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Anne Brun
2014/2 - Vol. 57
pages 437 à 464
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ISSN 0079-726X
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36 / 718 21 novembre 2014 02:33 - La psychiatrie de l’enfant 2/2014 - Collectif - La psychiatrie de l’enfant - 135 x 215 - page 437 / 718
Associativité
sensori-motrice
Évaluation clinique
Signifiant formel
Symbolisation primaire
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MÉDIATION THÉRAPEUTIQUE
PICTURALE ET ASSOCIATIVITÉ
FORMELLE DANS LES DISPOSITIFS
POUR ENFANTS AVEC TROUBLES
ENVAHISSANTS DU DÉVELOPPEMENT
Anne Brun1
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The aim of this article is to describe the specificity of symbolisation
and the forms of transference which are brought into play by individual
or groupal pictorial mediation with psychotic and autistic children, by
proposing the concept of formal associativity, destined to pick out the suc-
cession of forms, not only in the productions but also in all the sensorimo-
tor language used by these children when confronted with this medium.
Because of their sensorimoter associations, therapeutic mediations like
painting allow for the emergence of primary forms of symbolisation.
In this perspective, using observational and written practice as well as
supervision of numerous set ups of pictorial mediation, the author has
developed the hypothesis of a formal associative chain, essentially consti-
tuted by formal signifiers (Anzieu) at work in the framework of therapeu-
tic mediations. She proposes a synthetic chart of « indications for clinical
evaluation » of the setting into play of formal associativity in a set up of
pictorial mediation, based on psychoanalytic psychotherapy.
Keywords: Sensorimotor associativity – Clinical évaluation – Formal
signifier – Primary symbolisation.
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formes de représentation –que la théorie psychanalytique
désigne comme des « protoreprésentations » – qui renvoient
à une inscription des premières expériences de la relation
à l’objet, expériences d’ordre sensoriel et affectif. À partir
de l’exemple de la médiation picturale pour enfants psycho-
tiques et autistes, cet article interroge la possibilité de déga-
ger les logiques de l’émergence de ces formes primaires de
symbolisation, et leur rôle dans l’accès à la symbolisation
primaire2, envisagée comme une métabolisation des traces
perceptives et sensorimotrices en protoreprésentations. Il
s’agira de décrire la spécificité de la symbolisation et des
formes de transfert mises en jeu par la médiation picturale
individuelle ou en groupe avec des enfants psychotiques et
autistes, en proposant le concept d’associativité formelle,
qui visera à repérer l’enchaînement des formes à la fois
dans les productions proprement dites, mais aussi dans
l’ensemble du langage sensorimoteur des enfants confrontés
au médium, ici à la matière picturale. Cette associativité for-
melle, dans un cadre individuel ou groupal, provient de la
mise en jeu de la sensorimotricité des enfants, mobilisée dans
le travail du médium : le point de départ du processus est
la rencontre avec le médium qui amorcera l’émergence de
formes primaires de symbolisation, en lien avec les modes
de communication primitifs entre le bébé et son environ-
nement, donc au fondement des interrelations avec autrui.
Pour décrire les logiques de l’émergence de ces formes pri-
maires de symbolisation, qui ouvrent l’accès au figurable, je
développerai l’hypothèse centrale d’une chaîne associative
formelle, essentiellement constituée de signifiants formels,
selon la conceptualisation de Didier Anzieu (1987), à l’œuvre
pour tout sujet dans le cadre des médiations thérapeutiques,
au sein d’une prise en charge individuelle ou groupale : en
groupe, on pourra parler de chaîne associative formelle de
groupe.
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lisation dans le cadre des médiations thérapeutiques pour
enfants psychotiques et autistes, puis l’approche clinique
de la médiation picturale permettra de dégager les caracté-
ristiques de l’évolution de la chaine associative formelle au
fil d’une prise en charge, individuelle ou groupale, et enfin
ces processus d’associativité formelle seront mis en évidence
dans un tableau synthétique de repères pour une évaluation
clinique de la médiation picturale3.
SPÉCIFICITÉ DE LA SYMBOLISATION
À PARTIR DE L’ASSOCIATIVITÉ SENSORIMOTRICE
ET DU TRANSFERT SUR LE MÉDIUM
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contraire, le travail thérapeutique s’effectuera justement
à partir de la sensorimotricité de l’enfant confronté à un
médium mais aussi des qualités sensorielles de l’objet média-
teur et de la mise en jeu par les thérapeutes d’un langage
sensorimoteur.
