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Sommaire

Introduction
Carte
Généalogie

Cronos et Rhéa Zeus Hélios

Prométhée Hera Dionysos


Athéna Déméter Hadès

Artémis Poséidon Aphrodite

Glossaire
Copyright
Un pays noyé de soleil
Il y a bien longtemps, au cours du deuxième millénaire avant
J.-C., deux vagues d’envahisseurs, les Achéens puis les
Doriens, s’installent dans ce pays que nous appelons
aujourd’hui la Grèce. Ils ne peuvent descendre plus au sud, à
moins de franchir la mer Méditerranée. Ils ne s’y risquent
donc pas. Vraisemblablement, ils sont tombés sous le charme
de ce pays de montagnes boisées, jamais trop hautes mais
di cilement franchissables. Ils s’éparpillent. Les uns
s’installent dans les plaines situées en bord de mer, les autres
dans les îles si proches et si nombreuses. Ils forment ainsi de
petits États indépendants, parfois alliés, souvent ennemis.
Ces cités-États microscopiques ont des types de
gouvernements très di érents, leurs propres lois et leur
propre monnaie.
Jamais la Grèce antique n’a été unifiée !

Entre la mer et l’olivier


Les Grecs cultivent le blé, l’olivier et la vigne. Ils élèvent des
chèvres et des moutons, animaux qui se contentent de brouter
des buissons épineux et une herbe rare. Heureusement, la mer
leur o re ses poissons et un moyen de transport formidable
qui leur évite la fatigue et les dangers de ce pays
montagneux : le bateau.
Hélas, les problèmes ne manquent pas dans ces cités-États !
Entre le VIII e et le VI e siècle avant J.-C., de nombreux Grecs
quittent leur patrie pour tenter leur chance ailleurs. Ils
partent vers l’inconnu, poussés par la pauvreté, la guerre, un
gouvernement tyrannique ou l’envie d’aventure. Tout autour
de la mer Méditerranée, ils fondent de nouvelles villes,
grecques elles aussi. Mais ils conservent des liens avec leur
ancienne patrie. Bons paysans, guerriers courageux, artisans
expérimentés, poètes talentueux, savants ingénieux ou
politiciens habiles, les Grecs sont aussi excellents
commerçants.

Des liens plus forts que des différences


Souvent, les Grecs de ces cités-États s’entre-déchirent au
cours de guerres cruelles. Et pourtant, comme ils se
ressemblent !
Tout d’abord, ils parlent la même langue et ont la même
écriture. Ils aiment tous leurs hivers tempérés et leurs étés
torrides. Cette douceur du climat les pousse à vivre beaucoup
dehors. Leurs marchés, leurs cérémonies religieuses ou leurs
réunions politiques se déroulent toujours en plein air !
Ils partagent aussi la même religion polythéiste, c’est-à-dire
qu’ils honorent plusieurs dieux et déesses. Ils se les imaginent
avec une apparence humaine, mais immortels, et ils croient
également à l’existence de créatures monstrueuses comme
les Cyclopes ou les centaures. Belles et puissantes, à de rares
exceptions près, leurs divinités ont des sentiments proches de
ceux des hommes : l’amour, la haine, la jalousie, la tristesse,
la joie, la colère… Elles interviennent dans les a aires divines
comme dans celles des hommes, se métamorphosant à
volonté. Dotées de pouvoirs incroyables, elles ordonnent à la
nature, font éclater l’orage, se déchaîner les vagues,
s’écrouler les rochers ou trembler la terre… Elles peuvent
tout !

Des temples et des offrandes


Pour se concilier la faveur des divinités et éviter leurs colères,
les Grecs les honorent. Pas un jour ne se passe sans cérémonie
religieuse.
Dans chaque maison, dans chaque famille, se trouve un autel
en l’honneur des ancêtres. Une flamme y brûle en
permanence. Des prières y sont dites quotidiennement, des
o randes, faites.
Toutes les autres cérémonies religieuses se déroulent dans
des sanctuaires entourés de hauts murs. Au centre se dresse
un temple qui abrite la statue divine et ses trésors. Sur le
vaste terrain autour, qui constitue l’espace sacré, se trouve
l’autel des sacrifices. Le fidèle commence par se purifier avec
de l’eau. Puis, il enfile des vêtements propres et se pose une
couronne de fleurs ou de feuillage sur la tête. Il peut alors
prier la divinité avant de lui o rir un sacrifice. Là, tout est
possible, de la simple libation, c’est-à-dire quelques gouttes
de vin, d’huile ou d’eau versées sur l’autel ou sur le sol, jusqu’à
l’animal égorgé et brûlé. Une partie de la bête va au dieu, le
reste aux prêtres et aux fidèles présents ce jour-là.
À dates fixes, les Grecs célèbrent les fêtes religieuses de leur
cité. Ils rendent un culte o ciel à la divinité protectrice de
leur ville. Leur avenir en dépend, pensent-ils.
Ils apprécient aussi les gigantesques rassemblements dans les
grands sanctuaires, comme à Delphes, Corinthe ou Olympie…
Oubliant quelques jours les guerres qui les déchirent, tous les
Grecs participent aux cérémonies religieuses en l’honneur du
dieu de la ville, puis à des concours musicaux, poétiques ou
sportifs. Les plus célèbres de ces « jeux » se déroulent à
Olympie, la cité de Zeus, le roi des dieux, tous les quatre ans.
Ainsi naissent, au VIII e siècle avant J.-C., les jeux
Olympiques !

Des mythes par dizaines


En Grèce, les dieux et les déesses vivent des aventures
extraordinaires, où le merveilleux côtoie l’invraisemblable,
car les Grecs débordaient d’imagination !
Ces récits fabuleux, ou mythes, nous sont parvenus grâce aux
poètes et aux artistes d’autrefois. Les uns, comme le célèbre
Homère, les ont mis par écrit. Les autres les ont sculptés dans
le marbre, coulés en bronze ou peints sur des vases et des
coupes. D’autres encore, les aèdes, ces poètes-chanteurs, les
récitent depuis des siècles, allant de ville en ville, de palais en
palais.
Homère aurait vécu au VIII e siècle avant J.-C. Nous ignorons
tout de lui : il n’a peut-être même pas existé ! Il aurait rédigé,
dit-on, deux très longs poèmes : l’Iliade et l’Odyssée. Le
premier raconte la guerre qui oppose Grecs et Troyens. Le
second relate le voyage de retour du roi Ulysse.
Homère n’est pas le seul écrivain grec, loin de là ! Ésope,
Hésiode, Euripide, Sophocle… c’est grâce à eux que nous
connaissons les amours de Zeus, les colères de Poséidon, la
puissance d’Athéna, les ennuis de Prométhée et autres
merveilleux récits. Ils nous ont fait découvrir aussi les
« héros » : simples mortels ou demi-dieux, ils ont un courage
étonnant ou une force surhumaine leur permet d’accomplir de
fantastiques exploits, comme les douze travaux d’Héraclès,
par exemple.
Dieux, déesses, héros, tous nous apprennent, à leur manière, à
discerner le bien du mal, le beau du laid, à comprendre la
cause des orages et des tempêtes, l’origine des plantes, des
animaux et des astres du ciel… Tout est faux dans ces mythes
grecs ? Peut-être, mais rêver est un plaisir sans fin.
Avant le commencement, seul existe Chaos, un vide
illimité, sombre, un rien absolu, un néant total. Tout à
coup, l’incroyable se produit : Chaos crée la Nuit, le
Jour, et Gaia la Terre. Toute seule, Gaia engendre la
Mer et Ouranos le Ciel, qu’elle épouse. Parmi les
nombreux enfants de ce premier couple, Rhéa et
Cronos sont les plus célèbres, mais pas les plus sages.

Parents : Ouranos le Ciel et Gaia la Terre


Liens familiaux : frère et sœur, mais aussi
époux et épouse
Frères et sœurs : dix Titans et Titanides, trois
Cyclopes, trois Hécatonchires
Enfants : Hestia, Déméter, Héra, Hadès, Poséidon et Zeus
Fonctions : roi et reine de l’Univers
Particularités : ancêtres de presque tous les dieux célèbres
de la mythologie grecque
Noms romains : Saturne et Rhéa
Cronos et Rhéa ont la chance, ou la malchance, d’avoir de
nombreux frères et sœurs : cinq Titans et cinq Titanides, trois
Cyclopes, à l’œil unique, et trois Hécatonchires, avec cent bras et cinquante
têtes. Tous sont fils et filles d’Ouranos et de Gaia. Quelle horrible famille de
géants terrifiants ! Titans et Titanides se marient souvent entre eux, mais pas
toujours. Ils ont de nombreux enfants, aimés et craints par les Grecs des temps
anciens : Éos l’Aurore, Hélios le Soleil, Séléné la Lune, Atlas, Prométhée, et
bien d’autres encore.
Jamais Cronos n’oubliera ce jour de malheur ! Une véritable catastrophe !
Il s’en souvient comme si c’était hier, de ce moment fatidique où l’oracle, la
voix par laquelle les dieux annoncent l’avenir, lui a prédit la terrible nouvelle :
« Toi qui chassas ton père Ouranos de son trône, tu seras à ton tour
détrôné par un de tes enfants, qui deviendra le nouveau roi de l’Univers ! »
Le Titan sait que l’oracle ne se trompe jamais. Sans perdre un instant, il
cherche comment éviter que la prophétie ne se réalise. La situation est
délicate. Au comble de l’énervement, il ne tient pas en place. Il exige de rester
seul. Dehors, servantes et serviteurs, dehors ! Il va et vient dans l’immensité
de son palais divin. Pour le moment il n’a rien à craindre, mais Rhéa est
enceinte. Dans quelques mois, un bébé naîtra… Que faire ? Le laisser grandir
tranquillement et attendre les ennuis ? Non ! Cronos s’y refuse. Roi il est, roi
il restera.
— Ça y est, j’ai trouvé ! hurle-t-il enfin.
Il existe une solution, une seule, cruelle, mais efficace : faire disparaître
les enfants à leur naissance et expliquer la situation à Rhéa, toujours si
compréhensive.
Contrairement à ses prévisions, la Titanide son épouse n’approuve pas sa
décision. Elle tente de le raisonner, il s’entête. Elle le menace, il argumente :
— Bien sûr, c’est regrettable, reconnaît-il, mais notre tranquillité est à ce
prix : nos enfants doivent périr !
— Tous ? demande Rhéa.
— Oui, tous, précise le Titan en serrant les poings. Il n’est pas question
qu’un de nos descendants, un Immortel parmi les Immortels, me prive de la
royauté.
Rhéa garde le silence. Elle espère au plus profond d’elle-même qu’il
changera d’avis. Il est vrai que vivre en reine est agréable, mais être mère lui
semble plaisant aussi. Elle sent déjà son futur bébé qui s’agite, lui donne de
délicieux coups de pieds.
Quelques mois plus tard, la Titanide accouche d’Hestia, une adorable petite
fille aux yeux sombres.
— Bien, rugit Cronos en entendant son premier cri.
Il accourt et, en deux temps trois mouvements, avale tout cru le nouveau-
né !
Cronos se croit ainsi à l’abri des ennuis : il se trompe. En quelques années,
la Titanide son épouse accouche de Déméter, puis d’Héra, d’Hadès et enfin de
Poséidon.
Cinq enfants nés, cinq enfants avalés !
Quelle tristesse pour Rhéa ! Comme elle regrette ses trois filles et ses
deux garçons ! Elle en a assez. De nouveau enceinte, elle décide de prendre
les choses en main, seule, sans en parler à Cronos, car elle sait qu’il ne
changera jamais d’avis.
Plus son ventre s’arrondit, plus elle s’absente. Elle se promène souvent
dans les forêts du mont Ida, au cœur de l’île de Crète. C’est au cours d’un de
ses voyages qu’elle accouche, dans le plus grand secret. Son sixième enfant
est un garçon magnifique, Zeus. À l’abri des regards curieux, sous les arbres
sombres et touffus, elle le confie aux nymphes, aux Curètes et à la chèvre
Amalthée, qui lui donne son lait.

