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CE QUE BALZAC FAIT AU FANTASTIQUE

José-Luis Diaz

Presses Universitaires de France | « L'Année balzacienne »

2012/1 n° 13 | pages 61 à 83
ISSN 0084-6473
ISBN 9782130617310
DOI 10.3917/balz.013.0061
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Ce que Balzac
fait au fantastique

Balzac « fantaisiste fantastique », ou bien, à l’inverse, « fan-


tastiqueur fantaisiste » ? Il est évident ici que ces deux notions
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arborées ensemble sont impossibles à disjoindre, non seulement
dans le cas de Balzac mais aussi pour toute la « jeune littéra‑
ture » de l’après 1830, Musset, mais aussi Nodier, ou encore
Janin, Gautier, Nerval, pour s’en tenir au-dessus du panier…
Pourtant, réflexion faite, j’ai choisi de mettre au centre
de mon enquête le fantastique – en tenant compte, bien sûr, de
ses modulations fantaisistes – plutôt que la fantaisie. Pourquoi ?
Parce qu’ayant pris à tâche de considérer les choses à partir, non
du seul Balzac, mais du champ littéraire constitué par toute cette
littérature qui s’écrit, après 1830, dans l’orbite d’Hoffmann,
c’est bien le fantastique qui s’avère central ; c’est lui qui se vend,
c’est lui aussi qui structure le champ littéraire pendant quelques
années. Certes, la fantaisie aura plus tard sa revanche à la fin de
la décennie suivante, lorsque, entre-temps, le fantastique aura
été usé jusqu’à la corde, et que la fantaisie, unie par d’étran‑
ges coquetteries avec le réalisme montant, aura tendance à son
tour à se voir attribuer un nom d’école (« l’école fantaisiste1 »

1.  L’expression ne devient courante qu’après 1850. Voir par exemple l’usage
qu’en fait Proudhon en 1852 : « En littérature, en poésie, en peinture, dans l’art
dramatique – inutile de citer la danse –, nous en sommes à l’école fantaisiste,
dernier mot du romantisme ; et nous voyons ce qu’elle produit » (La Révolu-
tion sociale démontrée par le coup d’état du 2 décembre, Paris, Garnier frères, 1852,
p. 111).
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ou bien encore le « fantaisisme2 »). Mais au début des années


trente, c’est bien le fantastique qui est au cœur du débat, c’est
lui qui fait tourner – en boucle – la machine critique, même
si la notion est hantée comme son ombre par la fantaisie et
ses satellites (le fantasque, le caprice, etc.) ; même donc si le
fantastique apparaît souvent, en son sens « faible », non comme
un continent noir extrême où on n’entre qu’en franchissant
sans retour les portes d’ivoire du songe ou de la folie, mais
comme un simple superlatif de la fantaisie3…
Quelle place Balzac a-t-il prise dans le champ littéraire
structuré par le « fantastique » entre 1830 et 1833 ? Telle est
donc la question que je me suis posée. Cela suppose un regard
comparatif (Balzac, mais aussi Nodier, Janin, Gautier, Latouche,
le Bibliophile Jacob, etc.), et aussi une prise en compte de la
réception critique. À quel point le Balzac de ces années-là
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donne-t-il des gages à la mode fantastique ? À quel point aussi
est-ce ce Balzac-là qui compte pour la critique ?
Pour tenter de répondre à ces questions, il convient de rap‑
peler d’abord comment Balzac s’est inscrit dans la « mode fan‑
tastique », et de définir la partition propre qu’il a pu y jouer :
Balzac à la remorque de la mode fantastique ?
Dans un second, temps, il faudra se demander si le passage
de Balzac dans ce continent-là a été affaire d’imitation, d’op‑
portunisme, ou bien s’il a tenu à se différencier, à marquer
le fantastique à sa griffe. En d’autres termes : qu’est-ce que
Balzac fait au fantastique ?
Dans un dernier temps, il conviendra de placer la caméra non
plus seulement chez Balzac, et ces écrivains qui jouent la même
partition que lui, mais dans le champ critique et dans l’entre-
deux de la réception. Soit, si l’on veut : le fantastique balzacien
vu d’en face. Mais par manque de temps et de place, il y aurait
à revenir sur cette problématique à une autre occasion.

2.  L’expression date de la même époque. En 1855, elle figure par exemple
dans Les Nuits d’octobre de Nerval (La Bohème galante, Paris, Michel Lévy, 1855,
p. 228).
3.  Ce qu’indique entre autres telles formules employées au fil de la plume
par Mme de Girardin : « Un valet de pied bizarre, vêtu d’une livrée, non seu‑
lement de fantaisie, mais je dirais même fantastique, vint ouvrir la portière »
(La Canne de M. de Balzac, Paris, Dumont, 1836, p. 125).
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Ce que Balzac fait au fantastique 63

1. À la remorque de la mode fantastique ?

La mode fantastique n’a pas encore trouvé d’historien qui


en traite dans son ensemble, mais grâce à P.-G. Castex4 et à
Élisabeth Teichmann5 on sait qu’elle prit l’allure d’un de ces
« vertigos » fugaces mais pandémiques dont Balzac lui-même
s’est fait le théoricien en mai 1830, dans ce beau programme
de sociologie littéraire qu’est « De la mode en littérature »6.
Lancée par la traduction que Loève-Veimars donne des Contes
fantastiques d’Hoffmann chez Renduel à partir de la fin de
1829, cette mode est orchestrée par une grande campagne cri‑
tique où s’affrontent partisans et adversaires : Loève-Veimars,
Nodier, Janin, etc., d’une part ; de l’autre, tous ceux qui,
dans la presse, prolongent les réserves formulées par Walter
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Scott contre le fantastique hoffmannien, réserves d’autant plus
connues que l’édition Renduel a publié une traduction de
l’article sévère de Scott, comme pour mieux enclencher la
polémique. La mode est entretenue dans les années 1830-1832
par une série d’articles, d’entrefilets, de commentaires, qui
témoignent du buzz journalistique et aussi de la productivité
critique d’une notion-phare qui, pendant un certain temps,
menace de se hausser à la hauteur de celle de « romantisme »,
se voit promue à la dignité de « genre » (on parle de « genre
fantastique », comme on a parlé au début des années vingt de
« genre romantique »), et accède, relativement tôt, aux hon‑
neurs de l’adjectif substantivé : dès 1829, on commence à dire
« le fantastique », comme plus tard, on dira « la fantaisie »,
avec la même idée de derrière qu’il s’agit là à la fois d’un
genre, d’un ethos singulier, mais plus encore d’un phénomène
littéraire majeur, à intense pouvoir d’irradiation.

4.  Pierre-Georges Castex, Le Conte fantastique en France, de Nodier à Maupas-


sant, Paris, José Corti, 1951.
5.  Élisabeth Teichmann, La Fortune d’Hoffmann en France, Genève, Droz,
1961.
6.  « De la mode en littérature. Première lettre », La Mode, 29 mai 1830 ;
OD, t. II, pp. 755-762.
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La mode, on le sait, fut multiple, en avalanche, irradiant


aussi sur le théâtre7, la musique8, la philosophie9, la méde‑
cine même10, mais elle fut fugace. Dès 1832, on perçoit des
signes de lassitude à l’égard du fantastique, mais aussi à l’égard
du genre conte, sa détermination générique principale11, qui
n’a pas peu contribué d’ailleurs à son ethos « fantaisiste ». On
commence à dire déjà que le fantastique est « mort », parce qu’il
a lassé tout le monde en peu d’années. C’est Nodier lui-même
qui, en 1836 dans la Revue de Paris, naguère pourtant l’épicen‑
tre du phénomène, fait entendre ce cri : « N’entendez-vous

