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http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RSR&ID_NUMPUBLIE=RSR_061&ID_ARTICLE=RSR_061_0053
2006/1 - Tome 94
ISSN 0034-1258 | pages 53 à 76
1. Bien que datant de plus de vingt ans, on trouvera une très bonne illustration
des conséquences du linguistic turn pour la théologie dans la réflexion de
G. LINDBECK, The Nature of Doctrine. Religion and Theology in a Postliberal Age, West-
minster Press, Philadelphia, 1984, récemment traduite en français : La nature des
doctrines. Religion et théologie à l’âge du post-libéralisme, Van Dieren, Paris, 2003. Pour
une large discussion, œcuménique, de sa pensée, on pourra se référer en français à
M. BOSS, G. EMERY et P. GISEL (éd.), Postlibéralisme ? La théologie de George Lindbeck et
sa réception, Labor et Fides, Genève, 2004.
2. Habituellement il se sentira conforté par des mises au point classiques de
spécialistes de théologie fondamentale et d’histoire des dogmes, comme celles de
K. RAHNER et K. LEHMANN, Mysterium Salutis t. 3, Éditions du Cerf, Paris, 1969,
pp. 183-283.
des dogmes tels qu’ils furent formulés. Avec leurs anathèmes récipro-
ques, ils ont jadis cristallisé les ruptures de communion et les justifient
encore aujourd’hui. Il doit donc montrer ou bien que ces anathèmes 3 ne
touchaient pas le partenaire visé à l’époque, ou ne le touchent plus, tel
qu’il est devenu aujourd’hui. Aussi recourt-il habituellement à une her-
méneutique bien classique, d’ordre historique et systématique, sans se
confronter directement aux questions de la « post-modernité ».
Néanmoins, même dans ces limites, la démarche œcuménique peut
avoir un réel intérêt réflexif. Dans un paysage caractérisé par la surabon-
dance des théories de l’interprétation et par la misère de sa pratique, elle
est dans l’obligation d’interpréter. Elle ne peut aboutir sans mettre en
évidence la légitimité d’une pluralité théologique, et sans légitimer, par là
même, une certaine relativité des constructions conceptuelles. Elle doit
donc démontrer que pluralité et relativité sont compatibles avec l’inté-
grité de la foi, et même que cette dernière les exige. Quand la frontière
entre relativité et relativisme, entre pluralité et pluralisme apparaît fragile
à beaucoup, un consensus œcuménique doit relever ce défi. S’il y aboutit
de façon répétée, il pourra introduire une action en appel dans le procès
de dogmatisme fait au dogme.
Dans le difficile débat épistémologique actuel sur la dogmatisation et
sur l’interprétation des dogmes, ce bref essai s’abstiendra d’ajouter aux
théorisations existantes, préférant se référer à des interprétations en
cours, privilégiant l’une d’entre elles comme étude de cas, non sans
prendre acte de l’antinomie, souvent vivement perçue, entre la logique
œcuménique, si tard venue à la conscience catholique, et la logique
dogmatique qui a dominé presque toute l’histoire du christianisme
d’Orient et d’Occident.
1.1. Par son ouverture très récente à l’œcuménisme, l’Église catholique reconnaît
le besoin qu’elle a des autres chrétiens pour approfondir sa propre foi
XII confirme l’interdiction faite « aux laïcs comme aux clercs tant régu-
liers que séculiers » d’assister « aux réunions que l’on appelle œcuméni-
ques [...] sans le consentement préalable du Saint-Siège » 9. Quant au
fond, son encyclique Humani Generis (1950) rappelle : « Le Corps mysti-
que du Christ et l’Église catholique romaine sont une seule et même
réalité » 10. Encore en 1962, en son article 7, le premier schéma de
Vatican II sur l’Église énonce avec la même intransigeance : « L’Église
catholique est le Corps mystique du Christ [...] seule celle qui est catho-
lique romaine a le droit d’être appelée Église » 11.
Pourtant dès 1964, l’introduction du Décret sur l’œcuménisme prend
acte du fait que
En conséquence, Vatican II
exhorte tous les fidèles catholiques à reconnaître les signes des temps et
prendre une part active à l’effort œcuménique [...] où chacun explique à
fond la doctrine de sa communion et montre de façon claire ce qui la
caractérise [pour que] tous acquièrent une connaissance plus véritable, en
même temps qu’une estime plus juste de l’enseignement et de la vie de
chaque communion (UR 4),
1.2. Tous les chrétiens ont hérité des aspects chrétiennement négatifs des logiques
de dogmatisation
12. Ch. MOREROD a probablement voulu parer à ce danger par le sous-titre de son
ouvrage Tradition et unité des chrétiens : le dogme comme condition de possibilité de
l’œcuménisme, Parole et Silence, Paris, 2005.
