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Chapitre 3/ Les principes essentiels et sources du DIH

Section1/Les principes essentiels


§1/ Égalité des belligérants et non-réciprocité
Le DIH est spécifiquement conçu pour s’appliquer dans les situations de conflit armé. Les
belligérants ne sauraient donc invoquer la dureté du conflit armé pour justifier des
manquements au DIH ; ils doivent respecter leurs obligations humanitaires en toutes
circonstances . Pour la même raison, le DIH est également contraignant pour toutes les parties
à un conflit armé, indépendamment des motifs qui les animent, de la nature ou de l’origine du
conflit . Un État qui exerce son droit à la légitime défense ou qui s’efforce, à bon droit, de
rétablir l’ordre public sur son territoire doit mettre le même soin à respecter le DIH qu’un État
agresseur ou un groupe armé non étatique ayant recouru à la force en violation du droit
international ou national, respectivement (égalité des belligérants). Qui plus est, les
belligérants doivent respecter le DIH même si leur adversaire ne le respecte pas (non-
réciprocité des obligations humanitaires ). Les représailles ne sont autorisées que dans des
conditions extrêmement strictes et ne peuvent jamais viser des personnes ou des biens
protégés par le DIH.
§2/ Concilier nécessité militaire et principe d’humanité
Le DIH est fondé sur l’équilibre entre les considérations relevant de la nécessité militaire,
d’une part, et du principe d’humanité, d’autre part. Il reconnaît que pour vaincre un adversaire
en temps de guerre, il peut être nécessaire, sur le plan militaire, de tuer, de blesser et de causer
des destructions, et d’imposer des mesures de sécurité plus sévères que ce qui serait
admissible en temps de paix. Parallèlement, cependant, le DIH précise aussi que la nécessité
militaire ne donne pas aux belligérants carte blanche pour mener la guerre sans aucune
contrainte . Les impératifs découlant du principe d’humanité imposent des limites aux moyens
et méthodes de guerre, et exigent que les personnes tombées au pouvoir de l’ennemi soient
traitées avec humanité en toutes circonstances . Cet équilibre entre la nécessité militaire et le
principe d’humanité est formulé de manière plus spécifique dans un certain nombre de
principes essentiels décrits ci-dessous de manière succincte .
§3/La distinction : Le principe de distinction constitue la clé de voûte du DIH.
Il est fondé sur le principe que « le seul but légitime que les États doivent se proposer, durant
la guerre, est l’affaiblissement des forces militaires de l’ennemi », tandis que « [l] a
population civile et les personnes civiles jouissent d’une protection générale contre les
dangers résultant d’opérations militaires ». Par conséquent, les parties à un conflit armé «
doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants ainsi
qu’entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires ».
§4/La précaution
Du principe de distinction découle aussi le devoir d’éviter , de réduire au minimum les cas de
décès, de blessure ou de destruction causés incidemment à des personnes ou des biens
protégés contre les attaques directes. C’est pourquoi le DIH stipule que « [l]es opérations
militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les
personnes civiles et les biens de caractère civil ». Cette règle s’applique tant à la partie
attaquante, qui doit faire tout ce qui est pratiquement possible pour éviter d’infliger des
dommages incidents par ses opérations (précautions dans l’attaque ), qu’à la partie attaquée,
laquelle doit, dans toute la mesure de ce qui est pratiquement possible, prendre toutes les
mesures nécessaires pour protéger la population civile soumise à son autorité des effets des
attaques menées par l’ennemi (précautions contre les effets des attaques ).
§5/ La proportionnalité : Lorsqu’il est impossible d’éviter des dommages incidents aux
personnes civiles ou aux biens de caractère civil, ils sont soumis au principe de
proportionnalité. Ainsi, les personnes qui planifient ou décident de déclencher une attaque
doivent annuler ou interrompre, « les attaques dont on peut attendre qu’elles causent
incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux
personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces
pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct
attendu ».
§6/Les maux superflus
Le DIH ne protège pas seulement les personnes civiles contre les effets des hostilités ; il
interdit ou restreint aussi les moyens et méthodes de guerre considérés comme infligeant des
maux superflus aux combattants. En 1868 déjà, la Déclaration de Saint-Pétersbourg
proclamait :Que le seul but légitime , durant la guerre, est l’affaiblissement des forces
militaires de l’ennemi ; Qu’à cet effet, il suffit de mettre hors de combat le plus grand nombre
d’hommes possible ; Que ce but serait dépassé par l’emploi d’armes qui aggraveraient
inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat ou voudraient leur mort
inévitable ; Que l’emploi de pareilles armes serait, dès lors, contraire aux lois de l’humanité.
Il est donc interdit, durant les hostilités, « d’employer des armes, des projectiles et des
matières ainsi que des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ».
§7/ Traitement humain
L’une des règles les plus fondamentales du DIH dispose que toutes les personnes tombées au
pouvoir de l’ennemi ont le droit d’être traitées avec humanité, quel que soit leur statut ou leurs
fonctions ou activités antérieures.
