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L2 SJP
2018-2019
-Dans le mandat impératif, les élus rendent compte au peuple et peuvent être révoqués s’ils ne
respectent pas leurs promesses
Le moyen Age s’étend du 5ème au 14ème siècle. Il est marqué par un enchevêtrement de plusieurs
facteurs. L’expansion extraordinaire de la religion chrétienne (doctrine de la foi et le salut voué
au rachat de l’humanité) du 6ème au 11ème siècle correspond à la phase historique de la
christianisation de l’occident. Le politique perd progressivement son autonomie et ne se définit
que par rapport à la religion. Les penseurs chrétiens tirent de la parole de J.C des conceptions
politiques en établissant une frontière entre l’ordre divin (autorité spirituelle) et la société des
Hommes (pouvoir séculier).
Le Moyen Age permet également de redécouvrir la philosophie et le droit, nouveaux défis posés
à la théologie. Le droit, comme la philosophie, se présentent comme des savoirs profanes qui
imposent des idées nouvelles, des formes de résonnement plus rationnels et permettent de
réinterroger la conception chrétienne tantôt pour l’enrichir tantôt pour l’amender. La situation
change lorsque l’empereur Constantin fait du christianisme la religion officielle de l’Empire.
D’abord manichéen (bien et mal), il découvre ensuite la pensée de la nouvelle académie, puis
la pensée néo-platonicienne. Il s’est converti au christianisme à trente-deux ans, à la suite d’un
voyage à Rome.
Evêque, il sera confronté à l’hérésie des donaciens qui refusaient l’autorité des évêques. Pour
lutter contre eux, Saint Augustin réuni un concile à Carthage, en 411, qui prononça des peines
contre eux. Saint Augustin recommanda une certaine clémence vis-à-vis d’eux.
En 410, à lieu le sacre de Rome. Ce sacre suscite une vive émotion. Beaucoup de personnes
accusaient le christianisme d’être responsable de ce sacre parce que, disaient-ils, le Dieu des
chrétiens n’avait pas protégé la ville éternelle contre les vieilles divinités païennes. C’est ainsi
que Rome qui avait conquis l’univers a été assiégée. Contre cette interprétation, Saint Augustin
écrit l’ouvrage dénommé La Cité de Dieu dans lequel il réaffirme avec force l’autorité
spirituelle de l’Eglise. Il y prône en particulier l’autonomie de la sphère religieuse à l’égard du
pouvoir politique. Selon Saint Augustin, le monde est divisé en deux cités distinctes et
antagoniques qui sont tenues de coexister dans la société humaine. Ainsi, inaugure-t-il une
pensée politique nouvelle où fusionnent des éléments venants de deux sources jusqu’alors
totalement indépendantes. La cité de Dieu propose à la fois une théologie de l’Histoire et une
philosophie politique. Elle contient une doctrine qui aura des conséquences immenses sur la
pensée politique chrétienne. Pour lui, l’Homme se définit d’abord par l’amour. De toute façon,
la justice chrétienne est supérieure à la justice naturelle défendue par les romains. La doctrine
d’Augustin fut en effet rapidement l’occasion d’un contre-sens : celui de permettre à certaines
théories politiques la prééminence du pouvoir spirituel sur le temporel ou tendant à identifier
cité de Dieu et Eglise catholique. Dans l’esprit de Saint Augustin, l’Etat ne devrait que
protection à l’Eglise. Si l’Etat a comme devoir de se subordonner aux fins de l’Eglise, cela ne
signifie pas que l’Eglise soit la seule à détenir la vérité.
Al Faraby et la Cité Vertueuse
Les religions révélées avaient inaugurées une nouvelle époque et instaurer un nouvel ordre
politico religieux. De ce fait, elles avaient mis la tradition philosophique grecque au défi
d’analyser et de rendre intelligible cet ordre fondé sur la prophétie, la révélation et la loi divine.
Et l’on peut soutenir qu’Al Faraby fut le premier philosophe majeur à relever ce défi:
« l’expansion des frontières politiques de la chrétienté durant l’époque des croisades permis
aux européens d’entrer en contact étroit avec l’Islam en Espagne, en Cécile et en terre sainte ».
Au 12ème siècle, le principal interprète islamique de Platon et d’Aristote avant Ibn Rush, fut au
Moyen-âge Abou Nasr Al Faraby qui vécut à Bagdad et en Syrie. Il écrit des commentaires de
La République et des Lois de Platon. Pour lui, l’objet de la science politique était de caractériser
les différents genres d’Etat et des dirigeants, et de rechercher les causes du bonheur ainsi que
les moyens de l’atteindre par l’exercice du gouvernement vertueux de la cité ou de la nation.
Parmi ses quelques œuvres, on peut citer : La cité vertueuse, Le Gouvernement politique, La
philosophie de Platon, L’atteinte du bonheur.
Ibn Cima, Ibn Tufal (ils étaient aussi des penseurs musulmans)
LA RENAISSANCE
Elle commence à la fin du Moyen-âge. Elle provoque un afflux d’érudits et d’écrits en Europe.
En effet, les européens trouvent de nouvelles voies pour accéder à l’Inde et à ses épices. C’est
ainsi que Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492.
Les portugais quant à eux, tentent d’accéder aux Indes en passant par le Cap de Bonne
Espérance.
