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LE BLUES POST-NATAL : UN MARQUEUR DU LIEN

INTERSUBJECTIF

Sarah Bydlowski et al.

Presses Universitaires de France | La psychiatrie de l'enfant

2014/1 - Vol. 57
pages 5 à 62
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ISSN 0079-726X

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http://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2014-1-page-5.htm
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Pour citer cet article :


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Bydlowski Sarah et al.,« Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif »,
La psychiatrie de l'enfant, 2014/1 Vol. 57, p. 5-62. DOI : 10.3917/psye.571.0005
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MÉMOIRES CLINIQUES
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Dynamique des émotions
Blues du post-partum
Régulations du nouveau-né
Interactions mère-bébé
Expérience psychique
maternelle

Le blues post-natal :
un marqueur du lien
intersubjectif
Sarah Bydlowski1
Laurence Vaivre-Douret2
Christophe Lalanne3
Gisèle Apter4
Bernard Golse5

Le blues post-natal  : un marqueur du lien intersubjectif

Malgré l’intérêt suscité par le blues du post-partum dans la littéra-


ture scientifique, celui-ci reste un phénomène encore mal délimité sur

1. Pédopsychiatre, Psychanalyste, Praticien Hospitalier au Département de


Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’Association de Santé Mentale du XIIIe
arrondissement (Paris), Docteur en Psychopathologie, Membre de l’équipe « Neuro-
développement et troubles des apprentissages » de l’Unité Inserm 669 (Universités
Paris-Sud et Paris Descartes).
2. Neuropsychologue clinicienne (Hôpitaux universitaires Paris Centre,
Cochin Port-Royal), Professeur de Psychologie du développement à l’Univer-
sité Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, Responsable de l’équipe « Neuro-
développement et troubles des apprentissages » de l’Unité Inserm 669 (Hôpital
Necker Enfants Malades, Paris).
3. Docteur en sciences, statisticien à l’Hôpital Saint Louis (AP-HP) et à l’Unité
Inserm 669 (Universités Paris-Sud et Paris Descartes).
4. Pédopsychiatre, Chef de Pôle à l’Hôpital Erasme (Hauts de Seine), HDR en
Psychopathologie à l’Université Paris Diderot.
5. Pédopsychiatre, Psychanalyste (membre de l’Association Psychanalytique
de France), Chef du service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants
Malades (Paris), Professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Uni-
versité Paris Descartes (Paris 5), Sorbonne Paris Cité.
Psychiatrie de l’enfant, LVII, 1, 2014, p. 5 à 62
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le plan clinique et nosographique. Notre objectif était d’en préciser les


contours cliniques en comparant des femmes traversant ce phénomène à
des femmes sans blues, et de préciser les différences éventuelles de styles
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interactifs mère-bébé et leurs conséquences sur le développement premier

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de l’enfant. Le suivi longitudinal de la naissance aux deux mois de vie
de l’enfant a concerné 22 dyades mère-bébé. Nos résultats font ressortir
deux groupes distincts de femmes présentant un blues : des mères au blues
« habituel » correspondant aux descriptions classiques, et des mères au
blues « triste », mais non cliniquement déprimées. Le blues post-natal
pourrait témoigner du travail psychique participant à l’élaboration
intérieure de « l’événement naissance », dans la mesure où son absence,
de même que son caractère exclusivement triste, signe une fragilité du
pare-excitation et des capacités de contenance maternelle. Surtout, nous
montrons que certaines compétences précoces du nouveau-né, notamment
l’organisation du réflexe main-bouche à l’examen de Brazelton, sont le
fait exclusif des bébés dont la mère présente un blues habituel. Cette
acquisition d’une capacité d’auto-réconfort par le nouveau-né constitue
une compétence particulière d’organisation et de coordination tant sur le
plan psychomoteur que sur le plan tonico-postural, mais, c’est son asso-
ciation aux qualités psychiques maternelles qui constitue un fait nouveau.
Le repérage de cette compétence permet de mettre en valeur la dimension
précoce de l’échange émotionnel entre mère et enfant probablement pré-
sente dès la vie in utero. Enfin, dans notre population, la présence d’un
blues habituel et d’un réflexe main-bouche dès la naissance garantit des
interactions mère-bébé à huit semaines ajustées et accordées. Inversement,
les échanges mère-bébé à deux mois sont marqués par la dysharmonie en
cas de blues triste et d’absence de compétence main-bouche au Brazelton.
Le blues pourrait donc constituer un marqueur du lien intersubjectif
mère-bébé et intervenir dans l’évolution neuropsychomotrice de l’enfant.

post-partum Blues: A marker for intersubjective bonds

In spite of the growing interest in post-partum blues in the scien-


tific literature, this phenomenon remains loosely defined at the clinical
and nosographic levels. Our objective has been to establish more precise
clinical contours by comparing women going through such a state with
others not suffering from post-partum blues, and to specify the differ-
ences, if they exist, in mother-baby interactions of each group and their
consequences on the early development of the child. The longitudinal
study from birth till 2 months of age concerned 22 mother-baby dyads.
Our results reveal two distinct groups of women suffering from the blues :
mothers with « ordinary » blues, corresponding to the usual descriptions,
and mothers with « sad » blues, who are not sick enough to qualify as
being clinically depressed. Post-natal blues thus seem to indicate psychic
work contributing to the internal elaboration of the « birth event » ; their
absence, or their exclusively sad style indicate a fragility of the protective
shield and of the mother’s containing ability. More important, we show
that some early abilities of the newborn, particularly the organisation
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of the hand-mouth reflex according to Brazelton’s clinical check-list are


exclusively visible in mothers presenting ordinary blues. This acquisition
of a self-comforting ability by the baby constitutes a particular organ-
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izing and coordinating ability both at the psychomotor and the tonico-

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postural levels, but it is the association between this capacity and some
psychic mothering qualities which are a new discovery. Pinpointing
this ability makes it possible to show the early dimension of emotional
exchange between the mother and the child, probably already present
during intrauterine life. Finally, in our population, the presence of an
ordinary type of blues and a hand-mouth reflex immediately after birth
was a guarantee that mother-baby interactions at 8 weeks of age would
be adjusted and atttuned. On the other hand, mother-baby exchanges at
two months were marked by dysharmony in the case of sad blues and the
absence of hand-mouth ability as measured by Brazelton. The blues could
thus constitute a marker of the intersubjective monther-baby bond in the
neuro-psychomotor evolution of the child.
Keywords : Dynamics of emotions – Post-partum blues – Newborn
regulatory mechanisms – Mother-baby interactions – Maternal psychic
experience.

EL “BLUES” POST PARTO:


UN INDICIO DEL VÍNCULO INTERSUBJETIVO

A pesar del interés que suscita en la literatura científica, el “blues”


post parto sigue siendo un fenómeno mal definido en la clínica y en la
nosografía. Hemos tratado de precisar cuales son sus límites clínicos,
comparando a las mujeres que sufren este fenómeno con las mujeres que
no lo experimentan, poniendo de relieve las diferencias de estilo interac-
tivo madre-bebé y sus consecuencias sobre el primer desarrollo del niño,
El seguimiento longitudinal desde el nacimiento hasta los dos meses de
vida del niño, se centra en 22 parejas madre-bebé. Los resultados mues-
tran 2 grupos distintos: el primero de mujeres que corresponden a las
descripciones habituales de “blues” normales y el segundo de madres con
“blues tristes” pero no deprimidas clínicamente. El “blues” post-parto
forma parte del trabajo psíquico que supone la elaboración interna de
“el acontecimiento del nacimiento”; el “blues” inexistente o la simple tris-
teza demuestran la fragilidad de la para- excitación y de las capacidades
de contención maternas. Nuestra demostración se basa en las compe-
tencias precoces del recién nacido, especialmente en la organización del
reflejo mano/boca (examen de Brazelton) que solo aparecen en los bebés
de las madres con un “blues” normal. La capacidad auto-calmante del
recién nacido revela su competencia de organización, de coordinación
psico-motoras y de tono postural, pero la relación con las cualidades
psíquicas maternas es un factor significativo. Esta nueva competencia
demuestra la precocidad del intercambio emocional entre madre y bebé
que probablemente ya está presente a partir de la vida in útero. Volviendo
a nuestra población: el “blues” normal y el reflejo mano/boca a partir
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del nacimiento garantiza una interacción ajustada y acordada entre la


madre y el bebé. En cambio, en el caso de un “blues” triste los intercam-
bios madre-bebé reflejan al cabo de dos meses un desajuste y una falta de
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competencia del reflejo mano/boca (Brazelton). El “blues” es un índicio

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del vínculo inter-subjetivo madre/bebé que interviniene en la evolución
neuro-psico-motora del niño.
Palabras clave: dinámica de las emociones, “blues” del post-parto,
regulación del recién nacido, interacción madre-bebé, experiencia psí-
quica materna.

« Tous les changements, même les plus souhaités,


ont leur mélancolie. »
(Anatole France, Le crime
de Sylvestre Bonnard, 1881)

La problématique développée au fil des pages qui


suivent concerne les enjeux psychiques de l’immédiat après-
naissance. S’y nouent fondamentalement l’expérience
maternelle traversée et les tout premiers temps de l’organi-
sation psychique du nouveau-né, mais aussi les mystères des
échanges réciproques entre le registre intrapsychique et le
champ interpersonnel. Cette période encore mal connue du
post-partum très précoce cristallise ainsi la complexité des
théorisations contemporaines autour de la naissance.
Les paradoxes épistémologiques rassemblés autour de la
notion de blues post-natal constituent le point de départ et le
fil rouge de nos réflexions. Ce terme évocateur, qui renvoie
aux mélodies nostalgiques chantant l’Afrique perdue, s’est
finalement imposé pour caractériser ce curieux phénomène
clinique, vers la fin des années soixante (Yalom et al., 1968).
Mais les témoins de la naissance connaissent depuis toujours
ce moment émotionnel incompréhensible, mais sans gravité,
fait de larmes et de tristesses subites et transitoires, surve-
nant dans les jours mêmes où devrait se célébrer un heu-
reux événement. Louis-Victor Marcé, dès 1858, en propose
une première description clinique qui reste d’une singulière
actualité :
« Période prodromique de la manie des nouvelles accouchées qui
varie de quelques heures à cinq ou six jours. Les femmes sont
tristes, moroses, mais plus souvent excitées. Leurs manières et
leurs allures se modifient ; elles se montrent affectueuses à l’excès
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pour leur enfant, pour leur famille, ou pleines d’une aversion


déraisonnable pour ceux qu’elles aimaient le plus jadis. Leur
loquacité est intarissable, elles pleurent ou elles rient sans motif.
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Les sens deviennent plus actifs ou plus subtils, le moindre bruit

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affecte l’ouïe d’une manière pénible, une lumière trop vive fait
souffrir. Cet état d’excitation qu’il n’est pas rare d’observer mais
à un faible degré chez les femmes impressionnables, au moment de
la fièvre de lait, peut se calmer de lui-même ou par des soins bien
entendus, dès que la sécrétion lactée est établie. Il disparaît alors
sans laisser de traces. »
Aussi diverses soient-elles, les expressions cliniques du
blues sont d’une si grande fréquence qu’on a pu les référer
à la normalité, et tout au moins les distinguer d’autres situa-
tions pathologiques du post-partum, les décompensations
psychotiques notamment. Pourtant, à la suite des travaux
de Brice Pitt (1968) assimilant le blues à une dépression
atypique, une confusion durable s’installe avec les tableaux
dépressifs du post-partum, qui ne seront qu’ultérieurement
décrits. Parfois limité, pendant quelques jours, à une labilité
de l’humeur, à une euphorie transitoire, à quelques crises
de larmes en décalage avec les sentiments et à une irritabi-
lité, le blues post-natal est, dans d’autres circonstances, plus
sévère, intense, l’occasion de sentiments dépressifs accusés,
voire de confusion et de dépersonnalisation, interférant dans
les relations de la mère avec son enfant et son entourage,
déstabilisé par ce phénomène insolite, en rupture avec le
comportement de la jeune mère et peu lié aux circonstances
extérieures.
Bien que de nombreuses études aient, par la suite, été
menées dans ce domaine et de considérables progrès accomplis
dans la compréhension des mécanismes de l’humeur, le blues
reste peu compris sur le plan psychopathologique. La confu-
sion est grande au sein des recherches et les résultats diffi-
ciles à généraliser. Sous le terme de blues du post-partum
sont réunis des phénomènes cliniques très hétérogènes du
point de vue de leur évolution, de leur durée, de leur inten-
sité et de leur gravité.
Malgré l’hétérogénéité des méthodologies et des sémio-
logies retenues, les professionnels de terrain s’accordent
cependant sur un certain nombre de caractéristiques : la
très grande fréquence de survenue du blues qui touche plus
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de la moitié des accouchées dans les dix premiers jours sui-


vant la naissance, l’intensité de l’amplitude émotionnelle qui
le constitue, son caractère transitoire et réversible, et enfin
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sa fonction d’ouverture à l’échange avec le nouveau-né.
Le blues a ainsi longtemps constitué l’entité nosogra-
phique la plus fréquemment évoquée de la psychiatrie péri-
natale, tout en étant la plus polémique, car privée de toute
définition consensuelle. L’une des raisons principales en est,
selon nous, la très grande instabilité et le désordre chao-
tique qui caractérisent la clinique du post-partum immédiat
(PPI), faite d’intrications cliniques entre soma et psyché et
entre différents niveaux de fonctionnement psychique. Ces
intrications entremêlent les niveaux générationnel et identi-
ficatoire. Elles conduisent à des déplacements, projections
et investissements multiples sur l’environnement familial
élargi, comme sur les divers intervenants de la Maternité,
avec indifférenciation relative et fluctuation des places et des
fonctions.
Le grand intérêt suscité un temps par le blues du post-
partum, porté par l’espoir d’une modélisation possible des
variations de l’humeur, a finalement considérablement décru
du fait, sans doute, de l’échec à mettre en évidence une causa-
lité biologique à ce phénomène clinique stéréotypé, cumulant
la fin du stress de la grossesse et de l’accouchement avec des
conditions hormonales nouvelles. L’accumulation empirique
de résultats épars et disparates est probablement, pour une
part, liée au manque d’une théorisation solide a priori et de
construction de concepts suffisamment heuristiques concer-
nant les enjeux psychiques du post-partum immédiat.
Tenter de relever ce défi nous a paru être prometteur de
perspectives encore inexplorées. Les nombreuses recherches
et notations cliniques portant sur ce phénomène ont en effet
laissé certaines questions de côté. L’une d’elles concerne le
fonctionnement psychique des mères qui n’expérimentent
pas le bouleversement émotionnel du blues. Ces femmes qui
ne semblent pas éprouver ce « vécu douloureux subjectif »
(Rochette, 2009) n’ont, jusqu’à présent, jamais suscité l’inté-
rêt scientifique. L’absence de blues n’a donc pas été spécifiée
en tant que telle et l’on ignore tout du style interactif de ces
mères avec leur bébé et des conséquences éventuelles de
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ces qualités émotionnelles sur le développement et l’organi-


sation précoces du nouveau-né.
Ces interrogations ont parcouru l’ensemble de nos tra-
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vaux qui s’organise en deux parties essentielles. La pre-
mière s’inscrit dans une perspective clinique et tente une
compréhension psychodynamique et métapsychologique du
post-partum immédiat. La deuxième expose une recherche
soumettant des hypothèses à la mise en œuvre d’un protocole
expérimental.

