
obtient une intuition plus ou moins
forte et préciser sur la réalité cachée.
Au sein du Pembroke College
Milton Moorcock, étudiant
possédé (entité vorace)
Faisant partie des rares étudiants à
avoir réussi un rituel magique, on peut
sans doute le considérer vainqueur
de l’olympiade ésotérique annuelle.
Dommage que son succès ait fait de lui
le réceptacle d’une entité indéterminée
qui manque de subtilité et cherche à
manger des gens.
NC 1
FOR +2 DEX +2 CON +2
INT +2 PER +2 CHA −2
Init 19 DEF 13 PV 27
Mains pénétrantes +5 DM 1d4
Arme (20 m) +3 DM 1d8
Mains pénétrantes : Les mains du
possédé peuvent pénétrer la chair
sans effort, à la manière des créa‑
tures et zombies des films d’hor‑
reur des années 80. Non seulement
cela augmente ses dégâts, mais
en plus, si une cible est touchée et
prend au moins 6 points de blessure,
elle subit une blessure profonde et
 atroce, qui provoque la perte d’un
Point de Choc.
Appétit féroce : Le possédé cher‑
cher à dévorer ses victimes encore
fraîches. Si une cible blessée (sang
apparent) est neutralisée près
de lui, il doit effectuer un test de
CHA difficulté 10. En cas d’échec,
il se jette sur cette victime pour la
manger immédiatement, même
s’il y a une menace à côté. En
cas de réussite, il est capable de
prendre d’autres décisions plus
rationnelles si nécessaire.
Instinct de prédateur : Le possédé
peut renifler la piste de ses vic‑
times et il est difficile de lui échap‑
per. Il obtient un bonus de +5 en
PER pour retrouver une trace.
L’Obscurité du Vide : L’étudiant
est possédé par une entité habi‑
tuée à l’éloignement de toute
étoile, et se plaît dans l’obscu‑
rité. Lorsqu’il est dans un espace
mal éclairé, les formes de Milton
deviennent floues et ses couleurs
s’estompent, le rendant très dif‑
ficile à repérer.
Ruben Wallace (entité raffinée)
Parmi les très rares étudiants
à avoir réussi un rituel magique,
Ruben a au moins eu la chance de
finir possédé par une entité raf‑
finée. Cette dernière ne fait que
l’influencer vers des objectifs qui
passent plus par des interactions
sociales que par de grandes dents.
NC 1
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +2 PER +3 CHA +4
Init 14 DEF 12 PV 16
Arme +5 DM 1d4
Arme (20 m) +3 DM 1d8
Emprunt de sens (L) : Pendant
quelques secondes, l’étudiant
peut voir et entendre à travers
les sens d’une personne proche
de son choix, sans pour autant
pouvoir influer ces actions. Ceci
peut être effectué à tout mo‑
ment (même durant un com‑
bat), dans la limite d’une fois
par heure. Pendant qu’il effectue
cette action, le corps de Ruben ne
ressent rien et ne bouge presque
pas (mais il peut rester debout si
c’était sa posture de départ).
Influence implacable : Capable de
lire les moindres émotions de
ses interlocuteurs, et doté d’une
intuition surnaturelle concer‑
nant leurs besoins et insécurités,
Ruben dispose d’un bonus de +3
en CHA pour toutes ses tenta‑
tives de persuasion, intimidation,
négociation, etc.
Transfert de possession : Si Ruben
est sur le point de mourir, l’entité
qui le possède peut immédiate‑
ment tenter de changer d’hôte.
Cela peut se faire vers un person‑
nage proche, qu’il s’agisse d’un
PNJ (le plus proche) ou d’un PJ
(celui ou celle qui a le moins de
points de choc). La victime doit
effectuer un test de CHA diffi‑
culté 12 pour résiser.
Au sein de la maison
de Northmoor Road
Basil Blackwell,
éditeur extraordinaire
Habitant dans une maison idéa‑
lement située pour des rituels
impies, Basil Blackwell a établi
des liens avec de nombreuses per‑
sonnes d’Oxford liées de près ou de
loin aux phénomènes spirites et
magiques. Il peut couramment être
accompagné de cultistes, d’étu‑
diants endoctrinés, ou d’autres
personnes peu recommandables. Il
préfère ne pas trop attirer l’atten‑
tion sur sa maison et éviter de tirer
au fusil de chasse si possible.
NC 4
FOR +2 DEX +1 CON +1
INT +3 PER +1 CHA +3
Init 16 DEF 12 PV 25
Dague ondulée +6 DM 1d4+1
Fusil de chasse (50 m) +4 DM 1d10
Mini‑pistolet (5 m) +3 DM 1d6 (ca‑
ché dans son dos)
Attaque magique +6
Leader occulte : Ses alliés et ser‑
viteurs bénéficient d’un bonus
de +1 à tous leurs tests (ainsi
qu’aux DM) tant qu’ils sont à
portée de vue.
Sidération (L) : Basil regarde inten‑
sément une cible humanoïde
située à moins de 10 mètres, et
effectue une attaque magique. Si
elle réussit, la cible ne peut s’em‑
pêcher de regarder Basil dans les
yeux. L’expérience est plus que
troublante… La cible doit effec‑
tuer un test de choc difficulté
10. En cas d’échec, elle perd 1 PC
et obtient l’état Étourdi pour le
reste du tour, et le tour suivant.
Basil ne peut utiliser ce pouvoir
deux tours d’affilée.
Brume infernale (L) : S’il est en in‑
térieur, chez lui, Basil peut invo‑
quer (une fois par combat) une
brume magique qui occupe toute
la pièce et qui dure 1d2+1 tours. A
l’intérieur de cette brume, le mo‑
dificateur d’attaque Pénombre
s’applique (sauf pour Basil qui
voit clair à travers), et toute créa‑
ture qui s’y trouve encaisse 1 DM
en début de tour (sauf Basil).
Paralysie du savoir : Basil attrape
l’un des nombreux livres qui
traînent chez lui et le lance sur
une cible à 5 mètres de portée
maximum. Ce test d’attaque
s’effectue avec un modificateur
de +2. Si la cible est touchée, elle
doit effectuer un test d’INT dif‑
ficulté 10. Si elle le réussit, elle
est troublée par des centaines
d’idées qui l’assaillent en même
temps (liées au contenu du livre),
et se retrouve magiquement fi‑
gée, obtenant le statut Paralysé
pour le reste du tour.
AIDES DE JEU | 193
194 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : OXFORD
Le « professeur » (version alliée des PJ)
Est‑ce J.R.R. Tolkien ? En tout cas, ce
voisin surveille la maison et connaît son
potentiel occulte. Il pratique lui‑même
une forme de magie blanche, et pour‑
rait venir en aide aux PJ s’il ressent que
quelque chose de mauvais se passe au
20 de la rue.
NC 4
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +4 PER +1 CHA +3
Init 15 DEF 11 PV 22
Nerf de bœuf +4 DM 1d4
Pistolet léger (10 m) +4 DM 1d6
Attaque magique +7
Aura de Fangorn : Une fois par jour,
pour la durée d’une scène d’action
ou d’un combat, le professeur peut
(grâce à un chant dans une langue
mélodieuse et inconnue) inspirer à
ses alliés proches (10 m de rayon)
des pensées optimistes même face à
une terrible adversité. Sous l’effet de
cette aura, tout test de choc se voit
bénéficier d’un bonus de +5.
Accusation d’Olórin (L) : Le profes‑
seur pointe du doigt un serviteur des
forces obscures (cible humanoïde,
distance maximum 15 m), et effectue
un test d’attaque magique. En cas de
réussite, la cible hurle de douleur, per‑
dant 1 PV et obtenant l’état Étourdi.
Soutien du jardinier : Le professeur
touche un allié pour lui redonner des
forces. Le professeur effectue un test
de CHA difficulté 8. S’il réussit, il perd
1d4 PV et sa cible récupère 1d6 PV.
Défense de la cité blanche (L) : Une
fois par combat, et au prix d’une
perte de 2d4+1 PV, le professeur peut
frapper de ses deux mains sur le sol
et invoquer des puissances spec‑
trales alliées, qui envoient des mains
fantomatiques saisir les pieds des
ennemis du professeur. Toutes les
cibles ennemies dans un rayon de
10 mètres doivent réussir un test de
FOR difficulté 15 ou tomber, obtenant
l’état Renversé.
Le « professeur »
(version ennemie des PJ)
Ce voisin surveille la maison et
connaît son potentiel occulte. Soit il
collabore avec son résident pour effec‑
tuer des choses innommables, soit il
est sous l’influence de ce dernier. Ou
peut‑être attend‑il simplement une
occasion de se débarrasser de lui pour
prendre sa place. En tout cas, il pra‑
tique la magie noire et pourrait s’en
prendre aux PJ.
NC 4
FOR +1 DEX +1 CON +1
INT +3 PER +2 CHA +3
Init 16 DEF 11 PV 23
Dague noire +5 DM 1d4+1
Pistolet moyen (20 m) +4 DM 1d8
Attaque magique +7
Aura de Mordor : Une fois par nuit, pour
la durée d’une scène d’action ou d’un
combat, le professeur peut (grâce à
un chant dans une langue horrible
et inconnue) inspirer à ses ennemis
proches (10 m de rayon) des pensées
atroces. Sous l’effet de cette aura,
tout test de choc se voit souffrir d’un
malus de −5.
Sombres dédales (L) : Le professeur
pointe du doigt un PJ ou un de leurs
alliés (cible humanoïde, distance
maximum 15 m), et effectue un test
d’attaque magique. En cas de réus‑
site, la cible voit son champ de vision
obscurci par des ombres terrifiantes.
Elle doit effectuer un test de choc
difficulté 11. Si ce test échoue, elle
perd 1 PC et obtient l’état Aveuglé
pour le reste de ce tour, et pour le
tour suivant.
Poing de Morgoth (L) : Le professeur
frappe dans le vide en direction d’une
cible qui se trouve à 10 mètres maxi‑
mum. Il effectue un test d’attaque
magique. En cas de réussite, la cible
effectue un test de choc difficulté 11.
Si ce test échoue, la cible perd 1 PC et
encaisse 1d4 DM.
Caresse de Shelob : Le professeur
touche un allié pour lui soutirer des
forces. Le professeur effectue un
test de CHA difficulté 8. S’il réus‑
sit, sa cible perd 1d4 PV et lui récu‑
père 1d6 PV.
Annexe :
voie supplémentaire
Voie des Sœurs de l’Aube
Une PJ en contact avec Helena pour‑
rait être initiée par cette dernière, rejoi‑
gnant ainsi la sororité. C’est à traiter
en tant que quatrième voie, comme la
« voie occulte » du livre de règles. Cette
voie est celle d’une vie consacrée à la
chasse aux créatures cosmiques ou
démoniaques, pour qui l’humanité est
à asservir, détruire ou humilier. Pour
cela, les Sœurs de l’Aube apprennent
à manipuler des prières et incanta‑
tions à même de les protéger, mais
aussi de gêner leurs ennemis. Elles
apprennent aussi à se battre en condi‑
tions difficiles.
Rang 1 : Connaissances interdites
La Sœur, grâce à son initiation et des
lectures qui lui sont confiées, mêlées à
des méditations guidées, obtient une
vision plus vraie (et moins rassurante)
de l’état du monde face à d’immenses
menaces. Le sens du devoir l’empêche
de sombrer dans le désespoir, et son
nombre de points de choc maximum
grimpe de +1. Elle gagne aussi +2 à tous
ses tests destinés à résister à la perte
de points de choc.
Rang 2 : Double Vue
Les premières méditations, les pre‑
miers rituels, visent à développer une
vision surnaturelle, légère mais déjà
rare. Pour le personnage, les malus
liés au combat dans la pénombre ou
le brouillard (même magiques) sont
réduits à −1, au lieu de −5. La Sœur
dispose en outre d’un bonus de +1
par rang à ses tests de PER ou d’INT
liés à ses rencontres avec des créa‑
tures du Mythe.
Rang 3 : Munitions de l’Aube
La Sœur prend le temps de bénir (à
l’avance, pas instantanément) chacune
de ses balles grâce à des prières an‑
cestrales, qui gagnent ainsi un bonus
de +2 aux DM contre les créatures du
Mythe. Elle peut faire de même avec
une petite lame (couteau, dague) qui
gagnera un bonus similaire de +1. Ces
améliorations ne fonctionnent que
quand c’est elle qui utilise ces armes.
Rang 4 : Fioles punitives
La Sœur se procure de l’eau bénite
et en remplit de petites fioles fragiles
(cassant facilement, à dessein), qu’elle
enchante à son tour avec d’anciens
rituels. Elle ne peut en posséder que
deux à la fois. Elle peut ensuite les
lancer en combat sur une créature du
Mythe. Cette dernière doit réussir un
test de CON difficulté 14 ou se voir
Paralysée pendant 1d2 tours.
Rang 5 : Phare dans la nuit
La Sœur devient un fort vecteur
d’espoir dans l’obscurité du monde. Au
début de chaque combat plaçant les PJ
face à des serviteurs du Mythe, lancez
1d4. Le résultat indique le nombre de
tours durant lequel tous les alliés du
personnage (mais pas elle) bénéficie‑
ront de cette aura. Les effets sont les
suivants : gain de +1 en initiative, en
attaque et aux DM pour tous les alliés
à portée de vue.
Adrien Saurat
Plans : Josselin Grange
AIDES DE JEU | 195
196 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : LES THÈMES
LES THÈMES DE TOLKIEN
Les thèmes que le Professeur explore dans son œuvre sont bien
sûr intéressants à utiliser si l’on joue à L’Anneau unique ou tout
os
D
ie JdR qui se passe dans la Terre du Milieu, ou même de fantasy.
sie
r t ol k Mais il y a peut‑être moyen d’y puiser des idées pour bien des
V
oici une liste, bien entendu non
exhaustive, de quatre thèmes
que l’on rencontre dans l’œuvre
du professeur et qui peuvent donner
une petite touche tolkienienne à vos
tables. Au passage, nous en profite‑
rons pour découvrir un petit peu plus en
profondeur le travail de J.R.R. Tolkien et
même combattre un ou deux clichés !
Subcréation
Commençons par quelque chose de
très simple pour nous, rôlistes. Tolkien
a énormément réfléchi et beaucoup
écrit sur la création de mondes imagi‑
naires. Et si le monde dans lequel nous
évoluons tous les jours est le monde
primaire, alors ces mondes imaginaires
sont des mondes secondaires.
Il a souvent utilisé, pour expliquer
cela, l’image de la diffraction de la
lumière (par exemple dans son poème
Mythopoeia) : si on compare notre
monde « réel », primaire, à la lumière
blanche, alors les mondes imagi‑
naires, secondaires, sont les couleurs
de l’arc‑en‑ciel, chacune constitutive
de la lumière blanche. Car pour le pro‑
fesseur, ces mondes rêvés sont des re‑
flets de notre monde. Bien sûr, Tolkien
se place dans une perspective chré‑
tienne en considérant ces subcréations
Tolkien à la table
univers différents…
(sous‑création, mais sans notion d’in‑
fériorité qualitative) comme des hom‑
mages à la Création.
Mais cela peut se comprendre égale‑
ment d’un point de vue plus matéria‑
liste : notre cerveau est en effet inca‑
pable d’entièrement imaginer ex nihilo
un univers sans se baser sur du connu,
sur du vécu, qu’il déformera, transfor‑
mera, mélangera à d’autres éléments
pour aboutir à un résultat très différent
de la réalité primaire.
Cette subcréation est pour le pro‑
fesseur la plus haute forme de magie,
la vraie magie des elfes qu’il nomme
la fantasy : la capacité de créer des
œuvres artistiques si puissantes
qu’elles donnent au public une sensa‑
tion de réel, des œuvres qui permettent
de s’évader du monde pour y ressourcer
son âme, se laver des soucis de la vie,
réenchanter son regard. Notez bien que
ces créations existent bel et bien : leur
différence avec le monde primaire n’est
une question de réalité mais plutôt
de… tangibilité.
En lisant ces lignes, je parie que vous
vous êtes dit que ce rapport à l’imagi‑
naire, à l’impression de réel que l’on
ressent en explorant un monde imagi‑
naire, que tout cela vous a fait penser à
une partie de jeu de rôle.
 Rêver et partager ensemble un
monde, une aventure, oublier la réa‑
lité primaire le temps de la partie et
souvent au‑delà, porter en nous ces
mondes en marchant dans la rue… rien
de plus tolkinien en ce sens qu’une par‑
tie de jeu de rôle, que l’on joue un bon
vieux med‑fan ou de la SF et même un
jeu contemporain…
La seule chose à laquelle il faut
prendre garde, finalement, serait de
ne pas prendre tout cela assez sérieu‑
sement ! Plonger dans vos univers
entièrement et sans retenue, c’est la
meilleure manière de tirer pleinement
profit de l’expérience et d’en retirer
des bénéfices.
Et si une petite voix (interne ou ex‑
terne) ose vous dire que ce n’est pas
très sérieux, rappelez‑lui que si c’est
bon pour un éminent professeur d’Ox‑
ford, ce doit être bon pour vous aussi !
Au début
était le verbe
Tout fan de Tolkien le sait : les lan‑
gages inventés par ce grand philologue
ne l’ont pas été pour approfondir ou
illustrer la Terre du Milieu, c’est la
Terre du Milieu qui sert d’espace d’ex‑
pression aux langues du Professeur.
Il prenait un soin tout particulier à la
création des noms propres, de lieux
ou de personnages. Ces derniers sont
tout sauf donnés au hasard, et Tolkien
puise dans son immense connaissance
des langues pour les forger. Pensez aux
Rohirrim dont les noms dérivent des
variations du mot « cheval » en vieil
anglais (cf. l’article sur les Rohirrim),
aux habitants de Bree et leurs noms
aux consonances végétales (comme
Chèvrefeuille). Pensez à Aragorn dont
la première syllabe « Ar‑ » indique son
ascendance royale, ou à Gollum dont
le nom vient d’un son qu’il produit,
à Barbebois l’Ent. Et pensez enfin à
l’exemple le plus extrême : Turin, héros
des enfants de Hurin, le conte le plus
tragique du légendaire tolkienien, qui
change de nom à chaque étape de
sa vie comme par exemple (liste non
exhaustive) : Neithan (le dépossédé),
Mormegil (la noire lame), Turambar
(maître du destin), Agarwaen (le san‑
guinaire), Gorthol (casque de terreur) …
Ainsi, quel que soit l’univers dans
lequel vous jouez, prêtez une grande
attention au nom de votre person‑
nage. J’ai souvent vu cette partie de la
création de perso bâclée, considérée
comme une véritable épreuve. Votre
nom raconte votre culture, l’histoire
de votre famille, voire la vôtre lorsqu’il
s’agit d’un surnom qui définit votre
caractère ou un trait physique. Avant
toutes les descriptions et les illustra‑
tions, votre nom est le premier habit
de votre personnage, c’est par là qu’il
entrera dans la légende ; habillez‑vous
en conséquence !
Le nom est de plus la porte d’en‑
trée à la notion très tolkienienne du
goût du mot.
L’ombre de la mort
Dans une interview télévisée en 1968,
Tolkien déclare (j’adapte un peu la cita‑
tion pour la clarté du propos) :
« Si vous regardez toutes les grandes
histoires, de celles qui ont retenu l’at‑
tention des gens durant de longues
périodes de temps ou qui ont affecté
l’humanité, ces histoires sont toutes
à propos d’une seule chose : la mort !
L’inéluctabilité de la mort… »
Puis, citant lui‑même Simone
de Beauvoir :
« Il n’existe pas de mort naturelle pour
l’homme car il n’y a rien de naturel chez
l’homme […] tous les hommes doivent
mourir, mais pour chaque homme, sa
mort est un accident […] une injusti‑
fiable violation. »
Et de conclure :
« Vous pouvez être d’accord avec ces
mots ou pas, mais c’est là la clé du
Seigneur des anneaux. »
Tu es l’Élu !
Beaucoup de successeurs de
Tolkien ont fait des héros de
leurs cycles des Élus, désignés
de temps immémoriaux
comme sauveurs du monde
par d’antiques prophéties.
Il n’y a pourtant rien de tel
chez le professeur. Comme
souvent, il est en réalité plus
subtil que cela.
Par exemple, les vers
« renouvelée sera l’épée qui fut
brisée / le sans‑couronne sera
à nouveau roi » parlent bien
d’Aragorn, mais ne sont pas
une prophétie ; il s’agit d’un
poème qui espère que cela
arrive.
De même, Frodo n’est un
Élu que dans la mesure ou
l’Anneau lui tombe dessus
sans qu’il ait rien demandé.
Il n’avait aucune ascendance
royale secrète, aucun pouvoir
caché, aucune prophétie…
ce n’est qu’un simple hobbit.
C’est ce qui donne toute sa
grandeur à sa quête, toute
sa valeur à son héroïsme et
toute sa beauté à la célèbre
phrase de Gandalf quand
Frodo lui dit qu’il aurait
souhaité ne jamais avoir reçu
l’Anneau :
« Comme tous ceux qui vivent
des heures si sombres, mais ce
n’est pas à eux de décider. Tout
ce que nous avons à décider,
c’est quoi faire du temps qui
nous est imparti. »
AIDES DE JEU | 197
198 | AIDES DE JEU
TOLKIEN : LES THÈMES
Cette ombre plane dans toute l’œuvre
de Tolkien et pour nous, lecteurs du
monde primaire, elle est accentuée par
le contraste entre humains et elfes,
entre mortels et immortels. La mort
nous semble encore plus violente et
injuste dès lors qu’il est des êtres qui
ne meurent pas.
Mais doit‑on jouer nos parties uni‑
quement avec cette chape de plomb
pesante ? Bien sûr que non. Car il ne
faut pas oublier que, dans le monde de
Tolkien, la mort est un don, un cadeau
fait par le dieu créateur du monde, Eru
Illuvatar. Cette « libération du monde »
qu’est la mort (personne ne sait où se
rendent les humains après leur départ
du monde) est le corollaire du libre‑ar‑
bitre, cette liberté d’action, de choix
entre le bien et le mal, qui peut sur‑
prendre jusqu’à Eru lui‑même.
Là où les elfes immortels stagnent et
finissent par se perdre dans la mélan‑
colie, les mortels humains évoluent,
grandissent. Dans sa célèbre confé‑
rence Du conte de fée, Tolkien nous
dit encore :
« C’est une des leçons données par
les contes de fées […] qu’à la verte jeu‑
nesse, godiche et égoïste, le chagrin et
l’ombre de la mort peuvent conférer la
dignité et même la sagesse ».
L’ombre de la mort, les raisons de
se sacrifier, le poids de la douleur et
son rôle dans la construction de nos
personnages – de nous. Voilà des élé‑
ments qu’on devrait toujours avoir
dans un coin de la tête quand on joue.
Car une partie de jeu de rôle, c’est
avant tout se raconter une histoire
ensemble, non ?
Et nous l’avons vu, toutes les bonnes
histoires traitent de la mort, ce à quoi
j’ajouterai, en tant que conteur profes‑
sionnel, que depuis la nuit des temps
l’une des grandes vertus des contes est
de nous aider à apprivoiser cette iné‑
luctabilité de la mort.
Le bien et le mal
C’est parfois un reproche que l’on fait
à l’œuvre de Tolkien : elle est mani‑
chéenne. Accusation gravissime car
une œuvre dans laquelle le bien et le
mal sont des réalités bien claires et
définies sera taxée d’être naïve, simple
voir bêtifiante. On l’assimilera à une
(mauvaise) œuvre pour enfants avec
une morale idiote tournée autour du
« c’est pas gentil d’être méchant » qui
finira, sans la moindre surprise, bien.
S’il n’y a aucun doute que Le Hobbit
ou Le Seigneur des anneaux soient ma‑
nichéens, en faire des œuvres naïves
relève d’une lecture bien superficielle.
En premier lieu, le mal n’est pas
gratuit. Le mal chez Tolkien est une
mécanique, une escalade, un cumul
de petites mesquineries, de lâche‑
tés, qui font glisser vers le pire si vous
n’avez pas la chance d’avoir un entou‑
rage ou un environnement qui vous en
empêche. Le mal est une corruption
insidieuse, très bien représenté par
l’Anneau unique.
Le mal est également pessimiste.
Tout le plan de Gandalf dans Le
Seigneur des anneaux repose sur cette
analyse : Sauron sera incapable d’ima‑
giner qu’on cherche à détruire l’Anneau
plutôt qu’à l’utiliser. Le mal pense que
tout le monde fait le mal.
Enfin, même si le libre‑arbitre est
au cœur de la pensée de Tolkien, il a
bien conscience qu’on n’a pas toujours
vraiment le choix. Ainsi les Orientais,
peuple humain allié de Sauron, ne
sont pas maléfiques par essence, mais
tombés sous la domination du Mordor.
Toute leur société a été enrôlée, contrô‑
lée par Sauron. Les Orientais sont les
victimes d’un système dictatorial op‑
pressif qui les conditionne.
C’est cette corruption qui est inté‑
ressante à mettre en scène et à jouer
dans une partie de jeu de rôle. Si bien
sûr L’Anneau unique l’a mécanisée, ce
cumul de mesquineries menant à la
catastrophe peut être exploité. On peut
facilement penser à tout univers ou un
régime dictatorial oblige à se position‑
ner entre résistance et collaboration
(bonjour Hawkmoon !).
Car le remède contre le mal, plutôt
que le bien, est l’espoir, un espoir sans
garantie. L’espoir fou que tout finira par
s’arranger, malgré tout. Mais pour cela,
il ne faut pas attendre bêtement sans
rien faire, car le bien est une affaire de
choix, de choix permanents et difficiles,
qui peuvent être à la fin récompensés
par une eucatastrophe : un événement
improbable qui améliore soudainement
les choses. Aide‑toi et le ciel t’aidera !
Par exemple, Bilbo puis Frodo dé‑
cident, alors qu’ils le tenaient à leur
merci, d’épargner Gollum. Grâce à cela,
quand Frodo défaille au dernier mo‑
ment et refuse de détruire l’Anneau,
Gollum l’agresse, lui arrache le doigt
portant l’Anneau et tombe dans la
lave… accomplissant la quête.
Tous les héros « bons » ne sont d’ail‑
leurs pas des anges béats. Là encore,
l’exemple de Turin Turambar est par‑
lant. Il a certes tué le tout premier
dragon du monde, mais il a cumulé les
mauvais choix, assassiné son meilleur
ami, couché avec sa sœur, causé la ruine
d’un royaume elfe… tout cela sans
jamais avoir été « un serviteur du mal »
Conclusion
Bien sûr, il y aurait encore de nom‑
breux thèmes à aborder et beaucoup de
points à développer pour approfondir
ceux abordés. Mais vous pouvez voir
que, bien au‑delà de jeux de rôle dédiés
ou même de la fantasy, l’œuvre de
Tolkien est une source inépuisable pour
enrichir et approfondir nos parties !
D’ailleurs, je vais y replonger de ce pas…
Benoit Ramos
Illustrations : Didier Guiserix
AIDES DE JEU | 199
200 | AIDES DE JEU
MJ ONLY

MJ ONLY

LE VOYAGE
Animer un voyage au cœur
d’une partie de JdR
JO
M

Que l’aventure se trouve sur le pas de sa porte ou dans une

N LY contrée lointaine, le joueur va être amené à prendre son petit
baluchon et son goûter afin de mener à bien sa quête. Voici
quelques astuces pour nourrir ces phases de voyage et éviter leur
ellipse systématique.