C’est pourquoi l’article 3 commun, qui est considéré comme un « critère minimal » coutumier
de protection, et qui doit être respecté dans tout conflit armé, dispose : « Les personnes qui ne
participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont
déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure,
détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité,
sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la
croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue . » Bien que le
DIH autorise expressément les parties au conflit à « prendre, à l’égard des [personnes qui se
trouvent en leur pouvoir], les mesures de contrôle ou de sécurité qui seront nécessaires du fait
de la guerre », le droit d’être traité avec humanité est absolu et s’applique non seulement aux
personnes privées de liberté, mais aussi, plus généralement, aux habitants des territoires
placés sous l’autorité de l’ennemi.
Section 2/Les sources du DIH
À l’instar de toute autre branche de droit international, le DIH est issu de trois sources
distinctes : les traités, la coutume et les principes généraux de droit . En outre, la
jurisprudence, la doctrine et dans la pratique le droit non contraignant (soft law) jouent un
rôle croissant dans l’interprétation des règles individuelles de DIH.
§1/ Le droit conventionnel
Le DIH constitue, de nos jours, l’une des branches les plus codifiées du droit international.
Par conséquent, les sources les plus pertinentes de DIH, dans la pratique, sont les traités
applicables au conflit armé en question. Ainsi, dans des situations de conflit armé
international, les sources les plus importantes de DIH applicable seraient :les conventions de
la Haye de 1907, les quatre Conventions de Genève de 1949, les deux Protocoles additionnels
de 1977 et le troisième protocole additionnel de 2005 , ainsi que les traités relatifs aux armes,
comme la Convention de 1980 sur certaines armes classiques ou la Convention de 2008 sur
les armes à sous-munitions. Le DIH conventionnel applicable dans les conflits armés non
internationaux est nettement moins développé ; les sources les plus importantes sont l’article 3
commun et, dans certaines circonstances, le Protocole additionnel II . Comme la plupart des
conflits armés qui se déroulent de nos jours sont de nature non internationale, l’idée selon
laquelle certains domaines du DIH conventionnel régissant ces situations devraient sans doute
être renforcés, développés ou explicités gagne du terrain .Le DIH conventionnel présente
l’avantage d’être relativement dénué d’ambiguïté.
Le champ d’application du traité est défini dans le texte lui-même, les différents droits et
obligations sont spécifiés dans des dispositions négociées avec soin, qui peuvent être
complétées par des réserves ou des interprétations explicites, et les États parties sont
clairement identifiés par l’acte de ratification ou d’adhésion. Tout cela n’empêche pas que des
questions d’interprétation se posent par la suite, en particulier lorsque le contexte politique et
militaire évolue au fil du temps, mais ces textes fournissent une assise fiable permettant de
définir les droits et les obligations des belligérants et d’engager le dialogue avec eux sur leur
respect du DIH.
§2/La coutume
Si c’est dans les traités que le DIH trouve sa source la plus tangible, ses règles et ses principes
sont souvent ancrés dans la coutume, par quoi il faut entendre la pratique générale des États
(usus) acceptée comme étant le droit (opinio- juris) . Cette pratique s’est consolidée en droit
coutumier, qui existe parallèlement au droit conventionnel et indépendamment de lui. Le droit
coutumier n’est pas nécessairement plus ancien que le droit conventionnel ; il peut aussi se
constituer après la conclusion d’un traité ou prendre forme au moment de sa conclusion. C’est
ainsi qu’un État belligérant peut n’avoir ratifié ni la Convention de 1980 sur certaines armes
classiques, ni le Protocole additionnel I, qui interdit d’employer « des armes, des projectiles et
des matières ainsi que des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ». Or,
ces moyens et méthodes de guerre tombent aussi sous le coup d’une interdiction coutumière,
universellement reconnue . De ce fait, le DIH coutumier interdirait à cet État d’employer de
telles munitions. Le DIH coutumier présente l’avantage d’être formé d’un ensemble de règles
de droit dynamique, qui évolue constamment en fonction de la pratique des États et de
l’opinio juris. Le droit coutumier peut donc s’adapter beaucoup plus rapidement aux
événements et aux faits nouveaux que le droit conventionnel, qui exige, pour la moindre
modification, des négociations internationales suivies par l’adoption formelle et la ratification
d’un texte agréé. D’autre part, alors que les traités ne s’appliquent qu’aux États qui les ont
ratifiés, le DIH coutumier est contraignant pour toutes les parties à un conflit armé, quelles
que soient leurs obligations en vertu des traités. Le droit coutumier est pertinent non
seulement dans les cas où un traité de DIH existant n’a pas été ratifié par un État partie à un
conflit armé international, mais tout particulièrement dans des situations de conflit armé non
international, car ces conflits, comme nous l’avons vu plus haut, sont régis par un nombre
beaucoup plus réduit de règles conventionnelles que les conflits armés internationaux.
L’inconvénient du droit coutumier est qu’il n’est pas fondé sur un accord écrit et que, de ce
fait, il n’est pas aisé de déterminer dans quelle mesure telle ou telle règle a acquis le statut de
règle coutumière. Dans la réalité, ce sont généralement les cours et les tribunaux nationaux et
internationaux, chargés d’interpréter et de dire le droit international, qui examinent la pratique
des États et identifient les règles coutumières. L’étude exhaustive réalisée par le CICR sur le
DIH coutumier est aussi une source largement reconnue qui fait référence en la matière.