C’est en effet une forme « d’associativité » non verbale
qui se déploie avec le médium, une associativité liée à la
dynamique sensorimotrice et à l’enchaînement des formes et
des déformations que les patients font subir au médium. En
présence d’enfants psychotiques, le thérapeute sera attentif
à la gestualité des enfants, à leurs mimiques, à leurs postures
corporelles, à toute la dynamique mimo-gestuo-posturale,
mais aussi à leurs choix de tel ou tel instrument pour travail-
ler le médium, de tel ou tel matériau, de telle ou telle tech-
nique, ainsi qu’à la façon dont s’enchaîne au fil des ateliers
thérapeutiques toute cette dynamique sensorimotrice pour
chaque petit patient et pour le groupe. Il s’agit par exemple
de repérer comment vont s’associer un déplacement dans
la pièce, une activité motrice, un trait, un regard, une tech-
nique picturale, un choix de support, ou, de façon générale,
toute forme d’expression. Cette observation précise de l’asso-
ciativité médiée par le langage du corps et de l’acte s’avère
essentielle car l’écoute de l’associativité psychique est au
fondement de la méthode analytique et, de façon générale,
l’intérêt de ces thérapies à médiation consiste précisément à
considérer la sensorimotricité comme un vecteur de symbo-
lisation (Brun, 2007, 2013).
Pour pouvoir être en mesure de mettre en lumière le
champ de l’associativité sensorimotrice, un « observateur
écrivant » peut être associé aux deux cliniciens qui animent
les groupes thérapeutiques à médiation : cet observateur
écrivant peut aussi parfois intervenir en voix off ou établir
quelques interactions spécifiques avec les enfants, sans tou-
tefois sortir de sa fonction écrivante. On peut repérer des
manifestations transférentielles spécifiques autour de ce thé-
rapeute observateur écrivant, qui a souvent une fonction
essentielle dans la dynamique de l’atelier.
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21 novembre 2014 02:33 - La psychiatrie de l’enfant 2/2014 - Collectif - La psychiatrie de l’enfant - 135 x 215 - page 442 / 718 21 no
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jeu associatif qui va permettre le déploiement du champ
transférentiel, le transfert étant le second fondement de
la méthode analytique. L’associativité ne peut en effet se
déployer que dans un cadre-dispositif qui relève de la psy-
chothérapie psychanalytique, donc fondé sur la dynamique
transféro-contre-transférentielle : dans cette perspective,
comment spécifier le transfert dans ces dispositifs à média-
tion référés à la psychothérapie psychanalytique ? D’abord
par le fait que le transfert s’effectue sur le médium mal-
léable, tel que Marion Milner (1955) l’a défini, qui désigne
à la fois le matériau, la matière et le thérapeute. Le thé-
rapeute est le représentant du médium, comme le médium
est le représentant du thérapeute. L’objet médiateur n’est
donc pas thérapeutique en soi, cela dépend du cadre et du
dispositif.
Ainsi, la référence à l’objet médiateur sera d’emblée
inscrite dans l’énoncé de la règle fondamentale, autre élé-
ment essentiel dans la méthode psychanalytique. En voici un
exemple dans la médiation picturale :
« On est là pour dire avec la peinture (ou la terre, la musique,
les marionnettes, etc.) et avec les mots ce qui se passe dans notre
tête, ce qui est difficile, ce qui fait mal, ce qui fait peur, et aussi ce
qui fait plaisir. On peut raconter avec la peinture (ou autre) et on
peut parler. Vous (ou tu) pouvez utiliser tout ce qui est là pour faire
de la peinture (ou autre), comme vous voulez. »
Dans la formulation de cette règle, inspirée de Geneviève
Haag, l’idée de la liberté dans l’utilisation du médium appa-
raît fondamentale : pour que l’associativité sensorimotrice
liée à l’utilisation du médium soit optimale, il faut en effet
laisser les enfants utiliser à leur gré l’ensemble du matériel
mis à leur disposition, avec la plus grande liberté possible.
Ceux-ci choisissent leur façon de peindre, leur matériel et
leurs techniques, qui peuvent éventuellement leur être pré-
sentées, mais l’expérience montre qu’un enfant ne se saisit
jamais d’une technique si elle ne lui permet pas de travailler
un aspect de sa problématique. Les thérapeutes se laissent
utiliser par les enfants, sans leur demander de représentation
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42 / 718 21 novembre 2014 02:33 - La psychiatrie de l’enfant 2/2014 - Collectif - La psychiatrie de l’enfant - 135 x 215 - page 443 / 718
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à médiation référés à la psychothérapie psychanalytique ? Il
s’agit d’abord d’un transfert sur la matérialité du médium
qui va devenir du coup une « matière à symbolisation »
(Chouvier et coll., 2002).
