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Robert Kolb
BARI 2 2010/2011
Chapitre I - Introduction :
1). Raisons d’être d’un droit des conflits armés :
• Il peut paraître assez étonnant qu’il y ait un droit applicable à la guerre, ultima ratio des Etats,
état de violence ouverte qui s’instaure lorsque tous les autres moyens de résolution des
différents sont épuisés. On peut remarquer également que la réalité de la guerre, des intérêts
vitaux en cause et des dommages qu’elle implique, pourrait entraver toute possibilité du
respect des règles d’un tel droit. L’expérience tend d’ailleurs à démontrer que le droit des
conflits armés ne prend pas racine. La question se pose alors de se demander si le droit peut
domestiquer la violence, ou si, au contraire, la réglementation de la guerre serait impossible.
• On peut donc répondre qu’un droit réglementant la violence ouverte entre Etats a tout lieu
d’exister. Néanmoins, le DIH est à l’horizon même de l’ordre juridique international, ce qui
explique le fait qu’il soit fréquemment violé.
• Malgré cela, il n’y a pas lieu de penser que le DIH soit uniquement violé ; en fait, le bon
respect du droit des conflits armés tient plus au contexte et aux matières spécifiques de l’état
de fait qu’à la nature de ce droit : si les violations sont légions dans le domaine des guerres
civiles, elles sont déjà beaucoup moins nombreuses dans le cadre des conflits internationaux
(toutes les armées du monde disposent d’ailleurs de services juridiques très pointus).
• Le respect du droit des conflits armés est en fait contrasté et varie sensiblement selon les
cas, ce qui indique déjà que le jeu en vaut la chandelle, car abandonner cet ordre juridique
signifierait condamner des milliers de prisonniers de guerre, de civils, de blessés, de malades
et bien d’autres vies humaines que le DIH a vocation de protéger.
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• On peut affirmer qu’il y a au moins trois raisons d’être fondamentales au droit des conflits
armés :
- Les belligérants eux-mêmes trouvent en fait un intérêt à respecter le droit des conflits
armés : nulle Etat n’a intérêt à faire exagérer les dommages de la guerre, si ce n’est
que pour éviter les coûts bilatéraux d’une agression réciproque dégénérée qui rendrait
toute perspective de victoire impossible.
- Les belligérants peuvent aussi trouver un avantage à long terme à respecter les
limitations du droit de la guerre : le bon respect du droit du conflit armé favorise
effectivement le retour à la paix. En effet, l’établissement d’une paix favorable à la fin du
conflit appel à la modération.
2). Terminologie :
• Les termes droit de la guerre, droit des conflits armés, puis droit international humanitaire se
sont succédés dans l’histoire et peuvent être utilisés aujourd’hui de façon synonymique,
malgré la divergence en connotations. Certaines dispositions pourtant, telles que le droit de
neutralité, ne pourraient que difficilement être agglomérées sous le DIH.
• Définition : ius in bello (droit dans la guerre) : désigne toutes les règles pertinentes pour les
belligérants pendant le conflit armée, à savoir, d’un coté, les règles sur les moyens et les
méthodes de guerre, et de l’autre, concernant la protection des personnes.
• Définition : ius ad bellum (droit à la guerre) : désigne toutes les règles permettant de savoir
quand un Etat peut utiliser la force contre un autre.
• La séparation entre ces deux branches du droit serait justifiée par l’idée qu’il est nécessaire
de distinguer entre les causes ou les raisons de la guerre d’une part, et les obligations des
belligérants d’autre part.
- Ceci, afin de préserver le droit humanitaire, qui pourrait souffrir dans le cas où un Etat
se réclamant victime refuserait de pratiquer les mêmes règles que l’agresseur en se
justifiant par le tort qu’il aurait subit.
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- La raison principale de procéder à cette séparation tient à la cause humanitaire : la
discrimination de civils au nom de leur étiquetage en tant que citoyens d’un Etat
agresseur serait intolérable du point de vue humanitaire, qui a justement vocation de
protéger les droits inaliénables que possède tout être humain indépendamment de la
« bonté » de l’Etat dont il est le ressortissant.
• Le principe de séparation entre le ius in bello et le ius ad bellum stipulant que la justification
de la cause de guerre n’influe pas sur les règles applicables pendant les conflits armés appelle
pourtant à quelques précisions :
- Cette séparation n’est pas vraie pour tous les domaines du droit des conflits armés : il
y a en effet certaines articulations subtiles entre les deux branches, d’où la nécessité de
les réunir dans certains cas.
- Aussi, il faudrait être soigneux dans l’argumentation, car une occupation de guerre,
par exemple, pourrait paraître illicite du point de vue du ius ad bellum, ou droit de la
paix, puisque l’utilisation de la force est interdite entre Etats-membres des Nations
Unies, mais apparaîtra comme licite et obligatoire dans le ius in bello, puisque le
territoire envahi doit être obligatoirement administré par l’envahisseur (Art. 42 du
Règlement de La Haye 1907 et Art. 47 de la Convention de Genève IV)
• Le DIH, droit récent, a ses mythes fondateurs et textes clés qu’ont ne peut ignorer.
L’évènement de naissance de ce droit dans son aspect contemporain est incontestablement
l’épisode de Solferino en 1859, où un commerçant genevois, Henry Dunant, partit chercher
audience avec Napoléon III, devient témoin d’une bataille sanglante ayant laissé 40'000
blessés à mourir sur le champ de bataille sans aucun secourt.
• Cette image d’infortunés criant, souffrant et mourrant seuls dans la nuit sur le champ de
bataille a profondément touché Dunant, qui partit sauver ceux qu’il pouvait avec quelques
volontaires locaux. Depuis cet épisode, qui le marquera à vie, Dunant s’est promis d’œuvrer
pour fonder une association neutre qui aiderait et protégerait les victimes de la guerre : cette
entreprise a débouché sur la création du Comité de Genève, rebaptisé Comité International de
la Croix-Rouge. Cette célèbre organisation non gouvernementale ira beaucoup plus loin, en
avançant le long processus du développement du droit humanitaire. La Croix rouge jouera
d’ailleurs un rôle premier lors de codifications majeures telles que les Conventions de Genève.
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- De retour à Genève en 1862, Henry Dunant se fait connaître par son ouvrage
« Souvenir de Solférino », à la suite duquel il a fait parvenir les deux propositions
suivantes aux Etats d’Europe et à la société civile en germe :
• Parmi les problèmes majeurs dans le domaine du droit de la guerre de l’époque, on compte
le manque d’immunité pour le corps sanitaire, pour autant qu’il existât, ainsi que l’absence de
réglementation sur un signe distinctif pour celui-ci.
- Il faut noter que durant l’ancien régime, les suzerains d’Europe se préoccupaient b ien
mieux du sort de leurs troupes, puisque celles-ci étaient un bien national crucial et
coûteux. Regrettablement, depuis l’introduction de la conscription de masse par les
premiers régimes républicains, les soins sanitaires dont bénéficiaient les soldats
européens se sont dramatiquement restreints dès le début du XIXème siècle.
- Parmi ces développements internes, le plus mémorable est sans doute celui des
Etats-Unis : il s’agit du code Lieber, du nom de l’intellectuel américain auquel le
Président Abraham Lincoln a donné le mandat pour établir des instructions pour le
comportement de l’armée fédérale des Etats-Unis en 1863, lors de la Guerre de
Sécession. Ce document est resté mémorable dans le droit humanitaire car il s’agit de
la première définition d’ensemble du droit humanitaire, réglementant tous les domaines
du droit de la guerre, et ce dans un esprit humanitaire et innovateur.
• On a donc voulu faire évoluer le droit international public en la matière pour essayer d’aboutir
à une codification universelle. Les tentatives ont été nombreuses, mais les premières percées
significatives en la matière ont été les Conventions de La Haye en 1899 et 1907.
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2.2). La phase de la première codification du droit des conflits armés :
Conventions de La Haye de 1899 / 1907 :
• Alors que le XIXème siècle écoulait à sa fin, le Tsar de Russie, Nicolas II, a invoqué une
conférence à La Haye pour traiter des questions sensibles et plus que jamais importantes pour
un monde secoué par des tensions d’empires nationalistes rivaux. La Première Conférence de
La Haye a choqué le monde de la Belle Epoque par son ambition pacifiste : en effet, il
s’agissait de mettre au point des mécanismes menant à l’adoption de règlements strictement
pacifiques des différents d’une part et le désarmement généralisé d’autre part.
• Malheureusement, les Etats européens n’étaient pas prêts à se consacrer à cette entreprise
et ont rejeté « l’union internationale » qui devait en éclore. Confrontée à cette situation, la
Conférence s’est consacrée à la tâche non prévue mais bel et bien nécessaire d’aboutir à une
codification universelle du droit de la guerre. Il y a en tout 14 Conventions et Déclarations de
La Haye, dont 12 font partie du droit des conflits armés. Parmi celles-ci, les Conventions IV et
V appellent tout particulièrement à l’attention.
- La cinquième Convention porte sur le droit de neutralité et reste tout aussi pertinente
un siècle plus tard : il n’y a en effet aucune codification ultérieure.
• Le Convention sur les Lois et Coutumes de la Guerre sur Terre, Convention de La Haye IV,
couvre l’ensemble du droit humanitaire applicable de l’époque, avec des règles allant du
traitement de blessés et de malades, en révision de la Convention de Genève, jusqu’à
l’occupation du territoire par un Etat ennemi. Deux sections restent absolument pertinentes
encore aujourd’hui :
- Art. 22 et suivants du Règlement sur les moyens et méthodes de guerre : ici, une liste
de règles sur les moyens et les méthodes illicites du droit de la guerre est établie (cf.
Art. 23). Quand on parle du Droit de La Haye, on vise généralement les moyens et
méthodes prohibées de la guerre. Cette section a été si souvent évoquée, qu’elle a
donné naissance au nom de ce droit.
• Le Droit de Genève, à travers les Conventions de Genève de 1949, établies sous la roulette
de la CICR, désigne les règles applicables en matière de protection des victimes de la guerre
et vient compléter le volet du Droit de La Haye des moyens et méthodes de la guerre. Dans
des textes additionnels, on a fusionné les deux droits.
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• Ce nouveau droit est apparu pour un nombre de raisons :
- On sentait d’ailleurs que l’approche de La Haye ne convenait plus, car il s’agit d’un
droit dont l’optique est éminemment militaire, voir militariste.
- A la vue des souffrances indicibles causées par les exactions des régimes totalitaires
durant la guerre, on a estimé qu’un droit nouveau, droit humanitaire, devait apparaître
et combler les nombreuses lacunes du Droit de La Haye.
• D’une part, les Conventions restent en continuité avec des instruments précédents, qu’elles
ne font que mettre à jour, alors que d’autres dispositions, telles que la Convention de Genève
IV et les Protocoles additionnels ont été des développement majeurs.
