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L'INQUIÉTANTE DISCONTINUITÉ.

EFFETS DE LA DÉFICIENCE
VISUELLE MATERNELLE DANS LES PREMIÈRES INTÉRACTIONS
MÈRE-BÉBÉ

Christelle Gosme et al.

Presses Universitaires de France | La psychiatrie de l'enfant

2014/2 - Vol. 57
pages 681 à 715
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ISSN 0079-726X

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http://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2014-2-page-681.htm
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Pour citer cet article :


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Gosme Christelle et al.,« L'inquiétante discontinuité. Effets de la déficience visuelle maternelle dans les premières
intéractions mère-bébé »,
La psychiatrie de l'enfant, 2014/2 Vol. 57, p. 681-715. DOI : 10.3917/psye.572.0681
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Handicap visuel maternel


Interaction mère-bébé

L’inquiÉtante discontinuitÉ.
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Effets de la dÉficience
visuelle maternelle
dans les premiÈres
intÉractions mÈre-bÉbÉ
Christelle Gosme1
Christelle Viodé-Bénony2
Marluce Leitgel Gille3
Lisa Ouss4
Édith Thoueille5
Martine Vermillard-Gateau6
Drina Candilis-Huisman7
Bernard Golse8

L’inquiÉtante discontinuitÉ. Effets de la dÉficience


visuelle maternelle dans les premiÈres intÉractions
mÈre-bÉbÉ

Entre septembre 2004 et juin 2011, nous avons, dans le cadre du


Projet PILE (Programme International pour le Langage de l’Enfant)
mené à l’Hôpital Necker Enfants Malades et en lien avec le SAPPH de
l’Institut de Puériculture de Paris, réalisée une étude portant sur les
liens mère-enfant dans un contexte de handicap visuel maternel. Un

1. Psychologue clinicienne, docteur en psychologie.


2. Psychologue clinicienne, docteur en psychologie, MCU (université de
Dijon) et attachée au CRPPC de Lyon.
3. Docteur en psychologie, psychologue clinicienne.
4. Pédopsychiatre, docteur en psychopathologie et psychanalyse.
5. Directrice du service d’accompagnement à la parentalité des personnes en
situation de handicap (SAPPH) (Fondation hospitalière Sainte Marie).
6. Puéricultrice au SAPPH.
7. Maître de conférences-HDR, UFR études psychanalytiques, université
Paris Diderot, psychologue clinicienne au SAPPH.
8. Chef du service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades
à Paris, Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris
Descartes, Sorbonne Paris Cité.
Psychiatrie de l’enfant, LVII, 2, 2014, p. 681 à 715
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suivi longitudinal et prospectif de 12 dyades de mères avec une déficience


visuelle et leur bébé a été réalisé de l’âge de 3 mois de l’enfant à l’âge de
4 ans. Parmi les outils utilisés pour mener cette étude, une analyse des
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interactions précoces a été réalisée à 3, 6, 9 et 15 mois avec la CIB (Ruth
Feldman, 1997) pour évaluer, entre autres, la sensibilité maternelle ainsi
que la qualité des interactions mère-bébé. Les résultats montrent que les
mères présentent une sensibilité maternelle de moins bonne qualité que
celle des mères d’un groupe témoin notamment parce que certains signaux
du bébé leur échappent ou parce qu’elles se montrent moins rapides pour
y répondre lorsqu’elles les perçoivent. Néanmoins, on peut souligner en
faveur des mères avec une déficience visuelle un plus grand recours au
toucher affectueux et du côté des enfants de mères avec une déficience
visuelle, davantage d’initiatives dans l’échange. Dans ce contexte de han-
dicap visuel maternel, les bébés se trouvent confrontés à des styles inter-
actifs différents marqués principalement par une différence de rythme :
celui de leur mère avec une déficience visuelle et celui du tiers voyant,
ce qui n’est pas sans poser question pour l’accès à l’intersubjectivité de
l’enfant. Les résultats de notre étude montrent également la nécessité
d’accompagner et de soutenir ces mères dans leur maternalité.

disquieting discontinuity: Effects of maternal visual


deficiency in the first mother-baby interactions

In the framework of the PILE Project carried out at The Necker


Hospital for Sick Children and in conjunction with the SAPPH of the
Institute of Childcare of Paris, we did a study between September 2004
and June 2011 dealing with mother-child bonds in the context of a mater-
nal visual handicap. A prospective and a longitudinal follow-up of
12 dyads of mothers with visual deficiency and their babies was done from
the age of three months to 4 years. Among the tools used for this research,
there was an analysis of early interactions carried out at 3, 6, 9, and
15 months with the CIB (Ruth Feldman, 1997) to evaluate, among other
things, maternal sensitivity as well as the quality of mother-baby interac-
tions. The results show that the quality of the mothers’ sensitivity is not
as good as that of mothers in a control group, particularly because some
of the baby’s signals are not detected or because these mothers are slower
to respond when they perceive them. Nonetheless, we can emphasize that
these visually deficient mothers demonstrate a greater use of affectionate
touching and that their children take more initiatives to establish com-
munication. In this context of maternal visual handicaps, the babies are
confronted with different interactive styles, mostly marked by a differ-
ence in rhythm: that of their mother with a visual deficiency and that of
other people suffering no such handicap, something which might cause
confusion in the access to intersubjectivity of these children. The results of
our study also show the need to accompany and to support these mothers
in the creation of their bonds to their children.
Keywords : Maternal visual handicap – Mother-baby interactions.
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L’inquiétante discontinuité 683

LA INQUIETANTE DISCONTINUIDAD. CONSECUENCIAS


DE LA DEFICIENCIA VISUAL MATERNA EN LAS PRIMERAS
INTERACCIONES MADRE/BEBÉ
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Entre septiembre 2004 y junio 2011 y en marco del Proyecto PILE
realizado en el Hospital “Necker Enfants Malades” y en relación con
el SAPPH del Instituto de Puericultura de Paris, hemos realizado un
estudio sobre las relaciones madre-hijo en un contexto de minusvalía
visual materna. Se ha realizado un seguimiento longitudinal y prospec-
tivo de 12 díadas de madres con una deficiencia visual y sus bebés, de
los 3 meses de edad a los 4 años. Entre las herramientas para llevar
a cabo este estudio se realizó un análisis de las interacciones precoces
entre 3,6,9, y 15 meses con la CIB (Ruth Feldman, 1997) para evaluar
entre otras cosas, la sensibilidad materna y la calidad de las inter-
acciones madre-bebé. Los resultados muestran que las madres tienen
una sensibilidad materna de menor calidad que las de las madres de
un grupo testigo, al no percibir ciertos signos del bebé o porque son
más lentas en responder cuando los perciben. Sin embargo, a favor de
las madres con una deficiencia visual, hay que destacar que recurren
más al tacto afectuoso y que sus niños tienen una mayor capacidad
de iniciativa en los intercambios. En ese contexto de minusvalía visual
materna, los bebés se enfrentan a un estilo de interacción diferente mar-
cado principalmente por una diferencia de ritmo: el de la madre con
una deficiencia visual y el del tercero que ve, planteando el problema de
la inter-subjetividad del niño. Los resultados de nuestro estudio mues-
tran también la necesidad de acompañar y apoyar a esas madres en su
función materna.
Palabras clave: Minusvalía visual materna – Inter-acción madre-
bebé.

Bien que chaque handicap ait une forme de singularité


qui sous-tend une réflexion spécifique, la parentalité des
personnes handicapées suscite de nombreuses discussions
voire débats. L’Association des Paralysés de France est d’ail-
leurs à l’origine d’un guide, paru en 2011, à l’attention des
parents avec un handicap moteur : Parents handis, pas à
pas, du désir d’enfant à son entrée en maternelle. Ce pre-
mier guide, à l’initiative de parents handicapés, montre ainsi
la nécessité de trouver des outils qui guident véritablement
les femmes et les hommes handicapés, en désir d’enfant. Les
questions se poseront différemment selon le type de handi-
cap, qu’il s’agisse de déficiences intellectuelles ou de troubles
psychiques, de handicap moteur, de handicap sensoriel telles
que la surdité ou, en ce qui concerne notre propos, la mal-
voyance et la cécité.
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Un certain nombre de récits de mères aveugles ou mal-