Dans les états psychotiques, c’est souvent le médium qui
permet aux patients d’accéder à la dynamique transférentielle
et la fonction du médium consistera à devenir un attracteur
sensoriel qui permet le transfert d’expériences primitives sur
l’objet médiateur, car il réactualise des expériences archaï-
ques souvent catastrophiques qui concernent les états du
corps et les sensations. Dans cette perspective, les enjeux du
recours aux médiations se situent donc du côté d’une possible
inscription, dans le travail du médium malléable, de ces expé-
riences premières d’ordre sensori-affectivo-moteur qui n’ont
pas pu être traduites en langage verbal.
Le transfert sur le médium apparaît comme une modalité
du transfert sur le cadre au sens d’un transfert des modes
de relation primitifs, comme le montrent les travaux de
Geneviève Haag. Dans le contexte spécifique d’un groupe
à médiation pour psychotiques et autistes, les enfants vont
projeter les éléments morcelés de leur monde interne non
seulement sur les thérapeutes et sur les autres sujets du
groupe, selon le processus de diffraction du transfert dans
un dispositif groupal conceptualisé par René Kaës (1976),
mais aussi sur les éléments sensoriels du cadre thérapeu-
tique. Il s’agit donc d’un transfert par diffraction sensorielle
(Brun, 2007, pp. 63-66), puisque les fragments projetés sont
diffractés en partie sur les éléments du cadre et notamment
sur le médium malléable. Dans un groupe d’enfants psycho-
tiques, cette diffraction du transfert n’opère donc pas seu-
lement sur les membres du groupe et sur les thérapeutes,
mais aussi sur les éléments du cadre matériel et sur l’objet
médiateur. Comme l’écrit José Bleger (1967), le cadre est
le dépositaire des liens symbiotiques primitifs et renvoie à
une indifférenciation entre le corps de l’enfant et l’environ-
nement. Il s’impose donc aussi d’être attentif au transfert
non seulement sur le matériau mais sur l’ensemble du cadre
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21 novembre 2014 02:33 - La psychiatrie de l’enfant 2/2014 - Collectif - La psychiatrie de l’enfant - 135 x 215 - page 444 / 718 21 no
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correspondent à la façon dont se déploient, au sein du cadre
thérapeutique, les projections spatiales et architecturales de
l’image du corps, et renvoient aux premières identifications
ou liaisons intracorporelles qui contribuent à construire
l’image du corps et de l’espace.
L’expérience montre que le transfert sur le médium mal-
léable (Milner, 1955), au double sens du matériau et du thé-
rapeute, est le transfert de la relation première de l’enfant
à l’objet. L’enfant raconte par sa gestualité et son travail du
médium son histoire, sa vie psychique, ses terreurs primi-
tives, avant le langage verbal. C’est la réalité du lien précoce
à l’objet qui va se transférer, se figurer et s’élaborer dans le
cadre d’ateliers thérapeutiques individuels ou groupaux.
Un des enjeux principaux des médiations thérapeu-
tiques dans ces cliniques de la psychose infantile en difficulté
majeure avec la symbolisation consiste donc à pouvoir faire
advenir à la figuration des expériences primitives non symbo-
lisées, des éprouvés somatopsychiques impensables, d’ordre
sensori-affectivo-moteur, souvent proches des agonies pri-
mitives de Donald Winnicott. Le travail thérapeutique
s’effectue à l’appui de l’impact des stimulations sensorielles
provenant du médiateur et de l’ensemble des matériaux mis
à la disposition du patient : c’est la rencontre avec la senso-
rialité de l’objet médiateur et aussi la matérialité du cadre
et des matériaux à disposition qui réactualise chez l’enfant
des expériences sensori-affectivo-motrices qui vont se mettre
en forme dans les productions et dans tout le registre sen-
sorimoteur qui les accompagne. Le rôle de l’hallucination
est essentiel car ces éprouvés archaïques d’ordre sensori-
affectivo-moteur s’imposent à l’enfant sous forme d’un vécu
hallucinatoire, qui rencontre un écho dans la manipulation
du « médium malléable ».
Des exemples cliniques empruntés à des dispositifs de
médiation picturale individuels ou groupaux permettront
de dégager les modalités d’émergence et de déploiement de
ce que je propose de nommer « Associativité formelle »,
tout en mettant en lumière la spécificité des processus de
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CLINIQUE INDIVIDUELLE ET GROUPALE
DE LA MÉDIATION PICTURALE
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l’eau, en versant de l’eau dessus ou en imbibant d’eau un rouleau,
jusqu’à l’effacement. Il font ainsi le vide sur leur feuille, la plu-
part du temps ils la trouent et finissent par tout dissoudre dans du
liquide. Ils peuvent aussi passer et repasser plusieurs couches de
peinture, tant et si bien que la feuille se gondole ou se transperce.