Vers une clinique psychodynamique


du post-partum immÉdiat

Pour construire notre problématique de recherche, nous


avons tout d’abord réuni les principaux travaux sur l’expé-
rience psychique maternelle en période périnatale, depuis
les observations fondatrices de Marcé (1858) jusqu’aux
recherches les plus contemporaines (Deutsch, 1944-45 ;
Winnicott, 1956 ; Benedek, 1959 ; Bibring et al., 1961 ;
Racamier et al., 1961 ; Raphael-Leff, 1991 ; Revault
d’Allonnes, 1991 ; Bydlowski, 1991, 1997, 2000 ; Bayle,
2005). Nous nous sommes ensuite intéressés à l’étude des
interactions précoces du bébé avec ses partenaires, initiée par
Serge Lebovici dans les années 1970 (1983, 1998, Lebovici et
al., 1989), notamment dans leur dimension fantasmatique,
puis largement poursuivie par les tenants de la théorie de
l’attachement, Edward Tronick (1998, Tronick et al., 1978,
1989, 1994) et Peter Fonagy (1991, 1993, 2001) plus parti-
culièrement. Concernant les origines de la vie psychique, les
ouvertures théorico-cliniques des post-kleiniens ont connu de
larges développements, grâce à une confrontation à d’autres
champs cliniques, les cures psychanalytiques d’adultes et les
pathologies archaïques de l’enfance notamment (Winnicott,
1958 ; Bion, 1962 ; Anzieu, 1985 ; Bick, 1968 ; Meltzer et
al., 1980). Ces travaux invitent à un nécessaire retour sur
ses éprouvés contre-transférentiels, permettant parfois
d’entrevoir quelque chose de l’expérience initiale traversée
par le tout petit (Golse, 2006). Dans le champ périnatal, les
confrontations pluridisciplinaires d’approches très diverses
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sont à l’image de celles qui se jouent chez le bébé et ses


parents, où tout ce qui est psychique s’exprime préférentiel-
lement par le corps, obligeant chacun à un retour sur ses
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propres sensorialités et émotions.
Nous nous sommes ensuite appuyés sur le modèle inter-
subjectif de la dynamique émotionnelle du lien et sur l’intri-
cation somato-psychique caractérisant le travail de l’émotion,
suivant ainsi les récents travaux de René Roussillon (2000,
2004, 2005, 2008) et de Denis Mellier (2002, 2005). Nous envi-
sageons ainsi la très grande complexité de l’épigénèse périna-
tale qui noue ensemble et fondamentalement les processus de
la naissance psychique d’une part, ceux de la parentalité en
devenir d’autre part.
Dans le post-partum immédiat, mère et bébé se trouvent
confrontés à une série d’enjeux déterminants pour l’avenir
de leurs liens. La mère est nostalgiquement renvoyée à la
situation de sa propre naissance et se trouve massivement
replongée dans une réactualisation de ses conflits infantiles
restés irrésolus. On sait désormais que la femme qui accouche
doit faire face à la perte de l’objet interne de la grossesse
et au risque de débordement de son pare-excitation et de
ses capacités de contenance par un trop plein d’affects.
Le nouveau-né, du fait de son immaturité physique et psy­-
chique et de ses besoins, la confronte à son amour désor-
donné, comme l’écrivait Donald Winnicott (1947), et lui
impose un « déficit intersubjectif », selon la formule de Joëlle
Rochette (2009) sur laquelle nous reviendrons.
Jusqu’ici, le blues du post-partum a généralement été
abordé sur le plan quantitatif et phénoménologique des signes
qui le constituent. Dans la perspective des travaux précé-
demment cités, nous proposons un autre regard qui permet
de considérer l’émotion comme témoin du travail précoce
de symbolisation de l’expérience dans l’intersubjectivité et
permet ainsi de changer de paradigme pour aborder le blues
post-natal, en suivant la deuxième théorie de l’angoisse freu-
dienne (Freud, 1926). Ce point de vue renouvelle le ques-
tionnement sur ce phénomène clinique et nous a permis de
formuler les hypothèses de la recherche que nous exposons ci-
après. Dès lors, la problématique psychique du post-partum
immédiat se pose comme suit : Les émotions éprouvées lors
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du blues sont-elles à considérer comme des affects-signal


permettant une mise en phase avec les besoins de l’enfant ?
Sont-elles plutôt les témoins d’affects-débordement, mettant
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à l’épreuve la contenance maternelle ? Cette théorisation
nous permet conjointement de nouer cette interrogation
sur le blues avec celle de la mise en forme des souffrances
et agonies primitives du bébé qui lui permet de passer d’une
angoisse irreprésentable à un éprouvé signifiant, l’émotion,
dans l’interaction.
En poursuivant l’idée de l’intrication somato-psychique
qui caractérise le travail de l’émotion, le blues peut être
considéré comme la traduction affective d’un double phéno-
mène. D’une part, la naissance a pour corollaire la perte de
la satisfaction phallique de la grossesse, le deuil de cet objet
intérieur qui, en silence, accompagnait la femme depuis des
mois. D’autre part, la mère expérimente en post-partum une
sorte de dénudation psychique qui lui permet de se mettre
en phase avec les besoins de l’enfant naissant. L’ensemble
de ces enjeux tend à renvoyer la mère à son monde interne
dont elle va être amenée à vérifier la solidité. Nous faisons
l’hypothèse que l’expression émotionnelle, ancrée dans la
réalité du corps, favoriserait le passage du statut de femme
enceinte à celui de mère. Le blues témoignerait de la désorga-
nisation du « cristal du moi maternel », selon la métaphore
de Lebovici (1983), et de la préparation de la mère à saisir les
indices en provenance de son enfant, ce qui expliquerait son
universalité. « Les variations émotionnelles du post-partum
permettent à la mère d’éprouver une gamme d’expériences
affectives et d’affiner une sensibilité qui va lui être indis-
pensable pour percevoir et donner sens aux messages de son
bébé » (Guédeney et al., 1993).
Certains travaux actuels se centrent, en effet, sur la
compréhension du blues comme moment signifiant des trans-
formations psychiques accomplies, scandant la fin du pro-
cessus de la grossesse (Rochette et al., 2007). Il traduirait
ce « désordre aléatoire » qui s’installe à la naissance, avant
que, passée la traditionnelle quarantaine qui boucle la
période du post-partum immédiat, la mère et son bébé ne
trouvent leur « vitesse de croisière » et leur style interactif.
L’après-naissance immédiat est marqué par l’étrangeté et la
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14 Sarah Bydlowski et al.

complexité de la situation, le « difficile réglage du temps de la


mère sur celui de son bébé ». Si différents et si proches, mère
et bébé vont avoir à se rencontrer, à se retrouver autrement.
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Ce moment conjugue plusieurs réalités : celle du bébé avec
ses exigences vitales ; celle de la mère, engagée en temps réel
dans le maternage, mais aussi dans un intense travail psy-
chique en raison de la « déconstruction temporaire » de ses
repères habituels, d’un retour nostalgique dans son passé et
de l’effet mélancoligène de la perte de la grossesse. Pour les
deux partenaires de la dyade, il faut pouvoir exister sépa-
rément, ce qui requiert la « coupure du lien anatomique »,
mais aussi la persistance d’un lieu de contenance. « Entre
césure et continuum », le temps psychique de l’enfantement
n’est ni réductible ni équivalent au temps chronologique,
ce paradoxe devant être soutenu et contenu par le socius,
groupe familial et communautaire.
La très grande instabilité caractérisant la clinique du
post-partum immédiat tend à la rendre presque insaisissable
tant sur le plan nosographique que métapsychologique : sur
le plan topique, les instances sont profondément remaniées ;
sur le plan dynamique, certaines conflictualités retrouvent
une actualité nouvelle. Mais ce qui fonde cette période est
probablement l’importance des facteurs économiques liés à
l’intensité des affects convoqués.
Il nous semble que la problématique de l’émotion ouvre
ainsi des perspectives plus centrales que celle des représen-
tations pour caractériser les enjeux de l’après-naissance.
Les phénomènes psychiques liés au post-partum peuvent se
comprendre comme la présence d’affects, échappant en tant
que tels à la représentation parce que liés à la perte et à la
destruction de l’objet intériorisé de la grossesse. Un travail
de figuration de ce fantasme de meurtre originaire, carac-
térisant l’archaïque à l’œuvre chez la mère, lui permettra
de « faire le deuil » de l’enfant fantasmatique intériorisé et
d’entamer de manière vivante un dialogue avec son « vrai »
bébé (Drossart, 2001, 2003).
L’idée d’un « trop-plein d’affects », d’un débordement
du pare-excitation, du risque traumatique, doit pour-
tant être complexifiée par la spécificité de la rencontre
avec le nouveau-né qui se trouve dans un état de détresse,
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 15

d’Hilflosigkeit (Freud, 1913). Le contexte du post-partum


est proche du chaos lié aux remaniements psychiques, phy-
siques, générationnels, groupaux, et ce chaos est redoublé
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par l’asymétrie interactive fondamentale, le « déficit inter-
subjectif » temporaire, imposé à la mère par l’immaturité
de l’enfant qui vient de naître (Rochette, 2009). En effet,
la relative non réponse du nouveau-né aux besoins inter-
subjectifs de la mère, l’absence de réciprocité, de partage
affectif, risque de provoquer un ébranlement identitaire et
narcissique douloureux, plus ou moins surmontable selon le
fonctionnement psychique maternel.
Le blues peut dès lors être considéré comme un authen-
tique mécanisme de défense face à une menace de désorgani-
sation psychique en raison des enjeux émotionnels et affectifs
inédits du post-partum immédiat. Cet ensemble risque de
déborder le pare-excitation maternel, de faire effraction
de façon traumatique et de conduire à une symptomatologie
clinique qui prendra différentes formes selon le fonction-
nement psychopathologique prévalent : dépression clinique,
désorganisation psychotique, mais aussi, peut-être, diffé-
rentes formes de maternités blanches, silencieuses, du post-
partum immédiat, sans affects paradoxalement exprimés
en cette période. Dans le cas inverse, si le blues constitue
une défense efficace contre ce risque traumatique, il aura
valeur de signal pour le moi et permettra à la mère de traver-
ser cette période dans une ambiance émotionnelle, tout en
entamant un commerce affectif avec son bébé. Ces émotions
seront alors perçues par la mère qui les exprime ou seront du
moins ressenties comme telles par un observateur attentif,
c’est ce que nous avons développé pour la construction de
notre recherche.
Ainsi, le champ de l’affect et de l’émergence de la repré-
sentation nous a semblé particulièrement intéressant pour
notre question qui tente de cerner les enjeux du post-partum
immédiat, du point de vue maternel, et ses liens avec le
développement de la vie psychique du bébé. Le travail de
l’émotion est actuellement considéré comme un processus
dynamique, comportant en lui-même une valeur de représen-
tation et de communication (Green, 1999, 2002). En ce qui
concerne le bébé, les processus de sémiotisation, passage de
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16 Sarah Bydlowski et al.

l’indice au signe, sont fondamentalement affect-dépendants,


puisque c’est dans le cadre des interactions précoces, cen-
trées par le jeu des émotions, qu’ils se jouent et se déploient
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(Golse, 2006). C’est ainsi qu’une indisponibilité psychique
de la mère ou un manque de malléabilité (Milner, 1977) vont
la rendre peu réceptive aux projections du bébé, induisant
chez ce dernier une sorte de répression interactive des
affects, puisque, dans ces conditions, ne fonctionne plus la
voie de retour qui sous-tend la mise en forme représentative
des affects chez l’enfant. La mère apporte dans l’interaction
toutes ses capacités d’accordage et d’harmonisation, toute
son histoire et tout le poids de sa personnalité, mais aussi
tout l’impact de la place que cet enfant particulier occupe
au sein de son monde représentationnel. La nature des pro-
jections que la mère effectue sur l’enfant dépend alors en
grande partie de sa capacité d’identification régressive au
bébé, de sa capacité de rester en lien vivant avec ses propres
parties infantiles.
Nous pensons donc que l’affect pourrait être un point
de passage conceptuel fécond entre le registre de l’interper-
sonnel et celui de l’intrapsychique, alors même qu’au niveau
représentationnel, ces deux registres se situent souvent dans
un rapport conflictuel difficilement dépassable. Les affects et
les émotions se co-construisent au sein de la dyade, et c’est
leur partage qui va permettre au bébé d’instaurer sa vie
affective et émotionnelle personnelle.
La question des émotions s’avère donc aujourd’hui indis-
sociable du jeu interactif et elle pose en des termes nouveaux
l’hypothèse de l’anobjectalité première. Y a-t-il ou non, pour
le bébé, un objet qui existe d’emblée ? Roussillon (2008) pro-
pose l’idée qu’il y a sans doute un autre précoce, mais que cet
autre ne peut exister comme tel qu’en se constituant comme
un double, comme un autre-miroir et empathique de soi, sur
fond d’un travail d’historicisation commun à l’adulte et à
l’enfant.
Par ailleurs, il faut souligner l’essor des connaissances
modernes sur le développement précoce du bébé, l’existence
d’outils d’évaluation et, de ce fait, la plus grande précision
des recherches possibles dans ce champ jusque-là mal connu.
Les études récentes sur les compétences précoces du bébé, les
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 17

données recueillies par la technique de l’observation directe,


l’analyse détaillée des systèmes interactifs et l’étude de plus
en plus approfondie des psychopathologies archaïques
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permettent une meilleure connaissance des niveaux infra-
verbaux de la communication et de l’impact de l’intersubjec-
tivité sur le développement psychique de l’enfant.
Le clinicien familiarisé avec le bébé de moins d’un an
s’interroge désormais sur le fonctionnement psychique du
nouveau-né de moins de quarante jours. Cette période encore
mystérieuse et peu connue est au cœur de nos réflexions. Le
profond désarroi dans lequel sont plongés mère et père face
à un nourrisson aux manifestations déroutantes, cette souf-
france familiale périnatale constituante qui peine à s’appuyer
sur les ressources de familles dispersées, sont encore large-
ment méconnus. « Ces souffrances trouvent normalement
une résolution, mais elles peuvent devenir pathogènes dans
cette période vécue sous tension, période confuse, envahie
par le corps et ses productions, soumis à un sentiment de
“vidange” psychique et d’épuisement dans lequel le temps
et l’espace, les limites psychiques et corporelles se diluent »
(Garret-Gloanec, Gloanec, 2007).

Le blues post-natal : une manifestation signifiante


et pronostique ?

