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Littérature du XVIIe siècle

La préciosité

1. Définition et développement du courant


2. La poésie précieuse : représentants, formes
poétiques, exemples.
3. « L’âge d’or » du roman
4. Les contre-courants: le burlesque romanesque;
le lyrisme grotesque
1. Definition et développement du courant

 Le courant est une manifestation du pôle aristocratique de la culture


française
 La préciosité se répand dans tous les cercles mondains et reste un
courant très vivace dans la seconde moitié du XVIIe siècle. En
France, non seulement, elle a précédé le classicisme et a contribué à le
faire naître.
 Son influence est généralement bénéfique :
 mœurs : elle les a adoucies, en cultivant les grâces de la conversation ;
 bienséances : les Précieux(ses) ont fixé les règles de la politesse ;
 goût : outre la création de modes vestimentaires, les Précieux(ses) ont
surtout insisté sur la littérature;
 langue : dans un souci de perfection formelle, on a forgé la langue
classique, épurée et enrichie ;
 sentiments : les Précieux(ses) ont fixé un véritable code de l’amour
précieux, amour qui doit rester platonique pour ne pas tomber dans la
grossièreté.
« Précieux », « Précieuse »,
« Préciosité »
 « Précieux »: dès le XIVe siècle, le terme désignait
certains procédés de la féminité.
 Les « précieuses » étaient des dames du grand monde
qui se tiraient du prix commun des autres.
 La « préciosité » reposait sur la volonté de se
distinguer par :
- la dignité des mœurs
- l’élégance de la tenue
- la pureté du langage
La préciosité…
 …c’est une aristocratie de l’esprit, qui s’appuie sur la culture
(et donc implique l’effort intellectuel d’acquisition de cette
culture), pour dire de la façon la plus singulière possible une
réalité parfaitement banale.

 …devient une manière d’agir, un sentiment et même un état


d’esprit collectif.

 …suppose nécessairement la mondanité : la conversation,


jugée supérieure à l’écriture, est la principale occupation. Il
faut bien comprendre que tous les compliments faits à une
femme le sont pour être applaudis par un tiers (pour montrer
sa culture et son esprit) : d’où la nécessité d’être en public.
Origines et naissance de la préciosité
 C’est un phénomène européen;
 Aux XVIe et XVIIe siècles, on constate l’apparition
de plusieurs mouvements similaires à la préciosité
française, notamment :
- l’euphuisme en Angleterre
- le marinisme en Italie
- le gongorisme en Espagne
En France, des origines anciennes…
 Le milieu de prédilection de la préciosité, celui dans lequel elle se développe le plus
facilement, c’est la cour : elle y trouve le calme, l’éloignement des barbaries.

 La préciosité a une origine laïque et provençale : elle fleurit, aux XIIe et XIIIe
siècles, dans les cours où le roi, une fois réglées les affaires politiques, divertit son
entourage.

 Elle affecte de manière évidente la littérature, surtout la poésie lyrique et le roman


courtois, où l’amour prend la première place et devient même la seule raison de
vivre et d’agir des héros (cf. Lancelot...) Les chansons d’amour sont toutes écrites et
chantées uniquement pour le plaisir de l’assemblée.

 Parmi celles-ci, le Roman de la rose, écrit au XIIe siècle par Guillaume de Lorris,
est admis comme le roman le plus précieux de la littérature française du Moyen-
Age. Multipliant les allégories, il se présente comme un code de l’amour.
La « deuxième naissance » de la
préciosité : le XVIIe siècle
 Sous Henri IV, peu habitué par son éducation et par
sa vie militaire à des manières délicates et raffinées,
la cour a des mœurs grossières. Cela provoque une
« frustration » de certains aristocrates et gens de
lettres qui, pour échapper à cette atmosphère,
commencent à se réunir régulièrement dans des
salons, où il est plus facile de se distinguer.
Le rôle des femmes…
 A l’étranger, la France est vue comme le paradis des
femmes. Cela pourrait paraître paradoxal quand on
sait que celles-ci sont, toute leur vie, soumises à une
tutelle masculine : leur père, puis leur mari;
exceptées lorsqu’elles sont veuves.