Au 15e siècle, on redécouvre les textes originaux des anciens. C’est la redécouverte de Platon
et de son esprit libre de discussion. On critique Aristote qui apparait alors trop systématique,
incompatible avec la pensée inventive de l’époque. Toutefois, il n’y a pas de rupture soudaine
et complète avec le Moyen-âge.
Le complet amoralisme de la vie politique : pour machiavel, la morale ne concerne que la vie
privée. Dans la perspective de l’action politique, la morale ne tient pas et la fin justifie les
moyens. Toutefois, il considère que le gouvernement juste est honnête et beaucoup plus efficace
car une telle attitude accroit son pouvoir. Mais il peut arriver que les vices et la mauvaise foi
soient nécessaires et efficaces. Orienté vers l’efficacité politique et refusant toute
compromission morale, Machiavel expose froidement les principes qui devraient régler
l’exercice du pouvoir. C’est pourquoi, il se détourne des humanistes chrétiens et surtout des
humanistes de la Renaissance qui préfèrent puiser leur inspiration chez les auteurs d’Athènes
comme Cicéron et Sénèque et soumettent le pouvoir politique aux exigences de la morale. Pour
eux, le pouvoir doit être juste, équilibré, doux et bienveillant. La tyrannie doit être combattue.
Machiavel n’est pas un moraliste. Il dénonce les humanistes qui se concentrent sur un
gouvernement idéal alors qu’il faut considérer les réalités existantes. L’amoralisme
machiavélien s’explique par sa conception très pessimiste de la nature humaine : les Hommes
sont naturellement méchants, égoïstes, envieux, vicieux, perpétuellement mécontents, assoiffés
d’honneur, crédules, ingrats, perfides etc. Et il est impossible de les faire changer. C’est une
vérité d’expérience. Tous les Hommes sont méchants et disposés à faire usage de leur perversité
toutes les fois où ils en ont l’occasion. Pour Machiavel, la fin de la politique, c’est la puissance ;
ceci pour l’Etat comme pour l’individu. Pour réussir en politique, il faut avoir de la Vertu (de
la force, de l’habilité). On peut alors réaliser l’accomplissement de soi sur le modèle de
l’antiquité romaine. Mais cela n’est pas à la portée de tous. Tous les Hommes ne disposent pas
de cette vertu.
Pour Machiavel, l’objectif de la politique, c’est la puissance, le désir de domination qui est
l’essence même de la nature humaine. Aussi, la guerre doit-elle être l’instrument quasi principal
de la politique. Machiavel étudie l’exercice du pouvoir. Il explique comment on se l’approprie
et comment le maintenir. Dans Le Prince, Machiavel fait l’éloge des pires procédés politiques.
Il recommande de faire soi-même ce qui attire la reconnaissance et de faire faire par les autres
ce qui peut attirer la rancune. Pour Machiavel, les qualités que le prince doit avoir sont par
exemple l’art militaire (faire de l’art de la guerre son unique étude et sa seule occupation. C’est
là proprement la science de ceux qui gouvernent). Il doit user de la ruse. Les qualités qui font
louer ou blâmer les Hommes ne sont pas celles qu’ils ont réellement, mais celles qu’ils
paraissent avoir. Machiavel conseille aussi au Prince de donner une image de nous-même qui
assure le soutien de la population.
Jean Bodin est l’un des principaux théoriciens de l’Etat moderne. Il est l’un des tout premiers à
utiliser ce mot dans son sens moderne, même s’il lui préfère le terme de « république » et
souvent parle de « puissance absolue », « puissance souveraine » ou « puissance suprême ».
Jean Bodin élabore une théorie politique cherchant à identifier « l’essence » du pouvoir non
dans une cosmologie ou une théologie, mais dans l’ordre politique lui-même. Cette notion
constitue le pivot de cette théorie de l’Etat. L’Etat souverain ne désigne plus simplement une
puissance non vassale, mais un principe supérieur de commandement lié à l’idée de puissance
publique. Ainsi, donne-t-il à l’Etat un fondement juridique et un caractère universel. Bodin pose
à cet égard les jalons intellectuels qui influenceront la philosophie politique moderne.
C’est également l’histoire de la lente érosion des croyances traditionnelles et des vérités de
l’Eglise.
C’est la découverte. Elle est aussi l’histoire de la découverte de l’individu comme sujet pensant
(Descartes) auquel sont reconduits désormais une autonomie morale(Kant) et une capacité à
résonner(Hegel).
Au cours du 17e siècle, c’est du côté de l’Angleterre, dans l’œuvre de Thomas Hobbes (1588-
579), qu’il faut chercher la contribution la plus originale à la théorie de l’Etat absolutiste. Cette
théorie, à l’instar de machiavel et de Bodin, apporte une pierre essentielle à l’édifice
philosophique moderne. Hobbes se démarque radicalement du discours théocratique et expose
un projet politique récupérant l’idée de pacte social popularisé par le juriste hollandais, Hugo
Grotius.
L’absolutisme chez Hobbes, trouve sa principale justification dans une vision très pessimiste
de la nature humaine. L’Homme de Hobbes est fondamentalement égoïste, jaloux, violent et
dénué de bonté. Il est naturellement porté au conflit.
