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INTRODUCTION
L'année 1945 est de manière unanime l'année du bilan : il faut construire un nouvel ordre
mondial, et travailler à la paix et la reconstruction d’après-guerre.
Attention au biais téléologique : 1945 est une année d'espoir dans un nouvel ordre mondial
pacifié. L'histoire n'a pas de direction. A la fin de la 2GM, personne n'envisage un affrontement entre deux
blocs. En effet, la Grande Alliance entre l'URSS, les Etats-Unis et le Royaume-Uni laisse penser que le
ciment de l'ordre mondial est assuré.
Téléologique : analyser l’histoire en lui conférant une finalité, une direction, un sens. Ici, l’erreur serait
d’analyser la Guerre Froide comme une situation naturelle, nécessaire et logique en 1945.
Pour l'Allemagne :
Le projet est d’abord de rayer l'Allemagne de la carte (plan Morgenthau de Churchill et Roosevelt)
afin de réduire sa capacité de pouvoir et donc de nuisance géopolitique en Europe. Ce projet est proposé
alors que la 2GM n’est pas encore terminée, et s’inscrit donc dans une position dure envers l’Allemagne
nazie, vouée à disparaître.
Enfin, il faut juger les coupables. Cette volonté prend effet lors des procès de Nuremberg de
novembre 1945 à octobre 1946. L’originalité de ces procès, très médiatisés et suivis à l’époque, réside
notamment dans 2 facteurs :
- L'adoption d’un arsenal de droit international nouveau :
⇒ Les crimes contre la paix : menace géopolitique pour la paix.
⇒ Les crimes contre l'humanité : camps de concentration et d’extermination (Shoah).
⇒ Les crimes de guerre : contre les populations civiles et atrocités militaires.
- Un procès qui vise le régime nazi comme entité juridique propre, et pas seulement les 23 hauts
dignitaires nazis jugés en leur nom (12 sont pendus, 3 acquittés).
A noter l’existence de fortes dissensions entre les pays de la Grande Alliance vainqueurs. En effet,
la France (contre la souveraineté allemande) et l’URSS (contre le capitalisme allemand) ont une position
plus dure que le Royaume-Uni (Churchill a perdu les élections et est remplacé par un gouvernement
travailliste de Attlee, moins dur avec l’Allemagne) et les Etats-Unis (hésitant entre isolationnisme et
interventionnisme en Europe en 1945). Finalement, aucun traité de paix n'est signé pour l'Allemagne.
Comme en Allemagne, il convient de juger les coupables des atrocités de guerre. Cette volonté
s’exprime au cours des procès de Tokyo de mai 1946 à novembre 1948. Ces jugements concernent 250
hauts dignitaires japonais (7 exécutions et 16 détentions à vie, fiasco juridique).
Bien que leur ampleur soit bien supérieure aux procès de Nuremberg, leur impact médiatique et
géopolitique est plus limité : les personnes sont jugées en leur nom propre, et l’Empire japonais n’est pas
remis en cause comme organisation. Ceci est également lié au faible intérêt que portent les européens au
règlement de la guerre en Asie du fait de leur eurocentrisme.
Eurocentrisme : consiste à attribuer une place centrale aux cultures et valeurs européennes aux dépens
des autres cultures et sociétés.
Là encore, on constate qu’aucun traité de paix pour le Japon et la Corée n’est signé, du fait des
fortes dissensions au sein de la Grande Alliance.
La 2GM et son lot d’atrocités poussent les Etats à envisager des dispositifs pérennes de
construction de la paix, y compris alors que les combats ne sont pas encore terminés. Plusieurs initiatives
permettent de proposer une paix fragile :
- 1943, création de l'UNRRA (administration des Nations Unis pour le secours et la reconstruction).
Cette organisation sert aux rapatriements des personnes déplacées pendant la guerre. Avant de
penser la résolution du conflit, on pense à la reconstruction sociale de la paix.