7.  Voir entre autres : Victor Joly et M. Jacob, Le Juif errant, mystification
fantastique en trois tableaux, Théâtre des Folies-Dramatiques, 25 octobre 1834 ;
Charles Dupeuty et Charles-Louis-François Desnoyer, Les Filles de l’enfer, vau-
deville fantastique en quatre actes et six tableaux, Théâtre de l’Ambigu-comique,
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7 septembre 1839 ; MM. Lubize et ***, Les Mystères d’Udolphe, vaudeville fantas-
tique en deux actes, Théâtre des Folies-Dramatiques, 3 juin 1840.
8.  Voir la célèbre Symphonie fantastique de Berlioz (1830) et l’usage littéraire
du fantastique musical que continuera de faire Janin en 1847 dans Le Gâteau
des rois, symphonie fantastique, Paris, Amyot. Voir aussi un Rondo fantastique pour
le piano-forté, par Fréd. Kalkbrenner, qu’annonce la Bibliographie de la France le
21 janvier 1832 (« à Paris, chez Pleyel, boulevart Montmartre 19 »). En 1835,
un collaborateur anonyme de la Revue et Gazette musicale de Paris remarque :
« Fantastique. Ce mot s’est glissé jusque dans la musique. La musique fantastique
est composée d’effets d’instrumentation sans dessin mélodique et avec une har‑
monie incorrecte » (« Littérature musicale. La Musique à la portée de tout le monde,
par M. Fetis », 17 mai 1835, t. II, p. 170).
9.  Voir entre autres cette « Fantaisie philosophique » que publie le Journal de
langue et de littérature françaises, en 1831, t. II, p. 114.
10.  Voir l’article de la Gazette médicale intitulé « De l’influence hygiéni‑
que du fantastique en littérature », 27 octobre 1832. En 1835, un Traité sur les
phrénopathies distingue un « mode fantastique » parmi les variétés de la folie :
« De toutes les variétés d’aliénation mentale, avec lesquelles le mode fantas‑
tique se combine, la lupérophrénie […] se fait le plus souvent remarquer par
une propension aux déterminations fantastiques » (Joseph Guislain, Traité sur les
Phrénopathies, ou Doctrine nouvelle des maladies mentales, Bruxelles, Établissement
encyclographique, 1835, p. 249).
11.  La liaison – de complicité industrielle réciproque – entre le fantastique
et le conte est bien mise en lumière par un critique du Revenant : « Aujourd’hui
nous avons le conte imprimé, le conte travaillé à loisir entre le déjeuner et un
feuilleton ; le conte, espèce de littérature à l’usage des peuples qui n’en ont plus,
le conte qui ne demande ni études, ni méditations, ni pensées, ni science, mais
seulement de l’imagination capricieuse et folle, de l’imagination échevelée et
coureuse, et l’on croit absoudre tout cela par le mot de fantastique ! » (« Contes
fantastiques et contes littéraires, par M. Janin », 17 octobre 1832, p. 1).
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pas, mes amis, une voix qui s’élève et retentit dans la postérité
de la semaine prochaine, une voix qui crie : “Délivrez-nous
du fantastique, Seigneur, car le fantastique est ennuyeux”12. »
Dès mai 1832, un critique de La Caricature, qui garde quel‑
que chance d’être Balzac lui-même, détecte dans Indiana « une
réaction de la vérité contre le fantastique, du temps présent
contre le moyen âge, du drame intime contre la bizarrerie des
incidents à la mode, de l’actualité simple contre l’exagération du
genre historique13 ». À Musset et à Pagello étrangement ligués,
Sand fait dire dans ses Lettres d’un voyageur qu’ils n’aiment pas le
fantastique, « éponge trempée dans les brouillards du Nord14 ».
Mais même des desservants aussi notoirement compromis dans
cette mode que Janin ou Nodier participent eux aussi à cette
retombée. Nodier, auteur non seulement de contes fantas‑
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tiques marquants15, mais aussi d’un grand article de critique
« Du fantastique en littérature », paru en 1830 dans la Revue
de Paris16, a l’humour de prendre acte de ce reflux, comme
en témoigne dès 1833 l’incipit de Jean-François les Bas-Bleus17.

12.  Charles Nodier, « M.  Cazotte », Revue de Paris, décembre  1836,


t. XXXVI, p. 8.
13.  Mais on peut imaginer aussi que c’est George Sand elle-même qui
s’exprime là, ou l’un de ses amis : Planche ? Regnault ? Les propos recoupent
ceux d’une lettre de Sand à Émile Regnault.
14.  Lettres d’un voyageur, Paris, Bonnaire, t. I, 1837, p. 90.
15.  Voir leur édition sous le titre de Contes par P.-G. Castex (Paris, Garnier,
1961). En 1850, après la mort de Nodier, une édition intitulée Contes fantas-
tiques paraît chez Charpentier, avec en introduction l’article de 1830 : « Du
fantastique en littérature ».
16.  28 novembre 1830, t. XX, p. 205-226. Dans la même livraison de la
Revue de Paris paraît, juste après (pp. 227-252), la seconde partie de Sarrasine…
17.  « Le fantastique est un peu passé de mode, et il n’y a pas de mal. L’ima‑
gination abuse trop facilement des ressources faciles ; et puis ne fait pas du bon
fantastique qui veut. La première condition essentielle pour écrire une bonne
histoire fantastique, ce serait d’y croire fermement, et personne ne croit à ce
qu’il invente. Il arrive aussi bientôt qu’une combinaison d’effets trop arrangés,
un jeu trop recherché de la pensée, un trait maladroitement spirituel, vien‑
nent trahir le sceptique dans le récit du conteur, et l’illusion s’évanouit. C’est
le joueur de gobelets qui a laissé rouler ses muscades, ou le machiniste qui a
laissé voir ses ficelles » (Œuvres complètes de Charles Nodier, Paris, Renduel, t. XI,
Contes en prose et en vers, 1837, pp. 139-140). Le conte a été rédigé en 1833,
comme le précise P.-G. Castex, dans son édition des Contes de Nodier, Paris,
Garnier, 1961, p. 362.
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Quant à Janin, auteur pourtant la même année 1833 de Contes


fantastiques que L’Artiste condamne pour crime d’imitation18, il
tourne casaque trois ans plus tard dans l’article « Fantastique »
du Dictionnaire de la conversation, en faisant l’histoire de cette
mode déjà ancienne :
On ne voulait plus que du fantastique, comme autrefois on ne voulait
plus que du romantique. C’était à qui se ferait fantastique. Les libraires
disaient à leurs auteurs : Faites-nous du fantastique ! comme au temps
de Montesquieu ils disaient : Faites-nous des lettres persanes ! Le fantas‑
tique déborda sur nous comme une avalanche. Tout ce qui était bizarre
sans nouveauté, fou sans esprit, absurde sans intérêt, s’intitula fièrement
fantastique. Pour le fantastique, on abandonna le moyen âge, on laissa
là le roman historique ; le drame moderne en fut ébranlé ; le fantasti‑
que, par le ciel ! Puis tout à coup, un beau matin, cette fureur s’apaisa,
les contes nébuleux s’arrêtèrent ; Hoffmann descendit de son trône de
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nuages, sans un éclair pour lui tracer sa route. Le genre fantastique était
arrivé à sa dernière période19.
Chez Balzac, on perçoit plus vite encore un même état
d’esprit. Car si le Balzac des années 30-31 donne des signes de
connivence, sensible qu’il est aux vertus industrielles des vertigos
littéraires en cours, d’emblée il semble bien moins sous le charme
d’Hoffmann que ses congénères20 ; et lui aussi prend nettement
ses distances avant même que le soufflet ne retombe.
Sa connivence primitive avec le fantastique se mesure
mieux encore quand on suit de près la chronologie et qu’on
est attentif aux premiers états de ses écrits. Si le mot même est