 C’est la raison pour laquelle il se forme, autour


d’elles, des cercles mondains, où l’on a le goût du
beau style et où l’on veut éviter tout ce qui est
commun (vêtements, parler).
Les salons « précieux »
 L’Hôtel de Rambouillet – celui qui a duré le plus longtemps et a attiré la société la
plus brillante de son temps. Mme de Rambouillet (Catherine de Vivonne – marquise
de Rambouillet) recevait dans sa « chambre bleue » ses intimes aristocratiques.
 Ce salon était fréquenté par:
- le duc de la Rochefoucauld
- le duc de Montausier
- Vincent Voiture
- Georges de Scudéry et sa sœur Madeleine
- Sarasin
- Godeau
- Ménage
- Benserade
- Scarron
- Corneille
- Madame de La Fayette

 Tous se donnent des noms romanesques (par exemple, Mme de Rambouillet se fait
appeler par l’anagramme de son prénom, « Arthénice »; Mlle de Scudéry –
« Sapho ».
 Les activités:
- jeux de société
- plaisanteries
- bals masqués
- divertissements galants.

 La conversation devient un art délicat : elle donne


lieu à de grands débats psychologiques, où le
jugement personnel importe plus que la science.
Floraison précieuse à Paris
 Les années 1650 sont celles de l’âge d’or de la
préciosité à Paris. On assiste à la
multiplication des salons, tenus par :
- madame de Sablé
- madame Scarron
- madame de Choisy
- la comtesse de la Suze
- mademoiselle de Scudéry
Le salon de Mlle de Scudéry
 Elle instaure les réunions régulières, le samedi, où vient qui veut.
Parmi les familiers de son salon, de 1652 à 1659 environ :
- Conrart
- Péllisson
- Ménage
- Godeau
- d’Aubignac
- Sarasin

 C’est un salon moins aristocratique (plus bourgeois) que l’hôtel de


Rambouillet. Mais c’est le salon qui a donné le ton aux autres et c’est
celui dont Molière s’est le plus inspiré pour Les Précieuses Ridicules
(le nom de Magdelon évoque le prénom de Madeleine de Scudéry).
Figures: précieux et précieuses
 Madame de Rambouillet
 Mlle de Scudéry
 Vincent Voiture
 Mme Fouquet
 Mme du Plessis-Bellière
 Chapelain
2. La poésie précieuse.
Les poètes précieux
 Claude Maleville (1592?-1647): « le rival » de
Vincent Voiture.
 François Tristan, dit Tristan l’Hermitte (1601-1655)
 Georges de Scudéry (1601-1667)
 Antoine Godeau (1605-1672)
 Isaac de Benserade (1613-1691)
 Gilles Ménage (1613-1692)
 abbé Charles Cottin (1614-1682?)
 Jean-François Sarrasin (mort en 1654)
 Saint-Amant (1594-1661)
Le langage précieux :
vocabulaire et orthographe
 Les précieux cherchent à se distinguer en employant
un langage particulier, au point qu’il en devient un
jargon que seuls les initiés peuvent comprendre.

 « Réforme de l’orthographe » on essaie de rendre la


langue plus phonétique, mais cette réforme est un
échec, car elle ne sort pas du cercle dans lequel elle
a été inventée.
 Les précieux créent des mots et des locutions nouveaux, distingués
(enthousiasmer, obscénité, incontestable, donner le bal, accuser juste,
féliciter, bravoure, anonyme).

 Ils excluent les mots vulgaires et malsonnants, bas ou populaires


(rhume, vomir, cadavre, charogne=ordure, excrément), techniques,
archaïques et pédants.

 Ils préfèrent les termes superlatifs et hyperboliques (furieusement,


terrible, horrible, ravissant, effroyablement). Leur style se caractérise
par la préférence pour les substantifs abstraits et les descriptions
détaillées (dent = ameublement de la bouche ; lune = flambeau de la
nuit ; la main = la belle mouvante; musique = paradis des oreilles ;
yeux = miroirs de l’âme ; pieds = chers souffrants ; miroir = conseiller
des grâces ; fauteuils= commodités de la conversation), pour des
métaphores recherchées (paravent = traître ; épingles = sangsues ; le
masque de la générosité ; travestir sa pensée ; démêler le confus ; le
haut du jour ; l’obscur des vallons, etc.)
Les genres précieux
 Formes poétiques déjà pratiquées par les prédécesseurs (les
stances, le sonnet, l’ode)
- le blason
- le bout-rimé
- l’énigme en vers
- l’épigramme (poème satirique)
- la lettre galante (genre favori)
- le madrigal
- le portrait
- les rondeaux
- la glose
- la devinette
- la maxime
Exemples:
 épigramme

« Je mourrais de trop de désir


Si je la trouve inexorable ;
Je mourrais de trop de plaisir
Si je la trouve favorable.