La Titanide s’en va à regret, mais elle ne rentre pas les mains vides en son
palais divin. Elle porte avec précaution un paquet qui ressemble à s’y
méprendre à un bébé emmailloté. Elle le berce, elle lui parle, elle le cajole.
— Voici Zeus, notre fils dernier-né, dit-elle en entrant dans la salle du
trône où Cronos l’attend.
— Donne-le-moi !
La Titanide obéit. Aussitôt, sans un regard vers l’enfant, Cronos le dévore,
sans mâcher, comme à son habitude.
Le cœur serré, Rhéa dévisage le père monstrueux qui vient d’avaler sans
sourciller une pierre allongée, pas plus lourde qu’un nouveau-né et tout
enveloppée de langes. Un instant, elle s’affole, elle s’étonne. Son époux a-t-il
vraiment cru avaler son dernier-né ou a-t-il senti la pierre peser sur son
estomac ? Sournois et méfiant comme il est, Cronos sait-il déjà que Zeus se
cache en Crète ? Attend-il simplement le bon moment pour fondre sur lui tel
un oiseau de proie et le manger ?
Inutiles angoisses : Cronos bavarde de tout et de rien avec sa femme, qui a
maintenant une autre raison de s’inquiéter.
En effet, Rhéa craint que son époux n’entende les pleurs du bébé… Alors,
elle tend l’oreille, attentive au moindre bruit. Heureusement elle a tout prévu,
mais cela suffira-t-il ? Rien de moins sûr. Elle doit vivre comme avant et
surtout éviter de retourner en Crète. Cela risquerait d’éveiller les soupçons de
Cronos.
Loin de ses parents, dans les montagnes crétoises, le jeune Zeus boit le
lait de la chèvre Amalthée, la meilleure des nourrices, la plus tendre aussi.
Quand il ne tète pas, les nymphes le lavent, le bercent, le cajolent. Ces
déesses de la nature, des arbres ou des rivières aiment la vie simple et
joyeuse.
Elles chantent pour endormir le jeune dieu, elles dansent pour le distraire.
Elles lui font goûter le miel préparé par les abeilles du mont Ida rien que pour
lui. Zeus se régale, toujours entouré par les Curètes, ses redoutables gardes.
Ceux-ci, redoublant de prudence, suspendent son berceau à un arbre afin que
Cronos, qui a un œil partout, ne puisse le trouver ni dans le ciel, ni sur terre, ni
dans la mer. Dès que le bébé pleure, ils se mettent à danser bruyamment, des
danses guerrières qui effrayent l’ennemi le plus téméraire. Ils tapent des
pieds, ils crient, ils chantent, ils entrechoquent leurs armes, ils frappent leurs
boucliers du bois de leurs lances. Ainsi, ils espèrent que Cronos n’entendra
pas les pleurs de son fils. Ils ne cesseront leur manège que lorsque Zeus sera
assez grand pour comprendre qu’il doit vivre caché en attendant des jours
meilleurs.
Comme tous les dieux, Zeus grandit vite. Ce qu’il préfère, c’est apprendre à
chanter avec les nymphes, à se battre avec les Curètes ou à jouer avec
Amalthée. Un matin, comme à son habitude, il lui tire les poils, la chatouille,
se suspend à ses cornes… Malheur ! Sans le vouloir, il en brise une. Il regrette
aussitôt, il s’excuse et, pour se faire pardonner, lui promet que cette corne
sera à l’avenir l’emblème de toutes les richesses.
— Ta corne, jure-t-il solennellement, se remplira miraculeusement de tous
les fruits qui poussent sur terre, ceux que tu souhaites, ceux que tu aimes.
Ce sera la célèbre, la magnifique, la fabuleuse corne d’Amalthée, la corne
d’abondance.
La chèvre ne lui en veut pas. Elle sait qu’il est sincère et qu’il souffre de
vivre loin de tous, perdu dans ces montagnes, condamné à la solitude. Elle
ignore que, déjà, Zeus songe à se venger de Cronos, son père. Il élabore des
plans compliqués et dangereux. S’il se décourage parfois, il ne renonce
jamais.
Roi des dieux, maître de l’Univers, Zeus est respecté
de tous. Il est le dieu du Ciel clair et de la Foudre. Il
juge, décide, maintient l’ordre et la justice. Il lance
son foudre pour punir, et cela dans le monde des
hommes comme dans celui des dieux. Célèbre et
redouté pour ses innombrables histoires d’amour qu’il
mène avec violence, il n’hésite pas à se
métamorphoser pour parvenir à ses fins.
Surnom : l’assembleur des nuées
Fonctions : roi des dieux, dieu du Ciel
Parents : Cronos et Rhéa
Liens familiaux : frère et époux d’Héra, frère
d’Hestia, de Déméter, d’Hadès et de Poséidon
Épouses : Métis, déesse de la Sagesse, puis Thémis, déesse de la
Justice, et enfin Héra, déesse du Mariage
Enfants : trop nombreux pour être cités ; on en compte plus d’une
trentaine
Sanctuaire : Olympie
Attributs : le foudre, une arme en forme d’éclairs, et l’égide, le
bouclier que Zeus a recouvert de la peau de la chèvre Amalthée pour le
rendre indestructible
Animal et arbre sacrés : l’aigle et le chêne
Nom romain : Jupiter

Vite amoureux, Zeus aime sa belle conquête puis s’en va, mais il
n’oublie jamais les enfants nés de ces unions. Ainsi, un jour, il
tombe amoureux de la princesse Europe qui joue sur la plage. Transformé en
taureau blanc, il la rejoint, se couche à ses pieds. D’abord effrayée, Europe ose
caresser l’animal. Elle orne ses cornes de fleurs, s’assied sur son dos…
Indifférent à ses cris, le taureau s’élance vers la mer et gagne la Crète. Ils ont
bientôt trois enfants. Avant de l’abandonner, Zeus la marie au roi de Crète qui,
n’ayant pas de fils, adopte les siens !
Sans jamais s’éloigner de la grotte secrète du mont Ida où il a grandi,
Zeus est devenu un jeune dieu magnifique, beau, fort, sage et volontaire. Il n’a
qu’une idée en tête : détrôner son père Cronos, qui a avalé ses frères et
sœurs. Il n’ignore rien de ce qui s’est passé au palais royal. Il sait tout grâce à
Rhéa, sa mère. Venue le voir en secret au cours de son enfance, la Titanide lui
a raconté des histoires charmantes aussi bien que terrifiantes. C’est elle qui
lui a expliqué les agissements abominables de son père, le Titan dévoreur
d’enfants, raison pour laquelle Zeus a dû vivre caché toutes ces années.

Ce matin-là, le jeune dieu se sent prêt à agir. Il pressent que chasser le


puissant Cronos de son trône sera rude. Il n’a avec lui ni la force ni le droit :
attaquer le roi de l’Univers est une abomination, agresser son père est pire
encore. Zeus choisit donc la ruse. Il demande conseil à Métis, déesse dont le
nom signifie « prudence ». Car c’est ce dont il a besoin : de la prudence et de
l’efficacité. Ravie de l’aider, Métis réfléchit quelques instants et se met au
travail. Elle lui mijote une drogue de son invention, la verse dans un petit pot
qu’elle confie au jeune dieu.
— Arrange-toi pour que ton père la boive et tu verras, murmure-t-elle à son
oreille avant de s’en aller.
Zeus aimerait connaître les effets de la potion, mais la déesse garde le
silence. Comme son père ne l’a jamais vu (et pour cause !), il parvient
aisément au palais divin. Mieux : il y devient échanson du roi. Échanson, le
métier rêvé pour lui, puisqu’il est chargé de servir à boire à Cronos !
À la première occasion, Zeus verse discrètement la drogue dans la coupe
et la tend à son père. Confiant, le Titan boit jusqu’à la dernière goutte.
Aussitôt, il est pris de nausées effroyables. Sa tête lui tourne, son ventre se
crispe et il vomit sur le beau sol dallé de la salle du trône. Il recrache d’abord
une pierre emmaillotée de langes, suivie de ses cinq bébés si vite avalés.

Zeus n’est plus seul maintenant. Voici les déesses Hestia, Déméter et
Héra, aux côtés des dieux Poséidon et Hadès. Cependant, les six frères et
sœurs n’ont pas le temps de se laisser aller à la joie de vivre libres, enfin
libres ! Ils fuient le palais divin, ils fuient leur père. Ils courent jusqu’à la plus
haute montagne de Grèce, au sommet parfois voilé de brumes ou de nuages,
le mont Olympe.
— Les Grands Olympiens, c’est nous ! s’exclame Zeus. Préparons-nous au
combat car notre père voudra nous châtier. Nous ne sommes que six, c’est
insuffisant. Venez, je sais où nous trouver des alliés.
Zeus suit en cela les conseils de sa grand-mère Gaia. La déesse l’a
prévenu qu’il ne remporterait la victoire qu’avec l’aide des Cyclopes et des
Hécatonchires. Mais où sont ces monstres ? Dans le sombre Tartare, au cœur
des Enfers, où leur frère Cronos les a enfermés pour d’obscures raisons.
Les libérer s’annonce rude. Campé, leur gardienne, est un être gigantesque
doté d’une force démesurée. Pourtant Zeus n’hésite pas. Il fonce aux Enfers,
attaque Campé et la tue. Puis il délivre les Hécatonchires aux cent bras et
les Cyclopes à l’œil unique. Sitôt libres, ces derniers, excellents forgerons, lui
offrent le tonnerre et le foudre, capable de lancer des éclairs. Ils donnent à
Hadès le casque qui rend invisible celui qui le porte, et à Poséidon le trident
dont le choc ébranle la mer et la terre. Des armes formidables !
Pendant ce temps, Cronos a rassemblé les Titans et les Titanides, ses
frères et sœurs, sur une montagne proche du mont Olympe. Certains
d’écraser rapidement ces enfants rebelles, ils s’organisent, se préparent.
Mais Zeus ne leur laisse pas le temps d’attaquer les premiers. Armé du foudre
brûlant, il frappe depuis l’Olympe, il fonce sur eux, il bondit, il porte l’incendie
là où tombent ses éclairs. Ses compagnons le suivent. Tout est bon pour se
battre, le trident comme le bâton. Des rochers et des arbres leur servent de
projectiles. Ils frappent sans relâche jusqu’à ce que les Titans et les
Titanides reconnaissent leur défaite.
Aussitôt, les vainqueurs précipitent les vaincus enchaînés au plus profond
des ténèbres infernales, dans l’abominable Tartare. Belle revanche pour les
Hécatonchires aux cent bras, qui seront désormais leurs gardiens et qui
jamais n’ouvriront pour eux les lourdes portes de bronze de cette prison.
Pendant ce temps, dans le calme retrouvé des hauteurs de leur montagne,
les Grands Olympiens se partagent le pouvoir. Après tirage au sort, Poséidon
obtient la mer, Hadès le monde souterrain et Zeus le ciel, ainsi que la royauté
suprême sur l’Univers. Les déesses ne sont pas oubliées : Hestia devient la
déesse du Foyer, Déméter, celle de la Végétation, et Héra, celle du Mariage.
Toutefois, leur victoire est vite remise en cause.
— Géants, mes chers enfants, venez à moi, ordonne Gaia dans le plus
grand secret.
— Que veux-tu ?
— Partez délivrer les Titans et les Titanides, vos frères et sœurs,
enfermés dans le Tartare. Cette punition est trop cruelle.
— Zeus et sa bande ne nous laisseront pas faire, remarque le plus
imposant des Géants. Ils trouveront de nombreux alliés.
Ses frères l’approuvent par des cris et des hochements de tête.
— Auriez-vous peur ? Oseriez-vous me désobéir ? Allez, sauvez-les,
vengez-les.
Alors la guerre reprend, plus cruelle encore.
Monstres énormes et laids aux jambes en forme de serpent, les Géants ne
coiffent jamais leur chevelure longue et épaisse. Ils ne peignent ni ne taillent
leur barbe hirsute. Ils vont obéir à Gaia. Pourtant, ils risquent gros dans ce
combat car, bien que d’origine divine, ils sont mortels. Mortels à la condition
d’être tués à la fois par un dieu et par un humain !
Le jour se lève quand les Grands Olympiens attaquent. Zeus fonce dans la
bataille. À ses côtés, sa fille Athéna, la déesse des Combats, lance le foudre
paternel avec une habileté impressionnante. Un, deux, trois, dix Géants
s’effondrent sous leurs coups.
— Je vous les laisse ! hurle Zeus aux humains chargés d’achever les
Géants blessés. Viens, Athéna, suis-moi.
— Attends, mon père, regarde ce à quoi ils sont occupés, l’interrompt
Athéna en éclatant de rire.
La déesse montre du doigt leurs ennemis qui s’affairent en contrebas du
mont Olympe.
— Que faites-vous, Géants ? hurle-t-elle.
— Ça ne se voit pas ? Nous empilons des montagnes pour atteindre le
sommet de l’Olympe et vous briser le cou !
Leur pile branlante vacille et s’écroule en un bruit infernal de tremblement
de terre et de rochers éclatés. Un seul Géant s’entête. Il recommence trois
fois de suite, sans résultat. Furibond, il déracine un olivier quand une flèche
lancée par Athéna le met hors de combat. Le croyant mort, ses frères les
Géants l’enterrent sur l’île de Sicile, sous le mont Etna. Mais le Géant vit
encore. Il respire à grands coups, crachant des jets de lave brûlante par le
sommet de sa montagne devenue volcan. Et à chaque fois qu’il se retourne
dans sa prison, il déclenche un tremblement de terre.
Cependant Zeus a d’autres soucis qu’une éruption volcanique. Il sait que
les Géants peuvent soigner leurs blessures en un clin d’œil : il leur suffit de
cueillir de l’herbe magique, de la poser sur leurs plaies et les voilà guéris.
— Cette guerre ne finira donc jamais ? demande-t-il à Hadès.
— À moins que nous ne perdions…, grogne son frère, de méchante humeur.
— Attends, je sais comment faire basculer les choses en notre faveur.
Zeus s’éloigne de la bataille. Il descend de son char, pose ses armes et se
met à cueillir les plants d’herbe magique, puis les brûle.
— Lune, Soleil et toi, Aurore, murmure-t-il, ne bougez plus ! Ne brillez plus !
Laissez la terre dans l’obscurité afin que personne d’autre que moi, et surtout
pas les Géants, ne puisse cueillir d’herbe magique.
Dans les ténèbres d’une nuit sans fin, le dieu vient vite à bout de sa tâche.
Une fois les dernières herbes magiques arrachées et détruites par le feu, il
remonte sur son char et fonce dans la mêlée. Héraclès se tient à ses côtés.
Héraclès, le héros dont les douze travaux restent dans toutes les mémoires !
Il bande son arc, ajuste sa flèche, vise et tue. Quand il n’accompagne pas
Zeus, il est avec l’énergique Héra, Apollon le redoutable ou Héphaïstos, le
maître du Feu.
À chaque dieu sa technique. Dionysos lance des torches enflammées ou
son javelot entouré de lierre et de pampre de vigne. Ses amis les satyres ne
le quittent jamais : démons de la nature, mi-boucs mi-hommes, ils sont
armés jusqu’aux dents, qu’ils ont pointues.
L’infatigable Poséidon massacre l’ennemi avec son trident ou tout ce qui
lui tombe sous la main. Le voilà qui poursuit un Géant sur la mer. Il brise une
île en deux aussi facilement qu’un vulgaire bâton, et lance ce formidable
projectile sur le monstre… Écrasé, le Géant, aplati comme de la pâte à pain !
Les humains ne ménagent pas leur peine pour aider les dieux. Pierres,
bâtons, outils, tout leur est bon pour se battre. Sont-ils désormais, et pour
toujours, les alliés de Zeus ? Rien de moins sûr. Pourtant, ils ont contribué à
la victoire des Grands Olympiens sur les Géants.
Petit-fils de Gaia la Terre et d’Ouranos le Ciel, cousin
de Zeus, Hélios est le Soleil qui éclaire et réchau e
l’univers. Jour après jour, il parcourt le ciel, toujours
précédé du char de sa sœur, l’Aurore. De là-haut, il
voit tout ce qui se passe sur terre, il peut donc, si
nécessaire, prévenir les dieux de l’Olympe.