18.  À Janin qui vient de faire paraître des Contes fantastiques, un critique de
L’Artiste reproche d’avoir « eu le tort d’étiqueter ses livres d’un titre vulgaire,
insignifiant, prétentieux, commun à tous ; d’un titre qui appartient à Hoffmann
et que peut prendre M. de Balzac, le grand preneur » ([Anon.], « Contes fantasti-
ques, par M. Jules Janin », L’Artiste, 28 octobre 1832, 13e livr., t. IV, p. 148).
19.  Jules Janin, article « Fantastique », Dictionnaire de la conversation et de la
lecture, Paris, Belin-Mandar, t. XXVI, 1836, p. 299.
20.  Balzac n’a sans doute pas lu d’emblée Hoffmann, autrement que par
bribes. Et il est légitime de tenir pour vrais, à cet égard, les propos d’une lettre
où il avoue l’avoir lu tardivement, non sans quelque déception (à Mme Hanska,
2  novembre 1833, LHB, t.  I, p.  84). Sur ce rapport en partie négatif à
Hoffmann, voir Maurice Bardèche, Balzac romancier. La Formation de l’art du
roman chez Balzac jusqu’à la publication du « Père Goriot » [1940], Slatkine reprints,
1967, p. 326 et suivantes.
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présent pas moins de cinq fois dans la Physiologie du mariage21,


c’est encore hors influence explicite d’Hoffmann : mais déjà
il frétille sous sa plume. En revanche, nous sommes bien sous
l’emprise du fantastique hoffmannien dans la première ver‑
sion que Balzac fin 1830-1831 donne de ses « contes d’artiste »
– comme on disait alors à propos de ceux d’Hoffmann et de
Tieck – tout comme dans La Peau de chagrin. Dans la première
version qu’en publie L’Artiste en juillet-août 1831, Le Chef-
d’œuvre inconnu arbore en sous-titre « Conte fantastique »22. Le
point d’ancrage essentiel du fantastique balzacien, c’est alors
l’artiste lui-même, Frenhofer au premier chef, « génie fantas‑
que23 » tout autant que fantastique. Mais le fantastique balza‑
cien marque aussi en ces années-là une préférence surprenante
pour un personnage de vieillard, bizarre, surnaturel, spectral,
qui se décline à travers le Gobseck des Dangers de l’inconduite en
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avril 183024, la Zambinella devenue vieux spectre du début de
Sarrasine25, Frenhofer en juillet-août 1831, ou encore à travers
ce « fantastique personnage » qu’est l’antiquaire de La Peau
de chagrin26. Autres éléments favoris du fantastique ­balzacien,

21.  Le fantastique n’y est pas référé à Hoffmann, mais à Crabbe, loué pour
avoir su « personnifier un être fantastique, nommé la Vie dans la Mort » dans une
« fable aussi vraie que fantastique » (Pl., t. XI, p. 1054).
22.  « Littérature. Le Chef-d’œuvre inconnu. I », L’Artiste, 31 juillet 1831, t. I,
p. 319.
23.  Ibid., p. 321.
24.  « Je retournai chez moi stupéfait. Ce petit vieillard sec avait grandi. Il
s’était changé à mes yeux en une image fantastique : j’avais vu le pouvoir de l’or
personnifié » (Scènes de la vie privée, Paris, Mame et Delaunay-Vallée, Levavas‑
seur, 1830, repris dans Nouvelles et contes, éd. Isabelle Tournier, Paris, Gallimard,
« Quarto », 2005, t. I, p. 234).
25.  Mais notons que ce personnage n’est qu’indirectement promu au fan‑
tastique : « Sans être précisément un vampire, une goule, un homme artificiel,
une espèce de Faust ou de Robin des bois, il participait, au dire des gens amis
du fantastique, de toutes ces natures anthropomorphes » (« Sarrasine. Ire partie »,
Revue de Paris, 21 novembre 1831, t. XX, p. 155). Remarquons aussi que, plutôt
que sur Hoffmann, Balzac appuie son fantastique sur Byron et sur Ann Rad‑
cliffe. La « mystérieuse famille » à laquelle appartient ce « personnage étrange »
a « l’attrait d’un poème de lord Byron ». Elle offre « un perpétuel intérêt de
curiosité assez semblable à celui des romans d’Anne Radcliffe » (ibid., p. 154).
26.  « En ce moment, un rire satanique échappait à ce fantastique person‑
nage, et se dessinait sur ses lèvres froides, tendues par un faux râtelier » (La Peau
de chagrin, Paris, Gosselin et Canel, 1831, t. II, p. 140).
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les femmes, rendues fantastiques par le crayon du dessina‑


teur anglais Westall27, l’« atmosphère fantastique » que dégage
le Paris hivernal dans Sarrasine28 ; et, en ce qui concerne le
domaine esthétique, la peinture, celle de Rembrandt29,
de Girodet30, des Chinois31, la littérature arabe, en particu‑
lier les contes des Mille et une nuits32, la Princesse Brambilla
d’Hoffmann ou mieux encore la Fragoletta de Latouche33,
dont l’héroïne est hermaphrodite tout comme la Zambinella.
Ce qui donne à penser que le fantastique de Balzac et de ses
complices (Latouche, Gautier) est pour une part un fantasti‑
que sexuel… De manière plus conventionnelle, le fantastique

27.  Ainsi de Pauline dans La Peau de chagrin, « délicieuse comme les fan‑
tastiques figures de Westall » (Pl., t. X, p. 235). Dans Eugénie Grandet (décem‑
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bre 1833), le narrateur évoque « les émotions de fine volupté que causent à un
jeune homme les fantastiques figures de femmes dessinées par Westall dans les
Keepsake anglais » (Pl., t. III, p. 1059).
28.  « Les arbres, imparfaitement couverts de neige, se détachaient faible‑
ment du fond grisâtre que formait un ciel nuageux, à peine blanchi par la lune ;
et, vus au sein de cette atmosphère fantastique, ils ressemblaient vaguement à des
spectres mal enveloppés de leurs linceuls, image gigantesque de la célèbre danse
des morts » (loc. cit., pp. 150-151, et Pl., t. VI, p. 1043).
29.  Frenhofer, auquel « le jour faible de l’escalier » prête « une couleur fan‑
tastique », semble « une toile de Rembrandt marchant silencieusement et sans
cadre dans la noire atmosphère que s’est appropriée ce grand peintre » (Pl., t. X,
p. 415).
30.  Une allusion y est faite à propos de l’héroïne de La Bourse (1832) : « Le
visage de l’inconnue appartenait, pour ainsi dire, au type fin et délicat de l’école
de Prudhon, et possédait aussi cette poésie que Girodet donnait à ses figures
fantastiques » (Pl., t. I, pp. 414-415).
31.  Les traits de la femme de trente ans ont « ce fini merveilleux que les
peintres chinois répandent sur leurs figures fantastiques » (Pl., t. II, p. 1125).
32.  Le narrateur de La Femme abandonnée (1832) évoque les « délicieuses
fictions » des contes écrits par les « poètes orientaux », et leurs « images […]
fantastiques » (Pl., t. II, p. 472). En revanche, Swedenborg a produit une œuvre
plus « étourdissante » que « la littérature fantastique des Orientaux […] s’il est
permis de comparer une œuvre de croyance aux œuvres de la fantaisie arabe »
(Séraphîta [décembre 1835], Pl., t. XI, pp. 768-769).
33.  Ainsi dans la première version de La Peau de chagrin : « Je pensai tout à
coup à la princesse Brambilla d’Hoffmann, à Fragoletta, capricieuses concep‑
tions d’artiste, dignes de la statue de Policlès. » Ne pouvant « résoudre autre‑
ment » Fœdora, Raphaël lui raconte cette « histoire fantastique » (Pl., t.  X,
p. 1299). Après sa brouille avec Latouche, le passage est resté mais la référence à
Fragoletta a disparu (Pl., t. X, pp. 178-179).
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Ce que Balzac fait au fantastique 69