voyantes nous apportent le point de vue des mères elles-
mêmes sur les liens avec leur enfant. La plupart d’entre elles
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évoquent les capacités adaptatives de leur enfant à leur han-
dicap : « Quand ils disent “regarde”, ils nous prennent la
main. » Certains enfants décrivent le paysage à leur parent :
« À gauche des jolies fleurs, chaud, devant une voiture ! » Ce
sont également des mères qui sont conscientes de l’aide qu’ils
leur apportent : « Ils se rapprochent de la cuillère qu’elles
tendent dans l’imprécision lors des repas, ils rectifient leur
trajectoire dans la rue, au moment de l’habillage, ils aident
en tendant la chaussure au parent », certains enfants les ras-
surent en disant « je suis là » lorsqu’ils vont au square. Mais
les enfants peuvent aussi adopter d’autres comportements.
Ainsi certaines mères rapportent le plaisir de leur enfant à
se cacher, à rester « invisible », d’autres les comportements
de « rejet » du handicap par leur enfant (Van Renterghem,
2002 ; Millot et Thirion, 2001).
De leur côté, les mères se révèlent ingénieuses et in­-
ventent des astuces pour s’adapter et ainsi faire preuve d’une
plus grande autonomie dans la relation avec leur enfant.
Par exemple, elles font enregistrer à l’oral par quelqu’un
de voyant les livres lus à l’école par l’enfant pour pouvoir
suivre l’apprentissage de leur enfant, elles proposent éga-
lement des jeux en braille. Elles se montrent conscientes de
leurs difficultés, de leur retard dans la perception de cer-
taines choses, de leur besoin d’un tiers voyant pour obtenir
certaines informations (lire le cahier de texte de leur enfant,
remplir des documents administratifs). Toutes ces difficultés
nécessitent des adaptations. Si elles évoquent les moyens
qu’elles utilisent pour compenser l’absence de vision (effort
de concentration, développer leur sens de l’orientation, faire
travailler la mémoire, favoriser le sensoriel), elles expriment
également leur angoisse de ne pas savoir où est l’enfant et ce
qu’il fait (notamment dans la rue) ainsi que leur regret de ne
pas voir le visage, et surtout le sourire de leur enfant :
« Le premier sourire de ma fille c’est la travailleuse sociale qui
l’a vu. Elle souriait et ce n’est pas moi qui la voyais. On a beau dire
qu’on se fait à tout, ce n’est pas vrai. » « Les sourires on les entend
et c’est aussi beau que de les voir. » « Tout cela ne se passe pas sans
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heurts ni larmes. » « Les visages de ses enfants elle les connaît bien,
ils sont beaux, harmonieux. Non ce n’est pas là le manque. Mais le
sourire… le sourire invisible, ça, oui c’est une sale épine. Au spec-
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tacle de la fête de l’école dans lequel son fils jouait, à un moment,
il a souri et sa maman l’a su tout de suite “oh si tu voyais le sourire
d’Octave” s’est exclamée sa voisine, là j’ai pleuré. J’aurais bien
voulu voir ça. Qu’on me prête ce sourire même en vitesse, juste le
temps d’une photo ! »
Ces quelques récits montrent à la fois le besoin que res-
sentent les mères et les enfants de s’adapter l’un à l’autre
pour communiquer, mais aussi les moyens mis en œuvre par
chacun d’entre eux pour y parvenir au quotidien. Une souf-
france subsiste néanmoins chez les mères : celle de ne pas
voir le sourire de leur enfant.

La communication mÈre et enfant

Cette adaptabilité de l’enfant pour communiquer avec ses


parents dont parlent spontanément les mères avait déjà été
relevée par Lauren Adamson et coll. (1977) grâce à l’étude
d’un cas d’enfant voyant dont les deux parents étaient aveu-
gles. Ils font état d’une complexité dans l’interaction entre
l’enfant et ses parents et soulignent la flexibilité des parents
et des enfants dans l’établissement d’un système d’interac-
tion adéquate. Le développement d’une relation mutuelle-
ment satisfaisante enfant-parent ne serait pas lié, selon eux,
à une modalité sensorielle particulière mais basé sur l’éta-
blissement d’une réciprocité émotionnelle.
Après avoir étudié la structure de la communication
interactive des très jeunes enfants et de leurs parents ainsi
que la synchronisation de l’attention visuelle dans les dyades
mère-enfant (1975), Glyn Collins et Christina Bryant (1980)
se sont intéressés à l’étude des interactions entre des parents
non-voyants et leurs jeunes enfants. Leur hypothèse était que
le processus de « guidage » des parents permettant de sécuri-
ser et de protéger l’enfant, mais aussi de se placer au bon
moment dans le centre d’intérêt de ce dernier, serait rompu
dans les interactions parent non ou mal voyant-enfant. Ils
concluent, à la suite de leurs observations, à l’absence d’une
rupture dans les interactions et à l’impression générale d’une
normalité. Néanmoins, ils soulignent évidemment que le
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manque de vue peut rendre les choses plus difficiles notam-


ment pour suivre le déroulement d’une interaction. Une plus
grande attention de la part du parent non ou mal voyant
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s’avère donc nécessaire. Si certaines formes de « guidage »
ne sont bien sûr pas possibles (par exemple : suivre le regard
de l’enfant), les parents non ou mal voyants ont recours à
d’autres repères tels que le son et le toucher. Ils peuvent
aussi faire preuve de procédés adaptatifs tout à fait ingé-
nieux pour interagir avec leur enfant. Le langage de l’enfant
décrit comme « simple et clair » par les auteurs s’avère lui
aussi un bon moyen d’aider les parents. On relève cependant
des différences entre le discours verbal que l’enfant adresse
à son parent mal ou non voyant et celui adressé à son parent
voyant. En effet, les épisodes d’échanges verbaux sont plus
courts avec le parent mal ou non voyant qu’avec l’autre
parent (moins de phrases et phrases plus courtes) car pour
continuer à être dans l’échange verbal avec son enfant, le
parent mal ou non voyant pose davantage de question que
le parent voyant. Pour les auteurs, l’absence de la vue « ne
brise pas sévèrement les rapports avec l’enfant ».
Serge Portalier (1991) souligne le risque que peut impli-
quer la cécité d’un parent dans les relations parents-enfant.
Il met en évidence, à travers l’observation d’un couple de
parents aveugles et de leurs deux enfants, la pauvreté de
l’interaction mère-enfant et discute l’existence d’une carence
relationnelle chez ces enfants dans la mesure où d’autres
modalités sensorielles (par exemple : le toucher) sont venues
étayer la relation. Anne Rossetti semble rejoindre également
Serge Portalier. Cet auteur présente, en 1997, le cas d’une
petite fille de 4 ans avec un retard de développement global,
dont la mère est aveugle. Il rattache ce retard à l’altération
des interactions précoces mère-enfant et plus précisément à
l’absence d’échange de regard entre elles.
Une étude longitudinale menée par Julie Rattray et
Suzanne Zeelyck (2005) portant sur des comparaisons de
quatre dyades mère-bébé examine la nature des interactions
dans les dyades où l’un des partenaires ou les deux ont un
handicap visuel. Les dyades sont filmées à leur domicile
tous les deux mois pendant trente minutes au cours d’un jeu
libre à partir des 6 mois de l’enfant et jusqu’à ses 18 mois.
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Trois types de comportements ont été sélectionnés comme


alternatives potentielles à la communication visuelle : le
toucher, les vocalisations, l’orientation faciale. Parmi les
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quatre dyades, l’une d’elle implique une mère aveugle et son
enfant voyant. Pour les auteurs, les résultats mettent en évi-
dence que les dyades avec un handicap visuel engagent une
communication sophistiquée avant l’acquisition du langage
de l’enfant.
Toutes ces publications conduisent à des conclusions
différentes sinon paradoxales qui peuvent s’expliquer soit
par un mouvement de militantisme en faveur des parents en
situation de handicap visuel soit par une inquiétude pour le
devenir des enfants. Le nombre de sujets inclus dans chaque
étude ne permet pas d’en tirer des conclusions générales.

Les capacitÉs adaptatives prÉcoces des bÉbÉs

Edith Thoueille et Martine Gateau-Vermillard, puéri-


cultrices, associées à Drina Candilis-Huisman (2006) ont
adapté l’échelle d’évaluation du comportement néonatal mise
au point par Terry B. Brazelton (1984) (examen complet des
compétences du nouveau-né) aux mères avec un handicap
visuel. Elles ont nommé leur outil Le Brazelton transcrit et
le définissent ainsi : « Un examinateur intervient auprès du
bébé pour observer et obtenir ses réponses aux différents
items de la passation de l’échelle. Une “transcriptrice”
située tout contre le corps de la mère restitue par la parole,
le toucher et le mouvement, les réponses et le comportement
du bébé (empreinte tactilo-kinesthésique). Elle lui fait ainsi
vivre dans son corps chaque réponse du bébé […] elle lui fait
sentir de manière proprioceptive tout l’éventail des condui-
tes de l’enfant. »
La passation transcrite de l’échelle de Brazelton permet à
la mère une rencontre intime avec son bébé, au plus près de
la subtilité de ses réponses, alors qu’habituellement c’est la
vision qui procure cette perception. Toute la difficulté pour
la transcriptrice réside dans le choix de la stratégie ; celle
qui va permettre de suppléer la vision : « Trouver ou faire
éprouver par le geste ce qui dans un mot prononcé ne renvoie
qu’à l’image. » Ce temps de rencontre permet ainsi à chaque
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partenaire de s’ajuster l’un à l’autre tout en étant soutenu,


voire porté (au sens du holding), par des professionnelles.
Drina Candilis-Huisman et coll. (2006) ont pu mettre en
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évidence par le biais de cet outil les capacités adaptatives
précoces des bébés. Certaines particularités des conduites
du nouveau-né ont ainsi été observées au cours des diverses
passations effectuées. Elles relèvent une capacité d’inhibi-
tion des réponses réflexes habituelles (par exemple : aucune
irritabilité du bébé n’a été constatée lorsqu’il est touché par
sa mère alors que ce type de stimulation pourrait être consi-
dérée dans un autre contexte comme une surstimulation sur
la surface cutanée du bébé), une différenciation précoce
mère-étranger qui se manifeste par un comportement dif-
férent avec la mère aveugle et avec l’expérimentateur voyant
(par exemple : lorsque sa mère l’appelle, le bébé ne tourne
pas sa tête vers elle comme le ferait un enfant dont la mère
est voyante, il lance son bras et sa main vers elle tout en
maintenant le contact visuel avec l’expérimentateur). Les
auteures attribuent ces conduites à une précocité du bébé à
utiliser ses capacités à jouer de ses registres sensoriels pour
interagir avec sa mère.
Le champ et l’acuité visuelle du bébé étant très réduits à
cette période néo-natale, les auteures proposent l’idée que
le mode interactif favorisant tout ce qui n’est pas visuel va
devenir le modèle que le bébé va perfectionner toute sa vie.
La vision reprend son rôle prévalent habituel avec les per-
sonnes voyantes avec lesquelles il interagit. L’enfant s’ins-
crit alors dans ce que les auteures nomment un « bilinguisme
relationnel ». L’enfant est confronté à sa mère aveugle ou
malvoyante mais aussi à de nombreux adultes voyants dont
le père dans certains cas. Avec sa mère, « l’enfant sélectionne
très tôt les gestes et comportements propres à la commu-
nication avec sa mère, sorte de corpus propre à la langue
maternelle. Dans un deuxième temps, il comprend “l’inten-
tionnalité” du geste maternel et peut l’aider et la guider ». Ce
« bilinguisme » témoigne ainsi de la prise de conscience par
l’enfant du handicap de sa mère.
Drina Candilis-Huisman (2008) a observé pendant vingt
mois, à domicile, de manière hebdomadaire (observation
inspirée par le modèle d’Esther Bick, 1964), une petite fille
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L’inquiétante discontinuité 689