Fonction : dieu du Soleil


Parents : le Titan Hypérion et la Titanide Théia
Sœurs : Éos l’Aurore et Séléné la Lune
Épouse : Perséis, fille du Titan Océan et de la
Titanide Téthys ; Hélios aime aussi les nymphes Rhodos et Clyméné, ou
encore la princesse Leucothoé
Enfants : Circé la magicienne, Pasiphaé reine de Crète, Acétès et
Persès, rois de Colchide, Phaéton, ainsi que sept fils et sept filles appelés
les Héliades
Animal sacré : le coq
Chaque matin, la tête auréolée de rayons d’or, l’éblouissant
Hélios monte sur son char tiré par quatre chevaux. Et quels
chevaux, les plus rapides qui soient ! Il file à toute allure sur le
sentier tracé au milieu du ciel. Au crépuscule, arrivé sur les rives du grand
océan qui entoure le monde, il embarque avec son attelage sur un bateau d’or
en forme de coupe. Il franchit alors l’océan, un trajet moins long que celui du
jour. Il se repose ensuite dans son palais d’or, tandis que ses chevaux broutent
sur l’île des Bienheureux.
Quand le jeune Phaéton apprend de la bouche même de sa mère,
l’Océanide Clyméné, qu’il est fils d’Hélios le Soleil, il explose de fierté. Il
annonce la nouvelle avec orgueil à ses camarades, mais comme il a depuis
longtemps la mauvaise habitude de se vanter, personne ne veut le croire. Bien
au contraire, ils se moquent de lui. Pour eux, il est un enfant sans père qui
s’en invente un pour les impressionner. Bouillonnant de rage, Phaéton tente
de les convaincre, jusqu’au jour où un de ses amis lui lance un défi :
— Si tu es le fils du Soleil, prouve-le !
— Mon nom, Phaéton, signifie « Celui qui brille », cela ne te suffit pas ?
— Absolument pas.
Ses amis éclatent de rire et Phaéton, vexé, ne trouve rien à répondre.
Poussé par son orgueil, il court demander de l’aide à son père.

L’arrivée soudaine de son fils surprend Hélios en son palais d’or.


Néanmoins, ravi de le recevoir, il tient à lui faire plaisir.
— Demande ce que tu veux pour prouver que tu es mon fils, je te
l’accorderai. Je te le jure !
— Laisse-moi conduire ton char d’or et de feu, une journée entière, répond
l’impétueux jeune homme.
— Voyons, tu es trop jeune, tu manques d’expérience et de force pour le
diriger ! Mes chevaux ne t’obéiront pas, tu comprends ?
— Non, tu m’as demandé ce que je souhaitais, je t’ai répondu.
— Phaéton, sois raisonnable. Crois-moi, c’est une rude affaire.
— Tu as promis !
Quelle sottise de s’engager à réaliser un vœu que l’on ne connaît pas !
Hélios regrette amèrement d’avoir donné sa parole, mais une promesse est
une promesse.
— Mon fils, fais un autre souhait.
— Je veux conduire ton char, s’entête Phaéton.
— Le trajet est long et le chemin étroit, continue Hélios dans l’espoir de le
faire changer d’avis. Il te faudra suivre la dangereuse route du ciel d’est en
ouest.
Pendant des heures, le dieu lui parle de fatigue, de vertiges liés à l’altitude
ou de la fougue de ses chevaux. Rien n’y fait ! Face à l’obstination de son
enfant, il se voit contraint de céder.

Le lendemain, après d’ultimes recommandations, Phaéton monte sur le


char. Quel bonheur ! Il pense à ses amis, qui ne se moqueront plus jamais de
lui puisqu’ils l’auront vu, lui, sur le char du Soleil ! Il imagine leurs mines
défaites… Mais Éos, l’Aurore, s’élance déjà sur le sentier du ciel.
— Ce n’est pas le moment de rêver, pars, lui commande son père d’une
voix anxieuse. Vite, suis-la !
— À ce soir ! lance gaiement l’adolescent en saisissant les rênes.

Bien vite, sa joie cède la place à un léger malaise, puis à l’inquiétude et


enfin à l’angoisse. Les montagnes rapetissent à toute vitesse, les lacs
ressemblent à des flaques d’eau. Comme la terre semble lointaine et
ridiculement minuscule !
— Tout doux, tout doux ! hurle Phaéton dans l’espoir de calmer son
attelage. Eh, redescendez ! Ce n’est pas la bonne route !
Sourds à ses appels, ses chevaux ont accéléré l’allure et quitté le droit
chemin. Le char du Soleil monte encore et encore. Le jeune conducteur pâlit
en découvrant la terre pas plus grosse qu’une balle. Y reviendra-t-il ce soir ? Il
en doute. Il ignore qu’à cause de lui le monde s’est mis à grelotter et les
rivières à geler. La tête lui tourne, le vertige le prend.
— Mon père a dit vrai, murmure-t-il tout en tirant en vain sur les rênes
pour diriger ses chevaux, devenus totalement incontrôlables.
Ah ! Comme Phaéton regrette de ne pas avoir écouté Hélios. Il parcourt
maintenant les hauteurs où vivent les monstrueux signes du zodiaque, les
terribles animaux du ciel. Pris de frissons et de nausées, il évite de justesse
le Scorpion, le Lion et le Bélier. Épouvanté, il se faufile, il zigzague et lâche les
rênes.
Libres et fous, ses chevaux vont à droite, à gauche, n’importe où, comme
bon leur chante. Soudain, ils descendent en piqué vers la terre, au risque de
s’y écraser. Misère ! Le char d’or et de feu du Soleil incendie la terre. Il
dessèche tout sur son passage. Les montagnes prennent feu, les fleuves
s’évaporent, les puits se tarissent, les champs brûlent, le sol se craquelle,
les déserts s’étendent, le monde étouffe... Phaéton craint le pire quand, tout
à coup, ses chevaux reprennent de l’altitude. Ils montent, plus haut, toujours
plus haut, si haut que les astres, inquiets d’être à leur tour carbonisés, se
plaignent à Zeus.
— Grand dieu, par pitié protège-nous du char du Soleil. Il est devenu fou !
— Effectivement ! s’écrie le roi des dieux, qui sent venir la catastrophe. À
ce train-là, il va me chambouler l’univers en un jour.
Il lance aussitôt son foudre et, comme Zeus ne manque jamais sa cible,
Phaéton, foudroyé, tombe à bas de son char. Il tombe, tombe comme une
pierre lancée du firmament et disparaît dans les eaux du fleuve Éridan.
Par chance, ses sœurs, les Héliades, l’ont vu. Elles accourent. Elles
fouillent les flots, retrouvent le corps de l’imprudent Phaéton et l’enterrent.
Puis, à genoux près de sa tombe, elles pleurent, inconsolables. Alors, pour
adoucir leur chagrin, Zeus les transforme en peupliers et fait de leurs larmes
de ravissants grains d’ambre.
Chargé par les dieux de créer l’humanité, Prométhée
façonne les premiers hommes avec de la terre glaise,
laissant à son frère Épiméthée le soin de finir le
travail. Terrible erreur ! Épiméthée le maladroit
donne des ailes ou des pattes aux animaux pour
s’enfuir, des cornes, des crocs ou des gri es pour se
défendre, de la fourrure, des écailles ou des plumes
pour se protéger. Quand vient le tour des humains, il
n’a plus rien à leur o rir !

Surnom : le bienfaiteur de l’humanité


Parents : le Titan Japet et de l’Océanide Asia, qui
donne son nom au continent Asie
Épouse : Célaeno, fille d’Atlas
Enfants : Deucalion, Lycos et Chimaerée
Frères : Atlas, Épiméthée le « maladroit », Ménoetios
Cousin : Zeus
« N’accepte rien des dieux qui rêvent de vengeance », conseille
Prométhée à son frère, mais Épiméthée n’en fait qu’à sa tête. Il
épouse Pandore, une femme merveilleuse que Zeus lui offre, et accepte en
cadeau de mariage une boîte qu’il est interdit d’ouvrir. Une nuit, poussée par la
curiosité, Pandore soulève le couvercle du présent divin, d’où s’échappent alors
les malheurs qui frapperont désormais les humains : la faim, la guerre, la
cruauté, la mort... Prométhée avait raison.
Un beau matin, exaspéré par la méchanceté, la déloyauté et les
mensonges des humains, Zeus décide d’en finir avec eux.
— Je vais vous détruire, infâmes créatures, hurle-t-il du haut du mont
Olympe. Tremblez, humains, tremblez !
Le maître de l’Univers prépare ses armes : orages, tonnerre, éclairs et
pluie. Pas une bruine fine et légère, ni une grosse averse de printemps… non :
il désire une pluie forte, dense, longue, un véritable déluge.
— Je jure par les fleuves des Enfers de vous noyer sous les eaux, tous
sauf Deucalion le Vertueux et la sage Pyrrha, reprend Zeus. Eux seuls
méritent de vivre, car ils respectent et honorent les dieux. Prométhée ! Cours
prévenir ton fils et ta belle-fille.
Prométhée se dépêche de les rejoindre.
— Mes enfants, leur dit-il, construisez vite un grand bateau de bois avec
un toit solide et embarquez aux premières gouttes de pluie.
Connaissant ses dons de devin, Deucalion et Pyrrha obéissent. Ils coupent
des arbres, scient des planches, assemblent, consolident, puis ils attendent
patiemment le déluge annoncé.
Quelques jours plus tard, leur travail à peine achevé, de sombres et lourds
nuages s’amoncellent dans le ciel. Ils grossissent, se tassent,
s’entrechoquent, se boursouflent.
— C’est le moment, se réjouit Zeus.
Il intensifie les brouillards, attrape les nuages et les presse dans ses
mains jusqu’à ce qu’ils éclatent avec fracas. Alors, des torrents de pluie se
mettent à tomber tandis que Deucalion et Pyrrha se réfugient sur leur bateau.
Durant neuf jours et neuf nuits, il pleut sans discontinuer. Les rivières
débordent, éteignant sur leur passage les feux allumés par les hommes. Les
mers gonflent, recouvrent les rivages. Terrifiés, les humains cherchent un
abri, ils gagnent les hauteurs. Les eaux les y rejoignent, les entourent, les
submergent. Peu à peu, les cris cessent et la terre disparaît sous les flots.
Autour de Deucalion et de Pyrrha, tout n’est qu’océan. Un océan sans rivages.
Ils vont où le courant les entraîne. Ils voguent sur les vagues du déluge. Au
matin du dixième jour, Zeus fait cesser la pluie, il disperse les nuages et
chasse les brouillards. Le soleil revient, les eaux s’évaporent et le bateau
échoue au sommet d’une haute montagne grecque. À peine débarqués,
Deucalion et Pyrrha prient les dieux avec ferveur, mais ils se sentent bien
seuls dans ce monde désert. Ils pleurent, blottis dans les bras l’un de l’autre.
Que vont-ils devenir ?
— Faites un vœu et je l’exaucerai, tonne Zeus. Mais attention :
réfléchissez bien, un seul vœu !
— Ô divin maître du Monde, donne-nous des compagnons et des
compagnes, répondent-ils en chœur.
— Fort bien, fort bien… Alors jetez par-dessus votre épaule les os de votre
grand-mère !
Comme tous les messages divins, celui-ci manque de clarté. Pourtant,
astucieux comme son père, Deucalion le comprend vite.
— Notre grand-mère, c’est Gaia, la déesse Terre, explique-t-il à Pyrrha.
— Et les os ?
— Ce sont… ce sont les pierres des chemins, les « os » de la Terre !
Joignant le geste à la parole, Deucalion ramasse un fragment de roche,
puis un autre, et encore un autre. Il les lance par-dessus son épaule. Chaque
pierre jetée s’amollit peu à peu, s’allonge, prend une forme nouvelle, devient
homme. Pyrrha l’imite, mais de ses pierres naissent des femmes. Ainsi la
terre se repeuple. L’humanité est sauvée.
Appuyé sur son sceptre d’ivoire, Zeus les regarde de loin, attendri. Il sait
qu’il ne peut se priver des humains, de leurs offrandes et de leurs prières. Il
accepte enfin l’idée que les dieux et les hommes ont besoin les uns des
autres.
Laissant le grand Zeus à ses rêveries, Prométhée apprend aux nouveaux
humains à travailler la terre, à lire, à écrire, à construire des bateaux et à
naviguer. Il tente toujours de leur donner le meilleur pour adoucir leur vie.
Un jour que les hommes sacrifient un bœuf à la gloire de Zeus, Prométhée
s’occupe du partage. Il fait deux tas distincts. D’un côté, il place les os
recouverts de belle graisse blanche appétissante, de l’autre, la viande sous
une affreuse peau.
— Ô roi de l’Univers ! s’exclame Prométhée en levant les bras vers le ciel.
Choisis ta part.
Évidemment, Zeus préfère la graisse blanche. Est-il vraiment tombé dans
le piège ou a-t-il tout observé de la supercherie ? Nul ne le saura jamais. Quoi
qu’il en soit, en découvrant ces os immangeables, la colère envahit son cœur.
— Humains, mon foudre n’enflammera plus jamais vos tas de brindilles
ridicules, hurle-t-il du haut du mont Olympe. C’est fini, bien fini !
— Mais, sans la chaleur de ton feu, ils mourront, intervient Prométhée,
inquiet.
— Peu m’importe !
Furieux à son tour, Prométhée attend le soir pour gravir les pentes du mont
Olympe. Il pénètre sans bruit dans le palais divin. Là, il dérobe l’étincelle du
feu et la cache dans la tige creuse d’un fenouil. Où l’a-t-il prise ? À la roue du
char du Soleil ou à la forge d’Héphaïstos ? Personne ne le sait, puisque
personne ne l’a vu. Sans perdre un instant, Prométhée les donne aux hommes.
Avant de les quitter, il leur apprend comment faire pour que leurs feux ne
s’éteignent jamais.
Au milieu de la nuit, Zeus aperçoit les foyers allumés sur terre. Comprenant
ce qui s’est passé, il décide de punir Prométhée, le voleur de feu, et ses
protégés. Contre les humains, il envoie Pandore, qui leur apportera toutes les
misères du monde. Quant à Prométhée, il l’enchaîne aux monts Caucase avec
d’épaisses chaînes d’acier.
— Chaque jour, un aigle aux longues ailes te dévorera le foie ! ordonne le
grand dieu. Et chaque nuit, ton foie reprendra sa forme habituelle…
Sa voix puissante résonne dans tout l’univers. Chacun sait que la colère de
Zeus est redoutable et que nul ne peut s’y opposer.
— Ah ! Voleur de feu, continue-t-il, je te jure de ne jamais te détacher de ce
rocher, jamais. Ton supplice sera éternel !
Le temps passe… Un jour Héraclès, le héros aux douze travaux, traverse
les monts Caucase.
— Connais-tu la route menant au jardin des Hespérides ? demande-t-il à
Prométhée enchaîné.
— Bien sûr.
Et tandis que l’oiseau dévore son foie, Prométhée, qui connaît toutes
choses, indique le chemin à Héraclès. Pour le remercier, celui-ci tue l’aigle de
Zeus et délivre le prisonnier. Immédiatement mis au courant, le roi des dieux
sent monter en lui deux sentiments contradictoires : la colère et la fierté.
D’une part, il admire Héraclès, son fils chéri, qui a réussi un tel exploit.
D’autre part, il ne peut accepter que soit ridiculisée sa promesse de
maintenir Prométhée dans ses fers. Puissant, rancunier et redoutable, Zeus
est aussi plein de malice.
— Prométhée, je t’ai puni pour toujours, t’en souviens-tu ?
— Oui, grand dieu.
— Tu es libre, mais je t’ordonne de porter éternellement une bague faite de
l’acier de tes chaînes et d’un morceau du rocher auquel je t’avais accroché !
Ainsi, personne n’oubliera que je t’avais condamné. Est-ce clair ?
— Oui, grand dieu !
Dès lors, pour le remercier de sa clémence, Prométhée obéira à Zeus et lui
donnera parfois d’excellents conseils.
Seule déesse mariée parmi les trois Grandes
Olympiennes, Héra est respectée de tous, des dieux
comme des hommes. Épouse fidèle, très belle, mais un
peu triste, elle siège sur un trône d’or auprès de Zeus.
On la dit jalouse et violente. C’est vrai. Mais qui ne le
serait pas avec un mari aussi volage que le sien ?