balzacien de ces années-là emprunte à Hoffmann son sata‑


nisme, insiste sur la fascination diabolique qu’exercent certains
personnages choisis34 ; mais ce sont là thèmes alors trop cou‑
rants pour être référés à la seule influence d’Hoffmann.
Ce sentiment qu’on a que ce Balzac-là se coule alors dans
le moule fantastique est renforcé par la connivence critique
qu’on perçoit entre lui et quelques-uns de ses complices de
ce qu’alors même il désigne comme « l’école du désenchante‑
ment » − ce qui, là aussi, revient à baptiser à sa manière ce que
d’autres désignent comme « l’école fantastique35 ». Des « ren‑
vois d’ascenseur » semblent évidents. Latouche36, Janin37, le
Bibliophile Jacob38, Nodier39 sont l’objet d’articles complaisants
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34.  Ainsi de Frenhofer en train de peindre, tel que le voit le jeune Poussin :
« […] il semblait qu’il y eût dans le corps de ce bizarre personnage un démon qui
agissait par ses mains en les prenant fantastiquement contre le gré de l’homme »
(Pl., t. X, p. 422).
35.  L’expression est employée en novembre  1831 par Émile Deschamps
à propos d’Hoffmann, désigné comme « le fondateur de l’école fantastique »,
alors que Balzac, auteur « de curieux tableaux de mœurs, assaisonnés, pour la
plupart, d’un merveilleux cabalistique indéfinissable, […] ce n’est ni Rabelais,
ni Voltaire, ni Hoffmann, c’est M. de Balzac » (« M. de Balzac », Revue des Deux
Mondes, 1er novembre 1831, t. IV, p. 316). En 1833, le très antiromantique Jour-
nal des artistes et des amateurs interroge : « L’Institut prendrait-il enfin une attitude
sévère devant cette école fantastique et cadavérique qui s’en va partout faussant
le goût en abrutissant le siècle ? » (7 mai 1833, t. I de la 7e année, p. 349).
36.  Voir le commentaire que Balzac donnait en juin 1829 de la Fragoletta
de Latouche, fleuron du récit fantastique : « Tracera qui en aura l’audace,
après l’avoir lu, une analyse de ce livre. Ce n’est pas moi qui l’oserai » (« Frago­
letta ou Naples et Paris en 1799 », Mercure du xixe siècle, juin 1829 ; OD, t. II,
pp. 299-302).
37.  « L’Âne mort et la femme guillotinée. 2e édition », Le Voleur, 5 février 1830,
repris dans OD, t. II, p. 647-653. « La Confession, par l’auteur de L’Âne mort et
la Femme guillotinée », Feuilleton des journaux politiques, n°  7, avril  1830 ; OD,
t. II, p. 697-701.
38.  « Portrait de P.-L. Jacob, bibliophile, éditeur des Deux Fous », Le Voleur,
5  mai 1830 ; OD, t.  II, pp. 654-657. En 1833, le même auteur publie chez
Renduel La Danse macabre, histoire fantastique du xve siècle.
39.  Sa Théorie du conte (restée inédite) salue en Nodier « ce magicien du
langage, ce sorcier, dont la baguette évoque des phrases toutes neuves » (OD,
t. I, p. 518). Dans l’article que Balzac consacre à L’Âne mort de Janin, Nodier
est présenté comme occupé à relire une épreuve de l’Histoire du roi de Bohême
et de ses sept châteaux chez l’éditeur Delangle (loc. cit., p. 647). Effet d’école − et
d’écurie éditoriale − encore plus prononcé...
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70 José-Luis Diaz

du Balzac journaliste des années trente, et sa complicité avec


Nodier se confirme en 1832, dans le grand article d’hom‑
mage qu’il consacre à sa philosophie mystique dans la Revue
de Paris40, tandis que par ailleurs il dit admirer chez Nodier un
« personnage fantastique » tel que le colonel Oudet41.
Comme en retour, Janin dans L’Artiste fait la faveur que l’on
sait à La Peau de chagrin42 et, sinon en Nodier, Balzac trouve
un autre complice en Émile Deschamps, qui lui consacre un
bel article dans la Revue des Deux Mondes en novembre 1831.
Plus encore que Janin, Deschamps y insiste sur le « merveilleux
cabalistique indéfinissable » de ces « historiettes fantastiques »,
tout en opposant cependant Balzac à Hoffmann, « le fondateur
de l’école fantastique », et en essayant de caractériser Balzac,
qui n’est ni Rabelais, ni Voltaire, ni Hoffmann : car Hoffmann
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a « une conviction, lui, la conscience des arts », tandis que chez
Balzac on voit « percer un perpétuel dénigrement du cœur
humain, une ironie satirique qui désenchante », et qu’on y est
choqué par des aspects « scabreux »43 : Poussin prostituant sa
maîtresse aux regards de Frenhofer, Sarrasine tombant amou‑
reux d’un androgyne. De quoi nous inviter sans tarder à penser,
dans le sillage de Deschamps et de quelques autres, la spécifi‑
cité du fantastique balzacien…

40.  « Lettre à Charles Nodier sur son article intitulé : “De la palingénésie
humaine et de la résurrection” », Revue de Paris, 21  octobre 1832. Balzac y
admire la « moquerie fantastique » de Nodier, mais sa complicité avec lui se
scelle autour de la fantaisie et du diabolique : « Vous excuserez […] mes fol‑
les fantaisies, vous si obéissant aux tentations diaboliques des passions et des
caprices » (Revue de Paris, t. XLIII, p. 169 et p. 179, et OD, t. II, p. 1204 et
p. 1213).
41.  « Lorsque je lus le fantastique portrait que Charles Nodier nous a tracé
du colonel Oudet, j’ai retrouvé mes propres sensations dans chacune de ses
phrases élégantes et passionnées », Une conversation entre onze heures et minuit,
dans Contes bruns, 1832 (Balzac, Nouvelles et contes, éd. I. Tournier, op. cit., t. I,
p. 1126). Ce texte sera repris dans Autre étude de femme (Pl., t. III, p. 704).
42.  « Aperçu des publications. La Peau de chagrin, par M. de Balzac », L’Ar-
tiste, 14 août 1831, t. II, p. 18-19.
43.  « M.  de Balzac », Revue des Deux Mondes, 1er  novembre 1831,
pp. 313-322.
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Ce que Balzac fait au fantastique 71

2. Ce que Balzac fait au fantastique

Après le Balzac complice, voici le Balzac sceptique, mar‑


quant très vite ses distances par rapport à la vogue en cours.
Notons d’abord la rareté des hommages à Hoffmann, et
l’absence de figures secondaires du Panthéon fantastique, telles
que Tieck ou Jean-Paul (auquel Musset, lui, consacre un arti‑
cle dans Le Temps en 183144). Visiblement, Balzac ne tient pas
à payer sa dîme d’hommages. Si, comme le suggérera Sainte-
Beuve, il a bien pu être « préoccupé » d’Hoffmann en écrivant
La Peau de chagrin45, sa préoccupation semble plutôt signe de
rivalité que d’adoption. Le fait d’arborer la pancarte « romans
et contes philosophiques » en octobre 1831 est à lui seul une
double manière de se distancier d’Hoffmann, par l’affichage de
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philosophie et de roman, de même que le drolatique sera une
de ses façons de moduler autrement, à la Rabelais, la fantaisie.
Autre forme presque d’irrévérence : sous-titrer « conte fan‑
tastique », ces deux capsules narratives discordantes et décep‑
tives à souhait que sont « Zéro » et « Tout », publiées dans
La Silhouette en octobre 1830. Ou comment faire original, ne
serait-ce que par le format microscopique, qui tend à l’indé‑
chiffrable, et donc à démonétiser, en tout cas à rendre problé‑
matique, une étiquette « dans le vent46 ».
Mais la distance incrédule vis-à-vis du fantastique hoffman‑
nien perce aussi à certains grains du texte (dont on n’a peut-
être pas encore assez tenu compte) dans les premières versions
de Sarrasine, du Chef-d’œuvre inconnu et de La Peau de chagrin.

44.  « Pensées de Jean-Paul », Le Temps, 17  mai-6  juin 1831, repris dans
Œuvres complètes en prose, éd. M. Allem, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », 1960, pp. 874-881.
45.  « La Peau de chagrin, publiée en 1831, ouvre la nouvelle et la véritable
série des romans de M. de Balzac. […] L’auteur s’est évidemment préoccupé
d’Hoffmann qui faisait alors son apparition parmi nous » (« Poètes et roman‑
ciers de la France. XVI. M. de Balzac, La Recherche de l’absolu », Revue des Deux
Mondes, 1er novembre 1834, t. IV, p. 448).
46.  Voir à leur égard les propos d’Isabelle Tournier, op. cit., t.  I, p.  605 :
« Conte fantastique ? l’expression est un alibi commode, à la mode, passe-par‑
tout invoqué pour couvrir cette histoire trop réelle, et pour ouvrir par anti‑
phrase à l’innovation. »
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72 José-Luis Diaz