• La Convention IV porte sur la protection des civils. Notons qu’il s’agit ici de civils hors de
combats, à savoir de nationaux qui se situent dans un territoire adverse, ou d’étrangers dans
un territoire occupé. Elle ne s’applique donc pas du tout aux civils lors des combats.
• Les quatre Conventions ne visent donc que des personnes hors de combats. Il s’agit des
conventions les plus complètes, les plus longues et donc aussi les plus détaillées et les plus
strictes dans le domaine du DIH. Elles sont entrées en vigueur le 21 octobre 1950 et ont été
suivies par les Protocoles additionnels I et II qui sont entré en vigueur le 7 décembre 1978.
• Les Conventions de Genève étant adoptées, certaines évolutions propres à la Guerre Froide
sont apparues, ternissant l’éclat du Droit de Genève. En effet en raison de « l’équilibre de la
terreur » du monde bipolaire les conflits armés internationaux ont pratiquement disparus,
laissant place à des conflits armés non-internationaux, ou guerres civiles, qui se sont
démultipliés tant en nombre qu’en envergure. Hors, le Droit de Genève avait justement
vocation de traiter de conflits armés internationaux, sauf l’Art. 3 commun (donc identique, aux
4 Conventions), produit découlant de l’expérience de la Guerre Civile d’Espagne.
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a). Conflits armés non-internationaux :
b). Guérilla :
• Un nouveau problème est survenu depuis 1949 : les guerres sont effectivement
devenus nettement asymétriques, c’est-à-dire que parmi les belligérants, l’un est
sensiblement inférieur à l’autre en termes d’appui militaire et de moyens disponibles. Le
déséquilibre entre super-puissances et insurgés aux moyens les plus rudimentaires est
devenu immense, ce qui a exercé une sorte gravitation dans le monde des règles de
DIH, notamment en ce qui concerne la distinction entre combattant et civil. Hors, cette
distinction est devenue infiniment floue, voir impossible dans le cadre des nombreuses
guerres asymétriques de la Guerre Froide.
• Hors, le DIH tend à réduire autant que possible le fossé entre les civils, presque
intouchables, et combattants, bénéficiant de privilèges décrits dans les droits de
Genève et de La Haye car, dans le cas où les civils et les combattants sont confondus
par un belligérant, l’édifice du droit humanitaire s’effondre, pavant le chemin aux
massacres.
• Dès lors, le DIH ne peut faire que deux choses : soit il peut refuser de qualifier le
guérillero comme un combattant, ce qui fait de lui un criminel ou un terroriste. De l’autre
côté, on peut dire qu’il faut adapter le DIH aux conditions de combat moderne mettant
l’Etat dans l’obligation de traiter les guérilleros comme des combattants et protéger les
civils, tout en appelant le guérillero à la responsabilité, ce qui nécessite une nouvelle
codification. Le Protocole additionnel I a justement été cette codification si nécessaire :
le combat asymétrique y est traité aux articles 43 et 44.
• Lors de la codification des Conventions de Genève de 1949 il n’y avait pas de droit
positif des droits de l’homme : effectivement, malgré la Déclaration universelle de 1948,
les Pactes internationaux juridiquement contraignants relatifs aux droits de l’homme ne
seront adoptés que lors des 50’s et 60’s.
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• Ainsi, une nouvelle question se pose, celle du rapport et des délimitations entre le droit
des droits de l’homme et le droit humanitaire, dont l’objet et le but sont si proches. Cette
question est d’autant plus urgente que certaines évolutions au sein de la société
internationale poussent vers une interpénétration entre le DIH et le droit des droits de
l’homme, le dernier devenant un pallier salutaire pour combler les lacunes du premier.
- Dans le domaine des territoires occupés, tels que des régions de Palestine
occupées par Israël, on constate que le DIH ne saurait suffire car il ne détient
que relativement peu de dispositions relatives à la protection des civils, du fait de
l’idée manifestement erronée que les occupations ne pourraient durer dans le
temps. Là encore, le droit des droits de l’homme offre un palliatif pour les lacunes
du DIH, qu’il s’agisse de droits civils, politiques, économiques ou sociaux.
• Il est certain que le DIH a accompli un nombre de progrès depuis la fin de la Guerre Froide,
période de renaissance, de regain d’optimisme et de croissance pour le droit international en
général. Depuis 1990, plusieurs tribunaux pénaux ont fait apparition pour juger de crimes
contre le DIH, qui a d’ailleurs été souvent mentionné dans les résolutions du Conseil de
Sécurité. Néanmoins le DIH continue à faire face à des problèmes majeurs et se voit souvent
remis en question, tout particulièrement depuis la crise de la « guerre contre la terreur » suivie
par des interprétations unilatéralistes des Etats-Unis qui ont entravés la portée du DIH.
• Certaines de ses difficultés sont récurrentes, ou structurelles, et tiennent avant tout à la mise
en œuvre du DIH. Comparé au droit des droits de l’homme, dont l’objet et le but sont très
similaires à ceux du DIH, à savoir la protection des personnes contre des mesures arbitraires,
les différences en terme de mécanismes de mise en œuvre sont immenses : alors que le droit
des droits de l’homme est armé de comités et de cours de justice capables d’énoncer des
règles, d’entendre des plaintes individuelles, et même de faire des jugements contraignants,
en DIH il n’y a ni comité, ni haut commissariat et a fortiori pas de court de justice, à quelque
niveau que ce soit.
- Il s’agit de pouvoirs locaux conflictuels contrôlant une partie du territoire d’un « Etat
failli » constitués de bandes armées sans idéologie, cause politique ou but définis qui se
financent par des trafics criminels et remplissent leur rangs par l’enrôlement et
l’endoctrinement des masses de pauvres de la région. Ici, il ne s’agit plus de rapports
politiques entre belligérants, domaine propre du DIH, mais de criminalité démesurée
pour laquelle le DIH est inadapté voir entièrement inapplicable, d’où la remise en cause
générale du droit humanitaire.
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- « [Outre la complication évidente de la situation, on compte un nombre de difficultés,
dont] l’éclatement des groupuscules armés ; la difficulté de trouver des interlocuteurs
responsables pour leur troupes, la discipline étant toute relative ; le manque de
connaissance flagrant et l’absence de formation même minimale concernant des normes
internationales applicables de la part d’illettrés et d’enfants-soldats [mais aussi] le
rapprochement de ces bandes avec la criminalité et l’absence manifeste de volonté de se
soumettre à un droit de type « militaire » ou « humanitaire » […]. L’ensemble de ces
éléments opposent au droit des conflits armés un écran que celui-ci n’arrive guère à
percer. » (KOLB, Robert, «iIus in bello », pp. 91-92)
- Ex. : Afghanistan, Somalie, Libéria, Sierra Leone, Région des Grands Lacs, etc.
• Il y a également des problèmes liés à l’asymétrie croissante des conflits armés modernes ce
qui induit un recul du principe de réciprocité. Hors la réciprocité est un véhicule fondamental
pour le fonctionnement du DIH, car le bon respect de ses règles par l’un des belligérants incite
les autres à faire en autant. Cependant, au fur et à mesure que le conflit devient inégal, la
réciprocité prend l’eau : pour le combattant défavorisé il en va de sa survie, pour son
adversaire plus développé il s’agit d’éliminer l’ennemi aussi vite que possible en utilisant des
moyens que l’autre ne dispose pas, ce qui le met dans l’incapacité de répliquer.
• Il s’agit de la source principale du DIH. Effectivement, aucune autre matière du DIP n’est
aussi codifié que le DIH, car il s’adresse moins à des juristes qu’à des militaires appelés à agir
dans une situation urgente et précaire, ce qui fait appel à des règles détaillées, clairement
consignées et toutes prêtes à la mise en œuvre par l’opérateur.
- « Discipliner l’action du personnel militaire ne peut réussir qu’en formulant des règles
claires, soigneusement soupesées du double point de vue humanitaire et militaire. Ces
normes sont donc nécessairement écrites. C’est donc à travers une longue séquence de
textes conventionnels que le droit des conflits armés moderne s’est peu à peu
constitué. » (KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 101)
3.2). La Coutume :
• La coutume a pourtant son rôle à jouer dans le DIH, ce pour une série de raisons.
Premièrement, toutes les conventions du DIH ne sont pas ratifiées par tous les Etats : le droit
subsidiaire qui est alors utilisé pour combler ces lacunes personnelles est le droit coutumier.
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• De plus, un grand nombre de questions ne sont pas réglementées par le droit conventionnel,
entre autres à cause du conservatisme des Etats quant à leur souveraineté, comme dans le
domaine des conflits armés non-internationaux. Il est alors possible de combler ces lacunes
matérielles à travers la pratique générale des Etats, dans le cas où celle-ci est accompagnée
de l’opinio iuris, à savoir l’acceptation de cette pratique comme reposant sur des motifs
juridiques et exprimant une obligation juridique.
• Parmi ses autres fonctions, la coutume permet de combler des lacunes subjectives, à savoir
l’applicabilité du droit des conflits armés pour les troupes du maintien de la paix de l’ONU ou
d’Etats non reconnus par la société internationale. Le droit coutumier favorise également le
développement de nouvelles normes du droit conventionnel, lui permettant d’évoluer en
fonction des besoins pratiques des Etats. Finalement, la coutume est utile pour interpréter la
norme conventionnelle.
• La question se pose de savoir comment identifier ce qu’est le droit coutumier, vu que le but
du droit coutumier est de rester flexible et dynamique, quitte à naviguer dans l’inexactitude.
• « Comme branche particulière du [DIP], le droit des conflits armés découle [en outre des
accords internationaux et de la coutume des] principes généraux de droit, qu’ils soient
inhérents au droit international ou transposés par analogie des ordres juridiques internes,
constituant des précis juridiques éminents auxquels s’orientent l’application et l’interprétation
du droit (exemple : les principes de nécessité et de proportionnalité, le principe de bonne foi,
etc.) » (KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 100)
• On peut se demander si les principes généraux de droit ont leur place dans le droit des
conflits armés. Hors, dans le DIH, les principes généraux de droit constituent des fils directeurs
permettant d’unir les dispositions de détails et d’en combler les lacunes restantes. Il s’agit de
repères constants qui à la fois dirigent et expliquent la matière, et qui en même temps en
guident l’interprétation au niveau des nombreuses normes de détail.
• Parmi ces principes, on a le principe d’humanité qui permet à tout acteur et sujet de DIH de
rester conscient du but profond et de la finalité lointaine visée par le DIH, à savoir de protéger
les personnes vulnérables contre tout traitement inhumain en temps de guerre. Ce principe
dirige et éclaire toutes les dispositions conventionnelles qui en dérivent. D’autres principes
sont ceux de la limitation des moyens de nuire à l’ennemi, dont le but est de prévenir
l’escalade à la guerre totale ainsi que le principe de la proportionnalité.