Le fait que le droit international humanitaire coutumier ne soit pas écrit ne signifie pas qu’il
serait moins contraignant que le droit conventionnel. La différence réside dans la nature de la
source et non dans la force contraignante des obligations qui en découlent. C’est ainsi que le
Tribunal militaire International à Nuremberg, lors des procès qui suivirent la Seconde Guerre
mondiale, a considéré non seulement que le Règlement de La Haye de 1907 avait acquis un
statut coutumier et s’imposait à tous les États, indépendamment des ratifications et de la
réciprocité, mais encore que les personnes pouvaient être tenues pénalement responsables et
sanctionnées pour avoir violé ses dispositions en vertu du droit international coutumier.
§3/ Les principes généraux de droit
La troisième source de droit international, outre les traités et la coutume, réside dans « les
principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ». Il n’existe pas de définition
ni de liste agréée des principes généraux de droit. Cette expression renvoie essentiellement
aux principes de droit reconnus dans tous les systèmes juridiques nationaux développés,
comme le devoir d’agir de bonne foi, le droit à la légitime défense et la non-rétroactivité des
lois pénales. Les principes généraux de droit sont difficiles à cerner avec précision et, par
conséquent, ne jouent pas un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre du DIH. Une fois
identifiés par l’instance compétente, en revanche, les principes généraux de droit peuvent être
d’une importance décisive, car ils donnent naissance à des obligations internationales
distinctes.Il convient de relever, en particulier, que la CIJ a, à plusieurs reprises, déduit
directement des obligations de DIH à partir d’un principe général de droit, à savoir « des
considérations élémentaires d’humanité », qu’elle a considérées comme « plus absolues
encore en temps de paix qu’en temps de guerre ». C’est sur la base de ce principe que la CIJ a
affirmé que l’obligation des États, au regard du DIH, de faire connaître l’existence d’un
champ de mines mouillées en mer en temps de guerre s’applique aussi en temps de paix et
que les principes du DIH formulés dans l’article 3 commun sont contraignants dans tout
conflit armé, quelle que soit sa classification juridique et quelles que soient les obligations des
parties au conflit au regard des traités .
Il convient, dans ce contexte, de mentionner la « clause de Martens », qui dispose que, dans
les cas qui ne sont pas réglementés par le droit conventionnel , « les populations et les
belligérants restent sous la sauvegarde et sous l’empire des principes du droit des gens, tels
qu’ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l’humanité et des
exigences de la conscience publique ». La clause de Martens a été adoptée pour la première
fois lors de la première Conférence de la paix de La Haye en 1899 et elle a été depuis cette
date reformulée et incorporée dans de nombreux instruments internationaux . La question de
savoir dans quelle mesure il est possible de déduire directement de la clause de Martens des
obligations juridiques spécifiques demeure sujette à controverse ; en revanche, elle réfute
clairement tout postulat suggérant que ce qui n’est pas expressément prohibé par le DIH doit
nécessairement être autorisé.
§4/ Le rôle du droit non contraignant, de la jurisprudence et de la doctrine
Les seules sources du droit international sont les traités, la coutume et les principes généraux
de droit ; cependant, les règles et principes découlant de ces sources exigent souvent une
interprétation plus détaillée avant de pouvoir être appliqués dans la pratique . Ainsi, si le droit
dispose clairement que le DIH ne s’applique que dans des situations de « conflit armé », le
sens précis qu’il convient de donner à cette expression exige une interprétation juridique.
De la même manière, le DIH affirme que les personnes civiles ont droit à être protégées
contre les attaques directes « sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la
durée de cette participation ». Là encore, pour déterminer si une personne civile a perdu sa
protection, il est nécessaire de définir l’expression « participation directe aux hostilités ».
Bien entendu, les États eux-mêmes qui sont les législateurs du droit international peuvent
donner des indications touchant l’interprétation du DIH.Elles peuvent prendre la forme de
réserves ou de déclarations unilatérales, ou de résolutions émanant d’organisations
multilatérales, mais aussi d’appui à des instruments de droit non contraignants. À titre
d’exemple de tels textes de droit indicatif (soft law) pertinents pour l’interprétation du DIH,
citons les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre
pays (1998) ou les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à
réparation des victimes de violations flagrantes du droit international relatif aux droits de
l’homme et de violations graves du droit international humanitaire (2005) .
En l’absence de telles indications émanant des États, la tâche consistant à interpréter le DIH
incombe, en premier lieu, aux cours et tribunaux internationaux chargés de juger des cas régis
par le DIH comme les tribunaux pénaux internationaux créés pour des conflits spécifiques , à
la CPI et, naturellement, à la CIJ. En outre, la doctrine des publicistes les plus qualifiés est
aussi reconnue comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit . D’autre part,
étant donné le mandat spécial du CICR, ses Commentaires sur les Conventions de Genève de
1949 et leurs Protocoles additionnels sont considérés comme une interprétation de ces traités
faisant particulièrement autorité.

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