Dans Sarrasine, cette distance se manifeste dans la manière


qu’a le narrateur de ne pas prendre en charge lui-même l’évo‑
cation de la « goule », de l’« homme artificiel », de l’« espèce de
Faust » qu’est devenue la Zambinella, mais de l’attribuer, avec
quelque ironie, au « dire des gens amis du fantastique »47. Ou
comment jouer sur les deux tableaux, le fantastique convenu,
qui n’en fait pas moins son effet, et sa dérision. Quant à l’épi‑
graphe de la nouvelle, en revanche (« Croyez-vous que la seule
Allemagne ait le privilège d’être absurde et fantastique ! »), elle
manifeste non seulement de l’ironie – et de l’auto-ironie –
mais, de surcroît, un désir tout contraire, celui de rivaliser avec
Hoffmann et l’Allemagne sur leur propre terrain48. Deux sen‑
timents opposés, mais qui coexistent bien en ce Balzac qui, en
novembre 1830, après un temps de latence, rôde alors dans les
parages du fantastique importé d’Allemagne, en apprenti mais
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déjà en rival. Cela avec un net arrière-fond de nationalisme lit‑
téraire qu’explicite sa lettre d’août 1831 à Charles de Bernard,
en réponse à sa recension de La Peau de chagrin49.
Dans Le Chef-d’œuvre inconnu, après un début hoffmannien
qui insiste sur ce « génie fantasque » qu’est le vieux peintre et
sur la « fascination » qu’il exerce sur cet autre artiste qu’est le
jeune Poussin, de nouveau une distance se manifeste, signe
d’un traitement ludique du fantastique, dans la manière qu’a
Balzac d’étaler ses trucs de « fantastiqueur » à tant la ligne.
Jouant la carte du récit excentrique, ne s’avoue-t-il pas incapa‑
ble de signifier le surnaturel d’un tel personnage et de son cadre
autrement qu’en ayant recours à ce mot-cliché de « l’idiome
moderne […] : c’était indéfinissable » ? S’ensuit un commentaire

47.  « Sarrasine. Ire partie », Revue de Paris, 21  novembre 1831, t.  XX,
p. 155.
48.  Le même sentiment de rivalité que Balzac exprime vis-à-vis de la pein‑
ture. Mais avec une note de patriotisme en plus.
49.  « Vous accusez peut-être légèrement la jeune littérature de viser à l’imi‑
tation des chefs-d’œuvre étrangers – Croyez-vous que le fantastique d’Hoffmann,
n’est pas virtuellement dans Micromégas, qui lui-même était déjà dans Cyrano
de Bergerac, où Voltaire l’a pris – Les genres appartiennent à tout le monde, et
les Allemands n’ont pas plus le privilège de la lune que nous celui du soleil, et
l’Écosse celui des brouillards ossianiques – Qui peut se flatter d’être inventeur.
Je ne me suis vraiment pas inspiré d’Hoffmann, que je n’ai connu qu’après avoir
pensé mon ouvrage » (vers le 20 août 1831, Corr. Pl., t. I, pp. 386-387).
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Ce que Balzac fait au fantastique 73

à l’ironie encore plus marquée, qui s’en prend à la facilité qu’il


y a à faire « germer » du fantastique à bon compte, en ayant
recours à quelques mots de passe obligés, « indéfinissable » ici,
« surnaturel » un peu plus loin50 :
Admirable expression ! elle résume la littérature fantastique ; elle dit
tout ce qui échappe aux perceptions bornées de notre esprit ; et quand
vous l’avez placée sous les yeux d’un lecteur, il est lancé dans l’espace
imaginaire ; alors, le fantastique se trouve tout germé, il pointe comme
une herbe verte au sein de l’incompréhensible et de l’impuissance51…
De même, si dans La Peau de chagrin Balzac joue bien la
partition fantastique dans la représentation des salons de
l’antiquaire, « fantasmagories d’[un] panorama du passé52 », et
plus encore dans la transformation de son « fantastique person‑
nage » lorsqu’il est happé lui-même par la folie du désir53, il s’en
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distancie en parlant de Fœdora comme d’une « poupée fantas‑
tique de nos salons », en faisant sonner au fond de la poche de
Raphaël une pièce d’or « d’une manière véritablement fantas‑
tique »54, et plus encore en mettant dans la bouche d’un des
convives de l’orgie de journaliste cette exclamation mécréante :
« — Voilà des petits pois délicieusement fantastiques55 ! »
Dans les trois cas, on dirait que Balzac s’amuse à démysti‑
fier le fantastique, en le catapultant dans des registres dévalués
ou prosaïques à souhait. Même jeu dans Ferragus en décem‑
bre 1833,  lorsque c’est une prosaïque petite boule qui elle aussi
est promue au fantastique : celle que vise, place de l’Observatoire,

50.  « Donc ce vieillard, maître Frenhofer, paraissait indéfinissable, incom‑


préhensible, et, tout ce que la riche imagination de Nicolas Poussin put saisir de
clair et de perceptible, en voyant cet être surnaturel (surnaturel est encore une
belle expression !), c’est qu’il était le type le plus complet de la nature artiste
[…] » (« Littérature. Le Chef-d’œuvre inconnu. I », L’Artiste, 31 juillet 1831, t. I,
p. 322).
51.  Ibid., p. 321.
52.  La Peau de chagrin, Pl., t. X, p. 76.
53.  « En ce moment, un rire muet échappait à ce fantastique personnage, et
se dessinait sur ses lèvres froides, tendues par un faux râtelier » (ibid., p. 222).
54.  Ibid., p. 66.
55.  Ibid., p. 101.
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74 José-Luis Diaz

le terrible Ferragus devenu vieillard décrépit, et qui semble


être « le génie fantastique du cochonnet56 ».
Enfin, pour en rester à un seul dernier exemple d’un tel
proces­­sus démystificateur, voici L’Illustre Gaudissart qui est
d’avril 1833. Comme contaminé par l’esprit mercantile de son
personnage, Balzac, après tant d’autres, y fait allusion à la fin
de la mode fantastique, déjà remplacée sans attendre par la sui‑
vante, la mode pittoresque. « N’avons-nous pas vu la Librairie
exploitant le mot pittoresque, quand la littérature eut tué le mot
fantastique57 ? » Décidément, le fantastique était bien un « truc »
de magicien industriel dont Balzac lui-même, aguiché dans un
premier temps, a vu bien vite les limites, avant de tambouriner
sa mort.
Donc Balzac jouerait avec le fantastique, en sceptique, en
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ironiste. Fantaisiste du fantastique, dira-t-on ? C’est vrai dans
pas mal des exemples rencontrés. Balzac joue du fantastique
plus qu’il n’en use, maniant ce colifichet avec un cynisme de
prestidigitateur. Mais le traitement que Balzac fait subir au fan‑
tastique n’est pas seulement ludique ; il est souvent, comme
l’a bien vu Deschamps, satirique, agressif : Voltaire et Rabelais
pointent derrière Hoffmann. C’est sans doute pour cela que, en
rupture de pacte fantastique, Les Deux Amis, qui sont de 1830,
se désignent comme un « conte satyrique », et non fantasti‑
que. Façon de faire écart avec les modes littéraires ambiantes,
d’ailleurs constamment sur la sellette dans ce conte inachevé58,

56.  Pl., t. V, p. 902.


57.  L’Illustre Gaudissart (décembre 1833), Pl., t. IV, p. 566.
58.  Les Deux Amis. Conte satyrique, Pl., t. XII, p. 663-670. Comme le mon‑
tre Nicole Mozet, la première partie du texte date à l’évidence du printemps
1830. Mais ce n’est pas encore la mode fantastique qui y est en vue, plutôt les
excentricités fantaisistes des « phraséologues » à la mode, Janin, Nodier, Sue, et
les « tours de bissac » des « romanciers de la nouvelle école ». Tout cela avec un
esprit « satyrique » contre les abus de la littérature romantique, qui rappelle les
accents des contemporaines « Complaintes satiriques sur les mœurs du temps
présent » (La Mode, 20 février 1830 ; OD, t. II, pp. 739-748), et fait penser aussi
à ce « Fragment d’une nouvelle satyre Ménippée », qui parait le 18 novembre
dans La Caricature et formera la 2e partie de La Comédie du diable dans les Romans
et contes philosophiques. De même, on constate que le fantastique n’est pas non
plus visé, en mai 1830, dans « De la mode en littérature ». La première marque
de réactivité véritable de Balzac à la mode fantastique semble être, en octobre,
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Ce que Balzac fait au fantastique 75