13. TILLICH a promu un tel dialogue mais sur le fondement d’une théologie
libérale, cf. C. GEFFRÉ, "Paul Tillich et l’avenir de l’œcuménisme interreligieux",
Revue des sciences philosophiques et théologiques, 77, 1983, 3-22. Le statut épistémologi-
que d’un tel programme ne peut qu’être douteux, si l’on lit G. LINDBECK, cité supra
note 1. H. KÜNG, Le christianisme et les grandes religions du monde, Le Seuil, Paris, 1986,
privilégie aussi l’œcuménisme des religions, mais avec plus de réserves.
58 H. LEGRAND
dissipés de nos jours, qu’il s’agisse des grands conciles christologiques 14,
de la querelle du Filioque, ou des anathèmes échangés au XVIe siècle entre
catholiques et protestants 15.
Au delà de leurs appartenances confessionnelles, ces historiens s’accor-
dent pour constater la promptitude des chrétiens à se condamner les uns
les autres, sans déployer autant d’efforts pour se comprendre vraiment.
Sans juger les acteurs du passé, un chrétien d’aujourd’hui ne peut regarder
cette histoire seulement avec fierté, alors qu’il peut se réjouir qu’on arrive
enfin à se comprendre, condition première pour chercher une réconcilia-
tion dans la vérité.
Un second constat s’impose : ces logiques de dogmatisation ont été
constamment des logiques de contrainte sociale en faveur de l’orthodo-
xie. Le livre XVI du Code de Théodose en a fourni la matrice 16 ; de plus,
en devenant lois d’Empire, les décisions des conciles œcuméniques ac-
quéraient un statut nomocanonique ; de ce fait, sauf durant trois ou
quatre siècles, le christianisme orthodoxe persécutera ou discriminera les
hétérodoxes pendant presque toute son histoire 17, ce qui ne facilite pas
aujourd’hui la confiance que les Églises minoritaires peuvent accorder
aux majoritaires 18.
1.3. La logique œcuménique n’a pas seulement changé les cœurs, elle use
d’une nouvelle méthodologie, celle du consensus différencié
Cela se vérifie d’abord avec les non-chalcédoniens. Pie XII, car tout n’a
pas commencé avec Vatican II, a été le premier pape à reconnaître
officiellement le conditionnement linguistique de leurs énoncés christo-
logiques. Dans Sempiternus Rex (1951), il n’attribue qu’un monophysisme
verbal à leurs Églises, ouvrant la voie aux accords christologiques des
années 1970 et suivantes 20. C’est la renonciation à l’uniformité du lan-
gage qui a permis de se retrouver un dans la foi, alors que le langage
unique avait conduit à des condamnations aux conséquences incalcula-
bles, dont nous souffrons encore aujourd’hui 21.
22. Le travail pionnier fut ici celui du russe B. BOLOTOV, paru en allemand :
« Thèses sur le "Filioque" », Revue internationale de Théologie, 6, 1898. 681-712 ; trad.
fr. Istina, 17, 1972, 261-289. Après la Clarification du Conseil pontifical pour la
promotion de l’unité des chrétiens, DC 92, 1995, 941-945, il convient de lire en
priorité Le Filioque : une question qui divise l’Église ? Déclaration de la Commission
théologique orthodoxe-catholique d’Amérique du Nord. St Paul’s College,
Washington, DC le 25 octobre 2003, Irénikon, 77, 2004, 69-100.
23. Quiconque insinuerait que le dialogue mené selon le modèle du consensus
différencié permettrait à chacune des parties d’y retrouver l’expression inchangée
de sa propre position, pourrait se convaincre aisément du contraire en lisant le
document de la Commission internationale luthéro-catholique, Église et justification.
La compréhension de l’Église à la lumière de la justification, DC 91, 1994, 810-858.
24. WA 40, III, 352, 2.
25. WA 39, I, 205, 2-3.
26. D. HAMPSON, Christian Contradictions. The Structures of Lutheran and Catholic
Thought, Cambridge 2001.