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• Certains principes déférents tels que la nécessité militaire ont été domestiqués depuis la
Deuxième Guerre Mondiale. Selon ce principe, les règles de DIH ne seraient applicables que
lorsque celles-ci sont réalisables, ce qui implique que lorsque la nécessité militaire le demande
toute règle pourrait être dérogée. Aujourd’hui, on ne peut invoquer la nécessité militaire que
dans le cas où une norme applicable le prévoit.
- « En attendant qu'un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, […] les
populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes
du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois
de l'humanité et des exigences de la conscience publique. »
• Si cette clause a tout d’abord été ignorée, depuis la Deuxième guerre mondiale elle a été
élevée au rang de droit positif, chose très singulière car il s’agit d’incorporer un principe moral
directement au droit applicable, ce qui est très rare en droit international. Depuis 1949, la
fonction principale de la clause a été de faire en sorte à ce que les lacunes au sein du DIH ne
soient pas systématiquement interprétées dans le sens de la liberté du belligérant, laissant à
sa discrétion l’opportunité de commettre n’importe quelle exaction sous prétexte qu’elle ne soit
pas expressément interdite par une norme applicable du droit des conflits armés : tout ce qui
n’est pas interdit n’est pas permis en DIH. Au contraire, il advient au belligérant de prouver que
son action n’est pas contraire au principe d’humanité avant d’agir.
• Aujourd’hui, la clause de Martens acquiert des fonctions nouvelles, non prévues et distinctes
de sa cause originelle. Ainsi, la clause permet de guider l’interprétation des normes de DIH
dans le sens du principe d’humanité ; par ailleurs, on peut considérer que la clause est un
renvoi implicite au DDH pour combler les lacunes du DIH, ce qui correspond parfaitement à
l’objet de la clause tel qu’il a été énoncé par Martens.
• Les interactions entre droit humanitaire et droit des droits de l’homme sont récemment
devenues extrêmement multiples, subtiles et complexes : beaucoup prônent l’idée de
complémentarité entre ces deux corps juridiques. Effectivement, alors que le DIH se
développe tant bien que mal depuis les Conventions de Genève de 1949, le DDH a jouit d’une
croissance fulgurante et s’est considérablement étoffé depuis la fin de la Guerre froide. Aussi,
les deux matières se sont considérablement rapprochées, créant la nécessité d’une intégration
mutuelle des deux droits.
• Parmi les matières où les interactions sont les plus intenses, on compte le droit des conflits
armés non internationaux, domaine sous-développé du DIH et en grand besoin d’un
complément ; cette synergie est d’autant plus pertinente qu’il s’agit ici d’un conflit à l’intérieur
d’un territoire opposant le pouvoir publique à des individus discriminés, une situation des droits
de l’homme par excellence.
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- Dans le domaine des conflits armés internationaux, les interactions, loin d’être
inexistantes, prennent des formes plus limitées et ponctuelles, ce qui s’explique par le
fait que le DIH et déjà très bien développé dans le domaine.
• Une autre question où l’interaction entre DIH et DDH est étroite est l’occupation de guerre, où
l’occupant militaire fait face à des populations locales hostiles et donc contre laquelle il prend
des mesures limitatrices, restreignant leurs libertés fondamentales. Au-delà du classicisme, les
droits de l’homme sont aussi d’une grande aide lors des occupations prolongées, comme en
Palestine. Dans ces cas, il est évident qu’il en va de la responsabilité de l’occupant de faire
des réformes structurelles et de procurer à la population occupée un minimum de soutien afin
de ne pas priver les peuples occupés de leurs droits (de l’homme) économiques et sociaux,
dont le droit à l’alimentation, au logement, à la santé, et bien d’autres.
• Un autre domaine dans lequel les deux branches de droit convergent est celui de la
détention de prisonniers de guerre et/ou de civils : le DIH offre à cet égard des régimes
particulièrement détaillés. Néanmoins, le DDH a là aussi une contribution à faire, si ce n’est
que pour guider l’application du DIH de façon plus détaillée.
- Ex. : le procès : le DIH stipule qu’un procès équitable est nécessaire pour tout détenu
soupçonné d’avoir commis un crime, hors le « procès équitable » n’est défini que dans
le DDH, qui possède d’ailleurs une riche jurisprudence.
• Finalement, le droit à la vie est codifié dans tous les instruments des DH : il s’agit du droit le
plus fondamental, hors celui-ci a commencé à pénétrer le DIH. Seulement, la question se pose
de savoir si le droit à la vie a sa place dans un droit de la guerre, où le meurtre est permis. En
vérité, il est tout à fait pertinent d’intégrer le droit à la vie dans le DIH : par exemple, lors d’une
attaque contre un convoi militaire sans préparation suffisante, des vies sont mises en danger
inutilement ; dans ce cas, les morts qui auraient put être évitées si les moyens disponibles
avaient été déployés constituent une violation (par négligence) du droit à la vie, principe
humanitaire qui peut être appliqué pour tous les conflits.
• La question se pose de savoir comment un droit des DH peut s’appliquer dans un conflit
armé : la vision traditionnelle de séparation entre le DDH, applicable en temps de paix et le
DIH, applicable en temps de guerre s’est écroulée face à la montée de conflits non-
internationaux. On a dès lors déterminé que le champ d’application des DH devrait être
universel et s’appliquerait tant en temps de paix qu’en tant de guerre, mettant les conflits
armés sous le double feu du DIH et du DDH.
- L’art. 4 du Pacte sur les droits civils et politiques, stipulant qu’un Etat puisse déroger à
certaines dispositions en cas d’état d’urgence avait été utilisé pour défendre l’argument
de la séparation. Cette vision a depuis lors prévalue par le principe universellement
admis que le DIH et le DDH s’appliquent de façon concomitante, compte tenu des
éventuelles dérogations partielles en état d’urgence.
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Chapitre IV - L’applicabilité du droit des conflits armés :
• L’applicabilité dans un branche de droit, tout comme la compétence, se décline en divers
champs d’application : matériel, temporel, spatial et personnel.
- « L’applicabilité du droit des conflits armés est une matière complexe et articulée.
Cette complexité met en danger l’idée fondamentale de ce droit : le souci d’assurer le
plus possible et dans toutes les circonstances de « lutte armée » l’application de
dispositions humanitaires minimales, protégeant les victimes et limitant la violence
armée. » (KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 155)
• La détermination du seuil à partir duquel le DIH est applicable est extrêmement complexe, et
tient à un nombre de raisons. Si traditionnellement on estimait que le droit de la guerre était
applicable qu’en situation de guerre (déclarée), dans le monde contemporain, la notion
formelle et simpliste de guerre a cédé sa place au concept matériel et donc souvent ambigu de
conflits armés, où le seuil entre paix et guerre devient flou, si ce n’est insaisissable.
• Une autre source de difficulté provient de la volonté virulente des Etats de se défendre contre
des normes restrictives et de conserver une souveraineté aussi totale que possible dans le
domaine, ce qui se transcrit par leur propension à réduire l’applicabilité du DIH.
• Le DIH s’applique bel et bien à des situations de conflits armés. Ceci étant, le concept de
conflit armé n’épuise pas l’applicabilité matérielle du DIH, car il s’agit de couvrir certaines
autres situations où les besoins humanitaires sont exactement les mêmes qu’en période de
conflit armé, et où donc, à cause de l’identité du besoin de réglementation, on applique
également le DIH. Dans ces cas, il advient au législateur de mettre en œuvre des normes
humanitaires par analogie avec des normes conventionnelles ou coutumières issues du droit
des conflits armés.
• Il y a une différence très marquée entre la définition du concept de conflit armé pour le conflit
armé international et du même concept pour le conflit armé non international. Dans le CAI, le
CA est facile à définir et son seuil est bas ; dans le CANI, le seuil est sensiblement plus haut et
toute la contexture des conditions d’applicabilité prend un niveau différent.
- « En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix,
la présente Convention s'appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre
conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes,
même si l'état de guerre n'est pas reconnu par l'une d'elles. » Art. 2, §1
Convention de Genève.
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- « La Convention s'appliquera également dans tous les cas d'occupation de tout
ou partie du territoire d'une Haute Partie contractante, même si cette occupation
ne rencontre aucune résistance militaire. » Art. 2, §1 CG.
• Il y a donc trois différents seuils d’applicabilité du DIH dans le cadre d’un conflit armé
international : affrontement armé de fait ; guerre déclarée sans affrontement armé ;
occupation de territoire sans combat. Par ailleurs, même en temps de paix, certaines
dispositions du DIH s’appliquent déjà car il faut que le DIH puisse s’appliquer
correctement lorsque le conflit armé éclate.
• Affrontement :
- Ex. : deux sentinelles échangent des tirs, les balles sont perdues sans
faire de victimes : il n’y aura donc pas lieu d’appliquer le DIH, car ses
dispositions n’ont pas été rendues pertinentes.
- Ex. : si, dans le même exemple, l’un des soldats est touché, il y a déjà
lieu d’appliquer les normes du DIH, notamment en ce qui concerne la
procuration de secours : le nombre de victimes n’est pas ici un critère
pertinent.
• Forces militaires :
- Il n’y a pas lieu d’appliquer le DIH dans le cas où des civils ou des
fonctionnaires d’un Etat commettent des exactions dans un autre : il s’agit
alors d’une situation de maintien de l’ordre, et non d’engagement militaire.
• Belligérance :
• Une autre lacune comblée est celle des territoires occupés par une force armée
hostile sans qu’il n’y ait de combats. Aussitôt qu’il y a un minimum de résistance
de la part de la population occupée, on tombe dans le domaine d’un conflit
armé : c’est alors le § 1, et non plus le §2 qui est applicable.
- « Dans le [cas d’un CANI], la lutte relève en principe des affaires intérieurs de
l’Etat. Il s’y manifeste toute la susceptibilité des gouvernements à l’égard de
l’intervention extérieure dans un domaine aussi sensible de souveraineté
nationale. Dès lors, les notions de domaine réservé et de souveraineté ont été
privilégiées par rapport à l’idéal humanitaire de la protection des victimes. C’est
la raison pour laquelle le seuil d’applicabilité de cette partie du droit est plus
élevé et plus restrictif. » (KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 156)
• Par ailleurs, le CANI est un corpus infiniment plus complexe que le CAI, car il se
fragmente en une quantité de catégories spécifiques sur le plan juridique :
• La définition des TTI dans le cadre du DIH est de toute simplicité : a contrario
des critères d’applicabilité de l’article 3, toute situation n’atteignant pas le seuil
d’applicabilité requis relève des TTI ; ici, le DDH est certes applicable, mais non
pas le DIH.