comme le fera aussi plus tard d’une autre façon la pancarte


Contes drolatiques, brandie pour pousser le pion Rabelais contre
Hoffmann59. L’impression qu’on a, c’est que Balzac ne veut pas
se laisser piéger par la mode ambiante, qu’il est sur ses gardes et
d’emblée réactif par rapport à elle. S’il lui arrive de se contenter
d’en jouer, au double sens du mot, il veut plus encore rivaliser
avec Hoffmann, et son fantastique convenu, cousu de fil blanc.
Trop fantaisiste peut-être…
Mais comment faire pour y parvenir ? Entre autres en
inventant une sorte de « fantastique du réel », comme finira
par le penser Gautier en 1859. C’est dire qu’il est temps de
passer du côté de la réception, pour chercher si les critiques du
temps ne nous aident pas un peu à définir les inflexions que
Balzac fait subir au fantastique.
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3. Le fantastique balzacien vu de haut
Ses modulations fantaisistes, on l’a vu, sont patentes, et
très communes à cette époque. Mais comme le dit un de ses
critiques, la fantaisie de Balzac est souvent « amère60 », plus

les deux Contes fantastiques déceptifs, « Zéro » et « Tout », publiés par La Sil-
houette. Et, en novembre, l’épigraphe de Sarrasine.
59.  Avec, là aussi, plus qu’un soupçon de patriotisme, qu’on retrouve
d’ailleurs dans la manière qu’a la critique d’opposer l’esprit à la française de
Janin aux « humourists anglais » et au « fantastique des Allemands » : « On a voulu
définir aussi le fantastique de J. Janin, et l’on s’est perdu dans toutes sortes de
comparaisons. Non, ce fantastique n’est pas, Dieu merci, le produit de la creuse
rêverie allemande […]. En dernière analyse, J. Janin ne ressemble qu’à J. Janin ;
son esprit est français, son style est français, et c’est pourquoi j’oppose plutôt
que je ne compare son originalité au fantastique des Allemands et à l’humour des
Anglais : aux uns Swift, Addison, Sterne, Ch. Lamb, parmi les humourists ; aux
autres Tieck et Hoffmann, parmi les rêveurs ; à nous J. Janin », « Album », Revue
de Paris, novembre 1832, t. XLIV, p. 64. De même, dans le rejet du fantastique
que manifeste Pagello, imité par Musset, il y a aussi un rejet de l’Allemagne :
« — Je n’aime pas les idées fantastiques, dit-il ; cela nous vient des Allemands,
et cela est tout à fait contraire au vrai beau que cherchaient les arts dans notre
vieille Italie » (G. Sand, Lettres d’un voyageur, op. cit., p. 90).
60.  Commentant Une vie d’homme, croquis, de Gustave Albitte, le recenseur
de la Revue encyclopédique trouve qu’il ne manifeste pas « le scepticisme ironique
de M. Jules Janin, ou la fantaisie souvent amère de M. Balzac », octobre 1831,
t. LII, p. 237.
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76 José-Luis Diaz

acerbe que la pure fantaisie ne le comporte. Certes, lui-même


fait alors métier et marchandise dans ses écrits journalistiques
de l’humour sternien dont il déploie avec agilité les « tours
de bissac61 », expert comme pas un aux pirouettes de « mes‑
sieurs les phraséologues62 ». Mais Balzac ne se contente pas de
jouer. La simple affirmation d’une liberté capricieuse – qui
est bien l’ethos commun à toute la fantaisie romantique, de
Jean-Paul à Schlegel, du Hugo de la Préface des Orientales au
Musset de la dédicace de La Coupe et les lèvres –, ne suffit pas à
le contenter.
On dirait qu’il veut en découdre avec le fantastique apprivoisé
par la fantaisie tel que Hoffmann, mais aussi Loève-Veimars,
Nodier, Janin, toute une école secondée par la presse complice,
en donnent alors une version soft. Alors le fantastique balza‑
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cien prétend se faire non plus seulement dansant, mais noir,
satirique, violent. C’est que le bouffon sait désormais qu’il
danse sur des précipices63. Aussi Balzac participe-t-il plutôt de
cette littérature « émeutière64 », « bacchanale65 », « convulsive66 »,

61.  Les Deux Amis, op. cit., p. 679.


62.  Ibid., p. 682.
63.  Voir La Peau de chagrin, Pl. t. X, p. 102.
64.  La France nouvelle emploie l’expression à propos de La Peau de chagrin :
« L’émeute qui court les rues se trouve aussi dans les livres. La Peau de chagrin,
qu’est-ce, sinon une insurrection en laid, de l’atroce et du faux contre le beau
et le vrai ? C’est une littérature émeutière ; à le soutenir, on risque de passer
pour ce qu’il y a de plus méprisable au monde, au dire de certaines gens : pour
un homme du Juste-milieu dans les arts » (10 octobre 1831, compte rendu des
Romans et contes philosophiques, cité par P. Barbéris, « L’accueil de la critique
aux premières grandes œuvres de Balzac (1831-1832) », AB 1968, p.  174).
De même, selon L’Écho de la Jeune France, Balzac et Janin sont des écrivains
chez qui on entend « hurler l’émeute, bruire la révolte, parler la raison, crier
le sophisme […], ricaner l’indifférence » (t. III-2, p. 106, cité par P. Barbéris,
ibid.., p. 191).
65.  Le recenseur des Roueries de Trialph dans la Revue des Deux Mondes
trouve que leur auteur, Charles Lasssailly, « eût mieux fait de ne pas revêtir sa
pensée d’une forme énigmatique, et de l’exposer au grand jour en évitant toute
parenté avec la littérature bacchanale, qui à l’heure qu’il est se vautre effrontément
au soleil sur la place publique comme une prostituée ivre » (« Chronique de
la quinzaine. Les Roueries de Trialph, notre contemporain », 1er  juillet 1833, t. III,
p. 128).
66.  La Revue critique des livres nouveaux s’en prend par deux fois à elle
en 1833-1834. D’abord à propos de Thaddeus-le-ressuscité de Michel Masson
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Ce que Balzac fait au fantastique 77

« galvanique67 », « convulsionnaire68 », que la presse hostile


dénonce alors avec émoi, tout comme de ce « roman actuel »
que le sage Anne Bignan décrit en 1832 : « épileptique, gal‑
vanique, pulmonique, fantastique, drolatique, satanique »,
et déroulant à plaisir « tout ce que les maux et les vices de
l’humanité ont de plus révoltant »69.
Cette nuance de violence destructrice et « satyrique » au
sein du fantastique venu d’Hoffmann, Janin aussi bien que
Deschamps la perçoivent dans La Peau de chagrin. Selon Janin,
ce « fantasque jeune homme », impossible à analyser (topos fan‑
tastico-fantaisiste par excellence, on l’a vu) a écrit là un conte
« colère et brutal », un « livre brigand » dont « la puissance
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et Auguste Luchet : « Faites-nous des contes de l’atelier, des romans comme
Le Maçon ; mais laissez là ces scènes de littérature convulsive qui cadrent si mal
avec votre style naturel et franc » (n° 3, mai-juin 1833, p. 72). Puis à propos de
Toussaint-le-Mulâtre, d’Antony Thouret : « Littérature convulsive, monstruosités
morales et physiques, monde infernal », n° 9, septembre 1834, p. 142.
67.  La Revue encyclopédique la dénonce à propos de Sous les tilleuls d’Al‑
phonse Karr : « Qui n’est pas malade et souffrant de cette littérature galvanique,
comme on l’a nommée, qui, pour produire le moindre effet, ne craint pas de
mettre le cœur humain tout entier au pillage ? » (juillet 1832, t. LV, p. 217).
L’expression de « littérature galvanique » figurait dans la préface du tome I du
Salmigondis, contes de toutes les couleurs, qui s’en prend à « la littérature galva‑
nique dont nous sommes obsédés » (Paris, H. Fournier, 1832, p. 1). Elle est
citée par le recenseur de ce recueil dans la Revue des Deux Mondes, qui met en
lumière la contradiction qu’il y a entre une telle dénonciation et le genre de
certains des contes du recueil : « — Qu’est-ce à dire, s’écrieront ces candides
personnes, veut-on nous donner ces contes pour des contes couleur de rose ?
Ne voilà-t-il pas bien du galvanisme littéraire s’il en fut, et du plus complet ?
— Oh ! répondra l’éditeur, faisant effort pour s’empêcher de rire, pourquoi,
messieurs, prenez-vous les préfaces au mot, ou plutôt pourquoi les lisez-vous ?
Je vous annonce au surplus des contes de toutes les couleurs. Or le fantastique
est une couleur de contes fort à la mode, à moins de faire mentir mon titre,
sinon ma préface, je ne puis donc en conscience vous dispenser du fantastique »
(« Chronique de la quinzaine, 14 octobre 1832, Le Salmigondis », 15 octobre
1832, t. VIII, p. 244).
68.  Littérature galvanique et convulsionnaire, c’est tout un selon La France
littéraire : « Que font […] ceux qui veulent attirer l’attention publique ? De la
littérature galvanique et convulsionnaire. Des titres hideux blessent nos regards ;
des drames, rouges de meurtres et sentant la taverne, se traînent sur nos théâtres
qu’on prostitue ainsi à l’horrible en permanence » (juillet 1832, t. III, p. 193).
69.  « Réflexions » en tête de L’Échafaud, Paris, Mme Béchet, 1832, p. 25.
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78 José-Luis Diaz