Les enjeux théoriques du post-partum immédiat ainsi pro-


blématisés, nous avons construit un protocole de recherche
dont l’objectif principal était de répondre à la question
centrale suivante : le blues du post-partum est-il une mani-
festation signifiante sur le plan clinique et pronostique pour
le lien mère-enfant ?
Bien que souvent mal délimitées et confondues avec un
état dépressif, ces secousses affectives extrêmement fré-
quentes en post-natal étonnent, mais aucune recherche n’a
pour l’instant permis d’en percer ni l’étiologie ni la finalité.
Constituent-elles une simple curiosité ? Ont-elles un sens ?
Sont-elles les témoins d’un travail psychique à l’œuvre ou, au
contraire, les signes d’un débordement pathologique ou du
moins de ses prémisses ? Que penser de l’absence d’expression
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18 Sarah Bydlowski et al.

émotionnelle dans un nombre non négligeable de cas ? Quel


pourrait en être le retentissement sur le lien immédiat de la
mère avec son enfant, voire sur les interactions ultérieures
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mère-bébé ? Quelles en sont les conséquences éventuelles sur
le développement premier de l’enfant ?
Notre étude associe différents modèles d’intelligibilité.
Un abord clinique de la psychopathologie maternelle et des
interactions fantasmatiques mère-bébé s’appuie sur une
compréhension psychodynamique. La psychologie expéri-
mentale et la théorie de l’attachement ont permis d’enrichir
l’observation directe du nouveau-né. En parallèle de ces
réflexions psychopathologiques et cliniques, nos hypothèses
ont été soumises à validation et nos données analysées selon
une méthodologie statistique. Cette étude s’organise ainsi
autour de trois hypothèses principales.
Première hypothèse : Le blues du post-partum dans sa
forme modérée et transitoire habituelle, faite d’ambivalence
émotionnelle, participerait et témoignerait de l’élaboration
psychique de l’événement naissance. Il témoignerait d’une
recherche de contenance maternelle pour elle-même comme
pour son enfant, et favoriserait l’ajustement maternel à la situa-
tion étrange et chaotique expérimentée dans le post-partum.
Deuxième hypothèse : Un silence émotionnel maternel en
post-partum immédiat, autrement dit une absence de blues,
témoignerait d’un fonctionnement psychique maternel
distinct (imagos, conflictualité) de celui qui caractérise les
femmes qui traversent ce « vécu douloureux subjectif » bien
connu (Rochette, 2009).
Troisième hypothèse : Le vécu psychique et émotionnel
maternel en post-partum immédiat, qu’il soit ou non ressenti
comme blues, pourrait donc se traduire dans le style inter-
actif mère-bébé à deux mois, voire dans les compétences neu-
ropsychomotrices du nouveau-né dès la naissance.
Cette dernière hypothèse renvoie à une question déve-
loppementale : Quelles sont les conséquences du blues du
post-partum et de son absence sur le développement et l’orga-
nisation précoce du bébé (état somatique, tonico-postural et
neuropsychomoteur) dès sa naissance ? Quelles en sont les
conséquences sur les interactions précoces mère-bébé (proto-
conversations, échanges émotionnels entre partenaires de la
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 19

dyade, rythmicité des échanges) deux mois plus tard, période


autour de laquelle doivent pouvoir s’observer et être éva-
lués les premiers organisateurs d’un « sens de soi émergent »
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(Stern, 1985) et de l’intersubjectivité du côté du bébé : meil-
leure régulation des états de vigilance, débuts du sourire
social, premiers babillages et vocalises, plus grande sensibi-
lité à la contingence et aux états émotionnels du partenaire ?

Description du protocole et de la mÉthodologie


de recherche

Population étudiée et déroulement de l’étude


L’ensemble du recrutement initial des dyades mère-bébé
s’est déroulé dans le service de gynéco-obstétrique de l’Hôpi-
tal Jean Rostand (Ivry/Seine, Val de Marne), en hospitalisa-
tion de suites de couches entre le premier (J1) et le cinquième
jour (J5) du post-partum.
La population de mères et de bébés a été sélectionnée
de façon à être homogène, en vue d’une comparaison des
groupes cliniques sur le plan de l’âge, du statut matrimonial,
de la catégorie socio-professionnelle, de la situation gynéco-
obstétricale et de l’état de santé du bébé. Nous avons ainsi
fait le choix de ne rencontrer que des primipares, évitant par
là-même l’influence des expériences antérieures de mater-
nité. Il nous a également semblé qu’une première naissance
était sans doute émotionnellement traversée d’une façon plus
intense et donc probablement plus significative.
Les femmes auxquelles était proposée la recherche
étaient toutes majeures, francophones, socialement non
précaires, vivant en couple, ayant eu une grossesse simple
non compliquée sur le plan somatique ou psychologique, et
ayant accouché à terme par voie basse sans difficultés par-
ticulières. Aucune n’avait eu la proposition de rencontrer
la psychologue ou le psychiatre de la Maternité, en cours de
grossesse comme en suites de couches. Leurs nouveau-nés
étaient tous en bonne santé (poids de naissance, périmètre
crânien, taille normaux ; Apgar supérieurs ou égal à 8 ;
examen pédiatrique sans particularité) et aucun n’avait été
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20 Sarah Bydlowski et al.

séparé de sa mère depuis la naissance. Enfin, pour l’inclu-


sion dans l’étude, il était vérifié au cours d’un entretien par
le clinicien-chercheur (Sarah Bydlowski) que les femmes
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n’étaient pas cliniquement déprimées. Les bébés présen-
taient un développement neuro-psycho-moteur satisfaisant à
l’examen (échelle d’évaluation du développement moteur du
jeune enfant de Vaivre-Douret, 2003), afin que d’éventuels
troubles posturaux n’influencent ni l’ajustement maternel,
ni les interactions mère-bébé.
Suite à cette première rencontre à la Maternité des
dyades mère-bébé, un nouveau rendez-vous était fixé deux
mois plus tard au laboratoire de recherche à la Fondation
Vallée (Gentilly, Val de Marne). Nous avons choisi de revoir
les sujets de l’étude à deux mois, en raison du tournant par-
ticulier que constitue la fin de la période des quarante pre-
miers jours du post-partum, moment organisateur pour la
dyade comme pour chacun des partenaires de l’interaction
et début d’une adaptation mutuelle, dans les bons cas.

Méthode d’observation et outils d’évaluation


Entre J1 et J5 du post-partum Deux mois plus tard
Toutes les dyades de la population Les dyades étaient revues
d’étude étaient rencontrées au laboratoire de recherche
à la Maternité
Grille type de recueil de données
socio-démographiques
et anamnestiques générales,
gynéco-obstétricales, état de santé
du bébé, allaitement
Entretien semi-directif maternel, Entretien semi-directif maternel, EPDS,
questionnaire de blues de Kennerley, MADRS
EPDS, MADRS
Echelle d’évaluation Notations globales des interactions
du développement moteur du jeune mère-bébé à deux mois (Fiori-Cowley,
enfant (Vaivre-Douret) Murray, Gunning) à partir d’un film vidéo
Neonatal Behavioral Assessment Symtom Check-List (Robert-Tissot,
Scale (Brazelton) Rusconi-Serpa et al.)
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 21

Dans cet article, nous ne présentons que certains des


résultats de l’étude, aussi seuls les outils ayant permis d’y
parvenir sont exposés ci-dessous.
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– Les entretiens cliniques semi-directifs
Pour construire ces entretiens, nous nous sommes ins-
pirés de l’« Interview pour les Représentations Maternelles
pendant la Grossesse » (IRMAG) (Ammaniti et al., 1999).
Cet entretien semi-structuré, issu des travaux sur les repré-
sentations maternelles et sur l’attachement, permet d’explo-
rer chez la femme enceinte le domaine des représentations
mentales concernant, non seulement la femme en tant que
personne et mère, mais aussi son partenaire et ses figures
parentales. Il permet d’analyser des contenus relatifs aux
expériences internes, comme la structure narrative qui prend
forme au cours de la conversation par le récit spontané de
la femme sur sa maternité. Du fait de la transparence psy-
chique propre à la période périnatale (Bydlowski, 1991), les
caractéristiques de la structure narrative permettent d’exa-
miner en profondeur la capacité de la femme à élaborer son
expérience et à la communiquer, et de faire des hypothèses
sur son fonctionnement psychique.
L’IRMAG a été construit pour être administré au cours du
troisième trimestre. Pour la réalisation de notre étude, qui
nous amenait à rencontrer les femmes en post-partum immé-
diat et aux deux mois de l’enfant, nous avons été conduits à
modifier le contenu de cet entretien, afin de l’adapter à ces
deux périodes spécifiques. Par ailleurs, l’IRMAG s’attache
tout particulièrement à l’analyse de la structure narrative et
permet de dégager des catégories cliniques, distinctes par le
contenu des représentations maternelles, selon une théorisa-
tion se référant à la psychologie du développement. Même si
nous avons été attentifs à la façon dont les mères mettaient en
récit l’expérience traversée, notre fil théorique a essentielle-
ment porté sur la dynamique émotionnelle circulant au cours
de ces échanges, selon une théorisation psychodynamique.
Au cours de ces entretiens, le chercheur (Sarah Bydlowski)
observait une position de disponibilité et d’ouverture, la
plus neutre et silencieuse possible, à l’égard des femmes et
de leurs nouveau-nés. Cette dernière notait avec le plus de
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22 Sarah Bydlowski et al.

précision possible les mots et expressions utilisés par les


femmes, en signalant les pauses, les exclamations, les sus-
pensions, les rires ou les pleurs, les phrases incomplètes, etc.
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Après chacune des rencontres avec les femmes participant à
la recherche, elle était à l’écoute des impressions cliniques
générales se dégageant de ces échanges. Cette prise de notes
tentait de recueillir avec tout le soin et l’attention nécessaires
les émotions et affects mobilisés chez l’observatrice, les posi-
tions et contre-attitudes du chercheur. Les relations mère-
enfant, de même que les comportements propres du bébé,
ont fait l’objet d’une attention toute particulière au cours de
chaque rencontre.
L’entretien semi-directif en post-partum immédiat a per-
mis la recherche des symptômes de blues et l’appréciation cli-
nique des réactions actuelles de chaque parturiente. Les fils
directeurs en étaient : le désir d’enfant dans l’histoire per-
sonnelle de la femme et dans l’histoire du couple, le vécu de la
grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement, l’accueil du
bébé par ses parents, le choix du prénom, le décalage entre
l’enfant attendu et l’enfant réel, les représentations mater-
nelles concernant l’enfant et le rôle de mère, les premières
réactions vis-à-vis du nouveau-né, les premières relations
mère-enfant, la situation de la famille nucléaire, notamment
le rôle du conjoint et les représentations maternelles à son
égard comme compagnon et comme père de l’enfant, la
situation de chaque parent dans sa fratrie, la réaction des
familles face à cette naissance et les relations avec celles-ci.
Le chercheur appréciait la liberté avec laquelle les mères
pouvaient aborder leurs émotions, les relier à leur histoire et
les communiquer, leur tolérance vis-à-vis de l’ambivalence
et les moyens qu’elles employaient pour aborder leurs conflits
intrapsychiques. Une attention particulière était portée à la
vie fantasmatique, à la richesse des perceptions dans la des-
cription de la mère d’elle-même et de son enfant, à l’ouver-
ture au changement, à l’intensité de l’investissement, à
la différenciation et à la dépendance éventuelle vis-à-vis de la
famille, du partenaire, du groupe social. Etaient également
recherchés l’existence ou non d’une enveloppe sociale et
familiale « maternante », les capacités d’identification de la
femme à la fois à son enfant et à sa propre imago maternelle,
- © PUF -
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 23

son ambivalence, ses capacités de régression et sa tolérance


à la dépendance de son bébé comme à la rupture du lien
fusionnel propre à la grossesse.
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L’entretien semi-directif à deux mois permettait, en outre,
d’apprécier le début d’une adaptation mutuelle : rythmes du
nourrisson, allaitement, sevrage, vécu du retour à la maison,
place du père dans les soins du bébé, nouvel équilibre de la
vie conjugale et familiale, relations interfamiliales, santé de
la mère et du bébé, dépression maternelle éventuelle, vécu
des éventuelles premières séparations.
– L’échelle d’évaluation comportementale du nouveau-né
de Brazelton (Neonatal Behavioural Assessment
Scale, NBAS)
Cet outil constitue un aménagement de l’examen pédia-
trique classique, neurocomportemental, du nouveau-né et
une synthèse des connaissances apportées par les travaux
sur l’attachement et les interactions (Brazelton, 1973 ;
Brazelton, Nugent, 1995). Il se fonde sur l’interaction directe
du clinicien avec le nouveau-né, qui s’engage activement et
corporellement avec le bébé. Il vise à solliciter et évaluer
d’une part, les compétences précoces du bébé à la commu-
nication, de même que ses capacités motrices et sensorielles
oculomotrices, et d’autre part, la capacité du bébé à gérer
par lui-même les stress et intrusions progressifs apportés par
les stimuli qui lui sont proposés et qui risquent de le désor-
ganiser (Nugent, Brazelton, 1989).
Un certain nombre de concepts-clés guide la passation
et l’analyse de cette observation. Tout d’abord, le concept
de meilleure performance repose sur l’hypothèse cen-
trale que l’empathie développée par le clinicien à l’égard
du nouveau-né va lui permettre de « toucher le bébé avec
tact » et ainsi l’aider à organiser un état d’éveil attentif
favorable à l’expression des compétences, à la fois cogni-
tives et affectives, à la découverte des objets, humains et
physiques. Ensuite, le concept d’auto-régulation corres-
pond à la capacité innée dont dispose l’enfant pour inves-
tir ses propres ressources (régulation active de ses états
de vigilance, auto-apaisement…) et maintenir son organi-
sation. Ces deux systèmes, l’un ouvert sur le contact avec
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24 Sarah Bydlowski et al.

le monde, l’autre fondé sur un noyau primaire d’autono-


mie, sont en relation de potentialisation mutuelle et vec-
torisés par le développement du système nerveux central
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(Brazelton, Als, 1979).
– Echelle d’évaluation du développement moteur du
jeune enfant
Il s’agit d’une échelle d’évaluation clinique, à visée dia-
gnostique précoce, du développement moteur, incluant les
facteurs prédictifs d’une bonne coordination motrice, adap-
tée, dirigée et motivée (Vaivre-Douret, 2003). Il s’agit d’un
outil sensible, les items moteurs sélectionnés permettant de
détecter les déviations du comportement par rapport à la
normale et d’évaluer les acquisitions posturo-motrices et
locomotrices, ainsi que celles de la préhension-coordination
visuo-manuelle. Les items choisis apprécient à la fois les
aspects fonctionnels quantitatif et qualitatif du dévelop-
pement neuromoteur dont les anomalies ou déviations ainsi
repérées pourraient retentir sur le devenir praxique et
cognitif de l’enfant.
– Notations globales des interactions mère-bébé à deux
mois
Cette échelle a été mise au point par l’équipe anglaise
de la Winnicott Research Unit pour décrire les interactions
en face-à-face entre une mère et son bébé (Fiori-Cowley,
Murray, Gunning, 1999). D’une grande sensibilité clinique,
elle a été développée pour évaluer les différences d’interac-
tion mère-bébé entre des groupes de femmes présentant une
dépression post-natale et des groupes de femmes indemnes.
Cet instrument s’est révélé sensible aux altérations interac-
tives même dans des échantillons à faible risque (Murray,
Fiori-Cowley et al., 1996).
Pour notre recherche, les films ont été visionnés, codés
et analysés par un chercheur entraîné à l’analyse des inter-
actions mère-bébé (Gisèle Apter), qui ignorait le statut de la
mère et ne connaissait rien de l’histoire des femmes et des
bébés observés sur le film. L’outil n’étant pas traduit et validé
en français, après accord de Lynne Murray, nous avons uti-
lisé le manuel dans sa forme originale, en anglais.
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 25

Analyses des données

– Analyse clinique et psychopathologique des données


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d’entretien
Nous avons repris l’ensemble des entretiens afin d’en
repérer les thèmes centraux en regard de notre perspective
de recherche, en portant une attention particulière à leur
contenu latent. Le recueil des représentations non verbales,
associé aux impressions cliniques et aux contre-attitudes
éventuelles de l’observatrice, nous a permis de saisir par-
tiellement les émotions sous-jacentes, d’éclairer le contenu
proprement verbal et de lui donner sens.
Ainsi, quatre niveaux se dégagent de cette analyse : celui
des données informatives et objectives ; celui des représen-
tations conscientes et préconscientes ; celui plus latent du
fonctionnement psychique, abordé de façon plus indirecte,
entre autre par le détour de l’éprouvé du chercheur ; enfin,
celui plus global de souplesse ou non du fonctionnement
psychique, comprenant un accès plus ou moins grand aux
représentations et aux affects, l’organisation des représen-
tations, leur intégration, et l’action sélective et déformante
des mécanismes de défense auxquels sont soumises les
représentations.