- Accords de Bretton Woods (1944) pour une coopération économique internationale (création du
SMI et de la BIRD, qui deviendront le FMI et la Banque Mondiale).
En effet, les pays de la Grande Alliance se sont rencontrés de nombreuses fois pour préparer la
paix pendant la 2GM, et construire une organisation plus cohérente et efficace que la SDN (société des
nations) : l’ONU, organisation des nations unies.
- 1941, Charte des Nations Unies (paix entre les pays de la Grande Alliance).
- 1944, conférence de Dumbarton Oaks (travail sur une organisation internationale pour la paix).
- 1945, conférence de Yalta (préparation de la paix, accord sur la création de l'ONU).
- 1945, conférence de San Francisco (création de l'ONU, 50 États signataires).
Ces discussions permettent également de régler les différends territoriaux en Europe et de mettre
un terme définitif et officiel à la 2GM pour les belligérants :
- 1947, traité de Paris (pertes de territoire pour l'Italie, la Roumanie, la Bulgarie, la Finlande). Mais
plusieurs litiges restent en suspens (Allemagne, Trieste en Italie, etc.).
On comprend donc ici toute l’importance de situer ces années post-2GM dans leur contexte.
L’objectif des nationaux est clairement de construire la paix pour éviter de nouveaux déséquilibres
mondiaux majeurs. Il n’y a pas de signaux géopolitiques permettant d’anticiper l’émergence de la Guerre
Froide car ni les Etats-Unis, ni l’URSS n’ont l’intention d’entrer en conflit en 1945.
Remarquons pour finir que toutes ces institutions sont sous la domination plus ou moins directes
des Etats-Unis et ravivent les tensions géopolitiques entre plusieurs modèles de sociétés divergents :
- Entre le communisme et le libéralisme.
- Entre les métropoles coloniales et les colonies.
Il faut bien comprendre que la 2GM ne se termine pas réellement en 1945, en tout cas la fin
des conflits entre les principaux acteurs ne met pas un terme à la conflictualité internationale.
Certes, l'Allemagne nazie est vaincue par les attaques conjointes de l'URSS à l'Est et des
Etats-Unis à l'Ouest. Le 8 mai, une paix fragile par épuisement se constitue en Europe : Hitler s'est suicidé
le 30 avril, Mussolini est assassiné le 28 avril.
En Asie, les Etats-Unis mettent fin à la guerre de la pire des façons en utilisant une nouvelle arme
de destruction massive : la bombe A. Hiroshima (6 août) et Nagasaki (9 août) sont bombardées, faisant
environ 250 000 morts sur le coup. Le 2 septembre, le Japon capitule et renonce à la guerre.
Pourtant, le monde reste le théâtre de conflits majeurs hérités de la 2GM. Tous ces territoires où
se poursuivent les conflits offrent autant de possibilités de déstabilisation géopolitique.
Il n’y a pas de date officielle d’entrée dans la Guerre Froide. Il faut replacer cette période dans son
contexte. En 1945, le monde doit se reconstruire :
- La fin de la guerre ne met pas fin aux pénuries : en France, le rationnement dure jusqu'en 1949.
- Les usines sont à l'arrêt, ces années de guerre totale ont brisé le tissu économique des pays : 50%
du potentiel industriel de l'Europe est anéanti.
- Il faut trouver une alternative au modèle libéral qui n'a pas su empêcher la guerre, mais y a
contribué. En Angleterre, les travaillistes de Attlee prennent le pouvoir contre Churchill. En France,
le programme du CNR (conseil national de la résistance) est partiellement appliqué.
Tout d’abord, les Etats-Unis deviennent la principale puissance mondiale sur les plans militaires,
économiques et géopolitiques :
- La plupart des pays européens sont endettés outre-Atlantique (3,5Md pour le Royaume-Uni).
- Les Etats-Unis détiennent les 2/3 des stocks d'or mondiaux.