27. Sur le consensus différencié on pourra voir H. LEGRAND, « Le consensus
différencié sur la doctrine de la Justification (Augsbourg 1999). Quelques remar-
ques sur la nouveauté d’une méthode », Nouvelle Revue Théologique, 124, 2002, 30-56,
et en plus technique : « La légitimité d’une pluralité de formes de pensée (Denkfor-
men) en dogmatique catholique. Retour sur la thèse d’un précurseur O.H. PESCH »,
Mélanges Doré, Desclée, Paris, 2002, pp. 685-704.
HERMÉNEUTIQUE ET VÉRITÉ DES ÉNONCÉS DOGMATIQUES 61
44. DH 3052
45. DH 3059
46. DH 3065
47. UR 14
48. UR 16
HERMÉNEUTIQUE ET VÉRITÉ DES ÉNONCÉS DOGMATIQUES 65
Comme pour tous les dogmes, il faut aussi pour ceux de Vatican I
distinguer entre leur contenu, immuable et normatif, et leur forme,
historique et changeante. Vatican II a exprimé clairement ce principe :
« ... Autre est le dépôt ou la vérité de la foi, autre est le mode de son
énonciation... » 50. On ne saurait donc considérer les formulations de
Vatican I comme l’unique expression possible, ni de la forme concrète du
ministère pétrinien ni de sa normativité permanente.
Les Pères de Vatican I ont vécu dans des conditions historiques bien
précises qui les ont conduits aux formulations que nous connaissons. La
plupart d’entre eux voyaient l’Église assiégée de tous côtés, dans une
situation presque apocalyptique. Traumatisés par les Lumières, par la
Révolution française, par l’absolutisme des États modernes, par le gallica-
nisme et l’épiscopalisme, ils voulaient absolument sauvegarder les capaci-
tés d’action du pape dans des situations extrêmes. Dans ce but, ils recou-
rurent au concept moderne de souveraineté absolue pour définir sa
primauté. Ainsi, même empêché de communiquer avec l’Église, il serait
toujours en mesure d’agir. Leurs affirmations sur la primauté furent donc
conçues tout exprès pour des situations extrêmes et exceptionnelles.
49. On ne le doit pas en dernier lieu à J. RATZINGER qui a écrit : « Rome ne peut
exiger de l’Orient en ce qui concerne la doctrine de la primauté plus qu’il n’a été
formulé et vécu durant le premier millénaire » Theologische Prinzipienlehre, Mün-
chen, 1982, p. 209 (tr. fr., Les principes de la théologie catholique, Paris, 1985, p. 222).
Bien d’autres avaient la même conviction, comme L. BOUYER, « Réflexions sur le
rétablissement possible de la communion entre les Églises orthodoxe et catholique.
Perspectives actuelles », Istina 20, 1975, 112-115. Depuis, J. RATZINGER a précisé que
le théologien catholique ne peut refuser « que les décisions dogmatiques postérieu-
res aux séparations puissent être objet de dialogue ; sinon on se réfugierait dans
l’irréel : on doit s’y refuser fermement », Église, œcuménisme et politique, Fayard, Paris,
1987, p. 115 (notre traduction).
50. Gaudium et Spes 62 ; Mysterium Fidei y fait écho (DH 4539).
66 H. LEGRAND
52. On n’y retrouve naturellement aucun écho d’un débat dont K. MCDONNELL
a donné un bon résumé dans « The Ratzinger/Kasper Debate : The Universal
Church and Local Churches », Theological Studies, 63, 2002, 227-250].
68 H. LEGRAND
53. Dans un recueil spécifiquement œcuménique Pour l’unité des Chrétiens, Édi-
tions du Cerf, Paris, 1963, après avoir noté qu’il faut « haïr les erreurs et aimer les
errants, [...] (deux) expressions de la même charité » (p.18), le Cal Bea dévoile le
mouvement de sa pensée au sujet du dogme : « il ne peut être question de chercher
un compromis touchant au dogme » (souligné dans l’original) ni « par amour mal
compris [de] donner l’espoir qu’on est prêt à revoir le dogme de la primauté ou de
l’infaillibilité du pape » ; il exclut « le moindre changement, si petit soit-il »
(p.129) ; « Non possumus, la nature même de l’Église s’oppose à toute concession en
matière de doctrine [...] ce qui n’empêche pas de traiter les frères séparés avec
charité et courtoisie » (p.157).
54. On sait, en effet, que l’anaphore principale de cette Église, celle d’Addaï et
Mari, ne comporte pas le récit de l’Institution, cf. DC 94, 2002, 213-214. On sait aussi
que cette décision a soulevé des réserves dans les milieux conservateurs de la Curie,
comme en témoigne le numéro spécial de Divinitas, 1998/3 et 1999, 1-2-3.