S
i, si, ne me regardez pas comme
ça, je sais très bien que vous vous
reconnaîtrez dans cette phrase :
« Après deux jours de voyage, vous ar‑
rivez devant les portes de Bree ». Mais
que s’est‑il passé pendant ce trajet ?
Les joueurs ont‑ils rencontré des dif‑
ficultés ? Ont‑ils pris le temps de dis‑
cuter ? L’un d’entre eux souffre‑t‑il du
mal du pays ? A‑t‑il fait un cauchemar
dont les images continuent de le tortu‑
rer pas après pas ?
La découverte
du monde
Je me permettrai de commencer par
une petite citation de notre cher Bilbo :
« C’était une affaire dangereuse de
passer ta porte, Frodon. Tu vas sur la
route et, si tu ne retiens pas tes pieds,
Dieu sait jusqu’où tu pourrais être
emporté ». Comme nous le dit le vieil
hobbit, lorsqu’on prend la route pour
la première fois, on ignore jusqu’où elle
va nous mener. Lorsqu’un joueur s’em‑
barque pour l’aventure au côté de son
MJ, il sait qu’il doit le suivre, que son
chemin sera sans doute tortueux, qu’il
risque sans doute de faire de nombreux
aller‑retour, mais surtout qu’il plonge
vers l’inconnu. C’est là tout le sel de
l’aventure et de la quête qui attend
les joueurs !
Le voyage est souvent de la partie car
le MJ, au fil de son récit et des séances
de jeu, va amener les personnages d’un
point A à un point B. Certains univers,
comme celui de Tolkien, donnent au
voyage une importance primordiale,
centrale, au point que, dans L’Anneau
Unique, il y a des phases de jeu qui lui
sont entièrement dédiées. Dans la Terre
du Milieu, elfes, nains, hommes ou
hobbits sont tous de grands marcheurs,
de fins observateurs, pour qui parcourir
des lieux est inscrit dans la normalité.
Plus ils vont fouler cette terre et plus
ils vont la découvrir, la comprendre,
apprendre du monde qu’ils traversent,
trouver des astuces pour se repérer,
peut‑être même interpeller d’autres
voyageurs ou créer des liens.
Penser les scènes de voyage comme
un moyen de découvrir le monde dans
lequel évoluent les joueurs est un outil
formidable pour le MJ. En procédant
ainsi, il évite de devoir donner des élé‑
ments de background hors roleplay.
Au fil des pérégrinations des PJ et de
leurs interactions avec leur environne‑
ment, ils vont pouvoir ainsi glaner des
informations, dresser une carte des
environs, peut‑être marquer une zone à
visiter plus tard, ou au contraire les en‑
droits à éviter. Eh oui, vous avez parfai‑
tement le droit de ne dévoiler que petit
à petit la carte du monde, à l’échelle de
ce que vos joueurs peuvent connaître !
Que vous preniez l’univers de Tolkien
ou tout récit d’inspiration médiévale,
vous vous rendrez vite compte que
dans ces mondes‑là, les cartes sont
très rares. Suspendues au mur ou
conservées dans des bibliothèques,
elles ne se transportent pas dans le
fond du sac. Introduire ce détail en jeu
peut être intéressant et assez amu‑
sant, surtout si vos joueurs n’ont pas
de grands talents de cartographe ou
s’ils n’ont pas l’habitude de prendre
des notes ! Quoi qu’il en soit, introduire
la notion de découverte du monde par
le biais du voyage est à mon sens un
bon moyen de les inclure plus active‑
ment dans la narration en les laissant
renifler chaque fleur, scruter l’horizon,
discuter avec des badauds ou prendre
le temps d’étudier la faune et la flore.
Le voyage, créateur
de lien social
Durant une partie de JdR, des liens
très forts, fraternels peuvent se créer
entre les joueurs dans les gerbes de
sang, le ballet des entrailles de leurs
ennemis ou encore une bonne soirée
arrosée dans une taverne miteuse. Les
scènes d’actions transpirant d’adréna‑
line ancrent les acquis d’une relation
initiée par la création de la table de
JdR. Mais j’ai tendance, en tant que MJ
et aussi en tant que joueuse, à appré‑
cier les conciliabules autour du feu,
AIDES DE JEU | 201
202 | AIDES DE JEU
MJ ONLY
ces moments suspendus dans le
temps et le récit, propices à creu‑
ser le background d’un personnage.
Quitte à voyager, autant joindre
l’utile à l’agréable et faire passer
le temps en laissant les joueurs
discuter entre eux, de la manière la
plus roleplay possible.
Si vous avez déjà vécu de longues
heures de trajets en voiture alors
que votre walkman n’a plus de
piles ou votre MP3 plus de batte‑
rie, vous comprendrez qu’avoir des
compagnons de route pour discu‑
ter et faire passer le temps est une
bénédiction ! Dites‑vous que pour
vos joueurs, c’est la même chose.
Parcourir des lieux sans échanger
le moindre mot peut arriver, après
un choc important comme la mort
d’un compagnon ; mais à un mo‑
ment donné, l’un d’eux brisera le
silence et ce pourra être l’occasion
de revenir sur des événements qui
viennent de se dérouler, discuter
d’importantes décisions à prendre,
etc. L’harmonie dans un groupe est
l’idéal, mais si jamais il y a d’éven‑
tuelles dissensions au sein des
aventuriers, le voyage peut‑être
le moment parfait pour régler
ces problèmes.
J’avoue que lorsque je pense au
voyage, je pense immédiatement
Le plan D ?
Mais qu’est‑il arrivé au plan C ?
Eh oui ! Bien entendu, le voyage
est aussi le meilleur moment pour
échafauder les fameux plans qui
de toute évidence sont voués à
l’échec, mais que nous prenons
tous plaisir, en tant que MJ, à
voir élaborer. Comme dit plus
haut, le voyage est souvent une
phase de transition entre deux
scènes d’un scénario. Plutôt que
d’en faire une ellipse, il peut être
aux discussions autour du feu.
Cette image me vient du jeu Dragon
Age : Origins où, lorsque le bivouac
est monté, votre personnage a
la possibilité d’interroger chacun
de ses compagnons pour en ap‑
prendre davantage sur lui, lui offrir
des présents, initier une romance,
ce qui permet de faire évoluer la
relation, positivement ou négati‑
vement. Je pense que cette méca‑
nique peut être un bon outil de
maîtrise afin de renforcer les liens
entre les joueurs, leur donnant l’oc‑
casion, sur un terrain neutre, hors
du temps et des combats, de pou‑
voir livrer aux autres une anecdote
le concernant ou bien un élément
fort de son background. Ne négli‑
gez pas cette opportunité pour vos
joueurs de renforcer le lien : c’est
du pain béni pour tous MJ !
Pour l’amour de
l’XP et du drama
Une quête principale, c’est bien.
Mais des quêtes secondaires, c’est
mieux ! Attention, je ne parle pas
d’aller chercher le chaton perdu
de la mère Michèle, mais de véri‑
tables quêtes qui vont avoir un
intérêt pour vos joueurs, et pas
seulement celui de l’XP. Que vous
intéressant de « suggérer » à vos
joueurs d’en profiter pour discuter
de leur prochaine action. Si vous
souhaitez tout de même faire une
ellipse, mettez‑la à profit pour
vos joueurs en induisant qu’ils ont
utilisé ce laps de temps pour se
préparer mentalement, physique‑
ment et matériellement parlant à
ce qui va suivre !
maîtrisiez une campagne à secrets
ou bien centrée sur un fond poli‑
tique, vous allez avoir, en tant que
MJ, des informations à faire passer
à vos joueurs, des indices à leur dis‑
tiller au fil des aventures. Nous le
savons tous, ils ont tendance à ne
pas prendre les chemins indiqués
et peuvent ainsi passer complè‑
tement à côté d’éléments parfois
centraux pour la suite ou la com‑
préhension du scénario. Pas de
panique, les bords de chemins sont
peuplés de porteurs de quête !
Bien sûr, il ne s’agit pas de faire
intervenir l’action de manière arti‑
ficielle. Encore une fois, n’hésitez
pas à faire intervenir vos joueurs
et leurs personnages. L’un d’eux
peut avoir un oncle, un frère, une
connaissance habitant non loin
de la route empruntée durant leur
voyage. Une petite halte improvi‑
sée au débotté permet alors au MJ
de rediriger ses joueurs vers une
piste qu’ils auraient négligée ou
de leur offrir l’opportunité d’obte‑
nir une information supplémen‑
taire pour avancer dans leur quête
principale.
À l’instar des retrouvailles autour
du feu de camp, le voyage peut
être un bon moyen de mettre à
l’épreuve vos personnages et leurs
backgrounds. Confrontez‑les à
leurs peurs, leur Némésis, leur soif
de justice, l’envie de retourner chez
eux. Ces scènes n’ont pas néces‑
sairement d’incidence sur votre
scénario principal, mais il permet
de souder le groupe et de person‑
naliser l’expérience de jeu pour
chacun de ses membres. Chaque
phase de voyage peut être l’occa‑
sion de mettre un coup de projec‑
teur sur l’un d’entre eux. Ces intri‑
gues secondaires rejoignent l’idée
de quêtes personnelles détermi‑
nées par vos joueurs à la création
de leurs personnages ou au fil
des parties.
Je fais partie de ces MJ pour qui le
plus important, à une table de jeu
de rôle, c’est les joueurs et leurs
personnages. Mon scénario prin‑
cipal n’est qu’une infime partie
de l’histoire que nous allons créer
ensemble. Elle se nourrit de ce que
les joueurs vont vivre, de ce que
leurs personnages vont se confier,
de leur background, de leurs choix,
de tout ce qu’ils vont me donner.
C’est en cela que le voyage est un
facteur à ne pas négliger : décrire
un périple c’est bien, le faire vivre
c’est mieux !
Récit d’un voyage
impromptu
Le mieux est encore de passer
par l’exemple afin d’illustrer mon
propos. Nous sommes dans une
partie de L’Anneau unique. Notre
groupe est composé d’une elfe
et d’un homme de la Forêt noire,
d’une hobbit des Champs de Lys
et d’un nain d’Erebor. C’est la
toute première fois qu’ils voyagent
ensemble et ils doivent se rendre
dans les marais au cœur de la Forêt
noire. Les joueurs ne connaissent
de l’univers de Tolkien que les films
et n’ont donc pas toutes les infor‑
mations concernant l’univers.
Découverte
Avant de prendre le cours de la
rivière Courante et de l’emprunter
jusqu’aux marais, les joueurs vont
devoir faire le trajet de la cité
d’Esgaroth jusqu’aux cascades. Le
MJ décide de ne pas faire d’ellipse
sur ce trajet mais de le faire jouer.
Deux choix s’offrent aux joueurs :
prendre un bateau pour traverser
le lac jusqu’aux cascades ou bien le
contourner. C’est là le bon moment
pour eux d’observer les alentours,
faire appel à leur mémoire des
cartes compulsées pour savoir quel
chemin il leur faut emprunter.
Ils décident finalement de
prendre le bateau. La hobbit,
Asphodèle, est obsédée par la
pêche. En voyant une telle éten‑
due d’eau, elle a le réflexe de
vouloir y lancer sa ligne. Elle se
penche au‑dessus de la barque et
regarde plus attentivement. C’est
le moment pour le MJ de la mettre
en garde sur un élément fort de
L’Anneau unique : la corruption du
dragon. Au fond du lac se trouve
le dragon Smaug et un peu de son
trésor. Chaque pièce est maudite et
peut faire sombrer l’esprit de celui
qui la possède.
Rencontre
Arrivés aux cascades, les PJ dé‑
cident de faire une halte et de ne
les descendre que le lendemain.
Ils s’installent autour d’un feu et
en profitent pour faire plus ample
connaissance. Leurs langues com‑
mencent à se délier. Asphodèle
est orpheline et parcourt le monde
de point d’eau en point d’eau.
Pour Widuven, l’homme de la
Forêt noire, c’est la première fois
qu’il s’aventure si loin de chez lui.
Nennvial en a assez de compulser
ses livres et ses cartes et souhaite
quitter Esgaroth. Loni quant à lui,
parle peu de lui. Il préfère conter les
légendes de la Terre du Milieu.
Secret
Loni a une crainte, celle de céder
au Mal du dragon, cette maladie
dont souffraient le roi Thorin et
ses ancêtres, cette passion dévo‑
rante pour l’or. Lors de leur voyage,
ils trouvent un fragment du trésor
du dragon. Sa volonté est mise à
l’épreuve, mais Asphodèle parvient
à le lui arracher. Le MJ peut garder
dans un coin de la tête ce qu’il s’est
passé et profiter à n’importe quel
moment, durant une autre phase
de voyage, pour mettre de nouveau
Loni à l’épreuve avec toutes les
conséquences que cela peut avoir.
Va‑t‑il s’en prendre à Asphodèle ou
fuir sa peur ?
Marielle Sarran
Illustrations : Didier Guisérix
AIDES DE JEU | 203
204 | AIDES DE JEU
ANALYSE

ANALYSE

UTILISATION DES
CREATIVE COMMONS
EN JEU DE RÔLE
Quelles licences Creative Commons
(CC) puis‑je utiliser ?
Dans les années 2000, les logiciels libres font des émules dans
le monde culturel, à travers notamment la licence Art libre
(création artistique), l’Open Gaming License (JdR) et les licences
Creative commons. L’OGL ayant été décrédibilisée, voyons
comment les Creative commons peuvent s’appliquer au JdR.

a fait couler beaucoup d’encre début

Préambule
Je ne suis ni juriste, ni « libriste », ne
partez donc pas dans un projet valant
des millions (ou même des milliers…)
d’euros sur la simple base de ce que
vous lirez ici.
Toutefois, j’ai épluché les foires
aux questions (FAQ) et guides de la
Fondation Creative commons ainsi que
d’autres acteurs du mouvement libre
pour comprendre quand et comment
on peut utiliser les licences Creative
commons pour des produits ou des
contextes avec des similarités avec le
jeu de rôle.
Les besoins du JDR
libre en matière
de licence
D’après Noah Downs, joueur et ju‑
riste spécialisé en propriété intellec‑
tuelle chez Premack Rogers PC, l’Open
Gaming License (OGL) 1.0a (parue
en 2000) était une licence très bien
conçue pour l’époque, à l’exclusion de
son manque d’irrévocabilité, ce qui
2023. Selon Bob Tarantino, autre juriste
spécialisé en propriété intellectuelle,
l’avantage de cette licence est d’être
adaptée au jeu de rôle (JdR) avec une
distinction faite entre contenu protégé
par la propriété intellectuelle et conte‑
nu ludique libre, facilitant le travail des
créateurs et des éditeurs pour recon‑
naître et utiliser ces différentes parties.
Toutefois, il précise que cette distinc‑
tion est également possible avec les
licences Creative commons (CC, 2002),
même si c’est de prime abord plus
complexe et que celles‑ci apportent
aussi de la modularité, des possibilités
qui font défaut à une licence comme
l’OGL ou la nouvelle Open RPG Creative
License (ORC, 2023).
En outre, les Creative commons sont ir‑
révocables et éprouvées juridiquement.
D’où l’intérêt de rédiger ce guide péda‑
gogique sur l’usage des CC pour le JdR
si l’on veut à la fois libérer du contenu
pour la communauté des créateurs (du
MJ qui hacke et distribue ses créations
dans son association et sur son blog à
l’éditeur du prochain Trouve‑le‑Chemin
à succès), préserver les droits d’un
tiers qui nous a permis d’utiliser son
contenu, conserver des droits sur le
contenu original dont on veut tirer
un bénéfice économique ou dont
on veut encadrer l’usage (pas de
modification, pas d’utilisation com‑
merciale, obligation de participer à
la démarche de liberté du JdR, etc.).
Rappelons d’abord ce que sont
les caractéristiques de liberté et
d’ouverture.
Contenu libre
et contenu ouvert
La liberté
La culture libre est basée sur
quatre libertés fondamentales qui,
appliquées au jeu de rôle, seraient :
1. La liberté d’utiliser l’œuvre pour
tous les usages : créer des per‑
sonnages, créer des aventures,
créer des créatures, des objets,
des lieux, des règles, choisir
ses règles, jouer, jouer en pu‑
blic, en streaming, diffuser des
parties, etc.
2. La liberté de copier et de dif‑
fuser des copies : des feuilles
de personnages, d’aides de
jeu, de règles, de suppléments
(du simple monstre ou sort
à l’ouvrage entier), de jeux
complets, etc.
3. Exemple : les mentions « pho‑
tocopie autorisée » que l’éditeur
devait mettre sur les feuilles de
perso des jeux des années 1990.
4. La liberté d’étudier l’œuvre : pré‑
sence d’une note d’intention des
auteurs, de notes de game de‑
sign, d’une explication du game‑
play, d’une explication du genre
du jeu et de ses aventures, voire
d’une bibliographie et de sources
d’inspiration.
Exemple : la note d’intention de
NOC (2021), ce qui se fait dans le
grandeur nature, le journal de Game
design de [Cool name goes here]
(2023), l’annexe N du Dungeon
Masters Guide d’ADD (1979).
La liberté de modifier et de
diffuser des copies de l’œuvre
résultante : créer et publier des
aventures, créer du matériel de
jeu compatible, traduire, hacker/
reskinner un jeu, créer de nouveaux
jeux et matériels de jeu non com‑
patibles, etc.
Exemple : la notice de Pierre
Rosenthal encourageant à le faire
et expliquant comment dans
SimulacreS (1988), la notice légale
de FUDGE (1992).
Un jeu est libre s’il apporte ces
quatre libertés.
En revanche, si un jeu ne répond
qu’à certaines de ces conditions, on
dit qu’il s’agit d’un jeu ouvert.
L’ouverture
D’autres démarches visent à
accroître cette ouverture et/ou
à l’adapter à des contextes spé‑
cifiques, comme l’open source,
l’open education, le savoir libre,
les sciences ouvertes, ou plus
généralement la philosophie de
l’ouverture.
En voici quelques conditions :
1. La non‑discrimination contre
des personnes ou groupes, par
exemple en luttant contre le
racisme, le sexisme, le colonia‑
lisme, le validisme, la grosso‑
phie, les LGBTphobies…
2. La non‑discrimination contre
des champs d’application, par
exemple en autorisant toutes
les pratiques du JdR comme le
jeu sur table, le grandeur nature,
le jeu épistolaire, le jeu sur table
virtuelle (VTT), le cosplay, le
jeu d’escarmouche, le théâtre
d’impro, etc.
3. La licence ne doit pas être spéci‑
fique à un produit, par exemple
en ne restreignant pas l’utilisa‑
tion ou la création à certaines
éditions ou cadres de jeu, ou à
la compatibilité avec le maté‑
riel source (cas des licences ne
permettent que la création de
matériel compatible).
4. La licence ne doit pas restreindre
l’utilisation d’autres éléments,
par exemple en exigeant que
tous ces éléments soient
aussi ouverts.
5. La licence doit être neutre sur le
plan technologique et de l’inter‑
face, par exemple en n’imposant
pas ou en n’empêchant pas
l’utilisation de logiciels, d’appli,
de VTT, etc.
6. Avoir une pédagogie pour
l’usage des outils, par exemple
sur ce qui est autorisé par le
droit d’auteur, sur l’utilisation
des licences libres ou ouvertes
en JdR ; sur comment rédiger
un scénario, mettre en page en
aventure, illustrer et éditer son
jeu ; sur comment streamer sa
partie, l’enregistrer, réaliser un
podcast ; etc.
7. Valoriser et légitimer les savoirs
oraux et communautaires, en
particulier par le partage des
savoirs de la communauté
(retours d’expérience, conseils,
techniques, méthodes, outils,
théories, etc.) sur les forums,
les blogs, les wikis de rôlistes,
dans les fanzines et magazines
de JDR, par le streaming, la mise
à disposition d’enregistrement
audio ou vidéo de partie, etc.
8. Donner libre accès aux informa‑
tions, par exemple du livre de
règles aux joueurs, contraire‑
ment à une certaine pratique un
peu ancienne.
9. Permettre la participation colla‑
borative, par exemple en encou‑
rageant d’autres pratiques que le
dirigisme ou l’illusionnisme, par
AIDES DE JEU | 205
206 | AIDES DE JEU
ANALYSE
des campagnes vivantes (living
campaigns), par les playtests
collaboratifs des systèmes, des
aventures, etc.
10. Par la transparence des ressources
et des actions, par exemple en
s’assurant du consentement
des participants, en explicitant
le recours à l’illusionnisme, en
encourageant le jeu sans écran, le
jeu en transparence, l’accès aux
règles pour les PJ, en partageant
des compte‑rendus d’aventure
avec les PJ.
11. Par la démocratisation du rôle
de meneur de jeu (MJ) et la circu‑
lation des joueurs, par exemple
Fabrique des ressources éducatives libres, CC BY 4.0
à travers le jeu à MJ tournant,
sans meneur ou à fonctions de
meneur distribuées, par le jeu
en table ouverte, par la facilita‑
tion de changement de système
(conversion, multi‑système,
supplément « système agnos‑
tique ») ; en facilitant le passage
des PJ d’un système à un autre,
en facilitant la façon de devenir
et d’être meneur de jeu.
Les Creative
commons
Regardons maintenant ce que
proposent les licences Creative
commons. « Les », car il y en a
plusieurs (7), offrant une grande
diversité de choix (Cf. Schéma
ci-dessous)
À ces 6 licences Creative com‑
mons, il faut ajouter la licence CC
0/domaine public pour signaler le
contenu que l’auteur ou l’autrice
« verse » au domaine public en si‑
gnalant refuser exercer ses droits
d’auteur ou appartenant déjà au
domaine public.
Les licences ayant une condition
de Partage dans les mêmes condi‑
tions (SA) sont dites virales (ou
copyleft) car les œuvres qui en dé‑
rivent (adaptations) doivent hériter
des mêmes conditions que celles
du contenu dont elles sont déri‑
vées, y compris la condition de par‑
tage dans les mêmes conditions.
Les licences CC ayant une condi‑
tion d’absence d’utilisation com‑
merciale (NC) ou d’absence de mo‑
dification (ND) sont dites de « libre
diffusion » car elles sont ouvertes
mais moins libres dans les usages
qu’elles permettent.
Comment utiliser les
Creative commons
pour le JdR
Je vous propose une approche
« foire aux questions » où l’on se
glisserait dans la peau d’un créa‑
teur qui aurait dès le départ une
idée bien claire de ce qu’il va utili‑
ser (ses inspirations, les contenus
libres ou pour lesquels il a obtenu
les droits nécessaires, ses méca‑
niques de jeu) et de comment il
souhaite utiliser, et que soit utili‑
sée, sa création.
Cette posture concerne aussi bien
la création d’un « donjon en une
page », d’une liste de sortilèges
comiques, d’un archétype de per‑
sonnage très spécifiques, d’une
« règle maison » sur la résistance
à l’alcool des Vénusiens ou d’un
sous‑domaine du dark web infesté
de fantômes virtuels.
Mon œuvre
est une collection
Si j’utilise des éléments de
contenu sous diverses licences,
peut‑être même protégés par droit
d’auteur et concédés dans le cadre
d’un accord avec les ayants‑droits,
et que l’on peut clairement identi‑
fier chacun de ces contenus ainsi
que le contenu original que j’ai
créé, j’ai alors produit une collec‑
tion. C’est le cas par exemple avec
une liste de dons, d’armes, un
bestiaire de créatures, une antho‑
logie de scénarios, un recueil de
classes de personnages, etc.
Une collection, c’est comme un
plateau repas : chaque élément
est dans sa case et les petits pois
(en Attribution‑Partage dans les
mêmes conditions CC BY‑SA) ne se
mélangent pas avec le jambon gril‑
lé (Attribution CC BY) ou la purée CC TV Dinner par Nate Angell, li‑
(Attribution‑Pas d’utilisation com‑ cence CC BY.
merciale‑Partage dans les mêmes Adaptation de TV dinner 1 par Adrigu
conditions CC BY‑NC‑SA), et encore (https : //flic.kr/p/6AMLDF) sous licence
moins avec le flan (Attribution‑Pas
CC BY, et plusieurs vignettes de licences
de modification CC BY‑ND). Et le
Creative Commons par la Fondation
Creative Commons (https : //creative‑
choix de ce menu, de mettre les commons.org/about/downloads) sous
petits pois et la purée de part et licence CC BY.
d’autre du flanc dans ce plateau
repas, c’est la créativité du « cuisi‑
chapitres, telles parties sont
nier », qu’il peut placer sous licence
sous telles licences (Attribution
CC BY (Attribution).
CC BY ou Attribution‑Partage
Quand vous créez une collection,
dans les mêmes conditions CC
vous devez identifier, attribuer et
BY‑SA, par exemple, pour du
indiquer la licence de chaque conte‑
contenu ludique libre ; soumis à
nu individuel de votre collection.
droit d’auteur, marque commer‑
Vous pouvez choisir la licence d’uti‑
ciale ou licence spécifique comme
lisation du contenu que vous avez
Attribution‑Pas de modification
créé vous‑même : sélection, arran‑ CC BY‑ND pour le contenu protégé
gement, mise en page, textes d’in‑ ou limité d’un tiers ; etc.). C’est
troduction, de commentaire, illus‑ ainsi que font les jeux Ironsworn
tration de couverture, etc. Fantastic (2018) et OSRIC (2006−2008) :
Worlds : An Anthology of Resources
« Designation of Product Identity
for Fantasy PbtA Games constitue
and Open Game Content :
un tel exemple de collection.
The terms « OSRIC, » « OSRIC, »
Si j’utilise des éléments non com‑
and « O.S.R.I.C. » are Product
binables ou protégés par le droit
Identity and trademarks ; all ar‑
d’auteur (avec autorisation), ou
twork and formatting is Product
bien que je souhaite conserver des
Identity. The Variable Experience
éléments que j’ai créés sous droit
Point Rule on p.118 is Product
d’auteur, je dois compartimenter
Identity. Aside from the previous
mon œuvre en fonction des licences
two sentences, Chapters I, II and
des contenus, telle une collection.
III of this work are Open Game
Par exemple : Content. Chapters IV, V and VI are
• j’indique à côté de chaque élé‑ Product Identity to the extent per‑
ment sa licence particulière, en mitted under the OGL and to the
note de bas de page ou dans extent such material is subjected
la légende et les crédits d’une to copyright, except for any text
illustration. language derived from the SRD or
• j’indique dans le chapitre sur les the Tome of Horrors, which is Open
licences de mon œuvre que tels Game Content. »
AIDES DE JEU | 207
208 | AIDES DE JEU
ANALYSE

TASL Ici, dans le cas d’un produit licen‑
Pour chaque élément utilisé, cié sous OGL, la product identity est
je signale son « TASL » : le contenu protégé et non libre, tan‑
• le titre de l’élément ou de dis que l’Open Game Content est le
sa source, contenu libre et qui doit le rester
• l’auteur de l’élément, (analogue à du contenu sous licence
• la source, si possible avec Attribution‑Partage dans les mêmes
un lien,
conditions CC BY‑SA).
• la licence originale de
l’élément ou de sa source,
Mon œuvre est une adaptation
avec un lien vers la licence
Si j’utilise des éléments de contenu
correspondante s’il s’agit
d’une licence Creative sous diverses licences, peut‑être même
Commons. protégés par droit d’auteur et concé‑
Ce TASL peut figurer dans dés dans le cadre d’un accord avec les
une ligne du texte dédiée, ayants‑droits, et que l’on ne peut plus
dans une légende, dans une identifier clairement les limites de ces
note de bas de page, dans éléments, j’ai alors créé une adaptation.
un chapitre dédié ou encore Dans ce cas, je ne peux utiliser que des
sous la forme d’un index licences compatibles avec les licences de
explicatif des pictogrammes
ces éléments. Autrement‑dit, je ne peux
servant de signalétique, etc.
pas combiner des licences n’autorisant
pas de modification (Attribution‑Pas de
modification CC BY‑ND, Attribution‑Pas
d’utilisation commerciale‑Pas de modi‑
fication CC BY‑NC‑ND) ni des licences
impliquant un partage dans les mêmes
conditions mais avec une condition
différente quant à l’utilisation com‑
merciale (CC BY‑SA et CC BY‑NC‑SA ne
peuvent être combinées).
Si je souhaite adopter pour mon
œuvre (une adaptation) une licence
Qu’est‑ce qu’une adaptation ?
Selon la Fondation Creative Commons,
Commons, « une adaptation est un travail basé
sur une ou plusieurs œuvres préexistant [les éléments de contenu]. Ce qui
constitue une adaptation dépend de la loi applicable, mais la traduction d’une
œuvre d’une langue à une autre, ou la création d’une version cinématogra‑
phique d’un roman sont généralement considérées comme des adaptations.
Pour qu’une adaptation soit protégée par le droit d’auteur, la plupart
des législations nationales exigent que l’auteur apporte une expression
originale à l’œuvre préexistante. Cependant, il n’y a pas de norme inter‑
nationale pour l’originalité, et la définition varie en fonction des lois. Les
juridictions de droit civil (comme en Allemagne et en France) exigent que
le travail contienne une empreinte de la personnalité de l’adaptateur. Les
juridictions de common law (États‑Unis ou Canada) ont tendance à avoir
un seuil inférieur pour l’originalité, ne nécessitant qu’un niveau minimal
de créativité et de « conception indépendante ». Consultez la loi sur le droit
d’auteur de votre juridiction pour plus d’informations. »
différente de celles des contenus que
j’ai utilisés, je peux le faire en me réfé‑
rant au tableau ci-contre.
Ce tableau détaille la ou les licences
CC que l’on peut utiliser comme une
licence de l’adaptation. Lors de la créa‑
tion d’une adaptation du contenu sous
la licence identifiée dans la colonne de
gauche, on peut donner en licence ses
contributions (mon contenu original) à
l’adaptation sous une des licences indi‑
quées dans la ligne du haut si la case
correspondante est verte. La Fondation
Creative Commons ne recommande pas
l’utilisation d’une licence si la case cor‑
respondante est jaune, même si cela
est techniquement autorisé par les
termes de la licence. Si on souhaite le
faire, il faut prendre des précautions
supplémentaires pour marquer l’adap‑
tation comme impliquant de multiples
droits d’auteur à des conditions diffé‑
rentes de sorte que les utilisateurs en
aval soient conscients de leur obliga‑
tion de se conformer aux licences de
tous les titulaires de droits. Les autres
cases indiquent les licences que l’on
ne peut pas utiliser comme licence de
l’adaptation.
Mon œuvre
est une création originale
C’est le cas le plus simple et le plus
souple pour utiliser des licences CC. Je
suis libre de choisir la licence en fonc‑
tion de ce que je souhaite que l’on
puisse faire de mon œuvre, comme
présenté dans le flowchart.
Si je souhaite que mon œuvre soit
utilisable dans un plus grand nombre
de cas, je la mets sous licences mul‑
tiples. C’est le cas, par exemple, du
System reference document (SRD) de
la cinquième édition de Dungeons &
Dragons, qui est licencié doublement
sous licence Attribution CC BY 4.0 et
sous licence OGL 1.0a. Les personnes
souhaitant utiliser le contenu de ce
SRD peuvent le faire sous les condi‑
tions de l’une de ces deux licences
Tableau de compatibilité, Fondation Creative commons CC BY 4.0
Tableau de licence Licence de l’adaptateur
du concédant BY BY‑NC BY‑NC‑ND BY‑NC‑SA BY‑ND BY‑SA PD
PD
BY
Statut de BY-NC
l’œuvre BY-NC-ND
originale BY-NC-SA
BY-ND
BY-SA
PD = Public Domain