La société ne peut donc que sombrer dans le désordre et la guerre lorsqu’elle est laissée à elle-
même. Les Hommes sont tous mus par les mêmes désirs de décider seul ce qui est bon pour
eux. Ils ont tous envie de mener une vie agréable et de jouir d’avantages supérieurs à ceux des
autres. Selon Hobbes, l’individu est animé par trois passions qui l’incitent à la querelle et le
poussent sans cesse à prendre « l’offensive » afin d’accroitre ses avantages, sa sécurité et sa
réputation : la rivalité, la méfiance et la fierté. Cette situation dans laquelle se trouve l’être
humain avant d’entrer dans la société est par conséquent selon Hobbes, « l’état de nature ». La
vie dans l’Etat de nature, mène inévitablement à la guerre de chacun contre chacun. Chacun est
l’ennemi de chacun. Dans ce monde sans lois, la violence et la ruse sont les deux « vertus
cardinales ». La justice et l’injustice n’y ont aucune place. Les Hommes vivent dans la crainte
permanente de la violence car ils risquent à tout moment la mort.
Pour Hobbes, c’est l’angoisse de la sécurité qui peut sauver l’Homme. Aussi, recourt-il à l’idée
de contrat social. Cette théorie rompt avec les discours traditionnels sur la suprématie royale et
sur la monarchie absolue. Selon cette théorie, la société est le résultat d’un pacte d’association
passé entre les Hommes. Hobbes fait un usage tout à fait nouveau de l’idée de contrat. Il s’en
sert pour justifier le pouvoir absolu du souverain. Pour Hobbes, les Hommes, sortis de l’Etat de
nature, s’organisent en communauté politique et se donnent un pouvoir commun leur permettant
de vivre en paix. C’est grâce à ce pouvoir appelé « souverain ou Léviathan » que la multitude
divisée des Hommes peut s’unir et devenir un peuple. Et cette union incarnée par le pouvoir
souverain est appelé « République ». Hobbes ne peut concevoir l’unité politique sans la
soumission au pouvoir souverain. Autrement dit, le contrat est l’acte par lequel les individus
renoncent volontairement à se gouverner eux-mêmes et échangent leur liberté naturelle contre
la sécurité collective et la garantie de la paix.
Hobbes considère que le renoncement à l’Etat de nature est total et définitif. Le contrat permet
en effet de fonder uniquement le pouvoir du souverain qui est sans limites, dans la mesure où
il garantit la sécurité des citoyens.
Hobbes respecte la religion, mais refuse l’existence d’un pouvoir spirituel autonome. Il refuse
la distinction du spirituel et du temporel parce que cela institue une double loyauté qui divise
le corps politique. Pour lui, le devoir de l’Eglise est de se placer sous l’autorité du souverain.
Généralement, la pensée de Hobbes parait pousser à l’extrême l’idée absolutiste. Cette idée sera
condamnée comme une apologie de la tyrannie par les philosophes éclairés du 18e siècle.
Cependant, elle n’en pose pas moins quelques jalons de la modernité politique :
L’état de nature est un état d’égalité et de liberté parfaite entre les Hommes. Contrairement à
Hobbes, John Locke ne conçoit pas l’état de nature comme un état de guerre universel car il y’a
une loi naturelle qui conduit à respecter les droits d’autrui en ce qui concerne sa santé, sa liberté
ou ses biens. La raison nous commande non seulement de préserver notre existence mais
également de préserver toute l’humanité.
Dans l’état de nature, les Hommes disposent de deux pouvoirs naturels : celui d’assurer leur
propre conservation et celle des autres, celui de punir les crimes commis contre la loi de la
nature. C’est l’existence d’un juge commun investi de l’autorité pour appliquer la loi qui
caractérise la société civile.
John Locke considère que le vrai fondement du pouvoir politique est la défense de la propriété
privée. Par le contrat social, les Hommes transfèrent entre les mains de la communauté les
pouvoirs naturels. Telle est l’origine respectivement du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Conformément à la démocratie, il estime que la société politique devra obéir à l’accord du plus
grand nombre. Ainsi présente-t-il une théorie de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif
tout en établissant la supériorité de ce dernier en tant qu’il est source de la loi. Cette théorie
libérale de la séparation des pouvoirs, de la limitation de la souveraineté, de la résistance du
peuple au pouvoir arbitraire, fonde le pouvoir politique sur un trust (consensus) qui conduit à
rejeter tout absolutisme et à promouvoir un gouvernement modéré. Cette conception modérée
servira longtemps de modèle aux penseurs libéraux tant au 18e siècle qu’au siècle suivant.
Montesquieu n’étudie pas les faits de la politique et de l’Histoire en théologien, mais en savant
qui revendique le droit de penser leurs nécessités propres indépendamment d’un autre
transcendant religieux.
La science du politique ou sociologie politique avait pour ambition d’embrasser dans son regard
non seulement les institutions mais également la religion et la morale, lesquelles tenaient leur
autorité de la nature, de la révélation divine.
Le gouvernement républicain est celui où le peuple encore, ou seulement une partie du peuple,
a la souveraineté populaire.
Le monarchique : celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies au lieu que dans
le système despotique, un seul sans lois et sans règles, entraine tout par sa volonté et ses
caprices.
Montesquieu distingue la nature du gouvernement (ce qui le fait être tel) ou le mode d’exercice
du pouvoir et le principe du gouvernement (ce qui le fait agir) ou la passion politique(le ressort
ou le principe propre à chaque espèce de gouvernement varie). C’est la vertu pour le
gouvernement démocratique (républicain), l’honneur dans la monarchie, la crainte dans le
gouvernement despotique.
