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Dissertation n°2 : Construire la paix : de l’équilibre des puissances à la

sécurité collective

Au XXIe siècle encore, nous semblons être au bord du plus grand conflit entre pays
d’Europe depuis les guerres mondiales. En effet, les tensions entre la Russie et L’Ukraine,
se font de plus en plus fortes, menaçant de se transformer en véritable guerre. De nombreux
acteurs tel que la France et l’ONU interviennent, dans le but d’apaiser les tensions, sans
succès. On voit ainsi qu’encore aujourd’hui, la paix est menacée et difficile à protéger,
notamment par l’action unilatérale des pays tels que la Russie et sa volonté d’annexer
l’Ukraine. Dans les relations internationales, la paix est désignée comme une absence de
conflits. Depuis l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle, mettre fin à un conflit armée était suffisant
pour instaurer la paix. A partir du XVIIe siècle, s’élabore pour la première fois en Europe
l’idée d’une paix durable et organisée à partir d’une entente entre les puissances, à travers
la signature de traités internationaux. C’est la naissance des Congrès Internationaux. Les
premiers ont lieu en 1640, pour mettre fin à la guerre de 30 ans et aboutissent en 1648 aux
fameux Traités de Westphalie. Ces traités reposent sur l'équilibre des puissances, le fait
qu’aucun Etat ne puisse être plus puissant que tous les autres réunis. Cette logique perdure
jusqu’à 1914. Au XXème siècle, la violence inégalée des guerres mondiales donne
naissance à une autre vision de la paix. L’idée de sécurité collective s’impose, pour aboutir à
une diplomatie mondiale qui garantit une “paix perpétuelle”, théorisé par Kant au XVIIIe
siècle, via la création de la Société des Nations Unis (SDN) en 1919, puis de l’Organisation
des Nations Unies (ONU), en 1945. Cet objectif n’étant toujours pas atteint, nous verrons à
travers l’histoire de la construction de la paix, en quoi celui-ci est peut-être inatteignable.
Pour répondre à cette problématique, nous verrons dans un premier temps la paix par les
traités, avec le système Westphalien, avant de voir dans un second temps la paix à travers
la sécurité collective, en finissant par les limites de ces systèmes.