Si je me rends compte que mon qui dérive des contenus sous ces (NC) ; et si je souhaite conserver
choix de licence pose un problème licences. Pour la même raison, les une fidélité à mon œuvre, une li‑
pour une réutilisation que j’auto‑ licences virales (dont les CC avec la cence Pas de modification (ND). À
rise, je peux passer mon œuvre sous condition SA) ne peuvent générale‑ moins que je décide de ne pas uti‑
licence multiple ou le « relicencier » ment pas se combiner entre elles. liser ce type de licence et de rester
sous une licence compatible. Enfin, si je veux enrichir le dans le cadre du droit d’auteur.
C’est ce qu’a fait par exemple contenu ludique libre, je privilégie Vous voici désormais armés pour
John Harper pour son jeu Lasers & la licence Attribution CC BY ; si je utiliser les licences Creative com‑
Feelings, initialement placé sous veux promouvoir le mouvement mons dans vos futures créations
licence Attribution‑Pas d’utilisa‑ du JdR libre, je privilégie la licence rôlistiques, qu’elles soient seule‑
tion commerciale‑Partage dans les Attribution‑Partage aux mêmes ment un nouveau don pour votre
mêmes conditions CC BY‑NC‑SA conditions CC BY‑SA ; si je souhaite classe de perso préférée ou un
3.0 puis passé en 2022 sous CC BY encourager la gratuité, une licence jeu entier.
4.0 pour en permettre l’usage com‑ Pas d’utilisation commerciale
Grégoire Macqueron
mercial. C’est aussi ce qu’a organi‑
sé Chris Gonnerman pour licencier
le rétroclone Basic Fantasy RPG,
précédemment sous licence OGL
1.0a, en CC BY‑SA 4.0 pour sa qua‑
trième édition en juin 2023.
À noter que je ne peux utiliser du
contenu Open Game Content de
l’OGL 1.0a ou du matériel licencié
sous l’Open RPG Creative License
(ORC) et le licencier sous CC à moins
que tous les ayants‑droits donnent
leur accord explicite ou acceptent
de relicencier leurs œuvres sous
CC. C’est d’ailleurs ce qu’on fait
Postmortem Studios (en relicen‑
ciant en CC BY‑SA leurs contenus)
ou D101 Games (en relicenciant le
SRD d’OpenQuest sous CC BY 4.0).
En effet, les licences OGL comme
ORC sont virales et exigent cha‑
cune que toutes leurs conditions
soient héritées par l’adaptation
Flowchart aidant à choisir la licence Creative
Commons par DSwissK, CC BY‑SA 4.0
AIDES DE JEU | 209
210 | RÉTRO
ARCHÉO‑RÔLISME

ARCHÉO‑RÔLISME

LE SEIGNEUR
DES ANNEAUX
De D&D à D&D
Le Seigneur des anneaux est une licence‑phare du milieu
geeko‑rôliste. Il fait partie des influences majeures si ce n’est
de D&D, en tout cas de la culture émergente dans laquelle la
création du JdR s’inscrit. C’est bien simple, iI n’y a quasiment
jamais eu de période sans une gamme active sur le sujet !
Retour sur plus de 40 d’adaptations.

Faux départ D&D construit par ailleurs en partie

Il s’en est fallu d’un cheveu
pour que JRTM ne soit pas la
première adaptation officielle
du SdA en JdR. À la fin des
années 70, Heritage Models a
en effet obtenu une licence
pour produire des figurines
basées sur l’adaptation en
dessin animée du SdA de
Ralph Bakshi.
L’éditeur aurait alors planché
sur un projet de jeu de rôle.
Mais celui‑ci s’enlise dans des
problèmes de droit. De toutes
façons, un certain ICE vient
rafler la mise…
Aux sources
de l’Anduin : D&D
La naissance de Dungeons & Dragons
opère un double mouvement. L’un,
le plus connu, est d’ordre ludique et
éloigne progressivement le jeu de ses
origines wargamistes pour aboutir
au jeu de rôle. Le second concerne le
genre même des histoires contées, qui
passent de l’historique à la fantasy,
genre prédominant encore aujourd’hui
dans notre loisir.
Plusieurs sources concourent à
construire cet univers. Les écrits de
Tolkien figurent au premier rang de
celles‑ci, au point que l’on pourrait
considérer les premières itérations de
D&D comme une adaptation, libre et
officieuse, de ceux‑ci. Vraiment ?
Les indices allant dans ce sens sont
nombreux. Les races jouables com‑
prennent par exemple des hobbits.
Dans la VO, « nains », au pluriel, est
orthographié de la même manière
que dans le SdA (dwarves au lieu de
dwarfs). Le bestiaire comprend des
balrogs et des ents. Plus généralement,
de nombreux éléments issus du folk‑
lore traditionnel se rapprochent de leur
réinterprétation du SdA et du Hobbit.
sa notoriété sur celle du SdA, devenu
à l’époque une œuvre très prisée des
milieux intellectuels universitaires –
voir en parallèle son influence sur le jeu
vidéo alors naissant.
Évidemment, notre regard d’au‑
jourd’hui, qui bénéficie de 40 ans
d’évolution et d’approfondissement
autour du gameplay, ne peut que
remarquer les écarts de philosophie
entre les deux. La magie vancienne
de D&D ne partage, par exemple, pas
grand‑chose avec le monde finalement
très peu magique de la Terre du Milieu.
Pire, D&D a une approche très spé‑
cifique de la violence et des combats.
Son gameplay « tape d’abord et pille
ensuite » qui s’insinue jusque dans son
système d’expérience évoque nette‑
ment plus les écrit de Fritz Leiber et de
Robert E. Howard que ceux de Tolkien.
Gygax l’évoque lui‑même dans une
interview en 1985 : « Comme n’importe
qui de familier à la fois avec D&D et
Tolkien pourra le dire, il n’y a aucune
ressemblance entre les deux. Il est qua‑
siment impossible de recréer des aven‑
tures de fantasy à la Tolkien tout en res‑
pectant strictement les règles du jeu. »
 Interview qu’il convient néanmoins
de relativiser. TSR a en effet acquis
les droits d’un wargame basé sur la
bataille des Cinq Armées qui clôt Le
Hobbit. L’éditeur n’ayant pas pris beau‑
coup de précautions avec la question
des droits d’auteur, la nouvelle édition
qu’il propose attire l’attention des
ayants‑droits de Tolkien. Un courrier
bien senti plus tard, le produit incri‑
miné est retiré du marché… en même
temps que les références trop directes
aux œuvres de Tolkien sont suppri‑
mées de D&D.
Reste le bagage de la fantasy tradi‑
tionnelle, qui n’est pas spécialement
l’invention de Tolkien. La proximité
entre les deux est donc largement
sujet à interprétation. On comprend
mieux pourquoi Gygax tient absolu‑
ment à marquer les différences avec sa
propre création…
De glace et de feu :
MERP/JRTM
Simplifications
En 1984, c’est enfin la sortie du pre‑
mier JdR officiel sur la Terre du Milieu :
Middle‑Earth Role‑Playing Game, plus
connu sous le nom de MERP, ou JRTM
(Jeu de Rôle des Terres du Milieu ; no‑
tez le pluriel, à l’époque) par chez nous.
Cette version simplifiée (mais assez
facilement compatible) de Rolemaster
se base sur un d100 ouvert – les jets
au‑dessus d’un certain seuil sont re‑
lancés et ajoutés au total, auquel on
ajoute aussi un score de compétence.
Les combats utilisent un modèle réa‑
liste de dégâts dépendant de l’arme
et de l’armure, mais se contente de
quatre tables, une par type d’arme,
au lieu d’une table par arme dans
Rolemaster.
Certes, ce système a mal résisté au
temps : difficile de ne pas lui porter,
avec nos yeux d’aujourd’hui, un regard
sévère. Son système de magie en par‑
ticulier n’entretient aucun rapport avec
le monde qu’il émule. Son « réalisme »,
hérité de Rolemaster, laisse peu de
place au merveilleux pourtant très pré‑
sent dans les écrits de Tolkien.
Il ne manque cependant pas de cer‑
taines qualités. Son réalisme, typique‑
ment, est aussi un atout. Le monde de
Tolkien n’est pas seulement merveil‑
leux, il est aussi profondément cré‑
dible. Cet aspect est plutôt bien mis
en valeur par la flexibilité de MERP, qui
permet par exemple d’incarner l’une
des nombreuses espèces qui peuplent
la Terre du Milieu.
Son système de points d’expérience
est aussi intéressant car, plutôt que de
faire progresser les personnages uni‑
quement par les combats, comme dans
D&D, il propose d’octroyer des XP par
de nombreux autres biais, à commen‑
cer par les voyages. Pas si loin de l’es‑
prit de voyage initiatique du Hobbit et
du SdA, même si la méthode de calcul
est quelque peu rigide : un simple
nombre d’XP par kilomètre parcouru !
Avant MERP, Rolemaster
Iron Crown Enterprises (ICE), dont le
nom est tiré du Silmarillion, est née
d’une longue campagne de D&D située
dans la Terre du Milieu. Ses créateurs
ont développé au cours de celle‑ci des
règles alternatives. Arms Law, première
pierre de l’édifice qui couvre les com‑
bats, est publié en 1980. Rapidement,
le corpus évolue en un jeu entièrement
autonome, Rolemaster.
Eu égard à ses origines, officialiser
le lien entre Rolemaster et l’œuvre de
Tolkien par l’acquisition d’une licence
sonne comme une évidence. Miracle : si
d’autres éditeurs ont des envies, voire
des projets, autour d’un JdR basé sur le
SdA (Voir l’encadré Faux départ), ICE se
révèle être tout simplement le premier
à demander la licence !
A Campaign and Adventure
Guidebook for Middle‑Earth sort en
1982. Il s’agit d’un supplément de
contexte générique de seulement
Une autre cartographie
de la Terre du Milieu
Le SdA entretient des liens
étroits avec la cartographie,
qui en est une composante
importante – rappelez‑vous
ses annexes. Difficile dans ce
cadre de ne pas citer le travail
de Fenlon sans évoquer
celui d’une autre grande
cartographe de l’imaginaire,
Karen Wynn Fonstad.
Fonstad publie dès 1981 un
épais atlas qui fait encore
aujourd’hui référence. Il est
réédité dans les années 90
pour prendre en compte les
informations contenues dans
les History of Middle‑Earth
compilés par Christopher
Tolkien. Très récemment,
Bragelonne en a proposé
une VF qui exploite la
nouvelle traduction du SdA
de Daniel Lauzon et de cartes
redessinées dans un style
plus moderne par Stéphane
Arson, le tout dans un écrin
grand format luxueux (Voir
Casus Belli #42).
Si ce travail ne s’inscrit pas
dans un contexte rôlistique,
il aura influencé nombre de
rôlistes de par sa complétude
et sa précision. Un
indispensable pour tous les
amateurs, sans aucun doute.
RÉTRO | 211
212 | RÉTRO
SEIGNEUR DES ANNEAUX
Pendant ce temps,
dans l’Hexagone
Impossible de parler JdR et
Terre du Milieu sans évoquer
Tiers âge, dont l’auteur est
nul autre qu’un certain
Jean‑Philippe Jaworksi !
Les règles proposent déjà
des éléments de gameplay
qui caractérisent son autre
jeu, passé lui par l’édition
professionnelle, Te Deum pour
un massacre. En particulier,
l’utilisation de qualificatifs
plutôt que des valeurs
chiffrées pour mesurer
les caractéristiques des
personnages.
Comme l’auteur le précise
en introduction, « les règles
sont peut‑être un peu sèches ».
Mais Tiers âge sort après la
fin de MERP justement pour
combler un manque, tout
en essayant de mieux se
rapprocher de l’esprit du SdA.
L’explosion du web aidant, il
attire une large communauté
qui met à disposition
quantité d’aides de jeu et
scénarios.
16 pages qui accompagne surtout une
grande carte réalisée par Peter Fenlon,
le fondateur de ICE.
Particularité de cette dernière, elle
étend les versions de Tolkien au‑delà
du Mordor, vers le sud et l’est. Une
fausse bonne idée, car cet espace, qui
ne sera jamais vraiment exploité, n’ap‑
porte guère de valeur ajoutée à un uni‑
vers déjà dense. Le travail de Fenlon,
qui réalisera la plupart des cartes de la
gamme, n’en est pas moins réputé à
juste titre pour sa précision.
Dans les deux ans qui suivent, ICE
publie six suppléments utilisables avec
Rolemaster. Mais ce dernier, trop impo‑
sant, est identifié comme un frein pour
de nombreux amateurs du SdA.
Deux gammes, une gamme,
plus de gamme
Jusqu’à la fin des années 80, les sup‑
pléments restent bi‑classés MERP/
Rolemaster. Il s’agit pour l’essentiel
de suppléments de contexte avec peu
d’éléments techniques. Une arme à
double tranchant : d’un côté, ces sup‑
pléments sont appréciés pour le niveau
de détails qu’ils offrent sur l’univers, de
l’autre ils sont considérés comme peu
exploitables ludiquement.
À la même période, ICE développe
aussi des livres‑jeux solo. Leur succès
limité (la marée Fighting Fantasy est
en phase descendante) et des pro‑
blèmes de droits entraîne l’éditeur
dans une période de tourmente et lui
impose de revoir sa stratégie autour de
la licence.
C’est ainsi qu’apparaissent des
ouvrages exclusivement MERP, per‑
mettant au passage des suppléments
nettement plus crunchy, comme Lords
of Middle‑Earth (trois volumes entre
1986 et 1989) ou encore Creatures of
Middle‑Earth (un bestiaire, 1988).
Conscient que sa complexité est un
frein à l’entrée de nouveaux rôlistes
dans la gamme, ICE propose en 1991
une version simplifiée, The Lord of the
Rings Adventure Game. Mais son posi‑
tionnement par rapport à MERP, entre
gamme autonome et point d’entrée,
s’avère particulièrement peu clair. Rien
qui puisse aider ICE à se relever…
Le clou est enfoncé à la fin des an‑
nées 90 avec la mise en chantier de la
trilogie cinématographique de Peter
Jackson. Tolkien Enterprises veut récu‑
pérer son bébé, ce qui n’est pas bien
compliqué face à une entreprise déjà
en difficulté. ICE ferme ses portes à
l’entrée du nouveau millénaire.
Format grand écran :
The Lord of the Rings
Roleplaying Game
Decipher est un ancien éditeur qui
développe deux belles licences de jeux
de cartes à collectionner dans les an‑
nées 90, Star Trek et Star Wars. Il ne
rentre dans l’industrie du JdR que tar‑
divement, en reprenant l’équipe artis‑
tique de Last Unicorn Games après leur
licenciement par Wizards of the coast
qui les a rachetés quelques années
auparavant.
Ces derniers ont déjà une bonne expé‑
rience des grosses licences, puisqu’ils
ont développé les versions rôlistiques
de Star Trek ou encore la tristement
célèbre adaptation de Dune.
Les voilà donc à pied d’œuvre pour
produire un nouveau JdR sur Le
Seigneur des anneaux. Avec une sub‑
tilité de taille néanmoins, la licence
acquise est restreinte au Hobbit et au
SdA, et exclut donc de fait la masse
d’éléments figurants dans les autres
publications comme Le Silmarillion.
The Lord of the Rings Roleplaying
Game sort en 2002.
La partie technique exploite le sys‑
tème maison CODA (déjà à l’œuvre sur
Star Trek). Il est simple et bien expli‑
qué. Mais il est aussi assez générique
et surtout plein d’approximations et de
déséquilibres, malgré la mise à disposi‑
tion d’errata.

Il a toutefois au moins le mérite de
mettre en avant le côté héroïque de
l’œuvre de Tolkien, là où MERP porte
plutôt sur sa crédibilité. Un aspect ren‑
forcé par l’iconographie de la gamme,
entièrement composée d’images des
films. Même si leur intégration dans
la maquette est globalement plutôt de
bon aloi, pas sûr que ce soit ce qui fasse
rêver les fans de Tolkien…
En dehors d’un bestiaire et de divers
accessoires, les premiers suppléments
décortiquent, à raison d’un par tome,
la saga du Seigneur des anneaux.
Résumé, différences avec les films,
personnages et lieux sont présentés
de manière trop succincte pour être ex‑
ploitables, sans parler de redondances
entre les volumes.
Les suppléments suivants sont
un peu plus intéressants car ils ont
l’avantage de se concentrer chacun
sur un périmètre réduit – Isengard,
Moria (au format boîte) ou encore le
Gouffre de Helm.
Decipher ne peut hélas guère aller
plus loin, victime d’une licence trop
restrictive. De toutes façons, mis en
difficultés par la chute drastique du
marché de la carte à collectionner,
l’éditeur est contraint de fermer ses
portes en 2008. Mais n’est pas mort
qui à jamais dort…
Des voyages et
de la mélancolie :
L’Anneau unique
De l’Angleterre à l’Italie
(et retour)
Cubicle 7 est un éditeur anglais créé
au début des années 2000 par Angus
Abranson. Ce n’est cependant que
lorsqu’il est rejoint par son ami Dominic
McDowall en 2004 que la structure dé‑
colle vraiment. Son premier gros coup
l’acquisition de LA licence anglaise par
excellence, Dr Who.
L’annonce tombe début 2010 : Cubicle
7 va publier une nouveau JdR adapté
du SdA, sous la plume de Francesco
Nepitello, designer italien de l’impo‑
sant jeu de plateau War of the Ring. Le
livre de base est disponible dès l’année
suivante sous la forme d’un très beau
fourreau regroupant deux livres, deux
cartes et un set de dés spéciaux.
Le système de résolution, assez clas‑
sique, mérite surtout d’être cité pour
Pendant ce temps,
dans l’Hexagone (bis)
Curieusement, l’histoire du
SdA en JdR aura presque
été moins mouvementé en
France.
MERP fait l’objet d’une
traduction intensive chez
Hexagonal quasiment jusqu’à
sa fin. La première édition
sort dès 86, la seconde en 95.
La gamme VO est néanmoins
trop pléthorique pour
parvenir en entier jusque
dans la langue de Croc.
Lorsque la licence bascule
chez Decipher, Hexagonal
est toujours sur les rangs,
assurant ainsi une forme de
continuité. Hélas, lorsque
Decipher périclite, Hexagonal
n’a traduit qu’une poignée
de suppléments (le bestiaire,
les trois suppléments sur la
trilogie du SdA), et pas les
plus intéressants.
La suite se déroule chez
Edge, qui s’occupe en effet
de la traduction de L’Anneau
unique de Cubicle 7, ainsi
que de sa déclinaison D&D5.
Malgré l’annonce d’une
nouvelle édition du jeu puis
la perte de la licence par
Cubicle 7, l’éditeur assure la
traduction de l’intégralité de
la gamme à l’exception de
The Adventurer’s Companion.
Les choses étant parfois bien
faites, la VO a beau changer
de main avec la 2e édition du
jeu, Edge est toujours sur le
coup et la traduit rapidement,
ainsi que sa boîte d’initiation
et son écran. La nouvelle
adaptation D&D5 est aussi
sur les rails… Pas de quoi
se plaindre pour les non
anglophones donc, d’autant
que ces traductions sont
d’excellente qualité.
RÉTRO | 213
214 | RÉTRO
SEIGNEUR DES ANNEAUX
Pendant ce temps,
dans l’Hexagone (Ter)
Le SdA est devenu une
licence aussi en vue
qu’exploitée et s’étale, pas
toujours pour le meilleur,
sur tous les supports. Et
même parfois plusieurs fois,
puisque, alors que Cubicle
7 édite toujours sa propre
version, les frenchies de 404
Éditions publient Le Seigneur
des Anneaux ‑ le jeu de rôle.
Rien de comparable toutefois
sur la cible. 404 propose en
effet des boîtes de JdR prêtes
à jouer destinées à l’initiation
et au grand public. Il s’agit
donc ici d’une boîte bien
remplie pour un prix très
abordable (20 €).
Celle‑ci est plus
spécifiquement une
adaptation des films, qui
propose d’incarner l’un de
ses protagonistes au cours
de quatre aventures suivant
de près les événements de la
saga. Un côté un peu cheap,
quelques choix malheureux
peu adaptés à l’initiation
et qui lui font manquer
sa cible et l’absence d’un
quelconque suivi (ou d’outils
pour inventer celui‑ci) en
font un produit anecdotique,
même si son accessibilité et
son système bien pensé ne
manquent pas d’intérêt.
ses sous‑systèmes dont il regorge – un
point qui lui est d’ailleurs régulière‑
ment et à juste titre reproché. Les prin‑
cipaux sont les voyages et la phase de
communauté.
Le premier permet de gérer les
voyages comme une scène à part
entière de l’aventure. Selon la nature
des terrains traversés (d’où les cartes
proposées avec le livre de base), le
groupe va rencontrer diverses péripé‑
ties au cours desquels chaque PJ, qui
se voit attribuer un rôle spécifique,
pourra briller.
La phase de communauté gère quant
à elle les phases de repos, à l’image
de ces périodes où Bilbo, et plus
tard la communauté, se ressourcent
chez Elrond.
Si la base n’est pas spécialement ori‑
ginale, tout le jeu transpire assez forte‑
ment de l’ambiance du SdA, à l’image
d’une valeur d’espoir pouvant conduire
à un état Mélancolique. Petit miracle,
il arrive même à faire plutôt bien le
trait d’union entre les romans et les
films : désormais et plus que jamais,
le SdA est un phénomène global et
trans‑média.
Trois jeux, deux jeux,
plus de jeu
Dans sa toute première édition, le
livre de base de L’Anneau Unique est
sous‑titré Adventures over the Edge of
the Wild. Il met en effet l’emphase sur
un périmètre temporel et géographique
restreint : les années qui suivent Le
Hobbit, dans les terres sauvages si‑
tuées entre les monts Brumeux et le
mont Solitaire.
Deux autres livres de base autonomes
devaient initialement paraître, éten‑
dant progressivement ce périmètre.
Mais l’éditeur, qui trouve probléma‑
tique de vendre plusieurs fois le même
système, revient finalement sur sa dé‑
cision – laissant à d’autres le soin d’ex‑
périmenter ce type de structuration de
gamme, comme FFG et ses Star Wars.
L’édition révisée, désormais sous la
forme d’un unique ouvrage à couver‑
ture rigide perd donc ce sous‑titre. La
gamme se charge d’explorer, si ce n’est
d’autres périodes, en tout cas d’autres
terres. Elle s’ouvre avec Ténèbres sur la
Forêt Noire, un cadre de campagne éta‑
lé sur 80 ans et construit sur le même
modèle, toutes proportions gardées,
que The Great Pendragon Campaign
pour Pendragon.
En dehors de divers accessoires (écran
et son guide de la cité du Lac, recueil
de cartes), elle est ensuite presque
entièrement organisée par paires
d’ouvrages, l’un de contexte et l’autre
de scénarios. Sont ainsi couvert les
Terres sauvages, le Rohan, Fondcombe,
Erebor et, dans un ouvrage seul, Bree
(voir Casus Belli #37).
Petite surprise au passage : profitant
de l’explosion de la licence 5E, Cubicle
7 sort en parallèle une version compa‑
tible avec D&D5 sous le titre Adventures Recommencement :
in Middle‑Earth. Le diptyque de base L’Anneau Unique
propose de nouvelles options et règles 2e édition
adaptées à la Terre du Milieu, comme
Mais peut‑on imaginer un paysage
le fameux système de voyage repris de
rôlistique sans une gamme sur le SdA ?
L’Anneau unique. Quoique solide dans
Probablement pas. C’est donc sans
son approche, l’ensemble souffre de
surprise que la licence est vite reprise
quelques problèmes d’équilibrage. La
par une nouvelle structure, et pas des
gamme qui suit reprend les mêmes
moindres : les Suédois de Free League,
suppléments que ceux de L’Anneau
réputés pour leur direction artistique
unique, au système près.
(très) haut de gamme.
Si l’ensemble n’est pas toujours très
Ce qui est plus étonnant, c’est qu’ils
égal, la qualité est plutôt élevée en
auront réussi à reprendre l’ensemble de
moyenne, et les deux gammes riches
L’Anneau unique, sauvant par là même
en contenu. Ce qui nous amène en
la deuxième édition de l’oubli. Celle‑ci
2019, lorsque Cubicle7 annonce une
déplace l’action à l’Ouest des monts
nouvelle édition de L’Anneau unique.
Brumeux, en Eriador – ce qui englobe
Les précommandes sont mêmes lan‑
aussi le Comté qui fait l’objet de la
cées tandis que des bruits enflent sur
boîte d’initiation.
une très attendue boîte sur la Moria.
Tout comme Cubicle7 avant eux, ils
Mais (mauvaise) surprise : alors que
publient aussi dans la foulée une nou‑
le jeu est quasiment près de partir à
velle version 5E, cette fois sous le titre
l’impression, l’éditeur anglais annonce
The Lord of The Rings Roleplaying.
ne pas avoir trouvé de terrain d’entente
pour le renouvellement de la licence. La gamme ne demande maintenant
Les précommandes sont rembour‑ plus qu’à se développer, car même
sées, et la seconde édition s’apprête à après plusieurs décennies, les rôlistes
être enterrée… ne sont pas près de s’arrêter à arpenter
la Terre du Milieu…
Slawick Charlier

RÉTRO | 215
216 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES ROHIRRIM

LES ROHIRRIM,
SEIGNEURS DES
os
CHEVAUX
D

sie ie La force du cavalier

r t ol k
« Cruauté réveille‑toi ! Qu’importe le courroux, qu’importe
la ruine et que l’aube soit rouge ! Pour Eorlingas ! » Qui n’a
pas senti ce petit frisson sur sa nuque lors de la charge des
Rohirrim au Gouffre de Helm ou dans les champs du Pelennor ?
Enfourchez votre monture, direction le Rohan !