Fonction : déesse du Mariage


Surnom : la déesse aux sandales d’or
Parents : Cronos et Rhéa
Époux : Zeus
Enfants : Héphaïstos dieu du Feu, Arès dieu de la Guerre, Ilithye
déesse de l’Enfantement, Hébé déesse de la Jeunesse
Frères et sœurs : Zeus, Hestia, Déméter, Hadès et Poséidon
Attributs : le paon, la grenade et le lis
Nom romain : Junon
Depuis peu, Zeus aime en secret la princesse Io. Un secret bien
mal gardé ! Pour calmer les soupçons d’Héra, il transforme Io en
génisse blanche et l’offre à son épouse. Mais la déesse se méfie.
Elle demande à son fidèle Argos aux cent yeux de garder le bel animal, nuit et
jour. Alors Zeus ordonne à Hermès de tuer ce terrible gardien. Argos mort,
Héra sème ses yeux sur les plumes d’un paon, puis elle envoie un taon
poursuivre la pauvre génisse. Affolée, Io traverse la mer jusqu’en Asie, où elle
est contrainte de fuir éternellement le cruel insecte.
Personne n’oubliera le somptueux mariage d’Héra et de Zeus dans le
jardin des Hespérides. Un vrai mariage d’amour, une belle fête ! Mais, au fil
des années, Héra supporte de plus en plus mal les infidélités de son mari, qui
collectionne les amours comme d’autres les jolis coquillages. Elle hait les
maîtresses de Zeus autant que les enfants nés de ces unions ! Elle les épie,
les poursuit sans relâche, leur rend la vie impossible. Elle frappe les uns de
folie, en pousse d’autres au crime, soulève des tempêtes. Héra n’est jamais à
court d’idées.

La grande déesse n’est pas la seule à être scandalisée par les amourettes
du maître de l’Univers. Poséidon et Athéna le sont tout autant.
— Empêchons-le de descendre sur terre rejoindre sa dernière conquête !
murmure le dieu de la Mer en agitant son trident.
— D’accord, l’approuve Athéna, mais comment faire ?
— Il ne se laissera jamais convaincre de rester avec nous, soupire Héra.
Trouvons un moyen de le retenir contre son gré.
— Oui, enchaînons-le !
Des bruits de pas. Ils se retournent tous trois. Malheur !
— Que faites-vous ici, bande de comploteurs ? tonne Zeus qui a tout
entendu.
— Rien de particulier, ment Héra. Nous bavardions, c’est tout.
— Je vais te suspendre aux nuages par les cheveux, ma chère, hurle Zeus
bouillonnant de colère. Et tu y resteras, pieds et poings liés, le temps que je
fasse un petit tour sur terre.
— Certainement pas ! rétorque Héra. C’est moi qui vais te punir en
frappant un de tes enfants illégitimes.
— Qui ? s’inquiète Zeus.
Poséidon et Athéna s’éloignent. Les disputes entre les deux époux
atteignent souvent un tel degré de violence qu’aucune divinité n’ose s’en
mêler.
— Qui ? Mais ton très cher Héraclès, par exemple. Regarde ! Il va mourir, et
tout de suite ! Je vais soulever les vagues, faire naître la tempête et couler
son navire.
— Arrête, Héra !
— Non.
— J’en ai assez de tes reproches.
— Et moi de tes infidélités.
— Tu aimes trop la querelle. Oublie Héraclès et écoute-moi. Je ne veux pas
te laisser souffrir davantage, tu es ma sœur, mon épouse, mon aimée…
— Ah ! Voilà bien tes ruses, Zeus. Je ne veux plus t’écouter.
— À ton aise… Alors, je vais attacher une enclume à chacun de tes pieds
et te suspendre à l’Olympe !
— Tu ne pourras pas m’y laisser bien longtemps, ricane Héra.
— Mais enfin, pourquoi fais-tu obstacle à tout ce que je veux ? Je t’aime
d’un amour immense, alors que t’importent mes agissements ?
— Tes agissements ? Ils me causent sans cesse honte et chagrin.
— C’est vrai, mon père ! intervient Héphaïstos, qui les a rejoints, alerté par
la violence de leurs cris. Elle souffre par ta faute.
— Quoi, mon fils, tu prends son parti ? Tu oses te rebeller contre moi ?
— Je ne me rebelle pas, je te demande seulement d’épargner à ma mère
certaines douleurs. Elle supporte fort mal tes amourettes à répétition et les
enfants qui en naissent. Et je la comprends. Accepterais-tu qu’elle te trompe
de la sorte ?
— Certes, non ! tonne Zeus. Mais je t’interdis toute critique à mon égard.
Je suis ton père, ne l’oublie pas. Tu me dois respect et obéissance, ou gare à
toi !
Héra s’approche de leur fils pour le protéger. Elle craint les rages du grand
dieu.
— Je respecte ceux qui sont respectables, lance le fougueux Héphaïstos.
— Honte sur toi, jeune insolent ! Aujourd’hui, tu m’es le plus odieux de tous
les Immortels !
— Laisse-le ! exige son épouse.
— Voilà ce que je fais aux fils indignes ! rugit Zeus en retour.
Sur ces mots, il saisit Héphaïstos par un pied, le fait tournoyer au-dessus
de sa tête et le jette de toutes ses forces du haut de l’Olympe.
Héra se penche, en larmes. Elle voit son fils tomber, tomber encore, et le
perd de vue.
Plus tard, elle apprendra que cette chute terrible dura tout le jour.
Héphaïstos atterrit brutalement sur une île, le corps brisé et le souffle
court. Les habitants du lieu viennent à son secours. Ils le soignent du mieux
qu’ils peuvent. Hélas, le dieu est désormais boiteux, boiteux pour l’éternité.
Prudent, il installe sa forge sur cette île, loin de son père et du mont Olympe,
où il se rend de temps à autre. Plus tard, il se choisira un endroit plus vaste
et plus chaud : sous le volcan Etna, en Sicile.

Pour la déesse aux sandales d’or, l’infirmité d’Héphaïstos est une terrible
blessure infligée à son cœur de mère. Pourtant, l’amour qui unit Héra et Zeus
est si fort que, malgré tout, ils resteront mari et femme pour l’éternité.
Enfant né des amours illégitimes de Zeus, le jeune
Dionysos est poursuivi par la haine d’Héra : il lui
faudra accomplir de nombreux exploits avant de
mériter sa place parmi les dieux de l’Olympe.
Dionysos est un dieu joyeux, qui aime la danse, la
musique, les fêtes, les voyages et le vin. Nous lui
devons beaucoup, car les cérémonies organisées en
son honneur se transforment, peu à peu, en pièces de
théâtre. Le spectacle est né.

Fonction : dieu de la Vigne et du Vin


Parents : Zeus, dieu du Ciel clair et de la Foudre,
et Sémélé, fille de Cadmos et d’Harmonie
Épouse : Ariane, princesse crétoise
Fils : Thoas, Staphylos, Œnopion et Péparéthos
Attributs : la vigne et le thyrse, longue lance ornée de lierre
Fête sacrée : les Grandes Dionysies, à Athènes
Nom romain : Bacchus
Dionysos traverse les cieux sur son char quand il aperçoit une
jeune fille en larmes sur une île déserte. C’est la princesse Ariane
de Crète. Le prince Thésée, vainqueur grâce à elle du monstrueux Minotaure,
vient de l’abandonner. Attendri, Dionysos la rejoint et lui propose le mariage.
Ariane accepte et l’épouse sur le mont Olympe. Son nouveau mari fait alors
d’elle, simple mortelle, une Immortelle, lui évitant les chagrins de la vieillesse
et de la mort.
La princesse Sémélé, le dernier amour de Zeus, attend un enfant de lui.
Folle de jalousie, Héra sait comment se venger.

— Sémélé, ma toute belle, demande-moi ce que tu veux, murmure Zeus en


caressant les cheveux soyeux de la jeune femme. D’avance, je te l’accorde.
— Ce que je veux ? Seulement te voir dans toute ta gloire.
Elle ignore que c’est Héra, sous les traits de sa nourrice, qui lui a soufflé
cette idée.
— Mon amour, hélas… je tiens toujours mes promesses, gémit Zeus,
accablé de tristesse.
Il s’éloigne d’elle. Il sait qu’aucune mortelle ne peut supporter de le voir
dans toute sa splendeur. Il rassemble les nuages. Il ajoute les orages, les
éclairs et le tonnerre. Puis, armé de son foudre, il rejoint Sémélé en son
palais. Alors il lui apparaît magnifique, environné d’éclairs, rayonnant de
puissance, et… Sémélé tombe foudroyée à ses pieds.
Refusant de laisser mourir leur enfant, Zeus arrache son fils du ventre de
Sémélé, puis il s’ouvre la cuisse, y place le tout petit Dionysos et recoud sa
plaie.