- La production agricole a augmenté de 25% pour faire face aux pénuries mondiales.
- Le monde est placé sous la dépendance étasunienne, notamment avec le Plan Marshall.
Un autre acteur sort grandi du conflit : l'URSS, grand vainqueur en Europe. Les partis
communistes européens, pro-soviétiques, sont très soutenus par les opinions publiques, et disposent de
la légitimité de leur participation à la résistance. Pour les contemporains européens, contrairement à la
perception actuelle historiquement construite, c’est bien l’URSS qui a sauvé l’Europe des nazis. Cette
position offre aux soviétiques une légitimité forte et fait de l’URSS un contre-pouvoir important.
De fait, si l’URSS a une forte légitimité internationale au sortir de la 2GM, elle est ruinée et a perdu
10% de sa population en 6 ans. Elle n’est pas en capacité d’imposer une logique de bloc aux Etats-Unis.
La volonté première de Staline est d’obtenir des « gages de sécurité » :
- Demander la restitution des territoires perdus depuis la 1GM.
- Encourager les partis communistes en Europe de l’Est : Roumanie et Pologne avec une union des
gauches pro-soviétique au pouvoir, Tchécoslovaquie et Hongrie avec des pouvoirs amis, en
Bulgarie par l’intermédiaire de purges.
- Et au Moyen-Orient : Iran via le parti Tudeh et les partis séparatistes kurdes et azéris.
Au départ, les Etats-Unis acceptent de faire des concessions, et reconnaissent les gouvernements
communistes en Europe de l’Est, pourtant non démocratiquement élus.
Les premières prises de position contre l’URSS arrivent seulement en 1946, mais ces dernières
restent minoritaires et surtout ne sont pas bellicistes mais encouragent plutôt le dialogue :
- 1946, Long Télégramme de Kennan :
Kennan (ambassadeur des Etats-Unis à Moscou) informe le gouvernement de Truman que les
soviétiques n’auraient pas l’intention de collaborer avec le bloc capitaliste.
- 1946, Discours de Fulton par Churchill :
Churchill est l’ancien premier ministre britannique, dans l’opposition à l’époque. En 1946, alors
invité pour une conférence aux Etats-Unis, il théorise l’idée d’un rideau de fer qui se dresse en
Europe entre l’Ouest capitaliste et l’Est communiste.
Des enjeux géopolitiques majeurs vont pousser Truman (président des Etats-Unis) à prendre la
décision de s’opposer à l’influence communiste pour sauvegarder l’hégémonie étasunienne et de
remplacer ses conseillers politiques et s'entourer de hauts dignitaires hostiles à l’URSS :
- Mars 1946 : un réseau d’espionnage soviétique est révélé à Ottawa, au Canada.
- Mars 1946 : les soviétiques prennent plus de temps que prévu pour évacuer l’Iran.
- 1947 : la Pologne, alliée historique des occidentaux pendant les guerres mondiales, devient
communiste à la suite d’élections truquées par Moscou.
- 1946/47 : l’URSS refuse la politique économique des occidentaux pour l’Allemagne, notamment
l’entrée dans une économie de marché capitaliste et le nouveau Deutsche Mark.
Mais surtout, deux enjeux géopolitiques majeurs vont pousser Truman à prendre définitivement la
décision de s’opposer à l’URSS :
- La Turquie :
L'URSS veut la rétrocession de territoires à l’Est
de l’Anatolie (Kars, Ardahan) et un partage du
contrôle des détroits (Bosphore, Dardanelles).
Il s’agit en effet d’un enjeu diplomatique majeur
car les détroits (ci-dessous) sont sur la route
commerciale entre Europe et Asie, et
notamment pour le pétrole. Pour les Etats-Unis,
il est hors de question que l’URSS obtienne
l’hégémonie sur l’acheminement du pétrole en
Europe, alors que les soviétiques sont déjà en
avance sur le charbon.