• Les deux critères des comités d’experts du CICR ont été largement repris par la
jurisprudence et ont inspiré la pratique des Etats depuis les années 50. Il s’agit
néanmoins de critères relatifs, d’où le choix dans la formulation, ce qui implique
qu’il y a toujours une grande marge laissée à la libre appréciation des Etats.
Beaucoup nieront jusqu’au bout l’état manifeste de conflit armé.
iii). Conflit armé non international selon l’article 1 du Protocole additionnel II aux
Conventions de Genève :
β). Le Protocole ne couvre que les conflits armés entre forces étatiques et
insurgés, et non entre divers groupes insurgés. Là encore, cette condition
n’a pas été reprise par la jurisprudence (le Statut de la CPI ne mentionne
pas le principe) et ne relèverait pas du droit coutumier, la question de
priorité entre textes et coutume postérieure restant ouverte.
• Une guerre civile peut être un conflit extrêmement complexe. Il est possible qu’il
s’agisse simplement d’un gouvernement combattant un groupe de rebelles ; d’un
gouvernement combattant plusieurs groupes rebelles en lutte les uns avec les autres ;
ou alors, il est possible qu’une intervention étrangère vienne greffer un volet
international au conflit.
• La question se pose alors de savoir quel est le statut réel du conflit armé : s’agit-il d’un
CAI auquel s’appliqueraient tout le droit des CAI ; d’un CANI avec l’application unique
de l’article 3 commun de la CG et optionnellement le PA II ; ou alors d’un régime spécial
auquel les droits des CANI et des CAI s’appliquent à la fois mais de façon différente ?
- « […] ici, dans tel rapport de belligérance, le droit des [CAI] s’appliquera, et dès
lors la somme des protections de ce droit pèsera sur les belligérants ; là, dans tel
autre rapport de belligérance, le droit des [CANI] restera applicable, et dès lors
les protections plus chétives de cette branche du droit seront les seules à
s’imposer aux belligérants. La discrimination qui en découle, par exemple pour la
protection des civils, est de plus en plus ressentie comme étant choquante ».
(KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 180)
• Le point commun de tous les conflits mixtes est qu’il s’agit au début de CANI qui,
progressivement, par greffes, deviennent partiellement internationaux. Il y a toute une
série de causes possibles pour ce développement, mais on distingue quatre cas parmi
les plus répandus : le CANI avec reconnaissance de belligérance ; le CANI transformé
par un sécession réussie ; le CANI grevé de l’intervention d’un ou de plusieurs Etats
étrangers ; et finalement le CANI avec intervention d’une organisation internationale.
- 18 -
i). Le conflit armé non international avec la reconnaissance de belligérance :
iii). Le conflit armé interne grevé de l’intervention d’un ou de plusieurs Etats étrangers :
• « [S]’applique le droit des [CAI], car ici deux forces étatiques sont aux
prises ». (ibid.)
γ). Entre l’Etat intervenant en faveur du gouvernement et les insurgés :
- 20 -
• « Selon l’opinion tout à fait majoritaire, l’internationalisation du conflit n’a pas
lieu en bloc, mais par faisceaux bilatéraux. Une proposition du CICR en 1971/2,
lors de la révision du droit des [CA], visant à internationaliser l’ensemble du
conflit dès qu’il y a une intervention étrangère, avait été nettement rejetée ».
(KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 188)
• Une autre situation possible est l’intervention militaire des forces d’une
organisation internationale, par exemple des Nations Unies, dans un CANI : ce
dernier est alors internationalisé. Cependant, la question de savoir lequel des
droits de CAI et/ou de CANI est applicable entre les forces internationales et
leurs ennemis reste difficile.
• Le Secrétaire Général Kofi Annan a par ailleurs établit une liste de dispositions
applicables entre les forces des Nations Unies et les rebelles dans sa circulaire
ST/SGB/1999/13 pour les forces des Nations Unies engagées sur le terrain afin
de combler les lacunes éventuelles dans la conduite des troupes de maintien de
la paix de l’ONU.
- 21 -
4.2). L’applicabilité rationne personae :
a). Les titulaires du droit des conflits armés :
• A vrai dire, seul l’Etat est le sujet qui, jusqu’à nos jours, se voit destinataire de
l’ensemble des règles du DIH en raison de sa souveraineté : il en va ainsi pour la
neutralité, ou la guerre sur mer, restée de faite inaccessible pour d’autres acteurs
(rappel : les actes de piraterie sont du domaine du droit pénal).
• Enfin, tous les organes de l’Etat sont liés par le DIH : n’importe quel organe de
l’Etat, s’il commet des actes pertinents pour le DIH, est dans l’obligation de le
respecter, en vertu des conventions ratifiés par l’Etat et/ou du droit coutumier.
• En ce qui concerne les autres sujets, la règle qui s’est progressivement établie
à cet égard est celle du principe d’effectivité. Ce qui importe n’est pas tant le
statut personnel du sujet que le fait de participer à un conflit armé dans une
structure de belligérance :
- 22 -
iii). Les entités belligérantes non étatiques :
• En ce qui concerne les autres entités non étatiques, les rebelles, les insurgés et
autres mouvements belligérants, la règle de l’effectivité s’applique également :
puisque ces mouvements sont engagés dans un conflit armé, les règles
coutumières des conflits armés leurs sont applicables.
• Pour ce qui est des conventions, on estime que les instruments que le
gouvernement a ratifiés sont également applicables pour les rebelles combattant
le gouvernement sur son territoire : l’argument étant de dire que le gouvernement
ratifie les instruments pour que ceux-ci soient applicables à l’ensemble de son
territoire et à l’ensemble de ses ressortissants. Hors, lorsqu’un groupe d’insurgés
surgit, ceux-ci devraient automatiquement respecter les dispositions du DIH.
• La question des individus suppose tout d’abord une clarification : les individus
sont certainement liés par le DIH à travers leur fonctions au sein d’organes
étatiques. En ce qui concerne les individus agissant à titre privé, on estime qu’ils
peuvent être soumis au DIH, mais dans certaines limites.
- « Le [DIH] lie tout individu dès qu’il agit dans le contexte (lien, nexus)
du conflit armé […]. Le lien requis est purement fonctionnel : il suffit que
l’individu commette des actes ou exerce des omissions pertinentes dans le
cadre d’une obligation de [DIH]. (KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 211)
- 23 -
b). L’extension du champ d’application conventionnel par des accords spéciaux :
• La clause avait à l’époque, avant 1949, sa justification militaire, celle d’éviter de placer
les belligérants sur un pied d’inégalité en imposant à certains le « désavantage
stratégique » d’appliquer des normes de plus que les autres. Hors, à la lueur des
conflits généralisés et extrêmement destructeurs du XXème siècle, on s’est rendu
contre que la clause invalidait tout le processus conventionnel.
- « Si l'une des Puissances en conflit n'est pas partie à la présente Convention, les
Puissances parties à celle-ci resteront néanmoins liées par elle dans leurs
rapports réciproques. […] » - Art. 2, § 3, CG III
• Les rédacteurs des Conventions de 1949 ne se sont arrêtés là : par volonté d’élargir et
de renforcer la portée humanitaire des Conventions, on s’est demandé si l’application
de fait de la Convention n’était pas suffisante pour que celle-ci soit appliquée
réciproquement, indépendamment, au-delà de tout formalisme. C’est ce qui a été établit
en 1949, comme en témoigne la deuxième phrase du troisième paragraphe de l’article :
• Une autre manière d’étendre le champ d’obligation humanitaire est de conclure les
accords spéciaux. Il se peut que, même dans un CAI, il y ait des doutes sur
l’applicabilité de tel ou tel texte, ou qu’on souhaite appliquer certaines obligations
supplémentaires dans les rapports belligérant réciproques. Tout cela est possible grâce
au régime des accords spéciaux conclus entre belligérants par l’entremise du CICR, et
alternativement par déclaration ad hoc où l’Etat exprime la volonté d’appliquer des
normes humanitaires à un belligérant malgré l’absence de norme applicable.
- 24 -
• Les accords spéciaux et les déclarations ad hoc peuvent être passés soit pour rendre
applicable une convention là où elle ne l’était pas, soit pour mettre hors de doute
l’applicabilité d’une convention à un belligérant dont le statut remet en doute
l’applicabilité. Ainsi, un Etat peut déclarer ou s’accorder à respecter réciproquement des
normes juridiques quelque soit le statut formel qu’il accorde à son ennemi, ce qui lui
offre une meilleure image et d’avantage de protection pour ses troupes et ses civils.
Alternativement, un Etat peut ajouter des obligations aux normes applicables, créant
une sorte de régime juridique à la carte.
• Les dispositions qui traitent des accords spéciaux et de leurs limites sont énoncés aux
articles 6/6/6/7 (les articles 6 des CG I, II et III ainsi que l’article 7 du CG IV). Ces
dispositions soulignent une limite cruciale dans le régime des accords spéciaux : on ne
peut en aucun cas diminuer les droits des personnes protégées. Autrement, le DIH
serait un droit sans aucune force contraignante, valeur ou crédibilité car il suffirait d’un
simple accord pour l’abroger et priver les personnes protégées de leurs droits.
- Savoir ce qui peut porter préjudice aux blessés, aux malades ou encore aux
prisonniers de guerre, ou non, est une question difficile et délicate. Par exemple,
une partie peut faire valoir le fait qu’une dérogation à une norme améliorerait le
sort des personnes protégées : cela pourrait s’avérer vrai ou faux. Dans ces cas,
une interprétation téléologique de la norme ainsi que l’accord du CICR peuvent
clarifier la situation et éviter les préjudices.
• Le nombre de lacunes dans le domaine des CANI posait un problème urgent pour les
rédacteurs de la Convention de 1949 : effectivement, à l’exception de l’article 3, la
matière reste entièrement non réglementée. Dès lors, on a estimé qu’il fallait en tout cas
encourager les parties à combler les lacunes en appliquant la Convention à travers des
accords spéciaux.
- « […] Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de mettre en vigueur par
voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente
Convention […] » - Art. 3 § 3 CG
• De tels accords spéciaux pour les CANI ont été extrêmement fréquents, sous l’œil
attentif et l’initiative du CICR.
- Ex. : accords entre tous les Etats et toutes les factions d’ex-Yougoslavie
d’appliquer les Conventions de Genève et ses Protocoles additionnels comme si
elles les avaient ratifiées entre elles, ce qui a grandement bénéficié aux civils et
aux combattants et à évité le chaos de l’applicabilité par faisceaux bilatéraux.
• Un nouveau problème souvent discuté aujourd’hui est celui des contractants privés
dans les conflits armés. Depuis les années 90’s, plusieurs Etats recourent à des
compagnies militaires privées (CMP) pour accomplir des tâches publiques, y compris
des tâches de maintien de l’ordre voir des tâches de combat.