Cet acharnement de certains enfants à effacer toute trace sur
leur feuille, à faire le vide, indique leurs angoisses, ici une mise
en figure d’une terreur d’effacement, de disparition ou de disso-
lution. L’enfant exprime une terreur de néantisation, un vécu de
mort psychique, contre lequel il va lutter en infligeant à la feuille
le vide, dans un processus de retournement passif/actif. Le retour-
nement passif/actif constitue souvent la première forme de symbo-
lisation pour un enfant psychotique ou autiste. L’enfant devient,
pour ainsi dire, en miroir avec la feuille de peinture, un « Je/pein-
ture qui se liquéfie », qui disparaît ou qui est aspiré par un trou,
ou encore « un appui qui s’effondre ».
D’autres enfants tentent de lécher leur feuille de peinture ou
d’avaler la peinture. On assiste à la tentative d’incorporer en
quelque sorte le médium, première étape finalement d’une sym-
bolisation à forme archaïque, sous la forme pictogrammatique du
« prendre en soi » du pictogramme de jonction décrit par Piera
Castoriadis-Aulagnier (1975). Mais, dans certains cas, il peut s’agir
aussi de la mise en scène sensorimotrice d’un pictogramme de rejet,
comme cet enfant4 qui lèche sa feuille de peinture à la seconde séance
et vient montrer à l’infirmière, qui anime son atelier, un aphte dans
la bouche qui lui fait mal. Au cours de la supervision, l’infirmière
associe ce geste au souvenir que cet enfant léchait souvent sa mère,
lors des premiers entretiens familiaux. On constate que le léchage
s’associe aussitôt pour cet enfant à une sensation de déplaisir, à
des picotements, à des tiraillements, liés à l’aphte dans la bouche,
témoignant ainsi de traces perceptives archaïques d’une relation
originelle bouche/sein, vécue par l’enfant comme une blessure, une
entaille de la zone de la bouche. Le pictogramme de rejet est préci-
sément défini par Piera Aulagnier comme un désir d’automutilation
de la zone sensorielle, la bouche, et de l’objet d’excitation corres-
pondant, le sein, bouche et sein formant dans l’originaire une entité
unique et indissociable. On peut donc essayer de formuler ainsi ce
pictogramme : « Moi/bouche/arrachée » : le pictogramme est infigu-
rable en tant que tel, mais on peut déduire sa présence sous jacente
de certaines mises en scène sensorimotrices.
On observe chez d’autres enfants un trouage, un lacérage, un
déchiquetage répété de la feuille au cours de ses premières séances
4. Le cas de cet enfant, Karl, est décrit dans un article précédent paru dans La
Psychiatrie de l’enfant (Brun, 2000).
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violemment pénétré dedans » (Haag, 1985) qu’ils retournent sur la
feuille. L’enfant se présente alors comme une « feuille peau trouée
ou percée ou arrachée ».
Il n’est pas rare par ailleurs que les enfants refusent de pren-
dre le pinceau, qui « pique », comme l’a dit un enfant un jour,
pour peindre au doigt, « peau contre feuille », dans une sorte de
cramponnement, avec la recherche d’un accolement peau contre
peau. Il s’agit ici d’un lien à l’objet sur le mode d’un agrippement
forcené avec une terreur évidente du décramponnement. L’enfant
devient une « sensation main agrippée à la feuille », sensation
hallucinée très proche du pictogramme selon Piera Castoriadis-
Aulagnier (1975), qui l’associe à l’image d’un homme tombé dans
un précipice et qui s’accroche à un rocher : il n’est que sensation
paume de la main agrippée au rocher.
Autre configuration possible : l’enfant ne touche que les
rouleaux de peinture qu’il tente en quelque sorte d’éplucher en
dispersant les morceaux. Il témoigne ainsi d’un moi qui part
en morceaux, de son état de fragmentation interne typique du
démantèlement décrit par Donald Meltzer (1975).
Certains enfants s’acharnent à utiliser un produit adhésif plas-
tifié – le drawing gum – qu’on peut répandre sur la feuille, recou-
vrir ensuite de peinture, puis enlever en détachant une pellicule
plastifiée, ce qui fait apparaître le fond de la feuille et permet ainsi
de créer des formes nouvelles. Ils peuvent exprimer très vivement
leur angoisse de tout arracher lors du décollage des couches plas-
tifiées, et répéter cette activité des mois durant, jusqu’à pouvoir
peu à peu parvenir à pouvoir décoller ce produit, sans arracher
la feuille.
Au delà de la diversité de ces activités picturales, dont
la caractéristique commune revient à se répéter de façon
compulsive au fil des séances, sans possibilité d’une utili-
sation diversifiée du médium, il semble possible de repérer
les processus communs mis en jeu dans ces différentes façons
d’user du médium de la peinture.