La guerre de Trente Ans est une succession de conflits armés dont les causes sont
religieuses et politiques. Elle se déroule en Europe centrale surtout, de 1618 à 1648. Les
princes protestants allemands, puis les souverains européens, s'opposent aux princes
allemands catholiques, en particulier l'empereur et le duc de Bavière. Les États allemands
du Saint-Empire romain germanique, les possessions des Habsbourg d'Autriche, la France,
la Suède, le Danemark, les Provinces-Unies et l'Espagne participent aux opérations
militaires. Les ravages sont particulièrement importants en Allemagne parcourue en tous
sens par les armées de mercenaires de deux camps. Ce long conflit, couplé à des
épidémies de peste, a durablement impacté l’Europe, bouleversant l’économie, et faisant
des millions de morts au sein de la population du Saint Empire. D’où un profond besoin de
paix durable en Europe dans les années 1640 et la nécessité d’une entente pleinement
internationale qui débouche sur les Traités de Westphalie.
Les signatures de ces traités réunissent pour la première fois les dirigeants européens
autour d’une table, faisant émerger le système westphalien. L’oeuvre s’inscrit toutefois dans
un long cheminement initié dès la Renaissance avec l’émergence de l’État-moderne, la
naissance de la diplomatie comme art politique, la conception de la paix comme une finalité
et non plus un intervalle temporaire entre deux guerres, l’émergence d’un droit de la guerre
et par conséquent d’un droit de la paix.
Les traités de Westphalie posent les bases d'une diplomatie désormais, fondée sur le droit.
En effet, tous les États en guerre ont participé à égalité aux négociations de paix
commencées avant même la fin de la guerre. Elles constituent en cela un modèle pour les
congrès de paix multilatéraux.
Le système westphalien mis en place lors de ce premier congrès international doit éviter que
l’Europe ne replonge dans une longue période de conflits en mettant en place un système
de relations internationales devant garantir une « paix perpétuelle » avec pour objectif
principal de protéger les populations civiles, principe défendu par Hugo Grotius dont l’œuvre
marque l’esprit westphalien. Le système international ainsi défini en 1648 repose sur 3
principes fondamentaux : l'équilibre des puissances (aucun État ne peut être plus puissant
que tous les autres réunis) ; l’inviolabilité de la souveraineté nationale ; la non-ingérence
(afin d’éviter qu’un État entre en guerre contre un autre pour défendre une minorité
religieuse dans le contexte des guerres de religions par exemple).
La mise en place du système westphalien a été possible en raison du caractère homogène
des États européens au XVIIe siècle à savoir des monarchies partageant les mêmes valeurs
et acceptant de s’asseoir ensemble autour d’une table pour négocier, rendant alors
réalisable la tenue de conférences internationales et l’émergence d’un Concert des Nations.
Ainsi, le système westphalien ne visait pas à empêcher les guerres, mais il devait garantir
des épisodes de paix entre les puissants. L’équilibre des puissances consistait ainsi à se
prémunir d’un acteur impérialiste en faisant la guerre contre ce dernier s’il entreprenait de
rompre l’équilibre, comme Napoléon Ier qui interrompit l’ordre westphalien jusqu’en 1815. Le
XIXe siècle restaura le système westphalien puisque le Congrès de Vienne confirme cette
conception de la paix comme l’absence de violence entre États et le maintien d’un équilibre
entre les puissances. Cette vision négative de la paix s’effondre avec le Première Guerre
mondiale qui marque à la fois l’échec d’un système consumé par le nationalisme et
l’impérialisme, mais surtout car les États-Unis ont considéré que ce système était un
héritage du Vieux-Continent allant à l’encontre de leur vision du monde. Ainsi, la violence
inégalée des guerres mondiales donne lieu à une nouvelle vision de la paix, basée sur la
notion de “sécurité collective”, développée par W. Wilson, vingt-huitième président des
États-Unis.

L’idée d’un système multilatéral de sécurité collective, développée dès le XVIIIe


