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De « N’approche pas, Jason ! Interdis-leur de faire un pas ! » à « Le rideau est tombé pendant qu’ils
parlaient » (fin de la pièce)
Introduction :
Auteur : Jean Anouilh.
XXe siècle
Sous l'Occupation, Jean Anouilh continue d'écrire. Il ne prend pas publiquement position, mais
publie des textes non politiques dans un journal collaborationniste ce qui lui sera ensuite reproché. Dans
le même temps, il a donné des nouvelles à la revue antihitlérienne Marianne et hébergé en 1942 la
femme d'André Barsacq, Mila, qui était juive, pendant les persécutions antisémites. Des tracts incitant à
la résistance ont été diffusés après une des représentations de sa pièce Antigone.
Vision du monde parfois considérée comme pessimiste parce que ses pièces s’intéressent souvent
au thème de la médiocrité humaine, avec des dénouements souvent ambigus, ce qui n’empêche pas la
présence d’humour et d’ironie parfois.
Médée a été écrite en 1946 et créée en en mars 1953 au théâtre de l’Atelier, dans une mise en scène de
Barsacq.
Anouilh y a repris le mythe de la magicienne, fille de roi, petite-fille du Soleil, au moment où celle-ci est
abandonnée de Jason. C’est d’ailleurs le même passage de la vie de Médée qui est porté au théâtre dans la
Médée d’Euripide, dont nous avons vu le début dans deux mises en scènes différentes (Fréchuret,
Lassalle).
Le passage que nous allons étudier se situe à la fin de la tragédie, lorsque Médée avoue à Jason qu’elle a
tué ses enfants, puis se tue. La pièce diffère ici de la version d’Euripide pour deux raisons majeures :
- Médée meurt « Elle se frappe et s’écroule dans les flammes » [Euripide : pas de mort, départ pour
Athènes]
- la pièce s’achève sur un retour brutal au quotidien, au monde banal et ordinaire avec les ordres de
Jason puis la conversation entre le garde et la nourrice.
Nous allons passer à la lecture de l’extrait.
Posez la question avant de commencer la lecture : dois-je lire les didascalies ? Si la réponse est oui, vous lirez
les noms des personnages avant chacune de leur tirade et les didascalies. Si la réponse est non, vous ne lirez ni les
noms ni les didascalies.
LECTURE
I - un dénouement théâtral :
II - le message de cette pièce est rendu ambigu avec deux types de comportements opposés et extrêmes :
Après un début de notre extrait plus tourné vers la représentation d’une légende effrayante, qui s’achève
dans les flammes, une page plus banale et quotidienne s’ouvre…
a) Nous pouvons nous demander s’il n’y a pas dans ce changement, vers le quotidien et le banal,
une chute comique dans laquelle il serait peut-être possible de voir l’ironie d’Anouilh.
« J’avais pourtant quelque chose à dire. Après la nuit vient le matin » : ce que la nourrice vient dire au
garde et au public ne semble ne pas être excessivement important à côté des décès qui ont précédé : on
pourrait presque dire qu’elle produit une tautologie. En effet, « après la nuit » désigne déjà « le matin »,
la phrase de la nourrice est donc une évidence complète.
Tautologie = pléonasme = redondance : répétition inutile d’une même idée sous une autre forme.
Pourtant, la nourrice présente cela comme « quelque chose à dire », comme quelque chose qu’elle
n’aurait pas eu le temps de dire depuis le début de la pièce et qui était, d’après elle, pour elle, important.
Il y aurait donc un contraste frappant entre l’importance accordée par la nourrice à son propre discours
et le discours lui-même, contraste d’où naîtrait le comique du passage. Mais le rire qui naît ici pourrait
être un rire jaune, un rire gêné, contraint.
On peut supposer que l’information ( ??) « après la nuit vient le matin », est placée par Anouilh juste
après le passage plus théâtral (plus théâtral car plus visuel : cris, flammes…) pour montrer que les êtres
humains normaux n’ont finalement rien à dire, ou rien de remarquable : il y aurait peut-être ici une
critique un peu amère sur l’inanité (ce qui est inutile), l’absence de sens de la condition humaine.
b) Champs lexicaux :
Cuisine : « café », « éplucher les légumes », « goutte chaude » « on mange la soupe » « le souper »
Agriculture : « la moisson ? » « on a fauché » « on va rentrer » (sous-entendu le blé) « la récolte »
Centres d’intérêt des êtres humains : très matériel, prosaïque.
e) Syntaxe orale : la syntaxe est plus relâchée dans la fin de cet extrait :
dans la tirade de la nourrice :
« on n’avait plus le temps de m’écouter, moi » redondance (mots en gras)
« et puis » : redondance entre ces deux termes.
« Et quand on a balayé, on a » : phrase commençant par « Et » + répétition lourde de « on »
« c’est alors que c’est bon » : répétition du présentatif « c’est » + « c’ » ne renvoie à rien de précis dans
le discours de la nourrice.
dans le dialogue :
« ça sera » : « ça » au lieu de « cela »
« Et la moisson ? » : phrase commençant par « Et » + pas de verbe
« faut pas se plaindre » : pas de sujet au verbe « faut »
Le pronom « on » : 11 fois !! Effet : platitude mise en valeur, se répète sans cesse : imite le
quotidien. Son qui est « rond » : connote le retour du quotidien, la douceur, mais aussi
l’ennui.
La syntaxe devient ORALE lorsque la pièce s’intéresse aux HUMAINS MOYENS, lorsque l’on
quitte la la NOBLESSE pour se tourner vers les DOMESTIQUES.
f) Vocabulaire familier :
« grappiner » fait à partir de grappiller (cueillir, faire de petits profits, prendre à droite et à gauche) et de
grappin (crochet) : au lieu de dire prendre, récolter
« quelques sous » au lieu de « un peu d’argent »
« la petite goutte » au lieu de le petit verre de goutte
« par chez vous ? » au lieu de chez vous ou de vers chez vous
VOCABULAIRE FAMILIER quand on se tourne vers L’HUMANITE MOYENNE.
Pour l’entretien : posez-vous pour chaque scène de théâtre les questions suivantes : comment mettrais-je
en scène ce passage ? Quels décors, éclairages, tons de voix, position(s), déplacement(s) des
personnages ?