- La présence des CMP est accrue dans les zones de conflit comme en Afrique
subsaharienne et en Amérique latine mais tout particulièrement en Afghanistan
et en Irak, où les private contractors prennent sur eux une part léonine du
maintien de l’ordre voir de l’effort de combat, ce qui a poussé certains à les
assimiler à des mercenaires. Le sujet reste fortement controversé, le mercenariat
étant largement considéré comme illégal en droit international, notamment en
vertu de l’Art. 47 PA I et de la Convention des Nations Unies sur le mercenariat.
• La question qui se pose est si le DIH est applicable aux CMP. Là aussi le principe
d’effectivité fait foi : les règles du DIH sont applicables à tous ceux qui prennent part à
un conflit armé. Cependant, comme ces compagnies n’agissent pas à titre personnel,
mais agissent pour le compte d’un Etat, il incombe à cet Etat de s’assurer que les CMP
connaissent et appliquent les règles de DIH, quitte à engager la responsabilité de l’Etat
pour omission de leurs obligations en vertu des Conventions de Genève :
• Les CMP posent des problèmes de DIH beaucoup plus aigus dans d’autres domaines,
dont celui du principe de distinction et celui du statut de combattant.
- Les CMP n’ont pas généralement une mission de combat : elles ont pour
fonction un large éventail de services allant de l’appui logistique au maintien de
l’ordre. La plupart de ces activités ne sont pas directement liés aux combats, si
ce n’est qu’accidentellement, ce qui implique des problèmes de distinction car le
statut des private contractors, non défini en DIH, navigue entre civil et militaire.
- Ce problème serait réglé s’il est établi que les contractants privés prenant part
aux combats recevraient le statut de combattant. Pour cela, il faudrait que ces
personnes soient incorporées au corps de l’armée : elles deviendraient alors des
militaires à part entière, et la question serait clarifiée. Néanmoins, celles-ci ne
sont pas intégrées à l’armée, ce qui serait contraire au but d’engager des CMP.
• Tout d’abord, le DIH s’applique sur l’ensemble des territoires des belligérants. En droit
international, le principe d’unité de l’Etat prévaut : toutes les branches du DIH seront
donc applicables en bloc sur la totalité du territoire, quelque soit la situation de fait
particulière à une région donnée.
- Comme l’a souligné le TPIY dans les affaires Tadic, l’absence d’un conflit armé
de fait dans une partie d’un territoire en guerre n’implique en aucun cas que le
DIH ne soit pas applicable aux personnes protégées sur cette partie du territoire.
- Le DIH est également applicable sur le territoire d’Etats tiers, soit en vertu du
droit de neutralité, soit à cause d’hostilités qui se déroulent sur le territoire d’un
Etat neutre en violation de sa neutralité.
• En dehors des territoires des belligérants, le DIH s’applique dans toute autre zone
dans laquelle il y a de fait des combats, tel que dans la haute mer, voir dans l’espace
extra atmosphérique. Le blocus, par exemple, est un acte de guerre qui rend applicable
le droit des conflits armés en dehors du territoire de tout Etat.
• Le début de l’application du DIH est réglementé de manière simple et sure et suit une
logique purement fonctionnelle : selon les critères de l’article 2 CG, le premier acte
hostile (lutte armée ; déclaration de guerre ; occupation) déclanche automatiquement
l’applicabilité du DIH.
• Cela est vrai pour la plupart des cas, mais il y a néanmoins des cas spéciaux. Dans le
domaine des CANI, tant que les conditions quantitatives et qualitatives d’applicabilité ne
sont pas remplies, on ne peut pas parler de début d’application : le seuil d’applicabilité
matérielle étant ambigu, la question du début objectif de l’application le sera également.
• L’application du DIH ne se termine pas de la même manière pour toutes les situations.
Il y a en fait trois seuils de sortie à distinguer : la fin générale des opérations militaire ; la
fin de l’internement et la restitution des biens ; et la fin de l’occupation militaire.
• Finalement, il y a des situations dans lesquelles le conflit armé ne prend pas fin, mais
change de nature : le droit applicable changera alors avec la mutation du conflit armé,
par exemple au moment où un CANI devient un CAI, et inversement.
- 29 -
c). La fin subjective de l’applicabilité : la dénonciation :
• Cela se comprend, car une telle dénonciation ne serait d’aucun bénéfice pour l’Etat
dénonçant. D’une part, parce que celui-ci restera lié par le droit coutumier, et d’autre
part parce qu’un geste pareil serait politiquement condamnable et jetterait l’Etat en
question sur le banc des parias de la communauté internationale.
• Néanmoins, la dénonciation des textes du DIH reste possible, quoique sous des
conditions très strictes. L’art 63 CG I commun en invoque quelques unes :
- De plus, les effets d’une dénonciation ne peuvent avoir lieu pendant un conflit
armé. Cette règle se comprend très aisément, car dans le cas contraire, la
Convention n’aurait aucun poids et son objet et son but seraient à la merci de la
mauvaise foi des belligérants.
- 30 -
Chapitre V - Les règles matérielles du droit des conflits armés :
- « Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les
membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été
mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause,
seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction
de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le
sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue ». (Art. 3, 1, CG)
• Le principe de distinction est sans doute le plus important dans le DLH. L’idée
fondamentale derrière ce principe est que la guerre doit rester limitée car, si l’on dit que
tout le territoire d’un Etat ennemi est une cible unique et que tout à chacun qui s’y
trouve est un ennemi, le DIH perd toute sa signification, puisque rien ni personne n’est
à l’abri du fléau de la guerre. La règle fondamentale de ce principe est donc de
distinguer entre personnes et biens civils d’un côté et militaires de l’autre ainsi que de
faire tout ce qui est possible dans le cas d’espèce afin de limiter les attaques aux
seconds à l’exclusion des premiers :
- 31 -
- « En vue d’assurer le respect et la protection de la population civile et des biens
de caractère civil, les Parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction
entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens de caractère
civil et les objectifs militaires et, par conséquent, ne diriger leurs opérations que
contre les objectifs militaires ». (Art. 48, PA I)
• Les Parties à la Convention ont procédé à cette définition négative afin d’éviter
toute lacune au cas où une personne ne tomberait ni dans la catégorie de
combattant, déjà défini par la CG, ni dans une catégorie de personne civile
définie positivement. C’est donc dire désormais que pour le DIH, il n’y a que
deux catégories : soit on est un civil, soit un combattant. De ce fait, il serait
erroné de parler de combattant irrégulier ou illégitime dans le contexte du droit
international.
• L’erreur à éviter est de considérer tous les civils comme pacifiques, ce qui
serait irréaliste, car il est parfaitement possible que des personnes civiles
prennent les armes et se conduisent en tant que combattant – ces personnes
resteront des civiles, mais perdront leur immunité contre l’attaque pendant la
phase dans laquelle ils participent aux hostilités.
- 32 -
• L’art. 50, § 1, PA I précise supplémentairement qu’en cas de doute, une
personne est présumée civile. Cette règle fait sens car, le DIH permettant aux
belligérants d’attaquer des combattants, il ne faudrait pas que ces derniers
puissent utiliser tous les cas de doute en faveur de l’attaque ; cela pourrait même
les porter à la négligence et au peu d’attention.
- Ainsi, un civil hostile reste un civil du point de vue son statut juridique : il
ne jouit donc pas du privilège de combattant ou de prisonnier de guerre et
peut être arrêté et jugé pour ses actes de violence non autorisés par la
juridiction applicable, voir même être condamné à mort.
- Par ces termes, le Protocole implique qu’un civil hostile sera traité tantôt
comme un combattant, lorsqu’il prendra les armes et participera aux
hostilités en tant que franc-tireur, et tantôt un civil pacifique, lorsqu’il ne
prendra pas directement part aux hostilités. Selon ce principe, appelé
dans le jargon juridique « principe de la porte tambour », le civil perd ses
protections lorsqu’il prend les armes, et les regagnent aussitôt qu’il les
dépose : à ce moment-là, il ne pourra plus être attaqué par des moyens
militaires, du moins jusqu’à ce qu’il reprenne les armes.
- 33 -
- Le CICR a donc édicté un guide interprétatif où il a développé la
notion de fonction combattante permanente. La règle proposée est
la suivante : une personne affiliée à un groupe militaire qui part et
reste incorporée dans ce groupe jusqu’au moment où elle se
démobilise est traitée comme un combattant et peut être attaquée à
travers toute la plage temporelle de sa participation directe aux
hostilités. Les critères d’une telle participation sont les suivants :
- Cela démontre une fois encore qu’il faut bien balancer les choses
en DIH entre impératif humanitaire et nécessité militaire, car un
droit purement humanitaire et donc idéaliste et pratiquement
irréalisable pour les militaires n’incitera pas ces derniers au respect .
- L’obligation première est de ne pas utiliser des civils en les exposant aux
attaques pour protéger des objets militaires
- 34 -
- « Dans toute la mesure de ce qui est pratiquement possible, les
Parties au conflit [s’efforceront] : d'éloigner du voisinage des
objectifs militaires la population civile, les personnes civiles et les
biens de caractère civil soumis à leur autorité; […] éviteront de
placer des objectifs militaires à l'intérieur ou à proximité des zones
fortement peuplées; [et] prendront les autres précautions
nécessaires pour protéger contre les dangers résultant des
opérations militaires la population civile, les personnes civiles et les
biens de caractère civil soumis à leur autorité ». (Art. 58, PA I)
• Les sources de l’interdiction de l’attaque contre les biens civils se trouvent déjà
dans les article 23, g, du Règlement de La Haye, puis dans le PA I, qui contient
les dispositions les plus pertinentes :
• Au fond, il s’agit de définir les objectifs militaires par opposition aux biens civils
protégés contre les attaques. Pour cela, il y a deux possibilités : établir une liste
de militaires qui pourraient être attaqués, ou alors fixer des critères généraux
permettant la distinction au cas par cas. L’approche énumérative a été tentée
plus d’une fois, sans grand succès ; en revanche, l’approche contextuelle a été
celle retenue par le Protocole. Si la première aboutirait à une codification claire et
rigide, faisant écho l’impératif humanitaire, mais inévitablement incomplète, la
deuxième laisse lieu à plus de souplesse et permet de mieux épouser les
exigences du Protocole à la réalité d’une situation déterminée.
• L’article 52 est réellement une disposition capitale pour le DIH ; chaque terme
y est soupesé, pondéré et voulu, et laisse place à une énumération de critères
strictes et clairs qui permettent en tout lieu de déterminer si un bien peut être
effectivement attaqué en tant qu’objectif militaire.
- 35 -
• Le paragraphe 2 en particulier énonce deux critères cumulatifs cardinaux pour
définir un objet militaire : un bien doit apporter une contribution effective à l’action
militaire de l’attaqué, mais aussi procurer à l’attaquant un avantage militaire
précis. Il s’agit bien d’une définition contextuelle, son application dépend donc
entièrement du contexte (spatial, temporel, fonctionnel, ou autre) de la situation
particulière.