– Analyse clinique complémentaire des échanges mère-


enfant
L’analyse clinique des interactions mère-bébé nous a
également conduit à dégager un certains nombre de données
supplémentaires et complémentaires de l’échelle des nota-
tions globales des interactions mère-bébé à deux mois. Ces
variables ont été construites avec le concours du clinicien
particulièrement formé et habilité à l’analyse des interactions
(G. Apter), avec lequel nous avions déjà renseigné l’échelle.
Ces données ont été complétées par l’expertise d’une clini-
cienne apportant son regard sur le développement neuro-
moteur des bébés (Laurence Vaivre-Douret). Cette dernière
a également visionné les films en aveugle, en ignorant tout
de l’histoire des mères et de leur enfant. Ces variables ont
pour objectif de dégager de façon plus globale l’évaluation
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26 Sarah Bydlowski et al.

de l’ajustement interactif maternel. D’autre part, elles


offrent sur les bébés deux points de vue complémentaires :
d’un côté, l’observation des capacités de régulation propre
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de l’enfant en situation d’échange avec sa mère ; de l’autre,
l’évaluation des compétences d’organisation psychomotrice
et tonico-posturale de l’enfant.

a) La qualité de l’ajustement maternel en situation interactive


Nous avons évalué la capacité d’adaptation maternelle
aux aléas du comportement de son bébé, en tenant du compte
de l’âge des enfants. En effet, à deux mois, le développement
du bébé ne lui permet pas encore de s’accorder par lui-
même dans les échanges ; il est encore largement soumis aux
capacités d’ajustement de sa mère. Il initie peu les échanges
interactifs, et ses expressions émotionnelles et ses capacités
d’imitation sont encore limitées. Il a besoin, pour s’ajuster
au mieux et développer ses compétences relationnelles comme
ses capacités de régulation, que les rythmes des échanges ne
soient ni trop rapides ni trop lents, qu’ils gardent une cer-
taine cohérence et ne soient pas trop variés, et qu’ils soient
adaptés à ses possibilités de réponse et ne le sollicitent pas
excessivement sur le plan développemental.
Au cours de cette période, quand les relations mère-
enfant sont harmonieuses, la mère est encore principalement
à l’initiative des échanges et développe des capacités d’anti-
cipation sur les signaux émanant de son bébé. Dans ces situa-
tions, les échanges sont synchrones et concordants. La mère
initie le plus souvent l’interaction, sollicitant une réponse de
son bébé, celui-ci lui répond, plus ou moins, en fonction de
son propre niveau d’organisation et du caractère approprié
de la sollicitation maternelle. La mère reprend ensuite l’ini-
tiative, suivant son enfant après avoir sollicité de sa part
un échange interactif. La synchronie et la concordance des
interactions sont mises à mal quand le bébé est trop désorga-
nisé et que sa mère est mal ajustée à ses difficultés. Certaines
mères sont rapides dans leurs échanges interactifs, leur bébé
paraissant ne pas pouvoir les suivre et se trouvant contraint
à la passivité, voire à l’évitement ou à la désorganisation dans
les pleurs ou les manifestations somatiques (régurgitations,
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 27

hoquets, par exemple). D’autres mères semblent en difficulté


pour initier les interactions, comme pétrifiées face à leur
bébé. D’autres enfin tentent des échanges, mais les initiatives
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maternelles paraissent toujours en décalage avec les signaux
et les comportements du bébé.
Ainsi, les interactions étant nécessairement soumises à
des « accidents » interactifs, à de micro-désajustements,
nous avons observé quelle était la capacité maternelle à
« réparer » ces incidents dans les échanges mère-enfant,
quels étaient ses moyens et la façon dont elle passait d’une
séquence interactive à une autre, quelle était sa souplesse à
passer à un autre type d’échange, quand le bébé manifeste
des signes de malaise ou d’évitement, par exemple. La mère
supporte-t-elle facilement que le bébé ne lui réponde pas ou
pas assez rapidement ? En paraît-elle blessée ou contrariée ?
Reste-t-elle présente dans l’échange ou se replie-t-elle sur
elle-même ? Est-elle attentive aux signaux de l’enfant ou
semble-t-elle les ignorer ? Est-elle gratifiante à l’égard de son
enfant, par la tonalité et le contenu de ses paroles ?
À deux mois, bien que peu variés sur le plan de leur
expressivité émotionnelle, les échanges affectifs sont va­-
riables en terme qualitatif comme quantitatif. Certaines
mères réagissent plus ou moins aux manifestations émo-
tionnelles de leur enfant, que celles-ci soient positives ou
négatives. La mère réagit-elle toujours aux expressions émo-
tionnelles de son enfant (sourires, geignements, pleurs) ?
Quand elle y réagit, quelle est la tonalité de la réaction mater-
nelle ? Cette tonalité est-elle toujours identique ou subit-elle
des variations ? La tonalité de la réaction maternelle est-
elle dans la même tonalité affective que celle de son enfant ?
Quand son bébé pleure, par exemple, la mère s’ajuste-t-elle
de façon à l’aider à se consoler et à se réconforter ? Quelle
est la musicalité de sa voix ? S’ajuste-t-elle corporellement
à son enfant ? Utilise-t-elle des canaux sensoriels variés en
réponse aux signaux de son bébé ?
Les interactions étant moins variées qu’elles ne le seront
ultérieurement, les mères qui s’ajustent avec qualité à leur
bébé développent une sorte de thème central de l’échange sur
lequel elles apportent des variations fines, ce qui permet à
l’enfant de ne pas être trop désarçonné et de potentialiser ses
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28 Sarah Bydlowski et al.

capacités de réponses. Si la mère devance trop les capacités


développementales de réponses de l’enfant, celui-ci risque de
se désorganiser ou de quitter l’échange. D’autres échanges
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sont caractérisés par une grande pauvreté des réponses
maternelles et par leur répétitivité.

b) La capacité de régulation propre du bébé


Au-delà de l’ajustement relationnel maternel, certains
bébés semblent avoir acquis à deux mois des capacités de
régulation et d’organisation neuropsychomotrices et tonico-
posturales plus ou moins importantes. Alors que certains
semblent pouvoir, en puisant dans leurs ressources propres,
se réconforter et tolérer un certain désajustement maternel,
d’autres semblent isolés dans leurs difficultés, et ce, parfois,
quelles que soient les capacités interactives de leurs mères.
Certains enfants semblent ainsi submergés par leur
détresse. Ils paraissent inconsolables et particulièrement
excitables, s’agitent en tous sens et peinent à rassembler leurs
membres supérieurs dans une jonction apaisante. Alors que
certains bébés, de par leurs capacités structurantes de coordi-
nation et de préhension motrice, tentent de se réconforter par
eux-mêmes, en tétant leur main et/ou leurs doigts, ou par des
manœuvres de rassemblement avec des mouvements centri-
pètes de leurs membres supérieurs, d’autres se désorganisent
dans des mouvements des bras excentrés ou tendent à rejeter
leur corps et leur tête vers l’arrière. Certains enfants donnent
une impression de détente, leurs mouvements sont souples et
activement investis, leurs mains sont ouvertes. D’autres main-
tiennent leurs membres supérieurs en l’air, dans une position
tonique de semi-chandelier, les bras fixés au corps.
Les capacités de communication et d’échange des bébés
sont variables. Les bébés sont plus ou moins disponibles
pour l’échange interactif, certains sont plus passifs, d’autres
plus dynamiques et à l’initiative de certaines sollicitations à
l’égard de leur mère. Certains enfants s’isolent dans un refus
actif d’échange, se fixant parfois sur un élément de l’environ-
nement sensoriel immédiat, une lumière par exemple, alors
que d’autres ont un regard nettement adressé à leur mère. Les
expressions émotionnelles sont plus ou moins développées,
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 29

certains enfants paraissant particulièrement dévitalisés et


manifestant très peu d’émotions, d’autres ont des visages
très animés, sourient et vocalisent de façon importante.
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Par ailleurs, certains bébés semblent souffrir plus que
d’autres de la mauvaise qualité de l’ajustement relationnel
de leur mère. Ces enfants paraissent contraints de rechercher
une contenance et un réconfort en puisant exclusivement
dans leurs ressources propres, tonico-posturales et neuro-
psychomotrices. Dans ces circonstances interactives parti-
culières, le maintien interactif semble coûteux pour l’enfant,
qui semble devoir fournir des efforts importants pour ne pas
se désorganiser, concentrant toute son énergie sur l’utilisa-
tion maximale de ses compétences ainsi surstimulées.

Aspects éthiques
Cette étude a reçu l’avis favorable du Comité de Protection
des Personnes (CPP) Ile de France III, de la CNIL et du
Comité de Qualification Institutionnel de l’Inserm, promo-
teur de ce projet.
Le chercheur était un pédopsychiatre, spécifiquement
formé à la prise en charge et à l’étude des jeunes mères, des
bébés et des interactions mère-enfant. Ceci lui a permis, lors
du repérage d’une souffrance maternelle, néonatale et/ou
interactive, d’organiser une orientation vers une prise en
charge adéquate et spécialisée.

Principaux rÉsultats de la recherche

Notre population d’étude initiale comprend 22 dyades


mère-enfant (55% de filles, 45% de garçons). Parmi ces
sujets, certains ont été perdus de vue : 13 ont été revus deux
mois plus tard. Grâce aux critères d’inclusion retenus, la
population d’étude est d’une grande homogénéité tant sur
le plan socio-démographique que clinique. Les mères sont en
moyenne âgées de 27.5 ans et majoritairement de nationalité
française (82%). La situation professionnelle des parents est
à peu près comparable, avec une majorité d’employés et de
professions intermédiaires.
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30 Sarah Bydlowski et al.

La durée médiane de la grossesse est de 39.7 semaines


d’aménorrhée (SA). L’accouchement s’est déroulé normale-
ment dans trois cas sur quatre environ, sinon une extraction
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instrumentale a été nécessaire. La délivrance s’est majoritai-
rement effectuée par voie naturelle (82%). Pour toutes les
femmes, les suites de couches ont été sans particularités sur
le plan somatique comme sur le plan psychologique.
À la naissance, le poids moyen des nouveau-nés est de
3.1 kg chez les filles, 3.2 kg chez les garçons. Ils mesurent
48.6±2.2 cm. Le périmètre crânien des garçons est de 34.7-
±1.8 cm, celui des filles est de 33.4±1.1 cm. L’alimentation est
maternelle dans la majorité des cas (91%).

Expériences émotionnelles et fonctionnement psychique


maternels en post-partum immédiat
Le premier temps de l’analyse, fondé sur les entretiens,
les impressions cliniques générales du chercheur et le recueil
des observations de l’équipe soignante de suites de couches, a
permis de dégager trois groupes cliniques distincts de jeunes
mères, traduisant différents types d’expériences émotion-
nelles dans le post-partum immédiat.
L’attention était tout particulièrement portée aux émo-
tions déclarées, à leur circulation dans l’échange, à la plus ou
moins grande liberté de leur expression, à un certain niveau
de conscience émotionnelle. L’intensité du vécu émotionnel
n’était pas en soi un critère de discrimination des catégories
cliniques. Il s’agissait plutôt d’être à l’écoute des ressources
maternelles déployées pour affronter le risque de débor-
dement de son monde intérieur et les enjeux de la situation
actuelle dans sa réalité immédiate.
Nos résultats permettent de distinguer trois groupes cli-
niques de primipares et notamment, deux types de blues du
post-partum :
– Un groupe de femmes présentant un blues « habituel » du
post-partum (N=9, 42.85% en PPI ; N=6 à 2 mois) ;
– Un groupe de femmes ne présentant pas de blues du post-
partum (N=8, 38.09% en PPI ; N=5 à 2 mois) ;
– Un groupe de femmes présentant un blues « triste » (N=4,
19.04% en PPI ; N=2 à 2 mois).
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 31

Suivant les définitions nosographiques les plus consen-


suelles, le blues habituel se caractérise par des affects
déclarés et ressentis variés, une labilité thymique, une
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hypersensibilité émotionnelle, un vécu maternel subjectif
douloureux souvent tempéré par une certaine élation ou par
d’autres affects positifs. Ces femmes laissent émerger leurs
sentiments, leurs états d’âme, tolèrent sans trop de culpa-
bilité d’évoquer leur ambivalence, leurs contradictions,
et en font part ou les expriment indirectement à l’obser-
vateur. Bien que parfois très intense, cette symptomato-
logie est généralement rapidement résolutive en quelques
jours. Ces femmes semblent pouvoir supporter sans en être
excessivement effrayées la puissance de leurs sentiments et
avoir la possibilité de « contenir, articuler et exprimer les
émotions » et d’en « saisir la vérité émotionnelle » (Néri,
2010).
La catégorie clinique que nous avons qualifiée de blues
triste associe des affects déclarés et ressentis, mais d’une
qualité exclusivement négative, faite de tristesse et d’antici-
pation anxieuse. Sans être cliniquement déprimées, certaines
de ces femmes présentent une symptomatologie émotionnelle
non complètement résolutive au décours de leur séjour à la
Maternité.
Les femmes qui ne présentent pas de blues du post-
partum rapportent peu d’émotions, peu d’affects circulent
dans l’échange avec le chercheur dans l’entretien, celui-ci
étant confronté à une sorte de blanc d’affects.
Ainsi, en dehors de toute psychopathologie avérée, l’ana-
lyse phénoménologique de nos entretiens nous a conduits à
distinguer, parmi les femmes présentant un blues du post-
partum, des mères avec un blues habituel, tel que précédem-
ment décrit, et des mères avec blues triste, exclusivement
constitué d’affects négatifs et sans alternance émotionnelle
ressentie. Cette distinction entre ces deux niveaux de blues
nous permet de sortir de la confusion habituellement repé-
rée avec la dépression dans les travaux de recherche dans
ce domaine. Cette confusion, comme nous l’avons signalé,
a gagné le champ de la connaissance générale et le domaine
médiatique, l’expression de blues étant largement galvaudée
dans le grand public.
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32 Sarah Bydlowski et al.