siècle, s’impose à l’issue de la Première Guerre mondiale. L’importance des pertes
humaines et des destructions matérielles provoque un choc moral qui explique la volonté
d’empêcher définitivement toute guerre future. Dans un discours de janvier 1918, le
président américain W. Wilson énonce en 14 points les buts de guerre des États-Unis. Il
souhaite la création d’une « association générale des nations » chargée de préserver la
paix. Elle doit regrouper toutes les nations et garantir à chacune l’indépendance politique et
l’intégrité territoriale. Il veut ainsi faire entrer les relations entre États dans un nouvel âge en
refusant toute diplomatie secrète et en promouvant la démocratie et le libéralisme
économique considérés comme les meilleurs garants de la paix.
Créée en 1919 à l’occasion de la signature du traité de Versailles qui met fin à la
Première guerre mondiale, la Société des Nations est la première institution internationale
dont le but est de maintenir la paix de façon multilatérale. Pour la première fois, le monde se
dote d’un système international permanent de sécurité collective. Sa mission est de régler
les différents conflits entre États par la diplomatie et d’imposer l’arbitrage de la communauté
internationale pour éviter une guerre ouverte. La SDN manque dès sa fondation à sa
vocation universelle. Elle est d’emblée dominée par des puissances européennes, la France
et le Royaume-Uni. En mars 1920, le Sénat américain refuse de ratifier les traités de paix et
le pacte de la SDN. L’Allemagne, vaincue, et la Russie devenue communiste ne sont pas
invitées à y participer. Le maintien des empires coloniaux en exclut également les pays
d’Afrique et la plupart des pays d’Asie (une dizaine seulement y siège). L’un des outils de la
SDN est l’organisation de référendums afin de consulter les populations, au nom du “droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes” figurant dans les 14 points du président Wilson
destinés à proposer les bases du règlement de la 1GM. Mais sa principale faiblesse provient
de son absence d’armée. Elle ne peut prononcer que des sanctions symboliques ou
économiques, mais ne parvient pas à peser face à la montée en puissance des dictatures
totalitaires en Europe, qui ne se sentent tenues par aucun engagement et entament une
épreuve de force contre la communauté internationale. La SDN reste ainsi impuissante face
à l’intervention italienne en Éthiopie en 1935 malgré un vote à l’unanimité pour désigner
l’Italie comme coupable d’avoir eu recours à la guerre (les sanctions économiques n’ont
aucune valeur contraignante et ne sont pas appliquées), comme face aux multiples coups
de force de l’Allemagne à partir de 1936. Pour autant, la SDN ne fut pas inutile, elle a permis
de développer entre les différents pays du monde une culture de la négociation et de la
résolution des conflits de façon multilatérale. La Seconde Guerre mondiale sanctionne
l’échec de cette institution qui disparaît officiellement en 1946.
Pendant la 2GM, à l’initiative des États-Unis, le projet d’une institution internationale
pour le règlement des conflits est avancé. En résulte la Charte des Nations Unies,
approuvée le 26 juin 1945 à San Francisco, qui donne naissance à l’Organisation des
Nations unies. En 1945, elle compte 50 pays membres, contre 193 aujourd’hui. L’ONU est
organisée autour d’une Assemblée générale, dans laquelle chaque État compte pour une
voix, et d’un Conseil de Sécurité composé de 15 membres, dont 5 permanents, disposant du
droit de veto (Chine, États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie).Mais c’est surtout la
présence active des grandes puissances qui peut assurer son efficacité, notamment les
États-Unis qui accueillent le siège de l’organisation à New York. Le Conseil de sécurité est
habilité à mandater une force internationale (les Casques bleus) dans le but de prévenir un
conflit, d’y mettre un terme, ou de garantir la paix une fois le conflit achevé. Depuis 1946, le
Conseil de sécurité a adopté près de 2500 résolutions, et l’ONU a permis l’organisation de
85 opérations de paix, dont 14 étaient toujours en cours début 2020.
Cependant l’ONU n’est pas le seul acteur des arbitrages internationaux des conflits.
En effet, les grandes puissances continuent d’intervenir de façon autonome : ainsi des pays
comme les États-Unis, la Russie ou les grands pays de l’Union Européenne pèsent dans
des conflits dont ils ne sont pas directement partie prenante. Cela peut se faire dans la
recherche de la paix. Dans les années 1970, le président américain Carter organise des
réunions entre le Premier ministre israélien Menahem Begin et le président égyptien Anouar
el-Sadate, pour aboutir au premier traité de paix signé entre Israël et un pays arabe, en
1979. De même, en 1993, Israël et l’autorité palestinienne signent un accord de
reconnaissance mutuelle et entament des négociations bilatérales sous l’égide des
Etats-Unis. Ces puissances jouant le rôle d’intermédiaire se portent alors garantes des
engagements de chacune des parties, ce qui favorise la conclusion de processus de paix
difficiles ou fragilisés. Mais cela peut également se faire dans le sens de la guerre. Bien que
l’ONU ait défini comme illicite dès 1946 le droit d’ingérence individuel d’un État, cela n’a
jamais empêché les grandes puissances de s’impliquer dans des conflits extérieurs lorsque
leur intérêt était en jeu (guerre du Vietnam de 1961 à 1973, guerre d’Afghanistan de 1979 à
1989) ou de se lancer dans des guerres préventives (invasion de l’Irak par les États-Unis en
2003).
Dès le début de l’ONU, son fonctionnement est entravé par l’opposition liée à la Guerre
Froide. Le droit de veto des membres permanents, notamment des deux superpuissances,
empêche bien souvent la mise en place de résolutions efficaces en faveur de la paix. Avec
l’effondrement de l’URSS en 1991, l’usage du droit de veto diminue fortement, laissant la
possibilité à l’ONU d’agir en faveur de la sécurité collective, comme lors de la Première
Guerre du Golfe (1990-1991) durant laquelle les États-Unis mènent une coalition
internationale mandatée par l’ONU contre l’invasion du Koweït par l’Irak.