- La Grèce :
L’EAM communiste (anciens résistants grecs pendant l’occupation nazie) mène la guérilla depuis le
Nord du pays constitué en république (Konitza) et les bases arrières en Yougoslavie. L’EAM
s’oppose aux royalistes et monarchistes qui veulent le retour du roi des grecs au pouvoir, soutenu
depuis 1946 par les britanniques qui refusent la possibilité d’un pouvoir communiste en Grèce. Or,
les britanniques n’ont plus les moyens de mener la guerre et agitent la menace d’une intervention
de l’URSS pour appeler les Etats-Unis au secours.
On sait aujourd’hui que l’URSS n’avait aucune intention d’intervenir en Grèce : Staline s’y refusait
au nom d’une politique pragmatique qui cherche à étendre son influence dans son entourage
proche pour ériger une zone tampon.
Les différends en Turquie et en Grèce sont les principales causes de l’entrée des Etats-Unis
dans une logique de bloc contre les soviétiques. La Guerre Froide est donc avant tout un conflit
économique et énergétique. La dimension idéologique de la lutte est secondaire au sortir de la 2GM.
⇒ Construire la paix :
- 1941, Charte des Nations Unies entre les pays de la Grande Alliance.
- 1943, création de l’UNRRA pour les réfugiés et déplacés de la 2GM.
- 1944, accords de Bretton Woods pour une coopération économique.
- 1945, conférence de San Francisco permettant la création de l’ONU par 50 Etats signataires.
⇒ La Guerre Froide n’est pas la continuité logique de la 2GM, c’est un processus long de fabrication :
personne ne pouvait anticiper ce conflit en 1945, l’issue de la guerre fait naître un espoir de paix inédit.
⇒ La Guerre Froide est avant tout un conflit économique et énergétique dans les années qui suivent la fin
de la 2GM. Il structurera les relations internationales et les idéologies pendant plus de 40 ans.
INTRODUCTION
Les tensions héritées des impensés de la construction de la paix au sortir de la 2GM vont
précipiter le monde dans une logique d’affrontement entre deux paradigmes.
Les oppositions d’ordre économique et énergétique se muent en affrontements idéologiques qui
vont structurer les relations internationales et les politiques des Etats pendant plus de 40 ans.
Paradigme : conception théorique dominante à une époque, répondant à des principes et des normes.
Le président Truman se trouve dans une situation inconfortable en 1947. Il souhaite s’opposer aux
velléités soviétiques en Europe et au Moyen-Orient, mais il fait face à une opinion publique étasunienne et
une majorité parlementaire républicaine isolationnistes (contre la rivalité avec l’URSS). Pour légitimer sa
stratégie, il a besoin d’un discours fort et rassembleur.
C’est le but de son fameux discours (1947) où il théorise la doctrine de l’endiguement contre le
communisme et l’expansionnisme sovétique. Il s’agit d’un discours de propagande : Truman s’emporte
en parlant de « terrorisme communiste ».
Endiguement (ou containment en anglais) : politique des Etats-Unis vis-à-vis de l’URSS visant à stopper
l’avancée de la zone d’influence soviétique et de l’idéologie communiste dans le monde entier sans
toutefois entrer dans un affrontement militaire direct.
A l’occasion de ce discours, il
mentionne la création d’une aide économique
pour financer la Grèce et la Turquie. Ce projet
est confié au secrétaire d’Etat des Etats-Unis
George Marshall. Juin 1947, le plan Marshall
voit le jour. Il va bien plus loin que l’idée de
base de Truman puisque l’aide est adressée à
tous les Etats qui la demandent, y compris les
pays communistes. La condition est d’accepter
la politique d’ingérence des Etats-Unis dans la
gestion de l’aide. Il ne s’agit donc pas d’une
aide bilatérale et désintéressée.
- L’URSS refuse face aux conditions et
pousse les Etats d’Europe de l’Est à
faire de même.