À la suite de ce premier niveau d’analyse, nous avons


cherché à mettre en évidence les thématiques récurrentes
se dégageant de la lecture transversale du matériel clinique
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issu de l’ensemble des entretiens menés avec les femmes de
notre population. Cette distinction en groupes cliniques
s’est ainsi également révélée heuristique sur le plan du
fonctionnement psychique dans la mesure où les femmes ne
présentant pas de blues sont bien plus proches de celles au
blues triste que de celles au blues habituel du post-partum
(le matériel clinique ainsi recueilli fait l’objet d’une pré-
sentation plus détaillée dans l’article de Bydlowski, publié
dans Le Carnet PSY en 2012). En effet, quels que soient les
événements traumatiques ou carentiels traversés au cours
de leur histoire passée, les femmes sans blues ou au blues
triste habitent l’actualité de leur vie psychique et leur ren-
contre avec le chercheur et leur nouveau-né sur un mode
caractérisé par la tristesse et le sentiment d’abandon. Leurs
représentations imagoïques sont globalement défaillantes et
peu structurantes. Les nombreuses thématiques de deuils
inélaborés semblent polariser l’ensemble de leurs investis-
sements pulsionnels au détriment de l’ouverture à l’échange
avec leur enfant.
Au contraire, les femmes présentant un blues habituel
se révèlent particulièrement disposées à un retour sur elles-
mêmes, et sont présentes dans la relation à l’observateur
comme à l’enfant. Ces observations tendent en outre à se
confirmer et à s’accentuer deux mois plus tard, notamment
pour les femmes au blues triste et les femmes sans blues,
encore submergées par le chaos de la naissance à quelques
semaines de vie de l’enfant, peinant à s’organiser et à retrou-
ver un équilibre à quelques semaines de l’accouchement. Les
femmes au blues triste en particulier semblent bien à risque
de décompensation dépressive. Leurs plaintes se sont géné-
ralement accrues à quelques semaines de distance. Celles
silencieuses trouvent parfois d’autres ressources, mais
accroissent leurs défenses qui empêchent l’accès à leurs
éprouvés. Inversement, l’orage émotionnel traversé par les
femmes au blues habituel en post-partum immédiat semble
s’apparenter à un remaniement psychique et émotionnel,
puisqu’il s’estompe la plupart du temps à deux mois. Elles
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 33

sont en voie de réorganisation huit semaines plus tard et


semblent mieux faire face à la situation de l’après-naissance.
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Expérience émotionnelle maternelle et régulations du
nouveau-né en post-partum immédiat
L’étude statistique de la variabilité des scores du Brazelton
montre que ce sont les items de régulation des états du bébé, et
plus particulièrement l’item « main-bouche », qui permettent
le mieux de distinguer les nouveau-nés de notre population
les uns des autres. Ce dernier item évalue un réflexe « inné »,
selon les auteurs de l’échelle (Brazelton, Nugent, 1995), qui
consiste en la capacité du bébé à porter activement sa main à
la bouche, ainsi que la réussite d’une insertion d’une partie
de son poing ou de ses doigts. Il est spontanément observé
quand le bébé est agité et tente de s’apaiser, et peut être
déclenché par un inconfort quelconque.
Dans notre population, les nouveau-nés ayant acquis
le réflexe main-bouche sont également plus compétents sur
les items du Brazelton évaluant les comportements d’auto-
régulation. Ces bébés sont plus robustes et endurants au
cours de l’examen (75% contre 50% chez les bébés n’ayant
pas acquis le réflexe main-bouche) et ils présentent une
meilleure régulation de leurs états de sommeil et d’éveil
(100% contre 78.6%). Le soutien de l’adulte, son holding,
son attention et sa contenance, sont moins sollicités par ces
enfants (75% contre 57.1%).
Témoignant ainsi, chez le nouveau-né, d’une capacité
débutante à se protéger et à se réconforter, d’un début
de liberté et d’une plus grande activité par rapport à son
propre corps, nous nous sommes interrogés sur les facteurs
pouvant contribuer ou freiner le développement de ce geste
du « main-bouche ».
Cette organisation comportementale étant présente dans
le post-partum immédiat, nous supposons que le bébé doit
déjà chercher ainsi une détente in utero. Or, parmi ces fac-
teurs, certains favorisent la liberté d’expression motrice
fœtale, notamment une plus faible corpulence de ces bébés.
Probablement moins contraints corporellement, ceux-ci ont, de
ce fait, plus d’espace pour expérimenter leurs mouvements.
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34 Sarah Bydlowski et al.

Mais surtout, les nouveau-nés ayant acquis le réflexe


main-bouche ont majoritairement une mère qui présente un
blues habituel du post-partum (6 bébés vs 1 bébé dont la mère
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a un blues triste et 1 bébé dont la mère ne présente pas de
blues). Il semblerait donc qu’il existe une étroite association
entre l’expérience émotionnelle maternelle et les capacités de
régulation neuropsychomotrice néonatales.
Ces résultats nous ont conduits à rechercher des liens
entre les données issues des entretiens maternels et l’orga-
nisation comportementale néonatale. Sont ainsi reliées à
l’acquisition de ce réflexe : des représentations du père de
l’enfant comme un conjoint étayant, la qualité de la ren-
contre de la mère avec le bébé, une imago maternelle structu-
rante et l’absence de repérage par l’observateur d’éléments
psychopathologiques, tels que précédemment décrits. Ces
différents aspects du fonctionnement psychique sont eux-
mêmes bien reliés, comme nous l’avons vu, à la présence
d’un blues habituel, modéré et transitoire. Un fonction-
nement psychique maternel d’une plus grande souplesse et
témoignant d’une plus grande ouverture sur soi-même et à
l’échange avec l’enfant pourrait ainsi favoriser, du côté du
bébé également, et ce, dès la vie fœtale, une certaine détente,
un plus faible recours à l’hypertonicité et de plus grandes
compétences à développer des manœuvres d’auto-apaise-
ment, telles que le réflexe main-bouche. Inversement, un
fœtus contraint à une réactivité permanente aux difficultés
psychiques maternelles est, en quelque sorte, décentré
de lui-même et probablement ainsi freiné dans ses capacités
développementales.

Devenir des émotions maternelles et des compétences


neuropsychomotrices du nouveau-né dans l’échange
interactif mère-enfant
L’expérience émotionnelle du blues, d’une part, en
tant que témoin d’un certain fonctionnement psychique, le
réflexe main-bouche, de l’autre, du fait de son association
étroite aux régulations néonatales, nous ont permis de suivre
l’évolution des couples mère-bébé quelques semaines après
l’accouchement.
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 35

Lorsque les dyades (n=5) présentent un certain nombre


de compétences dans le post-partum immédiat – présence
d’un blues habituel maternel et acquisition du main-bouche
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chez le bébé –, à deux mois, les mères sont majoritairement
bien ajustées à leurs bébés qui présentent une organisation
tonico-posturale et psychomotrice de bonne qualité (n=4).
Une mère est plus en difficulté sur le plan interactif, son bébé
est, quant à lui, globalement organisé dans l’échange.
Parmi les autres dyades (n=8), soit la mère, soit l’enfant,
soit les deux ne présentent pas ces compétences : aucun de
ces bébés ne trouve les ressources internes pour s’apaiser
par lui-même ; deux femmes se plaignent d’un blues triste,
cinq femmes ne présentent pas de blues, une seule femme
expérimente un blues habituel.
Deux mois plus tard parmi ces huit dyades, quatre
femmes sont en difficulté interactive et leur bébé soit peine
également à s’organiser sur le plan psychomoteur, soit le
coût de cette organisation est élevé ; trois femmes sont peu
ajustées à leur bébé qui présente une organisation tonico-
posturale de bonne qualité, mais l’un d’entre eux est par-
ticulièrement passif et peu expressif dans l’échange avec sa
mère. Une femme s’ajuste bien à son enfant, mais celui-ci
souffre pour maintenir son organisation tonico-posturale et
se montre très excitable.
Nos résultats semblent indiquer une certaine conti-
nuité du post-partum immédiat aux deux mois de l’enfant.
Lorsque les compétences maternelles et infantiles sont pré-
sentes en suites de couches, les interactions mère-bébé sont
globalement de bonne qualité quelques semaines plus tard :
la mère offre une contenance de qualité à un bébé qui la gra-
tifie et soutient l’ajustement maternel en puisant dans ses
ressources propres d’organisation tonico-posturale.
Inversement, lorsqu’un certain nombre de signes tant
maternels qu’infantiles font défaut dès la naissance, les inter-
actions risquent d’en être affectées : le bébé se trouve mis en
difficulté par l’absence de holding et de soutien maternels et
entraîné dans une auto-excitation non maîtrisée ni par lui ni
par sa mère, débordée par son enfant. Mère et bébé semblent
alors prisonniers d’un cercle vicieux dont ils ne peuvent se
dégager.
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36 Sarah Bydlowski et al.

Pertinence d’une complexification du repÉrage clinique


dans les suites immÉdiates de la naissance
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Le blues du post-partum dans sa forme habituelle, modérée
et transitoire
En post-partum immédiat, une certaine capacité d’ouver-
ture sur soi, d’insight, témoignant probablement de la trans-
parence psychique déjà présente au cours de la grossesse
(Bydlowski, 1991), est très variablement observée selon les
femmes et se trouve étroitement associée à une expression
émotionnelle, partagée au cours de l’entretien de recherche,
riche en affects perçus et ressentis par le sujet lui-même. La
situation de rencontre avec l’observatrice, en cette période si
sensible, favorise, le plus souvent par elle-même, un retour
sur l’histoire infantile dans un climat chargé d’émotions.
Deux mois plus tard, du fait des enjeux du maternage, du
poids des besoins de l’enfant et des réaménagements de la vie
conjugale et familiale, ce partage d’affects lointains du passé
est souvent moins accessible, notamment lorsque l’histoire
infantile maternelle a été marquée par des traumatismes et
des deuils mal cicatrisés.
Nos rencontres avec les femmes à la Maternité ont per-
mis de montrer que pour qu’une expression émotionnelle
libre se déploie, ce dont témoigne l’observation d’un blues
habituel du post-partum, il semble nécessaire que la mère
puisse s’identifier à une imago maternelle bienveillante,
soutenante et apaisante, lui permettant de trouver des res-
sources autour d’elle et de son bébé, pour lui autoriser la
nécessaire régression à laquelle chaque femme est conduite
après l’accouchement. Claude de Tychey et al. (1997) sug-
géraient déjà, sur la base d’indicateurs issus de la clinique
projective à partir du test de Rorschach, que la négati-
vité de l’imago maternelle intériorisée invalide lourdement
la capacité des femmes à assumer les enjeux du maternage
en post-partum. De façon intense, la relation intériorisée
de la mère à son propre objet maternant, en référence à
ses toutes premières expériences, se réveille chez toutes les
femmes sous la forme d’intensité émotionnelle et d’angoisses
primitives. Le déploiement d’une préoccupation maternelle
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 37

primaire de qualité requiert ainsi une identification structu-


rante à l’imago maternelle.
Dans la perspective kleinienne (Klein, 1946), la conquête
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de la capacité de vivre avec force et spontanéité ses affects
pourrait être le résultat de la traversée de la position dépres-
sive. Le sujet s’approche de l’expérience et de la compré-
hension des sentiments crus, passionnés et ambivalents qu’il
nourrit pour l’objet d’amour précédemment idéalisé, à tous
les moments fondateurs de son existence. De cette façon,
abandonnant progressivement défense et fiction, il devient
de plus en plus apte à reconnaître et contenir ses propres
émotions, sentiments et fantasmes (Neri, 2010). Les angoisses
liées à la position dépressive sont aussi porteuses de lien et de
libidinalisation. Constituant un ressort majeur de la vie psy-
chique, elles sont à l’origine de la pensée et à la source de la
créativité. Une certaine dépressivité est ainsi « au service de
la vie » (Gammill, 2007), inévitable et nécessaire, favorable
et concomitante de ce que Wilfred Bion (1962) nomme « la
croissance psychique ». Ce travail intérieur ancien est singu-
lièrement revécu au moment de la naissance d’un bébé.
Ainsi, dans les situations favorables, les sentiments de
persécution éprouvés par la femme, du fait de la réactivation
d’angoisses primitives intolérables, pourraient s’élaborer en
sentiments dépressifs liés à la perte de l’objet d’amour de la
grossesse, porteur des rêveries de la mère. Cette perte fait
l’objet d’une narration, donne lieu à des souvenirs qui vont
favoriser l’acceptation de cette séparation et la création d’un
lien nouveau avec l’enfant ; la mère découvre ses capacités
d’amour et de sollicitude.
L’authenticité affective, ressentie chez les femmes expri-
mant leurs émotions ambivalentes après la naissance de leur
bébé, pourrait être le fruit d’une intégration du psychisme
maternel, favorisant la mise en relation des conflits internes
sous des formes autres que le clivage et la négation, et pré-
servant une certaine cohérence. Elle ouvre ainsi un espace
de liberté et de créativité.
Une authenticité plus grande se signale aussi dans
l’entretien de recherche : le sujet « tire de ces moments de
rencontre le sentiment d’avoir réalisé un contact plus pro-
fond », non seulement avec autrui, mais aussi avec lui-même
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38 Sarah Bydlowski et al.