Pour Montesquieu, « dans un Etat ou dans une société où il y’a des lois, la liberté ne peut
consister qu’à vouloir faire ce que l’on doit vouloir et n’y être pas contraint de faire ce que l’on
ne doit pas vouloir…»
La liberté est inséparable de la loi qui la délimite et la définit. Montesquieu ne conçoit nullement
la liberté comme la protection des droits subjectifs individuels. Ce qui assure la liberté, c’est la
limitation du pouvoir et la modération. C’est pourquoi il a distingué trois pouvoirs. Cette théorie
célèbre, connue sous le nom de la séparation des pouvoirs, signifie la modération et l’équilibre
des pouvoirs. Le but est d’empêcher que les pouvoirs soient concentrés entre les mains d’un
seul, de prémunir la société contre tout danger de tyrannie et de protéger la liberté des citoyens.
Il n’y a que de pouvoir modéré que s’il est limité par un autre pouvoir selon le principe cher à
Montesquieu : « le pouvoir arrête le pouvoir ». Toutefois, ce principe n’est pas aussi absolu
qu’on a pu le prétendre. En réalité, Montesquieu admet parfaitement certaines formes de
combinaison des pouvoirs :
- le pouvoir de faire des lois aux mains de l’exécutif qui ne fait pas pourtant sombrer le
gouvernement dans le despotisme alors que d’autres formes (l’union de l’exécutif et de
judiciaire sont au contraire formellement prescrites).
Ce que l’on appelle aujourd’hui le libéralisme ne constitue pas un courant doctrinal unifié. Le
libéralisme désigne une sensibilité philosophique qui prend sa source dans l’Angleterre de la
fin du 17e siècle et se développe au 19e ème siècle, sous l’impulsion de plusieurs auteurs.
La genèse de la notion
La notion du libéralisme est postérieure aux premières œuvres qui donnent naissance à la
tradition libérale. Ce terme apparait au moyen âge, mais avec un sens bien différent de la
signification moderne et contemporaine. Au moyen-âge, le terme évoque la générosité.
L’Homme libéral est capable de se « libérer » des « libéralités ». On parle dans ce sens « d’arts
libéraux » pour désigner dans le domaine des connaissances savantes tous les savoirs qui font
appel à la raison humaine et ont une utilité pratique.
Le mot prend son sens actuel sous la plume de Mirabeau et de Jefferson au 18e siècle. Pour ces
derniers, « libéral s’oppose à despotique ». Il désigne toute attitude favorable à la défense des
libertés individuelles et politiques.
La pensée libérale se retrouve autour d’une intuition majeure : la société est d’autant plus juste
et harmonieuse qu’elle reconnait une étendue importante à l’autonomie et à la liberté de
l’individu. Il revendique le prima de la liberté individuelle sur les autres valeurs et refuse toute
forme de contrôle exercée par la collectivité sur l’être humain dans les domaines économique,
politique et religieux.
Les philosophes libéraux s’appuient sur un socle commun qui est la primauté de l’individu,
laquelle se décline en trois grandes revendications :
- Les libéraux préfèrent le principe de liberté à celui d’autorité. Ils ne sont pas hostiles à
l’ordre, mais celui-ci n’a d’autre légitimité que de protéger la liberté de l’individu. La
liberté est le droit de tout être humain à l’autonomie et à la sécurité, à l’expression libre
des pensées et des opinions, à la propriété et à l’initiative privée. A cet égard, la liberté
s’appuie sur une éthique de responsabilité ;
- Les libéraux considèrent que la vie privée a une valeur supérieure au but poursuivi par
la société dans son ensemble. Toutes les institutions collectives ne peuvent avoir
d’autres buts que de protéger la vie privée ;
- Il appartient aux individus de mettre en œuvre les moyens de contrôler et de limiter tous
les pouvoirs, de façon à protéger les droits des individus contre les abus d’autorité,
contre les systèmes politiques autoritaires.
Le doute sur les fins du pouvoir civil
A l’origine, la pensée libérale est guidée par une motivation politique : protéger les libertés
individuelles contre le pouvoir arbitraire de l’Etat.
Locke, Montesquieu, Tocqueville, expriment un doute sur les fins du pouvoir civil à la question
classique « le gouvernement politique est-il conforme à l’ordre immual, naturel et divin
reproduit par la tradition des Hommes ? Le gouvernement politique est-il conforme aux buts
que se fixe la société et aux valeurs qui l’inspirent ? »
Les premiers libéraux refusent l’argumentation juridique selon laquelle l’Etat est défini par ses
caractéristiques internes. Ainsi, invitent-il à ne pas reproduire l’ordre existant, à ne pas accepter
la domination de l’Etat comme une fatalité. Cette approche était déjà présente chez les
théoriciens du contrat social. Le but du contrat social n’est-il pas de permettre aux Hommes de
réaliser ce qui est bon pour eux ? Avec les penseurs libéraux, l’association politique n’a pas
pour seul but objectif de protéger l’Homme du despotisme, mais de lui permettre de réaliser
pleinement son existence.
Les grands principes du libéralisme politique
De manière générale, le libéralisme politique reste largement imprégné par le souci de protéger
l’Homme contre les abus du pouvoir qui repose sur cinq grands principes fondateurs :
1. Le refus de l’absolutisme
Pour les premiers libéraux, le pouvoir absolu de l’Etat est le terrain du despotisme.