Trois mois plus tard, l’enfant en sort : c’est un superbe petit garçon. Mais
qui élèvera Dionysos ? Zeus y a déjà songé.
— Hermès aux sandales ailées, appelle-t-il discrètement. Confie ce bébé
au roi Athamas et à la reine Ino, la sœur de Sémélé.
— Je suppose que je dois le tenir loin des yeux d’Héra ?
— Bien sûr. Qu’ils l’habillent en fille afin de le protéger de la jalousie de
mon épouse.
Comme toujours, Zeus est obéi.

Cependant, Héra découvre vite la cachette de l’enfant. Elle frappe de folie


le roi, la reine et la nourrice de Dionysos, qui doit fuir, se cacher. Mais où ?
Zeus intervient. Il transporte son jeune fils loin de la Grèce, dans la lointaine
Asie. Il le transforme en chevreau et confie son éducation aux nymphes du
lieu.
— Ne t’inquiète pas, mon petit, chuchote-t-il à son oreille poilue, tu
reprendras ton allure divine quand tu seras grand.
Un bêlement lui répond.

Devenu adulte et sous l’aspect d’un dieu magnifique barbu et chevelu,


Dionysos entame une nouvelle vie. Par peur de la grande déesse qui a juré sa
perte, il voyage dans le monde entier, introduisant partout la culture de la
vigne, l’art de fabriquer du vin et de le boire. Ah ! Comme il aime faire la fête !
S’enivrer, rire, danser et chanter… Il boit toujours trop, c’est son plus gros
défaut.
Évitant soigneusement la Grèce, Dionysos mène une vie errante. Il voyage
jusqu’en Inde, caracolant sur son char tiré par des panthères et orné de vigne
et de lierre. Près de lui, avancent ses prêtresses, les bacchantes, et les
satyres, démons de la nature, boucs ou chevaux à buste et tête d’homme.
Quel cortège !
Un jour, des pirates de Tyr trouvent, en un lieu désert, un beau jeune
homme ivre de vin et de sommeil. Ils l’emmènent à bord de leur navire,
mettent à la voile et s’éloignent. Ils savent déjà quel sort lui réserver.
L’inconnu, qui n’est autre que Dionysos lui-même, sort enfin de sa torpeur
et demande au capitaine :
— Pouvez-vous me laisser sur l’île de Naxos ?
— Bien sûr, approuve le chef pirate, avant d’ajouter à voix basse, à
l’intention de son second : Nous le vendrons comme esclave à la prochaine
escale. Beau et musclé comme il est, on en obtiendra un bon prix.
Hélas pour lui, le vent porte ses paroles jusqu’à Dionysos.
— Que dis-tu ? demande le dieu. Tu vas bien à Naxos, comme promis ?
— Ne crains rien. Je t’y conduis.
— Alors, vire côté soleil couchant.
— Tu as perdu l’esprit, il faut aller vers le soleil levant ! s’énerve le pirate.
Regarde, nous arrivons.
Les hommes de l’équipage ricanent, échangeant des sourires entendus.
Dionysos fait mine de pleurer et ajoute :
— Pourquoi me trompez-vous ? Ce ne sont pas les côtes de Naxos.
Les rires grossissent, mais le navire s’immobilise au beau milieu des eaux.
Un petit air de flûte résonne aux oreilles des pirates sans qu’aucun musicien
ne soit monté à bord. Les marins, étonnés, continuent de ramer, mais du
lierre s’enroule autour de leurs avirons à une vitesse prodigieuse. Ils
s’affolent. Leurs rames s’amollissent, se transforment en serpents. De la
vigne se met à pousser sur la coque du navire, sur le pont, le long du mât. Les
pirates tentent en vain d’arracher ces guirlandes végétales ou se bouchent
les oreilles. Ils ne supportent plus cette musique venue de nulle part qui les
enveloppe, ces flûtes invisibles…
Terrifiés, ils se jettent à la mer. À peine touchent-ils les flots que leur
bouche s’élargit, leur peau durcit et change de couleur, leurs mains
deviennent nageoires et leurs jambes se transforment en queue. Ils
bondissent dans les flots, plongent, émergent à nouveau. Les voici dauphins !
— En punition, vous sauverez les marins lors des naufrages, crie Dionysos.
Vous serez les meilleurs amis des hommes. Adieu, on m’attend sur l’Olympe !
La sagesse, l’intelligence et la fureur guerrière
d’Athéna sont connues de tous. Chaque année, une
fête se déroule en son honneur à Athènes, les
Panathénées. Les concours de chant, de poésie et de
sport se succèdent, et les festivités se terminent par
la procession qui traverse la ville pour monter
jusqu’au temple. Tous les habitants sont là : prêtres,
magistrats, jeunes gens à cheval et jeunes filles
portant le voile tissé pour revêtir la statue de la
déesse.
Surnom : la déesse aux yeux pers, c’est-à-dire
bleu-vert
Fonction : déesse de la Raison et de la Guerre
Parents : Zeus, dieu du Ciel clair et de la Foudre,
et Métis, déesse de la Sagesse
Époux : aucun
Fils : Érichthonios, un des premiers rois d’Athènes
Ville protégée : Athènes
Attributs : la lance, le casque et l’égide, bouclier offert par Zeus
Animal : la chouette
Arbre sacré : l’olivier
Nom romain : Minerve

Poséidon et Athéna rivalisent d’ingéniosité pour devenir la divinité


protectrice d’Athènes. Celui qui offrira au pays le plus beau des
cadeaux sera vainqueur. Poséidon frappe de son trident les rochers
de l’Acropole, la colline sacrée au centre d’Athènes, et… l’eau de
mer jaillit. À son tour, Athéna frappe le sol de sa lance et un olivier chargé de
fruits apparaît. Le jury délibère et déclare Athéna victorieuse !
Bien avant de se marier avec Héra, Zeus, le maître de l’Univers, poursuit
la déesse Métis de ses avances, mais celle-ci ne ressent aucun amour pour
lui. Elle le fuit. Il la retrouve. Elle se métamorphose. Il la reconnaît. Elle
s’échappe. Il la rattrape. Finalement, il parvient à l’aimer et à l’épouser.
Quelques mois plus tard, apprenant que Métis est enceinte de lui, Zeus se
souvient soudain d’une ancienne prédiction. Affolé, il court chercher conseil
chez ses grands-parents, Ouranos et Gaia.
— L’oracle était pourtant très clair, lui rappelle Gaia d’un ton de reproche.
Tu étais prévenu, Zeus !
— Que disait-il exactement, grand-mère ?
— Que Métis te donnerait un fils qui te détrônerait, comme tu as détrôné
ton père le divin Cronos !
— Qu’avais-tu besoin d’aimer Métis ? gronde Ouranos.
Zeus baisse le nez. Il n’aurait pas dû. Il le sait. Mais Métis est trop belle,
trop gracieuse, trop sage, trop… Il a perdu la tête et risque maintenant les
pires ennuis. Il regrette et se reprend.
— Me détrôner, moi ? Jamais je ne me laisserai faire ! hurle-t-il.
— Les oracles ne mentent pas, lui rappelle doucement Gaia.
— Pour éviter que celui-ci ne s’accomplisse, je ne vois qu’une solution.
— Laquelle ?
— Elle ne te plaira pas.
Zeus se précipite chez Métis. Il la serre dans ses bras, la couvre de
caresses. Soudain, il ouvre grand la bouche et l’avale !
Métis et le futur bébé vivent désormais dans la douce chaleur de son
ventre.

Les mois passent. Un jour, alors que Zeus se promène tranquillement au


bord d’un lac, un violent mal de tête le saisit. Il se rafraîchit le visage avec de
l’eau pure, respire profondément et s’assied, pensif, la tête entre les mains. Il
a besoin d’aide, de toute urgence.
— Hermès, crie-t-il, mon crâne va éclater ! Cours me chercher Héphaïstos !
Le dieu aux sandales ailées se précipite à son secours.

Les dieux sont rapides, aussi Héphaïstos arrive-t-il presque aussitôt au


chevet de son père, en boitillant comme toujours.
— Que veux-tu ?
— Ouvre-moi la tête d’un coup de hache, bien par le milieu !
Le jeune dieu ne discute pas. Il obéit. Il a le geste sûr. Sa lame fend le
crâne paternel en deux, faisant tomber au passage quelques cheveux bruns.
La terre se met à trembler et, de la plaie béante, une jeune fille jaillit,
brandissant des armes étincelantes. Elle pousse un puissant cri de guerre qui
résonne dans tout l’univers.
C’est la déesse Athéna !
Qu’elle est belle, armée de la tête aux pieds ! Un casque sur la tête, une
lance, un bouclier rond, un sourire merveilleux et ses grands yeux pers, bleu-
vert, qui brillent de sagesse et d’intelligence.
Zeus, Hermès et Héphaïstos, appuyé sur sa hache, ne quittent pas des
yeux la nouvelle déesse. Soulagé, le grand dieu sait que sa plaie se refermera
vite.
— Et Métis ? s’étonne Hermès.
— Elle reste en moi, répond Zeus, qui refuse de courir le risque de l’aimer
encore et d’avoir un fils qui le détrônerait.
— Alors qui élèvera Athéna ? Une si jeune enfant a besoin d’une nourrice.
— Je vais la confier à Triton, le génie du lac. Il a une petite fille du même
âge.

Au fil des années, Athéna et Pallas, la fille de Triton, deviennent


inséparables. Elles s’amusent beaucoup, apprennent à lire, à écrire et à
compter. Elles étudient les arts, la littérature, les sciences et la stratégie
militaire. L’âme guerrière, elles s’initient au tir à l’arc comme au maniement
de la lance. Elles imaginent des batailles, élaborent des stratégies et se
battent souvent. Elles aiment aussi bavarder, tisser le lin et broder.
Savoir sa mère dans le ventre de son père attriste Athéna, qui se promet
de ne jamais aimer, de ne jamais se marier…
Un jour comme tous les autres jours, les deux jeunes amies s’entraînent au
combat. Soudain, Athéna frappe Pallas d’un coup si rapide, si bien placé, que
celle-ci, mal protégée par son bouclier, est gravement blessée. Elle meurt peu
après. Athéna sombre dans le plus terrible désespoir.
— Jamais je ne t’oublierai, murmure-t-elle. Jamais. En souvenir de toi, je
m’appellerai Pallas-Athéna. Et puis…
Athéna cherche une idée.
— Je vais façonner une statue qui te ressemble, une statue gigantesque,
somptueuse, afin que tout le monde, les hommes comme les dieux, se
souvienne de toi. On l’appellera le Palladion.
Seconde fille de Cronos et de Gaia, Déméter fait
partie des Grands Olympiens. Elle est déesse de la
Végétation, de la Terre cultivée, du blé surtout ! Car
sans blé, pas de farine, et donc pas de pain. C’est dire
comme elle est honorée et respectée des humains !
Elle s’occupe sans cesse de leurs champs et des prés
où broutent les troupeaux. Pas de belle moisson sans
elle !

Fonction : déesse de la Végétation et de


l’Agriculture
Parents : Cronos et Rhéa
Frères et sœurs : Héra, Hestia, Hadès, Zeus
et Poséidon
Époux : aucun
Fils : le cheval Aréion et Ploutos « la Richesse »
Filles : Perséphone, déesse des Enfers, et Despoina « la Maîtresse »
Sanctuaires : Éleusis et dans les régions où pousse le blé
Attributs : l’épi de blé, le pavot et la faucille
Animal sacré : la grue
Nom romain : Cérès
Déméter ne manque pas d’amoureux ! Pour échapper aux avances
de Poséidon, la déesse se transforme en jument. Elle galope aussi
vite que possible, mais se fait rattraper. Ainsi viennent au monde
le cheval Aréion et une fille appelée Despoina. Peu après, Déméter aime Iasion.
De cet amour partagé naît Ploutos, qui parcourt la terre en laissant sur son
passage l’abondance. Fou de jalousie, Zeus foudroie Iasion pour pouvoir aimer à
son tour Déméter, qui donne naissance à Perséphone, la fille préférée de la
grande déesse.
Guidée et protégée par Déméter, Perséphone grandit heureuse en
compagnie des nymphes. Parfois, elle s’amuse avec ses demi-sœurs Athéna
et Artémis, toutes deux également filles de Zeus.

Ce matin-là, Perséphone et ses amies cueillent des fleurs près d’un lac, au
cœur d’une forêt. Les jeunes filles s’éparpillent, rivalisant pour rapporter le
plus beau bouquet. Perséphone glisse des fleurs dans ses cheveux. Elle en
remplit des corbeilles et les plis de sa robe. Qu’elle est belle ! Soudain, un
craquement effrayant, une abominable odeur de souffre, la terre s’entrouvre,
la crevasse s’élargit et Hadès surgit. Sur son char noir tiré par des chevaux
au poil sombre, le dieu des Enfers attrape sa jolie nièce par la taille.
— Au secours, ma mère ! À l’aide !
— Oublie Déméter ! ricane son ravisseur.
Insensible aux cris de la jeune fille, Hadès l’entraîne vers les profondeurs
de la terre. Il excite ses chevaux, fait claquer les rênes sur leurs crinières
folles, gagne en vitesse et disparaît.
Déméter a reconnu la voix qui a poussé ce cri déchirant. Elle court vers le
lac.
— Perséphone, où es-tu ? Perséphone ?
Personne ne répond. Alors, l’angoisse au cœur, elle fouille en vain la forêt.
Elle oublie de dormir, de manger et de boire. Elle sillonne la terre, un flambeau
allumé dans chaque main. Elle questionne ceux qu’elle rencontre. Elle cherche
sa fille partout pendant neuf jours et neuf nuits.
Aucune trace de Perséphone.
Au matin du dixième jour, Déméter trouve une ceinture accrochée à un
rocher. Elle la reconnaît, c’est celle de sa fille.
— Habitants de la terre, vous êtes indignes de mes bienfaits ! sanglote-t-
elle, persuadée que c’est un humain qui a enlevé son enfant chérie. Je vais
briser vos charrues, tuer vos moutons et pourrir vos semences. Que les vents
se déchaînent ! Que les oiseaux dévorent les graines ! Que le soleil brûle les
blés que les pluies n’auront pas moisis !
Certaine que seuls les dieux et les déesses de Grèce peuvent l’aider,
Déméter gagne le palais divin de l’Olympe.
— J’ai vu Hadès enlever ta fille, avoue Hélios le Soleil, ému de sa douleur.