HERMÉNEUTIQUE ET VÉRITÉ DES ÉNONCÉS DOGMATIQUES 69
3.1. L’herméneutique des dogmes ne peut faire l’impasse sur leur rapport
aux sociétés
3.2. L’herméneutique des dogmes pétriniens est inséparable d’un cahier des charges
catholique
56. Le diagnostic que nous avions proposé il y a quinze ans dans une conférence
à l’Université Notre-Dame (cf. H. LEGRAND, « Collégialité des évêques et commu-
nion des Églises dans la réception de Vatican II », Revue des sciences philosophiques et
théologiques 75, 1991, 545-568) a été confirmé par l’évolution de la fin du pontificat
de Jean-Paul II, cf. H. LEGRAND, « Les évêques, les Églises locales et l’Église entière.
Évolutions institutionnelles depuis Vatican II et chantiers actuels de la recherche »,
dans H. LEGRAND et C. THEOBALD, Le ministère des évêques à Vatican II et depuis.
Hommage à Mgr Herbulot, Éditions du Cerf, Paris, 2001, pp. 201-260.
57. Voici cette conclusion de la thèse de G. BIER, récemment élu à l’université de
Fribourg : « Résumons : les déterminations générales du Code au sujet de l’épisco-
pat et de l’évêque diocésain ainsi que la configuration normative de ce ministère
dans les déterminations du Code décrivent l’évêque diocésain comme étant juridi-
quement un fonctionnaire du pape », Die Rechtsstellung des Diözesanbischofs nach dem
Codex Iuris Canonici von 1983 (Forschungen zur Kirchenrechtswissenchaft, Bd 32),
Würzburg 2001, p. 376. Selon le can. 480, « Le vicaire général et le vicaire épiscopal
doivent rendre compte à l’évêque diocésain tant des principales affaires à traiter que
de celles déjà traitées, et ils n’agiront jamais contre la volonté ou le sentiment de
l’évêque diocésain ».
58. Sur sept recensions techniques détaillées que nous avons lues, une seule se
montre critique de la méthodologie positiviste adoptée. Certes l’Auteur a raison au
plan des textes, mais sa thèse est irritante, car jamais il ne souligne la distance que ce
droit prend indûment vis-à-vis de la théologie, question majeure de l’ecclésiologie
catholique, constamment sous-estimée, cf. H. LEGRAND, « Grâce et institution dans
l’Église : les fondements théologiques du droit canonique », dans L’Église, institution
et foi. Publications des Fac. universitaires St Louis, Bruxelles, 19791, 19852.
59. Car, empiriquement, est-ce le choix direct par Rome ou sur une base plus
large qui donnerait les meilleurs évêques ? L’opacité des procédures actuelles a des
inconvénients, quelquefois catastrophiques, analysés pour l’Autriche par
G. GRESHAKE, « Nach dem “Fall Krenn”. Streiflichter zur jüngsten österreichischen
72 H. LEGRAND
qu’un diocèse en tant que tel n’ait rien à dire sur le choix de son
évêque 60 ? Le souci de la libertas ecclesiae, qui peut être assurée autrement,
ne justifie pas cette mesure extrême.
Plus généralement, le dogme de la juridiction universelle justifie-t-il le
caractère discrétionnaire, — ce qui ne veut pas dire arbitraire ou despo-
tique —, que revêt l’autorité papale à l’époque actuelle 61 ? Ayant tous les
pouvoirs dans l’Ėglise 62, ceux-ci n’étant limités que par le droit naturel et
le droit divin (i.e l’existence de l’épiscopat), le pape y est un véritable
monarque 63. Il y exerce tous ses pouvoirs selon son jugement personnel,
ce qui a été rappelé à l’occasion de Vatican II 64. C’est, en termes de
science politique, un pouvoir absolu 65, n’ayant de comptes à rendre à
66. Selon le can. 333, 3 « A l’encontre d’une décision ou d’un décret du pontife
romain, il n’y a ni appel ni recours ». Cette soustraction à tout droit d’appel s’est
accentuée après Vatican II. Vatican I interdisait l’appel à un concile comme autorité
supérieure, le Code de 1917 (can. 228, § 2) exclut ce recours sans précision, celui de
1983, tout juste cité, interdit tout recours ou tout appel. Semblable interdiction
vient d’être étendue récemment aux décisions de la SCDF, Ratio agendi in doctrina-
rum examine art. 27, AAS 89, 1997, 834.