littéraire se révèle par le chaos »70. Selon Deschamps, il a écrit


des « contes misanthropiques ». Sous une « enveloppe capricieuse
et fantastique » ce « grand mystificateur » y reflète à « touches
brusques » « notre époque », « avec l’anarchie de ses croyances »
et « ses inconséquences et ses contrastes »71. Ce qui revient bien
à donner un sens social au fantastique, et plus encore à le faire 
changer radicalement d’ethos. Mais c’est Balzac lui-même qui, se
faisant son propre recenseur dans L’Artiste en octobre 1831, défi‑
nit le mieux son projet à cet égard, à la fois de dissection du mal
social et de marquage au fer chaud d’une société sans cœur :
Comme le monde est disséqué par cet homme ! Quel analyste !
quelle passion et quel sang froid !
Les Contes philosophiques sont l’expression au fer chaud d’une civi‑
lisation perdue de débauches et de bien-être que M. de Balzac expose
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au poteau infamant.
Leur auteur, dit Balzac de lui-même, s’en est pris à « notre
société, si dangereusement sceptique, blasée et railleuse, véri‑
table Phœdora sans âme et sans cœur », tout en réussissant à
la remuer par les « galvaniques secousses de cette poésie des
sens, colorée, vivante, en chair et en os »72 qui resplendit dans
La Peau de chagrin.
Balzac ou le fantastique revu et corrigé, dramatisé pour
rendre compte d’un siècle lui-même fantasmagorique :
La Peau de chagrin, […] c’est les misères, c’est le luxe, c’est la foi,
c’est la moquerie, c’est la poitrine sans cœur et le crâne sans cervelle du

70.  « Fantasque jeune homme, impossible à définir, impossible à compren‑


dre, impossible à expliquer, impossible à analyser ; véritable chaos moral, éclairé
de temps à autre par d’incertaines et bizarres clartés, je ne saurais vous dire tout
ce qu’il y a dans ce livre, dites-moi, vous qui l’avez lu, ce qu’il n’y a pas ! L’ana‑
lyse se heurte et se brise le front contre un livre pareil. Elle a beau vouloir s’em‑
parer de cette puissance littéraire qui se révèle au monde par le chaos, ce chaos
lui échappe, et elle se met à lire l’imbécile critique, entraînée qu’elle est par ce
phosphore animal dont elle n’ose pas approcher. Écoutez : il n’y a rien à dire de
ce livre. Je vous jure que la chose est superflue. C’est un conte plus qu’oriental,
parfumé, élégant, colère et brutal […] » (Jules Janin, « Aperçu des publications.
La Peau de chagrin, par M. de Balzac », L’Artiste, 14 août 1831, t. II, p. 18).
71.  « M. de Balzac », Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1831, p. 318.
72.  [Honoré de Balzac], « Romans et contes philosophiques, par M. de Balzac »,
L’Artiste, 2 octobre 1831, t. II, p. 96 (voir OD, t. II, p. 1193-1194).
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Ce que Balzac fait au fantastique 79

xixe siècle, ce siècle si paré, si coquet, si musqué, si révolutionnaire, si


peu lettré, si peu quelque chose ; ce siècle de fantasmagories brillantes
dont on ne pourra plus rien saisir dans cinquante ans, excepté la Peau de
chagrin de M. de Balzac73.
Le fantastique de Balzac se veut ainsi un fantastique « gal‑
vanique », qui cloue au pilori toute une civilisation, et donc
aussi un fantastique social, qui tire le fantastique des entrailles
même d’une société désorganisée, plutôt que de la fumée de la
pipe d’un conteur allemand, et moins encore des rêveries d’un
Narcisse littéraire ivre de sa pure fantaisie, et pratiquant ce que
Hegel désigne alors sous le nom d’ironie romantique en s’en
prenant à Friedrich Schlegel et à Jean-Paul74.
Le fantastique tel que Balzac le décline se veut bien plus
dramatique. Parfois un fantastique sexuel, on l’a vu : et Sainte-
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Beuve de pester contre ce « fantasque » qui sitôt se dégrade en
« orgiaque »75. Plus encore un fantastique de la décomposition
sociale. Déjà Nodier, à sa manière, avait fait du fantastique la
littérature obligée d’un âge de révolution76. Et ces implications
réciproques du fantastique et de la crise sociale sont communes
dans la critique du temps, comme il resterait à le montrer à une
autre occasion.
Mais Balzac va plus loin. Son fantastique social sera ce fan‑
tastique urbain qu’il découvre en écrivant Ferragus en mars
1833, derrière le Paris « kaléidoscopé » qu’en novembre 1830

73.  Ibid.
74.  L’ironie romantique, telle que Hegel et Kierkegaard l’ont définie,
d’après Friedrich Schlegel et Solger, est l’attitude purement esthétique d’un
artiste ludique et irresponsable qui, pratiquant la « négativité infinie et absolue »,
exerce son dédain souverain sur tout le donné, pour fonder sur ce refus absolu
de tous les contenus concrets et stables son pouvoir infini de mobilité spirituelle
(Hegel, Introduction à l’esthétique, Paris, Aubier-Montaigne, 1976, p. 136).
75.  « Poètes et romanciers de la France. XVI. M. de Balzac, La Recherche de
l’absolu », Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1834, t. IV, p. 448.
76.  « Le fantastique demande à la vérité une virginité d’imagination et de
croyances qui manque aux littératures secondaires, et qui ne se reproduit chez
elles qu’à la suite de ces révolutions dont le passage renouvelle tout. […] Voilà
ce qui a rendu le fantastique si populaire en Europe depuis quelques années, et
ce qui en fait la seule littérature essentielle de l’âge de décadence ou de transi‑
tion où nous sommes parvenus » (Charles Nodier, « Du fantastique en littéra‑
ture », Revue de Paris, 28 novembre 1830, t. XX, p. 209).
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80 José-Luis Diaz

il avait mis en lumière dans « Les Voisins »77. Celui qu’offrent


à Paris « des effets de nuit singuliers, bizarres, inconcevables » ;
qui font que « la femme y devient fantastique, à la brune », à
la fois démon et feu follet78. Paris tout entier devient ainsi une
« grande courtisane », dont les amants « connaissent parfaite‑
ment la tête, le cœur et les mœurs fantasques »79 ; celui que
proposent au « plongeur littéraire » les « monstruosités curieu‑
ses » de la maison Vauquer, avec sa célèbre enseigne : « All is
true »80. Et là aussi l’épigraphe primitive de Ferragus, en décem‑
bre 1833, fait figure de manifeste, comme le fut, on l’a vu, celle
de Sarrasine en novembre 1830. Attribuée à Lautour-Mézeray,
elle situe explicitement ce roman urbain comme une ponc‑
tuation décisive dans l’histoire littéraire du genre fantastique,
en revendiquant pour l’auteur l’exploration d’un fantastique
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nouveau, jusque-là insoupçonné, le « fantastique de Paris », ter‑
rain prometteur d’explorations sociales :
Lautour-Mézeray
Personne encore ne nous a raconté quelque aventure parisienne
comme il en arrive dans Paris, avec le fantastique de Paris, car je soutiens
(il fait tourner sa canne) qu’il y a beaucoup de fantastique dans Paris. (Dis‑
cussions Philosophiques)81.
Tout à fait dans cette même ligne, quand Balzac finira un
jour par rendre un hommage tardif à « Hoffmann le Berlinois »
dans Splendeurs et misères des courtisanes ; ce sera pour transposer
le fantastique hoffmannien dans son univers propre, celui de ce
« quartier général » de la prostitution nocturne qu’est à Paris