— Zeus, le savais-tu ? s’écrie la malheureuse mère. Perséphone est ta


fille autant que la mienne.
Gêné, le maître de l’Univers baisse la tête.
—…
— Pourquoi ce silence ? Rappelle-toi, quand Hadès t’avait demandé sa
main, tu avais refusé.
— C’est vrai, reconnaît Zeus. L’idée de savoir Perséphone enfermée
éternellement dans le séjour des ombres me déplaisait.
— Tu avais raison, et notre monstre de frère t’a désobéi !
— Exact, mais Hadès l’aime, que veux-tu ?
— Il t’a désobéi, Zeus !
— Calme-toi, chère Déméter. Loin d’être un outrage, cette… disons…
aventure est une histoire d’amour. J’autorise maintenant ce mariage.
— Pas moi, et j’exige qu’Hadès me rende Perséphone !
— Non.
— Honte à toi, père indigne ! hurle Déméter, brisée par le chagrin.
Loin de là, après le choc de l’enlèvement et malgré sa tristesse de vivre
sans sa mère et ses amies, Perséphone trouve en Hadès un fiancé agréable
et follement amoureux. Elle aime se promener dans les jardins de son
royaume souterrain. Un matin, elle découvre une grenade bien mûre sur un
arbre chargé de fruits.
Sur les conseils d’Hadès, elle en tire sept grains, qu’elle croque avec
plaisir.

Pendant ce temps, assise sur une pierre, Déméter l’attend. Autour d’elle,
les champs s’assèchent, les troupeaux meurent, les humains qui souffrent
n’apportent plus de présents aux divinités. La famine s’installe, chez les
hommes comme chez les dieux, qui se nourrissent des offrandes humaines.
Comprenant, mais un peu tard, que Déméter est une très puissante
déesse, Zeus convoque le dieu des Enfers devant le tribunal divin.
— Oui, j’ai enlevé Perséphone, reconnaît Hadès. Elle vit avec moi et ne
manque de rien.
— Sa mère la réclame, lui rappelle Zeus.
— Peut-être, mais je la garde. Que Déméter autorise notre mariage et tout
sera réglé.
— Jamais, s’écrie la déesse. Qu’il me la rende d’abord, nous discuterons
mariage ensuite !
— Voyons, Hadès, reprend Zeus, à la recherche d’un compromis acceptable
par tous. Tu as enlevé Perséphone il y a un an déjà… Dis-moi, la tristesse l’a-
t-elle empêchée de se nourrir ?
— Non, elle a mangé sept grains de grenade, annonce fièrement Hadès.
— C’est peu, mais suffisant, décide le maître de l’Univers, pour que
Perséphone vive avec toi.
— C’est inadmissible ! s’exclame Déméter. Perséphone ignorait que
quiconque mange aux Enfers ne peut plus jamais remonter sur terre.
— Écoute, ma chère sœur, si Perséphone n’avait rien mangé, elle serait
retournée près de toi. Mais ce n’est pas le cas. Elle doit donc rester avec
Hadès.
Le tribunal divin approuve Zeus mais, sur terre, la situation s’aggrave. À
force de chercher, le grand dieu trouve enfin une solution acceptable :
Perséphone partagera son temps entre le royaume souterrain d’Hadès et le
monde d’en haut, avec Déméter. Six mois avec l’un, six mois avec l’autre !
C’est ainsi que Déméter retrouve sa fille tant aimée. Aussitôt, elle laisse
pousser l’herbe dans les prés, germer les semences, s’ouvrir les bourgeons,
fleurir les arbres et grossir les fruits, comme les troupeaux. C’est le
printemps, puis l’été ! Mais quand Perséphone rejoint son mari aux Enfers,
Déméter pleure son absence. Les feuilles tombent, les arbres semblent
morts. Voilà l’automne et l’hiver. Et ce cycle se poursuit ainsi éternellement,
d’année en année.
Puissant, riche, terrifiant ! Voici Hadès, le maître du
monde souterrain, qui est celui des morts, mais aussi des
mines d’or et des métaux précieux. Aidé par de
nombreux monstres, démons et génies, il règne en
maître impitoyable. Six mois par an, son épouse
Perséphone siège à ses côtés et se montre aussi cruelle
que lui.

Surnoms: « Celui que l’on ne voit pas », « Celui qui


enrichit »
Fonction : dieu des Enfers
Parents : Cronos et Rhéa
Frères et sœurs : Héra, Hestia, Déméter, Zeus et Poséidon
Épouse : Perséphone
Enfants : aucun
Attributs : la corne d’abondance, la lance à deux fourches
Animal sacré : le serpent
Arbre sacré : le cyprès
Sanctuaires : Samothrace, Éleusis, Élis
Nom romain : Pluton
Un soir, le jeune héros Persée fait une promesse bien imprudente :
offrir au roi Polydectès la tête d’une Gorgone ! Monstres aux mains
de bronze, aux ailes d’or et à la chevelure de serpents, les Gorgones
transforment en pierre ceux qui les regardent. Alors comment les
approcher ? Persée reçoit d’Athéna un bouclier et d’Hadès son casque d’invisibilité.
Il approche des Gorgones endormies en regardant leur reflet dans le bouclier, ce qui
lui évite de finir pétrifié ! D’un geste, il coupe la tête de l’une d’elles, puis s’enfuit.
Poursuivi par les autres Gorgones, il se coiffe du casque et parvient à leur
échapper.
Hadès a tant à faire dans son sombre royaume qu’il le quitte rarement. Et
quel royaume ! Un pays ténébreux entouré du Styx, un fleuve large aux eaux
profondes et noires, par lequel arrivent sans cesse les nouveaux sujets du roi
des Enfers.

Justement, un mort approche !


Le terrible passeur Charon l’attend, debout sur sa barque. Fidèle serviteur
d’Hadès, ce vieillard très laid, à la barbe grise mal peignée et au manteau
déchiré, va lui faire traverser le Styx et les eaux boueuses de l’Achéron.
— Ta pièce ? exige Charon, glissant ses doigts dans la bouche du mort.
Il sait qu’avant d’enterrer l’homme, les vivants ont placé entre ses lèvres
une obole pour payer le passeur. Satisfait, il se poste à l’avant de la barque
pour la guider et se met à brailler :
— Allez, rame ! Plus vite, voyons. C’est que j’ai du travail, moi !

Sur l’autre rive, enchaîné à la porte des Enfers, Cerbère aboie violemment
en balançant ses trois têtes de chien et sa queue en forme de vipère, et en
agitant les têtes de serpent menaçantes qui se dressent sur son dos. Sa vue
seule terrifie l’âme du mort qui arrive. Pourtant le monstre l’accueille
gentiment, le salue, lui fait fête. Entre qui veut aux Enfers : le travail de
Cerbère consiste seulement à surveiller les
sorties. Gare aux morts qui tenteraient de s’échapper : le monstre les dévore
tout cru, car leur vue remplirait d’horreur les hommes comme les dieux.
Ensuite, le mort gagne l’endroit qui lui convient. Les uns rejoignent la
plaine des Asphodèles, d’autres celle des enfants morts au berceau, des
suicidés, des innocents condamnés à mort ou encore des soldats tués au
combat. Tous s’ennuient, se traînent et se lamentent. Les meilleurs gagnent
les champs Élysées, et ceux qui méritent les pires châtiments entrent dans
le Tartare.

C’est vers les Enfers obscurs, justement, qu’Héraclès se dirige à grands


pas. Le héros doit accomplir son douzième et dernier travail pour expier ses
crimes.
— Fais demi-tour, Héraclès, ou gare à toi ! menace Charon, le passeur
connu pour sa brutalité et son mauvais caractère.
— Laisse-moi traverser.
— Je ne le veux ni ne le peux… Tu connais la cruauté
d’Hadès, il me punirait pour cela.
— Laisse-moi traverser, répète Héraclès.
Puis, saisissant une rame, il frappe rudement le vieillard. Sous la violence
du coup, Charon vacille, tombe à genoux, se relève et, bien obligé, obéit au
terrible héros.

À la vue de ce vivant, les morts prennent peur. Ils fuient. Héraclès marche
vite. Il se dirige vers les champs Élysées, où se situe le palais d’Hadès. Il
aperçoit de loin la triple muraille qui entoure le Tartare et salue les
Hécatonchires aux cent bras, redoutables gardiens de cette prison. Il entend
des gémissements, des grincements de chaînes. Il s’arrête un instant,
épouvanté, puis il reprend sa route. Il n’a pas une minute à perdre.
Héraclès trouve Hadès en son somptueux palais.
— Ô puissant dieu des Enfers, commence le héros,
permets-moi d’emmener sur terre Cerbère, ton bon gardien. Tu sais que je
dois le conduire au palais du roi de Mycènes pour accomplir mon dernier
travail.
— Oui, et alors ? réplique sèchement le dieu des Enfers, bien droit sur son
trône d’ébène. Je déteste que les vivants viennent ici s’occuper des affaires
des morts. Chacun chez soi et tout ira bien, n’est-ce pas ?
Perséphone, à ses côtés, sourit et l’approuve de la tête.
— Tu me demandes beaucoup, reprend Hadès.
Le dieu des Enfers réfléchit. Il n’a aucune envie de satisfaire le héros, mais
il sait qu’Hermès et Athéna le soutiennent. Il ne peut donc pas le chasser
brutalement. Il ne voit qu’une solution : lui demander l’impossible en faisant
semblant
d’accepter sa requête.
— Entendu, Héraclès, déclare-t-il enfin, mais à une condition.
Héraclès frémit. Il connaît la cruauté du maître des Enfers.
— À condition, poursuit Hadès, que tu maîtrises Cerbère sans armes !
Un sourire malveillant flotte sur le visage du dieu et de son épouse.
— Je t’autorise juste à garder ta cuirasse et ta peau de lion.

Héraclès n’a pas le choix. C’est donc désarmé qu’il se bat contre Cerbère. Il
saisit son cou à pleines mains et serre pour l’étouffer. La queue du chien,
terminée par un dard comme celui d’un scorpion, le pique et le repique.
Héraclès ne relâche pas son étreinte pour autant. Il serre plus fort encore,
réduit le monstre à sa merci, en fait son prisonnier et sort des Enfers.
Héraclès arrive bien vite à Mycènes, mais, la vue de Cerbère cause un tel
effroi au roi qu’il se précipite dans un vase gigantesque, sa cachette préférée.
— Tu as rempli ta mission, crie-t-il. Maintenant, pars, ramène-le d’où il
vient…
Héraclès reconduit donc Cerbère aux portes des Enfers, où l’attend le divin
Hadès.
Fille de Zeus, Artémis aime vivre libre, loin du mont
Olympe. La nature est son domaine. Elle court, chasse
avec ses chiens ou rit avec ses amies les nymphes.
Déesse de la Lune, elle accompagne les voyageurs.
Souvent tendre et secourable, elle sait être cruelle et tue
ceux qui osent l’insulter en acte ou en parole. Gare à
ceux qui la contrarient !

Surnoms : la chasseresse, la dame aux fauves


Fonction : déesse de la Chasse
Parents : Zeus, dieu du Ciel clair et de la Foudre, et
Léto, fille du Titan Coeos et de la Titanide Phoebé
Frère jumeau : Apollon
Époux : aucun
Enfants : aucun
Sanctuaires : Sparte et Éphèse, l’une des sept Merveilles du
monde
Attributs : l’arc et les flèches
Animal sacré : la biche
Nom romain : Diane
Alors qu’Artémis poursuit des cerfs à la course, elle rencontre Orion,
un géant, excellent chasseur. Elle tente de l’éviter, mais Orion
l’attrape et essaie de l’embrasser de force. Insensible à la beauté de son agresseur,
Artémis le repousse violemment. Elle appelle à l’aide un scorpion et lui ordonne de
piquer le géant au talon. Une piqûre mortelle ! En remerciement, la déesse
transforme le scorpion en constellation étincelante, qu’elle place au plus haut des
cieux.
Une fois encore, Zeus est amoureux. Il a succombé aux charmes de la
déesse Léto. Il trompe un temps la vigilance d’Héra, son épouse, mais celle-ci
finit par tout découvrir.
— Terre, je t’interdis d’accueillir cette intrigante ! hurle la déesse, folle de
jalousie. Je défends à Léto d’accoucher en aucun endroit éclairé par le soleil !
Puis, se tournant vers le dragon Python, elle ajoute :
— Tue-la !
Python, qui a l’habitude de massacrer hommes et bêtes, se lance avec
plaisir à la poursuite de Léto.