Pour imiter l’arbitraire politique, il faut d’une part empêcher la concentration du pouvoir au
sein de l’Etat. D’autre part, protéger les différents « corps intermédiaires » formant la société
hors de l’Etat.
L’Homme est libre en effet lorsqu’il n’est pas inquiété par l’Etat. Au 19e siècle, la liberté est
élargie à l’ensemble des droits naturels et à la révolution française, aux droits civiques.
Toutefois, dans les premières théories libérales, elle est étroitement associée à deux
problématiques centrales. Tout d’abord, elle est liée à la sécurité et à la propriété. Ensuite, la
liberté est liée à la liberté religieuse. A la suite de la réforme protestante, le libéralisme insiste
sur le droit du « for intérieur ».
3. Le pluralisme
4. La souveraineté du peuple
Le libéralisme politique est une pensée moderne en ce qu’il considère le pouvoir civil comme
ne relevant pas du gouvernement de Dieu mais, reste une affaire proprement humaine.
Mais, son exercice ne doit pas être confié au peuple. Cette thèse permet avant tout de contester
la thèse du droit divin aux 17e et 18e ème siècle.
En 1789, elle permettra d’abattre l’ancien régime. Mais, il faudra attendre le 19e ème siècle
pour que la pensée libérale s’insère réellement dans la pensée démocratique.
Les représentants sont les délégués de la société dans l’Etat. Le pouvoir s’exerce sous le
contrôle de ceux qui lui obéissent. Telle est la première condition pour que s’instaure un régime
modéré interdisant à l’Etat de dépasser ses prérogatives.
Ces cinq principes du libéralisme politique forment ce que certains historiens des idées
politiques appellent le libéralisme constitutionnel. Les différentes théories qui, à la suite de la
révolution anglaise, aspirent à lutter contre le despotisme monarchique par une transformation
de son architecture institutionnelle grâce à une organisation de l’Etat privilégiant le pluralisme
et la séparation des pouvoirs, protégeant les libertés civiles et politiques.
Sans conteste, John Locke et Montesquieu constituent des pères fondateurs de cette approche
libérale, convaincus de la nécessité de limiter le pouvoir civil, de respecter la loi et la distinction
des pouvoirs.
Le 18e siècle constitue un moment clé dans l’histoire des idées politiques durant lequel s’opère
définitivement le basculement du système philosophique ancien vers la pensée moderne. Au
18e siècle, un nombre croissant de philosophes pour la plupart de grands bourgeois résolus à
s’émanciper des anciennes tutelles, commencent à braver la censure royale et à prononcer
l’idéal de la liberté.
Ce mouvement des lumières est commun à l’ensemble de l’Europe mais se décline sous une
constellation d’œuvres et de mouvements d’une grande diversité.
D’une part, de multiples sensibilités cohabitent au sein de chaque pays. D’autre part, les
nouvelles philosophies varient sensiblement selon les traditions nationales. Les lumières
françaises par exemple, répandent très tôt un scepticisme religieux. Ce scepticisme religieux
conduit à l’affrontement entre philosophes et tenants de l’orthodoxie chrétienne.
Malgré cette diversité, un certain nombre d’attitudes intellectuelles caractérisent le 18e siècle
(siècle de la modernité) ;
-D’une manière générale, l’esprit critique gagne toute l’Europe. Le doute qui ne s’exerçait au
18e siècle que dans le domaine des sciences, est désormais la clé de toute philosophie et pensée
critique ;
- Le siècle des lumières de l’Europe éclairée est caractérisé entre autres par une attitude nouvelle
des philosophes face à la liberté. Il voit émerger la figure nouvelle de l’intellectuel libre.
Au total, la philosophie des lumières rayonne par son optimisme. Elle est le terreau d’un nouvel
humanisme. Le philosophe Kant en donnera une définition célèbre en 1784 : « les lumières sont
ce qui fait sortir l’Homme de la minorité dont il est lui-même responsable. La minorité consiste
dans l’incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui… Sapere
aude, aies le courage de te servir de ta propre intelligence…Voilà donc la devise des lumières.»
Le combat contre les préjugés, les superstitions religieuses et l’obscurantisme, n’ont de sens
pour les lumières que s’ils permettent de forger une société plus juste. L’objectif de la nouvelle
philosophie éclairée est de mettre la connaissance au service d’une réforme globale de la
société, de ses mœurs et de ses lois. La nouvelle philosophie des lumières pense d’une façon
optimiste que l’accès à la raison ouvre la voie de la liberté. L’Homme peut accéder à la raison
et vivre pleinement son existence et l’attrait pour la liberté d’esprit donne naissance à l’idée de
bonheur.
Dans la doctrine chrétienne, la vie terrestre ne connait son sens que dans le rapport à la vie
éternelle. Ce lien intime entre la liberté et le bonheur est présent dans les œuvres de la plupart
des philosophes des lumières.
Malgré l’ambition émancipatrice portée par les nouvelles valeurs du siècle, la plupart des
penseurs des lumières demeurent profondément élitistes, se méfiant de l’intempérance et de
l’ignorance du peuple. Le peuple, parce qu’il est composé d’ignorants soumis aux appétits les
plus vils, est incapable de s’élever au niveau de la raison. Il tombe dans l’excès dès qu’on lui
reconnait quelque autorité et menace la paix sociale.