Ainsi, je ne saurais guérir


De la douleur qui me possède ;
Je suis assuré de périr
Par le mal ou par le remède. »

(BENSERADE)
 blason (description d’une partie précise du corps de la femme aimée : généralement
les yeux, la bouche)

Beaux yeux dont l’atteinte profonde


Trouble des cœurs incessamment
Le doux repos, qui ne se fonde
Que sur un si doux mouvement ;

De tout ce qu’on dit en aimant?


Beaux yeux, doux commencement
Des plus belles chansons du monde,

Beaux yeux qui sur les cœurs avez


Tant de puissance et qui savez
Si bien jouer de la prunelle ;

Beaux yeux, divin charme des sens,


Votre amour est en sentinelle
Pour attraper tous les passants.

(BENSERADE)
 rondeau

Ma foi, c’est fait de moi, car Isabeau


M’a conjuré de lui faire un rondeau,
Cela me met en une peine extrême.
Quoi ! treize vers, huit en eau, cinq en ème !
Je lui ferais aussi tantôt un bateau !

En voilà cinq pourtant en un monceau.


Faisons-en huit, en invoquant Brodeau,
Et puis mettons, par quelque stratagème,
Ma foi, c’est fait !

Si je pouvais encor de mon cerveau


Tirer cinq vers, l’ouvrage serait beau.
Mais cependant, je suis dedans l’onzième,
Et je crois que je fais le douzième.
En voilà treize ajustés au niveau :
Ma foi, c’est fait !
(Vincent VOITURE)
Les figures de style
 périphrase : désignation indirecte d’un objet
 métaphore : désignation simultanée de plusieurs objets entre lesquels
un rapport est établi. Ex : le billet doux (ce n’est pas le billet qui est
doux, mais les sentiments qui l’inspirent) ; elle peut reposer sur une
alliance concret/abstrait : le masque de la générosité, avoir
l’intelligence épaisse, travestir sa pensée, laisser mourir la
conversation, perdre son sérieux.
 comparaison : l’amour est comparé à la guerre, au duel, à la chasse,
voire au voyage (Carte de Tendre – Mlle de Scudéry, La Carte du
Royaume d’Amour – Tristan l’Hermite)
 surprise
 pointe (à la fin d’un poème, phrase qui vise à détruire le sens général
du poème).
 antithèse
 oxymore (ex: douce cruauté)
 hyperbole
 abstraction : allégorie, personnification (des sentiments...)
Formes romanesques:
 Le roman idéaliste : cette catégorie se subdivise en 2 :
- le roman pastoral : L’Astrée, d’Honoré d’Urfé (1567-1625)
- le roman d’aventures : Le Grand Cyrus, Clélie, de Mlle de
Scudéry
 La lettre éloquente :

- JL. Guez de Balzac (1597-1654) : ses lettres sont destinées à


être lues en public, copiées, imprimées. Il y développe des
idées générales, dans un style souvent lourd et emphatique,
mais parfois raffiné à l’excès.
- Vincent Voiture (1598-1648) : il correspond avec les
habitués de l’Hôtel de Rambouillet.
3. Les romans précieux – « l’âge d’or du
roman »
1- Honoré d’Urfé – L’Astrée (roman-fleuve, 5000 pages, 1607-1627)
2- Madeleine de Scudéry – Clélie, histoire romaine (1654-1660)

1- L’intérêt littéraire :
a) - la tradition pastorale: le décor bucolique d’un heureux pays où règne la paix (le
Forez);
- les personnages: des bergers et des bergères raffinés, élégamment vêtus.
b) la psychologie et la peinture des sentiments (passion amoureuse, timidité, jalousies,
rivalités)
c) l’héroïsme (de Céladon, le berger qui aime Astrée)
d) « le romantisme » : le thème de l’amant banni qui souffre dans la solitude.

2 - L’intérêt littéraire:
a) éloge de la tendresse, des sentiments amoureux;
b) analyse psychologique des sentiments (amitié et amour, amitié ordinaire et tendre
amitié)
c) la mise en question des quatre notions fondamentales en amour: la reconnaissance,
l’estime, l’inclination, la tendresse.
1. LA PREMIERE PARTIE DE L’ASTRÉE D’HONORÉ D’URFÉ
- LIVRE PREMIER