67. Ainsi selon l’Instruction Liturgiam authenticam, de la Congrégation pour le
Culte divin, n. 80, AAS 93, 2001, 685 : la recognitio romaine des traductions liturgi-
ques dans la langue du peuple est un « acte de gouvernement absolument néces-
saire, en l’absence duquel l’acte de la conférence épiscopale est privé de toute
valeur légale ». Tirer une telle conséquence de la primauté n’est pas aisé à justifier.
Il peut arriver qu’il n’y ait aucun évêque de la même langue à la Curie : sera-ce alors
un prêtre, éventuellement étudiant, qui fera fonction d’interprète, jugeant ainsi
d’une traduction approuvée par des évêques, iudices fidei ? Le public entend parler
aussi des conflits entre l’International Commission on English in the Liturgy (ICEL) et la
Congrégation pour le culte divin, cf. DC 92, 2000,198, 597.
68. Apostolos suos (1998) n. IV, art. 12 : « Pour que les déclarations doctrinales de
la conférence des évêques puissent constituer un magistère authentique et être
publiées, il est nécessaire qu’elles soient approuvées à l’unanimité des membres
évêques ou bien que, approuvées en séance plénière, au moins par les deux tiers des
prélats ayant voix délibérative, elles obtiennent la reconnaissance (recognitio) du
Saint-Siège ». C’est l’unique exigence d’unanimité dans le droit en vigueur.
69. Il ne serait pas convenable d’accorder trop d’importance à une boutade du
regretté Cal Schotte, secrétaire du synode des évêques, disant à des journalistes
« Les évêques n’ont de comptes à rendre à personne, sauf au pape. Et le pape n’a de
comptes à rendre à personne d’autre qu’à Jésus », The Tablet 24 nov. 2001, 1658. Pas
plus qu’il ne serait convenable d’insister sur la colère et la déception qu’a rencon-
tré, auprès des fidèles, la manière dont les évêques ont géré, aux États-Unis et en
Irlande notamment, leur responsabilité vis-à-vis de la communauté catholique dans
la crise de la pédophilie.
74 H. LEGRAND
70. Apologia 188 dans A. BIRMELÉ et M. LIENHARD, La foi des Églises luthériennes.
Confessions et catéchismes. Paris 1991, p. 159 : « Nos adversaires voudraient peut-être
que l’Église soit définie ainsi : elle est une monarchie extérieure dont la suprématie
s’étend sur la terre entière, et dans laquelle le pontife romain doit avoir un pouvoir
anypeuthynon, que personne n’a le droit de discuter et de juger ; il peut, à son gré,
établir des articles de foi, abolir les Écritures, instituer des cultes et des liturgies ; de
même promulguer, à son gré, des lois ; dispenser à son gré de n’importe quelles lois
soit divines soit canoniques soit civiles ». C’est à la suite de ce texte que se trouve
l’axiome cité en latin.
71. PL 188, 1218-1219, avec son refus répété que le pape puisse décider de tout,
tout seul, tr. fr. dans Initiation à la Pratique de la théologie, t. III, Éditions du Cerf, Paris,
19933 (H. LEGRAND).
72. « Chez nous la sauvegarde de la religion réside dans le corps entier de
l’Église », Mansi 40, 408 C.
HERMÉNEUTIQUE ET VÉRITÉ DES ÉNONCÉS DOGMATIQUES 75
l’Église une. C’est une bonne nouvelle que les autorités romaines recon-
naissent qu’à cet égard la balle est dans leur camp.
*
* *
Dans l’étude de cas que l’on a retenue, l’herméneutique choisie laisse
bon espoir. On répétera donc notre question : suffira-t-il de voir la vérité
pour parvenir à la lumière ?
Deux développements pratiques, que rien n’interdit et que tout recom-
manderait en tout état de cause, y aideraient beaucoup : la création au
sein de l’Église latine, de plusieurs grandes Églises continentales, sur le
modèle des patriarcats, comme cela a déjà été suggéré après Vatican II 77,
et l’exercice généralisé des ministères ordonnés, sur un mode simultané-
ment « personnel, collégial et communautaire » 78. Ainsi seraient dissipés
les malentendus si dommageables qu’entraînent les modèles ecclésiolo-
giques unitaires et monarchiques, en vigueur chez nous, entraînant des
diversités difficilement réconciliables.
Décidément, l’herméneutique des dogmes, en contexte œcuménique,
requiert plus que de la vigueur spéculative ; s’agissant de la vérité chré-
tienne, cela ne saurait surprendre. ¶