- 16 pays reçoivent l’aide, en particulier
en Europe, pour environ $ 13,5Mds.
- Les plus gros bénéficiaires sont la
France et le Royaume-Uni.
Pour la première fois, la collaboration entre les Etats-Unis et l’URSS n’est plus envisagée comme
une possibilité. La Guerre Froide est déclarée et va structurer les relations internationales.
Deux événements géopolitiques majeurs au cours de l’année 1948 vont consommer les divisions
entre les deux blocs.
- Coup de Prague (1948) :
La Tchécoslovaquie occupe une position particulière en 1948. En effet, le gouvernement est élu
démocratiquement, et se dégage une majorité communiste. Pourtant, le pays est considéré
comme un pont entre Est et Ouest, entre communisme et capitalisme. En février 1948, 12 ministres
non-communistes décident de démissionner pour protester contre le refus du Plan Marshall. Leur
objectif est de pousser le chef du gouvernement à proposer de nouvelles élections. Or, le chef du
gouvernement Klement Gottwald réussit à obtenir le soutien de l’opinion publique et à faire
pression sur le président pour qu’un gouvernement quasi-exclusivement communiste soit nommé.
Ce n’est donc pas un coup d’Etat, mais un changement de gouvernement. Le coup de Prague a eu
un impact fort pour son importance symbolique : la Tchécoslovaquie est une démocratie
historiquement alliée de l’Ouest. Les Etats-Unis vont dénoncer une prise de pouvoir autoritaire.
La militarisation en Asie :
Ces tensions en Europe au cours de l’année 1948 permettent de comprendre l’avènement de la
logique de bloc comme le résultat de variables sociales et économiques. Pourtant, le virage militaire que
prend cet affrontement est le résultat d’un concours de circonstances en Asie.
Le cas central est celui de la Corée. Depuis la conférence de Yalta, le pays devait être séparé en
deux zones d’occupation administrées par les Etats-Unis et l’URSS, et placées sous la tutelle de l’ONU. Or,
face aux oppositions des partis politiques coréens et à l’impossibilité de trouver un accord entre les deux
Grands, la situation devient intenable et aucun traité n’est signé.
Finalement, en 1948, les nationalistes anti-communistes
prennent le pouvoir dans la partie Sud contrôlée par les
Etats-Unis et mettent en place une dictature autour du dirigeant
Syngman Rhee. Le pouvoir des Etats-Unis reconnaît et soutient ce
nouveau gouvernement. En réponse aux Etats-Unis et à la
dictature en Corée du Sud, Staline impose Kim Il-Sung à la tête
de la Corée du Nord.
En effet, les Etats-Unis ont peur d’une vague communiste en Asie :
les communistes chinois autour de Mao Zedong tiennent la
majeure partie du pays depuis 1947. En 1949, la Chine devient
communiste avec la victoire définitive de Mao Zedong contre
les nationalistes de Tchang Kai Tchek (Guomindang). A partir de
ce jour, les relations entre Staline et Mao s’intensifient, et la
nouvelle république populaire de Chine (communiste) entretient
des liens étroits avec les partis communistes en Asie. Le cas de la
Corée voisine est donc tout sauf anecdotique.
En 1950, l’offensive est lancée par la Corée du Nord pour réunifier le pays. Staline pense que les
Etats-Unis n’interviendront pas, c’est une erreur. Ces derniers profitent du boycott du Conseil de Sécurité
par l’URSS (en protestation de la non-reconnaissance de la République populaire de Chine) pour obtenir
le droit de constituer une force militaire et d’intervenir directement en Corée. C’est le début de la Guerre
de Corée, elle dure de 1950 à 1953 et fait entre 2 et 3 millions de morts.
La militarisation en Europe :
En Europe, la militarisation du conflit se met également en place. Les Etats-Unis prennent la
décision de sortir définitivement de leur isolationnisme : 1948, le Sénat signe la résolution Vandenberg
qui prévoit que les Etats-Unis peuvent signer des traités d’alliance en temps de paix.