Les philosophes des lumières ne prônent pas cependant la révolution. Ils ne proposent pas
d’abattre la société féodale, mais ils ambitionnent de la réformer en profondeur en supprimant
les privilèges et la division en ordres (classes), fondement de l’inégalité dans la société d’ancien
régime. Les philosophes éclairés condamnent donc les règles injustes, les distinctions
héréditaires et promeuvent une inégalité de naissance. Ils posent ainsi les jalons d’une pensée
politique sociale égalitaire que les révolutions américaines et françaises de la fin du 18e siècle
se chargeront de prolonger dans le champ des idées politiques à travers l’idée rousseauiste
d’égalité citoyenne.
Les ténors du projet sont Denis Diderot pour la partie lettres et pour la partie scientifique, le
mathématicien Jean Lerond Dalembert (1717-1783). Ce projet rassemble une pléiade de grands
esprits comme Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Quesnel etc.
L’individualisme philosophique
L’individualisme s’enracine dans une tradition libérale qui puise ses sources dans les œuvres
de John Locke, père d’un libéralisme politique soucieux de défendre les droits de l’individu
face à l’Etat et celles d’Adam Smith, inspirateur d’un libéralisme économique favorable au
libre-échange. Cette pensée anglo-saxonne reçoit sa cohérence intellectuelle de la philosophie
utilitariste de Jeremy Benthan.
L’utilitarisme avance un principe qui devient le cœur de la pensée libérale : la satisfaction des
plaisirs individuels est le gage du plus grand bonheur collectif. Ainsi, l’intérêt individuel, non
seulement précède celui de la communauté, mais le détermine. En France par exemple, la
promotion de l’individu se fait dans le sillage de la philosophie rationaliste, laquelle repose sur
la capacité de l’Homme de s’affranchir des illusions métaphysiques et de vivre librement.
La pensée philosophique du 18e e siècle, emprunte en France la voie de l’universalisme. La
réflexion philosophique française recherche sans cesse la conciliation entre le particulier et
l’universel. Comment concevoir l’humanité dans son ensemble à la lumière de la nouvelle
conception de l’individu. Pour y répondre, la philosophie du 18e siècle s’appuie largement sur
l’idée de contrat social, après Rousseau. Dans cette perspective, la société est perçue non plus
comme une communauté naturelle, mais comme un rassemblement d’individus ayant choisis
de vivre ensemble.
Pour Diderot comme pour Rousseau, l’excès d’individualisme engendre inévitablement des
inégalités et exacerbe des égoïsmes. De cette conciliation entre l’individu et le bonheur
commun, émergent des idées de fraternité et de solidarité qui seront au cœur du discours
révolutionnaire de 1789.
Mais, les lumières françaises ne se contentent pas de concilier l’individualisme avec les
exigences de la vie sociale et politique. Elles portent la très haute ambition de diriger l’humanité
toute entière vers la liberté et le bonheur en mettant l’Homme de raison au cœur de ce projet.
Les lumières inaugurent le temps du despotisme éclairé, temps caractérisé par le mariage du
pouvoir et de la philosophie. La philosophie des lumières veut sortir l’humanité des fers de
l’obscurantisme et, par l’éducation, la guider vers la vérité. Ainsi, les philosophes n’hésitent
pas à devenir conseillers du pouvoir pour faire triompher leurs idéaux. Cette alliance de la
philosophie et du pouvoir politique, donne naissance au mouvement constitutionnaliste qui
renforce le goût pour la liberté et l’égalité. De plus en plus, les intellectuels du 18e siècle,
n’hésitent pas à se prononcer sur les réformes constitutionnelles et sociales. L’amélioration de
la condition humaine est placée au cœur des préoccupations politiques.
La plupart des philosophes considèrent que la loi humaine est un rempart contre le despotisme.
Malgré les grandes déclarations sur la liberté, la tolérance et le soutien des philosophes de
renoms, l’expérience des monarchies éclairées ne résiste pas à la tentation du pouvoir. Malgré
les appels à la raison, l’absolutisme ne disparait pas au 18e siècle. En France par exemple, la
monarchie absolutiste trouve des appuis intellectuels du côté des physiocrates. Ceux-ci se
désintéressent de la nature du régime. Leur projet est essentiellement économique. Ces derniers
s’opposent aux théories qui souhaitent limiter le pouvoir du monarque. La préférence va à un
despotisme légal c’est-à-dire un pouvoir fort mais non tyrannique qui respecte les lois
naturelles.
Cependant, alors même que le siècle des lumières continue d’être soumis aux jougs des
monarques absolus, les deux ingrédients de la révolution française, le goût de la liberté et
l’aspiration à l’égalité, sont en germe. Il ne faudra qu’une étincelle en 1789 pour que la force
montante (la bourgeoisie) qui défend les idées nouvelles, provoque l’effondrement de l’édifice
social et institutionnel de l’ancien régime.
Sans aucun doute, la révolution de 1789 se distingue des révolutions anglaise et américaine par
le rôle central qu’a pu y jouer l’aspiration à l’égalité.
Les révolutionnaires français furent les premiers à avoir tenté de justifier dans une proclamation
universelle l’idée que le pouvoir puisait toute sa légitimité dans la volonté du peuple.