- Cette dernière précision est tempérée par une autre précision, à savoir
que l’objectif militaire est un bien qui contribue à l’action militaire « par sa
nature, son emplacement, sa destination ou son utilisation ». Le fait que la
particule « ou » et non « et » soit utilisée à ici une pertinence irréductible,
car il en résulte que ces quatre critères sont alternatifs et non cumulatifs.
Ainsi, il suffirait qu’un bien soit par nature militaire pour qu’il perde
l’immunité contre l’attaque.
• Comme pour les personnes, des biens civils peuvent devenir militaires. Il se
peut que n’importe quel de ces biens « mixtes », (originellement dévoués à des
tâches civiles et non militaires, tels que des écoles, des habitations, ou d’autres)
devienne un bien militaire, comme par l’installation de matériel militaire (artillerie
anti-aérienne, etc.). Dans ce cas, le bien cesse momentanément d’être civil et
perd son immunité : il tombe alors sous le régime de la proportionnalité, ce qui le
distingue des biens militaires « purs ». Cela tombe sous le sens, car en attaquant
un bien mixte, on expose à l’attaque sa partie civile.
- 36 -
• Les biens normalement affectés à l’usage civil sont présumés civils. L’article 57
§ 3 précise qu’en cas de doute, on présume le caractère civil d’un bien qui
d’ordinaire est destiné à l’usage civil, ce qui l’immunise contre l’attaque.
- 37 -
4. Dans la conduite des opérations militaires sur mer ou dans les airs,
chaque Partie au conflit doit prendre, conformément aux droits et aux
devoirs qui découlent pour elle des règles du droit international applicable
dans les conflits armés, toutes les précautions raisonnables pour éviter des
pertes en vies humaines dans la population civile et des dommages aux
biens de caractère civil.
- 38 -
- « Malgré des réserves formulées par certains [Etats] à certaines
dispositions de l’article 57, le caractère coutumier des devoirs de
précaution qu’il codifie ne serait être mis en doute. Dans une certaine
mesure d’ailleurs, le caractère coutumier du principe de distinction induit
logiquement le caractère coutumier des règles nécessaires à sa mise en
œuvre ». (KOLB, Robert, « Ius in bello », p. 268)
• L’idée d’indiscrimination implique que l’attaque a des effets autant sur des
objets militaires que sur des objets ou des personnes civiles sans que le principe
de distinction soit respecté. Le Protocole distingue à l’article 51, § 5 deux
situations ou manières, importantes mais non exhaustives, où cela se produit :
- 39 -
- De traiter comme un objectif militaire unique un certain nombre
d’objectifs militaires nettement espacés et distincts dans l’espace lorsque
ceux-ci se trouvent dans une zone où il y a une concentration d’objets ou
de personnes civiles (article 51, § 5, b))
• L’article 51, § 5 met en évidence la particularité qu’a le droit des conflits armés
d’être constamment balancé entre la nécessité militaire d’une part et l’impératif
humanitaire d’autre part. Ainsi, on concède en principe toujours aux belligérants
la possibilité d’attaquer tout objectif militaire, pour autant que s’en est un : dans
le cas contraire, les DIH compremettrait l’effort de guerre. Cependant, la cause
humanitaire ne serait être rejetée entièrement par des considérations de
nécessité, on ne serait laisser aux belligérants sacrifier autant de civils que bon
leur semble pour attaquer leur objectif. C’est dans ce cas précis, afin de limiter
les pertes collatérales civiles, que le principe de proportionnalité surgit et prend
toute son importance.
• Effectivement, les biens civils en général ne bénéficient pas d’une protection absolue
en DIH, mais restent attaquables tant que l’attaque ne porte pas de perte s collatérales
disproportionnés : c’est pourquoi certains objets bénéficient d’une protection renforcée.
- 40 -
• Outre les protections de personnes ou de biens civils, le DIH immunise (ou du moins
restreint) un certain nombre de lieux et d’objets contre les attaques. Il s’agit d’une
protection supplémentaire pour, notamment, des localités non défendues ou « villes
ouvertes » (à l’occupation) ; les zones démilitarisées (Art. 60 PA I) ; les zones
neutralisées et les zones sanitaires (Art. 14 à 19 CG IV), où l’on peut rassembler des
blessés et des civils. Pour être effectivement protégées par le DIH contre toute attaque,
ces zones doivent être convenues par accord entre les belligérants et signalées par un
signe distinctif. Néanmoins, ces zones ne seront protégées que tant que des actes
d’hostilité n’y sont pas commis.
• Il y a, par ailleurs, le régime des biens culturels et des lieux de cultes. Les sources de
ce régime de protection renforcée se trouvent à l’article 53 du PA I ainsi qu’une
Convention spécifique accordée à la matière suivie de deux Protocoles additionnels, la
Convention de La Haye de 1954 sur la protection de biens culturels en temps de conflit
armé :
- Processus d’identification des biens protégés : les conventions sont ici quelque
peu exigeantes, mais il incombe finalement aux Etats d’établir une liste de biens
culturels sur leur territoire en collaboration avec l’UNESCO. L’armée suisse a
notamment établit une telle liste, avec une guide et une carte avec la localisation
précise de tous ces biens et de l’intérêt qu’ils présentent.
- Dans le cas où un bien culturel servirait pour faire des contributions militaire, ils
deviennent attaquables sous certaines conditions, renforcées par les Protocoles.
[Pratique de la terre brûlée : compte] tenu des exigences vitales de toute Partie au
conflit pour la défense de son territoire national contre l'invasion, des
dérogations aux interdictions prévues au paragraphe 2 sont permises à une Partie
au conflit sur un tel territoire se trouvant sous son contrôle si des nécessités
militaires impérieuses l'exigent » - Art. 54 PA I
- 42 -
• Les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses :
- Certaines installations, telles que des barrages, des digues et des centrales
nucléaires contiennent des forces dangereuses pour la vie et la santé de
populations civiles qui pourraient causer des dommages d’une ampleur
catastrophique dans le cas où une attaque armée libérerait ces forces
dangereuses. L’article 56 du PA I traite de ce sujet :
- Aussi, la protection spéciale contre les attaques est loin d’être absolue, car
celle-ci peut cesser : si l’attaque ne provoque pas la libération des forces
dangereuses ou de grandes pertes dans la population civile ; si ces installations
servent d’appuis réguliers et importants à des opérations militaires, et si l’attaque
est le seul moyen pour faire cesser cette contribution militaire, sous réserve de la
proportionnalité (cf. §2).
• Le droit des armes, armes interdites et par opposition armes licites lors d’un conflit
armé, est réglementé par le DIH de manière duale : d’un côté, il y a toute une série
d’accords interdisant l’utilisation de certaines armes ; de l’autre côté, il y a des principes
généraux applicables à toutes les armes, à savoir le principe d’interdiction des armes
qui rendent la mort inévitable ; des armes qui causent des souffrances inutiles ou
superflues ; et des armes à effet indiscriminé.
- Les principes généraux ont une fonction très importante car, pour interdire une
arme par accord particulier, il faut que celle-ci existe, soit connue et, le plus
souvent, que ses effets désastreux soient déjà éprouvés. Les armes nouvelles
ne sont donc pas couvertes par des accords spéciaux préexistants : cela
signifierait que tant qu’une arme n’est pas interdite par un accord applicable à un
Etat, son utilisation serait licite pour ce dernier. Les principes permettent donc
d’étendre l’interdiction à la fois aux armes nouvelles mais aussi aux Etats qui
n’auraient pas ratifiés la convention pertinente.
- 43 -
- Il ne faut pas pour autant sous-estimer l’importance des accords, car il est
toujours discutable à quel point l’utilisation d’une arme contredit un principe
général : la Convention permet donc de définir une arme mettant hors de doute
sa licéité ; de plus, seule l’utilisation, et non la production ou le stockage d’une
arme sont interdites par les principes généraux ; finalement, une convention peut
prévoir un régime de contrôle détaillé.
• Le grand problème auquel le DIH fait face dans le domaine du droit des armes est le
fait que les armes sont fondamentales pour l’effort de guerre. Ainsi, les Etats sont
soucieux de garder les armes qu’ils trouvent utiles à leur disposition. Au fond, les Etats
ne seront enclin à s’interdire l’utilisation d’une arme que lorsque celle-ci ne présente
plus d’utilité ou d’avantage militaire. Le droit conventionnel est donc constamment en
retard sur le développement et l’utilisation des armes.
• Ce qui est interdit ici, en vertu du droit coutumier, c’est qu’un arme ne laisse
aucune chance de survie dans un rayon donné aux personnes qu’elle frappe. Ce
qui est interdit est non pas de tuer ou d’utiliser une arme de façon létale, mais
bien d’utiliser une arme qui par sa configuration même ne laisse aucune chance
de survie aux personnes qu’elle touche.
- 44 -
iii). Les armes à effets indiscriminés :
- Ainsi, les armes indiscriminées par nature, telles que les armes
chimiques, les armes bactériologiques, les bombardements au tapis, et
d’autres, à savoir des armes indiscriminées par nature, sont interdites.
• Les balles à pointe creuse (hollow point bullets), aussi appelées « balles dum-
dum », sont des balles qui s’étendent à l’impacte avec la cible. Ainsi, plutôt que
de traverser directement le corps d’une victime, les balles à pointe creuse
s’ouvrent et s’aplatissent au contact et dispersent la force de l’impact sur les
côtés arrachant les tissus humains avec une force décuplée, laissant des
dommages dévastateurs, naturellement superflus. La Convention de La Haye IV
en interdit l’utilisation en se référant à la Déclaration de Saint-Pétersbourg.
• Les projectiles à fragmentation, des balles se brisant en des milliers voir des
millions d’éclats métalliques au moment de l’impact, causant un des douleurs
insoutenables et des dommage inopérable (à cause de la petitesse et du nombre
d’éclats) : il s’agit clairement d’une arme créant des souffrances inutiles. C’est la
raison pour laquelle l’utilisation de tels projectiles a été interdite par le premier
Protocole à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de
certaines armes classiques de 1980.
• Les armes à laser ayant pour effet une cécité permanente ont été interdites par
le PA IV à la Convention sur les armes classiques. Chose particulière, la
Convention interdisait l’utilisation d’une arme qui n’a jamais été utilisée en
combat.