N
ous avons tous vécu une créa‑
tion de personnages pour une
partie de L’Anneau unique où
tout le monde se précipite pour créer un
gang de hobbits. Et loin de moi l’idée de
les critiquer ! Mais n’oublions pas que
le Troisième Âge est celui des hommes.
Parmi les cultures jouables, l’une attire
particulièrement mon attention : les
Rohirrim. Un supplément de L’Anneau
unique v1 leur a été consacré (cf. enca‑
dré). Si vous ne l’avez pas lu, voici donc
un petit avant goût de ce peuple fasci‑
nant, de quoi vous convaincre que jouer
un humain dans la Terre du Milieu peut
Notions et traductions être très intéressant !
Dunland : « terre brune »,
« terre de collines »
Dunlendings : « habitants du
Pays des Seigneurs
Pays de Dun » des chevaux
Éoherë : rassemblement de Vous arrivez sur une terre de landes,
toutes les éored de prairies, de grandes plaines her‑
Éored : troupe de 120 beuses sur laquelle sont en train de
cavaliers aux ordres des
paître paisiblement de magnifiques
maréchaux
chevaux : bienvenue au Rohan ! Il s’agit
Éothéod, Eorlingas,
Rohirrim : « le peuple des là du premier royaume des hommes
chevaux » que le lecteur rencontre au détour des
Istari : magicien (ex : Gandalf, pages du Seigneur des Anneaux. Cette
Saroumane, Radagast) contrée est le pays des Rohirrim, les
Riddermark : « royaume des seigneurs des chevaux, qui porte dans
seigneurs‑cavaliers » leur langue le nom de « Riddermark ».
Au Nord se trouve la mystérieuse
forêt de Fangorn ; à l’ouest la tour de
Saroumane et l’imposante forteresse
du gouffre de Helm ; au sud, les vastes
prairies encerclant la cité d’Edoras,
le siège du pouvoir, et Dunhart, lieu
de mémoire et porte du chemin des
Morts ; et enfin, à l’est, les fières sta‑
tues de l’Argonath veillent sur l’An‑
duin. Des lieux chargés d’histoire et
de souvenirs.
Avant de devenir un royaume indé‑
pendant, le Rohan était inféodé au
Gondor. Cette alliance a souvent été
mise à rude épreuve et, parmi les épi‑
sodes les plus marquants de cette
histoire, nous retenons celle de l’ost
d’Eorl. Alors que le Gondor est en proie
à une armée d’orientaux et d’orques,
les chansons racontent qu’Eorl a ras‑
semblé une armée de près de sept mille
cavaliers et sept cents archers mon‑
tés. Monté sur son valeureux destrier
Felaróf, Eorl remporte une victoire déci‑
sive aux champs du Celebrant. En guise
de remerciement, le Gondor donne au
cavalier les terres de Calenardhon pour
y établir un royaume. Son emplace‑
ment stratégique entre le Gondor et
les régions sauvages comme la Forêt
Noire, l’Eriador et les monts Brumeux

est un atout pour le dernier royaume
des Dunedain.
Un accord est passé entre l’intendant
du Gondor et les rois du Pays des che‑
vaux : si l’un d’eux est attaqué, l’autre
devra répondre à l’appel. Un système
de signaux est mis en place par un
réseau de sept feux de guerre bâtis sur
des collines où des gardiens se relaient,
gardant un œil sur l’horizon. Ces feux
d’alarme sont Amon Din, Eilenach,
Nardol, Erelas, Min‑Rimmon, Calenhad
et l’Halifirien. Dès que le Gondor ou le
Rohan sont menacés, le feu de leur cité
est allumé, et ainsi de suite jusqu’à
parvenir à l’autre.
Le Rohan est isolé du reste du
monde. Les chants parlent d’elfes,
de nains et de hobbits, mais per‑
sonne n’a jamais vu le petit peuple,
au point qu’ils semblent n’être que
des légendes ! À noter cependant que
les Rohirrim sont les seuls à parler des
hobbits avant que ceux‑ci n’entre au
Rohan, ce qui signifie qu’ils ont bien
eu un contact auparavant. Merry, dans
son histoire de l’herbe à pipe, explique
qu’elle serait originaire des plaines du
Rohan. On peut donc raisonnablement
penser que parmi les premiers peuples
de semi‑hommes, certains devaient
venir du Calenardhon.
Il fait plutôt bon vivre dans le Rohan,
même s’il n’est pas rare de voir
quelques attaques d’orques, de wargs
Copyright The Lord of the Rings - Return of the King, Peter Jackson
ou de trolls. Mais la plus grande
menace sur ces grandes plaines
est avant tout humaine. Le quo‑
tidien des Rohirrim est une lutte
contre la cupidité, la jalousie, la
soif de pouvoir, l’orgueil aveu‑
glant d’un noble ou encore un
complot ourdi contre un seigneur.
L’Ombre peut prendre bien des
formes, même la plus familière.
Les Dunlendings
Les Dunlendings ou Ceux du
Pays de Dun sont en conflit
perpétuel avec les Rohirrim
dont ils essaient de s’emparer
des terres. Plus précisément,
ils essaient de récupérer ce qui
était à eux avant qu’ils n’en
soient chassés. À l’origine, il
s’agit d’un peuple indigène
qui a toujours refusé de prêter
allégeance aux Númenoréens
puis aux Gondoriens. Chassés
de la forêt que les premiers ont
exploitée pour la construction
de leurs bateaux, ils ont trouvé
refuge dans les montagnes
Blanches et les monts Brumeux
avant d’en être de nouveau
expulsés par les cavaliers du
Rohan lorsqu’ils y établirent
leur royaume.
Pour Eorlingas !
Le peuple du Rohan des‑
cend des hommes du nord de
Rhovanion. Lorsque les ténèbres
de la Forêt Noire commencèrent
à s’étendre au‑delà des bois,
ils décidèrent de migrer vers le
sud. Pour cela, ils chassèrent
les hommes des collines, alors
Les Dunlendings deviennent
alors un peuple de nomades,
veillant sur de modestes
fermes, ce qui ne les empêche
pas de temps en temps d’aspi‑
rer à plus en tentant de récu‑
pérer les terres d’où ils ont été
chassés. Les cavaliers nom‑
ment leur terre Pays de Dun ou
Dunland. Divisés en clans, ils
s’affrontent sans cesse, même
entre eux, chacun cherchant à
dominer l’autre. La réciprocité
ou l’entraide ne sont pas vrai‑
ment de mise, bien qu’un élan
de compassion soit possible
notamment envers ceux qui
ont été chassés de chez eux,
comme ce fut le cas avec les
nains d’Erebor qu’ils recueil‑
lirent pendant un temps.
MAGAZINE | 217
218 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES ROHIRRIM
Copyright The Lord of the Rings - Return of the King, Peter Jackson
Les femmes dans l’œuvre de Tolkien
Une petite piqûre de rappel :
il n’est pas rare de voir ce juge‑
ment de valeur sur l’œuvre de
Tolkien que les femmes n’y ont
pas leur place. Cette observa‑
tion s’appuie sur le fait que la
Fraternité de l’Anneau ne com‑
prend que des hommes, et que
peu de personnages féminins
auraient un rôle central dans
l’intrigue. D’un point de vue
purement numérique, il est in‑
déniable que le nombre de per‑
sonnages féminins traités dans
l’ensemble de l’œuvre de Tolkien
est réduit. C’est un fait.
suppôts d’Angmar, et bâtirent leur
cité. Ces hommes et ces femmes
trouvèrent sur ces terres des che‑
vaux sauvages aux facultés ex‑
traordinaires qu’ils dressèrent et
croisèrent avec leurs propres mon‑
tures. Cette tradition de cavalerie
leur valut ce nom d’Eotheod, qui
signifie « le peuple des chevaux ».
Oui, accrochez‑vous, tous les noms
dans le Rohan sont plus ou moins
lié au cheval !
« Rohirrim » est le terme utilisé
pour parler des cavaliers du Rohan
aussi appelés les cavaliers de la
Lorsque l’on s’intéresse à leur
rôle, on se rend compte qu’il est
souvent décisif et pas moins im‑
portant que celui des hommes.
Prenons l’exemple d’Eowyn.
Lorsque le temps est venu pour
les Rohirrim de rejoindre le Rohan,
Theoden refuse que sa nièce
se joigne à l’armée. Non parce
qu’elle est une femme, mais parce
qu’il sait qu’il ne reviendra pas,
ni Eomer, et qu’elle est la seule
capable de pouvoir rassembler
les dernières lances afin de proté‑
ger Edoras. Elle est la régente du
royaume, rien que cela !
Marche (la Marche de l’Ouest), mais
dans leur langue, ils se désignent
plutôt sous le nom « Eorlingas »,
en référence à leur tout premier
roi. L’histoire de ces cavaliers est
pleine de héros comme Fram, qui
a terrassé le dragon d’Ered Mithrin,
Scatha. Farouches et méfiants au
premier abord, ils s’avèrent être
des alliés indéfectibles et coura‑
geux. Ne citons que l’exemple de
leur charge dans les champs du
Pelennor, la mort héroïque du roi
Theoden ou la victoire de dame
Eowyn sur le Roi‑Sorcier d’Angmar !
Tolkien a pensé ces cavaliers à
l’image de ceux de la tapisserie de
Bayeux : leur héritage anglo‑saxon
se retrouve notamment dans leur
dialecte proche du mercien.
Parmi les Rohirrim, deux per‑
sonnes se distinguent : les maré‑
chaux de la Marche. Ces lieute‑
nants du roi sont les officiers les
plus hauts gradés des cavaliers du
Rohan. À l’époque de Thengel, il y
a théoriquement trois maréchaux,
mais en réalité, le premier maré‑
chal est souvent le seigneur de
la Marche lui‑même, autrement
dit le roi. Un maréchal a sous ses
hordes une « éored », qui comprend
environ cent vingt cavaliers. Le roi
gouverne depuis la cité d’Edoras et
a sous son autorité les terres alen‑
tours tandis que le deuxième maré‑
chal surveille la Marche de l’Ouest,
et le troisième la Marche de l’Est.
Nul cavalier
sans monture
La puissance des Rohirrim repose
essentiellement sur leurs montures,
qui leur confèrent puissance, vivaci‑
té et rapidité. Le lien entre le cheval
et son cavalier est presque frater‑
nel : ce sont à la fois des amis et
des frères d’armes qui ont partagé
les mêmes batailles, mais aussi la
même histoire. En effet, lorsque les
hommes du Nord ont découvert les
chevaux sauvages qui leur valurent
leur nouveau nom, ils décidèrent
de les dompter puis de les croiser
avec leurs propres montures. Au fil
des générations et des sélections,
les Rohirrim ont créé de véritables
lignées de bêtes exceptionnelles qui
n’ont pas leur pareil, au point que la
renommée du cheval surpasse par‑
fois même celle de son cavalier !
Les chevaux font partie inté‑
grante de la famille. Tous sont
nommés et le quotidien ne tourne
Copyright The Lord of the Rings - Return of the King, Peter Jackson
qu’autour du soin à leur apporter.
Toute la famille va y participer. Dès
leur plus jeune âge, les enfants sont
mis sur le dos d’une de ces montures,
si bien qu’ils peuvent souvent chevau‑
cher avant même de savoir marcher. Si
jamais quelqu’un avait le malheur de
maltraiter son cheval, il serait immé‑
diatement mis au ban de la société
et subirait le blâme. Avant de partir
en guerre, alors que l’ « éoherë » est
Les Mearas
Il s’agit de la lignée de chevaux
la plus célèbre. Ils descendent de
Felaróf, « Funeste aux hommes »,
l’étalon blanc d’Eorl le jeune, un che‑
val sauvage qui tua son père, Leod,
alors que celui‑ci tentait de le dres‑
ser. C’est un thème souvent repris
dans les contes : celui du leader‑né
apparaissant aux yeux de tous pour
être parvenu à dresser un cheval sau‑
vage. Eorl, tel Alexandre qui dressa
Bucéphale, s’impose comme le futur
roi du Rohan en parvenant à domp‑
ter Felaróf. Cet exploit est immortali‑
sé par la figuration de ce cheval blanc
sur le drapeau du Rohan. Il s’agissait
d’un étalon fort et intelligent qui a
vécu aussi longtemps que son cava‑
lier et a été enterré dans le premier
tertre d’Edoras.
convoqué, le cavalier s’applique à tres‑
ser la crinière de sa monture sur la
gauche. Ainsi, elle ne gênera pas les
mouvements du Rohirrim pour dégai‑
ner ou éviter un adversaire. Choisir d’in‑
carner un Rohirrim suppose d’avoir sa
propre monture et surtout d’y apporter
autant de soin qu’à son propre person‑
nage. Du pain béni pour un MJ aux ten‑
dances sadiques !
Marielle Sarran
Felaróf descendait des montures
ramenées de l’Ouest éternel au
cours du Premier âge. Le peuple des
Númenoréens est intimement lié
aux chevaux. Ils semblent capables
de communiquer avec eux, de res‑
sentir leurs émotions, voir de les
commander sans avoir besoin de les
diriger, comme le montre très bien
la série Les Anneaux de pouvoir, ou
encore Aragorn dans les films. La
descendance de Felaróf porte le nom
de Mearas ce qui signifie, je vous le
donne en mille, « chevaux » en vieil
anglais ! Ces chevaux hors‑pair n’ont
d’autres cavaliers que les rois de la
Marche à l’exception de Scadufax (ou
Gripoil) qui accepta Gandalf comme
cavalier.
Les cavaliers du Rohan,
supplément de L’Anneau
unique
Cet article s’appuie
notamment sur le
supplément de la V1 de
L’Anneau unique (Edge),
sorti en 2019. Il emmène les
joueurs au sud des Terres
sauvages durant le règne
du roi Thengel, le père
de Théoden alors âgé de
douze ans. Le Rohan est
alors menacé de guerre
civile qui apposeraient les
partisans des maréchaux de
la Marche. Ce supplément
reprend l’histoire du Rohan
et présente les différentes
régions du Riddermark ainsi
que leurs populations afin de
pouvoir mener vos aventures
au pays des seigneurs des
chevaux. Et si vous souhaitez
aller encore plus loin,
vous pouvez vous tourner
vers le supplément de six
aventures qui l’accompagne,
Les Serments du Riddermark
(Edge).
MAGAZINE | 219
220 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES NAINS

LES NAINS
Mythes et légendes inachevés
Qui n’a jamais eu sur sa table de JdR un nain gorgé de bière,
l’écume aux lèvres à la moindre évocation de gobelins, une
os
D

ie pique toujours au bout de la langue pour l’elfe du groupe ? Envie

sie
r t ol k de nouveauté ? Plongeons ensemble dans l’œuvre de Tolkien et
ses inspirations à la découverte d’autres nains !

Bibliographie sélective
Robert Jacques Thibaud,
Dictionnaire de mythologie
et de symbolique nordique et
germanique (1997)
Edouard Brasey, La petite
encyclopédie du merveilleux
(2007)
Claude Lecouteux, Les nains
et les elfes au Moyen Âge
(2013)
Vincent Ferri et Frédéric
Manfrin, Tolkien, Voyage en
Terre du Milieu (2019)
Patrick Guelpa, Les 100
légendes de la mythologie
nordique (2020)
Vidéos
Nota Bene, Les Vikings (2022)
D
es rives du Rhin aux profondeurs
de Khazad‑dûm en passant par les
manuscrits médiévaux, l’image
du nain a connu de nombreuses trans‑
formations. Petites créatures espiègles
et maléfiques, gnomes difformes
surgis de la terre, artisans de génie, il
n’en existe pas un portrait unique et
immuable. Tolkien lui‑même continua
à modifier ce peuple d’œuvre en œuvre
pour en arriver à ceux que nous connais‑
sons aujourd’hui. Revenons ensemble
sur l’histoire de la figure du nain !
Au nom de la terre,
la pierre et l’or
Il n’est un secret pour personne que
Tolkien, comme beaucoup d’auteurs
avant et après lui, a puisé l’inspira‑
tion de ses nains dans les Eddas et les
sagas islandaises. Les Eddas sont des
recueils rassemblant des récits liés aux
divinités et héros scandinaves. Citons
par exemple l’Edda en prose de Snorri
Sturluson (1179−1241) ou encore l’Edda
poétique regroupant plusieurs poèmes
en vieux norrois d’auteurs anonymes,
écrits entre le VIIIe et le XIIIe siècle.
Parmi les sagas, terme générique
donné à une compilation de textes
en prose, nous pouvons citer La Saga
des Völsungar du XIIIe siècle contant
l’histoire de Sigurd, le tueur du dragon
Fafnir. Au fil de ces récits, plusieurs
nains nous sont présentés, dont cer‑
tains noms, comme vous allez le voir,
ne vous seront pas inconnus.
Dans ces histoires, les nains sont pro‑
fondément liés à la terre et à la nature.
Nés de la chair du géant Ymir, ils sont
appelés « vers ». Créatures souter‑
raines, les dieux vont les doter d’intelli‑
gence et d’une forme humaine, mais ils
vont continuer de vivre à l’abri du soleil
au plus près de la terre et des pierres
au Nidavellir. Cette aversion pour la lu‑
mière laisse à penser qu’elle puisse leur
être fatale, comme c’est le cas pour
le nain Alviss, que Thor fait converser
durant une joute verbale jusqu’aux
premiers rayons du soleil, ce qui a pour
effet de le changer immédiatement en
pierre ! Toute impression de déjà vu
est bien entendu fortuite. En réalité,
les nains sont assez proches des trolls.
Quelques confusions dans les textes
font des nains des alfes noirs, vivant au
Svartalfheim.
Gandalf, Fili, Kili, Thorin, Thror, Gloin,
Dori, Ori… Ces noms vous semblent‑ils
familiers ? Il ne s’agit que d’un petit
échantillon de noms de nains donnés
dans la Voluspa, reprit plus tard par
Tolkien dans son roman Le Hobbit.
Mais ce n’est pas là le seul point
commun entre les nains des Eddas et
les valeureux guerriers d’Erebor. Parmi La malédiction de l’anneau
les thèmes les plus courants qui collent Dans la mythologie nordique, ce Loki porte le butin au roi et la
à la peau des nains, il y a l’amour des n’est pas tant l’anneau qui est por‑ malédiction opère : les deux fils
métaux précieux, l’artisanat et le tra‑ teur de malédictions, mais plutôt de Hreidhmar, Regin et Fafnir,
vail de la mine. Dans les Eddas, les l’or qui le compose, thème que l’on tuent leur père. Fafnir, transformé
nains sont à l’origine de la création retrouve dans nombre de récits. Le en dragon, se couche sur le tré‑
d’armes magiques comme l’épée nain Andvari possédait un anneau sor pour en être le seul gardien.
Tyrfing, forgée par Dvalin, ou Mjolnir, le d’or capable de renouveler sans Il trouvera la mort des mains de
marteau de Thor ; ou encore de bijoux cesse sa fortune, qu’il garde cachée Sigurd qui mourra à son tour. L’or,
tels l’anneau d’or d’Andvari et Draupnir, dans un rocher. Un jour, Loki, qui dans les récits nordiques, mène au
l’anneau d’Odin duquel apparaît toutes doit trouver de l’or en suffisance désir, à la folie et au meurtre. Un
les neufs nuits, huit anneaux d’or de pour le roi Hreidhmar dont il a tué mal qui n’est pas sans faire penser
même poids. le fils, s’empare du nain Andvari et au Mal du dragon dont souffre la
lui arrache de force son anneau. Il famille de Thorin, ou encore aux
La part de l’Ombre prononce alors une malédiction
sur son « précieux » : il apportera la
pulsions que l’Anneau peut insuf‑
fler à son porteur.
Lorsque Snorri Sturluson, chrétien, mort à quiconque le possède.
homme politique, historien, poète et
conteur regroupe les textes qui com‑
poseront l’Edda en prose, il souhaite
destiner son œuvre aux jeunes poètes
christianisés qui ne connaissent pas
ou très peu les croyances de leurs
ancêtres. Il n’est donc pas étonnant
de voir que certains thèmes chrétiens
peuvent teinter le récit de ce passé
mythologique où les dieux foulaient la
terre des hommes. Nous pouvons citer
par exemple les leçons sous‑jacentes
sur l’avarice des nains, ou bien sur les
extrémités auxquelles le désir de pos‑
session peut pousser. On comprend
donc pourquoi, petit à petit, le nain va
passer dans les textes arthuriens ou les
légendes médiévales de personnage
central à secondaire, voire devenir,
au mieux, le serviteur des chevaliers
chrétiens, et au pire un adversaire
The Land of Enchantment par Arthur Rakham

diabolisé !
Il est difficile de dresser un portrait
unique de ce qu’est un nain dans la
culture médiévale, car chaque région,
chaque pays, va avoir son nain, dési‑
gné par un terme qui lui est propre,
mais nous allons tenter d’en dresser
une image la plus englobante possible.
Les nains appartiennent aux créatures
merveilleuses au même titre que les
elfes, les fées et les géants. Proches
des gnomes, voire de la même famille

MAGAZINE | 221
222 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES NAINS
Des femmes naines ?
Difficile de se prononcer sur le que dans le Second Livre des contes
sujet, car les nains sont souvent perdus, les nains réclament une
décrits dans le folklore comme un « douce demoiselle des elfes du
peuple exclusivement masculin, bois » au seigneur elfe Tinwelint en
et on trouve peu de cas de descen‑ guise de salaire. Donc niveau moral,
dance. Il est exclu dans les récits certains nains ne valent pas leurs
que des êtres décrits comme aussi homologues populaires. Malgré
repoussants puissent être impli‑ tout, les naines existent dans
qués dans des relations amou‑ l’œuvre de Tolkien. Certes, elles
reuses là où ils sont plutôt présen‑ sont bien moins nombreuses, ne
tés comme des individus lubriques représentant qu’un tiers de la po‑
usant de ruse, d’artifices, de chan‑ pulation de leur peuple. Du point de
tage voir de viol pour parvenir à vue de l›aspect, elles ressemblent
leurs fins. aux hommes, ce qui laisse présager
Et Tolkien dans tout cela, me qu’elles ont tout comme eux une
barbe bien fournie !
direz‑vous ? Eh bien il se trouve
qu’eux, ils sont plus grands que les
lutins, à savoir entre 79 cm et 1 m 33
selon l’historien Claude Lecouteux.
Dotés de petits pieds et de courtes
jambes, ils ont cependant la force
de douze à vingt hommes, ce qui fait
d’eux d’infatigables travailleurs dans
les mines et les forges. Vieux, laid et
difforme, le nain est susceptible et
belliqueux : jamais il n’oublie, et par‑
donne difficilement.
Que ce soit dans la tradition nordique,
dans les textes médiévaux ou posté‑
rieurs, le nain est lié à l’outre‑monde et
à la mort par son lien avec la terre ainsi
que le monde souterrain. S’enfouir
sous terre, c’est passer une barrière,
celle du monde des défunts. Le plus
bel exemple que nous ayons est l’his‑
toire d’Herla, roi des anciens Bretons
qui, répondant à l’invitation d’un roi
des nains demeurant dans une mon‑
tagne creuse, passa trois jours en son
royaume. Du moins c’est ce qu’il crut.
Mais sur le chemin du retour, il se ren‑
dit compte qu’en réalité, trois siècles
s’étaient écoulés et qu’il ne pouvait
plus poser le pied à terre. Il était alors
condamné à errer pour l’éternité en
hantant les vivants.
Le portrait que nous venons de dres‑
ser des nains tend difficilement vers
le personnage débonnaire qui attire la
sympathie, notamment à cause des
descriptions physiques qui sont faites
de lui. Il faut bien comprendre une
chose : pendant très longtemps, il a été
admis que l’apparence reflétait l’âme.
Si bien qu’un personnage représenté
ou décrit dans les textes comme laid
ne pouvait que l’être de l’intérieur. Peu
à peu, la figure du nain va s’affranchir
de ces préjugés, et heureusement, sans
quoi vous seriez obligés de ne jouer que
des nains maléfiques !
L’Anneau
du Nibelungen
Impossible d’évoquer l’œuvre de
Tolkien sans passer par la case Wagner
pour bien comprendre le processus de
transformation et d’utilisation de la
mythologie nordique à des fins idéo‑
logiques. Déjà au Moyen Âge, le nain
était représenté dans les enluminures
sous les traits d’un « vilain », quelqu’un
du peuple, de la classe populaire, armé
d’un gourdin, inférieur au chevalier
en belle armure. Là, dans l’opéra de
Wagner, le nain est laid, manipula‑
teur, maléfique. Il va incarner celui qui
est en marge de la civilisation, sa part
sombre, celle qui exploite son propre
peuple pour son profit et sa folie pro‑
voquée par ce besoin de pouvoir et d’or.
Le personnage d’Alberich dans la
tétralogie du Ring de Wagner est di‑
L'or du Rhin et la walkyrie par Arthur Rackham
rectement inspiré de La Chanson des
Nibelungen et des Eddas. Il est le roi
des Nibelungen, un peuple de nains
talentueux et riches vivant dans les en‑
trailles de la terre. Là, ils fabriquent des
objets précieux. Mais un jour, Alberich
est attiré par l’or du Rhin. Les ondines,
qui en sont les gardiennes, lui révèlent
que toute la richesse du monde appar‑
tiendra à celui qui transformera cet
or en un anneau magique qui confère
également un pouvoir illimité. Le prix
à payer, cependant, est de renoncer
MAGAZINE | 223
224 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES NAINS
Les influences de Tolkien
Tolkien est influencé par la lec‑
ture des mythes nordiques, mais
on peut dire que trois publications
vont tout particulièrement jouer un
rôle. La première est une nouvelle
traduction de la Voluspa en 1876
par William Morris, un artiste et
militant socialiste avec qui il par‑
tage la même haine de la moder‑
nité industrielle.
La seconde est la version illus‑
trée de L’Anneau du Nibelungen
d’Arthur Rackam. Tolkien va pro‑
poser, avec les récits de la Terre du
Milieu, une variante modernisée
des mythes nordiques, en y faisant
à l’amour et au plaisir. Alberich
choisit l’or et réduit son peuple en
esclavage. Comme l’anneau d’And‑
vari, l’or ne fait qu’apporter la mort
à celui qui le possède, et à celui
qui ne le possède pas, l’envie de
s’en emparer.
Plusieurs thèmes présents dans
la tétralogie de Wagner ou dans La
Chanson des Nibelungen peuvent
se retrouver dans l’œuvre de
Tolkien (qui s’est beaucoup inté‑
ressé à l’œuvre de Wagner dans
sa jeunesse avant de s’en détour‑
ner lorsque Hitler l’a associé au
nazisme, déplorant également l’in‑
terprétation des mythes nordiques
par le compositeur allemand). Ce
nain qui pousse son peuple à creu‑
ser toujours plus loin dans les ca‑
vernes de Nibelheim à la recherche
de trésors, cette soif démesurée
de l’or en dehors de toutes rai‑
sons, le devoir du héros Siegfried
de renvoyer l’anneau d’où il vient
pour mettre fin à la malédiction…
Il est indéniable que Tolkien s’ins‑
crit dans la tradition des scaldes
en reprenant les légendes nor‑
diques pour construire sa propre
passer ses propres critiques du
monde moderne. La montée du na‑
zisme et le détournement effectué
par ses sympathisants du thème
scandinave l’amènent à effectuer
des changements dans son œuvre.
La troisième est le Kalevala. À
l’image de l’Edda de Snorri, il s’agit
d’un ensemble de poésies compo‑
sées par Elias Lönnrot. Cette épo‑
pée finnoise s’inspire des contes
et du folklore de Finlande à travers
près de cinquante chants. Tolkien
va s’intéresser tout particulière‑
ment au langage finnois qu’il va
mêler au latin et au grec afin de
mythologie, qui va pourtant ins‑
crire ses propres codes, durable‑
ment, dans la fantasy.
D’Erebor aux
montagnes Grises
L’un des premiers points à mon
sens à mettre en avant sur la par‑
ticularité de Tolkien sur ses prédé‑
cesseurs, est le fait qu’il n’utilise
jamais le terme de « races » mais
celui de « peuples » afin de distin‑
guer les différents êtres peuplant
son monde. Il n’y a pas à propre‑
ment parler de hiérarchie entre ces
peuples au sens où un oriental ne
sera pas inférieur à un elfe parce
qu’il est un humain : cette hié‑
rarchie repose sur le contact qu’un
peuple aura eu avec l’Ombre. Plus
on est proche de la corruption des
Ténèbres, plus on a tendance à ré‑
pondre à l’appel de l’Ombre, plus on
est considéré comme barbare aux
yeux des autres peuples. Les orien‑
taux ou encore les Dunlendings en
sont un parfait exemple.
Comme nous l’avons dit plus
haut, l’œuvre de Tolkien a évolué.
créer le quenya, la langue des elfes.
L’épopée tragique de Kullervo dans
le Kalevala va lui inspirer le récit de
Túrin Turambar.
Petite anecdote que j’ai trouvé
très sympathique : Tolkien donne
une justification au réemploi de
noms germaniques et norrois dans
son œuvre ! Pour lui, les traduc‑
teurs et narrateurs de ses récits
sont Frodo et Bilbo. Ce qui signifie
qu’ils traduisent les noms propres
qu’ils entendent avec des termes
qui leur sont familiers. Tada !
Dans un premier temps, il souhai‑
tait que ce monde soit le reflet du
nôtre à un âge reculé puis, petit
à petit est née la Terre du Milieu
telle que nous la connaissons au‑
jourd’hui. Face à la montée de l’an‑
tisémitisme, le portrait des nains
a été modifié. Dans ses premiers
écrits, les nains sont laids, sans
enfants, ne riant jamais, des arti‑
sans de second rang, incapables de
beauté. La seule chose qui importe
à leurs yeux est l’or et l’argent. Leur
querelle avec les elfes les pousse
même à s’allier aux orcs.
Avec Le Hobbit, le nain, même
s’il pille votre garde‑manger dès
qu’un homme avec un bâton le
permet, prend un visage beaucoup
plus sympathique. Il se dote d’une
histoire, d’un passé glorieux, d’une
certaine nostalgie. Ils jouent de la
musique et sont capables de pro‑
duire de très belles choses. Certes,
ils souffrent encore de cet appât
du gain et de la fascination pour
les trésors qui sont au cœur du
récit, mais une rupture est initiée
dans Le Seigneur des anneaux par
le personnage de Gimli qui, par sa
rencontre avec Galadriel, va rejeter la
fascination de son peuple pour les mé‑ Parlez‑vous le khuzdul ?
taux précieux. Il y a dans le monde, à la Les nains possèdent leur propre de Thor donnant les indications
surface, bien d’autres trésors qui sur‑ langue, inventée par Aulë, qui se pour entrer sous la Montagne.
passent les joyaux de la terre, comme distingue très nettement du parler Tolkien s’est inspiré des runes
les arbres ou la beauté de l’elfe. commun ou elfique par des sono‑ anglo‑saxonnes (futhorc) avant
Les nains sont farouchement indé‑ rités plus gutturales et un accent d’affiner son alphabet entre Le
pendants et rétifs à la domination, ce propre. Contrairement aux autres Hobbit et Le Seigneur des anneaux
qui expliqua, entre autres choses, qu’ils langues s’inspirant des idiomes comme en atteste l’autre exemple
n’ont pas cédé aux charmes de Sauron, latins, le khuzdul emprunte ses de khuzdul que nous possédons :
qui fut contraint de leur arracher leurs sonorités à l’hébreu. À l’époque où Le livre de Mazarbul. Les pages
anneaux par la force et la guerre. Ces Tolkien compose le khuzdul, l’état de cet ouvrage trouvé dans le ca‑
sept anneaux, forgés par Celebrimbor, d’Israël n’existe pas. L’hébreu veau de Balin racontent le récit de
lui ont été volés par Sauron qui les dis‑ n’est donc pas encore une langue ceux qui ont tenté de reprendre la
tribua aux seigneurs nains. Il fut un peu vivante mais sacrée et secrète, Moria. Tolkien s’est même amusé,
déçu du résultat, car contrairement à parlée et connue uniquement par comme un bon MJ préparant une
ceux des hommes qui les asservissent les initiés. L’auteur aimait à pen‑ petite partie immersive, à faire un
à sa volonté, ceux‑ci ne firent qu’ac‑ ser que le dialecte des nains soit véritable fac‑similé d’une page du
croître la soif d’or des nains. Leur résis‑ entouré du même sceau du secret. livre en la trouant, la brûlant et la
tance face à la corruption de Sauron Son écriture est runique : on peut tachant pour lui donner le visuel
était telle qu’il ne réussit jamais à en voir un exemple sur la carte d’un ouvrage miteux !
tous les récupérer. Le futur roi d’Ere‑
bor, Dain, fut approché lui aussi par
le Seigneur des Ténèbres, mais refusa
d’être acheté.
Les nains demeurent toujours en
marge des autres peuples par le fait
qu’ils ont été créés non par Illuvatar,
mais par Aulë : cette création est la
figure de l’Autre, l’errant, celui qui vit
dans la Terre du Milieu, mais dispersée,
incapable de conserver sa demeure.
Le peuple nain vit dans la nostalgie
de sa gloire d’autant, des chants et
balades rappelant leur ancien foyer.
Ils sont cependant fiers de leur héri‑
tage. Il n’y a qu’à voir la réaction de
Gimli en découvrant les profondes
salles de Khazad‑dûm. Les nains sont
conscients de la fin de leur âge d’or
depuis longtemps révolu, mais dont les
vestiges forcent encore l’admiration.
Choisir d’incarner un nain dans un jeu
de rôle, ce n’est pas faire le choix de
la facilité, mais embrasser la voie de
l’errance !
Marielle Sarran