Pour secourir sa belle amante, Zeus ordonne au dieu Borée, le Vent du Nord,
d’amener la jeune femme chez Poséidon. Toujours prêt à rendre service, le
dieu des Mers soulève les flots, qu’il dispose en une coupole liquide au-
dessus d’une île étrange, déserte et oubliée de tous.
Léto s’y réfugie. Elle est en sécurité, loin de la terre et à l’abri du soleil,
comme l’exige Héra. Ses enfants, car elle attend des jumeaux, étant sur le
point de naître, toutes les déesses viennent l’aider, sauf Héra et Ilithye,
déesse des Naissances.
Hélas, sans cette dernière pas d’accouchement possible ! Neuf jours plus
tard, après avoir offert un collier d’or et d’ambre à Héra pour apaiser sa fureur,
Ilithye obtient l’autorisation de rejoindre Léto. Ainsi naissent, au pied d’un
palmier, Artémis et Apollon, une fille et un garçon.
Du haut de l’Olympe, Zeus se désole. Il ne peut les rejoindre, de peur
qu’Héra ne l’aperçoive. Alors, faute de mieux, il récompense l’île pour son
hospitalité. Il la fixe au fond de la mer par quatre colonnes et brise la voûte
liquide qui la protège, puis il lui donne un nouveau nom : Délos, « la Brillante »,
car Apollon, dieu de la Lumière, y est né.
Zeus n’a toujours pas réussi à éloigner le dragon Python, quand Artémis et
Apollon décident de s’en occuper. À peine âgés de quatre jours, ils s’arment,
embrassent leur mère et s’en vont. Ils marchent vite. Redoublant de
prudence, ils parviennent à repérer l’antre du monstre. Cachés derrière un
rocher, ils bandent leur arc, ajustent leur flèche et tirent. Ils visent juste,
Python meurt sur le coup.

Plus Artémis grandit, plus elle est sensible aux beautés du monde. Elle
aime la vie sauvage, les promenades et la chasse. De temps à autre, elle va
voir Zeus sur l’Olympe. Il l’interroge sur ses jeux préférés, comme sur ses
projets.
— Mon père, répond Artémis du haut de ses trois ans, j’aimerais courir
pour l’éternité dans les forêts profondes, libre, loin des palais divins.
— Quelle drôle de fille tu es ! Il te faudra donc un mari qui partage tes
goûts.
— Je ne veux ni mari ni amant. Juste un char, un arc d’or et des flèches
d’argent.
— Entendu, Artémis, s’amuse Zeus. Héphaïstos le dieu du Feu t’en
fabriquera. N’oublie pas de lui réclamer un carquois. Est-ce tout ?
— Non, il me faut aussi des sandales solides et une tunique de chasse.
— As-tu une idée de sa couleur ?
— Jaune safran avec un liseré rouge.
La jeune déesse sourit et ajoute :
— Je voudrais aussi des lévriers à la course rapide, et des nymphes
comme amies.
— Courageuse petite, tu auras tout ce que tu voudras. Mais ne t’étonne
pas si, intelligente et belle comme tu es, les dieux, les princes et les rois
tentent de gagner ton amour.
— Je les chasserai de mon domaine. Alors c’est entendu, mon père ?
— Oui, reste libre et vagabonde comme tu le souhaites, ma fille. Pour te
faire plaisir, je te nomme gardienne des routes et des ports.
Sitôt sortie du palais, Artémis regagne ses forêts et y capture quatre
biches, qu’elle attelle à son tout nouveau char d’or.

Les années passent. Artémis devient adulte, mais ne change pas d’avis.
Elle vit, heureuse, loin des hommes et des dieux, dans les montagnes
sauvages de Grèce. Pour sa toilette, une source d’eau claire lui suffit.
Un jour, alors qu’elle se baigne toute nue, elle entend des bruits
inhabituels. Des froissements de feuilles, des craquements de brindilles.
Artémis scrute les alentours. Elle a le regard perçant et l’ouïe fine. Elle se
sent observée, mais ne repère rien d’anormal. Comme elle regrette d’avoir
abandonné sa tunique et ses armes si loin sur le rivage ! De nouveaux
bruissements se font entendre dans la forêt.
— Qui est là ? crie-t-elle.
Entouré de ses chiens, Actéon le chasseur surgit d’entre les arbres. Il a
dans le regard un voile d’émerveillement. Il est tout bonnement ébloui par la
beauté d’Artémis.
— Que fais-tu ici, petit indiscret ? s’exclame la déesse.
Elle sort en courant de l’eau, s’habille à la hâte, saisit son arc et ses
flèches.
— Je chasse le cerf, noble déesse…
— Menteur ! Je ne suis pas un cerf, comme tu l’as toi-même constaté. Ces
montagnes sont miennes, le sais-tu ?
— Oui.
— Donc, non content de pénétrer chez moi sans y être invité, tu oublies
également qu’épier une femme au bain est inadmissible, impardonnable,
scandaleux. Tu vas avoir la punition que tu mérites !
Actéon, le chasseur trop curieux, recule de quelques pas. Trop tard : le voici
transformé en cerf ! Il s’enfuit. Il court vite. Hélas, ne reconnaissant pas leur
maître en ce bel animal, ses chiens le poursuivent. Ils le rattrapent et,
finalement, le dévorent. Justice est faite.
Maître des flots, des orages et de la pluie, Poséidon
est un dieu d’une extrême importance en Grèce, pays
brûlé par le soleil d’été. D’un coup de trident, il
ébranle les rochers, fait jaillir une source ou provoque
un raz de marée. Respecté par tous les hommes, et
par les marins en particulier, il leur o re un jour le
plus utile des cadeaux : le cheval !

Surnoms : l’ébranleur du sol, le maître des


chevaux
Fonction : dieu des Mers
Parents : Cronos et Rhéa
Frères et sœurs : Héra, Hestia, Déméter, Hadès et Zeus
Épouse : la déesse Amphitrite, reine de la Mer et fille de Nérée
Fils : parmi ses très nombreux enfants, on peut citer Triton, mi-
homme mi-poisson, Polyphème le Cyclope et Pégase le cheval ailé
Attribut : le trident
Animaux sacrés : le dauphin et le cheval
Nom romain : Neptune
Vainqueur à la guerre de Troie, Ulysse vogue vers son royaume, Ithaque. Ce
matin-là, explorant une île inconnue, il entre dans une grotte.
C’est alors que surgit Polyphème, le géant à œil unique, fils de
Poséidon. Le Cyclope ferme l’entrée par une lourde pierre, puis dévore trois des
compagnons d’Ulysse. Celui-ci, pour pouvoir s’enfuir, enivre le géant et lui
crève l’œil. Poséidon, furieux, lui promet les pires tempêtes pour avoir aveuglé
son fils ! Et le dieu a la rancune tenace : il fera en sorte qu’Ulysse erre sur la
mer pendant dix ans avant de regagner sa patrie.
Puissant et honoré, mais aussi dévoré d’ambition, Poséidon rêve
d’étendre son empire. Il veut, lui aussi, régner sur la terre ferme et égaler
Zeus, son jeune frère ! Alors il se présente à chaque fois qu’un concours
oppose des divinités pour savoir qui sera honoré dans telle ou telle ville.
Hélas, il joue de malchance. Après cinq échecs retentissants, Poséidon entre
dans une rage folle. Rancunier, il se venge. Armé de son trident, il rassemble
les nuages, déchaîne les vents, soulève la mer, avant de noyer les rivages
sous la brume et les flots. Parfois, il envoie des monstres épouvantables
ravager les pays qui l’ont rejeté.
Quand enfin son chagrin se calme, les éléments s’apaisent aussi.

Parfois, la chance sourit à Poséidon. Un matin, un délicieux hasard place


sur sa route la belle Amphitrite, fille du dieu marin Nérée. Elle danse sur les
vagues avec tant de grâce qu’il l’aime aussitôt. Hélas, la jolie déesse se
refuse à lui. Pire, elle fuit et se cache dans les profondeurs du Grand Océan.
Poséidon la cherche longtemps, en vain.
— Ami dauphin ! ordonne le dieu au cœur brisé. Trouve-la et ramène-la.
— Si elle refuse de me suivre ?
— Alors… alors dis-lui que je l’épouse, que je ferai d’elle la reine des Mers.
— Et si elle résiste encore ?
— Promets-lui des promenades sur mon char tiré par mes coursiers mi-
serpents, mi-chevaux, couleur d’algue et d’écume. Nous effleurerons les
vagues. Le vent rafraîchira nos visages et la douce chaleur du soleil
réchauffera nos corps. Je l’entourerai d’amour, elle sera heureuse et
puissante… Va !
Lorsque Poséidon voit revenir le dauphin accompagné d’Amphitrite, il tient
parole. Et, depuis leur mariage, célébré dans son palais d’or au fond des
océans, il l’aime d’un amour profond, même s’il multiplie les infidélités. Il
écoute ses conseils. Elle seule parvient à calmer ses colères.

Quand son épouse n’est pas là, Poséidon se plaît à visiter son royaume
sous-marin. Il se promène souvent sur son île préférée : l’Atlantide. Quelle
merveille ! On y trouve des fleurs extraordinaires, des minéraux rares et
précieux, de l’or en abondance, du cuivre, du fer et de l’orichalque, un métal
qui brille comme le feu. Évidemment, son île a un énorme défaut : elle se
trouve très loin de la Grèce.
Un jour, sur l’Atlantide, Poséidon aperçoit Clito l’orpheline, une charmante
jeune fille sauvage, un peu farouche. Pour l’aimer en toute tranquillité, il élève
une muraille autour de sa demeure, puis il creuse un fossé qu’il remplit d’eau.
De cet amour naissent cinq fois des jumeaux.
— Je vais faire d’eux des souverains puissants, promet-il à Clito pour
répondre à son inquiétude.
— Et comment feras-tu ?
— Rien de plus simple ! Je divise l’Atlantide en dix lots : dix garçons, dix
royaumes magnifiques.
— Avec des rivières et des ponts ?
— Oui, et des ports aussi, afin que le commerce prospère. Je veux que
l’Atlantide s’enrichisse et fasse des envieux.

Les projets de Poséidon réussissent parfaitement. Ses fils gouvernent en


rois sages et justes. Au cours du temps, le pouvoir passe à leurs
descendants, comme le veut la loi.
Que la vie est douce sur l’Atlantide !
Tous les ans, les dix souverains atlantes se rencontrent au cours d’une
cérémonie étonnante. La journée commence par des prières et des offrandes
au dieu des Mers.
— Lâchez les taureaux dans l’enclos sacré ! ordonne l’un des rois.
Armés d’épieux et de filets, les dix souverains s’élancent, et la chasse
commence, brutale, dangereuse. Ils doivent maîtriser un animal, et un seul.
Alors, ils le tueront, l’offriront en sacrifice à Poséidon et boiront son sang en
jurant d’obéir à ses divines lois.
La nuit est tombée sur l’Atlantide quand, vêtus de grandes robes bleu
sombre, les rois s’assoient en cercle autour de l’autel des sacrifices où le feu
fume encore. Le silence se fait. Vient alors le moment tant redouté du
tribunal. À voix basse, les souverains se jugent réciproquement. Ils ne
cachent rien de leurs actions passées, ni les bonnes ni les cruelles. Puis ils
jurent de ne jamais se nuire ni se battre entre eux. Enfin, ils se séparent.
Le lendemain, la vie reprend sur l’île de l’Atlantide. Comme d’habitude, les
paysans retournent aux champs, les artisans à l’atelier, les commerçants
achètent ou vendent, les soldats patrouillent, les marins quittent les ports et
les pêcheurs sortent leur barque et jettent leur filet.

Poséidon est satisfait de ce qu’est devenu l’Atlantide. Son projet a


parfaitement réussi. Même un peu trop bien car, peu à peu, les solides
Atlantes sont gagnés par des envies de grandeur et de toute-puissance. Ils
rêvent de dominer le monde et tentent à plusieurs reprises de le conquérir.
Que se passe-t-il ensuite ?
Personne ne le sait. Les Atlantes sont-ils passés à l’attaque ? Ont-ils été
vaincus par les armées ennemies ? À moins que ce ne soit par un terrible
cataclysme ? Un raz de marée effroyable ou un tremblement de terre ?
Pauvre Poséidon ! Un jour, l’Atlantide, son île préférée, disparaît dans les
flots. Aujourd’hui, il ne reste rien d’elle que de doux souvenirs et des regrets.
Mais certains racontent que le dieu des Mers y vit toujours, caché depuis des
siècles.
Avec Aphrodite, c’est tout ou rien. Soit, bonne et
généreuse, elle favorise les amours des époux et
préside aux naissances. Soit, cruelle et redoutable,
elle provoque des passions que rien n’arrête, rend fou
d’amour ceux qui ne le devraient pas ou pousse à
l’adultère et aux vices. Ses colères et ses
malédictions sont redoutées de tous !