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des sensations procurées par la matérialité du médiateur,
par exemple la liquidité ou l’arrachement de la feuille, qui
active un processus hallucinatoire chez l’enfant et, récipro-
quement, l’enfant met en forme dans le matériau ses propres
sensations hallucinées, liées à des expériences perceptives
antérieures : l’enfant va associer ses sensations hallucinées
à celles données par le médiateur dans l’ici et maintenant.
L’activité sensorimotrice dans les dispositifs à médiation va
donc permettre de transformer la sensation hallucinée en
une forme perceptive, selon un processus de symbolisation
primaire (Roussillon, 2001), c’est-à-dire de transformation
des traces perceptives et sensorimotrices en représentation-
chose sensorielle, en figurable.
En lien avec la réactualisation des sensations hallucinées,
le travail du médium malléable par l’enfant va permettre
l’émergence et la mise en forme de protoreprésentations, qui
renvoient à une inscription des premières expériences de la
relation à l’objet, expériences d’ordre sensoriel et affectif.
Ces protoreprésentations se caractérisent par une indisso-
ciabilité entre corps, psyché et monde, ou entre espace cor-
porel, espace psychique et espace extérieur. C’est la façon
dont Piera Aulagnier (1975) définit les pictogrammes, pro-
ches aussi des formes autistiques décrites par Frances Tustin
(1984). L’enfant peut devenir par exemple une « sensation
main agrippée à la feuille » pour des enfants qui ne peuvent
que faire de la peinture au doigt en restant longtemps collé
à la feuille, ou une « feuille peau caressée » ou encore un
« moi/pinceau englouti dans la peinture ».
Dans les dispositifs de médiation thérapeutique, appa-
raissent donc sous la forme de traces préfiguratives des élé-
ments matriciels de l’activité de symbolisation, qui relèvent
non seulement du registre des pictogrammes, mais aussi
souvent des signifiants formels qui constituent, selon Didier
Anzieu (1987), la première étape de la symbolisation des
pictogrammes. Je me propose dans la suite de cet article de
montrer comment le repérage de l’émergence et de la mise en
forme de ces signifiants formels permet de définir les figures
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Émergence et mise en forme des signifiants formels
Avant d’évoquer la conceptualisation de Didier Anzieu
du signifiant formel, il s’impose de souligner que les formes
sensorielles et motrices de la symbolisation précédemment
décrites, qui passent par le corporel, relèvent souvent de la
dynamique de l’image motrice conceptualisée par Sigmund
Freud (1895, p. 396) ; le fondateur de la psychanalyse la
définit comme une perception de mouvement, comme une
image sensorielle qui ne correspond pas toutefois à un mou-
vement dans la réalité. Dans l’œuvre de Freud, l’image
motrice préfigure le signifiant formel, qui renvoie aussi à une
sensation de mouvement ou de transformation, et décrit une
configuration du corps et des objets en proie à une transfor-
mation dans un espace bidimensionnel.
Didier Anzieu (1987) insiste sur le fait que le signifiant
formel s’impose sous la forme d’un vécu hallucinatoire, qu’il
n’est pas un fantasme mais une impression corporelle, une
sensation de mouvement et de transformation, qui ne sup-
pose aucune distinction entre le sujet et l’espace extérieur
et qui est ressentie par le sujet comme étrangère à lui-même.
Les signifiants formels sont constitués d’images propriocep-
tives, tactiles, coenesthésiques, kinesthésiques, posturales,
d’équilibration et ne se rapportent pas aux organes des sens
à distance, la vue, l’ouïe. Bref, ils renvoient à des protore-
présentations de l’espace et à des états du corps ; ce sont des
représentations des configurations du corps et des objets
dans l’espace, ainsi que de leurs mouvements. En définitive,
il s’agit de représentations d’enveloppes et de contenants
psychiques.
Dans le cadre de la médiation picturale, il peut s’agir
par exemple d’une sensation d’arrachement d’une peau
commune, en lien avec le décollage d’une peinture plastifiée,
ou encore d’un vécu de glissade sans fin sur la feuille. On
trouve fréquemment les signifiants formels suivants, qui
correspondent à différentes configurations du travail de la
peinture avec le support de la feuille, par l’enfant : « Ça se
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21 novembre 2014 02:33 - La psychiatrie de l’enfant 2/2014 - Collectif - La psychiatrie de l’enfant - 135 x 215 - page 450 / 718 21 no
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par un syntagme verbal limité à un sujet et un verbe, avec
une action se déroulant dans un espace bidimensionnel, sans
spectateur. Ils ont en effet une structure différente du fan-
tasme, construit sur le modèle de la phrase, avec un sujet, un
verbe, un complément d’objet, présentant une action qui se
déroule dans un espace à trois dimensions. Dans le signifiant
formel au contraire, la forme est ressentie comme étran-
gère, ce qui implique une formulation sans sujet humain, et
souvent une forme réfléchie typique de l’auto-engendrement
de l’originaire. Le travail des thérapeutes va s’effectuer jus-
tement à partir de la prise en compte de l’émergence de ces
formes primaires de symbolisation, qui seront la source de
toute une dynamique de symbolisation.