Quelques mois plus tard, en avril 1949, l’ Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est
créée entre les Etats-Unis et 5 pays d’Europe occidentale, dont la France et le Royaume-Uni. En cas
d’agression d’un Etat membre, les autres Etats doivent intervenir : c’est donc une alliance militaire. Cette
alliance est rapidement étendue à la Turquie et à la Grèce, pays toujours considérés comme menacés.
Les Etats-Unis multiplient les traités d’alliance militaire avec les autres régions du monde dans le
but de mettre en place leur politique d’endiguement. Quelques exemples de cette « pactomanie » :
- Pacte de Rio (1947) : traité militaire avec plusieurs pays d’Amérique du Sud.
- ANZUS (1951) : traité militaire avec les Philippines, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
- Pacte de Bagdad (1955) : traité militaire avec plusieurs pays du Moyen-Orient.
Démocratie populaire : nom donné aux régimes communistes d’Europe de l’Est pendant la Guerre Froide,
par opposition aux régimes occidentaux qualifiés de démocraties bourgeoises.
Pour résumer, 1947 était une année de prise de conscience de deux destins irréconciliables ; 1948
était l’année de matérialisation de l’opposition sur les terrains mondiaux ; 1949 était l’année de l’entrée
dans la course aux armements et dans une logique de blocs militarisés.
Mais une variable centrale et profonde germe dans les esprits des deux Grands. En effet,
Etats-Unis et URSS prennent conscience que deux modèles de sociétés s’opposent : la Guerre Froide
devient un affrontement idéologique.
Etats-Unis URSS
Modèle politique Démocratie représentative Marxisme-léninisme, parti unique
Modèle économique Économie de marché capitaliste, Collectivisation, nationalisation,
libre concurrence planification
Modèle de société Libertés individuelles et collectives, Egalité sociale et raciale, abolition
consumérisme des classes sociales
Critique par l’autre Impérialisme, ségrégation raciale, Terreur des goulags, absence de
capitalisme créateur d’inégalités liberté de la presse
Au début des années 50, un conflit protéiforme (qui prend plusieurs formes) s’est installé : en effet
la Guerre Froide est un affrontement économique, culturel, idéologique, militaire et énergétique. Ce conflit
structure les politiques intérieures et extérieures de la totalité des puissances mondiales.
En mars 1953, Staline meurt. Il s’agit d’un électrochoc géopolitique majeur pour deux raisons
principales. Premièrement, ce dernier n’a pas préparé sa succession. Aucun héritier légitime n’est prévu.
Deuxièmement, Staline emporte avec lui sa stratégie de purge et d’affrontement tous azimuts.
Cet épisode coïncide avec la fin des combats en Corée, par épuisement. Après une offensive
éclair des troupes étasuniennes soutenues par l’ONU en 1950, l’intervention chinoise auprès de la Corée
du Nord repousse MacArthur (général étasunien) sous le 38ème parallèle. En 1953, la guerre s’éternise et
les positions sont globalement les mêmes qu’au début de la guerre.
La guerre de Corée a le mérite de nous informer sur le degré d’implication des deux Grands dans
le conflit. Les Etats-Unis sont prêts à intervenir mais ne font plus usage de l’arme atomique. L'URSS, de
son côté, préfère rester en léger retrait pour sauvegarder la survie de son bloc.
Le nouvel homme fort de l’URSS est Nikita Khrouchtchev à partir de 1955. Sa ligne modérée
face aux Etats-Unis est préférée à celle de Molotov, partisan d’une simple pause dans les affrontements.
Khrouchtchev lance la « déstalinisation » et met fin à plusieurs dossiers sensibles pour calmer le jeu :
- 1953, renoncement aux revendications territoriales en Turquie.
- 1955, fin de l’occupation de l’Autriche en contrepartie de sa neutralité dans la Guerre Froide.