Nain frappant le cheval de Gauvain, Lancelot du Lac,

Paris, BNF, ms. fr. 118 (Paris, Atelier du Maître des
Cleres femme, début du XVe siècle), f 242 v MAGAZINE | 225
226 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES ELFES
os
D
ie
sie
r t ol k
T’es fada ou quoi ?
C’est bien connu, traiter
quelqu’un de fada en
Provence, c’est le traiter de
fou. Seulement… c’est un
peu plus complexe que ça…
En effet, fada vient d’un
verbe occitan, fadar, qui
signifie « envouter », lui‑même
descendant du latin fatuus…
fée.
Un fada, c’est quelqu’un qui
a rencontré une fée, ou qui a
été touché par une fée et qui
en est sorti transformé, son
esprit chamboulé ne faisant
plus entièrement partie du
monde des humain mais de
la Faërie…
À noter d’ailleurs que c’est à
l’origine un adjectif, qui peut
désigner un lieu ou un objet
enchanté ou bien habité par
les fées (on parle d’un lieu
fade, ou, parfois, plus au nord,
d’un lieu ferré)
LES ELFES
DE LA TERRE DU MILIEU
Les elfes sont au jeu de rôle ce que la coriandre est à la cuisine :
on les aime ou on les déteste. Au‑delà des clichés,
qui sont les elfes de Tolkien ?
L
es elfes de la Terre du Milieu ont
inspiré, directement ou indirecte‑
ment, une bonne partie de leurs
équivalents dans les mondes de fan‑
tasy créés depuis la seconde moitié du
XXe siècle. Mais ces successeurs ont
également souvent attribué aux elfes
des caractéristiques, élevées au rang
de clichés, qu’on ne retrouve pas forcé‑
ment chez les Premiers nés de Tolkien,
ce qui peut rendre ces derniers exo‑
tiques voire même déroutants.
Partons à leur rencontre !
Aux sources de
l’elfinesse : la Faërie
L’immense chance de toute personne
qui souhaite étudier l’œuvre de Tolkien
est que Christopher Tolkien, troisième
fils du professeur et son exécuteur lit‑
téraire, a entrepris à partir du début des
années 80 l’immense travail de publier
l’ensemble des travaux de son père
concernant la création de la Terre du
Milieu. Ce sont les douze volumes de
L’Histoire de la Terre du Milieu, publiés
entre 1983 et 1996 (cinq sont à l’heure
actuelle disponibles en français).
Nous avons donc accès à soixante ans
d’écrits, de brouillons, de tentatives et
de réécritures des grands contes qui
composent Le Silmarillion, livre‑monde
La longue défaite
qui sert de fondation au Seigneur des
anneaux et dont les légendes donnent
la part belle aux elfes.
Nous pouvons donc procéder à une
« archéologie tolkiennienne » et remon‑
ter à la source des elfes, en explorant
les premiers exemples créés par le pro‑
fesseur dans Le Livre des contes perdus,
l’ancêtre du Silmarillion.
Nous y suivons Eriol, un marin égaré
sur l’île de Tol Eressea. Il y rencontre le
peuple des gnomes, qui lui raconte leur
histoire, leurs légendes. Ces gnomes,
oui, ce sont des elfes. Évidemment,
gnomes ici ne doit pas être pris dans
le sens de petits êtres difformes, mais
dans un sens étymologiqument litté‑
ral : gnome vient du grec gnosis : « la
sagesse ». Les gnomes sont donc « le
peuple sage » ; ils deviendront plus
tard les Noldor, ce qui signifie en quen‑
ya… les sages.
Mais ces premières ébauches de
la Terre du Milieu font ressortir un
concept très important si vous dési‑
rez comprendre la nature profonde
des elfes chez Tolkien : les elfes sont
des fées et les deux mots sont en fait
synonymes. Là non plus, nous ne par‑
lons pas de sorte de pixies ailées à la
fée Clochette, mais du Beau Peuple, les
grandes fées du moyen‑âge.
 La féerie (ou Faërie) hante une bonne
partie de l’imaginaire médiéval, sur‑
tout dans la partie nord de l’Europe si
chère au professeur. Créature des lacs,
des rivières et des forêts, vivant dit‑on
aussi sous les tumulus (notamment en
Irlande), mystérieuses, dangereuses,
magnifiques, captivantes, les Fées
sont une sorte de personnification de
la nature sauvage, vivant à la frontière
du monde civilisé.
Les fées sont également une idéali‑
sation de l’humanité : grandes, belles,
raffinées, vivant dans des cours syl‑
vestres débordantes de richesses, elles
ont un port royal. Et bien sûr, les fées
sont immortelles, le temps n’altère
en rien leur beauté qui sera toujours
celle de la jeunesse. Cela ne vous rap‑
pelle rien ?
Les fées ne sont ni bonnes ni mau‑
vaises, mais elles sont autre, et cette
étrangeté les rend dangereuses : elles
peuvent donner de magnifiques dons
ou pouvoirs, mais les rencontrer coûte
très souvent cher au mortel qui croise
leur route. Combien en effet, captivés
par la beauté d’une Belle Dame, croient
avoir passé une seule soirée en son pa‑
lais, mais s’aperçoivent au retour qu’un
siècle s’est écoulé dans notre monde,
les laissant comme des étrangers
ayant perdu tout ce qu’ils avaient ? On
leur trouvera une touche de magie, qui
à la fois leur assurera un certain succès,
mais également les éloignera défini‑
tivement des autres êtres humains,
car eux aussi, dorénavant, seront une
peu… fées (cf. encart).
Ce parallèle entre les fées du folk‑
lore et les elfes de la Terre du Milieu
est particulièrement visible avec le
personnage de Galadriel. Ainsi, quand
Eomer rencontre pour la première fois
Aragorn, Gimli et Legolas au Rohan
et apprend qu’ils sont passés par la
Lothlorien, il s’exclame :
« Il y a donc une Dame dans le Bois
doré comme on l’entend dans les vieux
contes ! Rares sont ceux qui échappent
à ses filets, dit‑on. Nous vivons
d’étranges jours ! »
Nous voyons bien que pour le
Rohirrim, Galadriel appartient au do‑
maine de la magie, du conte, du rêve.
Un domaine à la fois attirant et dange‑
reux, étrangers aux mortels.
Cette troublante similitude avec l’hu‑
manité couplée à cette profonde altéri‑
té est ce qui rend les elfes si complexes
à interpréter et explique je pense en
bonne partie ce qui peut les rendre si
fascinants… ou si détestables.
Les elfes, si proches,
si proches du nous
Plongeons maintenant en Terre du
Milieu.
Le monde (Ea, « le monde qui est »)
fut créé par Eru Illuvatar, le dieu unique
de l’univers de Tolkien, assisté des
Ainur, que l’on peut comparer, à toutes
fins utiles, à des anges. Mais si les
Ainurs, chacun selon ses goûts et ses
pouvoirs, participèrent à la conception
du monde lors de l’Ainulindale (« la
musique des Ainurs »), ce fut unique‑
ment Eru qui peupla ce monde de deux
espèces sentientes, qui furent dès lors
connus comme les Enfants d’Illuvatar :
les elfes et les humains.
Les elfes sont les Aînés, les Premiers
nés d’Illuvatar, le premier des deux
peuples à s’éveiller au monde.
Pour l’humanité, les elfes sont cet
aîné insupportable doté d’absolument
toutes les qualités, auquel vous serez
systématiquement comparé pour vous
rappeler que vous valez moins. Les
elfes sont en effet, en moyenne, plus
grands et élancés que les humains,
plus habiles, plus résistants à l’effort,
à la maladie et aux blessures, plus
beaux. Vous pouvez oublier les oreilles
pointues : en Terre du Milieu, il n’existe
aucune différence physique fondamen‑
tale qui puisse vous faire distinguer
un elfe d’un humain, surtout dans
leur jeunesse.
MAGAZINE | 227
228 | MAGAZINE
TOLKIEN : LES ELFES
Les elfes sont également le modèle
qui vous tire vers le haut, même si
vous savez qu’il est fondamentale‑
ment inégalable. Car ce sont les elfes
qui ont enseigné aux humains les
langues, les arts, les savoir‑faire, et
toutes les grandes civilisations de
la Terre du Milieu, Numénor en tête,
sont profondément influencée par les
cultures elfiques.
Les elfes ne sont cependant pas
moralement parfaits, loin s’en faut.
Bien qu’on ne connaisse pas d’exemple
d’elfe s’étant rangé du côté de Morgoth
ou de Sauron, ils sont, tout comme
les humains, sujets à la colère, à la
jalousie, et à l’hubris. Le Silmarillion
est peuplé d’elfes commettant des
vols, des rapts, des coups d’état, des
vengeances aveugles, des meurtres et
même des massacres de masse.
Ainsi, en première approche, on peut
se dire que les elfes sont des sortes
d’humains en mieux… mais bien sûr,
vous le savez, les différences entre ces
deux peuples sont en réalité profondes.
Un peuple
ultra‑naturel
Ajouter le terme elfique à un objet sur
n’importe quelle feuille de perso garan‑
tit un artefact de grande qualité, beau‑
té et puissance, qu’il s’agisse d’une
épée, d’un arc, d’une corde ou même
d’un pain. En un seul mot, elfique est
synonyme de magie. Pourtant, quand
la Compagnie de l’Anneau, quittant
la Lorien, reçoit en cadeaux les capes
elfiques qui leur serviront tant par la
suite, Pippin demande si elles sont
magiques. Un elfe lui répond :
« Je ne sais pas ce que vous entendez
par là. […] Ce sont certainement des vête‑
ments elfiques, si c’est ce que vous voulez
dire […] Ils ont la beauté et la couleur de
toutes ces choses sous le crépuscule que
nous aimons en Lorien ; car nous mettons
la pensée de tout ce que nous aimons
dans tout ce que nous fabriquons. »
Tolkien explique cette « magie
elfique » dans son essai Du conte de
fée. Les elfes sont pour lui des artistes
ultimes : la connexion que les elfes
ont au monde est tellement profonde,
leur implication dans leur œuvre tel‑
lement totale, que cette dernière en
acquerra naturellement des capacités
que des yeux mortels jugeront extraor‑
dinaires… magiques.
Si la magie classique consiste à « tri‑
cher » avec les lois de la nature, à les
tordre de force, les créations elfiques
sont quant à elles l’expression de la
nature profonde et de l’amour de leurs
créateurs. Cette forme ultime de créa‑
tion artistique, Tolkien la nomme fan‑
tasy, ou la capacité de donner à la fic‑
tion la substance du réel.
Ainsi, quand les humains perçoivent
les elfes comme surnaturels, ils ne
peuvent être plus éloignés de la vérité.
Dans une conception tolkienienne,
ce sont bien nous, les humains, qui
sommes « extra‑naturels », hors de
la nature. C’est pourquoi nous cher‑
chons constamment à la dominer, la
contraindre, par la machine notamment,
quitte à la détruire, à la… dénaturer.
Les elfes, au contraire, sont « ul‑
tra‑naturels », et toutes leurs créa‑
tions, de la plus banale à la plus gran‑
diose ne cherche jamais à dominer le
monde, mais à glorifier la création. Les
elfes ne peuvent briser la connexion qui
les lie au monde.
Lien au monde si profond que les elfes
sont en réalité incapables de le quitter.
Et c’est là le fossé infranchissable qui
nous sépare irrémédiablement du Beau
Peuple : contrairement à nous, les elfes
sont immortels.
L’ultime altérité
ou la lente défaite
C’est une idée qu’il faut bien avoir
dans un coin de la tête en interprétant
un elfe en Terre du Milieu : vous ne pou‑
vez pas mourir.
 Certes, un coup d’épée bien senti un monde destiné aux humains, un
vous abattra et, du point du vue du jeu, monde ou l’elfinesse n’a plus sa place.
vous avez perdu votre perso, vous ne le C’est pour cela que les elfes quittent
jouerez plus ; il est… mort et vous et la Terre du Milieu au Troisième Âge
vos compagnons de tablée devrez en pour le Valinor, la Terre éternelle. Mais
faire le deuil. Mais en réalité… il n’est même là, loin de l’humanité… le temps
pas réellement mort. finira par être long…
Son esprit (fëa) quitte son corps Benoit Ramos Copyright The Lord of the Rings -
(hröa) et se rend dans les cavernes Return of the King, Peter Jackson
de Mandos. Là, l’esprit peut choisir
d’attendre patiemment sur place la
fin du monde (car Mandos est bel et
bien un lieu physique) ou choisir de
se réincarner : auquel cas, un nou‑
veau corps identique au précédent
se formera petit à petit, et votre per‑
sonnage pourra poursuivre sa vie au
Valinor. Techniquement, il pourrait
repartir en Terre du Milieu, mais cela
est exceptionnel ; à dire vrai, il n’y a
qu’un exemple de connu : Glorfindel,
mort au Premier Âge en affrontant (et
tuant) un balrog, et que l’on retrouve
au Troisième Âge à Rivendell.
Les elfes sont liés au monde jusqu’à
la fin des temps et ne disparaîtront
réellement que lorsque l’univers
lui‑même disparaîtra. La mort, à savoir
la complète disparition du monde (ce
qui fait que les humains sont parfois
surnommés par les elfes « les passa‑
gers »), accompagnée d’un complet
libre‑arbitre (capable de surprendre
Eru lui‑même), est un don fait par
Illuvatar aux humains et aux humains
seuls, don que les elfes finissent par
leur envier.
Car, imaginez‑vous donc ce que cela
signifie que d’avoir la conscience de ne
pas pouvoir réellement mourir avant
la fin du monde ? C’est bien connu,
« l’éternité c’est long, surtout à la fin ».
Ainsi, les elfes chez Tolkien ont une
dimension fondamentalement tra‑
gique, car pour eux, l’existence ne peut
être qu’une longue et inexorable dé‑
faite : les souvenirs de leur gloire pas‑
sée s’accumulent, gloire de plus en plus
lointaine tandis que le monde change
sous leurs yeux de plus en plus vite,

MAGAZINE | 229
230 | MAGAZINE
TOLKIEN : HOMMAGE

HOMMAGE

TOLKIEN ET MOI
Anecdotes, réflexions, inspiration
os Ils sont auteurs, illustrateurs ou membres de la rédaction de
D

e
sie
r t ol ki Casus Belli, et ont été marqués d’une façon ou d’une autre par
J.R.R. Tolkien. Ce dossier était l’occasion de lui rendre hommage,
chacun à sa façon.

D
ans les années 80, j’étais tout le
temps fourré à la bibliothèque
municipale où travaillait ma
mère. J’y ai lu nombre de BD, et en
ramenais des romans, des LDVELH et
même un JdR (L’Œil noir). Un jour, feuil‑
letant le catalogue de la collection Mille
soleils de Gallimard, j’ai découvert Le
Seigneur des anneaux.
Il m’a tenté pendant un moment, et
puis un jour, à la fin de l’été 1987, je me
suis joint à la Communauté de l’An‑
neau. Je me vois encore dévorer les trois
tomes dans une chaise longue dans
mon jardin, tournant autour d’un arbre
pour rester à l’ombre. Cette lecture est
pour moi un véritable acte fondateur
en tant que lecteur, car c’est avec La
Communauté de l’Anneau que j’ai inau‑
guré, en septembre 1987, le carnet de
lecture que je tiens encore aujourd’hui.
Le SdA a été une révélation et j’ai
enchaîné avec les tomes des Contes
et légendes inachevés, Bilbo, Le
Silmarillion et même Les Aventures de
Tom Bombadil. Je les ai relus et j’en ai
voulu plus. Revenant du salon du livre
à Paris, ma mère m’a offert les deux
premiers tomes de History of Middle
Earth. Profitant d’une journée à Paris
(Amazon n’existait pas à l’époque), je
me procurais des ouvrages comme The
Atlas of Middle‑Earth de Karen Wynn
Fonstad ou encore A Tolkien bestiary
de David Day.
En parallèle, la lecture du SdA en
1987 m’a donné envie de jouer en Terre
du Milieu. Grâce à mon ami Cédric, je me
fis offrir JRTM à Noël cette année‑là. J’y
ai joué plus de dix ans ! Oh, mon amour
pour l’univers de Tolkien ne m’a pas
empêché de commettre des hérésies :
les armures des Chevaliers du Zodiaque
ont débarqué dans nos aventures, et
j’ai contribué à l’histoire d’amour entre
le personnage de Cédric, un hobbit, et
deux magnifiques elfes… (sic !)
Quand je regarde en arrière, je réa‑
lise à quel point Tolkien et son univers
m’ont marqué. En préparant ce numéro
de Casus Belli, je me suis dit qu’il pour‑
rait être intéressant de demander à
d’autres rôlistes ce que Tolkien repré‑
sentait pour eux. Pigistes de Casus, au‑
teurs de JdR, romanciers, illustrateurs,
dessinateurs de BD, certains ont accep‑
té de se prêter au jeu via un texte et/ou
une illustration. Un grand merci à eux…
Marc Sautriot
Compagnon de route
Songeant à l’empreinte laissée en
moi par l’œuvre de Tolkien, une conclu‑
sion s’impose à moi : cinquante années
nous séparent de sa mort, ce qui se
trouve peu ou prou être le temps que
j’ai passé à arpenter la terre.
Mais tel fut l’impact et la place
de sa création dans mon imaginaire
personnel, que parfois je réalise d’un univers dont je soupçonnais trois gros volumes monolithiques
non sans un vertige que la géogra‑ à peine l’existence. Nous sommes et monochromes, aux couvertures
phie de la Terre du Milieu, son his‑ en 1983, j’ai douze ans. Je lis épiso‑ sans aucune illustration. Un bleu
toire, la généalogie de ses rois, me diquement car rien ne me nourrit nuit, un bleu clair, un rose profond.
sont bien mieux connues que celles réellement, et je trouve au final L’auteur est écrit en gros, le titre
de mon pays natal. l’activité surfaite et un peu fade. en petit : Le Seigneur des anneaux.
On dit qu’à l’heure de notre mort, Attiré par le monde de l’imagi‑ L’ouvrage intrigue mais l’épaisseur
notre cerveau ne fait pas la diffé‑ naire, je découvre, dans le CDI de impressionne.
rence entre les souvenirs vécus et mon collège, un petit rayonnage À côté, beaucoup plus petit et
ce que nous avons lu... Je trouve où sont disposés une vingtaine de flanqué d’une illustration moche,
cette pensée réconfortante. livres ayant trait au genre. Parmi Le Hobbit ou les aventures d’une
Parce que pour moi, mes péré‑ eux, je repère immédiatement sorte de gnome astucieux.
grinations en Terre du Milieu, mes
chasses avec Beren et Huan, mes
rudes bivouacs aux côtés de Turin,
et les embruns sur mon visage alors
que mon navire fuit la submersion
de Numénor sont des souvenirs
intenses, précieux, dotés d’une
précision qui doit tout à la vision et
au travail colossal de Tolkien.
Cet univers, ses motifs philo‑
sophiques, m’ont profondément
imprégné, infusant en moi durant
des décennies.
J’ai cherché dans le dessin à pro‑
longer cette expérience de lecture,
essayant d’en illustrer mes pas‑
sages préférés. Exploration qui m’a
naturellement poussé vers le jeu de
rôle, qui permettait une autre ap‑
proche de cet univers foisonnant.
C’est là pour moi le plus grand
génie de Tolkien : il est un compa‑
gnon de route dont l’œuvre grandit
et évolue en vous, et qu’on relit
en y découvrant, comme pour les
grands crus, des subtilités que
la jeunesse ne pouvait percevoir,
beautés poignantes que l’âge ré‑
vèle avec une force renouvelée.
Lionel Marty

Membre éternel
de la Communauté
de l’Anneau
Tolkien a été pour moi à la fois
une révélation et la porte d’entrée