(Néri, 2010). Il en tire donc un sentiment de plus grande


cohésion et d’identité. Ces remarques éclairent la qualité des
entretiens que nous avons eue avec les femmes ouvertes sur
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leur vie psychique, mais également sur la qualité de leurs
interactions avec leur enfant.
La naissance réédite névrose infantile et conflictualité
œdipienne, mais confronte également à des enjeux plus nar-
cissiques. La situation périnatale fournit un terreau fertile
à la réémergence d’agonies primitives qui vont trouver là
l’occasion soit de se resignifier constructivement, soit au
contraire d’amorcer la déconstruction du « conteneur struc-
turel œdipien » (Carel, 1997). Aussi, la mère doit-elle mettre
en œuvre, pour élaborer cette expérience, un cadre interne
fait de l’oscillation entre deux registres de fonctionnement
mental : l’un régressif, renvoyant aux modalités archaïques
de la psyché ; l’autre névrotique œdipien qui protège contre
le passage à l’acte. Le « pulsionnel » se trouve ainsi déplacé
vers le plan représentatif, régulé par le refoulement, et laisse
le champ suffisamment libre à la préoccupation maternelle
primaire centrée sur les soins au bébé.
L’accès à la réalité de la maternité a nécessairement une
connotation transgressive que la femme va assumer de façon
variable, selon qu’elle se sent plus ou moins autorisée face
à cet interdit. L’exaltation et l’euphorie, caractérisant le
blues, sont à porter au crédit de ce triomphe sur le surmoi
interdicteur de l’inceste, comme les pleurs qui leur succèdent
témoignent de la culpabilité et de la crainte d’une punition
face à cette transgression. Ce mélange complexe de triomphe
et de déception à l’égard du bébé réel, en relation avec
l’enfant fantasmatique, nous a semblé caractériser le fonc-
tionnement psychique des femmes au blues habituel.
Les mères sans blues et au blues triste semblent débor-
dées par ces enjeux, paraissant en quelque sorte ne pouvoir
que renoncer à l’investissement de leur enfant. La déception
nécessairement infligée à sa mère par le bébé semble favoriser
des décompensations mélancoliques, surtout lorsque l’objet
primaire a plus ou moins largement failli dans sa fonction ini-
tiale de miroir (Winnicott, 1967). Dans ces situations, le mode
de relation, d’identification, qui unit le sujet à son objet est
de type narcissique, puisant dans le narcissisme primaire.
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 39

L’objet est un double potentiel, mais se révèle décevant dans


cette fonction. La mère « tombe amoureuse à la naissance »
sur un mode qui n’est plus de l’ordre de la métaphore, le père
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de l’enfant est mis à distance ou disqualifié et l’amour mater-
nel est empreint d’incestualité. Le courant érotique, libidinal
entre parents, est nourricier pour le psychisme du bébé, mais
le courant érotique à l’égard du bébé devrait être à l’abri d’un
surmoi post-œdipien maternel secourable qui protège alors
l’enfant de l’inceste et du meurtre (Carel, 2009).
Ainsi, l’éprouvé psychique de la mère au contact de son
bébé semble répondre à cette injonction prise entre l’exci-
tation sexuelle imposée par le bébé et la puissance de l’inter-
dit de l’inceste : elle n’a d’autre solution que d’humaniser le
bébé, d’inventer quelque chose qui ne soit ni la satisfaction
sexuelle ni son interdiction.
L’enfant est un nécessaire rival, œdipien dans les bons cas,
narcissique dans d’autres situations, et la femme doit pouvoir
élaborer dans l’urgence ses conflits, qui prennent racine dans
son histoire infantile, les érotiser et les sublimer en créativité,
pour assumer sa position maternelle et s’occuper de son bébé.
La fonction sémaphorique de signal pour le moi que nous
attribuons au blues, à la suite d’autres auteurs (Rochette,
2009), permettrait ainsi de faire face à la perte à laquelle elle
est confrontée et d’accéder à la parentalité tout en évitant une
décompensation psychopathologique. Cet état émotionnel,
cette « angoisse signal », alerte ainsi sur un processus d’intro-
jection en cours, permettant l’anticipation et la mise en route
des défenses. Il s’oppose à l’« angoisse automatique » – propre
à déborder de façon traumatique le sujet – qui témoigne de
l’échec du travail de la symbolisation primaire (Roussillon,
2005) et conduit à une détresse, à une « terreur sans nom » à
laquelle peut être exposée une femme trop immature si sa vie
psychique n’est pas contenue par un autre secourable.

Absence de blues et blues triste : deux formes de la


psychopathologie
Dans notre étude, l’association entre le silence émotion-
nel et l’intensité d’une dimension abandonnique et caren-
tielle est particulièrement frappante. Un certain nombre de
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40 Sarah Bydlowski et al.

femmes semblent enfermées, voire clivées, dans un repli opé-


ratoire ou dans une maîtrise obsessionnelle figée, évoquant
une sidération post-traumatique.
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En outre, le fait que les femmes présentant un blues
triste aient de nombreuses similarités avec celles caracté-
risées par un retrait émotionnel – caractéristiques psycho-
pathologiques proches et difficultés accrues aux deux mois
de l’enfant – nous conduit à penser que le silence émotionnel
renvoie à une difficulté psychique majeure qui se manifeste
par une impossibilité du travail de l’émotion, l’angoisse ne
faisant pas signal au moi et débordant les capacités du pare-
excitation. Ces deux situations semblent ainsi témoigner
d’une décompensation maternelle à bas bruit. Toute l’éner-
gie psychique est alors au service de la rétention de la « folie
maternelle » du post-partum, au maintien du refoulement
empêchant la transparence psychique, et conduit à des dif-
ficultés d’adaptation au nouvel état induit par l’arrivée du
bébé et la réorganisation imposée par cette situation.
Cependant, parmi les femmes qui n’avaient pas présenté
de blues du post-partum, nous avons repéré certaines mères
plus défensives, sur un mode plus actif, et d’autres parais-
sant davantage traversées par une dépression de nature plus
profonde. Deux mois plus tard, les femmes les plus défensives
en post-partum immédiat ont maintenu cette organisation et
semblent lutter activement contre le chaos qui fait suite à
l’arrivée du bébé. Leur ajustement interactif est d’ailleurs
de meilleure qualité que celui des femmes silencieuses émo-
tionnellement mais plus dépressives, ces dernières se rap-
prochent davantage dans leur fonctionnement interactif des
femmes au blues triste.
Ces constats sont à rapprocher d’autres travaux (Field et
al., 1991 ; Lyons-Ruth et al., 1986 ; Ayissi et al., 2006) sur
les comportements interactifs de mères aux scores nuls aux
échelles de dépression post-natale. Ces scores peuvent être
compris comme un déni de la dépression, un comportement
interactif de type dépressif étant repéré chez ces femmes par
le biais d’autres mesures (scores élevés au Covert Hostility
and Interfering Manipulation) ; ils peuvent également être
mis en rapport avec une colère ou une irritabilité plus impor-
tante. Les attitudes dans les échanges avec leurs bébés de
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 41

ces mères sans blues s’apparentent davantage à celles des


femmes déprimées ou présentant un blues sévère, qu’à
celles des femmes non dépressives (désengagement, apathie
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plus sévère encore par son expression comportementale que
celle de mères déprimées). En outre, à 5 mois, leurs enfants
ont un développement plus entravé que ceux des mères en
bonne santé, mais comparable à celui des enfants de mères
déprimées.
Certaines mères, qui ne manifestent apparemment
aucune émotion dépressive, luttent contre l’émergence de
tels affects et se réfugient dans des comportements opéra-
toires. Des scores nuls aux questionnaires signent souvent un
contre-investissement massif du sentiment dépressif, empê-
chant toute possibilité d’accès à une demande de soins ou
de soutien (Rochette, Mellier, 2004). Ces scores constituent
des indicateurs en creux pour les professionnels exerçant en
périnatalité, surtout si ces derniers ressentent confusément
une inquiétude pour la dyade, fruit de la diffusion des anxié-
tés primitives non traitées psychiquement par la mère.
Pour Carel (2009), ces « maternalités blanches »
témoignent d’une « traumatose périnatale », la traversée
d’une « confusion existentielle » étant le lot de toute mère
dans le post-partum immédiat. En effet, la naissance normale
est la rencontre entre une mère en contact avec sa nudité,
prête à accueillir un bébé, lui-même à nu (Winnicott, 1990).
Le contact entre ces deux nudités, cette proximité sensuelle,
cette séduction originaire intense, doit pouvoir être suffisam-
ment régulé pour éviter le déploiement de la destructivité et
de l’incestuel (Racamier, 1995).
La naissance comprend ainsi une dimension aléatoire
triple : génomique ; générationnelle, du fait de la reconfigura-
tion des liens familiaux et des identifications ; événementielle
enfin, liée aux aléas de la grossesse et de l’accouchement.
Dans les situations qui s’apparentent à la « traumatose »,
la mère se trouve prise dans une contradiction entre aimer et
haïr, en proie à un surmoi cruel s’associant à un idéal du moi
grandiose et qui ne l’autorise plus à une alternance avec un
surmoi secourable. La mère déploie sa rivalité narcissique
avec le bébé, idéalisé et identifié à un objet perdu dont elle
n’a pas fait le deuil.
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42 Sarah Bydlowski et al.

La « mère morte » (Green, 1980), loin d’être une mère


disparue, est, au contraire, l’image interne d’une mère en­
deuillée. Cette mère, qui aurait dû être source de vitalité,
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a été et continue d’être une figure atone et quasiment ina-
nimée. Elle fait ainsi obstacle à la possibilité d’accéder au
vécu de ses émotions et de ses sentiments les plus intenses.
L’intériorisation d’une telle imago pourrait ainsi expliquer la
tristesse dépressive du post-partum et son envers, le silence
émotionnel de certaines femmes.
Le premier temps de ces traumatismes hyper-précoces
est lié à une insuffisance première de la « capacité de rêve-
rie maternelle », qui laisse ensuite le bébé démuni face aux
événements ultérieurs susceptibles de venir jouer, pour lui,
comme des temps seconds de la dynamique traumatique
(Bion, 1962). Ce défaut d’intériorisation de « l’appareil à
penser maternel » fait figure, dans cette modélisation, de
temps traumatique premier, mais silencieux, muet, en creux
ou en négatif. Dans ces situations, le temps traumatique pre-
mier est fondé sur le manque (manque d’intériorisation de
la fonction liante et contenante de la mère), le second temps,
fondé sur l’excès d’excitations non métabolisables, venant
alors déborder les capacités intégratives du bébé.
Dans les situations défensives et de silence émotionnel, il
nous semble que les mères sont aux prises avec la « violence
fondamentale » de la rivalité narcissique (Bergeret, 1984).
Elles sont tiraillées entre l’investissement de leur bébé comme
triomphe narcissique et comme offrande faite à la grand-mère
maternelle pour la maintenir en vie, et le risque d’abandon et
de mise en cause de leur narcissisme défaillant. Le nouveau-né
susciterait alors de la peur, voire de l’agressivité, générant
des mouvements d’idéalisation ne favorisant pas la rencontre
entre mère et enfant. Dans la période qui suit la naissance,
pour toutes les femmes, même celles qui sont au plus près de
leurs émotions, l’enfant est encore peu différencié dans sa
réalité, la mère étant encore massivement aux prises avec le
narcissisme de la grossesse. À deux mois, pour les femmes les
plus en difficulté, la massivité des projections sur l’enfant, la
déception ou les difficultés auxquelles il confronte sa mère,
prennent alors facilement le dessus, entravant encore les pos-
sibilités de rencontre authentique avec leur enfant.
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 43

L’union vécue avec le fœtus pendant la grossesse est bru-


talement interrompue par la naissance et ravive anxiétés et
blessures anciennes. L’intimité mère-bébé au cours de la ges-
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tation favorise, pour certaines femmes, une prise de contact
intérieur avec un bon objet interne capable de protéger ses
parties infantiles. Cette union retrouvée avec un bon objet,
représenté à ce moment-là par le bébé, permet d’approcher
les affects dépressifs contre l’intensité desquels la mère tente
habituellement de se défendre. La naissance et la perte du
contact avec le bon objet interne maternant rendent dan-
gereux pour la survie, physique et psychique, le ressenti
de la dépressivité suscitée par la séparation de l’accou-
chement, mais le partage d’affects avec un tiers conduit
certaines femmes à l’ouverture de leur capacité associa-
tive. L’élaboration du traumatisme, quand elle est possible,
relance les mobilités interprétatives, rétablit les capacités
de jeu, la libre circulation des représentations psychiques,
la générativité des chaînes associatives (Roussillon, 2008).
Dans les bons cas, le travail associatif va permettre une
décondensation de l’image du bébé, image réattribuée à
un objet de deuil. Dans ces circonstances, la mère peut se
déprimer, c’est ce que l’on observe dans le blues habituel,
et le bébé peut s’organiser sur le plan comportemental, psy-
chomoteur et tonico-postural. Inversement, les grossesses
des femmes sans blues ou présentant un blues triste débou-
chent sur un sentiment de mort imminente et, pour parer à
la catastrophe, la mère se désengage affectivement du lien
à son enfant. Le bébé n’est plus, pour sa mère, en position
transitionnelle de moi/non-moi. La mère est conduite à une
représentation d’un bébé non-moi, à distance, qui induit un
deuxième niveau d’effroi.
Pour lutter défensivement contre cette détresse, la mère
tente parfois de réaffilier le bébé à un ancêtre, grandiose
ou non, dans un mouvement de réengendrement en filiation
narcissique. Le bébé, identifié à cet aïeul sur le mode isomor-
phique, devient source du tabou d’inceste, conduisant à un
interdit du toucher et à une dysharmonie des liens.
Pouvoir se jouer de la séparation, quitter l’objet de fusion
narcissique de la grossesse, n’est possible que si l’objet pri-
mordial a pu lui-même supporter la perte et la séparation
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44 Sarah Bydlowski et al.

(Winnicott, 1971). C’est ce qui se rejoue d’emblée dans les


liens avec le nouveau-né et que nous observons quelques
semaines plus tard dans les interactions avec l’enfant, néces-
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sitant de la part de la mère, pour être harmonieuses, de
prendre en compte le point de vue intersubjectif.
La confusion entre le champ vital et sexuel s’applique
particulièrement aux processus cognitifs, la pensée et le pro-
cessus de communication interpersonnelle (Carel, 1997). Elle
permet de comprendre la fréquence avec laquelle les enga-
gements interactifs entre bébé et parents sont disqualifiés,
entraînant la non-mise en place de l’accordage affectif et une
dysrythmie intersubjective. Ces manifestations symptoma-
tiques appartiennent au registre de la perversion narcissique
et sont à mettre au compte de processus défensifs contre les
angoisses catastrophiques liées aux pertes, sans travail de
deuil, subies autrefois par le sujet. Dans ce mode de fonc-
tionnement mental régi par l’empire de la pensée magique,
il n’y a plus d’écart, le jeu symbolique est entravé, la limite
différenciatrice entre jeu et non-jeu, garantie et incarnée par
la mère avant de l’être pour le sujet lui-même, est abolie.
Ainsi, faut-il probablement s’inquiéter, en post-partum
immédiat, quand aucun affect dépressif n’apparaît. Les
femmes qui traversent apparemment impassiblement le post-
partum immédiat semblent bien moins prêtes à supporter le
cap de la maternité, mais aussi bien mieux armées pour s’en
défendre. La dépression peut s’exprimer sur un mode opéra-
toire, non mentalisé, où le « faire » plus ou moins mécanisé
revêt une fonction défensive face à un noyau dépressif pro-
fond. Dans ces situations, si la mère échappe à l’angoisse de
la maternalité, c’est au détriment du développement affectif
de l’enfant et de relations de moins grande réciprocité avec
leur enfant à 6 semaines.
Cliniquement, cette impossibilité ou ce déni de la dépres-
sion se manifeste tantôt par une entrée immédiate de la mère
dans une relation fusionnelle avec son enfant, sorte de pro-
longement de l’état de grossesse (mais une décompensation
psychique viendra parfois, au moment du sevrage, signer
la première séparation-défusion), tantôt par une adhésion
forcée de la mère à une image idéalisée d’hypernormalité :
certaines mères s’épuisent à soutenir l’image d’un bonheur
- © PUF -
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total et sans faille, l’entourage (familial, mais aussi soi-


gnant) contribuant souvent à cette idéalisation, néfaste pour
la mère comme pour l’enfant. Dans l’étude de Véronique
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Lemaitre-Sillère et al. (1989), la moitié des femmes n’ayant
pas présenté de blues en post-partum immédiat souffrait
d’un syndrome dépressif net à trois mois ; inversement, les
femmes ayant présenté un blues discret semblaient protégées
d’un syndrome dépressif franc. À la performance technique
de l’accouchement et de la grossesse doit répondre la per-
formance psychologique de la future mère, invitée à réussir
son accouchement, à le « maîtriser ». Quand la naissance
doit être heureuse, la dépression s’accepte mal. Mais quand
la dépression ne peut même pas s’envisager, sinon comme
destruction, pour la mère, d’elle-même, c’est qu’alors
quelque chose de la naissance ne peut radicalement advenir
(Beetschen, Charvet, 1978).