âgée d’à peine 8 jours et sa mère aveugle de naissance. Elle


a remarqué que la petite fille investissait peu le regard dans
le dialogue avec sa mère mais que la dimension sonore était
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bien exploitée comme pour permettre, dit l’observatrice,
« une balise de repérage sonore auquel la mère est sensible
à distance ». La fillette s’est également montrée sensible
à la qualité du toucher, au rythme des rapprochements et à
la voix maternelle. Cette dernière peut être apaisante mais
peut aussi trahir une émotion inhabituelle de la mère que la
fillette va percevoir.
L’observatrice pointe la capacité de l’enfant à s’identifier
très tôt au fonctionnement maternel défaillant en suppléant
les absences de certaines séquences de jeu de la mère. Cette
capacité d’identification va se retrouver à l’âge de 13 mois
puisque la clinicienne observe que la petite fille prend les
mains de sa mère et les glisse sous ses aisselles pour être
prise dans les bras, qu’elle fait preuve d’une attention fine
aux difficultés rencontrées par sa mère à laquelle elle essaye
d’apporter de l’aide. Le corps est également investi par
l’enfant par le biais de collages avec la mère qui ont plus pour
fonction de consoler la mère que de procurer un réconfort
à l’enfant. Cette observation fait écho, à nouveau, avec le
besoin de « collage » des nourrissons aveugles à leur mère.
Drina Candilis-Huisman conclut à une fonction réparatrice
apparaissant très précocement chez cette petite fille, parlant
même « d’une parentalisation précocement développée ».
Edith Thoueille et coll. proposent également l’idée qu’au
sixième mois, lorsqu’il commence à s’intéresser aux objets
et à chercher dans le regard maternel des éléments infor-
matifs, l’enfant se heurte à l’impossibilité maternelle. Ainsi,
le fait que l’enfant continue à lui jeter des coups d’œil est à
comprendre comme des regards de réassurance, une sorte
de base de contact dont il aurait besoin pour poursuivre ses
propres investigations.
En grandissant, les enfants peuvent adopter des com-
­portements qui accroissent l’anxiété maternelle tels que
s’éloigner, s’échapper ou rester silencieux. Une anxiété pro-
bablement accrue par la propre difficulté des mères, enfants,
à s’éloigner de leurs parents. Pour Edith Thoueille et coll.,
l’angoisse émerge chez la mère comme chez l’enfant et celle-ci
- © PUF -
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690 Christelle Gosme et al.

apparaît encore plus nettement « lorsqu’il a le sentiment que


laisser sa mère seule la met dans une situation de risque et en
même temps de liberté sexuelle ». L’opposition peut se mani-
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fester sous forme de refus ou de délai dans l’aide apportée à
la mère. La volonté de tester les limites du handicap devient
dès lors manifeste. Mais les parents remarquent aussi les
comportements d’aide, d’assistance que peuvent apporter
leur enfant tels que les aider à retrouver un cube sur un tapis,
guider leur main, tendre la bouche et orienter correctement
le visage face à la cuillère, faire du bruit permettant de servir
de « balise de repérage sonore », puis plus tard indiquer au
parent qu’ils passent devant un endroit familier. Les auteurs
soulignent que « l’enfant qui est capable de s’identifier au
fonctionnement maternel défaillant saisit quelles sont les
séquences inexistantes, y supplée, réalisant une séquence
d’intersubjectivité minimale ». Il y a à la fois l’ambivalence
des enfants face au handicap maternel marqué par le refou-
lement ou le contre-investissement de ce qui est agressif ou
sadique et l’émergence de sentiments empathiques.

ParticularitÉs des mÈres avec un handicap visuel

Au cours de la passation du Brazelton transcrit, et plus


précisément lors de l’épreuve du « tiré-assis », les expéri-
mentatrices observent, chez les mères, l’engagement d’un
dialogue tonique avec le bébé qui se caractérise par la vérifi-
cation tactile du redressement tonique axial du bébé. Le tou-
cher apparaît ainsi comme le moyen de compenser l’absence
de vision. Il semble se déployer sensiblement dans la rela-
tion mère-bébé, comme en témoigne l’observation de Drina
Candilis-Huisman qui souligne la capacité de la mère aveugle
à percevoir les modifications du flux sanguin dans la paume
de la main de son bébé, ce qui lui permet de ressentir ses
changements d’état. Cela n’est pas sans faire écho à la sensi-
bilité du bébé à l’état émotionnel de la mère passant cette fois
par la voix maternelle.
L’évaluation du réflexe de défense du nourrisson qui
consiste à déposer un linge sur le visage du nourrisson suscite
également une réaction différente chez les mères. Celles-ci
semblent moins émues par les capacités défensives du bébé
- © PUF -
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L’inquiétante discontinuité 691

que par le fait de faire vivre quelques secondes leur handicap


à leur bébé. Il est intéressant de noter, concernant cette étude
du Brazelton, qu’en 1994 Léonhardt et Cantavella présentent,
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à l’occasion des IIIèmes journées européennes « Naissance et
avenir », des échelles de Brazelton passées à des nouveau-nés
aveugles. Cet item particulier consistant à placer un tissu sur
le visage de l’enfant ne produit aucun mouvement « défensif »
et aucune résistance chez l’enfant aveugle.
La mère aveugle va s’appuyer sur d’autres modalités sen-
sorielles pour communiquer avec son bébé et ainsi elle va
donner sens à ce qu’elle vit. Drina Candilis-Huisman et coll.
(2006) parlent d’un rééquilibrage sensoriel chez la mère qui
va lui permettre une perception très fine des besoins du bébé.
Elles ajoutent que « la mère qui dispense des soins dans un
accordage affectif offre à l’enfant l’opportunité d’explorer
le processus de pensée du parent et d’apprendre ainsi lui-
même progressivement à penser ».
Drina Candilis-Huisman et coll. (2006) rejoignent
l’impression de normalité des relations mères aveugles-
enfants voyants perçue par Glyn Collins et Christina Bryant
lors de leurs observations dans les années 1980. Le fait de
suivre du regard s’avérant difficile ou impossible, l’ouïe et le
toucher apparaissent comme tout à fait appropriés pour ins-
taurer et maintenir des processus d’interactions précoces et
de qualité entre les parents non voyants et leurs enfants.
Edith Thoueille souligne d’ailleurs les stratégies que
développe la mère aveugle : « Son visage traduit son émo-
tion intérieure, il est mobile, elle sourit, elle émet des voca-
lisations nuancées. Son regard est chargé d’affect […]
celui-ci est toujours guidé par le son, l’intuition, la masse
corporelle, l’écholocation. Parfois, certaines mères ne
regardent pas leur bébé, c’est d’autant plus important dans
ce cas précis de leur réapprendre à regarder ». Elles met-
traient en place une « écologie sensorielle » extra-visuelle
s’accompagnant d’un « enveloppement vocal tendre et
sécurisant ». Ainsi, les autres sens viennent véhiculer
l’information par un autre canal que celui de la vision. Le
toucher est particulièrement investi. Cette compensation
de l’absence d’un canal sensoriel par les autres sens impli-
que une plus grande attention au quotidien et nécessite
- © PUF -
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692 Christelle Gosme et al.