MAGAZINE | 231
232 | MAGAZINE
TOLKIEN : HOMMAGE
Je lis les quatrièmes de couver‑
ture, Le Hobbit semble être une
sorte de prologue aux gros bou‑
quins. Je me renseigne, personne
ne connaît vraiment ces ouvrages.
Il faut dire qu’à l’époque, mis à
part ça et Conan, on ne trouve qua‑
siment rien dans cette littérature
bonne pour les « grands enfants »
(le terme geek n’existe pas encore).
Alors j’essaie. Sympa ce Frodon,
il est malin, et il y a une scène mé‑
morable avec un dénommé Gollum
haut en couleur. Ce n’est pas naïf,
c’est épique, parfois inquiétant,
et cela semble surtout dissimuler
des profondeurs insoupçonnées.
J’aime beaucoup.
Je rejoins alors la Communauté
de l’Anneau.
Et je ne l’ai plus jamais quittée.
Alexis Flamand
J.R.R. Tolkien
et moi
Vers la fin du collège, je traînais
tous les samedis autour de l’étal de
livres d’occasion du marché de ma
ville, histoire d’échanger quelques
pièces contre de nouvelles his‑
toires. C’est là que j’ai croisé Bilbo.
Je revois la couverture écornée sur
laquelle il apparaissait comme si
j’y étais, avec un magicien à barbe
blanche dont j’ignorais à l’époque
qu’il s’appelait Gandalf, et un dra‑
gon rouge (Smaug) survolant une
ville en flamme.
Sur la quatrième de couverture
j’ai découvert qu’il s’agissait d’un
roman destiné aux jeunes enfants
de l’auteur et je me souviens
m’être demandé si, moi, je n’étais
pas trop grand pour l’apprécier.
Sauf erreur, j’ai dû le payer 3 francs.
Revenu chez moi, je me suis jeté
sur mon lit et j’ai ouvert les pages
jaunies. En quelques lignes j’ai été
happé par l’aventure aussi sûre‑
ment qu’un jeune hobbit de notre
connaissance. Le soir, j’ai fait mine
de m’endormir mais la lecture m’a
hypnotisé jusque tard dans la nuit.
Et le lendemain, en refermant le
livre, je pouvais dire que j’avais,
moi aussi, d’une certaine façon,
trouvé l’Arkenstone. :)
C’était l’époque des traductions
pirates de donjons et dragons et
des premiers jeux de rôle qu’on
pratiquait dans des garages.
Mi‑rebelles, mi‑héros. La pre‑
mière boite officielle de donjon
en français (qui permettait d’aller
jusqu’au niveau 3), je me la suis
procurée en avril. On était allé
prendre quelques jours l’air à Nice
et il faisait beau. À une centaine
de mètres de l’hôtel, dans une
petite librairie, j’ai déniché trois
gros livres de poche, un bleu, un
noir et un rouge. Les trois tomes
du Seigneur des anneaux… J’avoue
avoir un peu survolé les cent‑cin‑
quante premières pages sur la so‑
ciété hobbite, mais après, je n’en
ai pas perdu une ligne. Entre lec‑
ture et préparation de jeu de rôle,
à la fin des vacances, j’étais blanc
comme une asperge, mais j’avais
découvert un phénomène étrange :
l’accélération. Porté par l’enthou‑
siasme, j’avais plongé dans l’ima‑
ginaire comme on entre dans les
ordres. Le Silmarillion ? Passées
les 30 premières pages avec dix
noms nouveaux sur chaque, ça a
été une pure merveille !
Depuis, l’amour du merveilleux
n’a pas quitté mon esprit.
Et quarante ans plus tard, à pré‑
sent que j’ai glissé de l’autre côté
du miroir, je m’amuse à jouer avec
le passé dans ma série, en ima‑
ginant qu’il y a plus de cent ans,
un jeune homme du nom de John
Ronald Tolkien pourrait avoir mis la
main sur les feuillets de mon che‑
valier de Kosigan. Et qu’il n’est pas
impossible qu’il se soit inspiré des
elfes de Champagne et des peuples
anciens décrits par celui‑ci pour
donner vie à ses propres histoires.
Un échange de bons procédés, en
quelque sorte… :)
Fabien Cerutti
L’enchanteur
moderne
Ma dette envers J.R.R. Tolkien est
immense, sur les plans personnel,
ludique et littéraire.
J’ai lu Le Seigneur des anneaux
juste avant de découvrir le jeu de
rôle et la plongée dans la Terre du
Milieu fut pour beaucoup dans ma
passion rôliste. Mais Le Seigneur
des Anneaux, roman que j’ai relu
des années durant, fut aussi un
soutien pour passer certains caps
difficiles de l’existence – il a donc
parfaitement rempli, dans mon
cas, l’une des fonctions assignées
par Tolkien au conte de fées, la
consolation.
Par‑dessus tout, je dois énormé‑
ment à la mythopeia de Tolkien,
c’est‑à‑dire à la démiurgie fic‑
tionnelle. Cosmogonie, carto‑
graphie et histoire fictives sont
bien sûr les mamelles de la créa‑
tion rôliste ; mais je m’inspire
également de l’exploitation des
sources et des méthodes de réé‑
criture tolkieniennes. La Terre du
Milieu n’a pas été créée ex nihilo :
ce monde puise ses racines dans
diverses cultures du nôtre pour
produire un univers où Tolkien a
condensé différentes strates de
mythologie, personnelle, familiale
et littéraire. Voilà le procédé syn‑
crétique qui contribue à donner
tant d’épaisseur à sa fiction. Ces
échos, souvent subliminaux, de
notre mémoire et de nos mythes
construisent ce que Tolkien a
défini comme « l’enchantement »
du lecteur, qui n’est pas suspen‑
sion consentie de l’incrédulité
mais ravissement dans le monde
secondaire.
Cet enchantement, l’une de mes
plus marquantes expériences
de lecteur, est à présent l’objec‑
tif que je poursuis dans mes
propres fictions.
J‑Ph. Jaworski
Beau comme
du Steinbeck !
Ma première rencontre avec
l’œuvre de Tolkien remonte bien
avant ma découverte des jeux de
rôle et même avant celle des livres
dont vous êtes le héros. Elle date
de ma rencontre avec l’édition
de Bilbo le Hobbit, parue en 1983
au Livre de poche. Ce livre était
niché dans le rayon jeunesse de
la bibliothèque de Valérie Larbaud
de Vichy, dans l’Allier, la ville où
j’ai grandi.
Comme beaucoup de lecteurs,
j’ai bien sûr été fasciné par la
cohérence de l’univers laissé par
Tolkien, par ses récits épiques et
la profondeur de ses personnages.
Frodon, Aragorn, Gandalf et tant
d’autres ont été mes compagnons
de rêverie, mais par‑dessus tout,
c’est la relation de Tolkien avec la
nature et les voyages qui m’a fas‑
ciné dès le début.
J’ai été émerveillé par ses des‑
criptions de paysages, ses récits
de contrées lointaines, de forêts
mystérieuses emplies de magie et
de montagnes olympiennes.
La qualité littéraire de Tolkien est
indéniable et je n’hésite pas à m’en
inspirer, comme pour dépeindre un
bois, par exemple :
Bientôt, la clarté de l’entrée se
réduisit à un minuscule trou de
lumière loin derrière. Un profond
silence s’installa et leurs pas sem‑
blaient résonner avec un bruit sourd
tandis que les arbres se penchaient
vers eux pour écouter (Mouches et
araignée, Bilbo le hobbit).
C’est beau comme du Steinbeck.
Les années passées au sein du
mouvement scout ont forgé en
moi des souvenirs qui sont indis‑
sociables de l’œuvre de Tolkien.
Les randonnées nocturnes, la vie
dans les bois et la mystique des
sentiers propices aux grandes ex‑
plorations, tout cela avait une di‑
mension initiatique à cet âge, alors
que j’étais adolescent. À chaque
réveil, à chaque départ, je pouvais
MAGAZINE | 233
234 | MAGAZINE
TOLKIEN : HOMMAGE
me plonger dans l’univers de la
Communauté de l’Anneau. Les dé‑
tours du chemin ravivaient en moi
les souvenirs de mes lectures, tan‑
dis que je contemplais les jeux de
lumière dans la majesté des hautes
frondaisons.
Pour moi, l’épopée de Frodon
évoquera toujours l’entrée dans
l’âge adulte et le cycle de la « jour‑
née du héros » que connaissent
bien les scénaristes et les écrivains.
Joseph Campbell a popularisé cette
idée avec son livre « Le héros aux
mille et un visages ». Chaque étape
du voyage de Frodon est empreinte
de symbolisme et de transforma‑
tion, résonnant avec mes propres
expériences.
Tolkien demeure pour moi une
exhortation au voyage, un « appel
de la route », comme le chant des
Scouts de France l’incarne si bien.
C’est un appel qui débute au bout
de notre jardin ; il nous pousse à
emprunter le petit pont au‑des‑
sus de la rivière et à nous faufiler
au milieu de douces collines et de
gracieux vallons. C’est une invita‑
tion à explorer les merveilles de
la nature, même proches, à nous
aventurer hors des sentiers bat‑
tus. Que ce soit dans la vraie vie ou
autour d’une table de jeux de rôle,
avec mes neveux, mes enfants
ou mes amis.
La route se poursuit sans fin.
Descendant de la porte où elle
commença. Maintenant, loin en
avant, la route s’étire Et je la dois
suivre, si je le puis, La parcourant
d’un pied avide, jusqu’à ce qu’elle
rejoigne quelque voie plus grande
Où se joignent maints chemins
et maintes courses. Et vers quel
lieu, alors ? Je ne saurais le dire
(chanson de Bilbon Sacquet,
La Communauté de l’anneau,
J.R.R. Tolkien).
Sylvain Forge
Le Fermier Gilles
de Ham
Ma rencontre avec Tolkien s’est
faite quand j’avais 17 ans (comme
tout le monde), à l’âge où les pro‑
duits dérivés ne suffisent plus, et
où on commence à lire les livres (de
Tolkien, Lovecraft, ou Karl Marx) …
Effectivement, je connaissais l’uni‑
vers de Tolkien à travers l’heroic
fantasy des années 80 : les livres
dont vous êtes le héros de Steve
Jackson, l’incontournable panel de
héros « guerrier, magicien, nain et
elfe » à la Golden Axe, et une adap‑
tation oculairement douloureuse du
Seigneur des anneaux en rotosco‑
pie… mais je n’avais pas lu le maître.
Je n’ai pas commencé par Le
Seigneur des anneaux ; un univers
tristoune, à moitié en ruine où les
derniers royaumes qui tiennent de‑
bout réunissent une troupe de hé‑
ros improbables, avec un Aragorn
limite punk à chien, qui escorte les
hobbits sur des bretelles d’auto‑
route désaffectées entre la Moria
et Barad Dur…
Non, ma rencontre avec Tolkien
s’est faite avec le grandissime et
néanmoins posthume Silmarillion,
le livre le plus épique de la Terre !
Avec des dieux hyper vénères
qui s’engueulent en détruisant
le monde, des cités cachées à
la Gondolin, ou perdues comme
Nargothrond, des elfes bien badass
qui se prennent des balrogs à un
contre un, Beren qui arrache un
Silmaril de la couronne du seigneur
des ténèbres en mode Conan, et le
père de Turin qui regarde sa tragé‑
die familiale du haut de sa mon‑
tagne où il est condamné à rester
assis… De la saga comme le monde
n’en connaitra plus !
Et pourtant, ce n’est pas le
Silmarilion qui va le plus m’in‑
fluencer, mais une obscure petite
nouvelle : Le Fermier Gilles de Ham,
un paysan légèrement alcoolique,
qui chasse un géant sur un malen‑
tendu, hérite d’une épée magique
sur un malentendu, combat et vainc
un dragon sur un malentendu, et
devient finalement roi d’Angleterre
grâce à une bonne grosse embrouille
avec le sus‑mentionné dragon. Un
Arthur bien déglingué, mais qui m’a
donné le goût de l’heroic fantasy, de
la parodie, et du fun, que je pratique
encore assidûment.
Vraiment merci John Ronald
Reuel, même si ton nom donne des
crampes à la bouche, merci pour
toujours, mec !
Augustin
Tolkien et moi
Ma première rencontre avec
Tolkien, c’était en 1995 avec JRTM.
Je débutais le loisir avec mon
groupe d’amis d’enfance, et le
livre figurait dans notre modeste
ludothèque. Je ne connaissais pas
l’univers. Ma came fantasy d’alors,
c’était Howard, Raymond E Feist,
R.A. Salvatore... JRTM ne m’a pas
convaincu : j’en ai retenu une usine
à tableau et des hobbits spécia‑
listes de la fronde qui enchaînaient
les coups critiques.
Pourtant, un de mes amis parlait
du Seigneur des anneaux avec des
étoiles dans les yeux. Alors, on a
essayé de regarder le dessin animé
de Ralph Bakshi de 1978 : aïe ! Puis,
je me suis lancé dans la lecture des
livres : Bilbo et la trilogie. J’ai bien
aimé mais sans plus. J’étais agacé
par les chansons et les passages sur
Tom Bombadil. J’avais 18 ans et je
me disais : « C’est très surfait cette
passion, ça ne me touche pas ».
Puis vint la trilogie cinéma de
Peter Jackson. Une vraie claque !
Enfin, je pouvais mettre des
images, des sons, des répliques sur
mes scénarios ! Et surtout, je pou‑
vais illustrer ma passion pour mes
proches ! Ensuite, j’ai relu les livres.
Devenu prof d’histoire, j’ai mesuré
la capacité à synthétiser et moder‑
niser les mythes et légendes euro‑
péens. J’ai découvert le soldat des
tranchées, le spécialiste des lan‑
gues. J’ai mis du temps, et j’ai com‑
pris. La base du med fan contem‑
porain, elle est chez Tolkien. Gygax
et Arneson ont mis des règles. Mais
le dieu fondateur, c’est lui !
Sébastien « Prof de JdR » Fajal
Chemins croisés
Mon histoire avec Tolkien est
une éternelle rencontre, comme
une connaissance que l’on croise
dans la rue de temps à autre. Il
n’occupe pas toujours nos pensées,
mais lorsque nous nous reconnais‑
sons, nous sommes profondément
heureux de nous retrouver. Et au
moment de nous séparer, on se
souvient à quel point nous nous
sommes manqués.
L’œuvre de Tolkien, c’est un
peu cela pour moi. Présente à
des moments clé de mon exis‑
tence, absente lorsqu’elle n’était
pas nécessaire, puis de retour
lorsque le besoin s’en faisait sen‑
tir, comme un bon chocolat chaud
qui nous bascule immédiatement
en enfance. Plus exactement, à cet
âge tendre et insouciant où nous
rejouions nos scènes favorites.
J’étais alors Melianna, fille illégi‑
time de Galadriel et Mithrandir.
Pendant quelques heures, nous
oublions qui nous sommes, sourds
aux moqueries, aux injures. C’est là
notre revanche : en Terre du Milieu,
contrée des rêves et des gestes,
personne ne peut nous atteindre.
Tolkien a inventé un langage
universel. Un seul mot nous sert
à nous reconnaître. Un autre en‑
core nous fait prendre la route des
Havres Gris pour découvrir les terres
immortelles de Valinor. Elfes, nains,
hobbits, orques, istari, nous avons
tous le même père qui, au détour
d’une conversation, d’une ren‑
contre, se rappelle à notre souvenir
afin de nous prendre par la main et
nous amener l’un vers l’autre.
Aujourd’hui, Tolkien a une place
prépondérante dans ma vie, car
il est mon langage de cœur, mon
refuge imaginaire, mais il m’a fallu
attendre le travail sur ce numéro
pour m’en rendre compte. Pour
réaliser que, depuis tout ce temps,
il était là. Assis confortablement
dans son fauteuil, un verre dans
une main, sa pipe dans l’autre, il
m’attendait. Et alors que je balbu‑
tie quelques mots pour m’excuser,
il me coupe pour me dire ces mots :
« Il n’est jamais trop tard. Tout ar‑
rive précisément à l’heure voulue ».
À tous ceux qui liront et à tous
ceux qui viendront après moi :
« Mae Govannen, mellyn nín ».
Marielle Sarran
MAGAZINE | 235
236 | MAGAZINE
TOLKIEN : HOMMAGE
Une relation plus
profonde et intime
que je ne le croyais
Tolkien, je l’ai percuté en pleine
face vers mes 12 ans, au collège, en
1984. Notre MD de D&D venait de lire
Le Silmarillion, dont il s’est inspiré
pour nos aventures épiques et grobil‑
lesques. Ainsi est né Nurthor Le Noir,
mago chaotique porteur d’Anna‑Gûr,
« donne la mort » en sindarin, son épée
causant 1d100 de dégâts et tuant sur
un 100 naturel, en opposition à Gandalf
le Blanc, dans notre monde imagi‑
naire à nous. Nurthor et son comparse
Umrath, un clerc chaotique, causèrent
le Châtiment de Laelith. Puis en furent
les Rois‑Dieux, tout en combattant
de terribles paladins d’Agremort (ins‑
piré d’Aragorn), alliés aux orks rafinés
d’Emru au sud (sorte d’elfes déchus,
un peu comme les sindar) ainsi qu’aux
géants de feu (proches des balrogs) et
vikings du nord (sortes de Rohirrim),
futurs dragonniers de la Cité Sainte.
Notre période de Grosbill ayant pas‑
sé au bout de quelques années, mon
groupe et moi nous jetâmes à corps
perdus dans JRTM. Là, je relus plus inti‑
mement les œuvres de J.R.R. Tolkien.
Mais les mécaniques de JRTM ne cor‑
respondaient pas à nos attentes plus
poétiques et low‑fantasy. Mon amour
pour Tolkien se développa à travers
mes lectures de tout texte de l’auteur,
sans trouver un JdR à la hauteur de
mes attentes.
Rêve de Dragon fut surement parmi
les plus proches et mes meilleurs sou‑
venirs rôlistes en Terre du Milieu, hors
sa gestion de la magie. Puis le temps
passa et je laissais enfoui mon amour
d’Arda. Premier réveil avec les films de
Peter Jackson, qui m’ont tout d’abord
déçu car ne respectant pas à la lettre
l’œuvre du maître. Puis, voyant qu’ils
développaient grandement le nombre
des passionnés de fantasy et de JdR,
le pas de côté des films me sembla
tolérable. La fantasy et les JdR sont de‑
venus à la mode, pour mon plus grand
étonnement et plaisir. De nouveaux JdR
spécifiques à la Terre du Milieu sont
sortis, tenant un peu plus compte de
l’esprit de l’œuvre de Tolkien, mais trop
narratifs à mon goût.
Deuxième réveil avec l’excellente
exposition parisienne « Voyage en Terre
du Milieu » et la parution de nouvelles
magnifiques traductions de ses œuvres
malgré, pour moi, de regrettables
changements de certains noms que je
trouve moins évocateurs.
Troisième réveil, le définitif ? Ce
Casus Belli spécial Tolkien a réveillé ce
qui sommeillait en moi en me rappe‑
lant combien j’aime ce lore. À tel point
que je m’aperçois en connaître mieux
sa création, son histoire, sa géogra‑
phie, ses légendes, ses héros… que
certaines parties du monde réel dans
lequel je vis.
Pour conclure comme J.R.R. Tolkien
lui‑même : « En fait je suis un hobbit,
en tout sauf en taille ». Ces réflexions
me poussent à reprendre avec amour la
route en Terre du Milieu, du moins en
JdR et en tentant de rayonner, dans le
monde profane, ou de contaminer les
autres avec un comportement et les
bonnes paroles des hobbits : « Si un
plus grand nombre d’entre nous préfé‑
rait la nourriture, la gaieté et les chan‑
sons aux entassements d’or, le monde
serait plus rempli de joie ».
Nurthor le Noir
Visions
À la fin des années 70, jeune pré‑ado,
je ne loupe jamais l’émission Temps X,
et grâce à elle je découvre un dessin
animé appelé Le Seigneur des anneaux
de Ralph Bakshi. Je suis pris d’une vive
envie de le voir c’est une révélation.
Oui, certes, aujourd’hui il a vieilli, mais
à l’époque dans mon coin reculé de
l’Est, la fantasy apparaît seulement au
grand public.
 J’apprends rapidement que ce
dessin animé est tiré d’un roman.
Lecteur débutant, je pense alors me
faire un petit roman d’environ deux
cents pages facile à lire… Grosse
surprise chez mon libraire quand
celui‑ci me sort une trilogie de près
de 1 500 pages. Je n’avais jamais lu
un pavé pareil, mais je l’achète et
me lance, merci mes parents !
Non seulement j’aime, mais je
ne décroche plus, mon imaginaire
s’enivre des visions données par
Tolkien. Cette trilogie ne me quitte‑
ra plus jamais. Puis c’est Le Hobbit
et Le Silmarillon, et la passion
grandit. Déjà je rêve d’être dessina‑
teur et mille images se projettent
dans ma tête que je tente de poser
maladroitement sur le papier…
Laurent Miny

Le Professeur
et moi
Ma rencontre avec l’œuvre de
J.R.R. Tolkien est le fruit du hasard.
Elle date de 1990 lorsque, sur le
point de partir en vacances, je par‑
cours les rayons d’une librairie en
quête d’un bouquin à emporter. La
couverture Folio Junior du Seigneur
des anneaux, avec cette énorme
araignée pleines d’yeux, attire
mon regard, moi qui suis arachno‑
phobe… Et puis en lisant le résumé
en quatrième, je me dis que ça a
l’air sympa comme aventure. Je
saute le pas, et lis les trois tomes
en quatre jours. Une passion qui
dure encore aujourd’hui. Lorsque
la sortie du Seigneur des anneaux
online a été annoncée, en 2007 j’y
ai vu l’occasion de me replonger en
Terre du Milieu.
Un abonnement « à vie », un ordi‑
nateur neuf, et me voilà incarnant
un hobbit… puis un elfe… Quelle
sensation unique que de contem‑
pler les brumes se levant sur le lac
d’Evendim, de chevaucher sur les
Landes d’Etten, de guerroyer au
côté des Peuples libres contre les
hordes d’orcs ! Pendant dix‑huit
mois, j’ai passé la plupart de mes
soirées à looter, participer à des
raids, après avoir intégré une
confrérie. Mes deux personnages,
un hobbit gardien et son complice
un elfe chasseur, ont donc sillonné
une partie de la Terre du Milieu,
jusqu’à l’ouverture de la Moria. Ils
ont eu le temps de se créer un petit
chez‑soi à Falathlorn, une enclave
elfe dans la Comté, et de vivre de
belles aventures. J’étais… chez moi.
Entretemps, je continuais à
lire du Tolkien, au gré des nou‑
velles traductions du Hobbit, du
Silmarillion… Et de lire des ou‑
vrages sur Tolkien, en français, en
anglais, en espagnol, en italien.
Et puis un jour une rencontre avec
un éditeur m’a permis d’enfin en
parler ailleurs que sur mon blog
à l’audience confidentielle ou à
l’occasion d’une conférence don‑
née par tel ou tel spécialiste de
l’œuvre du Professeur, comme on
le surnommait. Un rêve de plus
de trente ans qui se réalise. Après
deux ouvrages, plus de trente ans
de passion, l’œuvre de Tolkien me
fascine toujours.
Yannick Chazareng
Illustrations : Lionel Marty,
Xavier Beaudlet, Augustin,
Laurent Miny

MAGAZINE | 237
238 | MAGAZINE
NOUVELLE
LA SAPOLOGIE
M
oi, j’suis sapeur, de père en
os
D
e fils, depuis des générations. Je
sie
r t ol ki m’appelle Náin, fils de Náin,
petit‑fils de Náin. Mon boulot c’est les
premiers coups de pioche quand on
construit un nouveau boyau de mine
et surtout ce qui se passe derrière.
Forcément, la Terre du Milieu, c’est un
gruyère. Entre les tunnels de l’autre,
Morgoth, de Sauron, son lieutenant, les
anciens tunnels des nains, les espèces
de trous à rats des orcs, même les elfes
s’y sont mis à un moment... tu sais ja‑
mais sur quoi tu vas tomber.
Donc voilà, j’suis sapeur j’disais. J’ai
une petite équipe, que du nain de pre‑
mière qualité, le genre qui te lit la roche
en un coup d’œil, qui sait où mettre un
étai pour que ça tienne et où donner un
coup de pioche pour que ça s’écroule
sur cent mètres. Parfois, le soir, à la
taverne, certains me disent que je suis
pas un vrai nain, que j’aime pas me
battre. D’une, c’est faux, généralement
c’est le genre de commentaire qui fait
drastiquement chuter la productivité du
malotru pendant une bonne semaine.
Mais j’suis pas rancunier, je paie ma
tournée une fois qu’il peut à nouveau
soulever une pinte. Et de deux, il y a
se battre et se battre. Je trouve que la
tactique à l’ancienne, qui consiste à
se tailler un chemin à grands coups de
hache, ça a ses limites. Déjà c’est sale, il
faut généralement faire bouillir la cotte
de mailles et la hache dans de l’huile de
lin pendant des heures, mais surtout ça
prend un temps considérable et tu peux
t’faire tuer dans ce genre d’affaire.
Moi, si je devais résumer ma vie au‑
jourd’hui avec toi, je dirais que c’est la
sapologie. Mon truc, c’est le goût de
la chose bien faite, l’beau geste. Sans
doute qu’à la surface on parlerait de
NOUVELLE
tacticien, mais moi j’suis sapeur, j’tra‑
vaille surtout en souterrain, j’me salis
les mains, et mon outil de prédilection,
c’est la pierre. J’te fais du labyrinthe, du
piège et de la chausse‑trappe en veux‑tu
en voilà. Un jour, j’t’ai enseveli une ar‑
mée entière d’orcs des cavernes en un
seul bel éboulement. L’aboutissement
de toute une carrière, pour sûr.
Là, avec ma fine équipe, on vient
d’nous refiler une mission d’pres‑
tige : les mines de la Moria. J’dis Moria
pour que ça t’parle, pour nous c’est le
royaume des Nains, Khazad‑Dûm. Y a
de l’arrière‑arrière‑arrière‑arrière‑ar‑
rière‑grand‑père Náin qui minait là‑bas
avant que le monde soit monde. Alors
j’t’entends déjà me dire que c’est trop
facile, me raconter la ritournelle du
vieux barbu et du gros méchant Balrog,
mais j’t’arrête tout de suite. J’aurais
beaucoup de choses à en dire de c’t’his‑
toire, tant sur le plan tactique que sur
le plan technique. Déjà, un nain, il s’rait
resté sur ses deux guiboles et aurait
pas fait le saut de l’ange le plus long
de l’histoire. Mais ce qui me révolte le
plus, c’est l’dégât matériel. Ce genre de
pont, d’une seule pièce, au‑dessus d’un
gouffre sans fond, c’est vraiment un
crève‑cœur de l’avoir détruit juste pour
montrer qu’on sait faire de la magie.
Bref, ma mission c’est de reprendre les
mines de la Moria avec mes six loustics.
Comme disait mon père, un bon plan,
ça commence d’abord par une bonne
carte. Et là, premier problème : quand
on creuse la même montagne pendant
huit mille ans, t’as toujours du margou‑
lin pour saloper le travail, pour pas tenir
la ligne de sa galerie, du cartographe
qu’on a oublié de prévenir, des versions
des plans qui se contredisent. Mais le
plus gros problème, quand je parle de
reprendre les mines, c’est qu’elles
sont actuellement occupées. Après
les grandes batailles dans l’Est,
sans doute que des créatures du
Ténébreux sont venues trouver re‑
fuge dans la pénombre des galeries
et faire grossir les rangs des orcs
déjà présents.
L’idée de reprendre la Moria n’est
pas de moi, ça a été décidé au der‑
nier grand conseil des Sept Maisons
au mont Gundabad. Après beau‑
coup de discussions, c’est ma pro‑
position qui a été retenue. Mon
objectif, c’est de protéger le site au
maximum, de faire sortir les orcs et
de les cueillir à l’extérieur, ce qui de‑
vrait grandement limiter les pertes.
Si ça marche, ça serait une vraie
reconnaissance pour le métier de
sapeur, et je ne te parle même pas
de la renommée des Náin.
Première étape, drainer c’te saleté
de lac devant la porte ouest. Je sais
pas trop pourquoi l’équipe d’avant,
ils ont pas commencé par ça. Sans
doute que c’était du mineur de
base, qui a vu des cailloux brillants
et qui a commencé à remplir des
caisses... alors qu’en vrai, tout est
une question de priorités. En fai‑
sant sauter trois rochers, le lac s’est
vidé aussi sec qu’un bidet d’elfe.
Je te jure que la pieu’pieuvre, elle
faisait plus trop sa maline sur son
lit de vase. Tu parles d’un gardien
invincible ! Comme c’était de bon
ton, on a balancé de l’huile et une
torche enflammée pour finir le tra‑
vail, ça embaumait le calamar grillé
à des miles à la ronde. Dommage,
j’suis pas trop poiscaille. Une fois
le chantier sécurisé, on a dégagé
l’entrée et j’ai presque failli verser
une larme. Cinq mille ans qu’elles
étaient là ces portes, alors les voir
brisées et tordues, ça fait quelque
chose. J’espère qu’ils pourront les
réparer, moi c’est pas trop mon
domaine. J’suis plutôt dans le gros
œuvre, comme t’as dû le com‑
prendre, à force.
Une fois entré, j’me sentais
beaucoup mieux. Tout ce ciel, ces
espaces ouverts et le grand air,
moi, ça m’oppresse. Alors que
Khazad‑Dûm, tu t’y sens bien. On
est sur du bel ouvrage, du mur taillé
au cordeau, pas un pavé déchaus‑
sé. Y’a pas à dire, on n’est pas les
meilleurs artisans de la pierre pour
rien. Bien sûr, il y a la nostalgie, cet
endroit est dans la peau de tous les
nains. Quand tu laisses courir tes
doigts sur la pierre, ça bouillonne à
l’intérieur. Les marbres proviennent
des Sept Royaumes, d’antiques
carrières qui ont été submergées il y
a des milliers d’années ou des gise‑
ments depuis longtemps épuisés,
MAGAZINE | 239
240 | MAGAZINE
TOLKIEN : NOUVELLE
qu’on ne célèbre plus que dans des
chants. Les bas‑reliefs en argent,
la poudre de magnétite dans les
murs qui t’indique ton chemin
même dans le noir le plus complet.
Les runes Angerthas Moria qu’on
ne trouve qu’ici. Les miroirs qui te
permettent d’éclairer des couloirs
entiers à l’aide d’une seule bougie,
les colonnes en granit sculptées, les
gemmes en souvenir des défunts…
Mais on n’est pas là pour rédiger
un traité de minéralogie, hein. Donc,
où j’en étais ? Ah oui ! On a remonté
les tunnels, écoutant la roche pour
vérifier qu’il n’y avait rien alentour.
J’te fais pas la visite, tunnel, tunnel,
intersection, tunnel, tunnel, on a
traversé le truc gentiment jusqu’à
arriver dans les grandes salles côté
est, c’est là qu’en toute logique les
rakhâs se trouvaient toujours.
Bon, forcément, comme ces créa‑
tures n’attendaient personne par
un chemin condamné, protégé par
un Guetteur, on n’a pas été déran‑
gés. J’ai envoyé mes deux éclai‑
reurs fureter un peu, des nains très
valables, silencieux pour des nains.
En conclusion : quatre tanières
d’affreux divers, un peu plus de
cinq mille individus. En majorité
des orcs des cavernes, plus trapus
et maigres que leurs collègues de la
surface. Ils ont la peau grise et sont
bons grimpeurs, c’est eux qui oc‑
cupent les tanières dans les étages
inférieurs. Au‑dessus se trouvent
un mélange d’orcs de la surface,
plus grands et à la peau plus foncée,
et d’uruk‑hai, à la peau noire, les
plus grands de tous, quasiment de
taille humaine. D’après mes éclai‑
reurs, la tension est palpable entre
les deux derniers groupes d’indivi‑
dus. Peut‑être quelque chose que
je pourrais exploiter ? La meilleure
nouvelle cependant est que le pont
a été « réparé » avec des espèces
d’échelles de corde, le truc ni fait ni
à faire dans un environnement avec
une hygrométrie pareille, mais j’suis
pas là pour enseigner la maçonnerie.
Le plan est relativement simple.
J’dois avouer que j’en ai emprunté
une partie à l’histoire des neuf
voyageurs perdus de la dernière
fois. L’orc n’aimant pas le feu
(ghâsh comme ils disent chez
eux), on démarre des petits foyers
incendiaires aux étages inférieurs
et supérieurs inoccupés, concep‑
tion classique : grandes flammes,
beaucoup de fumée. Ça devrait
avoir pour effet de faire monter
les troupes du bas et descendre les
deux tanières du haut. En toute lo‑
gique, on se retrouve avec une large
troupe qui se regarde dans le jaune
des yeux, personne n’ayant le cou‑
rage de s’attaquer aux incendies,
le tout sur une grande esplanade, à
proximité de leur imitation de pont.
C’est là que votre serviteur dé‑
barque, avec ma tête de Balrog en
papier mâché, deux petites lan‑
ternes pour le côté regard de braise
et surtout du cri guttural, pendant
que les collègues s’occupent de
simuler le tremblement de terre qui
va bien. Il faut que je te parle du cri
guttural, j’en suis très fier. J’appelle
ça le litophone, un empilement de
différents blocs de calcaire, le fonc‑
tionnement est simple. Une onde
initiale (un léger coup de marteau
fait parfaitement l’affaire) qui est
piégée dans le système, ampli‑
fiée et déformée, jusqu’à ce que
les blocs de calcaires se brisent
car ils ne peuvent pas contenir
autant d’énergie. Le secret c’est
donc de temporiser suffisamment
la vitesse d’amplification. Pour le
tremblement de terre, c’est juste
une histoire d’oreille, il faut savoir
écouter la roche pour connaître sa
fréquence de résonance et ses har‑
moniques. Une fois que c’est fait,
on introduit le bon diapason au
bon endroit et on le fait vibrer aussi
longtemps que nécessaire.
En toute logique, c’est la fuite
assurée, avec une seule issue pos‑
sible. Du moins, je l’espère, parce
que s’ils commencent à se poser
des questions sur le degré de mobi‑
lité du Balrog, je risque d’avoir des
problèmes. En faisant ça propre, en
pleine nuit, on ne devrait pas avoir
trop de mal à les pousser jusqu’à
l’extérieur de la mine. Une fois que
c’est fait, on referme les portes der‑
rière eux, on barricade, on renforce
et on attend la deuxième partie du
plan : une troupe de guerre naine
qui attend en surplomb. Il va y
avoir du rocher qui dévale la pente,
suivi de près par des guerriers nains
en armure qui jouent de la baruk.
Ça devrait être rapide, brutal et
sans prisonnier. De notre côté, on
attend le mot de passe, « Mellon »,
on rouvre les portes, et voilà, tra‑
vail terminé !
J’aime bien mon petit plan B,
comme Balrog. Forcément, j’aurais
préféré le bon vieil éboulement,
c’est ma signature, mais ça m’fait
mal au cœur d’abîmer du beau tra‑
vail à l’ancienne comme ça. J’me dis
que j’pourrai toujours m’occuper
des tanières des peaux vertes, une
belle destruction contrôlée avec des
effets pyrotechniques et une chute
très longue. Mais l’idée, l’objectif,
c’est quand même de récupérer
notre cité avant que quelqu’un
d’autre ne se dise que ça ferait
un pied à terre cossu. Allez, c’est
pas tout ça, mais j’ai une mission
à accomplir. Mes deux éclaireurs
sont en place pour refermer les
portes le moment venu, mes deux
incendiaires sont à leurs postes,
mes deux chante‑la‑pierre ont
truffé la galerie de diapasons, je
démarre le litophone, j’enfile ma
tête de Balrog et je lance le signal.
Khazâd ai‑mênu !
François Niedercorn
Illustration : Meo
 MAGAZINE | 241
TOLKIEN : AU COLLÈGE

J.R.R. TOLKIEN
AU COLLÈGE
Toujours d’actualité ?
os

n
Imaginons une battle façon rap : sur la scène, Harry Potter, ie
sie
leader des références fantastiques chez les plus jeunes. r t ol k
Question : Tolkien serait‑il toujours challenger ? En 2023, avec
la profusion d’œuvres fantastique, quelle place pour Tolkien au
collège ? Prenons un chapeau, un calepin et enquêtons.