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destruction irréversible des formes se dessinent, comme par
exemple : « Ça se disperse ; Ça se dilue et s’efface ; Ça se dis-
sout ; Ça se noie ; Ça disparaît ; Ça part et ne revient pas ».
L’ensemble de ces signifiants formels renvoie à la position
adhésive pathologique, qui se définit dans la médiation pic-
turale par la non-constitution du fond, au sens où les enfants
ne représentent aucune forme différenciée sur un fond. Il
leur est en effet impossible de représenter des formes sur le
fond de la feuille, ils peuvent déchirer, perforer la feuille
ou lancer des traces sans retour, selon une formulation de
Geneviève Haag. En ce qui concerne l’enveloppe psychique,
elle n’est pas constituée, l’enfant n’a pas intégré le sentiment
d’enveloppe, et notamment la première enveloppe, de nature
rythmique. Le traitement des feuilles de peinture par les
enfants témoigne donc des états des enveloppes psychiques
individuelles et groupales.
L’évolution des signifiants formels au fil du travail théra-
peutique correspondra au processus de constitution du fond
dans la peinture des enfants psychotiques.
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fiants formels dont voici diverses occurrences :
Certains enfants ne font plus des traces-contact (Tisseron,
1995) du registre de l’agrippement, mais le décollage du support
devient possible pour y revenir, avec des traces-mouvements qui
mettent en jeu la séparation/retrouvailles avec le support feuille :
on pourrait dégager un signifiant formel nommé « Çà part et ça
revient », en écho à la possibilité de faire des « traces rythmiques »
(Haag, 1995).
D’autres enfants, qui laissaient jusque là leurs instruments
de peinture collés sur leur feuille, sous la forme par exemple d’un
« Moi/pinceau englouti dans la peinture », peuvent désormais
décoller le pinceau resté englouti dans la peinture sèche, sans tout
arracher. La position de détachement du fond se matérialise ainsi
par la représentation d’un décollement possible du moi/pinceau du
fond de la feuille, exprimé par le signifiant formel « Ça se colle et
se décolle ».
Tel autre enfant fasciné par la technique du drawing gum par-
viendra peu à peu à enlever cette couche plastifiée sans arracher
simultanément la feuille et se dégagera alors un nouveau signifiant
formel « Un appui résiste ».
D’autres encore utilisent pour la première fois la technique du
découpage et du collage, en découpant par exemple à la main des
morceaux de papier qu’ils collent sur une feuille support, puis en
les recouvrant de peinture, sans déborder. Le fond, support des
papiers collés et enduits de peinture, est désormais bien détaché
et l’émergence d’espaces blancs entre les papiers n’est plus vécue
comme menaçante. Un jeu entre figure et fond est apparu, signifi-
catif du processus de décollement des feuillets en cours. Une dif-
férenciation nouvelle entre les couleurs peut aussi se manifester,
ce qui permet pour la première fois l’émergence de formes diffé-
renciées sur un fond
Par ailleurs, certains enfants jouent sur l’impressionnabilité
de la matière, en faisant des traces au pinceau ou au rouleau, dans
l’épaisseur de la couche de matière picturale.
De nouveaux signifiants formels apparaissent ainsi : « Un trou
se bouche » ; « Ça se recolle » ; « Une surface plane ondule » ;
« Ça cicatrise » ; « Ça se solidifie » ; « Ça sèche » ; « Croûte » ;
« Ça s’agglomère » ; « Ça s’agglutine » ; « Ça se transforme en
pâte » ; « Ça glisse ». Ou encore : « Ça imprime et ça s’efface » ;
« Ça se colle et se décolle » ; « Ça se plie et se déplie » ; « Ça se
disperse et ça s’agglutine » ; « Un orifice s’ouvre et se referme » ;
« Un trou se forme et se bouche » ; « Ça apparaît, ça disparaît et
ça réapparaît ».
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préalablement à envisager la dernière étape de la constitu-
tion du fond.