un certain effort. L’exploration tactile est associée à une


exploration de perceptions kinesthésiques constituant ainsi
un ensemble indissociable appelé « perceptions tactilo-kin-
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esthésiques » ou « perception haptique ». Il apparaît ainsi
que les mères aveugles utilisent différentes procédures à
peine visibles mais adaptées à la perception de chaque pro-
priété des objets. Les éléments de l’objet sont d’abord inté-
grés séquence après séquence puis viennent dans un second
temps un travail de mémoire et un travail intellectuel qui
vont être rassemblés en une perception plurifactorielle et
constituer l’objet global. La mémoire de la mère aveugle se
nourrit ainsi d’images sensorielles élaborées qu’elle charge
de sens et c’est ainsi que le bébé sera perçu.
Il est important de noter que cette passation transcrite
de l’échelle de Brazelton nécessite des aménagements non
négligeables dans la relation professionnelle-patiente : le
recours au toucher pour partager sur un mode spatial une
co-attention pour le bébé et l’utilisation du tutoiement dans
les échanges avec les mères qui apparaît ainsi comme le
moyen de matérialiser une sollicitude qui induit et oriente
le transfert sur le registre maternel.
Grâce à leurs observations et à leur clinique quotidienne
auprès des mères aveugles et de leur bébé, Edith Thoueille et
coll. (2006) retrouvent, sous une forme mineure, l’angoisse
de distance maximale de sécurité chez les mères aveugles.
Cette distance maximale de sécurité renvoie à deux moments
clés dans le développement de l’enfant, d’une part celui du
sevrage du sein qui constitue un temps clé d’ajustement de
la distance de sécurité chez la mère comme chez le bébé et
d’autre part l’acquisition de la motricité du bébé qui cons-
tituerait chez la femme aveugle une sorte de « deuxième
sevrage » pour la mère car elle implique une perte du contact
avec l’enfant.
En lien avec cette distance maximale de sécurité, la
mère vivrait, du fait de l’absence de vision, une « Situation
Etrange » (paradigme décrit par Mary Ainsworth) à l’envers
lorsque son enfant s’éloigne d’elle. L’éloignement de l’enfant
serait ainsi source d’inquiétude et d’angoisse pour la mère.
Les auteurs illustrent leur propos par deux observations,
nous n’en évoquerons qu’une. Il s’agit de celle d’une petite
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L’inquiétante discontinuité 693

fille qui, alors que ses parents sont en entretien avec deux
thérapeutes, revient à intervalles réguliers voir ses parents
puis repart jouer dans la salle d’attente. Elle met ainsi en
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jeu à la fois une dimension spatiale (une distance maximale
de sécurité) mais aussi temporelle (un temps maximal de
sécurité). Les parents, quant à eux, vivent une « Situation
Etrange » à l’envers, qui s’illustre par leur instabilité, leurs
mimiques et leur inquiétude inconsciente. Selon ces auteurs,
les enfants comprennent très vite que leur éloignement pro-
voque de l’anxiété chez leur mère, c’est pourquoi ils privi-
légient très tôt les signaux lui permettant d’être repéré. À
défaut d’avoir recours à la vision permettant le contrôle
de la sécurité dans la dyade, les mères repèrent leur enfant
grâce à l’audition et éventuellement grâce aux informations
données par leur entourage voyant.
L’anxiété maternelle fait aussi partie de la réalité des
mères, une anxiété qui traduit, selon Edith Thoueille et coll.
(2006), une « préparation physique et mentale au danger » et
non un état pathologique. Ils soulignent également le « sen-
timent d’incapacité avoué ou masqué » de la future mère,
son souhait d’être une mère idéale et les affects pénibles qui
surgissent en lien avec des souvenirs d’enfance…

ProblÉmatique de la recherche

Nous avons vu, dans la revue de littérature, que les mères


font preuve d’ingéniosité avec leur bébé, qu’elles s’appuient
sur leurs autres sens, en particulier le toucher et l’audi-
tion, et que de leur côté les enfants témoignent de capacités
d’adaptation précoces. Néanmoins, ces stratégies compen-
satoires permettant à la mère et au bébé de communiquer
sont-elles suffisantes pour garantir la qualité de la sensibilité
maternelle dont on sait qu’elle influence la nature du lien
d’attachement ?
Nous proposons, dans le cadre de cet article, de porter
notre intérêt sur les interactions mère-bébé en cas de han-
dicap visuel maternel. Il s’agira, ici, de mettre en évidence
la spécificité des interactions précoces mère-bébé, la qualité
de la sensibilité maternelle ainsi que les liens pouvant être
établis avec la question de l’attachement.
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694 Christelle Gosme et al.

Cette réflexion s’inscrit au sein d’une recherche menée de


septembre 2004 à juillet 2011 dans le cadre du programme
PILE (Programme International pour le Langage de l’Enfant)
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et en lien étroit avec la PMI de l’Institut de Puériculture de
Paris.

MÉthode et outils

La population de recherche
La population de recherche – des dyades mère en
situation de handicap visuel-bébé voyant – a été recru-
tée de septembre 2004 à juillet 2007 à la PMI de l’Institut
de Puériculture de Paris (Paris 15ème) avec la collaboration
active d’Edith Thoueille, directrice de la PMI et de son
équipe. Nous avons défini les critères d’inclusion suivants :
Pour les mères :
– Etre la mère biologique d’un enfant âgé de 3 mois à
9 mois ;
– Avoir une déficience visuelle (malvoyant ou cécité) ;
– Ne pas avoir un handicap associé ;
– Savoir lire et écrire ;
– Être âgée de plus de 18 ans ;
– Comprendre la langue française.
Pour les bébés :
– Être l’enfant biologique d’une mère avec une déficience
visuelle ;
– Être âgé de 3 mois à 9 mois ;
– Ne pas avoir de handicap.
Ne pas remplir ces conditions constitue un critère d’exclu-
­sion.

Le programme de recherche PILE

– Le cadre théorico-clinique
Le programme PILE est un programme de recherche
initié par le Professeur Bernard Golse, Chef de service de
- © PUF -
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L’inquiétante discontinuité 695

pédopsychiatrie à Necker, et Valérie Desjardins, psycholo-


gue, psychothérapeute. Depuis juillet 2011, le Docteur Lisa
Ouss, neuropsychiatre, coordonne le projet de recherche. Il
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se déroule dans la cellule vidéo du service de pédopsychiatrie
de l’hôpital Necker-Enfants-Malades. L’équipe de recherche
qui intervient dans ce projet est pluridisciplinaire et se
compose de pédopsychiatres, psychanalystes, psychologues,
orthophonistes, techniciens vidéo, mathématiciens (analyse
du son, analyse des mouvements, analyse des regards) et
statisticiens.
Débuté en 2003, il vise à approfondir les connaissances
quant à la construction et à l’émergence de la parole chez
l’enfant. Plusieurs groupes d’enfants ont été inclus au sein
de cette recherche : des enfants tout venant (groupe témoin)
et des enfants présentant des caractéristiques spécifiques
(troubles neurologiques, de l’oralité, prématurité, bébés
hospitalisés, frères et sœurs d’enfants autistes et enfants de
mères aveugles et malvoyantes). Chaque cohorte d’enfants
est sous la responsabilité d’un clinicien à l’exception du
groupe contrôle qui, lui, est sous la responsabilité de tous les
cliniciens impliqués dans la recherche.
Il s’agit d’une recherche multiaxiale dont le but est d’ana-
lyser les productions vocales, le regard et les mouvements du
bébé quand il se trouve confronté à la parole de l’adulte,
en situation dyadique ou triadique. Un outil automatisé et
standardisé d’évaluation microscopique des interactions
mère-bébé a été mis au point par des ingénieurs et des mathé-
maticiens afin de mesurer précisément ce qui détermine les
interactions entre la mère et l’enfant en tenant plus parti-
culièrement compte de la dimension temporelle (étude de la
synchronie).
Ce projet de recherche a aussi pour objectif de penser
autrement le cadre général du développement de l’enfant,
la genèse de la psychopathologie, les processus de chan-
gement. Il ne s’agit pas d’opposer, ni de réinventer les
modèles théoriques de la clinique, mais de proposer une
articulation entre eux, une approche transdisciplinaire,
qui permet d’étudier des processus (développemen-
taux, psychodynamiques, d’attachement) plus que les
résultats.
- © PUF -
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696 Christelle Gosme et al.

– Le protocole expérimental proposé aux familles


a) De 3 à 9 mois : le protocole « Transat »
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À partir des 3 mois de l’enfant (si l’inclusion a eu lieu)
et si possible tous les mois jusqu’à 9 mois, trois séquences
d’interaction de trois minutes sont demandées à la mère et
au bébé au cours d’un rendez-vous à la cellule vidéo. Ces
interactions sont filmées à l’aide de plusieurs caméras. Une
évaluation minimum est requise entre 3 et 9 mois.
Le père est invité à venir chaque fois qu’il le peut. S’il est
présent, des séquences interactives filmées de trois minutes
avec le père sont réalisées en plus de celles de la mère.
Il s’agit de la mise en place d’une situation standardisée
d’évaluation permettant l’analyse microscopique (mouve-
ment des mains, des yeux, vocalises) et macroscopique des
interactions entre la mère et le bébé, et quand cela est pos-
sible entre le père et le bébé.
Le bébé est assis sur un transat et sa mère, face à lui, est
assise sur une chaise orientée de trois quart de manière à
ce qu’elle puisse confortablement s’approcher de lui, le tou-
cher, et pour permettre à la caméra de filmer le visage de
l’enfant.
Séquence Situation libre : jeu interactif sans objet. La
consigne donnée au parent est la suivante : « Interagissez le
plus naturellement avec votre enfant pendant trois minutes
comme vous le feriez chez vous. »
Séquence Interaction avec la girafe : jeu interactif avec
une girafe en tissu et non bruyante. La consigne donnée au
parent est la suivante : « Interagissez avec votre enfant en
utilisant la petite girafe pendant trois minutes. »
Séquence Interaction avec la chanson-comptine : « Ainsi
font, font, font, les petites marionnettes ». La consigne est :
« Interagissez avec votre enfant en chantant « ainsi font… »
et/ou d’autres chansons pendant trois minutes » (l’idée est
que le parent chante une comptine qui mette en jeu le chant
et le mouvement des mains).
Le choix de ces trois séquences (trois fois trois minutes)
a été fait pour permettre une situation standardisée (la
même pour tous les enfants), pour favoriser le main-
tien de l’attention de l’enfant et pour que chaque type
- © PUF -
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L’inquiétante discontinuité 697