T
el un simulacre de journaliste,
essayons de faire le tour des
différents acteurs du collège
susceptibles de fréquenter Tolkien et
ses œuvres. D’abord, questionnons
les professeurs de Lettres modernes.
Ensuite, une immersion au CDI, le cœur
de la transmission. Enfin, donnons la
parole aux principaux concernés : les
élèves avec quelques tours de table
effectués auprès des jeunes rôlistes
membres du club.
« Tu Tolkiennes
dans tes cours ? »
Auprès des collègues enseignants,
Tolkien est la citation pour fixer les
références de la fantasy. Tous les pro‑
fesseurs de Lettres connaissent, sans
l’avoir forcément lu en entier. Est‑il
utilisé en classe ? C’est un constat
plus compliqué…
Le premier écueil rencontré est le
genre littéraire. Le fantastique, la
figure du héros et du voyage sont des
thèmes plutôt étudiés en classe de
5e. Ce n’est pas encore le moment des
œuvres complètes. Céline, prof de
Lettres depuis 15 ans, explique : « La
fantasy, en France, pour les études de
Lettres, ce n’est pas le genre le plus re‑
présentatif. Certes, on est sorti de l’idée
« littérature pour ado » ; mais les codes
et l’intérêt manquent. On la traite
peu, sinon par quelques extraits, et Le
Seigneur des anneaux n’est pas simple
à étudier ». Bien sûr, dans les manuels
scolaires, on va trouver des extraits
bien ciblés tels que la description de
la Comté ; la rencontre avec les trolls ;
la description de Grand‑Pas ou la ren‑
contre avec Gollum, qui peuvent être
utilisés dans un corpus.
Ensuite, Sandrine, prof depuis 35
ans, actuellement en lycée, précise :
« C’est une version, une traduction
de l’anglais. Je veux dire : il est facile
d’y identifier l’héritage des mythes et
légendes anglo‑saxons. C’est un frein
pour beaucoup d’entre nous ; on pré‑
fère mettre l’accent sur le français. »
Cette discussion m’indique qu’il fau‑
drait orienter ma quête vers d’autres
horizons et rôder autour des salles
d’anglais. Effectivement, l’auteur a
plus de succès. Des extraits et des
références à Tolkien sont utilisés dans
le volet « littérature et civilisation »
de leurs enseignements. Tolkien peut
facilement trôner aux côtés de Charlie
et la chocolaterie, Docteur Jekyll et Mr.
Hyde ou Dracula. Cependant, c’est
plus l’apprentissage de la langue au
travers des médias et des thèmes
variés qui est ici recherché. Pour

MAGAZINE | 241
242 | MAGAZINE
l’anecdote, c’est parmi les profs
d’anglais que je trouve des fans
de Tolkien.
Dernier point : la trilogie fait par‑
tie des ouvrages recommandés
par l’Éducation Nationale (il s’agit
d’une liste d’ouvrages classés par
niveau). Bilbo et Le Seigneur des
anneaux y figurent et sont préco‑
nisés à partir de 9 ans, 12 ans étant
l’âge privilégié. Les collections
peuvent être acquises par les collè‑
gues. Cependant, faire étudier les
trois volumes représente une cer‑
taine masse de travail. La fantasy
n’est pas délaissée pour autant :
Narnia, La Boussole d’or ou Percy
Jackson sont régulièrement cités
par les professeurs de Lettres.
« Tu les ranges où,
les Tolkien ? »
Passons maintenant la porte du
CDI pour une enquête plus appro‑
fondie. C’est un lieu stratégique du
collège. Dans notre établissement
(950 élèves), il est assez fréquen‑
té tout au long de la journée. Les
étalages de manga, BD et romans
sont en accès libre. En y passant
à plusieurs moments de la jour‑
née (il faut traverser le CDI pour
rejoindre la salle des profs), j’ob‑
serve discrètement les volumes
posés sur les tables. Je vois des
ouvrages de fantasy qui circulent :
Autre‑monde de Maxime Chattam,
À la croisée des mondes, Narnia…
Bon, ce ne sont pas des ouvrages
sortis quotidiennement et lus par
l’ensemble des élèves, mais il y
a un public.
Je suis alors allé repérer l’étagère
qui abrite les œuvres du maître.
Soyons réaliste : il y a de la pous‑
sière… Je vais consulter les relevés
d’emprunts pour voir combien de
fois, par qui et depuis quand les ou‑
vrages ont été empruntés. Certes,
l’approche peut vous sembler as‑
sez datée, mais les ados lecteurs
fréquentent beaucoup ces lieux.
Les projets de classe en primaire
et au collège, emmenant les
élèves dans ces lieux pour
emprunter des livres, sont
très actifs et nombreux dans
mon secteur. Cependant, pour
notre sujet, c’est un peu une
douche froide…
La dernière fois que La
Communauté de l’anneau
fut empruntée, c’était en
2022, par une élève du club
a qui j’avais moi‑même for‑
tement conseillé la lecture.
Auparavant, les livres sont
empruntés environ une
fois tous les deux ans avec
une grosse période entre
2012 et 2014. Les ouvrages
moins connus comme Le
Silmarillion, eux, n’ont ja‑
mais été empruntés sinon
par… une professeure documen‑
taliste elle‑même branchée fan‑
tasy. Le constat est sensiblement
le même en allant questionner les
médiathèques et bibliothèques
municipales à proximité.
Je passe alors à l’entretien.
Mes collègues documentalistes
passent beaucoup de temps à dis‑
cuter avec les collégiennes et collé‑
giens qui fréquentent le CDI. Elles
me confirment que depuis une
dizaine d’années, Tolkien est un
auteur rarement demandé ou cité
par les élèves, même les lecteurs
de fantasy. Nous en profitons pour
évoquer ensemble d’idée d’une
exposition, d’une mise en avant. Il
est vrai que les ouvrages en format
poche ont des codes graphiques
d’un autre temps et que les sorties
BD ou mangas récentes ne per‑
mettent pas de les dépoussiérer.
C’est donc un peu dépité que je
me retourne vers mon club pour
poser la question directement
aux élèves.
TOLKIEN : AU COLLÈGE
« Si je te dis Tolkien,
ça te parle ? »
Les avis chez les jeunes rôlistes
sont partagés, et au final, plus
« rassurants » pour l’avenir de
Tolkien que les entretiens avec les
adultes précédents.
J’ai posé la question à plusieurs
élèves fréquentant le club pour
voir si Tolkien et Le Seigneur des
anneaux sont encore une référence
pour eux. À ce stade de l’année,
une quinzaine d’élèves fréquen‑
taient encore le club et ont accepté
de répondre à mes questions. En
voici une synthèse.
Déjà, tous et toutes connaissent
les livres, les films et même la série
Amazon. Ils et elles en ont lu des
ouvrages, notamment Bilbo et La
Communauté de l’anneau, et vu les
films. Ce qui est intéressant, c’est
de noter qu’ils ne sont pas allés
au bout des différentes œuvres.
Manon, 12 ans, a découvert le jeu
de rôle au début de l’année scolaire
et s’est beaucoup impliquée dans
le club depuis. C’est une élève dy‑
namique, très ouverte sur le monde
du fantastique, citant de multiples
références littéraires. Quand elle
n’est pas au club, elle fréquente
avec assiduité le CDI. Elle explique
qu’elle a lu le premier tome de la
trilogie et s’est arrêtée au milieu
du second ; pareil pour les films.
Elle précise d’ailleurs que ce sont
plus les films de son père. « En
fait, je trouve que l’histoire est bien
mais trop longue à se raconter. Ça
ne bouge pas assez vite. Peut‑être
plus tard, je m’y remettrais ». Je la
cite car elle résume bien une des
problématiques de la rencontre
avec Tolkien pour des collégiens.
Son style est un peu en décalage
avec une littérature de jeunesse
plus « dynamique », puisant ses
codes dans les séries et animes.
Cette problématique du style n’est s’il sait que l’enfant est plutôt in‑
pas un élément qui va rebuter tous téressé par la lecture.
les lecteurs, mais il leur faudra je
pense, plus de temps pour appri‑
voiser l’œuvre.
« Au boulot le Prof »
Maïa, Maya, Marylou et Estelle, Enfin, parmi les élèves, il y celles
14 ans, sont d’excellentes élèves, et ceux pour qui Tolkien est un
très dynamiques en classe. nom que répètent les anciens. Un
Elles connaissent le JdR mais ne auteur, une œuvre mais qui ne
viennent y jouer que depuis peu. leur parle pas plus que ça. Oui, ils
Elles comptent plus s’impliquer à ont vu les films, mais ils étaient
la rentrée prochaine. Elles s’illu‑ petits et cela n’a pas plus mar‑
minent en évoquant l’auteur. En qué. Les livres ? Ils savent qu’ils
approfondissant, elles citent sur‑ existent mais ne vont pas avoir
tout la trilogie du Seigneur des l’idée de les lire. Il y a ceux qui,
anneaux et les films : « Les films curieux, ont feuilleté un des livres
ont bien vieilli [sic] et les livres après une session au club, mais
sont biens. Par contre, c’est quand cela « manque d’images », c’est
même loin derrière Harry Potter. » « difficile de se projeter pour moi »,
La hiérarchie est indéboulonnable, ou alors « mon frère a les jeux sur
le jeune magicien est profondé‑ Playstation ». Bref, Tolkien est une
ment ancré chez ces jeunes et il référence comme d’autres, mais
reste la principale porte d’entrée assez éloignée du « panthéon »
vers le JdR. Pour ces filles, la dé‑ qu’il peut être pour certains.
couverte de Tolkien est un parcours Sébastien « Prof de JdR » Fajal
personnel : elles ex‑
pliquent que les parents
ne sont pas forcément
« fantasy » et pas parti‑
culièrement intéressés
par les films. C’est donc
d’elles‑mêmes qu’elles
ont découvert Tolkien,
qu’elles ont tenté la
lecture et qu’elles ont
poussé la porte du club.
Les autres élèves me
confirment aussi que
si les exemplaires de
Tolkien ne sont pas
« empruntés » au CDI,
c’est parce que beau‑
coup de parents ont
offert les ouvrages à
leurs progénitures.
En fait, il y a souvent
dans leurs familles, un
tonton, une tata ou un
cousin qui dépose un
Bilbo sous un sapin
MAGAZINE | 243
244 | MAGAZINE
INTERVIEW

INTERVIEW | TRADUCTRICE

PAULINE LOQUIN
Une geek rôliste en Terre du Milieu
os Alors que de nouvelles publications des œuvres de Tolkien
D

e
sie
r t ol ki père et fils se poursuivent, Pauline Loquin, bi‑classée geek
rôliste‑traductrice intègre, dès le départ, cette nouvelle équipe de
traduction. Casus Belli a la chance de la rencontrer virtuellement
en Arda pour en connaître un peu plus sur ces traductions, ses
contributions et un peu de sa vie de geek rôliste.