Le travail de l’Émotion en situation pÉrinatale :


Fonction signal du blues du post-partum
et rencontre intersubjective

La conceptualisation de l’affect a subi d’importantes


mutations de Charles Darwin (1872) à Antonio Damasio
(1995) : l’émotion est considérée de façon de plus en plus
dynamique, jusqu’à devenir un mode de représentation en
soi (Green, 2002) fondamentale dans les liens mère-bébé,
car favorisant par un « accordage affectif » l’émergence de
représentations (Stern, 1993) et des « modèles internes opé-
rants », eux-mêmes garants de la qualité de l’attachement
(Fonagy, 1999). Le bébé construit un portrait dynamique
de sa mère, une « image motrice », grâce aux émotions qui
circulent dans la dyade (Haag, 1990). L’affect devient ainsi,
même s’il est très primitif, un mode de communication en
soi. Les identifications projectives favorisent la circulation
des émotions entre mères et bébés, au travers de « boucles de
retour » (Haag, 1992).
Nos résultats nous permettent de penser que le travail
émotionnel, dont témoigne le blues habituel du post-partum,
favorise en quelque sorte le passage de l’intrapsychique
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maternel vers le développement et la naissance de la vie psy-


chique du bébé dès la vie fœtale ; il se poursuit dans l’ajus-
tement interactif de la dyade après la naissance de l’enfant.
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Le blues dans sa forme modérée semble donc constituer
un signal adaptatif pour le moi, témoigner du travail inter-
subjectif de l’émotion, à la mesure de la régression maternelle
indispensable face au bébé et des nombreux remaniements
psychiques, physiques, générationnels, familiaux et grou-
paux à l’œuvre dans le post-partum immédiat.
Cette observation s’étaye sur le fonctionnement émotion-
nel maternel relevé en post-partum immédiat et quelques
semaines plus tard, de même que dans ses capacités interac-
tives, mais s’appuie également sur les capacités neuropsycho-
motrices, tonico-posturales et interactives observées chez le
bébé dans les jours qui suivent l’accouchement. Le travail de
l’émotion, dans sa dynamique, sa qualité de représentance et
de communication, est une co-construction accomplie, pour
une part, lors du blues en post-partum immédiat. Il autorise
la mère à une meilleure communication émotionnelle avec
elle-même, avec la mémoire du bébé qu’elle a été, et induit
par là-même un meilleur échange émotionnel avec son bébé.
Ce dernier se développe ainsi sur le plan psychomoteur et
tonico-postural avec plus de facilité ; il semble en quelque
sorte pouvoir développer une plus grande liberté à disposer
de lui-même.
Inversement, dans les « maternalités blanches », comme
lorsque le blues n’est plus que triste, l’émotion devient
« dépressive » et deviendrait ainsi pathologique, ne permet-
tant plus cette liberté émotionnelle pour la mère et entravant
la qualité de ses échanges avec son bébé.
L’émotion est dans la langue ancienne « un trouble, un
frisson de fièvre, un frisson de la psyché et un trouble sus-
cité par l’amour » (Rey, 1998). En deçà de l’émotion, on ne
trouve ni manifestation d’amour ni protestation contre le
désamour, mais un figement émotionnel, un gel des affects.
Une certaine disponibilité maternelle est « nécessaire pour que
l’enfant découvre la richesse de la relation intersubjective ».
Le « fantasme de disqualification parentale », à l’œuvre dans
la dépression maternelle, met à mal cette disponibilité (Golse,
2000). L’indisponibilité psychique de l’adulte, son manque
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de malléabilité (Milner, 1977), vont le rendre peu réceptif


aux projections du bébé, en induisant chez ce dernier une
sorte de répression interactive des affects, puisque, dans ces
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conditions, ne fonctionne plus la voie de retour qui sous-tend
la mise en forme représentative des affects chez l’enfant.
Il nous semble ainsi cerner l’importance du blues pour
la construction de la relation mère-bébé. Pour Bion (1962),
l’émotion n’est pas seulement un « carburant » ; dans la
rencontre émotionnelle, il y a déjà quelque chose de la rela-
tion d’objet. Les éprouvés corporels du bébé sont projetés
sur l’adulte qui doit les élaborer avant de les « rendre » à
l’enfant. Dans ces conditions, le blues autoriserait une
régression salutaire et une forme particulière de déconstruc-
tion/reconstruction propice à la rencontre avec l’immatu-
rité et tout l’archaïque du bébé (Rochette, Mellier, 2004),
contrées anciennes d’avant le langage, d’avant le temps et sa
perception. Donner la vie à un nouveau-né réactive chez sa
mère, qui éprouve l’ébranlement extraordinaire de la gros-
sesse et de l’accouchement, des angoisses désorganisantes et
nostalgiques, mais lui permet également, au travers de cette
folle empathie, de comprendre les anxiétés de son bébé et de
lui offrir le holding dont il a besoin. En raison de l’identifi-
cation profonde de la mère à son nouveau-né, de nouvelles
représentations peuvent s’actualiser dans le monde intra­-
psychique de la mère. L’élan du bébé pour elle, à la fois cor-
porel et émotionnel, lui permettrait de se voir non seulement
comme mère (réorganisation identitaire), mais aussi comme
un bébé ayant un plein accès à son objet d’amour primaire.
Les angoisses vitales sont activées autour de la naissance,
même de façon fugitive. Le risque de mort est inhérent, dans
la réalité, à la transmission de la vie. L’autoconservation
passe par les soins du corps. Le risque vital, pour la mère,
est aussi un héritage culturel ; il peut faire partie de l’his-
toire des femmes de la famille et entrer en résonnance avec
les anxiétés primitives, éprouvés en deçà des mots et des
capacités de symbolisation. Ces anxiétés appartiennent au
registre primaire et ont la particularité de diffuser dans
l’espace intersubjectif (Mellier, 2002).
Ainsi, dans la période qui suit immédiatement l’après-
naissance, seul le travail de l’émotion, via la psyché d’un
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autre et de plus d’un autre, va permettre de transformer


les anxiétés primitives, maternelles et infantiles, en signal
pour le moi de la mère, favorisant par là la croissance
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psychique du bébé. L’émotion et le partage d’affects sont,
dans cette perspective, les leviers du « travail de nativité »
(Carel, 2009). Ils favorisent la symbolisation et le travail de
représentation au cœur du travail psychique périnatal et se
révèlent nécessaires au fonctionnement non traumatique de
la psyché. Ainsi, le travail de l’émotion, composé de sensa-
tions premières, précède-t-il la représentation.
Notre étude semble contribuer à indiquer que la capacité
de contenance maternelle favorise, dès la vie in utero, le déve-
loppement du bébé et les échanges interactifs mère-enfant.
Le bébé n’a pas la capacité de rassembler par lui-même les
différents éléments de sa personnalité, s’il ne rencontre pas
dans l’environnement quelqu’un qui fasse ce travail de jonc-
tion (Bick, 1968). Le propre de la fonction contenante est
de recevoir les éprouvés corporels bruts épars et désorgani-
sateurs, liés à la problématique de survie et d’autoconserva-
tion, centrale autour de la naissance. La fonction contenante
de la mère, soutenue, dans les bons cas, par son conjoint, ses
proches et les soignants de la Maternité, attire ces angoisses,
les rassemble et les lie pour leur donner sens, les rendre enfin
assimilables par la psyché naissante du bébé qui développe
alors progressivement cette fonction pour lui-même, intério-
rise son « appareil à penser » (Bion, 1962).
Les cliniciens et théoriciens de la première enfance ont
décrit les conditions de fonctionnement du narcissisme pri-
maire. Afin de cerner l’effet des défaillances de la fonction
de miroir primitif de l’objet, il faut partir de ce que le bébé
attend de l’objet et des reflets de celui-ci. Le bébé n’est pas une
tabula rasa quand il vient au monde ; il possède un ensemble
de préconceptions de l’objet et de ce qu’il peut attendre de lui
(Bion, 1962). Winnicott (1971) souligne que le développement
des potentialités du bébé dépend étroitement des réponses
que l’environnement apporte à ses tentatives pour les faire
connaître et reconnaître. Les potentialités du bébé se pré­-
sentent comme des préconceptions en attente d’accomplisse-
ment, elles ne sont que virtuelles, tant qu’elles n’ont pas trouvé
de quoi s’actualiser dans la rencontre avec l’environnement.
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Pour comprendre la façon dont cet accomplissement se


produit, Bion (1962) propose l’idée d’une fonction alpha de
la mère qui détoxique les « objets bizarres » auxquels l’infans
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se trouve confronté. Winnicott (1967) propose l’idée d’une
fonction « miroir » du visage maternel. Pour Roussillon
(2008), c’est l’ensemble des émois, comportements, attitudes
corporelles, mimiques, gestuelles, tout ce que le corps de la
mère communique au bébé, qui prend valeur de message
signifiant pour lui, de reflet de ce qu’il éprouve. La mère
« transforme en échoïsant » ce que le bébé éprouve, ce qu’il
manifeste, elle le transforme par cette réponse « en double »
qui a comme condition une empathie suffisante et comme
effet de conférer à ce qui est ainsi « échoïsé » la valeur d’un
signe et d’un message. À partir de la chorégraphie de l’ajus-
tement mimo-gesto-postural réciproque entre mère et bébé,
au sein de laquelle se transmettent, se régulent et se par-
tagent des sensations, bébé et mère se répondent en échos
et commencent à explorer les mouvements de l’autre. C’est
ainsi qu’une certaine connaissance des états cénesthésiques
et affectifs de l’autre se développe. « Je suis moi dans ton
regard » (Levinas, 1961).
Daniel Stern (1985) propose de considérer les « émo-
tions de vie », les « affects de vitalité » comme à l’origine des
représentations. Ainsi, le bébé apprendrait très précocement
à reconnaître sa mère, à travers les signaux sensoriels éma-
nant de la façon dont les soins se déroulent. Cette conception
intersubjective des émotions, issue des théories développe-
mentale et de la relation d’objet, accorde donc au partage
affectif, à l’accordage émotionnel, un rôle central dans le
processus représentationnel : l’espace affectif partagé crée-
rait l’espace mental personnel.
La théorie psychanalytique de l’affect engage un point de
vue plus solipsiste sur la naissance des représentations. Si
Sigmund Freud (1926) définit l’affect comme un représen-
tant psychique quantifiant l’intensité de la pulsion et qua-
lifiant la sensation (opposition plaisir/déplaisir), il propose
aussi, comme plus tard Melanie Klein (1952), que les affects
constituent une sorte de mémoire corporelle, « memories in
feeling », un rappel atténué des ébranlements traumatiques
précoces, préhistoriques, ayant affecté le corps et l’ensemble
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de l’être aux époques préverbales ou présymboliques de sa


constitution (Roussillon, 2001). L’intensité affective autour
de l’accouchement serait susceptible de réveiller des traces
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anciennes en lien avec ces premières expériences infantiles,
d’où le paradoxe de Winnicott (1956), qui veut que seule une
mère en bonne santé puisse supporter cette folie de l’accou-
chée, l’afflux de ces traces archaïques, et en assurer une cer-
taine intégration subjective.
L’expérience clinique montre que bébés et mères se
« cherchent », qu’ils tâtonnent tous deux dans leur tentative
(60% des interactions sont des interactions d’ajustement
réciproque) et produisent ainsi une sorte de « chorégraphie »
de la rencontre, dans la mesure où les réponses de la mère ne
sont pas d’emblée trop étrangères au bébé. L’enjeu est celui
de la reconnaissance mutuelle, que chacun puisse communi-
quer à l’autre qu’il a été compris. Pour les deux partenaires,
la seule manière de pouvoir s’adresser un tel message est de
se placer en position de « double » de l’autre.
La chorégraphie ne peut s’effectuer que si chacun des
partenaires a la possibilité d’anticiper les mouvements et
variations de l’autre. Le bébé n’en est capable que dans une
certaine mesure et risque d’être débordé dans ses possibi-
lités d’anticipation par une mère chaotique et imprévisible.
Quand la gestuelle maternelle ne déborde pas ses capacités, le
bébé va s’étayer sur sa propre aptitude à repérer, organiser,
décomposer et « concevoir » les rythmes qui se dégagent du
mouvement maternel. L’investissement du corps et du visage
maternels, s’ajustant aux mouvements et états cénesthé-
siques internes du bébé, produit alors un plaisir dans lequel
le bébé perçoit le reflet de sa cohérence et de son harmonie.
« Si le plaisir réverbéré par la mère et ses propres états inter-
nes n’est pas suffisant, l’affect de plaisir de l’enfant peut ne
pas se composer et donc ne pas être éprouvé » (Roussillon,
2008).
Ce partage cénesthésique premier permet de commencer
à explorer des sensations et des formes premières d’affects,
mais aussi des processus psychiques débutants de transfor-
mation et de traitement des états internes, du registre de la
« symbolisation primaire ». Le narcissisme primaire, l’inves-
tissement du corps propre et de son fonctionnement par le
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bébé, n’est ni immédiat ni direct, il dépend de la médiation


offerte par l’objet. Se traite ainsi le paradoxe du narcissisme
primaire, l’investissement de l’objet se superpose à l’inves-
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tissement de soi-même, sans antagonisme, dans la mesure où
l’investissement de l’objet reflète au sujet ses propres états
ou des états correspondants au mode près.
Cet accordage a une valeur fondamentale dans les expé-
riences de rassemblement. André Bullinger (2004) décrit
comment l’ajustement de l’appui-dos du holding premier
rend possible une libération des muscles hyperextenseurs du
bébé, qui lui permet de ramener, pendant la tétée, la main
dans le champ visuo-buccal. S’ouvre ainsi la possibilité d’un
investissement d’une première forme de « rassemblement »
de la « nébuleuse subjective » première (David, 1997), ras-
semblement que la « tresse des plaisirs » (Roussillon, 2008)
va permettre de libidinaliser et donc de lier psychiquement.
Inversement, la mauvaise qualité de cette expérience de
lien et d’association affaiblit d’emblée les capacités asso-
ciatives et la future capacité de synthèse du processus de
subjectivation.
Le partage cénesthésique constitue une trame sur laquelle
s’établit secondairement la possibilité d’un accordage émo-
tionnel. L’investissement des perceptions issues du corps
propre produit des états affectifs premiers, qui préfigurent
les futurs états émotionnels du bébé. L’émotion se compose à
partir des sensations premières, elle est une forme complexi-
fiée de celles-ci. L’accordage comme l’ajustement sont des
processus, ce ne sont ni des états, ni des données immédiates
de la relation première. Commence ainsi à se transmettre au
bébé la différence entre un « affect-passion », intense, adapté
à certaines conditions bien particulières, et un « affect-
signal » qui « représente » l’affect, en donne le signe.