d’interaction ait une spécificité. La situation libre appré-


hende l’interaction de manière « écologique », le jeu avec la
girafe suppose à la fois une capacité d’attention conjointe
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sur un objet et la capacité de manipulation de l’objet par
l’enfant. Enfin, la comptine offre une situation expérimen-
tale de « co-modalisation » intermodale (voix, mouvement,
regard).
b) De 9 mois à 4 ans : le protocole « Tapis »9
À partir de 9 mois et jusqu’à 18 mois, un rendez-vous
est proposé tous les trimestres (soit à 9, 12, 15 et 18 mois)
et de 2 ans à 4 ans, tous les semestres (soit à 2 ans, 2 ans ½,
3 ans, 3 ans ½ et 4 ans). À l’occasion de ces rendez-vous,
une séquence dite « tapis rouge » est d’abord proposée ;
séquence à laquelle viendra ensuite s’ajouter la passation
d’une ou plusieurs échelles standardisées. L’objectif de ce
protocole est d’analyser les interactions en situation de jeu et
la production du langage.
Un tapis rouge est installé sur le sol où plusieurs jouets
sont mis à la disposition de l’enfant et de la mère : une petite
balle en plastique rouge, un ours en peluche, un livre en
tissu, des cubes en plastique empilables. Lorsque l’enfant
est âgé de 15 mois, une maison playskool est introduite (en
plus des autres jouets) avec des personnages féminins et mas-
culins et plusieurs accessoires (voiture avec remorque, table,
chaises, landau, lit…). La consigne donnée aux parents est la
suivante : « Jouer et dialoguer avec l’enfant le plus naturelle-
ment possible. » Cette consigne de jeu libre permet le recueil
de séquences interactives qui seront par la suite analysées.
Le tournage commence une fois que l’enfant et sa mère
sont installés sur le tapis. Puis, au terme du temps de tour-
nage (qui varie selon l’âge du bébé entre dix et vingt mi­-
nutes), l’adulte et l’enfant sont prévenus que la séance est
terminée.

9. Cette séquence interactive a été proposée par Marie-Thérèse Le Normand


(1991) car c’est une situation standardisée, relativement écologique, proposant
des jeux souvent familiers à l’enfant, permettant de mettre en jeu les compétences
sensorielle et perceptive, la sensori-motricité, la capacité constructive et la capacité
symbolique. Sa durée permet également le recueil de productions vocales.
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698 Christelle Gosme et al.

– Les Outils d’évaluation du programme PILE

a) Le Coding Interactive Behavior (CIB)


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Les séquences d’interactions recueillis grâce au protocole
« Transat » et les films réalisés au cours du protocole « Tapis »
sont ensuite codés avec le Coding Interactive Behavior (CIB)
mise au point par Ruth Feldman (Version 4, 1998, manuscrit
non publié). Cet outil permet d’évaluer la participation inter-
active et individuelle de chaque partenaire pour des enfants
âgés de 2 à 36 mois. Il s’agit d’une observation clinique réa-
lisée à partir du visionnage intégral de la séquence filmée.
Elle permet d’analyser la nature des états affectifs et atten-
tionnels, la réciprocité et l’adaptation entre les partenaires
de l’interaction (nous la décrirons plus précisément dans le
cadre de la méthodologie de notre recherche).

b) Les autres outils d’évaluation du Programme PILE


Plusieurs outils sont proposés, en complément des pro-
tocoles « Transat » et « Tapis », pour évaluer différentes
dimensions du développement de l’enfant :
– Évaluation du lien mère-enfant : l’entretien R (lorsque
l’enfant est âgé de 9 mois) ;
– Évaluation psychopathologique de l’enfant : tempérament
(lorsque l’enfant est âgé de 6 mois) et la Child Behavior
Checklist (lorsque l’enfant est âgé de 4 ans) ;
– Évaluation psychopathologique de la mère : Hospital
Anxiety and Depression Scale (aux 6 mois de l’enfant),
Spielberger (lorsque l’enfant est âgé de 6 mois), Mini
(lorsque l’enfant est âgé de 3 ans) ;
– Évaluation du développement cognitif et moteur des
enfants : le Brunet-Lézine (lorsque l’enfant est âgé de
12 mois et de 2 ans) et la WPPSI III (lorsque l’enfant est
âgé de 4 ans) ;
– Évaluation de l’attachement : Situation Etrange (lorsque
l’enfant est âgé de 15 mois), Histoires à Compléter
(lorsque l’enfant est âgé de 4 ans) ;
– Évaluation des capacités projectives de l’enfant : la
Mallette projective (lorsque l’enfant est âgé de 15 mois)
et le Scénotest (lorsque l’enfant est âgé 4 ans) ;
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L’inquiétante discontinuité 699

– Évaluation du langage de l’enfant : bilan orthophonique


(lorsque l’enfant est âgé de 2 ans, 2 ans 1/2, 3 ans, 3 ans ½,
4 ans), les échelles Mac Arthur (lorsque l’enfant est âgé
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de 9 mois, 12 mois, 18 mois et 2 ans).

Nos choix méthodologiques à partir des outils proposés par


PILE

– Les tournages « Transat » à 3, 6 et 9 mois


Compte tenu de l’ampleur de cette étude, nous avons
choisi, pour cet article, de ne garder que les séquences libres,
donc les trois premières minutes, des tournages « Transat »
à 3, 6 et 9 mois pour évaluer les interactions mère-enfant.
Pour rappel, la consigne est la suivante : « Interagissez le
plus naturellement avec votre enfant pendant trois minutes
comme vous le feriez chez vous. » Ce choix nous semble per-
tinent dans la mesure où il nous donne un aperçu des inter-
actions mère-bébé dans leur déroulement habituel.
En raison d’un nombre de films d’interactions père-bébé
insuffisant, nous avons choisi de ne garder que les films
d’interactions mère-bébé.

– Un extrait du film réalisé sur le tapis à 15 mois


Un extrait de trois minutes du film réalisé sur le tapis
(de la 5ème à la 8ème minute du film) nous semble également
intéressant dans la mesure où il s’agit d’un protocole plus
« écologique », ce qui nous permet de voir comment se
déroule les interactions lorsque l’enfant est libre de ses
mouvements.

– Analyse des films d’interactions (transat et tapis) avec


la Coding Interactive Behavior (Version 4)

a) Description de l’outil
Cette échelle contient 45 items dont 22 relatifs au parent,
16 à l’enfant, 5 à la dyade et 2 évaluant de quelle manière
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700 Christelle Gosme et al.

chaque partenaire mène l’interaction. Chaque item est coté


en fonction de l’âge de l’enfant et en terme d’intensité, du
plus faible au plus fort (coté de 1 à 5 points).
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Ruth Feldman (1997, 1998) propose une répartition de
43 items (sauf ceux évaluant de quelle manière chaque par-
tenaire mène l’interaction) en 8 « échelles composites » per-
mettant ainsi d’obtenir 8 scores composites (3 concernant le
parent, 3 concernant l’enfant et 2 concernant la dyade).
Les 3 échelles composites concernant le parent exami-
nent les dimensions relatives à la sensibilité (par le biais de
11 items), l’intrusivité (par le biais de 6 items), la pose de
limites (par le biais de 3 items).
Les 3 échelles composites concernant l’enfant examinent
les dimensions relatives à l’engagement (par le biais de
9 items), le repli (par le biais de 4 items) et l’obéissance (par
le biais de 3 items).
Enfin, les 2 échelles composites concernant la dyade exa-
minent la réciprocité dyadique (par le biais de 3 items) et les
états négatifs (par le biais de 4 items).
Le score alpha de chaque score composite doit être
calculé au préalable pour déterminer la pertinence du score
composite. Les scores alpha (considérés comme satisfaisants
lorsque leur valeur est supérieure à 0.710) permettent ensuite
l’analyse et l’interprétation des scores composites.
Outre le fait qu’elle soit validée (uniquement en anglais)
et que la fidélité inter-juges s’avère satisfaisante (après for-
mation spécifique), la CIB offre plusieurs qualités. C’est un

