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anglophone. La différence entre les deux est que la laïcité instaure une séparation nette de
l’État et de l’église avec comme objectif principal la neutralité du premier par rapport à toute
forme de croyance religieuse. C’est déjà là où le ver est dans le fruit car l’église aurait dès le
départ dû être remplacée par la religion. Alors que la seconde s’inscrit dans un processus
culturel se démarquant de toute croyance comme élément contextuel de l’État.
La forme de la laïcité au Mali s’adosse théoriquement sur celle de la France avec quatre
principes : le respect de toutes les croyances et l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans
distinction de religion ; la garantie du libre exercice des cultes ; la neutralité de l'État ;
l'absence de culte officiel et de salariat du clergé.
Il convient de rappeler que la laïcité est loin d’être perçue de la même manière par les
acteurs en présence. Ainsi, certains intellectuels et leaders religieux maliens estiment que la
laïcité au Mali n’est pas neutre et serait même en déphasage avec les pratiques françaises de la
laïcité qui tolèrent d‘ailleurs un certain enseignement confessionnel dans des établissements
scolaires publics, notamment dans le département de l’Alsace Lorraine, sans oublier de
mentionner qu’en Allemagne, presque dans toutes les provinces, l’enseignement
confessionnel dans des établissements à caractère public est accepté.
Ces acteurs vont jusqu’à soutenir que la France est l’un des rares pays en Europe qui
fait mention de la laïcité dans sa constitution, tandis que l’écrasante majorité des pays
européens ne l’évoquent même pas. Pour dire qu’une constitution peut bel et bien se passer de
l’usage de la laïcité. Les défenseurs de l’abandon de la laïcité dans le projet de la nouvelle
constitution rappellent que la guerre livrée par la France contre l’Église catholique atteignit
son dénouement sanglant. En effet, pendant la Pâque de 1794, le même mouvement
révolutionnaire qui jadis proclama la liberté de conscience procéda à la fermeture pure et
simple de la grande majorité des quarante-mille églises françaises. Cela qui débuta par la
saisie des biens de l’Église, et la destruction des croix et des calices, aboutit aux conversions
forcées, et au massacre de prêtres et de nonnes, qu’on passa à la guillotine. C’est durant cette
période, surnommée celle du Règne de la Terreur, que le terme anglais terrorism, dérivé du
français terrorisme, vit le jour.
« La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère et inflexible ; elle est donc
une émanation de la vertu ».
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Il est aisé ici de comprendre que la laïcité est perçue comme l’absence du fait religieux
et par ricochet, l’effacement de l’homme de la foi dans la sphère publique. Un leader religieux
déclara lors d’un colloque consacré à la laïcité que c’est l’État qui est laïc et qu’eux (surtout
fidèles musulmans) ne le sont pas.
Cette perception de la laïcité soutient la thèse selon laquelle, la laïcité s’impose au
peuple de manière tout aussi contraignante que la gouvernance religieuse au regard de ses
prescriptions morales qui sont basées autant que la laïcité sur des croyances métaphysiques.
Il est de plus en plus soutenu, lors de certains débats via les médias sociaux, que plus
une personne devient laïque, plus elle devient neutre et s’affranchit de toute influence morale
profonde. Elle se déconnecterait alors de tout ce qui reste porteur de sens. Cependant, le
contraire est partagé dans certains lieux de culte et même dans certains audios qui circulent
sur les réseaux sociaux, où il est clairement partagé que le cœur n’est jamais vide. La vacuité
que la laïcité génère chez l’individu se retrouve rapidement comblée par des artifices inspirés
des valeurs outre que celles proposées par l’islam, en l’occurrence. Ces derniers sont les
produits de conglomérats d’entreprises dont les acteurs seraient motivés par la diffusion, la
propagande et la normalisation de l’al-fâhishah (l’obscénité et la turpitude) et de là, un
combat contre l’islam. Cela devient alors la nouvelle religion de maliens, avec un contenu
antireligieux. Voici la finalité, selon ces intellectuels et Imams, que la laïcité chercherait à
réaliser : faire des maliens, des esclaves obéissants aux ordres des sociétés et des acteurs
areligieux.
Nombre de Maliens ne s’imaginent en fait pas de vie, privée comme publique, séparée
de la foi. Mais ils évoquent rarement le remplacement de la laïcité par la charia :
méconnaissance ou prudence ? Tout cela semble se jouer sur un fond « d’hypocrisie »
d’autant que les dénonciations de la laïcité au nom de l’appartenance de la majorité des
Maliens à l’islam.
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la visite des lieux de culte, etc.) ou d’apaiser la grogne sociale, voire de s’accrocher au
pouvoir en toute violation flagrante parfois de tous principes définis et partagés à cet effet.
Les politiques invoquent volontiers la laïcité et l’État de droit lorsque cela sert leurs
intérêts politiques et partisans. Au même moment, ils ne s’empêchent pas pour autant, dans le
cas contraire, de violer les fondamentaux de la laïcité et de l’état de droit.
Le postulat qui se dégage ici consiste à dire qu’une chose légale n’est pas nécessairement
morale, tout comme ce qu’on désigne comme illégal n’est pas nécessairement immoral au
regard du caractère hybride des acteurs en présence au Mali.
Les questions qui demeurent entières alors concernent la clarification des rôles et des statuts
des acteurs au Mali.
ü L’acteur politique malien, en dépit de l’équidistance qu’il est censé observer, peut-il
agir sur le référentiel religieux pour satisfaire un quelconque besoin ?
ü L’acteur religieux malien peut-il agir sous le couvert de la religion en délivrant des
services hautement politiques ?
ü Quelle différence peut-on établir objectivement entre identité musulmane et cultures
arabes ?
ü Quelle résonance entre le débat en cours sur la laïcité et la demande expresse des
groupes radicaux violents au Nord et au Centre du Mali quant à l’application de la
charia ?
ü Au nom de la laïcité, doit-on faire taire des contradictions inhérentes à la naissance
d’une constitution acceptée et partagée de tous ?
ü Où se trouve alors la différence, sur le plan strictement fonctionnel, et jusque dans une
certaine mesure, entre une constitution inspirée par une morale laïque et une autre par
une religion embrassée par la majorité du peuple, au nom de qui la constitution est
rédigée ?
Les éléments de réponse à ces questions prégnantes pourraient mettre au citoyen,
malien, nous l’espérons, de se situer dans le débat en cours.
Auteur : Dr Aly TOUNKARA, Maitre de conférences à l’Université des Lettres et
des Sciences Humaines de Bamako, chargé de cours de sociologie des religions en Master-
Société, Changement Social et Actions Collectives- SoC SAC et expert au Centre des Études
Sécuritaires et Stratégiques au Sahel- CE3S.
Bamako, le 28 janvier 2023.