« Auprès de 1’ancienne ville de Lyon, du coste du soleil’ couchant, il y a un


pays nommé Forests, qui en sa petitesse contient ce qui est de plus rare au reste des
Gaules, car estant divisé en plaines et en montaignes, les unes et les autres sont si
fertiles, et situées en un air si tempéré, que la terre y est capable de tout ce que peut
désirer le laboureur. Au cœur du pays est le plus beau de la plaine, ceinte, comme
d’une forte muraille, des monts assez voisins et arrosée du fleuve de Loyre, qui
prenant sa source assez près de là, passe presque par le milieu, non point encor trop
enflé ni orgueilleux, mais doux et paisible. Plusieurs autres ruisseaux en divers lieux
la vont baignant de leurs claires ondes, mais 1’un des plus beaux est Lignon, qui
vagabond en son cours, aussi bien que douteux en sa source, va serpentant par ceste
plaine depuis les hautes montaignes de Cerviers et de Chalmasel, jusques à Feurs,
où Loire le recevant, et lui faisant perdre son nom propre, l’emporte pour tribut à
1’Océan.
Or sur les bords de ces délectables rivières on a vu de tout temps quantité de
bergers, qui pour la bonté de Pair, la fertilité du rivage et leur douceur naturelle,
vivent avec autant de bonne fortune, qu’ils reconnaissent peu la fortune.
[…] Céladon fut un de ceux qui plus vivement la ressentirent, tellement épris des
perfections d’Astrée, que la haine de leurs parents ne peut 1’empêcher de se perdre
entièrement en elle. »
Géographie précieuse
1. Madeleine de Scudéry : La Carte de Tendre : une
géographie galante et allégorique (Clélie, histoire
romaine, 1654-1660)
2. Tristan l’Hermite (François l’Hermite, sieur de
Soliers) (1601-1655): La Carte du Royaume
d'Amour ou la description succincte de la contrée
qu’il régit, de ses principales villes, bourgades et
autres lieux, et le chemin qu’il faut tenir pour y
faire voyage. (Recueil de Sercy : prose, 1658)
3. De Maulevrier : La Carte du Royaume des
Précieuses (Recueil de Sercy : prose, 1658)
1) Madeleine de Scudéry: La Carte de Tendre
(Clélie, histoire romaine, 1654-1660)
- une géographie galante et allégorique;
- un divertissement raffiné , improvisé à l’un des
samedis de Sapho
- carte introduite dans la Clélie et portée au crédit de
l’héroïne;
- une géographie de l’amour qui a établi le nom de
l’auteure et a sauvé le roman de l’oubli.
2) Tristan l’Hermite (François l’Hermite, sieur
de Soliers) (1601-1655): La Carte du Royaume
d’Amour ou la description succincte de la
contrée qu’il régit, de ses principales villes,
bourgades et autres lieux, et le chemin qu’il
faut tenir pour y faire voyage. (Recueil de
Sercy : prose, 1658)
 3) De Maulevrier : La Carte du Royaume des Précieuses
(Recueil de Sercy : prose, 1658)
« On s’embarque sur la Rivière de Confidence pour
arriver au Port de Chuchoter. De là on passe par Adorable,
par Divine, et par Ma Chère, qui sont trois villes sur le
grand chemin de Façonnerie qui est la capitale du Royaume.
A une lieue de cette ville est un château bien fortifié qu’on
appelle Galanterie. Ce Château est très noble, ayant pour
dépendances plusieurs fiefs, comme Feux cachés,
Sentiments tendres et passionnés et Amitiés amoureuses. Il
y a auprès deux grandes plaines de Coquetterie, qui sont
toutes couvertes d’un côté par les Montagnes de Minauderie
et de l’autre par celles de Pruderie. Derrière tout cela est le
lac d’Abandon, qui est l’extrémité du Royaume. »
4. Les contre-courants:
a) – le burlesque
b) – le lyrisme « grotesque »
a) Le burlesque – né en Espagne et en Italie, il connaît en France
une grande faveur de 1640 à 1660. Il vise à faire rire par un
parti-pris de vulgarité.
 Formes:
- le roman trivial : le style est grossier, les aventures vulgaires et
les personnages communs.
Représentants: - Scarron (1610-1660) : Roman comique (1649-
1657)
- Furetière (1619-1688) : Le roman bourgeois
(1666)

- l’épopée bouffonne : des personnages historiques ou


légendaires sont placés dans des situations ridicules:
- Scarron : Virgile Travesti
 b) Le lyrisme « grotesque » - genre dont l’esprit est
tourné vers l’indépendance et la fantaisie.
Représentants: - Cyrano dit de Bergerac (1619-
1655) : gentilhomme parisien, aux idées libertines et
à l’humeur extravagante.
Œuvres:
- Agrippine (tragédie)
- Le pédant joué (comédie)
- Le voyage dans la lune, L’empire du soleil (des
fantaisies en prose)
Molière... Dans Les Précieuses ridicules (1659)
puis dans Les femmes savantes (1672), il
tourne en dérision les excès de la préciosité (et
non la préciosité en elle-même).

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