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REPÈRES POUR UNE ÉVALUATION CLINIQUE DE L’ASSOCIATIVITÉ
FORMELLE
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en figurable. Il est construit à partir de l’hypothèse centrale
d’une chaîne associative formelle, essentiellement constituée
de signifiants formels, à l’œuvre pour tout sujet dans le cadre
des médiations thérapeutiques, dans une prise en charge
individuelle ou groupale. Il s’agira de repérer l’enchaîne-
ment des formes à la fois dans les productions proprement
dites, mais aussi dans l’ensemble du langage sensorimoteur
des patients confrontés au médium.
Les trois séries horizontales du tableau (A, B et C) ren-
voient au processus de construction du fond, qui est l’enjeu de
la médiation picturale pour les enfants autistes : il s’agit d’une
constitution des contenants psychiques, avec une mise en place
des qualités plastiques de l’enveloppe psychique. La descrip-
tion suivante de ce tableau de repères pour une évaluation de
l’associativité formelle dans le cadre de la médiation picturale
pour enfants psychotiques ne retiendra que les principaux
signifiants formels à l’œuvre, parmi l’ensemble des signifiants
formels présentés dans le tableau ; il va sans dire que l’ensem-
ble de ce repérage ne saurait viser à l’exhaustivité.
Dans la position adhésive pathologique, une partie des
signifiants formels à l’œuvre s’inscrit sous le paradigme
« Une peau commune est arrachée ». On trouve fréquem-
ment les signifiants formels suivants : « Un trou aspire » ;
« Ça s’arrache, c’est arraché » ; « Moi feuille peau trouée,
arrachée » et le pictogramme de l’agrippement.
Ensuite, les « États de base de la matière », qui relèvent
souvent d’un magma, peuvent donner lieu aux signifiants for-
mels suivants : « Ça se déforme et se détruit » ; « Un corps se
liquéfie » ou « Ça se liquéfie sans fin » ; « Ça se déforme et se
détruit » et aussi « Un corps explose ».
Enfin, la position adhésive pathologique correspond
généralement à l’irréversibilité et la destruction de la forme.
En voici quelques figures : « Ça se disperse » ; « Ça se dilue
et s’efface » ; « Ça disparaît » ; « Ça part et ne revient pas »
ou « Traces sans retour » (Haag).
Dans la position adhésive pathologique, le fond n’est
donc pas constitué au sens où les enfants ne représentent
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L’enveloppe psychique n’est pas constituée, l’enfant n’a pas
intégré le sentiment d’enveloppe, et notamment la première
enveloppe, de nature rythmique.
Dans la position de détachement du fond, un premier
fond est constitué avec la possibilité cette fois d’un jeu
entre figure et fond. Il s’agit de formes sensori-affectivo-
motrices et non pas de formes figuratives ou représentati-
ves. Dans cette position de détachement du fond, apparaît
un fantasme de peau commune, caractérisé par les signi-
fiants formels suivants : « Un trou se bouche » ; « Ça se
recolle » ; « Une surface plane ondule » ; « Un appui
résiste ».
On relève ensuite, de façon tout à fait notable, une possi-
ble transformabilité des états de la matière, qui peut s’expri-
mer par exemple de la façon suivante : « Différenciation des
couleurs et des textures » ; « Ça se solidifie » ; « Ça s’agglo-
mère » ; « Ça s’agglutine » ou « Ça glisse ».
Enfin, une réversibilité de la transformation se dessine,
sous différentes formes : « Ça se colle et se décolle » ; « Ça
se plie et se déplie » ; « Ça apparaît, ça disparaît et ça réap-
paraît ». Une mise en jeu d’une gestualité rythmique sous
la forme par exemple de frappe rythmique ou de projection
rythmique apparaît, souvent accompagnée du signifiant for-
mel « Trace qui part et revient ».
Dans la position de figuration ou de réflexivité, appa-
raissent de nouvelles figures, qui souvent ne correspondent
plus à des signifiants formels car on ne se situe plus dans
un espace bidimensionnel sans sujet et des scénarios fantas-
matiques apparaissent. C’est une phase qui se définit par
la constitution d’une enveloppe différenciée, qui se marque
souvent par le signifiant formel « Une limite s’interpose », ou
« Une structure encadrante (selon une formulation d’André
Green, 1993, p. 282) apparaît ».
Le « Je » devient acteur et sujet des transformations, et
enfin des scénarios fantasmatiques apparaissent, figurés sur
la feuille et/ou verbalisés. Il s’agit donc de l’émergence de
formes représentatives avec contenu figuratif.
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5. Ce tableau est complémentaire à un premier tableau de repères pour une évaluation clinique de la médiation picturale dans la psychose
infantile et les autismes publié dans l’annexe de l’ouvrage Médiations thérapeutiques et psychose infantile, réédit. 2010.