 P (Yi ≤ c) 
10. log   = θ c + X i β + ui
 P (Yi > c 
avec P(Yi≤c) la probabilité que la note de l’individu i tombe dans la catégorie c
ou inférieure, qc le paramètre de seuil pour la catégorie c, Xi le vecteur des valeurs
des variables explicatives pour l’individu i, b le vecteur des paramètres décrivant
les effets des variables explicatives et ui l’effet aléatoire correspondant à l’individu
i. L’ajustement a été réalisé à l’aide de la fonction clm du package « ordinal » du
logiciel R, en ajustant des modèles comprenant différentes variables explicatives :
le statut visuel de la mère, l’âge de l’enfant et l’interaction entre ces deux effets. Ce
premier modèle a ensuite été simplifié en enlevant chacun des effets et en comparant
les modèles à l’aide du critère AIC. L’effet statut de la mère (voyante ou avec une
déficience visuelle) a ensuite été testé dans le meilleur modèle, s’il était présent, à
l’aide d’un test de rapport de vraisemblance.
Cette analyse permet d’une part de tester si le statut de la mère a un effet sur la
variable considérée et d’autre part de déterminer si cet effet est constant au cours
du temps ou varie en fonction de l’âge de l’enfant.
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L’inquiétante discontinuité 701

outil avant tout clinique, s’appuyant certes sur des dimensions


quantitatives mais aussi sur des dimensions qualitatives. Elle
a le mérite de s’intéresser à la participation de chaque pro-
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tagoniste mais également à la tonalité de l’interaction. Elle
permet un suivi longitudinal et ne nécessite pas un codage
trop lourd (en moyenne vingt minutes par séquence).
b) Codage des CIB
Chaque film d’interaction libre de trois minutes a été
codé par deux cotateurs : Christelle Viodé-Benony, psycho-
logue, psychanalyste (habilitée à la cotation de la CIB par
Ruth Feldman, conceptrice de l’outil) et Christelle Gosme,
psychologue (en cours de validation de la cotation de la CIB).
Les films étaient regardés par ce binôme en alternant un film
d’interaction libre d’une dyade clinique (mère avec une défi-
cience visuelle/bébé voyant) et un film d’interaction libre
d’une dyade témoin puis suivait le codage de l’interaction.
c) Analyse statistique
Les données ont été analysées à l’aide de modèles logisti-
ques cumulatifs mixtes (proportional odds mixed models ou
cumulative link mixed model), qui sont des modèles adaptés à
l’analyse de données catégoriques ordonnées : ils permettent
de prédire la probabilité qu’un individu obtienne une note c
en fonction de variables explicatives (ici, les variables expli-
catives sont l’âge de l’enfant et le statut visuel de la mère) en
prenant en compte le fait que les notes sont ordonnées (1<1
.5<2….<5), et en considérant un effet aléatoire pour chaque
enfant.

RÉsultats

Les séquences libres (d’une durée de trois minutes : les


trois premières minutes d’enregistrement) du protocole
« Transat » à 3, 6 et 9 mois des dyades mère avec un déficit
visuel-bébé voyant (groupe clinique) et les interactions fil-
mées sur le tapis à 15 mois (d’une durée de trois minutes :
de la 5ème à la 8ème minute d’enregistrement) ont toutes été
comparées à celles de dyades mère voyante (sans déficit
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702 Christelle Gosme et al.

visuel)-bébé voyant (dyades participant au Programme PILE


au sein du groupe témoin).
L’échantillonnage a été fait de telle sorte qu’il y ait dans
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les deux groupes le même nombre d’enfants avec les caracté-
ristiques suivantes : sexe, âge, statut dans la fratrie.

La population de recherche

– Un groupe hétérogène
Quatorze mères, toutes avec une déficience visuelle, ont
accepté de participer, avec leur bébé, tous voyants au moment
de l’étude, au programme PILE. Une mère malvoyante et
son bébé ont déménagé à l’étranger au 7ème mois de l’enfant
et n’ont donc pu poursuivre le protocole et une mère aveugle
a perdu l’un de ses parents au cours de la recherche, c’est la
raison pour laquelle certains outils de notre méthodologie ne
lui ont, à notre initiative, pas été proposés.
Le groupe de notre étude s’avère, dans un premier temps,
marqué par une hétérogénéité concernant les déficits visuels
maternels. Nous avons donc choisi de distinguer, au sein de
cette population de mères avec un déficit visuel-bébé voyant,
trois sous-groupes afin de tenir compte de la spécificité de
chacun :
– Un sous-groupe (1) de mères malvoyantes et leur bébé
(n=6) ;
– Un sous-groupe (2) de mères avec une rétinopathie pigmen-
taire et devenant aveugles au moment de la recherche et
leur bébé (n=2). Elles sont encore capables de certaines
perceptions visuelles.
– Un sous-groupe (3) de mères aveugles et leur bébé (n=6).
Au sein de ce groupe, deux femmes sont aveugles de nais-
sance, une femme est née malvoyante et est progressi-
vement devenue aveugle à l’âge de 21 ans, une l’a acquis
au cours de son enfance et deux femmes au cours de leur
adolescence.
La moyenne d’âge des mères au moment de leur inclusion
dans la recherche PILE est de 34 ans.
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L’inquiétante discontinuité 703

Tableau 1: Caractéristiques générales des mères


(groupe clinique et groupe témoin)
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Mère du groupe clinique Mères du groupe témoin
(n= 14) (n= 20)
Moyenne d’âge 34 ans 35 ans
Niveau d’étude 5;9 3 ; 16
(<Bac ou Bac ; >Bac) 35% <Bac ou Bac 15% <Bac ou Bac
64% >Bac 80%>Bac
5% non renseigné (n=1)

– Caractéristiques des enfants


Pour chaque âge, seules 10 dyades cliniques (sur 14 inclu-
ses au total dans le programme PILE) ont pu répondre à nos
critères (sexe, âge, statut dans la fratrie). Cela s’explique
par l’absence de dyades à certains rendez-vous ou la non-
inclusion au moment des tournages. Ainsi, au total, nous
obtenons 40 interactions pour les dyades cliniques mère avec
un déficit visuel-bébé voyant (10 à 3 mois, 10 à 6 mois, 10 à
9 mois et 10 à 15 mois) que nous avons comparées à 40 inter-
actions de dyades témoins mère voyante (sans déficit visuel)-
bébé voyant (10 à 3 mois, 10 à 6 mois, 10 à 9 mois et 10 à
15 mois) soit au total 80 interactions de trois minutes.

Tableau 2 : Caractéristiques des groupes d’enfants


à chaque tranche d’âge

Moy. âge Nombre Nombre Nombre Nombre


Interactions Groupes (en jours) Ecart type d’aînés de puinés de filles de garçons
3 mois Groupe clinique 111,9 13,67439 6 4 5 5
3 mois Groupe témoin 116,9 16,29894 6 4 5 5
6 mois Groupe clinique 196 12,09224 6 4 5 5
6 mois Groupe témoin 200,7 14,21306 6 4 5 5
9 mois Groupe clinique 268,5 17,03754 4 6 5 5
9 mois Groupe témoin 264,8 13,93477 4 6 5 5
15 mois Groupe clinique 455,3 27,56024 6 4 5 5
15 mois Groupe témoin 452,2 46,64714 7 3 5 5
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704 Christelle Gosme et al.

Pour des raisons statistiques, nous n’avons pu tenir


compte de la répartition en sous-groupe (sous-groupe
enfants de mères malvoyantes, sous-groupe enfants de mères
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devenant aveugles, sous-groupe enfants de mères aveugles),
ceux-ci ayant des effectifs trop petits. Ainsi les comparaisons
ont été effectuées entre le groupe des mères avec une défi-
cience visuelle (quelle que soit la déficience visuelle) et le
groupe témoin.

Résultats des scores composites de la CIB


Les huit scores composites de la CIB ont été calculés. Le
score alpha de chaque score composite a été calculé au préa-
lable pour déterminer la pertinence du score composite. Les
scores alpha (considérés comme satisfaisants lorsque leur
valeur est supérieure à 0.7) sont satisfaisants pour les trois
composites suivants : la sensibilité maternelle (alpha = 0.75)
qui appartient aux échelles concernant le parent et les deux
échelles concernant la dyade à savoir la réciprocité dyadique
(alpha = 0.96) et l’état négatif dyadique (alpha = 0.89).

– La sensibilité maternelle
Même si la sensibilité maternelle suit la même progres-
sion dans les deux groupes, on observe que dès les premières
interactions (en moyenne à 3 mois), la sensibilité maternelle
apparaît comme un peu moins bonne dans les dyades mère
avec un déficit visuel-bébé voyant (groupe clinique) que
dans les dyades du groupe témoin. En moyenne, les mères
du groupe témoin démontrent davantage qu’elles sont cons­-
cientes des signaux sociaux de l’enfant. Elles sont plus récep-
tives à la communication que les mères du groupe clinique.
Elles changent également plus d’expression émotionnelle
en accordage avec l’activité de l’enfant, son état, son émo-
tion et sont davantage une ressource dans leur manière de
s’occuper de la détresse, du défaut d’intérêt et de l’agitation
de l’enfant que les mères du groupe clinique. Elles font éga-
lement plus de compliments au bébé et témoignent davantage
d’affects positifs. Ces différences entre les deux groupes sont
stables dans le temps.
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L’inquiétante discontinuité 705

Les capacités d’élaboration des actions imitées du bébé


ont tendance à diminuer, dans le temps, chez les mères avec
une déficience visuelle alors qu’elles ont tendance à s’accroî-
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tre chez les mères du groupe témoin.
Enfin, les mères du groupe témoin procurent davan-
tage une « base secure » à l’enfant en terme de chaleur, de
sécurité, d’intimité et de mutualité que les mères du groupe
clinique. Le fait de procurer une « base secure » à l’enfant
tend à augmenter dans le temps chez les mères du groupe
témoin tandis que cela reste stable chez les mères avec une
déficience visuelle.
On note cependant, au sein de la sensibilité maternelle,
qu’un item apparait comme privilégié par les mères avec une
déficience visuelle : le toucher affectueux. Cela témoigne de
leur tentative pour compenser leur difficulté à percevoir les
signaux du bébé. En effet, même si les mères du groupe
clinique comme les mères du groupe témoin touchent de
moins en moins leur enfant au cours du temps, les mères du
groupe clinique touchent plus leur enfant que les mères
du groupe témoin et ce quel que soit l’âge de l’enfant.