Certes, aux premières heures de la révolution française, les députés de la constituante, dans leur
grande majorité, sont franchement hostiles à la participation directe des masses au
Gouvernement. Néanmoins, ils proclament solennellement la souveraineté du peuple dans le
but politique de justifier la rupture avec la société d’ancien régime.
Plus tard, l’acceptation du principe d’une république populaire, justifie la limitation des
pouvoirs royaux en 1791, 1792 et 1793.
La proclamation de la souveraineté populaire est d’une portée politique bien plus grande que la
thèse du contrat. Elle rompt définitivement avec la théorie bodinienne de la souveraineté. En
effet, selon cette dernière, le pouvoir souverain réside dans l’Etat, puissance suprême classée
au-dessus de la société. Bodin assimile de facto la souveraineté à la personne du roi, incarnation
vivante de l’Etat.
La première désigne tous les corps qui sont reconnus par la couronne et, par conséquent, sont
représentés dans le royaume. Le second n’est que la multitude grégaire, vile et méprisable. La
nation acquiert ainsi un caractère politique. Elle existe par son lien avec la puissance
monarchique.
Le mot « nation » acquiert son sens moderne au 18e siècle et est désormais associé au peuple.
Il désigne la communauté vivant sur le même territoire et soumise à la tutelle d’un même
pouvoir.
L’idée de nation entre réellement dans le discours politique à la veille de la révolution française.
En proclamant la souveraineté de la nation, les députés reformulent en termes nouveaux le
principe de la souveraineté, de la volonté générale chère à Rousseau.
L’idée d’une nation indivisible permet aux révolutionnaires de rompre avec les valeurs d’une
France monarchique. Pour les représentants du tiers Etat issus de la bourgeoisie, la priorité est
d’abattre les frontières symboliques entre les corps (classes) et de transférer la souveraineté du
roi vers le peuple.
Dans la conception des lumières, la lutte contre l’injustice est une question morale. La justice
ne dépend plus de la volonté de Dieu, mais elle concerne les individus dans leur rapport à la
société.
La déclaration française du 26 Août 1789, n’est pas la plus ancienne. Elle est précédée dans
l’Histoire par d’autres textes : la magna carta(1215), la petition of rights (1629), l’habeas
corpus(1679), le bill of rights(1688). Toutefois, elle est la plus importante par son
retentissement international. Elle vise à transformer les droits inscrits dans la nature en lois
positives afin que leurs valeurs soient publiquement et universellement reconnues.
La grande innovation de la déclaration française, opère une synthèse entre la liberté et l’idée
moderne d’égalité.
L’égalité est la condition nécessaire pour rompre avec la société traditionnelle où privilèges et
distinctions assuraient la prééminence politique de la noblesse.
La déclaration de 1789 énumère plusieurs principes qu’elle entend faire entrer dans le droit
positif. Dans son article 2, elle énonce tout d’abord les droits essentiels de la personne (la liberté,
la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression). De la liberté comme valeur centrale,
découle tout un ensemble de droits dérivés.
Toutes les libertés proclamées sont censées faire obstacle à la violence exercée sur le corps (par
la police) et sur la raison (la censure).
La propriété est considérée comme une condition de la liberté. Droit inviolable et sacré, sa seule
limite réside dans la nécessité publique.
La déclaration de 1789 défend aussi le principe d’égalité pour justifier la rupture avec la société
d’ancien régime. L’égalité n’est pas un droit imprescriptible, mais un idéal philosophique et
politique perçu comme une condition nécessaire pour protéger les autres droits. Certes, l’Etat
doit interdire les inégalités injustes (celles qui ne profitent qu’à la minorité qui domine
arbitrairement la société), mais il n’a pas vocation à gommer les inégalités naturelles.
La première fonction du pouvoir politique est la protection des droits naturels. Le but de toute
association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme
(article 2 de la déclaration).
Cependant, dès le milieu du 19e ème siècle, la déclaration est critiquée dans les milieux
socialistes et ouvriers pour son caractère abstrait et son incapacité à combattre les injustices
économique et sociale.
Contrairement aux droits-libertés qui protègent les individus contre l’empiètement de l’Etat, les
droits-créance (économiques et sociaux) impliquent une intervention de l’Etat pour corriger les
inégalités. Ainsi, les droits de 1789(droits-liberté) ont été progressivement complétés par une
seconde génération de droits sociaux. Les droits sociaux se distinguent des droits naturels en ce
qu’ils ne sont pas rattachés à une intemporelle nature humaine. Ce sont des droits « situés »(qui
se dégagent de l’état des rapports sociaux) qui doivent profiter à des catégories sociales
identifiées et « positifs »( leur réalisation requiert une intervention active des autorités
publiques).La reconnaissance constitutionnelle de tels droits sociaux dans le contexte favorable
de l’Etat providence, consacre l’idée que « la démocratie politique » proclamée par les droits
du citoyen de 1789 ne peut être approfondie que si celle-ci est accompagnée d’une « démocratie
sociale » dans laquelle tous les individus doivent pouvoir subvenir à leurs besoins essentielles.
Du gouvernement représentatif
Pris dans l’élan révolutionnaire, les élites du tiers-Etat, réunis en Assemblée Nationale,
abolissent les privilèges et proclament la souveraineté populaire. Une fois cela réussi, le travail
constitutionnel qu’ils entreprennent ne peut éviter une question épineuse : quelle place doit-on
accorder à la volonté générale dans la nouvelle constitution ?