Considérant que la paix ne peut être retrouvée qu’au travers d’une action plus
globale, les services de l’ONU accompagnent les gouvernements des États touchés par une
guerre et en cours de reconstruction politique et économique. Ainsi, l’ONU a permis à de
nombreuses nations d’avoir une tribune pour s’exprimer, protester. Elle a aussi permis de
résoudre des conflits, de réunir des conditions favorables à la mise en place d’une paix
durable, comme au Rwanda. Cependant, son action reste encore largement entravée par
l’unilatéralisme des grandes puissances, au premier rang desquelles on trouve les
États-Unis. Dans les grands conflits comme la Syrie, la Libye ou le Sahel, l’ONU ne parvient
pas à se substituer aux puissances pour mettre en œuvre la paix. Dans le Proche Orient, le
poids des puissances régionales et mondiales est bien supérieur à celui de l’ONU qui reste
trop souvent cantonnée dans le rôle de la réparation des dégâts.
L’une des principales difficultés des processus de paix actuels est l’absence
d’interlocuteurs pour mettre fin aux combats et négocier la paix. C’est lié à la nature des
conflits, notamment dans le cas des conflits impliquant les groupes terroristes comme Al
Qaïda ou AQMI au Sahel, ou Daech au Moyen-Orient. Les négociations sont alors rendues
impossibles car toute idée de discussion est refusée par ces groupes. La multiplication des
interlocuteurs aux intérêts profondément divergents dans certains conflits particulièrement
complexes rend la paix difficile à construire. C’est le cas de la guerre civile qui ravage la
Syrie depuis 2011. Le processus de paix est aujourd’hui dans l’impasse, devant
l’impossibilité de créer les conditions d’une négociation menant à un traité de paix entre le
gouvernement de Bachar al-Assad et les divers groupes insurgés, de même qu’entre les
grandes puissances engagées dans des camps opposés (Turquie, Russie, Iran, Etats-Unis,
etc.).
Ainsi, malgré son investissement et le multilatéralisme des grandes puissances,
l’ONU ne peut empêcher un certain nombre de catastrophes humanitaires. Le génocide au
Rwanda en 1994 se déroule en présence des casques bleus, tout comme le massacre de
Srebrenica en 1995 de la population musulmane, sous la protection de l’ONU. L’échec le
plus important des mandats de Kofi Annan est celui de l’Irak dont il ne peut empêcher
l’invasion par l’armée américaine en 2003. Si le véto de la France lors du Conseil Permanent
de Sécurité démontre l’unilatéralisme américain, l’ONU s’avère incapable de résoudre un
conflit par la voie diplomatique.
C’est dans ce contexte troublé que les groupes terroristes issus d’Al Qaïda et de Daech ont
pu prospérer et essaimer à la faveur des troubles politiques. Aujourd’hui, les Talibans sont
en passe de reprendre le pouvoir en Afghanistan, Al Qaïda y survit malgré la mort de Ben
Laden et Daech y est de plus en plus solidement implanté. Parfois, les missions de l’ONU ne
suffisent pas pour ramener une paix durable, et les missions de maintien de la paix peuvent
tendre à l’éterniser : la mission de l’ONU en Inde et au Pakistan est en place depuis 60 ans,
la mission de l’ONU au Liban l’est depuis plus de 40 ans.
Ainsi, nous avons vu que la Guerre de Trente Ans et la Paix de Westphalie ont
permis la naissance du système westphalien basé sur l’équilibre des puissances et sur la
distinction claire entre situation de guerre, marquée par une déclaration et situation de paix,
après la signature d’un traité. Si le système westphalien est partiellement rétabli au XIXe s
avec le Congrès de Vienne et la Sainte Alliance, les guerres du XXe siècle mettent en
évidence la nécessité d’établir une organisation internationale chargée de mettre en place
les conditions propices pour une paix durable. Si les premières tentatives échouent
largement, la fin de la Guerre froide offre à l’ONU de Kofi Annan la possibilité de démontrer
les bienfaits d’une sécurité collective rendue possible par une vision multilatéraliste des
États-Unis. L’ONU est aujourd’hui confrontée à de nouveaux enjeux, entre affirmations de
nouvelles puissances et émergences de nouvelles formes de conflictualités, qui nécessitent
une réforme de ses institutions.

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