Pauline Loquin’s Digest
En 6e, Pauline lit Le Hobbit,
puis Le Seigneur des anneaux,
juste avant la sortie des films
de Peter Jackson. Tout de
suite passionnée, elle devient
une amatrice amoureuse des
œuvres de Tolkien, qu’elle
dévore. Elle traduit pour des
amis quelques passages qui
lui donnent le goût de la
traduction. Celle‑ci s’impose
comme une seconde nature
et oriente ses études vers
un master de traduction
littéraire, tout en poursuivant
ses lectures dans le monde
d’Arda.
Elle est, aujourd’hui,
traductrice professionnelle
de Tolkien et participe aux
nouvelles traductions des
ouvrages : carte du Hobbit,
carte de la Terre du Milieu,
Contes et légendes inachevés
ou Les Clés de la Terre du
Milieu. Véritable geek sous
son pseudo Lithenna,
elle a un blog (https : //
beyondarda.wordpress.com)
et sa propre chaîne Twitch
(https : //www.twitch.tv/
lithenna). Bi‑classée rôliste,
elle ne rechigne pas à une
partie de JdR comme joueuse
quand l’opportunité se
présente.
Casus Belli : Bonjour Pauline. Est‑ce
que tu peux te présenter en quelques
mots pour nos lecteurs ?
Pauline Loquin : Bonjour ! Je suis tra‑
ductrice littéraire, et depuis l’obten‑
tion de mon master en 2019, j’ai
eu l’occasion de travailler sur un
certain nombre d’ouvrages concer‑
nant l’œuvre de J.R.R. et Christopher
Tolkien, aux éditions Bourgois en par‑
ticulier, mais aussi avec Bragelonne.
J’ai également traduit un roman amé‑
ricain pour Albin Michel : Arpenter
la nuit. En parallèle, je partage ma
passion pour la Terre du Milieu sur
ma chaîne Twitch, où je propose plu‑
sieurs formats d’émissions autour de
Tolkien et de mes passions comme le
jeux vidéo et un peu de JdR.
CB : Comment as‑tu découvert Tolkien
et son œuvre ?
PL : Grâce à une fantastique prof au
collège, en 6e, qui nous présentait
régulièrement des romans pour nous
inciter à lire. Un jour, elle nous a parlé
du Hobbit et j’ai tout de suite été
attirée par ces histoires d’elfes et de
dragons. Par un coup de chance, à
peine avais‑je commencé ma lecture,
que mon père m’emmenait voir La
Communauté de l’Anneau au cinéma
(nous étions en 2001). Et ce fut le
début d’une longue histoire !
CB : Qu’aimes‑tu chez J.R.R.
Tolkien, l’homme ?
PL : Sa passion sans limite. Son inves‑
tissement au quotidien dans tout ce
qui était important à ses yeux : ses
enfants, ses travaux universitaires et
ses étudiants, et bien entendu, l’uni‑
vers qu’il avait inventé, Arda, la Terre
du Milieu et ses légendes. Il faut bien
comprendre qu’il s’agit de l’œuvre
d’une vie, dont les toutes premières
ébauches remontent aux années
1917−18 alors qu’il avait une ving‑
taine d’années, et qu’il était soldat
dans les tranchées… et il travaillait
encore dessus peu avant son décès en
1973 ! Il n’a jamais cessé d’approfon‑
dir, de retravailler, de développer cet
univers sous tous ses aspects, sans
pour autant mettre de côté son tra‑
vail académique et sa vie de famille.
C’est admirable.
CB : Qu’aimes‑tu dans l’œuvre de
Tolkien ? Quels sont tes trois livres
préférés de lui ?
PL : Son œuvre est si riche et fourmille
de tant d’aspects captivants qu’il est
difficile de nommer une chose en parti‑
culier. C’est précisément cette richesse
qui me plaît d’ailleurs. Ainsi que la ma‑
nière dont il a construit et développé
cet univers à partir de thématiques
qui lui tenaient à cœur, de références
culturelles, historiques et littéraires qui
 le passionnaient, mais sans pour
autant les copier. Au contraire, en
les distordant, en les absorbant
et en les adaptant, en les faisant
infuser dans son propre chaudron
de légendes. C’est ce qui a permis
l’émergence de toute la magie de
son œuvre ; une œuvre complexe,
foisonnante, sensible et multi‑fa‑
cettes. Presque insaisissable par
moment mais néanmoins acces‑
sible à tout le monde ; et qui laisse
une grande place à l’interprétation
personnelle. D’un point de vue plus
émotionnel, c’est la résilience dont
font preuve beaucoup de person‑
nages qui me touche en particulier.
Pour ce qui est de mes préfé‑
rences, je citerais sans hésiter
Le Silmarillion dans mon top 3,
ainsi que Les Contes et légendes
inachevés, dont j’ai eu la chance
de réviser la traduction dans la
dernière édition publiée aux édi‑
tions Christian Bourgois. Pour
le troisième… ce n’est pas facile
de choisir alors je vais laisser de
côté les ouvrages qui n’ont pas
encore été traduits pour limiter
mes choix ! Je pense que Du conte
de fées est en bonne place dans
mon palmarès : c’est un petit
essai que Tolkien a rédigé pour
parler de son processus créatif, de
son approche des contes, de leurs
vertus et de leur capacité à réen‑
chanter le réel.
CB : Tolkien est l’un des fondateurs
de la fantasy ou LE fondateur ?
PL : De la fantasy telle qu’elle est
perçue aujourd’hui, il est cer‑
tainement l’un des fondateurs,
mais en réalité, il est surtout
l’héritier d’une littérature de
l’imaginaire, notamment celle
du 19e siècle. Avant lui, il y a eu
William Morris (1834−1896) :
peintre, designer, militant socia‑
liste, auteur, traducteur, et dont
Tolkien connaissait les travaux.
On peut citer La Source du bout
du monde et Nouvelles de nulle
part parmi ses textes, dont beau‑
coup sont inspirés de l’imaginaire
médiéval, et qui posent les bases
de cette littérature de l’imagi‑
naire comme aucune aupara‑
vant. Ce que Tolkien a apporté à
ce genre, c’est une plus grande
part de vraisemblance, et cela
repose notamment sur une vision
globale et cohérente de l’univers
qu’il a inventé.
Cela dit, il faut bien com‑
prendre que, lorsque fut publié Le
Seigneur des anneaux en 1952−53,
le terme fantasy tel que nous
l’employons aujourd’hui n’exis‑
tait pas. Les critiques de l’époque
ne comprenaient pas forcément
ce qu’ils avaient entre les mains !
CB : Comment es‑tu venue à tra‑
vailler sur les nouvelles traduc‑
tions des œuvres de Tolkien ?
Et quel était ton rôle ? Sur quels
ouvrages de J.R.R. Tolkien, préci‑
sément, as‑tu œuvré ?
PL : J’avais fait la connaissance de
Vincent Ferré en 2018, à l’occa‑
sion de rencontres en librairies,
puis nous nous sommes recroisés
lors de l’exposition dont il était le
co‑commissaire à la BNF. Nous
avons échangé plus d’une fois
sur l’œuvre de Tolkien, et quand
j’ai eu mon diplôme en poche,
je lui ai envoyé mon mémoire
(une traduction de cent feuil‑
lets d’un texte inédit en français
de Tolkien). Visiblement, ça l’a
convaincu, puisque quelques
mois plus tard, il recommandait
mon nom auprès des éditions
Bourgois, où il officie comme
directeur de la collection Tolkien.
J’ai donc travaillé avec Bourgois
sur les textes de Brian Sibley, qui
accompagnent la carte du Hobbit
et celle de la Terre du Milieu ; les
textes et les cartes avaient déjà
été traduits il y a une trentaine
d’années par Jacques Georgel,
et méritaient un petit coup de
propre ainsi qu’une mise à jour de
la toponymie [NdlR : études des
noms propres désignant un lieu]
en français.
Dans la foulée, Bragelonne m’a
demandé de travailler sur la tra‑
duction du chapitre 7 de l’ouvrage
de Paul Kocher, Les Clés de l’œuvre
de J.R.R. Tolkien. Puis, de nou‑
veau avec Bourgois, j’ai travaillé
sur la révision de la traduction
des Contes et légendes inachevés,
et sur la traduction de l’index qui
l’accompagne. Pour tous ces tra‑
vaux, j’étais en contact régulier
avec Vincent Ferré dont l’aide
précieuse m’a permis de progres‑
ser avec assurance.
Pour ce qui est des révisions
de traduction, j’ai étudié les
traductions de Daniel Lauzon,
MAGAZINE | 245
246 | MAGAZINE
INTERVIEW
puisqu’il me fallait harmoniser
les anciennes traductions avec la
nouvelle nomenclature de Daniel,
et ce dernier m’a fourni de pré‑
cieux conseils lors de la révision
des Contes et légendes inachevés.
De même, pour la traduction de
l’index, j’ai eu la chance de rece‑
voir les conseils de Damien Bador,
spécialiste des langues inventées
par Tolkien. Et l’équipe éditoriale
des éditions Bourgois a aussi été
d’un grand soutien tout au long
de ce processus.
CB : Pourquoi publier de nou‑
velles traductions de l’œuvre
de Tolkien ?
PL : Pour plusieurs raisons. De
manière générale, les traductions
vieillissent, c’est bien connu.
On dit même qu’un ouvrage
pourrait/devrait être retraduit
tous les 30 ans ! Et puis, une
traduction, c’est une inter‑
prétation d’un texte, par un·e
traducteur·ice ; c’est une propo‑
sition à un instant T et on pour‑
rait presque dire qu’il n’y a jamais
trop de traductions !
Dans le cas des œuvres de
J.R.R. Tolkien, il y a d’autres élé‑
ments qui entrent en jeu : depuis
la traduction du Seigneur des an‑
neaux (SdA) par Francis Ledoux
en 1972−73, Christopher Tolkien
(le fils de J.R.R. Tolkien) a publié
un grand nombre de textes, do‑
cuments, brouillons et récits de
la main de son père qui nous per‑
mettent de mieux comprendre
l’univers du SdA. Ne serait‑ce que
Le Silmarillion, publié en 1977 !
Ces précieuses informations,
auxquelles n’avait pas accès
Francis Ledoux, nous permettent
aujourd’hui de proposer une tra‑
duction enrichie par ces connais‑
sances, plus cohérente et com‑
patible avec l’univers global de
l’auteur. Puisque les premiers
traducteurs n’avaient pas accès
à tous ces éléments composant
l’arrière‑plan des récits, ils ont
commis quelques erreurs qu’il
fallait corriger. Ils n’étaient pas
en mesure de proposer une tra‑
duction qui prenne toute l’ampli‑
tude de l’œuvre de Tolkien, et
souvent, les anciens traducteurs
sont passés à côté d’éléments
essentiels, ce qui a mené à des
contre‑sens.
Rappelons aussi que les pre‑
mières traductions du Hobbit
et du SdA ne s’accordaient pas
(Exemple : Bilbo Baggins dans
Le Hobbit, mais Bilbon Sacquet
dans le SdA), il y avait un véri‑
table besoin d’harmonisation
entre ces deux traductions de
 Francis Ledoux. Idem pour Le
Silmarillion et les appendices du
SdA, qui n’ont pas été traduits
par Ledoux, mais respectivement
par Pierre Alien et Tina Jolas.
Ledoux était un excellent tra‑
ducteur, mais l’univers de Tolkien
n’était pas vraiment le sien, ce
qui compliquait un travail déjà
bien difficile ! Comme l’a noté
Vincent Ferré, Francis Ledoux a
probablement tenté, à travers
sa traduction, de donner une
certaine « légitimité littéraire »
à l’ovni qu’était le SdA en em‑
ployant un niveau de langue par‑
ticulièrement élevé ; malheureu‑
sement, ça n’a pas rendu service
au texte puisque cette stratégie
a complètement gommé la diver‑
sité des registres de langue de la
VO. Ce n’est qu’un exemple parmi
les éléments sur lesquels Daniel
Lauzon a beaucoup travaillé dans
la nouvelle traduction.
CB : Les nouvelles traductions de
noms de certains héros comme
Grand‑Pas, devenu l’Arpenteur, et
lieux telle la Forêt Noire, traduite
en la Forêt de Grand‑Peur, ont été
critiquées. Pourquoi changer ces
noms dans les nouvelles traduc‑
tions ? Étaient‑elles des traduc‑
tions erronées ? Ne pouvait‑on
pas conserver les noms des pre‑
mières traductions ?
PL : Je ne peux pas m’exprimer à la
place de Daniel, mais ce qui est
certain, c’est qu’il était néces‑
saire de reprendre la nomencla‑
ture, qui fait partie intégrante de
l’œuvre ; si on retraduit le texte,
les noms propres vont entrer
dans le projet de traduction, car
c’est un ensemble. Une traduc‑
tion repose sur la cohérence, on
ne peut pas traduire juste un
aspect de l’œuvre.
Par ailleurs, comme je le disais,
Francis Ledoux n’était pas très
à l’aise avec cet univers, et il est
évident qu’il n’avait pas connais‑
sance de l’importance extrême
accordée par Tolkien à la signifi‑
cation des noms propres. J.R.R.
Tolkien avait rédigé une note
à l’intention des traducteurs,
expliquant comment traduire
les noms propres et lesquels ne
pas toucher (Frodo ou Bilbo par
exemple). Malheureusement,
Francis Ledoux n’a pas suivi
cette note (peut‑être n’y avait‑il
tout simplement pas accès), ce
qui explique la présence d’énor‑
mités comme Frodon et Bilbon
dans le SdA.
Daniel Lauzon, dans les nou‑
velles traductions du Hobbit, du
SdA et du Silmarillion, a fourni
un travail exceptionnel, en propo‑
sant une nomenclature pointue,
réfléchie et la plus respectueuse
possible des souhaits de J.R.R.
Tolkien. Sa connaissance de
l’œuvre de ce dernier est impres‑
sionnante, le travail sémantique
qu’il a mis en œuvre est admi‑
rable et chacun de ses choix est
guidé par sa volonté de rendre
hommage au sens que Tolkien
mettait derrière chaque nom
propre. Et inutile de vous rappeler
à quel point la sémantique était
importante à ses yeux !
Comme je le disais plus tôt,
notre connaissance globale de la
Terre du Milieu s’est développée
et cela a permis à Daniel d’être
beaucoup plus précis dans ces
choix de traduction que ne l’était
Francis Ledoux.
Pour les personnes qui ont du
mal avec cette nouvelle nomen‑
clature, je suggérerais tout de
même de lui donner une chance :
ma première lecture de la tra‑
duction de Daniel était déstabili‑
sante, ce qui est normal pour qui
a découvert la Terre du Milieu avec
la traduction de Ledoux. Mais
passé le choc initial, le plaisir est
très vite arrivé car Daniel propose
un texte particulièrement vivant.
La nouvelle traduction permet au
lectorat francophone de découvrir
toute une dimension du texte qui
nous échappait dans la première
traduction.
Pour « Grand’Peur » en particu‑
lier, Daniel s’est déjà exprimé sur
le sujet pour préciser que c’était
un nom particulièrement difficile
à traduire. Après de nombreuses
recherches, il a opté pour un
nom basé sur l’appellation que
lui donne les elfes : « forêt de la
grande peur ». Et si on y réflé‑
chit, est ce que « Forêt noire » est
objectivement un meilleur choix
que « Grand’Peur » ? D’autant
plus que « Forêt noire » est une
référence directe à un point géo‑
graphique de notre monde…
Est‑ce que ça ne nous sort pas
de l’œuvre ?
Ces nouvelles traductions ont
été critiquées dans certains mi‑
lieux, mais toutes les critiques ne
sont pas négatives, loin de là ! Si
une partie du lectorat n’est pas
forcément d’accord avec tous les
choix de Daniel Lauzon, c’est tout
à fait normal, parce que c’est aus‑
si une question de goût. Et puis,
la plupart des critiques négatives
que j’ai pu lire semblent plutôt
reposer sur l’affect : je com‑
prends que pour les personnes
ayant découvert la Terre du Milieu
avec la traduction de Ledoux, qui
est celle adoptée dans la VF des
films de Peter Jackson, ce soit
déroutant… Mais en réalité, il ne
s’agit pas de remplacer la traduc‑
tion de Ledoux, et finalement je
trouve que les deux traductions
sont complémentaires.
CB : Ces nouvelles traductions
sont‑elles toutes illustrées ?
MAGAZINE | 247
248 | MAGAZINE
INTERVIEW
PL : Vous avez une nouvelle édi‑
tion du Hobbit illustrée par Alan
Lee, sortie cette année, une autre
avec les illustrations d’origine de
la main de J.R.R. Tolkien sortie
l’année dernière. Concernant Le
Silmarillion, la nouvelle traduc‑
tion est accompagnée des illus‑
trations de Ted Nasmith, et pour
la traduction révisée des Contes
et légendes inachevés, il s’agit
d’une édition illustrée par Alan
Lee, John Howe et Ted Nasmith.
Quant au Seigneur des anneaux,
une très belle édition accompa‑
gnée des illustrations de l’auteur
sortira cet automne. Tout ça aux
éditions Bourgois !
CB : Quels sont les livres de Tolkien
ayant été retraduits et lesquels
restent à traduire ?
PL : Ceux ayant été retraduits : Le
Hobbit, Le Silmarillion, Le SdA. Il
y a aussi une traduction révisée
des Contes et légendes inachevés
sortie en 2022.
Il reste à traduire les tomes 6,
7, 8, 10, 11 et 12 d’Histoire de la
Terre du Milieu, ainsi que Nature
of Middle Earth et The Fall of
Númenor. Pour les titres ne trai‑
tant pas directement de la Terre
du Milieu, il y a The Story of
Kullervo, Finn and Hengest, The
Battle of Maldon… donc encore
pas mal de travail ! Il faut préci‑
ser que pour ces ouvrages acadé‑
miques, qui ne traitent pas de la
Terre du Milieu, les traductions
françaises sont assurées par
Christine Laferrière, qui a déjà
traduit des travaux de Tolkien
comme La Chute d’Arthur ou
encore La Légende de Sigurd et
Gudrún. Quant à la traduction du
tome 9 d’Histoire de la Terre du
Milieu par Daniel Lauzon, elle doit
paraître cette année !
CB : Les cartes mythiques de
Tolkien ont‑elles toutes été
reprises ou redessinées en tota‑
lité ? As‑tu œuvré sur ces nou‑
velles cartes ?
PL : Les cartes qui accompagnent le
SdA, issues de l’esprit de Tolkien,
avaient déjà été redessinées par
Christopher Tolkien, premier lec‑
teur de son père et cartographe
de la Terre du Milieu, avant la
publication du roman en 1954−55.
Idem pour Le Silmarillion. Il existe
des versions redessinées par
d’autres artistes comme la carte
de la Terre du Milieu par Pauline
Baynes, ou plus récemment,
celles redessinées par John Howe,
qui sont disponibles aux éditions
Bourgois et qui sont celles sur
lesquelles j’ai travaillé.
CB : As‑tu toi‑même écrit des ou‑
vrages sur Tolkien ?
PL : Je n’ai rien publié au‑delà d’in‑
ternet, mais ça fait plus de dix
ans que j’écris sur le sujet dans
mon coin. Aujourd’hui, il m’arrive
encore de poster sur mon blog,
beyondarda.com, même si je ne
suis plus aussi productive que
j’aimerais l’être. Désormais, je
poste principalement les retrans‑
criptions de certaines émissions
thématiques proposées sur ma
chaîne Twitch, mais les archives
sont toujours présentes pour qui
serait intéressé !
CB : Dans quel ordre conseille‑
rais‑tu la lecture de l’œuvre de
Tolkien à quelqu’un ne l’ayant
pas encore lue ?
PL : Je ne vais pas être originale :
Le Hobbit, Le Seigneur des an‑
neaux, Le Silmarillion, Les Contes
et légendes inachevés, puis dans
l’ordre, les différents tomes
d’Histoire de la Terre du Milieu.
Il y a aussi les ouvrages Les
Enfants de Húrin, La Chute de
Gondolin et Beren et Lúthien,
que je conseillerais de lire après
Le Silmarillion ; ces trois tomes
peuvent néanmoins être appré‑
ciés sans tout le panorama
qu’offre le légendaire (NdlR :
lore) du Silmarillion, mais un
minimum de connaissances de la
Terre du Milieu n’est pas de trop
pour en savourer la portée.
Pour qui aime les vers, Les
Aventures de Tom Bombadil est
un petit ouvrage qui peut se lire
en parallèle du SdA.
Et pour compléter tout ça, je
recommande Faërie et autres
textes, un recueil de plusieurs
textes de Tolkien qui ne sont pas
directement en rapport avec la
Terre du Milieu mais qui restent
néanmoins enchanteurs et révé‑
lateurs de son processus créatif.
CB : On te sait bi‑classée traduc‑
trice pro de Tolkien et rôliste.
Comment et quand as‑tu dé‑
couvert le jeu de rôle ? À quels
JdR joues‑tu ?
PL : Je connais le JdR depuis long‑
temps, mais ce n’est que très
récemment que j’ai eu l’occa‑
sion de jouer pour la première
fois, il y a deux ans, en fait.
Tout simplement parce qu’on ne
m’avait jamais proposé de jouer
auparavant ! Même si je suis
plutôt attirée par les univers de
med‑fantasy et de dark fantasy,
je m’amuse tout autant dans
d’autres settings.
CB : As‑tu joué au Jeu de rôle de la Terre
du Milieu ou à L’Anneau unique ?
PL : Malheureusement, je n’ai
encore jamais eu l’occasion d’y
jouer ! J’espère y remédier.
CB : Es‑tu plus MJ ou joueuse ?
Quel est ton type de person‑
nage préféré ?
PL : Je laisse le travail de MJ aux
personnes qui font ça très bien !
J’ai une petite préférence pour les
rôdeurs et les voleurs, et d’ail‑
leurs en ce moment, je joue un
rôdeur dans une campagne D&D.
CB : Joues‑tu beaucoup et où ?
Chez des amis ? À distance
par internet ?
PL : Pour la campagne D&D Nouvel
Effroi, on essaie de se retrouver
une fois par mois pour jouer via
Discord. D’ailleurs, les parties
sont désormais diffusées sur ma
chaîne Twitch. Et sinon, il nous
arrive de lancer des one‑shots
(parfois improvisés) avec des
amis lorsqu’on se retrouve IRL.
CB : Ton MJ utilise‑t‑il des bougies
et des pentacles ou autre maté‑
riel pour vous plonger ses joueurs
dans l’ambiance ?
PL : L’un de mes MJ avait préparé
les bougies, l’encens, la musique
et la lumière ajustable pour un
one‑shot. Il avait même des‑
siné lui‑même nos personnages.
C’était magique !
CB : Comment joues‑tu avec tes
amies, parfois dans un style
plutôt déconne ? Ou toujours sé‑
rieux ? Ça triche lors des parties
un peu, beaucoup, jamais ?
PL : On est tous là pour s’amuser,
ça c’est sûr, mais ça ne triche pas
(que je sache !). On est plutôt
réglos, mais ça ne nous empêche
pas de nous taquiner régulière‑
ment lors d’une partie.
CB : Les joueurs lors de tes parties
parlent de leur personnage à la
1re ou à la 3e personne ?
PL : Comme joueuse, j’aime bien la
1re personne.
CB : Quels sont tes trois JdR préfé‑
rés et pourquoi ?
PL : Je crains ne pas avoir assez
d’expérience pour donner un avis
pertinent !
CB : Travailles‑tu dans des do‑
maines de la sphère ludique,
comme les jeux‑vidéos, les jeux
de plateaux, le JdR ou la BD ?
PL : La traduction littéraire et
la traduction multimédia/
vidéoludique, ce sont deux acti‑
vités différentes, avec des tech‑
niques et des exigences qui ne
sont pas les mêmes. Ma forma‑
tion est avant tout littéraire, mais
j’ai un peu touché à la traduction
de JV, en aidant à la localisation
de la démo (pas du jeu complet)
d’un point and click très sympa
et que je recommande aux ama‑
teurs du genre : Lucy Dreaming.
J’ai beaucoup aimé cette expé‑
rience, et j’espère pouvoir m’y
réessayer à l’avenir.
CB : Quels métiers as‑tu exercés ?
PL : Avant la traduction, j’ai aussi
été comédienne, ayant suivi une
formation professionnelle au
Cours Simon il y a une dizaine
d’années. J’ai aussi quelques
expériences dans le milieu de la
distribution ciné et de la média‑
tion culturelle.
CB : Que penses‑tu de l’arrivée des
IA, comme ChatGpt, qui peuvent
traduire des textes ou produire
des scénarios ?
PL : Je suis très méfiante face
aux IA, du moins telles qu’elles
existent aujourd’hui. Une vraie
réglementation stricte est, à mon
sens, nécessaire. Dans certains
domaines, elles peuvent faire des
miracles, je pense notamment à
la médecine, mais dans les mi‑
lieux créatifs, je crains bien que
ce soit très problématique. Entre
les écueils au niveau des droits
d’auteur, le pillage d’œuvres pré‑
existantes, et la menace que ça
représente pour beaucoup d’em‑
plois (en traduction, écriture, il‑
lustration et j’en passe) … Je suis
très inquiète.
CB : As‑tu des projets littéraires,
de JdR ou autres à court, moyen
ou long terme dont tu peux
nous parler ?
PL : Il y a des projets de traduc‑
tions/révisions de traductions
avec les éditions Bourgois, mais
pour l’instant nous sommes en‑
core au stade de la discussion ; je
ne peux donc rien dire de plus ! Du
côté des projets non pro, j’aime‑
rais reprendre plus régulièrement
les streams thématiques sur
Tolkien avec ma chaîne Twitch, et
peut‑être même reprendre mon
podcast qui est en pause depuis
trop longtemps !
CB : Merci Pauline pour cet échange.
Propos recueillis par l’Istar
Nurthor sur Arda, le 24
juin 2023 du QA
MAGAZINE | 249
250 | MAGAZINE
CHRONIQUE
« PROF DE JDR »
Chroniques d’un club de jeu de rôle
au collège, 7e épisode
Quand le prof de JdR propose un outil pour aider ses collégiens à
écrire des scénarios…
D
ans l’épisode 6, Sébastien ex‑
plique comment, à la suite d’une
demande de ses collégiens, il en
est venu à leur proposer un outil pour
écrire des scénarios. Après avoir expli‑
qué la méthodologie, il présentait un
premier synopsis d’histoire écrit de
cette façon. En voici deux autres…
Histoire 2 :
Le cœur de la forêt
Préambule : Cette histoire puise son
inspiration dans l’imaginaire du Japon
médiéval. Ce thème n’est pas abordé
dans les programmes des écoles fran‑
çaises, sinon dans les cours des civi‑
lisations pour ceux qui pratiquent la
langue japonaise au lycée. Cependant,
l’ambiance et les références s’inspirent
des œuvres que les élèves ont pu étu‑
dier en art plastique. J’ai puisé mes
idées dans le travail d’Olivier Sanfilipo
pour le jeu de rôle L’Empire des cerisiers
et dans les dilemmes sublimés dans le
Princesse Mononoké des studios Ghibli.
0 ‑ L’histoire : Au cœur d’une forêt
dense, un village extrait et vend une
espèce de bois extrêmement rare et
apprécié par les menuisiers impé‑
riaux. La communauté de bûcherons
y a subi des disparitions inquiétantes.
Les villageois soupçonnent des esprits
maléfiques. Les responsables sont une
communauté de forestiers voulant
punir les bûcherons d’avoir atteint le
« cœur de la forêt ». Chaque personnage
prétiré a « quelque chose à prouver » au
monde et à lui‑même : le combattant
est une femme, talentueuse au com‑
bat mais ne pouvant accéder au rang
de samouraï à cause de son genre ; une
prêtresse (Miko) en quête de rédemp‑
tion ; un marchand qui voit son com‑
merce dépérir depuis qu’il ne peut plus
échanger le bois de ce village… Les PJ
escortent un légat impérial mandaté
pour rétablir l’équilibre et reprendre
l’exploitation de la ressource.
a ‑ L’univers : L’histoire prend place
au beau milieu d’une forêt dense et
presque étouffante. Un village typique
du japon médiéval semble être le seul
endroit anthropisé. Les villageois soup‑
çonnent la présence d’esprits malé‑
fiques qui les espionnent depuis les
lisières. Les esprits et la magie sont
ouvertement cités mais sans que le
scénario ne bascule forcément dans le
pur fantastique.
b – L’enjeu : Trois visions des rapports
entre l’homme et son environnement
s’affrontent, risquant de dégénérer en
un conflit. Les joueurs doivent trou‑
ver comment équilibrer les rapports
entre ces groupes humains tout en
 Après l'écriture, la mise en pratique. La table est prête !

protégeant les intérêts

de l’empereur dont ils
sont mandataires.
c – L’illustration : De
l’avantage d’avoir de
superbes auteurs et
artistes dans notre mi‑
lieu rôlistique : j’avoue
utiliser les illustrations
oniriques et colorées de
L’Empire des cerisiers,
notamment l’écran.
d – Les factions : Le
camp des villageois est
dirigé par l’équivalent
d’un maire agressif,
nommé Hidenori. Il a
fait fortune en vendant ce bois
rare et cherche à galvaniser les vil‑
près du village. Les personnages l’histoire de ces sangliers. Ils vi‑
lageois pour aller retrouver les bû‑
peuvent comprendre la détresse vaient jusqu’alors autour du cœur
cherons. Il ne croit pas aux esprits.
des villageois qui pleurent la dis‑ de la forêt. Or, l’arrivée des bûche‑
On peut apprendre que son fils
fait partie des disparus. Le camp parition de leurs proches mais leur rons a effrayé les jeunes truies
de l’empereur est matérialisé par crainte d’aller dans une forêt « pos‑ qui ont pris la fuite avec les mar‑
le légat que les PJ escortent. Il sédée par les esprits ». Les per‑ cassins. La harde est alors disper‑
les laissera agir à leur guise tout sonnages peuvent découvrir que, sée et massacrée par les hommes
en leur rappelant leurs devoirs. depuis plusieurs mois, Hidenori d’Hidenori. Selon comment les
La communauté des forestiers, met la pression sur les bûcherons personnages traitent la menace,
que certains décriraient comme pour extraire de plus gros volume ils peuvent s’attirer le respect des
des hommes sauvages, enlève de bois rare, obligeant ces derniers forestiers.
et séquestre les bûcherons pour à couper dans des zones encore Scène 3 : Les PJ entrent en
protéger un cœur de forêt qu’ils inexploitées. contact avec les forestiers d’une fa‑
considèrent comme sacré. Ils sont Scène 2 : Dans la forêt, il est çon ou d’une autre : soit ils arrivent
devenus plus aventureux depuis possible de retracer les chemins à surprendre les guetteurs ; soit ils
qu’ils sont dirigés par une jeune empruntés par les bûcherons épargnent ou achèvent avec res‑
femme surnommée Inoko. Elle est (suivre les troncs…). Ils arrivent pect les sangliers blessés ; soient
la fille d’une ancienne rebouteuse dans une clairière embrumée et ils arrivent jusqu’au cœur de la fo‑
chassée il y a des années par des décorée par une macabre mise en rêt. Un très vieil et très grand arbre
villageois superstitieux. scène : les effets personnels des à la souche fendue y est utilisé
e ‑ Scène 1 : La scène se dé‑ bûcherons enlevés sont suspen‑ comme sanctuaire. Inoko s’y tient,
roule sur la place du village. Les dus aux arbres, des dépouilles protégée par quelques hommes.
PJ arrivent alors que la foule est d’animaux morts sont exposées Elle menace plusieurs bûcherons
chauffée à blanc par Hidenori et et ils ont le sentiment qu’une pré‑ attachés à l’arbre. Excédée par le
ses mercenaires. Au pied d’une sence troublante observe depuis massacre des sangliers, elle crie
estrade improvisée se trouvent les les fourrés (ce sont les guetteurs vengeance mais sans oser franchir
dépouilles de plusieurs sangliers des forestiers). Au moment le plus le pas. Prise avec empathie, elle
et marcassins. Hidenori veut prou‑ opportun, des sangliers attaquent. peut raconter son histoire.
ver qu’il n’y a pas d’esprits malins Il s’agit d’animaux rescapés et f – Choix de la fin : La suite natu‑
mais juste des animaux : il a fait blessés pendant le massacre. Les relle de l’histoire est violente : un
massacrer une harde qui passait personnages peuvent comprendre groupe de villageois mené par un

MAGAZINE | 251
252 | MAGAZINE
« PROF DE JDR »
Hidenori enragé arrive jusqu’au
cœur de la forêt et le combat s’en‑
gage. Aux PJ de trouver comment
trancher le dilemme et arbitrer des
rapports apaisés entre l’homme et
son environnement.
Retour d’expérience : C’est à
ce jour une des histoires les plus
appréciées au club. Les joueurs
doivent naviguer entre des faits
et des réactions émotionnelles
des différentes factions. Ils mobi‑
lisent en fait les compétences éva‑
luées en EMC telle que la « culture
du jugement » et la « culture de la
sensibilité », plus précisément les
items : « exprimer ses émotions »
et « être capable d’empathie ». Une
des joueuses, alors en 4e, s’est
Les élèves ne font pas que des synopsis, ils font aussi leurs feuilles de perso
beaucoup impliquée émotion‑
nellement dans le scénario. Au
moment du retour, elle a expliqué
qu’elle y a retrouvé les questions
quelle se pose elle‑même, en tant
que future citoyenne, sur ses choix
philosophiques et son engagement
dans les combats écologiques.
Histoire 3 :
Station Élysée
Préambule : C’est une histoire
de science‑fiction s’inscrivant dans
le genre post‑apocalyptique. Elle
s’inspire du manga Gunnm, des
films Alita de Robert Rodriguez
et Elysium de Neill Blomkamp.
En jeu de rôle, j’ai puisé dans les
descriptions de l’univers dense de
DOXA de T.H.Gabriel et Ephraïm
Beillet. La science‑fiction est au
programme des élèves de 3e en
lettres modernes. Les compé‑
tences sont intitulées : « Connaître
les grands thèmes des romans
d’anticipation » et les sous‑com‑
pétences « Connaître les notions
d’utopie et de dystopie et com‑
prendre leurs fonctions ; réfléchir
sur la société d’aujourd’hui et me‑
surer ses dérives possibles ».
0 ‑ L’histoire : Dans un futur dys‑
topique, un gigantesque bidon‑
ville entouré de désert s’étale aux
pieds d’une cité volante nommée
Élysée. Les PJ sont les membres
d’une communauté installée dans
des « tuyaux », de grandes struc‑
tures alimentant les Élyséens et
recrachant leurs déchets. Ils ren‑
contrent une jeune Élyséen ten‑
tant d’échapper à un mariage forcé.
Comme tous les Élyséens, son code
génétique permet d’accéder à la
station et ce « trésor » va être dis‑
puté. Chaque personnage prétiré a
un lien avec une des factions : l’un
est un Élyséen banni pour crime et
rêvant d’y retourner ; un autre a
connu la vie dans une famille op‑
pressante et connaît le coût de la
liberté ; l’autre a perdu des proches
à cause des Élyséens et en garde
une certaine rancœur.
a ‑ L’univers : La planète a été ra‑
vagée par la pollution et les catas‑
trophes. Seuls quelques élus vivent
dans Élysée, une ville‑station
aérienne. À ses pieds, d’énormes
bidonvilles abritent une humanité
miséreuse qui se bat pour se par‑
tager les détritus rejetés par la sta‑
tion. Des câbles et tuyaux énormes
relient différentes usines au sol
à la station Élysée. Si le faste et
l’ultraconsumérisme y règne, la vie
n’est pas très heureuse dans la sta‑
tion : la corruption, le népotisme et
les arrangements entre familles
gangrènent la société. Des normes
et règlements absurdes s’ap‑
pliquent à chaque moment de la
vie des Élyséens.
b – L’enjeu : Détruire Élysée ?
Rejoindre Élysée ? Offrir une nou‑
velle vie à la fuyarde ? Il s’agit de
parler des valeurs de chacun face
à une société particulièrement
injuste et des façons de s’engager.
c – L’illustration : Le manga
Gunnm offre de superbes visuels
de bidonvilles surmontés d’une
ville idyllique. En plus, deux images
peuvent être mises en face à face :
le look très chargé, opulent et futu‑
riste chez les Élyséens, et le style
improvisé, chiffonnier, « à la Mad
Max » des Ravageurs.
d – Les factions : Le camp des
Élyséens est représenté par une
unité de soldats dirigée par la colo‑
nelle Hawking qui a pour mission
de récupérer la fuyarde. Hawking
est prête à négocier pour accomplir
sa mission. Le camp des Ravageurs
est composé de plusieurs habitants
des bidonvilles dirigés par une
charismatique cheffe surnommée
Raptor. Elle rêve de venger les iné‑
galités de ce monde en détruisant
la station. Enfin, le camp de l’Exilée,
incarnée par Déméter, une jeune
fille qui tente de fuir la station pour
échapper à un mariage organisé par
sa famille. Elle ne rêve que de liber‑
té, loin des contraintes affreuses
qui sont celles de la station.
e ‑ Scène 1 : Les PJ sont envoyés
par leur communauté pour enquê‑
ter sur une explosion qui s’est
produite près d’un tuyau. Au
centre d’un collecteur, dans une
forêt de tuyaux gigantesques, ils
découvrent un vaisseau écrasé ori‑
ginaire de la station Élysée. Une
jeune femme effrayée s’y cache.
Le crash a endommagé les tuyaux :
des fuites d’eau et de détritus se
multiplient. La scène donne lieu
soit à une évacuation, soit à des
réparations express. Déméter, une
fois sauvée, peut expliquer son his‑
toire et terminer en racontant que
son appareil a été abattu par ses
poursuivants.
Scène 2 : Le groupe retourne
dans son bidonville dense et mi‑
séreux. Il y trouve une bande de
Ravageurs tenant en otage leurs
proches. Raptor exige qu’on lui
livre le passager du vaisseau (elle a
vu la scène de la fuite et du crash).
Elle explique son plan : remonter
avec Déméter jusqu’aux portes
de la station, s’y infiltrer, y placer
des explosifs et la détruire. Face à
Raptor, le combat ou la négociation
sont possibles.
Scène 3 : La scène se déroule
selon où sont les PJ : dans le bidon‑
ville, au cœur du désert, aux portes
d’Élysée. Le vaisseau militaire di‑
rigé par Hawking se présente. Elle
exige la livraison de Déméter et se
dit prête à descendre en personne
pour négocier : elle a l’ordre de la
ramener en vie et en bonne santé.
Si les PJ sont en discussion avec
Raptor à cet instant, les Ravageurs
s’enfuient pour mieux revenir
quelques minutes plus tard avec
l’envie d’en découdre.
f – Choix de la fin : Sans choix
précis de la part des joueurs, l’his‑
toire suit son cours. Soldats et
Ravageurs s’affrontent au détri‑
ment de celles et ceux qui se re‑
trouvent piégés au milieu. Si les
personnages choisissent la voie de
Raptor, ils peuvent participer à l’in‑
filtration et à la destruction d’une
partie de la station. S’ils choi‑
sissent Hawking, ils peuvent obte‑
nir des ressources rares voire inté‑
grer la station et devenir Élyséens.
S’ils prennent la fuite pour sauver
Déméter, une course‑poursuite
peut conclure le scénario
Retour d’expérience : Une des
particularités de ce scénario est
qu’il peut être résolu sans la
moindre violence malgré la dé‑
termination des factions. Nous
sommes sur un vrai dilemme entre
les choix personnels et les choix
collectifs. Présenté à des joueurs
plus jeunes (niveau 5e), ce scénario
a dévié de son projet original et est
devenu plus une « course à la sur‑
vie », les joueurs tentant de fuir à
chaque confrontation et abandon‑
nant Déméter. J’ai alors dû la jouer
comme une enfant perdue s’accro‑
chant aux personnages. Avec le
recul, je pense qu’ils n’avaient pas
vraiment compris les enjeux. Pour
des élèves de 3e, l’expérience fut
plus intéressante. Les discussions
ont rejoint les œuvres étudiées
en classe, notamment Bienvenue
à Gattaca. Ils ont argumenté sur
la définition de la liberté face aux
contraintes de la société et de
la survie. C’est une histoire que
j’aimerais proposer plus souvent
à l’avenir.
Conclusion
Ces trois histoires (NdlR : en
comptant l’histoire 1 présentée
dans l’épisode 6) vous donnent
une idée assez précise de ce que je
propose au club. Toutes sont plus
développées sur mes notes, préci‑
sant notamment les historiques et
caractéristiques des personnages.
J’espère qu’elles vous permettent
de mieux cerner comment il est
possible de lier le métier de pro‑
fesseur, le socle commun de com‑
pétences et connaissances des
élèves, et la façon de faire du JdR.
Sébastien « Prof de JdR » Fajal
MAGAZINE | 253
254 | MAGAZINE
COMING NEXT !

PROCHAINEMENT

DANS CASUS BELLI N°46

Après l’été, c’est Noël, c’est bien
connu ! Oui, bon, OK, il va se passer
quelques mois, la neige ne va pas vous
tomber dessus direct (si la neige finit
par tomber, par les temps qui courent,
ce n’est plus si évident…). Mais au
rythme de publication de Casus, notre
prochain numéro sera celui d’hiver,
la période la plus sombre de l’année,
celle où il fait froid et humide… Une
période favorable au développement
de la vermine.
Nous en profiterons donc pour faire
le point sur Vermines 2047, le jeu de
Julien Blondel qui devrait justement
sortir en cette fin d’année au Studio
Agate. En plus de la chronique du jeu,
nous avons également prévu de vous
proposer un scénario officiel en parte‑
nariat avec l’éditeur, et tant qu’à faire,
nous essaierons d’en savoir un peu plus
en interviewant Julien Blondel.
Bien entendu, vous retrouverez éga‑
lement dans ce numéro 46 de Casus
Belli votre programme habituel de cri‑
tiques et de scénarios. Notre prof de
JdR préféré nous proposera un MJ only
sur la session 0 dans le cadre d’un one
shot en s’appuyant sur son expérience
de parties en convention. Et puis nous
vous proposerons un petit jeu complet
primé au 7e défi Trois fois forgé orga‑
nisé par PTGPTB, dont Casus Belli est
partenaire : Coquelicots.
En attendant, bonne rentrée et très
bel automne à vous !
Marc Sautriot
et la rédaction de Casus Belli

PS : Casus Belli sera présent sur le

stand BBE à Octogônes 2023 (du 29
septembre au 1er octobre), n’hésitez
pas à passer nous voir.
©Black Book Éditions
COMPLÉTEZ VOTRE COLLECTION
COMMANDER LES ANCIENS NUMÉROS SUR
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MAGAZINE | 255