– La réciprocité dyadique et l’état négatif dyadique


Alors que dans les dyades témoins on observe globalement
une progression dans le temps, aussi bien dans la réciprocité
dyadique que dans les capacités d’adaptation et de régulation
de chacun des protagonistes et dans la fluidité des échanges,
dans les dyades cliniques la progression de ces items est
moindre. Il apparait que les interactions mère-enfant sont
un peu moins expressives et qu’il y a plus de tension dans le
groupe clinique que dans le groupe témoin.
Toutes les différences observées entre le groupe cli-
nique et le groupe témoin sont à prendre avec prudence
puisqu’encore une fois, il s’agit d’un petit échantillon. Qui
plus est, bien que les différences soient significatives, les
interactions des dyades cliniques restent globalement de
bonne qualité même si elles s’avèrent en moyenne de moins
bonne qualité que les interactions des dyades témoins.
Les scores alpha n’étant pas satisfaisants pour les autres
scores composites, c’est-à-dire ne validant pas la cohérence
- © PUF -
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706 Christelle Gosme et al.

des items les composant, nous proposons de traiter des items


témoignant d’une différence significative entre les deux
groupes.
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Ainsi concernant les items relatifs au composite Intrusivité
maternelle, aucune différence significative n’apparait entre
les deux groupes concernant l’hostilité, l’anxiété, l’intrusi-
vité maternelle, la manipulation, l’affect négatif du parent et
les critiques faites à l’enfant.
Pour ce qui est des items relatifs au composite Pose des
limites par les parents, les mères du groupe clinique sem-
blent moins persistantes pour garder l’enfant dans l’activité
dyadique à travers des techniques interactives variées que
les mères du groupe témoin. Néanmoins, on observe une
progression de cette persistance dans les deux groupes et la
différence entre le groupe clinique et le groupe témoin tend à
diminuer avec le temps. Les mères du groupe clinique mon-
trent au cours des premières interactions une plus grande
difficulté pour avoir un style cohérent (leur niveau d’impli-
cation change plus que celui des mères du groupe témoin)
mais progressivement, leur style devient aussi cohérent que
celui des mères du groupe témoin. Aucune différence n’appa-
raît entre les deux groupes concernant la pose de limites des
mères.
Pour les items relatifs au composite Implication de l’enfant
dans l’interaction, les enfants de mères avec une déficience
visuelle, même s’ils sont autant attentifs et impliqués que les
enfants du groupe témoin, tendent à être moins fatigués et
se montrent significativement davantage dans l’initiative de
l’échange avec leur mère. Les enfants du groupe témoin mon-
trent, quant à eux, légèrement plus d’affects positifs (plus de
sourires, de rires) et globalement, ils donnent l’impression
d’être plus relaxés et sécurisés que les enfants du groupe cli­-
nique. Les résultats montrent que les enfants du groupe
témoin regardent de plus en plus leur mère au cours du temps
alors que les enfants du groupe clinique regardent plus leur
mère au début et même si le regard de l’enfant dirigé vers
la mère tend à augmenter au cours du temps, il n’augmente
pas autant que celui des enfants du groupe témoin. Pour les
autres items relatifs à l’implication de l’enfant dans l’inte-
raction (vocalisation de l’enfant, affection de l’enfant envers
- © PUF -
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L’inquiétante discontinuité 707

le parent, capacité de jeu symbolique, exploration de l’envi-


ronnement), aucune différence particulière n’apparait.
Pour les items relatifs au composite Emotions négatives
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de l’enfant (à savoir : le retrait ou repli, une labilité dans les
émotions ou encore une agitation), on n’observe pas de diffé-
rence particulière entre les deux groupes. En revanche, les
enfants du groupe clinique apparaissent comme plus évitants
avec leur mère et cette différence est stable dans le temps.
Enfin, de la même façon, aucune différence n’appa-
rait entre les deux groupes concernant les items relatifs au
composite Obéissance de l’enfant (items incluant l’obéissance
de l’enfant à sa mère mais aussi la confiance que l’enfant a
dans l’aide que peut lui apporter le parent et la persistance
de l’enfant dans la réalisation d’une tâche).

Particularités des dyades mère avec une déficience visuelle-


bébé voyant
Trois items particuliers de la CIB retiennent notre atten-
tion car ils soulignent certaines particularités dans les dyades
mère avec une déficience visuelle-bébé voyant.

– Initiative de l’enfant
D’un point de vue clinique, on observe effectivement
davantage d’initiation de la part des enfants de mères avec
une déficience visuelle. Ces initiatives sont le plus souvent
sur le mode vocal (petits bruis de bouche ou vocalises) ou
tactile (touchers affectueux du bébé vers la mère) et invitent
le parent à interagir.

– Toucher affectueux
Les mères avec une déficience visuelle touchent plus
fréquemment leur enfant que les mères du groupe témoin
et ce de manière significative, elles embrassent et caressent
davantage leur enfant. Les mères touchent parfois leur
enfant durant la totalité de l’interaction soit pendant trois
minutes complètes. Il arrive, en revanche, que ce toucher
ne soit pas particulièrement « affectueux » et qu’il prenne
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708 Christelle Gosme et al.

une allure plus mécanique, maladroite, voire un peu plus


« brutale » dans certains cas.
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– Reconnaissance des signaux
Les mères avec une déficience visuelle apparaissent
comme moins conscientes des signaux sociaux de l’enfant que
les mères du groupe témoin, mais pourrait-il en être autre-
ment lorsque la vue est déficiente ? En effet, certains signaux
sont subtils à percevoir et seule la vue peut le permettre (par
exemple : un sourire, un regard, une expression étonnée, une
gêne ressentie par l’enfant et qu’il peut exprimer à travers
une grimace), même si certaines mères déploient toute leur
sensorialité pour tenter de les identifier notamment grâce à
leur perception visuelle restante pour les mères malvoyantes,
l’audition qui leur permet de repérer parfois les légers bruits
que les enfants émettent vocalement et le toucher qui permet
de repérer la résistance d’un enfant à un mouvement par
exemple.
On peut donc souligner les tentatives des mères pour
essayer de donner sens à ce qu’elles ressentent dans
l’échange avec leur enfant. Néanmoins, il arrive que certai-
nes mères fassent ce que l’on pourrait appeler des « fausses
reconnaissances », témoignant de leur difficulté à repérer
les signaux sociaux de l’enfant mais aussi de leur besoin
de les repérer. Par exemple, une mère dit à son enfant :
« Ah, tu regardes le chien » alors qu’il ne fait pas cela. Une
autre encore dit à son bébé : « Ne soit pas triste » alors
que l’expression de son visage semble davantage traduire
un mécontentement. Enfin, alors qu’une petite fille jette un
cube dans la pièce, la mère dit en riant : « Oh, il est parti le
cube », elle ne perçoit pas que sa fille l’a jeté peut-être dans
un mouvement de colère.

Impressions cliniques globales


Nous avons été sensibles à la créativité et l’originalité
dont font preuve les mères, notamment lorsque l’enfant a
6 mois, pour interagir et répondre aux besoins de l’enfant.
Cette créativité passe par la capacité des mères à se mettre
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L’inquiétante discontinuité 709

à la place de leur enfant. Ainsi, l’une articule des voyelles


en chantant et son fils regarde sa bouche, l’autre reprend
des sons déjà produits par son fils pour attirer son attention,
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une autre encore propose un jeu rythmique des mains pour
calmer son enfant.
Il se dégage également, de toutes ces interactions, l’impres-
sion clinique que les mères sont davantage en difficulté lors-
que l’enfant est âgé de 8-9 mois. Le bébé apparaît comme
en quête d’autonomie, il tourne son regard vers l’environ-
nement, vers lui-même, commence à manifester plus d’initia-
tives. Les mères ne peuvent voir leur regard mais semblent
percevoir leur désengagement de l’échange, si bien qu’elles
apparaissent souvent comme « contrôlantes » et notamment
par le contact corporel. C’est comme si, lorsque quelque
chose de la vue du bébé échappe à la mère, il faut alors le
garder dans le contact par un autre canal : le toucher.
Enfin, il nous a semblé que les mères avaient moins
recours, ou avec de plus grandes difficultés, au « parler
bébé ». Leurs voix nous ont semblé moins aiguës et parfois
moins douces que celles des mères du groupe témoin.