- 1955, reconnaissance de la RFA (république fédérale allemande, Allemagne de l’Ouest).
- 1955, conférence des Quatre (France, Royaume-Uni, Etats-Unis et URSS) à Genève pour discuter
du désarmement nucléaire et du cas de l’Allemagne. Les avancées concrètes sont très limitées,
mais cette réunion permet de faire renaître l’espoir en un apaisement des tensions. En effet, pour
la première fois depuis 1945, les deux Grands acceptent le dialogue.
- 1956, au cours du 20ème Congrès du Parti Communiste, Khrouchtchev stipule que la logique
de bloc n’est pas la finalité de la politique soviétique. Cet épisode marque l’apogée de la
politique de « déstalinisation » en URSS : les dirigeants partisans d’une ligne dure sont écartés.
- 1956, l’action conjointe des Etats-Unis et de l’URSS met fin à la crise de Suez entre l’Egypte d’une
part et la France, le Royaume-Uni et Israël d’autre part.
Des échanges bilatéraux reprennent entre les deux Grands, par l’intermédiaire de plusieurs visites
diplomatiques. En 1959, le Vice-Président des Etats-Unis Nixon se rend à Moscou pour une exposition,
suivi quelques semaines plus tard par la visite officielle de Khrouchtchev aux Etats-Unis. A cette
occasion, le chef du parti communiste soviétique déclare : « Vive l’amitié américano-soviétique ! ».
Il ne faut pas idéaliser cette période. Ces discours de façade permettent certes un espoir mondial
dans un apaisement des tensions, mais les deux Grands restent pragmatiques : les années 50 marquent
l’apogée des pactes de coopération militaire aux Etats-Unis (notamment au Moyen-Orient), la mainmise de
l’URSS sur les démocraties populaires (le pacte de Varsovie de 1955 est utilisé dès 1956 en Hongrie pour
l’insurrection de Budapest), le développement de la bombe H dans les deux camps.
De fait, la déstalinisation a créé un sentiment de rupture dans le bloc de l’Est. A ce titre, la Chine
de Mao Zedong sort de son alliance avec l’URSS, accusée de « révisionnisme ». Certains pays tentent
d’en profiter, mais Khrouchtchev reste ferme : la coexistence pacifique ne met pas fin à la logique de bloc.
La coexistence pacifique est rattrapée par les tensions géopolitiques majeures qui animent les
principaux territoires stratégiques des années 50 et 60 : Berlin, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique Latine.
Face aux événements de Cuba (1962) et la peur mondiale d’un conflit nucléaire, les deux blocs
mettent un coup d’arrêt à l’escalade des tensions.
La période qui débute alors est appelée « Détente » et plusieurs éléments dans les années 60 et
70 semblent bien signaler une nouvelle ère de coopération. Au-delà du « téléphone rouge » hautement
symbolique, plusieurs questionnements sont à l'œuvre. Pour autant, il faut nuancer ce propos et avoir un
regard critique sur cette périodisation artificielle. Si l’on analyse 17 années de « Détente », le changement
dans les relations entre les deux Grands reste marginal. La Guerre Froide n’est pas finie.
Éviter la prolifération nucléaire, rééquilibrer les arsenaux militaires, apaiser les tensions :
- 1963, traité de Moscou interdisant les essais nucléaires (100 Etats signataires).
- 1968, traité de non-prolifération nucléaire (TNP) interdisant aux pays qui ont la technologie de la
partager et aux autres de la développer. Une quarantaine d’Etats signe, pas la France, ni la Chine.
- 1972, accords SALT-I permettant de geler le nombre de missiles intercontinentaux pour 5 ans
entre les deux Grands. C’est l’apogée de la « Détente », une vraie avancée.