- 45 -
• Les armes de destruction massive, dont les armes chimiques, biologiques,
bactériologiques et/ou empoisonnées, ont pu être interdites tour à tour. Si
l’utilisation d’armes « empoisonnées », ou chimiques, a été interdite depuis le
Règlement de La Haye, leur production et leur stockage ne seront interdits que
par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993 (188 Etats
parties à la Convention en 2010, dont Etats membres de l’OTAN et de l’OCS) :
on avait gardé les armes chimiques licites le long du court XXème siècle pour
permettre la dissuasion et les représailles aux Etats qui auraient été victimes
d’une attaque chimique. La production et le stockage d’armes bactériologiques,
quant à eux, ont été interdits par la Convention sur l’interdiction des armes
biologiques dès 1972, en raison de la plus grande volatilité et de la moindre
utilité de ces armes.
• Les armes incendiaires, objet du Protocole III à la Convention sur les armes
classiques, ont un régime complexe : leur utilisation n’est pas totalement
interdite, mais il est interdit de les utiliser dans des zones à haute concentration
civile (attaque indiscriminée) ainsi que les forêts, dans la mesure où elles
n’offrent pas un subterfuge à des combattants. Il ne s’agit pas d’une règle
coutumière, puisqu’elle est contestée par les Etats anglo-saxons, pour qui le
bombardement incendiaire est une tradition bien établie depuis le temps de la
Deuxième guerre mondiale.
• L’utilisation de mines terrestres est extrêmement mal famée car elle continue à
causer des milliers de fatalités civiles chaque année, même des décennies après
leur installation. Un nombre considérable d’Etats continuent à produire et stocker
et s’octroient toujours le droit d’utiliser des mines anti-personnel malgré les
traités en vigueur.
- 46 -
• L’utilisation de l’arme nucléaire a toujours été une question très débattue et très
controversée ; l’arme nucléaire a au fond un statut spécial. On s’est demandé si
l’on pouvait soumettre son utilisation sous le droit international ordinaire, ou s’il
fallait assurer que la dissuasion mutuelle et l’équilibre de la terreur puissent se
maintenir afin de garantir la paix internationale entre les grandes puissances.
• En outre des armes, il existe toute une série de méthodes de guerres interdites par le
DIH, dont les plus importantes sont la perfidie et les représailles armées.
- La ruse se réfère à une tromperie de l’adversaire sur des faits qu’on lui
fait croire pour l’induire en erreur et le mettre en position de faiblesse,
tirant profit de l’opportunité pour briser sa résistance. Il s’agit d’une
tradition ancestrale et universelle, acclamée notamment par des stratèges
tels que Sun Tzu et Machiavel. Les tactiques de ruse incluent la diffusion
de faux messages ou plans de combat, le subterfuge, le camouflage, la
duperie, la diversion, etc.
- 48 -
• La perfidie, quant à elle, porte sur le droit, notamment les protections du DIH, et
tient à exploiter non pas la maladresse ou l’erreur de l’adversaire, mais sa bonne
foi. Il s’agit de l’utilisation des obligations de DIH de l’autre partie au conflit à des
fins hostiles, tels que la feinte de l’intention de capituler ou de négocier, ou le
déguisement de militaires en des personnes protégées, le tout dans l’intention de
mettre l’adversaire conforme au règles du DIH à découvert et à l’abattre.
• La perfidie est ici définie d’une façon étroite : celle-ci doit être faite à des fins
hostiles, c’est-à-dire en vue d’obtenir un avantage militaire ; de plus, il n’est
interdit que de « tuer, blesser ou capturer » un adversaire, elle ne porte donc
atteinte qu’à l’intégrité physique des combattants. Ceci implique que a contrario,
des actes ne portant pas atteinte à l’intégrité physique de combattants adverses
sont permis en ce qui concerne l’article 37. C’est la raison pour laquelle toute
une série de règles spéciales accompagnent le régime de la perfidie pour
compléter l’article 37.
- 49 -
ii). Les représailles :
• La question des représailles est une grande et ancienne question du DIH qui
continue à susciter des controverses et des débats ardents. D’un point de vue
global, les représailles forment un régime sur les bords de la zone de non-droit,
tenant à la pratique primitive de la justice privée et subjective. Mais en droit
international, droit en formation, droit coordinatif et décentralisé, on ne saurait
encore abolir les représailles des relations entre Etats qui restent souverains et
se réservent le privilège de faire justice eux-mêmes, quoique celui-ci soit cadré
par un nombre de conditions et de limites établies.
• Dans le domaine du droit des conflits armés, le régime des représailles occupe
une place plus importante que dans le droit de la paix, ce qui tombe sous le sens
puisque la guerre est un état de dernière extrémité, domaine de ultima ratio, où
domine la raison d’Etat.
- Le défaut des représailles se font pourtant sentir : d’un côté, elles sont
susceptibles à causer une réponse disproportionnée et escaler le conflit et
ses dommages bilatéraux, d’un autre côté, elles impliquent souvent qu’il
faille transgresser le droit au nom de le préserver, une logique
manifestement périlleuse. Etant donné la mauvaise foi quasi enfantine
dans la position des Etats belligérants qui se disputent la légitimité,
admettre les représailles ouvrirait les portes à des violations
exponentiellement massives et, à terme, l’écroulement du DIH.
• Il s’agit bien d’un dilemme périlleux auquel le droit des conflits armés doit faire
face. Pour ce faire, il faut trouver un équilibre entre deux tendances
manifestement antagonistes, ce qui n’est pas chose facile. Le compromis adopté
au fur et à mesure du développement du DIH a été d’interdire les représailles de
manière ponctuelle, moyennant des interdictions spécifiques dont la portée
cumulative est cependant assez large.
• L’étude du droit coutumier par le CICR admet une certaine place résiduelle
pour les représailles, et précise les conditions très strictes auxquels celles-ci
peuvent être adoptées, à savoir : il faut que les représailles soient le seul moyen
restant (ultima ratio) ; que celles-ci soient dirigées à ramener l’adversaire au
respect des règles du DIH ; la réponse doit être proportionnée ; une sommation
doit être donnée suffisamment à l’avance, dans la mesure du possible ; l’ordre
doit émaner du plus haut échelon de la chaîne de commandement.
- 51 -
5.3). Le « Droit de Genève » : le traitement des personnes protégées :
- La protection prend donc un sens très large dans le DIH : il s’agit non
seulement de ne pas tuer, torturer ou exploiter des personnes protégées, il faut
aussi les abriter du besoin, leur fournir un refuge, de l’eau et de la nourriture en
quantité et qualité suffisantes, leur procurer des conditions humaines d’hygiène
et de vie.
b). Les Conventions de Genève I et II : les soin des blessés et malades militaires :
• Ce dont il s’agit ici est de s’assurer que les blessés et les malades puissent être
secourus, soignés et protégés. Pour garantir cela, une série de choses doivent être
organisées :
- L’assistance humanitaire offerte aux blessés et aux malades doit être faite sans
discrimination adverse à l’égard de ces personnes. Parmi les facteurs de
discrimination interdits par la Convention, il y a la nationalité, chose importante
puisque cela implique que les services sanitaires se doivent de soigner les
blessés du côté ennemi comme les siens, et privilégier les patients uniquement
sur la base de la gravité de leurs blessures.
• En somme, les Conventions I et II sont plutôt explicites, elles règlent des questions
concrètes de la protection des blessés et des malades de façon cohérente et
fonctionnelle et mettent en place des régimes qui donnent rarement lieu à des
problèmes juridiques.
- […] ont droit au statut de [PDG] certains civils, notamment les équipages
civils d’avions militaires ; les correspondants de guerre ; les fournisseurs ;
des membres d’unités de travail ou des chargés du bien-être des forces
armées [les contractants privés, etc.]
• « Ne sont pas des combattants au sens étroit du [DIH] les civils qui prennent les
armes […]. Une fois capturés, [ces « combattants irréguliers »] n’ont pas le droit
au statut de [PDG]. Etant donné que les [CG] ne connaissent que deux catégories
de personnes, définies l’une en revers de l’autre afin de ne laisser aucune lacune
de protection, c'est-à-dire les combattants et les civils, ces « combattants
irréguliers » sont et restent en tout cas des civils [et ne peuvent perdrent leur
protection en tant que tels que] pendant leur participation directe aux hostilités.
[La jurisprudence confirme l’applicabilité de la CG IV aux combattants
irréguliers. Ces derniers peuvent jouir en outre de droits tout aussi favorables que
les PDG sous les hospices de la CG III, bien qu’ils ne soient pas formellement des
PDG]. (Idem, p. 324)
- 54 -
• « Le combattant régulier jouit essentiellement de trois privilèges :
- […] il garde toujours le statut de [PDG], même s’il est transféré à une
tierce puissance » (KOLB, Robert, « Ius in Bello », p. 323)
- 56 -
• Pendant le XIXème siècle, la logique a été encore une fois de
restreindre autant que possible la légalité des mouvements de résistance,
qui compromettaient la distinction en faisant participer des civils aux
hostilités et en exposant les combattants réguliers aux attaques et la
population civile toute entière aux contre mesures.
- Il faut ensuite que ces miliciens aient à leur tête des personnes
responsables pour ses subordonnés. En d’autres termes, on
demande aux milices une certaine discipline militaire garantie par
un commandement responsable qui puisse assurer le respect du
DIH : pour cela, il faut que les partisans soient un temps soit peu
organisés et qu’ils obéissent à des ordres.
1. Les forces années d'une Partie à un conflit se composent de toutes les forces,
tous les groupes et toutes les unités armés et organisés qui sont placés sous un
commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette
Partie, même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une autorité non
reconnus par une Partie adverse. Ces forces armées doivent être soumises à un
régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit
international applicable dans les conflits armés.
2. Les membres des forces armées d'une Partie à un conflit (autres que le
personnel sanitaire et religieux visé à l'article 33 de la IIIe Convention) sont des
combattants, c'est-à-dire ont le droit de participer directement aux hostilités.
3. La Partie à un conflit qui incorpore, dans ses forces armées, une organisation
paramilitaire ou un service armé chargé de faire respecter l'ordre, doit le notifier
aux autres Parties au conflit » - Art. 43 PA I.
- 58 -
- « Article 44 — Combattants et prisonniers de guerre
1. Tout combattant, au sens de l'article 43, qui tombe au pouvoir d'une Partie
adverse est prisonnier de guerre.
2. Bien que tous les combattants soient tenus de respecter les règles du droit
international applicable dans les conflits armés, les violations de ces règles ne
privent pas un combattant de son droit d'être considéré comme combattant ou,
s'il tombe au pouvoir d'une Partie adverse, de son droit d'être considéré comme
prisonnier de guerre, sauf dans les cas prévus aux paragraphes 3 et 4.