Surnom : la femme née des vagues


Fonction : déesse de la Beauté et de l’Amour
Père : Ouranos, dieu du Ciel.
Époux : Héphaïstos, dieu du Feu
Enfants : Éros « l’Amour », Antéros, Déimos « la Terreur »,
Phobos « la Crainte », Harmonie et Énée
Animal sacré : la colombe
Plantes sacrées : la grenade et le myrte
Nom romain : Vénus
Aphrodite est née, dit-on, du sang d’Ouranos tombé dans la mer !
En effet, fatiguée d’engendrer sans cesse des enfants plus ou moins
monstrueux, Gaia la Terre appelle à l’aide son fils Cronos. Aussitôt, celui-ci
coupe les testicules d’Ouranos à l’aide d’une faucille. Aphrodite apparaît alors
au creux des vagues. Elle a la peau blanche comme l’écume et les cheveux
blonds, couleur de soleil. À peine née, elle s’assied dans un coquillage nacré et,
poussée par Zéphyr, le dieu du vent d’Ouest, elle vogue jusqu’à Cythère, puis
Chypre, où les Heures, déesses des Saisons, l’élèvent, avant de la conduire sur
l’Olympe.
Quel étrange mariage ! Aphrodite a épousé Héphaïstos, dieu du Feu,
surnommé « le boiteux ». La plus belle avec le plus laid ! Est-ce pour cela
qu’elle le trompe souvent ? Certainement pas. Elle aime souvent et avec
passion, c’est tout.
Depuis quelque temps, de baisers volés en rendez-vous secrets, Aphrodite
et Arès, dieu de la Guerre, passent ensemble des moments délicieux. Ils ont
l’éternité devant eux.
Hélas, un matin de malchance, Hélios le Soleil les aperçoit, tendrement
enlacés. Aussitôt, il avertit le mari trompé.
— Ah ! Ah ! Ils vont voir ce qu’ils vont voir ! hurle le dieu boiteux, ivre de
jalousie.
— Que vas-tu faire ? s’inquiète Hélios.
— Me venger, voilà tout.
Héphaïstos court à sa forge et se met au travail. Il fond le métal, le frappe,
le martèle, l’étire sur son enclume. Il fabrique des chaînes indestructibles
qu’il assemble en un filet magique. Lui seul peut manipuler cette toile
d’araignée, invisible à tous, même aux dieux. Son piège achevé, il le fixe au-
dessus du lit conjugal et s’en va, comme si de rien n’était.

Arès, qui ne cesse de surveiller le dieu du Feu pour profiter de ses


absences, se réjouit de son départ. À la nuit tombée, il se glisse dans le lit
d’Aphrodite, s’allonge près d’elle, l’enlace… et le filet tombe sur eux !
Impossible de bouger, de lever bras ni jambe ! Ils sont prisonniers.
— Venez, dieux de l’Olympe ! appelle Héphaïstos, revenu discrètement afin
de surprendre les amants.
Ses cris de fauve blessé retentissent dans l’univers.
— Approchez, il y a de quoi rire ou de quoi pleurer ! répète-t-il. Voyez la
belle Aphrodite, mon épouse aux mille vertus, dans les bras d’Arès le guerrier,
l’esprit de nos batailles !
Les dieux accourent. Ils s’agglutinent sur le seuil de la chambre. Quel
spectacle formidable ! Ils crient au scandale, ils admirent les amants, ils
rient, ils se moquent, ils plaisantent. Seul Poséidon ne trouve pas ça drôle.
— Relâche-les maintenant, demande-t-il à Héphaïstos.
— Je n’ai aucun ordre à recevoir de toi !
— Nous les avons vus, te voilà donc satisfait. Ce doit être suffisant pour
assouvir ta soif de vengeance.
— Non, car ils s’aimeront encore dès que j’aurai le dos tourné et, cela, je le
refuse. Tu oublies un peu vite qu’ils ont déjà eu trois enfants !
— Voyons, Arès ne recommencera plus, je m’en porte garant, promet le
dieu des Mers.
Héphaïstos hésite, et finalement accepte de lever le filet. Alors, les
divinités retournent à leurs occupations, tandis que les amants honteux
s’enfuient loin de l’Olympe. Aphrodite va se cacher à Chypre et Arès en Thrace.

Cette mésaventure n’empêchera pas Aphrodite d’aimer Dionysos, Hermès,


Poséidon ou de simples mortels, comme Anchise, le prince troyen. Mais
désormais, elle sera plus discrète. Puis elle oubliera cette terrible humiliation
au lendemain des noces du roi Pélée et de la nymphe Thétis…
Ce jour-là, toutes les divinités de Grèce sont conviées au mariage. Le
nectar coule à flots, l’ambroisie ne manque pas, la musique est agréable et
les conversations charmantes. Soudain, la porte s’ouvre avec fracas.
— Et moi, alors ? s’écrie Éris, déesse de la Discorde, les joues
empourprées de colère.
Dans un silence profond, tous les regards se tournent vers elle.
— Je suis la seule à ne pas avoir été invitée sous prétexte que j’adore les
disputes !
—…
— C’est bien ce que vous pensez, n’est-ce pas ? Alors vous m’évitez.
Éris agite ses longues ailes, signe de malheur. Elle dévisage avec calme
les invités tétanisés, se place au milieu d’eux et sort des replis de sa robe
une pomme d’or.
— Puisque c’est ainsi, voici pour la plus belle ! Adieu.
Sitôt la porte claquée, les divinités retrouvent l’usage de la parole. On
discute, on se dispute, on se chamaille… Qui est la plus belle des déesses ?
— Moi ! lance l’une d’elles en s’approchant de la pomme.
— Pas du tout, elle me revient de droit.
— Absolument pas, offrons-la à la mariée !
Toutes les déesses la veulent, tous les dieux donnent leur avis. Personne
n’est d’accord.
Une fois de plus, Éris a gagné : elle a semé la discorde et gâché les noces
de Pélée et Thétis.

Finalement les divinités tombent d’accord pour dire qu’Héra, Athéna et


Aphrodite, les plus belles parmi les belles, méritent la pomme d’or.
— Zeus, roi des dieux, maître de l’Univers ! demandent-elles en chœur, à
toi de les départager, maintenant.
Le grand dieu réfléchit. Il prend son temps, la situation est délicate. Il
devrait donner la pomme à Héra, son épouse d’une beauté à couper le souffle.
En choisir une autre entraînerait pour lui un châtiment exemplaire et violent
de la part de la déesse, si vite jalouse et terriblement puissante.
Cependant, pour être tout à fait honnête, Zeus trouve qu’Athéna, sa fille
chérie, surpasse Héra en beauté. Sa longue chevelure brune et ses yeux pers
flamboyant d’intelligence lui semblent admirables.
Zeus se reprend. Non, ni l’une ni l’autre.
C’est Aphrodite, en toute logique, qui doit l’emporter, avec sa peau douce
et blanche comme l’écume des vagues, son regard profond et ses cheveux
couleur du soleil.
Zeus hésite encore. Il n’ose mécontenter aucune des trois déesses, de
peur de représailles des deux perdantes.
— Alors ? s’impatientent les divinités assemblées.
— Hermès, approche, dit enfin Zeus en caressant sa barbe bouclée.
Le messager des dieux s’avance. Il craint quelque ruse de la part du grand
dieu, qu’il sait capable de tout.
— Hermès, prends cette pomme d’or !
— Mais, elle n’est pas pour moi…
Un rire parcourt l’assemblée. Hermès ne peut remporter la pomme réservée
à la plus belle des déesses, pas des dieux.
— Ne riez pas, coupe Zeus, de fort méchante humeur. Je répète : prends
cette pomme et rends-toi sur terre. Qu’Héra, Athéna et Aphrodite
t’accompagnent !
Plus de ricanements, ni de sourires en coin. Tous se demandent quel est le
plan divin.
— Sur terre, va directement dans les montagnes proches de Troie et
trouve le berger Pâris !
— Tu veux parler du prince Pâris, que son père a abandonné à la naissance
à cause de l’oracle ?
— Celui-là même. Tu le reconnaîtras aisément à sa grande beauté, qui fait
de lui le meilleur juge pour choisir la plus belle de nos déesses, pas vrai ?
— Bien sûr, l’approuve Hermès.
Le dieu aux sandales ailées s’envole immédiatement, suivi par les trois
déesses caracolant sur leurs chars d’or.

Ignorant des soucis divins, Pâris sursaute en voyant arriver les divinités. La
peur le prend. Il se lève à la hâte, laissant son troupeau s’éparpiller et son
chien aboyer.
— Rassure-toi, nous ne te voulons aucun mal, lui dit Hermès. Zeus
t’ordonne de remettre cette pomme d’or à la plus belle de ces déesses.
La surprise passée, Pâris les regarde avec attention. Il les trouve toutes
trois aussi magnifiques les unes que les autres.
— Jeune Pâris, fils du roi Priam de Troie, lance Athéna, si tu me choisis, je
te donnerai la sagesse et la victoire. Je ferai de toi le plus courageux des
guerriers.
— Moi, je t’offrirai un vaste empire qui s’étendra sur toute l’Asie,
l’interrompt Héra. Richesse et puissance, qu’en dis-tu ?
— Allons, écoute-moi, jeune prince, intervient à son tour Aphrodite. Je
t’offre le bonheur, le plus précieux des biens, l’amour d’Hélène, reine de
Sparte, la plus belle des femmes !
À ces mots, Pâris se décide. Il préfère l’amour à la gloire militaire comme à
la puissance royale.
— Déesse Aphrodite, dit-il, cette pomme d’or te revient de droit.
— Merci, chuchote la gagnante en s’éloignant. Sois sûr que je n’oublierai
pas ma promesse.
Athéna et Héra, furieuses, quittent à leur tour le pré en compagnie
d’Hermès, tandis que Pâris se retrouve seul avec son chien et son troupeau. Il
ferme les yeux et se met à rêver. Comment pourrait-il, lui qui vit dans les
montagnes troyennes, aimer et être aimé de la belle Hélène ?

Quelque temps plus tard, Aphrodite tient parole. Elle organise le voyage de
Pâris vers Sparte, puis elle fait naître l’amour entre la reine Hélène et le
prince, qui l’enlève et l’emmène en son palais de Troie.
Ménélas, l’époux d’Hélène, est furieux. Il apprête aussitôt ses bateaux et
ses guerriers pour aller chercher sa femme adorée. Hélas, le malheureux roi
de Sparte réalise bien vite que, seul, il échouera face à la puissante Troie,
aussi demande-t-il l’aide de son frère Agamemnon, roi de Mycènes, d’Ulysse,
roi d’Ithaque, et de tous les autres souverains grecs. Pas un ne manque à
l’appel, et c’est ensemble qu’ils forment une armée gigantesque qui traverse
la mer sur des centaines de navires.
Ainsi commence la guerre entre Troie et la Grèce. Elle durera dix longues
années… Mais, fidèle à sa promesse, jamais la déesse Aphrodite ne cessera
d’aider Pâris et les Troyens.
Aède : poète-musicien de la Grèce antique. Il récite de
longs poèmes à la gloire des dieux et des héros en
s’accompagnant sur sa lyre.
Ambroisie : nourriture des divinités de l’Olympe qui
donne, dit-on, l’immortalité à ceux qui y goûtent.
Amphore : vase à deux anses en terre cuite, modelée
par les potiers, peinte ou non. On y mettait du vin, de l’eau,
de l’huile, des grains…
Autel : large pierre plate souvent surélevée sur laquelle
les fidèles déposent leurs offrandes ou font leurs sacrifices
à la divinité.
Cité-état : minuscule État composé d’une ville protégée
par de hautes murailles et de la campagne alentour. Chaque
cité-État possède son gouvernement, ses lois et sa
monnaie.
Foudre : la foudre, au féminin, est un phénomène naturel
de décharge électrique qui s’accompagne d’un éclair,
lumière vive, et d’un coup de tonnerre, forte détonation.
Le foudre, au masculin, est l’arme et l’attribut de Zeus, se
composant d’un bouquet de zigzags enflammés,
représentant la foudre.
Héros, Héroïne : nom donné aux hommes et aux
femmes ayant un courage extraordinaire et une force
étonnante. Il s’agit souvent de demi-dieux, c’est-à-dire des
enfants nés des amours d’un dieu et d’une humaine ou
d’une déesse et d’un humain.
Mythe : récit des aventures et mésaventures d’un dieu,
d’une déesse, d’un héros ou d’une héroïne. L’ensemble des
mythes d’une même religion forme ce qu’on appelle la
mythologie.
Nectar : boisson des divinités de l’Olympe qui donne, dit-
on, l’immortalité à ceux qui en boivent.
Nymphe : petite déesse personnifiant un des nombreux
aspects de la nature (les fleuves, les bois, les
montagnes…).
Obole : nom donné dans l’Antiquité à une pièce de
monnaie de peu de valeur. C’est aussi une mesure de poids.
Océanides : nymphes aquatiques, petites déesses des
ruisseaux et des sources, filles du dieu Océan et de la
déesse Téthys. Il ne faut pas les confondre avec les
Néréides, qui sont les nymphes de la mer.
Offrande : don offert à une divinité sur un autel situé
dans la nature ou devant son temple. Elle s’accompagne de
prières.
Oracle : réponse d’une divinité à la question posée par un
fidèle dans un temple.
Sacrifice : offrande d’un animal à une divinité.
Sanctuaire : lieu clos consacré à une divinité, dans
lequel on célèbre un culte. Il se compose d’un terrain assez
vaste où se trouvent un temple et un ou plusieurs autels.
Page de copyright
Textes : Viviane Koenig
Illustrations : Nicolas Du aut
© 2016, Fleurus Éditions, Paris
Tous droits réservés pour tous pays.
Site : www.fleurus-numerique.com

Direction éditoriale : Virgine Grandval


Direction artistique : Armelle Riva
Édition : Sarah Hamon et Chloé Guidoux
Correction : Chloé Chauveaux

Réalisation numérique : andaollenn , Gwenael Dage

© Fleurus Éditions, 2015


Dépôt légal : : juin 2015
ISBN papier : 9782215155744
ISBN numérique : 9782215159650

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications


destinées à la jeunesse.

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