- 1975, conférence d’Helsinki (CSCE, conférence sur la sécurité et la coopération en Europe)
réunissant tous les pays d’Europe (Est et Ouest) avec l’URSS et les Etats-Unis et assurant la
reconnaissance et l'inviolabilité des frontières en Europe. Cet épisode marque l’entrée dans un
monde multipolaire et un réel espoir dans l’apaisement des tensions. Si le texte est peu
contraignant, il introduit un nouveau paradigme dans les relations internationales.
Le cas tchécoslovaque nous permet de comprendre que la logique de bloc est maintenue en dépit
de la « Détente ». En 1968, le printemps de Prague ouvre une période de libération de la parole et de
contestation de la mainmise soviétique sur le pays. Les autres démocraties populaires qui redoutent
une contagion poussent Leonid Brejnev (secrétaire du parti en URSS, successeur de Khrouchtchev).
Les troupes du Pacte de Varsovie entrent à Prague du 20 au 21 août 1968. Le président Dubcek
qui n’a rien fait pour empêcher les manifestations est arrêté. C’est une victoire militaire pour l’URSS, mais
un fiasco diplomatique et médiatique majeur. Cette répression des événements accentue l’essor des
idées libérales dans le bloc de l’Est (Roumanie, Yougoslavie, Albanie qui condamnent l’intervention).
A- La conquête spatiale
Pour mener à bien leur politique d’endiguement anti-communiste, les Etats-Unis vont se doter d’un
arsenal d’institutions de renseignement : la CIA en 1947 (National Security Act), la NSA en 1952.
La CIA dispose de statuts d’exception lui assurant une autonomie importante. Ses actions sont
confidentielles, et ne peuvent être soumises au jugement des sénateurs du Congrès des Etats-Unis
notamment. Elle est placée sous la seule responsabilité du Président.
- Guatemala 1954 :
Suite à l’élection du président Arbenz, dont le programme prévoit l’expropriation des terres non
exploitées par les grands propriétaires et la nationalisation de l’entreprise bananière gérée par les
Etats-Unis, un coup d’Etat éclate. Ce coup d’Etat est organisé par la CIA et est connu sous le nom de code
d’opération PBSUCCESS. Des paramilitaires insurgés entraînés et armés par la CIA à partir du Honduras
renversent le président et une junte militaire dirigée par le colonel Carlos Castillo Armas remplace l’ancien
gouvernement. S’ensuit pour le pays une longue période de violence et d’instabilité.
- Cuba 1961 :
Voyant que Fidel Castro mène à Cuba une politique économique défavorable aux intérêts des
Etats-Unis et que le dirigeant cubain se rapproche de l’URSS, la CIA décide d’intervenir. Les services
secrets organisent en 1961 un débarquement dans la Baie des Cochons. Ce débarquement est opéré par
1400 exilés cubains recrutés et entraînés par la CIA. Cette opération est un échec total pour Washington.
- Chili 1970 :
En 1970, le gouvernement d’Unité Populaire de Salvador Allende est au pouvoir. Le pays est
rapidement frappé par une crise économique ainsi qu’une agitation politique et sociale avec des
manifestations et grèves financées par la CIA. En 1973 a lieu un coup d’Etat provoquant la mort d’Allende
et son gouvernement est remplacé par une dictature militaire dirigée par le général Pinochet qui est
soutenu par les Etats-Unis, préférant donc une dictature à un gouvernement de gauche.
⇒ La militarisation de l’affrontement :
- 1949, l’OTAN (organisation du traité de l’Atlantique-Nord) est créé. Il s’agit d’une alliance militaire.
Les Etats-Unis sortent définitivement de l’isolationnisme.
- 1950, début de la Guerre de Corée. Les Etats-Unis profitent du boycott du Conseil de sécurité de
l’ONU par l’URSS pour créer un coalition intervenant dans le pays.
- 1955, création du Pacte de Varsovie, traité d’assistance militaire entre l’URSS et les démocraties
populaires. L’objectif est de maintenir le bloc face aux ennemis de l’extérieur comme de l’intérieur.