3. Pour que la protection de la population civile contre les effets des hostilités soit
renforcée, les combattants sont tenus de se distinguer de la population civile
lorsqu'ils prennent part à une attaque ou à une opération militaire préparatoire
d'une attaque. Etant donné, toutefois, qu'il y a des situations dans les conflits
armés où, en raison de la nature des hostilités, un combattant armé ne peut se
distinguer de la population civile, il conserve son statut de combattant à
condition que, dans de telles situations, il porte ses armes ouvertement :
a) pendant chaque engagement militaire; et
b) pendant le temps où il est exposé à la vue de l'adversaire alors qu'il prend part
à un déploiement militaire qui précède le lancement d'une attaque à laquelle il
doit participer. Les actes qui rêpondent aux conditions prévues par le présent
paragraphe ne sont pas considérés comme perfides au sens de l'article 37,
paragraphe 1 c.
4. Tout combattant qui tombe au pouvoir d'une Partie adverse, alors qu'il ne
remplit pas les conditions prévues à la deuxième phrase du paragraphe 3, perd
son droit à être considéré comme prisonnier de guerre, mais bénéficie néanmoins
de protections équivalentes à tous égards à celles qui sont accordées aux
prisonniers de guerre par la IIIe Convention et par le présent Protocole. Cette
protection comprend des protections équivalentes à celles qui sont accordées aux
prisonniers de guerre par la IIIe Convention dans le cas où une telle personne est
jugée et condamnée pour toutes infractions qu'elle aura commises.
7. Le présent article n'a pas pour objet de modifier la pratique des Etats,
généralement acceptée, concernant le port de l'uniforme par des combattants
affectés aux unités armées régulières en uniforme d'une Partie au conflit.
- Il se trouve que la seule manière pour distinguer le civil hostile (partisan) du civil
pacifique est le port ouvert des armes, comme énoncé au § 3 de l'article 43. Il
s’agit du point le plus controversé et au compromis le plus difficile entre les deux
tendances et reflète l’intransigeance de la Conférence pour assurer la distinction.
Par ailleurs, la plage temporelle de cette obligation a été réduite au temps de
« chaque engagement militaire » et « pendant le temps où il est exposé à la vue
de l'adversaire alors qu'il prend part à un déploiement militaire qui précède le
lancement d'une attaque à laquelle il doit participer ».
- Cela veut donc dire que si une personne est capturée et la question du
doute sur son statut surgit, la personne est présumée être combattante et
PDG jusqu'à ce qu'un tribunal du capteur tranche sur la question. La règle
est raisonnable : elle n'ouvre pas une grande porte aux lacunes et incite
tant les Etats à accélérer la procédure judiciaire pour les captifs, tant les
partisans à respecter les règles du DIH pour faire valoir leur statut.
- Dans tous les cas, les DIH reste applicable aux personnes qui
commettent des actes d’espionnage, considéré comme action
hostile.
• Il y a ensuite des règles sur la capture des PDG et sur les obligations qui
apparaissent directement après la capture, notamment aux articles 17 et 70. Ce
dont il s'agit ici est tout d'abord de déterminer ce que le PDG doit dire a la
puissance détentrice : celui-ci ne doit pas dire plus qu'un minimum
d'informations, et surtout il n'est pas obligé de donner d'informations militaires. Il
s'agit ensuite d'assurer la publicité du sort des PDG : des cartes de captures
comportant une série d'informations sur les prisonniers doivent obligatoirement
être remplies et transmises a l'Etat de la nationalité des PDG et au bureau des
renseignements du CICR. Les obligations générales du respect de la personne
s'appliquent déjà lors de cette phase de capture.
- 62 -
• Ensuite, il y a certaines dispositions sur la non exposition au danger des PDG
aux articles 19, 20 et 23. Ce danger peut exister a différents moments de la vie
en captivité de prisonniers : dans les lieux de détention (les camps doivent être
éloignés du front et en dehors de zones dangereuses. Il faut également marquer
le camp (PW ou PG), afin à ce que les forces adverses puissent voir et
reconnaître le camp ; un autre domaine est celui du travail dangereux ou
humiliant, qui ne sont possible que si les prisonniers y concède.
• Viennent ensuite des règles générales sur le travail dans les camps. Le PDG
peut être astreint au travail, cependant il ne pas être forcé de travailler au service
de l'effort de guerre de l'adversaire (le PDG reste loyal), mais peut parfaitement
être mis au travail pour l'entretien et l'infrastructure de l'adversaire (le est en
principe payant). Il y a par ailleurs de nombreuses distinctions de traitement en
fonction du rang : les officiers ne peuvent être astreints de force au travail.
• Puis, il y a certaines règles sur la discipline militaire, les PDG y sont astreints,
ils restent au service militaire et continuent a obéir aux ordres, les règles du salut
restent en vigueurs. D'ailleurs les hommes détenus sont obligés de saluer tous
les officiers supérieurs parmi leurs capteurs dans le camp. Les prisonniers
continuent de porter leur uniforme et leurs insignes.
• Il y a également des règles sur la propriété des PDG, sur ce qu'ils peuvent
garder ou ce qui leur est retiré (contre reçu, de manière à ce qu'on puisse leur
restituer à la fin de leur captivité) mais aussi des règles sur le les relations des
PDG avec l’extérieur, notamment sur le courrier, les colis comportant des vivres
ou de l'argent, qui sont permis sous certaines conditions de sécurité.
• Il y a aussi des règles sur la représentation des PDG au sein du camp par un
« homme de confiance », une personne qu'élisent les PDG pour les représenter
au sein des autorités du camp. Il s’agit de l’une des nombreuses règles
destinées à assurer les droits des prisonniers, dont le devoir d’afficher le
règlement du camp de détention ainsi que la CG III et de permettre les plaintes.
• « Les [PDG] peuvent être poursuivis pénalement pour des crimes commis avant
leur capture, par exemple des crimes de guerre ou des crimes de droit commun
sanctionnés selon le droit pénal de la puissance détentrice (trafic de stupéfiants,
corruption, viol, etc.). Même en cas de condamnation, les prisonniers continuent
à jouir de leur statut international et des privilèges qui en découlent ; ils doivent
cependant purger leur peine. La peine de mort est admise, sous certaines
conditions restrictives, selon le droit coutumier et la CG III. Le procès doit en
général respecter les principes et les règles du procès équitable élaborés dans la
jurisprudence des droits de l’homme. La Puissance protectrice doit être informée
du procès […]. Si un prisonnier tente de s’évader [mais] est repris, la Puissance
détentrice ne peut adopter à son encontre que des sanctions disciplinaires et non
des sanctions pénales [Art. 92 CG III] » (Idem, pp. 357-358).
- 63 -
• Il y a différentes procédures de rapatriement de PDG. On distingue tout d’abord
le rapatriement de la remise des PDG à de tierces puissances ou à des Etats
neutres. Comme le suggère l’étymologie du mot, le rapatriement se réfère
traditionnellement à la libération et au renvoi des prisonniers vers l’Etat dont ils
ressortissent ; en revanche, remettre les PDG à une tierce puissance ou un co-
belligérant n’équivaut pas à un rapatriement.
- « Les [PDG] seront libérés et rapatriés sans délai après la fin des
hostilités actives […] » - Art. 118 CG III
• Avant la guerre, il n'y avait que quelques dispositions abordant de très loin la
protection des civils en temps de guerre, notamment des règles sur la distinction et
l’immunité d’objets civils « non défendus » (Art. 25 Règlement de La Haye) et quelques
protections générales de civils en dehors des hostilités, uniquement dans le cadre de
territoires occupes (articles 46 à 48 Règlement de La Haye).
• Il faut noter que la CG IV ne Protège aucunement les civils pendant les hostilités :
seuls les civils hors de combat au pouvoir d’une puissance adverse sont visés. L'autre
grand domaine de protection des civils du droit de Genève est établit par le PA I et
porte effectivement à des protections pendant les hostilités.
• La CG IV est la plus proche du droit des droits de l’homme : d’ailleurs, le pont a été
vite établi entre la Convention et le DDH alors en éclosion, ce qui tombe sous le sens,
puisqu’il s’agit de non-persécution d’individus au pouvoir d’une puissance étatique
(interdiction de la torture, des déportations de peines collectives, etc.), domaine
prééminent des DH. Il y a tout de même une limite essentielle qui fait qu'il s'agit bien de
DIH : elle couvre uniquement des civils, c'est-à-dire des non-combattants de la partie
adverse, et non l’être humain en tant que tel. C'est donc une logique plus limitée : la
Convention ne traite en aucun cas du rapport d’un belligérant avec ses propres
ressortissants, estimant qu’il en va des affaires intérieures des Etats souverains.
- 66 -
- Le premier mot clé est le mot civil, énoncé implicitement ici puisque étant
donné l’objet de la Convention, « personnes » ne peut être interprété que
comme civil. Hors, au sens de la CG IV, est civil celui qui n’est pas
combattant (définition immuable dans le DIH).
- Le troisième mot clé est « dont elles ne sont pas ressortissantes ». Ici,
un problème a surgit : pour le conflit armé international classique, le
critère de nationalité ne cause pas de problème (sauf le cas d'apatrides
domiciliés, qui doivent être traités de manière équivalente aux nationaux).
Cependant, lorsqu'on admet les conflits armés mixtes, la question devient
potentiellement plus compliquée.
• Pour les civils protégés, à savoir les civils au pouvoir d’un Etat adverse
dont ils ne sont pas ressortissants, ils jouissent de certaines protections
générales, applicables pour tous les civils adverses au pouvoir d’un
belligérant où que ces civils se trouvent, telles qu’énoncées aux articles
27 a 34, à savoir la section des « dispositions communes aux territoires
des parties au conflit et aux territoires occupés ». Il s’agit de protections
fondamentales établies dans le but d’interdire les exactions dont ont été
victimes les populations civiles eurasiennes pendant la Deuxième Guerre
mondiale.
- 68 -
- « Les personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au
respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux,
de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et
de leurs coutumes. Elles seront traitées, en tout temps, avec
humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou
d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique […] les
personnes protégées seront toutes traitées par la Partie au conflit au
pouvoir de laquelle elles se trouvent, avec les mêmes égards, sans
aucune distinction défavorable […]. Toutefois, les Parties au conflit
pourront prendre, à l'égard des personnes protégées, les mesures de
contrôle ou de sécurité qui seront nécessaires du fait de la guerre » -
Art. 27, CG IV.
- 69 -
• Il y a ensuite deux situations particulières et très fréquentes avec des
règles spécifiques relatives aux personnes civiles hors de combat au
pouvoir d’un Etat adverse : soit le civil se trouve sur le territoire d'un
belligérant adverse, soit les civils sont présents sur des territoires qui ont
étés occupés : les règles générale s'applique également dans ces deux
situations.
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•
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a). La puissance protectrice :
c). L’enquête :
b). Les tribunaux pénaux internationaux (CPI, TPIY, TPIR, etc.) ; la répression par des
tribunaux pénaux nationaux :
c). Les tribunaux internationaux des droits de l’homme (CEDH, CIADH, CADH) :
d). Les autres organes des Nations Unies : Assemblée générale, Comité des droits de
l’homme, Commission des droits de l’homme, etc.
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