6. Cette première rubrique en italiques est empruntée au tableau synoptique des différents modèles développementaux proposés par
A. Ciccone et M. Lhopital (1991).
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Associativité ÉTATS DE BASE DE LA MATIÈRE TRANSFORMABILITÉ DES ÉTATS JE ACTEUR ET SUJET DES
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lisés par Anzieu, permet ainsi au clinicien de déterminer
des repères pour une évaluation clinique de son travail
thérapeutique.
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la pratique des médiations thérapeutiques, individuelles ou
groupales, pour les enfants dans une problématique psy-
chotique, consiste à se centrer sur les chaînes associatives
propres au langage du corps et de l’acte, repérables dans
le rapport des enfants au médium, au groupe et aux théra-
peutes. Il s’agit donc essentiellement de prendre en compte
le registre corporel et sensoriel, soit la façon dont l’enfant
va mettre en jeu sa dynamique mimo-gestuo-posturale ou
procéder au choix des instruments, des supports et des tech-
niques pour le travail de sa production.
Dans ce contexte, l’associativité formelle, individuelle
et/ou groupale, provient de la sensori-motricité des enfants
confrontés à un médium, mais il ne s’agit pas seulement de
mettre en jeu, dans le contact avec un médium sensoriel, la
sensorialité et la motricité des enfants psychotiques et autistes,
car les médiations thérapeutiques visent toujours à mobiliser
la sensorimotricité des patients dans le lien avec les cliniciens
et les autres participants au groupe. Cette associativité senso-
rimotrice prendra donc sens à partir de l’articulation entre
les formes de transfert caractéristiques des enfants psycho-
tiques et autistes, notamment le transfert sur le médium et
plus largement sur le cadre, définis au début de cet article, et
aussi à partir des interventions en partie sensorimotrices des
thérapeutes. Ce rôle prépondérant joué par l’objet renvoie
d’ailleurs au double sens du médium malléable conceptualisé
par Marion Milner : le médium malléable ne désigne en effet
pas seulement la matérialité du médium dans sa concrétude
mais aussi le thérapeute qui présente le médium.
Pour définir une méthodologie clinique d’évaluation, il
faut s’interroger sur les fondements de la méthode clinique,
soit justement l’écoute de l’associativité psychique et sensori-
motrice, et le transfert. La majeure partie des items concer-
nera donc l’observation de l’associativité sensorimotrice, le
langage mimo-gestuo-postural, les modalités spécifiques du
travail du médiateur et la dynamique transférentielle.
Le tableau de repères pour une évaluation clinique de la
médiation picturale chez les enfants psychotiques et autistes
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de repères tente donc de dégager les logiques de l’émergence
et de la transformation des formes primaires de symbolisa-
tion, autrement dit les logiques de la symbolisation primaire,
à l’appui de l’hypothèse centrale d’une chaîne associative
formelle, essentiellement constituée de signifiants formels,
à l’œuvre pour tout sujet dans le cadre des médiations
thérapeutiques, dans une prise en charge individuelle ou
groupale.
Il s’agit de repérer l’enchaînement des formes à la fois
dans les productions proprement dites, dans la mise en
forme de la matière picturale, mais aussi dans l’ensemble du
langage sensorimoteur des patients confrontés au médium.
Quels sont les enjeux de cette évaluation des dispositifs
à médiation ? Il s’agit bien moins d’une évaluation centrée
sur le résultat que d’une évaluation de processus. Cette éva-
luation clinique ne consiste pas tant à prouver l’efficacité
des dispositifs à médiation, qui ont fait leur preuve, qu’à en
dégager les présupposés, à réinterroger les modalités parti-
culières des processus qui s’y déploient, à la fois pour amé-
liorer et transmettre nos pratiques, à la fois pour remodeler
et affiner les modèles théoriques référés à l’épistémologie
psychanalytique.
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à cette recherche sur l’évaluation clinique des dispositifs.
Il est aussi mis à l’épreuve d’un groupe de recherche avec
des patients autistes adultes, dont j’assure la supervision.
Comme ce tableau ne saurait prétendre à l’exhaustivité, il
s’enrichit d’autres signifiants formels au fil de son expéri-
mentation et de sa mise à l’épreuve par d’autres cliniciens.
Cet article a présenté un repérage de l’associativité
formelle à partir de la médiation picturale, mais, de façon
générale, cette recherche est appelée à se développer dans
d’autres médiations thérapeutiques, avec des enfants ou des
adultes, et dans d’autres types de pathologies. La voie pour
ces recherches est ouverte par ces nouvelles pistes relatives
à l’associativité formelle, à partir de la clinique des enfants
psychotiques et autistes, toujours riche d’enseignement pour
d’autres configurations cliniques.
RÉFÉRENCES
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Printemps 2013
Anne Brun
Université Lumière Lyon 2
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