Pour rompre avec l’ancien régime, les constituants sont enclins à faire du peuple la source du
pouvoir. Les députés bourgeois doivent concilier deux idées contradictoires :
2. La volonté de défendre une conception de leur politique qui protège le rôle des élites
représentatives dans la conduite des affaires publiques
Rappelons que l’idée de nation en 1789 est essentiellement de faire « descendre la souveraineté
du ciel vers la terre », de faire chuter la monarchie et le système féodal.
Acquises aux idées de Locke et de Montesquieu, les élites bourgeoises réclament l’abolition
des privilèges et une meilleure représentation face au roi. En 1789, elles insistent sur la mise en
place d’un système parlementaire et s’arrogent le pouvoir constituant.
Un grand nombre de députés sont les représentants des lumières et pensent que la politique doit
être guidée par la raison. Pour eux, l’instruction est la condition indispensable du bon
gouvernement.
En France, par exemple, Le Marquis, Le Condorcet, L’abbé Sieyès, Antoine Barnave, sont des
ardents défenseurs de la bourgeoisie élitiste. Pour les révolutionnaires, seuls les élus disposant
d’un certain niveau de richesse et d’instruction, peuvent gouverner, puisqu’ils ont fait preuve
de leur capacité supérieure (par leur réussite sociale). Ils ont le temps nécessaire pour se
consacrer aux affaires publiques (grâce à leur rente) et n’ont aucun intérêt à défendre leur intérêt
égoïste.
Pour concilier la revendication de légitimité populaire et l’élitisme, les Hommes de 1789
recourent à la distinction intellectuelle entre le peuple et la nation. Le résonnement de Sieyès
sur la théorie de la souveraineté nationale, est construit en deux temps : l’un philosophique,
l’autre politique.
Au plan philosophique, le peuple est divisé et ne présente pas un visage unitaire. Cette
hétérogénéité le rend indicénale. Hors, la souveraineté suppose l’unité. Sieyès propose alors de
considérer le peuple non pas dans sa dimension sociologique, mais comme une personne morale
qu’il appelle « nation ». Incarnation symbolique du peuple, entité abstraite et imaginaire, la
nation ne reflète pas la diversité sociale. Elle est une totalité homogène distincte du peuple réel
et peut devenir ainsi le corps politique de la société.
Au plan politique, la nation étant une personne morale dénuée d’existence physique, elle ne
peut exister concrètement que par l’intermédiaire des représentants chargés d’agir en son nom.
La nation et la représentation, sont les deux formes consubstantielles d’un même projet
politique. Ce sont les représentants qui font exister la nation et non l’inverse. La théorie de la
souveraineté populaire est remplacée par la théorie de la souveraineté nationale édifiée en 1789
et qui devient la source d’inspiration des constitutions de 1789, 1791, 1795 et 1799.
Selon Sieyès, la souveraineté n’appartient pas au peuple, mais à la nation qui l’exerce pas la
voie de ses représentants. Elle réside donc dans la collectivité toute entière prise dans sa totalité
et dans sa permanence. Ce sont les thèses de Montesquieu et non celles de Rousseau qui
s’imposent. L’esprit des lois, 1748, souligne cependant : « le peuple est admirable pour choisir
ceux à qui il doit confier quelque partie de son autorité ». Mais, il rappelle également que le
régime du plus grand nombre est dangereux parce que « le peuple saura-t-il conduire une affaire,
connaitre les lieux, les occasions, les moments, en profiter ? Non ! Il ne le saura pas…Le peuple
n’est pas propre à gérer lui-même ». Dès lors, l’aristocratie se prononce clairement en faveur
du gouvernement représentatif. Au total, la conception avancée par les bourgeois libéraux est
fort habile. D’un côté, elle met à l’écart la personne du roi en proclamant la souveraineté de la
nation. De l’autre, elle retire le pouvoir au peuple en attribuant la souveraineté à une personne
morale ne pouvant s’exprimer et agir que par la voix de représentants. En pratique, le
gouvernement représentatif débouche sur la souveraineté des représentants. Ils portent au
pouvoir une « aristocratie élective » (Olivier Nay).
Sur un plan philosophique, l’élection suppose de la part des citoyens un acte de volonté, un
engagement civique. Elle donne une grande légitimité au pouvoir car elle exprime clairement
la volonté consentante de chaque citoyen de participer à la société politique.
Dans la théorie du gouvernement représentatif, la fonction des représentants est d’agir au nom
de la nation toute entière, en traduisant la volonté générale en lois. Hors, la nation étant une
personne morale indivisible, les députés ne peuvent l’incarner que de façon collective. C’est
l’Assemblée, prise dans son ensemble, qui représente la nation. Deux conséquences importantes
en découlent :
1. Tout député, chaque député, pris individuellement, ne représente pas les électeurs qui
l’ont élu, mais la nation toute entière. Il ne doit pas nouer des liens particuliers avec les
citoyens de sa circonscription ;
2. Le député n’est pas lié par la volonté du corps électoral. Il n’est pas tenu de suivre les
exigences des électeurs car il n’est pas investi d’un mandat impératif. Son mandat
représentatif lui garantit entre deux élections, une autonomie de choix vis-à-vis des
citoyens.
FIN