77.  Petit bijou trop méconnu qu’il publia dans La Caricature (voir Pl., t. XII,
pp. 869-871).
78.  Pl., t. V, p. 797.
79.  Ibid., p. 795.
80.  Pl., t. III, p. 50 : « Mais Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde,
vous n’en connaîtrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez-le : quelque
soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire, […] il s’y rencontrera toujours
un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des monstres, quelque
chose d’inouï, oublié par les plongeurs littéraires. La Maison Vauquer est une de
ces monstruosités curieuses » (Pl., t. III, p. 59).
81.  « Histoire des Treize. I. Ferragus, chef des dévorans », Revue de Paris, 10 mars
1833, t. XLVIII, p. 156, et Pl., t. V, var. a de la p. 793.
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Ce que Balzac fait au fantastique 81

la rue de Langlade82. Même jeu dans Les Employés où, en des‑


cendant de quelques crans dans le prosaïque, « le génie d’Hof‑
fmann, ce chantre de l’impossible », est censé n’avoir « rien
inventé de plus fantastique » que le grotesque empilement de
meubles qu’étale sur le pavé de Paris le déménagement d’une
administration83. Et Balzac de se plaindre, en revanche, de tous
ces tableaux de Paris que la « littérature panoramique » mul‑
tiplie alors, et qui, au lieu du Paris réel, proposent au public
un « Paris fantastique »84. « Fantastique », le mot est ici un faux
ami ; entendons fantaisiste, de convention. Aux antipodes du
Paris galvanique de La Comédie humaine, dont le fantastique, lui,
se veut réel.
Bien sûr, il ne faut pas oublier que Balzac n’a pas que ce seul
registre à sa disposition. « Quand il voudra être simple, il saura
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l’être […]. On le verra changer les couleurs de sa palette »,
fait-il écrire à Philarète Chasles en 183185, pour annoncer les
transformations possibles de sa veine, au rebours du fantastique
social : celles que le préambule d’Eugénie Grandet confirmera,
d’éclatante façon, en 1833, en proposant l’atone province
comme défi – gagné déjà – à qui a si bien réussi dans le fan‑
tastique parisien.
D’autre part, le fantaisiste en Balzac trouvera lui aussi à sur‑
vivre après ce tournant, comme le démontre amplement le
présent volume.

82.  « Mais, quelque temps qu’il fasse, cette nature étrange offre toujours le
même spectacle : le monde fantastique d’Hoffmann le Berlinois est là » (Splen-
deurs et misères des courtisanes, Pl., t. VI, p. 447).
83.  « Jamais le génie d’Hoffmann, ce chantre de l’impossible, n’a rien
inventé de plus fantastique. On ne se rend pas compte de ce qui passe dans les
charrettes. Les cartons baillent en laissant une traînée de poussière dans les rues.
Les tables montrant leurs quatre fers en l’air, les fauteuils rongés, les incroyables
ustensiles avec lesquels on administre la France, ont des physionomies effrayan‑
tes » (Les Employés, Pl., t. VII, p. 956).
84.  « Ce que j’ai vu de plus beau dans ce genre de lutte, dit maître Desro‑
ches, peint, selon moi, Paris, pour des gens qui le pratiquent, beaucoup mieux
que tous les tableaux où l’on peint toujours un Paris fantastique » (Un homme
d’affaires, Pl., t. VII, p. 779).
85.  Philarète Chasles, « Introduction » aux Romans et contes philosophiques,
septembre 1831, Pl., t. X, p. 1196.
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82 José-Luis Diaz

Mais la ligne du « fantastique réel » semble bien avoir été la


sienne propre.
Certes, fantastique et réel restent des contraires, comme la
critique du temps ne manque pas de le rappeler. Ainsi fait
Samuel-Henry Berthoud lorsqu’en pleine décrue de la mode
fantastique il énonce que « par le temps qui court, le réel offre
plus d’attraits que le fantastique, si bien que les conteurs désap‑
pointés ne savent plus que faire de leurs histoires, vaincus qu’ils
sont en terrible et en intérêt par les nombreux événements de
chaque jour86 ». Balzac, dont on sait les rapports d’influence
réciproque qu’il a eus avec Berthoud87, n’est pas loin sans
doute de penser la même chose88.
Mais si l’on veut définir pourtant ce qui semble avoir été
sa voie royale, il faut admettre qu’il fonctionne ici, comme
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partout, selon la logique de l’oxymore. Point vraiment d’op‑
position chez lui entre le fantastique et le réel. C’est ce que
finira par suggérer Gautier, évoquant à son propos sinon un
fantastique du réel, du moins une « effrayante vérité fantastique,
si ces deux mots peuvent s’allier ensemble » : celle que Balzac
aurait trouvée en représentant Mme Fontaine et son crapaud
Astaroth89. De quoi solidariser en lui le réaliste et le voyant,

86.  Samuel-Henry Berthoud, Le Régent de rhétorique, mœurs flamandes, Paris,


chez les marchands de nouveautés, 1833, p. 5.
87.  Sur leurs relations, voir l’article de Madeleine Ambrière, « Dans le
sillage des grands Romantiques : S.-H. Berthoud », AB 1962, pp. 213-243, et
le chapitre « Balzac et ses amis flamands » dans Balzac et La Recherche de l’Absolu,
Paris, Puf, 1968 et 1999.
88.  De même, en 1838, Raymond Brucker annonce : « Le fantastique va
baisser pavillon devant le réel. Réellement et matériellement, nous explorerons
de concert les magies étranges de ces nouveaux mondes. Nous planterons enfin
la bannière du paradis sur tel ou tel point de l’espace qu’il vous plaira de choisir ;
et, pour accomplir ces merveilles, il nous suffira des choses que nous avons sous
la main » (Le Bouquet de mariage. Révélations sur les mœurs du siècle, Paris, Gosselin
et Coquebert, t. I, 1838, p. 353).
89.  « Il faut croire, cependant, que Balzac trouva seul cette madame Fon‑
taine que nous cherchions de concert, car [...] il l’a représentée entre sa poule
Bilouche et son crapaud Astaroth avec une effrayante vérité fantastique, si ces
deux mots peuvent s’allier ensemble » (Théophile Gautier, Honoré de Balzac,
Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1859, p. 167). Même tentation chez Nodier
dans le titre même de « Paul, ou la Ressemblance, histoire véritable et fantasti‑
que » (Œuvres complètes, Paris, Renduel, t. XI, 1837, pp. 251-286).
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Ce que Balzac fait au fantastique 83

pour parler comme Baudelaire et Chasles. La mise en tension


chez Balzac de ces deux contraires se fait au prix de la redéfi‑
nition d’un fantastique sui generis, rompant avec le ludisme de
la fantaisie, comme avec son attirail convenu de spectres.
Le fantastique du Palais-Royal dans Un grand homme de pro-
vince à Paris, sinistre « amas de crottes » mais aussi « palais fan‑
tasque » à « écriteaux fantastiques »90. Mais déjà, le fantastique
qui caractérise le « récit de désespoir » que Raphaël fait au
milieu d’une orgie : « agité, coloré, brûlant, enivrant comme
les flammes du punch », « tour à tour fantastique et réel »91. La
formule est tirée du « chapeau » introductif du « Suicide d’un
poète », fragment de La Peau de chagrin que la Revue de Paris
publie sous ce titre en mai 1831. Et si rien ne nous dit qu’elle
soit de Balzac, force est de constater qu’elle caractérise bien ce
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qui, dès lors, semble avoir constitué une de ses lignes direc‑
trices. C’est en tout cas celle qu’on retrouve encore en 1843
dans la préface d’Une ténébreuse affaire, où Balzac témoigne de
ce moment luciférien de joie profonde : « la joie du romancier
voyant des personnages fantastiques réels92 ».
José-Luis Diaz

90.  Pl., t. V, pp. 356-357.


91.  Introduction (de Balzac ? de la rédaction ?) à l’extrait de La Peau de
chagrin publié sous le titre : « Le suicide d’un poète. Fragment de La Peau de
chagrin », Revue de Paris, 29 mai 1831, t. XXVI, p. 300.
92.  Pl., t. VIII, p. 496.

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