Vers une comprÉhension psychodynamique


de certaines compÉtences nÉonatales

Nous avons eu la surprise d’observer que, de façon signi-


ficative, les nouveau-nés des femmes présentant un blues
habituel du post-partum avaient un réflexe main-bouche plus
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organisé que les autres. La survenue précoce de cette capa-


cité du bébé est révélatrice de sa maturité psychomotrice et
tonico-posturale, dans la mesure où le suçotement est une
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activité qui apporte « l’apaisement, la décharge d’une ten-
sion, dans un acte où plusieurs éléments sensori-moteurs et
cénesthésiques sont rassemblés consensuellement » (Botella
et al., 1977).
L’expression affective dont témoigne le blues semble
ainsi souligner l’impact de l’état psychique maternel sur
l’état du bébé à sa naissance. La perception subjective d’un
vécu douloureux en situation périnatale pourrait donc avoir
une valeur constructive pour le développement des capaci-
tés d’organisation du bébé, et ce, probablement, dès la vie
fœtale. Nos résultats montrent que ces qualités maternelles
sont corrélées au développement et à l’organisation d’une
meilleure régulation des états du nouveau-né dès le post-
partum immédiat, et ce bon démarrage se révèle donc une
compétence partagée qui favorise la qualité des interactions
deux mois plus tard. Inversement, blues triste et absence de
ce réflexe néonatal conduisent à des interactions mère-enfant
difficiles à deux mois.
Selon une autre perspective, Tiffany Field et al. (2002)
montrent qu’une activation électroencéphalographique
maternelle frontale droite est associée à des niveaux de
dépression et d’anxiété plus élevés et à des taux plus faibles
de dopamine pendant la grossesse et le post-partum, ainsi
qu’à des taux plus élevés de cortisol en post-natal immé-
diat. Or, les nouveau-nés de ces mères plus fragiles ont eux-
mêmes des taux plus faibles de dopamine et de sérotonine
et une activité électroencéphalographique frontale droite
plus importante, ainsi que des scores plus faibles à l’examen
de Brazelton sur les items d’habituation, d’orientation, de
motricité, les réflexes et les états d’éveil.
Par ailleurs, il est maintenant acquis que des différences
tonico-posturales, acquises pendant la vie fœtale et mani-
festes à la naissance, ont des conséquences fonctionnelles sur
le plan psychomoteur, et surtout sur les interactions mère-
enfant, tant comportementales (visuelles, vocales, corpo-
relles) (Vaivre-Douret, 1994) que fantasmatiques (Lebovici
et al., 1989). La mère est plus ou moins soutenue dans les
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interactions et les soins avec son bébé, par les réactions et les
comportements de son enfant, comme nous avons pu nous-
mêmes l’observer à deux mois. L’immaturité tonico-posturale
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et l’excitabilité qu’elle entraîne chez le nouveau-né met sa
mère dans une situation difficile. Elle ne perçoit pas toujours
l’inconfort de son enfant, ne comprend pas ses colères répé-
tées, et se culpabilise de ne pas agir comme il le faudrait ou
de ne pas savoir interpréter ses signaux de détresse. Le lien
d’attachement et l’ajustement tonique corporel peuvent en
être entravés. La mère sollicite involontairement maladroite-
ment son enfant, lors des déplacements corporels et des soins
quotidiens, et ignore les manipulations adéquates pour évi-
ter l’inconfort et favoriser le développement de son organi-
sation tonico-posturale. Si au quotidien le bébé n’est pas en
mesure de trouver une posture plus harmonieuse, il renforce
sa mauvaise position, sa motricité volontaire étant en cours
de maturation et il risque d’acquérir d’autres anomalies
secondaires, notamment plastiques ou orthopédiques.
Enfin, la succion peut être considérée comme une véri-
table « ligne de développement » (Freud, 1965) et de l’his-
toire du sujet depuis la vie fœtale jusqu’aux confins de
l’existence (Missonnier, 2009). Sa compréhension est indis-
sociable du développement psychomoteur dans son ensemble
et de l’unité fonctionnelle de la « cavité primitive », concept
au travers duquel René Spitz (1955) décrit les réflexes de
succion et de déglutition des nouveau-nés dans un contexte
développemental biopsychique. L’ensemble, constitué par la
langue, les muqueuses buccales, les lèvres, les joues, le nez,
le menton, les voies nasales et pharyngées, est le « berceau »
de toutes perceptions et occupe une place fondamentale dans
le développement psychomoteur du nourrisson. Sa singu-
larité, déterminante pour le développement, est d’agir « à
la fois de l’intérieur et de l’extérieur, c’est simultanément
un intérocepteur et un extérocepteur. […] la cavité orale
remplit la fonction d’un pont entre la réception interne et
la perception externe ». L’expérience de la cavité primitive
est celle de la « perception cœnesthésique », « le monde de la
sécurité la plus profonde que l’homme puisse jamais éprou-
ver après la naissance, un monde où il demeure entouré et
calme ». La succion non nutritive se rattache, selon la théorie
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54 Sarah Bydlowski et al.

de l’attachement (Bowlby, 1969), à l’ensemble des compor-


tements qui médiatisent l’attachement. Ceux-ci s’organisent
en deux catégories : les comportements de signal (pleurs,
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gestuelle, etc.) et les comportements d’approche dont l’effet
est d’amener l’enfant à la mère (agrippement, succion non
nutritive). Si la succion reste inscrite dans la lignée génétique
du besoin d’attachement, elle est assimilable à la matrice
autocalmante primaire orientée vers l’autre, in utero et dans
l’immédiat après-naissance (Missonnier, 2009). Ainsi, la
valeur « messagère » de la pulsion n’est-elle que potentielle.
Elle dépend de l’étayage de la succion nutritive et non nutri-
tive postnatales sur la succion prénatale, avant le deuxième
niveau d’étayage (Freud, 1905), qui correspond à la « suc-
cion libidinale ». L’apparition d’un suçotement est un signe
de « bonne évolution et de l’atteinte d’un certain niveau
relationnel ». Inversement, les « activités auto-érotiques
dissociées », toujours gouvernées par la compulsion de répé-
tition et proches de la notion de démantèlement (Meltzer et
al., 1980), ne sont pas observées chez des enfants possédant
la capacité de sucer leurs doigts, témoignant d’un auto-
érotisme normal (Botella et al., 1977).
Ce premier étayage correspond au passage de l’autocal-
mant (protonarcissique prénatal) à l’auto-érotique (narcis-
sique post-natal). La succion non nutritive du nourrisson n’a
pas pour origine la fonction alimentaire au sein ou au bibe-
ron, mais la succion fœtale prénatale (Lecanuet, 2002), sui-
vant les propos de Freud (1905) selon lequel chez les enfants
qui suçotent plus que les autres, « la sensibilité érogène de la
zone labiale est congénitalement fort développée ».
Cette proposition d’envisager une « synergie fonction-
nelle » de la succion prénatale et néonatale s’appuie sur les
hypothèses de Béla Grunberger (1975) pour lequel l’état éla-
tionnel prénatal est la source de toutes les variantes possibles
du narcissisme. Les relations mère-enfant postnatales sont la
« répétition d’un processus plus archaïque » où la relation
orale commémore et met en déséquilibre la toute-puissance
fœtale d’une succion sans limite, non liée au nourrissage
et, par conséquent, à la butée de la réplétion. Michel Soulé
(Soulé et al., 1999) propose une triade biologique fœtus-
placenta-mère et ses éventuels dysfonctionnements, basée
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 55

sur les observations des échographistes. Il aboutit à l’idée


que la succion et la déglutition prénatale seraient une condi-
tion sine qua non de l’efficience de la tétée en postnatal et
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de la compréhension clinique de ses avatars, d’où l’intérêt de
considérer les comportements fœtaux comme des « prémices
des procédés auto-calmants » s’inscrivant dans un « système
de décharge pendant la vie fœtale ». L’autocalmant (Szwec,
1998) précède l’autoérotique et en constitue la matrice sur
laquelle la partition fœtale s’étaye. Au travers des procédés
autocalmants (Smadja, 1993), le moi est sujet et objet de
ces procédés qui visent à restaurer le calme par le recours
à la motricité et à la perception, afin d’obtenir une réalité
dépouillée de ses affects et de sa charge symbolique.
D’après notre étude, l’organisation du réflexe main-bouche
dès la naissance paraît corrélée avec la qualité du fonction-
nement émotionnel maternel et constitue, en ce sens, un fait
nouveau d’observation qui reste encore énigmatique dans sa
compréhension, puisqu’il lie le potentiel émotionnel maternel
à la précocité développementale du nouveau-né. Nos résultats
nous semblent confirmer l’hypothèse avancée par Sylvain
Missonnier (2009), selon laquelle la formalisation évolutive
de la ligne de développement de la succion est un processus
interrelationnel entre l’enfant et son environnement humain
et non humain. « C’est par l’intermédiaire de l’objet que la
libido s’unifie et se polarise sur certaines zones. Pour que
la bouche soit véritablement investie en zone érogène, l’apport
libidinal fourni par l’objet semble être obligatoire » (Botella
et al., 1977). La succion mérite d’être considérée comme un
axe majeur de l’intersubjectivité primaire. Elle confronte la
relation d’objet naissante de l’infans avec celle, archaïque,
de l’adulte, inscrit dans le langage.

Conclusion et perspectives

Conduits selon une méthodologie clinique, s’appuyant à la


fois sur une lecture psychodynamique des entretiens mater-
nels, sur des évaluations néonatales en post-partum immédiat
et des interactions mère-bébé à deux mois, nos résultats nous
ont permis de confirmer que, dans la période particulière de
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56 Sarah Bydlowski et al.

l’après-naissance, du fait de l’intensité des affects mobilisés et


de la rencontre avec l’immaturité du nouveau-né, le blues du
post-partum apparaît comme une manifestation signifiante sur
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le plan clinique et pronostique pour le lien mère-enfant. Notre
travail nous a permis d’en préciser les contours cliniques et
nosographiques, les enjeux psychopathologiques et métapsy-
chologiques, ainsi que les conséquences favorables sur la régu-
lation neuropsychomotrice et tonico-posturale du bébé dès
sa naissance, comme sur l’ajustement interactif mère-enfant
quelques semaines plus tard.
Le blues post-natal peut dès lors être considéré comme un
marqueur du lien intersubjectif avec le nouveau-né et inter-
venir dans son évolution neuropsychomotrice, même si ces
observations sont à confirmer sur de plus larges échantillons
et devraient être associées à des mesures plus poussées du
développement psychomoteur et tonico-postural, comme des
interactions mère-bébé.
Cette perspective nouvelle permet d’ouvrir certaines
pistes en matière de prévention dans le domaine de la santé
publique pour les soignants œuvrant dans le champ de la
périnatalité. Un certain nombre d’indices du côté mater-
nel, tels que le silence émotionnel de l’absence de blues ou
la qualité exclusivement triste des affects exprimés dans le
post-partum, devraient alerter les témoins de la naissance.
Nos résultats conduisent également à une attention redou-
blée devant toute dysrégulation psychomotrice et tonico-
posturale du nouveau-né, dont l’importance est largement
soulignée dans les travaux de recherche actuels. La recher-
che systématique du réflexe « main-bouche », même s’il ne
constitue probablement qu’un marqueur d’une organisation
plus complexe, pourrait être proposée aux professionnels de
terrain qui peuvent facilement le repérer lors des examens
de routine, en suites de couches ou en PMI par exemple.
Partant de ces constats, de nouveaux facteurs de risque
dans l’établissement des premiers liens mère-enfant pour-
ront peut-être être repérés, favorisant ainsi une meilleure
orientation vers les lieux de soins les plus adaptés, en res-
tant vigilant à toute confusion entre prédiction et préven-
tion. Nous savons que les souffrances primitives familiales
en périnatalité font difficilement « signal » pour les parents,
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Le blues post-natal : un marqueur du lien intersubjectif 57

car elles sont diffuses et peu localisables. Les professionnels


sont ici invités à capter cet appel et à soutenir les parents
et la famille. Il s’agit d’être attentif à la fois à l’éventuelle
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dysthymie maternelle comme à l’état somato-psychique du
bébé, mais aussi aux effets de la désorganisation maternelle
sur le bébé et à ceux des difficultés de développement du
bébé sur sa mère. Soulignons l’intérêt que ces évaluations
et ces orientations thérapeutiques puissent être conduites de
façon longitudinale par des soignants formés à l’observation
des difficultés dyadiques et travaillant en lien étroit avec des
équipes de pédopsychiatrie. De telles observations débutant
dès le séjour en Maternité et se poursuivant pendant la pre-
mière année de vie permettent de développer une stratégie de
prévention, s’appuyant sur un réseau interinstitutionnel.
Nos recherches invitent également au développement
d’un « suivi longitudinal psychosomatique périnatal », selon
l’expression de Sylvain Missonnier. Cette perspective devrait
permettre, au travers d’observations conjointes des obstétri-
ciens, des échographistes, des pédiatres et des professionnels
du psychisme, une meilleure compréhension psychologique
des processus de parentalité dès la période anténatale, des
interactions fœto-maternelles et du développement psy­-
chique premier de l’enfant.
Le passage de l’intrapsychique à l’interpersonnel, tout en
restant profondément énigmatique, ne peut et ne doit cesser
d’alimenter l’inventivité et la créativité des interrogations
dans le champ périnatal.
Enfin, l’affect et l’émotion font désormais l’objet de
nombreux travaux d’orientations diverses et parfois conver-
­gentes. Ils constituent des thématiques de recherche en pleine
évolution conceptuelle. Tous deux sont maintenant considé-
rés comme des éléments essentiels des processus de l’inter-
subjectivité, et paraissent constituer en eux-mêmes une
manière particulière de penser l’objet. Dans cette perspec-
tive, notre travail concourra peut-être à la mise en valeur de
l’émotion et de sa dynamique, dans ses liens avec le travail
de symbolisation et de représentation. Une ouverture vers
d’autres situations cliniques que l’aube de la vie, où l’affect
devient un outil privilégié de communication, permettra pro-
bablement d’avancer dans ces connaissances.
- © PUF -
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Sarah Bydlowski Automne 2012


Association de Santé Mentale
du XIIIe arrondissement de Paris
11, rue Albert-Bayet
75013 Paris
sarah.bydlowski@asm13.org

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