Discussion

Notre hypothèse a été orientée par les observations


d’Edith Thoueille et coll. (2006) et celles de Drina Candilis-
Huisman (2008). Leurs travaux mettent en avant les stra-
tégies compensatoires des mères et les capacités d’adaptation
précoce des enfants et ils nous ont conduits à penser que ces
stratégies permettaient de compenser l’absence de vision et
donc de garantir une sensibilité maternelle d’aussi bonne
qualité que celles de mères voyantes. En réalité, les résultats
de notre étude portant sur un petit échantillon montrent
une différence significative entre la sensibilité maternelle
des mères avec une déficience visuelle et celle des mères du
groupe témoin. Les mères du groupe clinique présentent
une sensibilité maternelle de moins bonne qualité que celle
du groupe témoin. Ce résultat s’explique, selon nous, pour
diverses raisons :
Les mères qui font preuve de sensibilité maternelle, dit
Mary Ainsworth (1983), sont « des mères chaleureuses,
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710 Christelle Gosme et al.

attentives aux signaux du bébé et qui donnent des réponses


appropriées et dans un court délai à ses besoins particuliè-
rement au cours des trois premiers mois de la vie ». Or, les
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mères avec une déficience visuelle ne peuvent être atten-
tives aux signaux du bébé de la même manière qu’une mère
voyante. Pour pouvoir répondre de manière appropriée
aux signaux du bébé, il faut d’abord les percevoir puis leur
fournir une réponse rapidement. Ce que l’on observe sur les
films d’interactions mère-bébé c’est que les mères avec une
déficience visuelle peuvent percevoir certains signaux de leur
bébé lorsqu’elles déploient toute leur sensorialité. Une mère
nous a d’ailleurs dit : « Un sourire ça s’entend. » Pour per-
cevoir ces bruits si infimes, il faut être en mesure de faire
preuve d’une grande attention, d’une grande concentration
et d’une auto-vigilance très certainement éprouvantes pour
la mère mais également d’une importante disponibilité psy-
chique, or, au regard des histoires infantiles relatées par les
mères elles-mêmes (que nous reprendrons dans un prochain
article), nous avons de bonnes raisons de croire que certai-
nes d’entres elles sont encore ébranlées par les traumatismes
qu’elles ont vécus et que certaines traces inconscientes de
leur vécu infantile resurgissent à travers ce qu’elles vivent
avec leur enfant.
Certains signaux du bébé leur échappent, notamment ceux
qui sont subtils tels que des mimiques faciales, des détourne-
ments ou évitements de regard, l’orientation du regard, des
sourires… D’autres provoquent ce que nous avons appelé
« des fausses reconnaissances », c’est-à-dire une interpré-
tation maternelle de ce qu’elles ont cru percevoir chez leur
bébé mais qui ne correspond pas malheureusement ni à la
réalité du bébé ni à ce que le chercheur observe au même
moment. Ces « fausses reconnaissances » donnent lieu à une
impression de discordance qui peut être troublante pour le
bébé.
L’autre élément important participant à la qualité de la
sensibilité maternelle est la rapidité de la réponse. On l’a
dit, les mères sont tout à fait capables de repérer certains
signaux du bébé et d’y répondre adéquatement. Néanmoins,
le facteur « rapidité » est bien évidemment mis à mal dans un
contexte de déficience visuelle puisque, sans la vue, réaliser
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L’inquiétante discontinuité 711

un geste intentionné, que l’on soit aveugle ou malvoyant, de


naissance ou non, prend inévitablement plus de temps que
pour un voyant. Les mères, elles-mêmes, évoquent sponta-
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nément leur plus grande lenteur. La vision, rappelons-le, est
« le sens spatial par excellence » (Hatwell, 2006). Elle nous
permet d’appréhender simultanément une très grande par-
tie de l’espace, qu’il soit proche ou lointain, et possède une
grande rapidité de traitement ainsi que des capacités de dis-
criminations fines et variées.
Le tempo ou le « timing », pour reprendre l’expression
de Daniel Stern (2002), de la mère va donc être différent du
tempo de l’enfant et du tempo de toute personne voyante
susceptible d’apporter des soins à l’enfant. Or, Daniel
Stern considère la temporalité comme un sixième sens, un
sens transmodal nécessaire pour comprendre le monde des
sensations. Le bébé de 2-3 mois est d’ailleurs capable de
percevoir si quelque chose « tombe dans le temps, est hors
du temps, en avance ou en retard, synchrone avec autre
chose ou non » (Gratier, 2007). Il y a donc un écart fonda-
mental qui s’instaure entre la mère et le bébé quant à la
temporalité.
Les découvertes récentes en neurosciences sur les neu-
rones miroirs seraient d’ailleurs tout à fait intéressantes
à étudier dans ce contexte de déficience visuelle mater-
nelle puisque, selon Daniel Stern (2002), le fonctionne-
ment des neurones miroirs est à la base, entre autres, de
l’accordage.
La temporalité implique inévitablement le rythme. Or le
rythme de la mère avec une déficience visuelle va être dif-
férent du rythme du bébé voyant. Ce qui signifie aussi que,
là encore, le rythme de toute personne voyante susceptible
d’apporter des soins à l’enfant sera différent de celui de
la mère. Rappelons que le rythme, et plus précisément « la
concordance des rythmes » (ajoutée par Didier Anzieu à
la liste des comportements d’attachement principaux de John
Bowlby), participe au sentiment de sécurité du bébé (Ciccone
2005). Ainsi, ces mères sont soumises à la fois à leur propre
rythme, au rythme différent du bébé et à celui des autres.
La continuité ne va pas être assurée de la même manière par
une personne voyante et par une personne malvoyante ou
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aveugle, entre autres parce qu’il va y avoir chez les mères


avec une déficience visuelle un « léger décalage » rythmique
qui peut contribuer à donner, au bébé, l’impression d’une
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inquiétante discontinuité.
Le rythme a une fonction essentielle dans l’intersubjec-
tivité. Si l’on fait l’hypothèse, dans ce contexte de déficience
visuelle, d’un « décalage » rythmique entre la mère et le bébé,
décalage renforcé par des intervenants extérieurs voyants,
alors l’intersubjectivité pose question. En effet, nos obser-
vations des interactions mère-bébé montrent que les bébés
de mères avec une déficience visuelle prennent davantage
d’initiatives dans l’échange que les enfants du groupe témoin
et que progressivement ils regardent moins leur mère que les
enfants du groupe témoin. Ces deux éléments d’observations,
qui méritent bien sûr d’être approfondis dans une étude
incluant davantage de sujets, peuvent nous laisser penser
que les bébés de mères avec une déficience visuelle prennent
conscience très tôt qu’il existe « au dehors de soi, un autre ».
En prendraient-ils conscience trop vite, trop tôt ?
Par ailleurs, parmi nos résultats sur les interactions
mère-bébé, il apparaît de manière significative que les mères
avec une déficience visuelle touchent davantage leur bébé
que les mères du groupe témoin. Le toucher, on le comprend,
leur permet de repérer leur bébé, de percevoir leurs signaux
et d’exprimer leur tendresse. C’est ainsi un moyen de
compenser l’absence de vision. Mais ce toucher peut parfois,
on l’imagine, être ressenti par le bébé comme intrusif voir
comme excitant. Le toucher apparaît ainsi comme paradoxal.
Il permet à la mère et à l’enfant de communiquer : la mère
touche l’enfant pour le repérer, lui exprimer son amour, sa
tendresse et l’enfant peut aller au contact de sa mère pour
la rassurer. Mais la notion même de toucher implique aussi
une interdiction puisque dès que l’enfant est en âge de se
déplacer et de partir explorer, on lui interdit de toucher et
c’est par l’assimilation de l’interdit du toucher que l’interdit
de l’inceste peut être reconnu . Dans le cas des enfants de
mères avec une déficience visuelle, il faut donc que l’enfant
intègre l’existence de touchers différents, un toucher « pour
voir » et un toucher pour découvrir soumis, celui-ci, aux
interdictions parentales. Là encore, on rejoint la notion
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L’inquiétante discontinuité 713

de « bilinguisme relationnel » proposé par Edith Thoueille


et coll. (2006) à savoir l’apprentissage d’un double sens du
toucher.
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Si l’observation minutieuse des interactions précoces
apporte des éléments précieux sur les styles interactifs des
mères qui privilégient, sans surprise, le toucher dans les
échanges avec leur bébé, elle nous renseigne également sur
les capacités d’adaptation précoce des bébés qui sont davan-
tage à l’initiative des échanges. Cette volonté indéniable de
communiquer pour chacun des partenaires, qui se traduit
par leur tentative mutuelle pour s’ajuster l’un à l’autre, ne
suffit cependant pas pour compenser l’absence de vision. Ce
qui rend plus difficile ces échanges précoces repose, selon
nous, sur une sorte d’asymétrie du rythme induit par cha-
que protagoniste de l’interaction, chacun étant soumis au
rythme imposé par sa propre vision. Ainsi, le bébé voyant
face à sa mère mal ou non-voyante se trouve confronté à
une sorte « d’inquiétante discontinuité » qui ne cesse de
ressurgir en présence d’un tiers voyant. On peut d’ailleurs
s’interroger, dans ce contexte où l’un des canaux sensoriels
de la mère est absent ou défaillant, sur l’effet de cette dis-
continuité sur le processus de comodalisation polysensorielle
décrit par Bernard Golse (2011) et donc sur l’accès du bébé
à l’intersubjectivité.
L’étude des interactions précoces mère-bébé dans un
contexte de handicap visuel maternel nous apporte des infor-
mations précieuses sur la qualité de la sensibilité maternelle,
le style interactif des dyades et constitue un apport intéressant
pour la clinique des personnes valides. Elle nous permet à la
fois d’explorer ces notions « d’inquiétante discontinuité » et
« d’inquiétante familiarité », mais aussi d’établir des liens
avec la question de l’attachement puisque, comme on le sait,
la qualité de la sensibilité maternelle influence la nature du
lien d’attachement et dépend probablement, en partie, de
la dynamique fantasmatique maternelle inconsciente. C’est
la raison pour laquelle cette étude s’est aussi intéressée à
l’évaluation des représentations d’attachement des mères
avec une déficience visuelle ainsi qu’à la qualité de l’atta-
chement de leurs enfants. Les résultats les concernant seront
publiés dans un prochain article.
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RÉFÉRENCES
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Février 2013
Christelle Gosme
Service de pédopsychiatrie
Hôpital Necker-Enfants-Malades
149, rue de Sèvres
75015 Paris
christelle.gosme@nck.aphp.fr

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