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LES ESPACES DE L'ÉCONOMIE

Paul Claval

Armand Colin | « Annales de géographie »

2008/6 n° 664 | pages 3 à 22

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ISSN 0003-4010
ISBN 9782200924423
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Pour citer cet article :


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Paul Claval, « Les espaces de l'économie », Annales de géographie 2008/6 (n° 664),
p. 3-22.
DOI 10.3917/ag.664.0003
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ARTICLES

Les espaces de l’économie


The spaces of the economy

Paul Claval
Université de Paris-Sorbonne

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Résumé L’économie classique appréhendait l’espace comme ressource, comme obstacle
au transport et comme ressort de la spécialisation internationale. La théorie mar-
ginaliste ne lui fait qu’une place réduite. L’économie spatiale reste fidèle aux
hypothèses du début du XIXe siècle. Les années 1930 découvrent l’échelle natio-
nale et la croissance grâce à la macroéconomie, et le rôle de l’information à tra-
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vers les imperfections du marché. Dans les années 1950 et 1960, l’économie spa-
tiale et la géographie économique développent sur ces bases, la théorie des lieux
centraux et celle de la croissance polarisée, et expliquent l’opposition des aires
centrales aux espaces périphériques. Depuis une génération, on est plus sensible
aux coûts d’information et de commutation, aux économies d’échelle et aux
externalités. Le progrès est pris en compte. L’espace différencie les connaissances
et favorise ou non l’innovation ; pour apprécier ces éléments, il convient de prêter
attention à l’économie de proximité.

Abstract Classical economic theory conceives space as a resource, an obstacle and the basis
of international specialisation, but marginalist theory has reduced its role. Spatial
economic theory developed according to hypotheses formulated at the beginning
of the nineteenth century. The 1930s discovered national scale and growth through
macroeconomics as well as the role of information through market imperfections.
During the 1950s and 60s, spatial economics and economic geography developed
upon these foundations theories such as central place and polarised growth, and
explained the opposition between central areas and peripheries. A new sensitivity
to scale and external economies as well as to the costs of information and commu-
tation characterised the last generation. Progress is now taken into account. Space
differentiates knowledge and may either promote or prevent innovation ; more
attention should be devoted to issues surrounding the economics of proximity.

Mots-clés Espace, économie, économie classique, économie spatiale, marginalisme, micro-


économie, macroéconomie, lieux centraux, polarisation, relations centre/péri-
phérie, transport, information, communication, progrès, économie de proximité.

Key words Space, economics, classical economics, spatial economics, marginal theory, micro-
economics, macroeconomics, central place, polarisation, centre/periphery rela-
tions, transport, information, communication, progress, economics of proximity.

1 La recomposition de la pensée économique

Le fonctionnement de l’économie se déroule dans l’espace. La production


combine terre (ou énergie et matières premières), travail et capital. Elle est
à l’origine de flux de biens de consommation et d’investissements qui sont
respectivement destinés aux ménages et aux entreprise. Elle génère des
revenus qui reviennent aux ménages. Ceux-ci les dépensent ou les épargnent.

Ann. Géo., n° 664, 2008, pages 3-22, © Armand Colin


4 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

Aux mouvements de produits et d’argent s’ajoutent la circulation d’infor-


mations sans lesquelles personne ne pourrait prendre de décision.
L’économie politique naît, à l’époque d’Adam Smith, du souci d’assurer
la richesse des nations. Le triomphe de la microéconomie, qui s’affirme
avec les approches marginalistes à partir des années 1860, restreint son
objet : l’épanouissement de l’activité globale doit résulter automatiquement
des choix judicieux des individus et plus particulièrement de ceux des chefs
d’entreprise. Il devient inutile de se pencher sur les réalités de grande
dimension.

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La mutation que connaît l’économie dans les années 1930 fait naître un
nouveau champ, la macroéconomie, pour lequel la nation est la réalité per-
tinente (Keynes, 1936) ; à quelles conditions celle-ci peut elle croître régu-
lièrement ? Cela ne va pas sans difficulté, puisque l’équilibre entre le pou-
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voir d’achat créé par l’investissement autonome et les productions


additionnelles dues à l’investissement global, n’est jamais automatique : il
demande, de la part des gouvernements et des banques centrales, un
réglage minutieux. Cela explique l’attention avec laquelle les problèmes
financiers et monétaires sont examinés.
Dans les années 1950 et 1960, l’analyse économique constitue le cœur
d’une discipline, qui se décline sous deux formes, celle de la microéco-
nomie, axée sur l’analyse des décisions prises au sein des firmes dans des
économies de marché, et celle de la macroéconomie, qui s’attache aux
effets globaux de la circulation des revenus. Il y a, du micro au macro, un
changement d’échelle — de l’individu et de la firme à la nation — et un
changement d’objet — des décisions aux effets collectifs de la circulation
des biens et des espèces.
La macroéconomie attire l’attention sur la croissance. Au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale, cela conduit à la découverte de l’inégal déve-
loppement. Dans les années 1950 et 1960, celui-ci devient un des
domaines essentiels de la recherche (Austruy, 1965 ; Higgins, 1959).
Comme les inégalités de croissance s’observent au sein des nations tout
autant que sur la scène internationale, les travaux relatifs à la région éco-
nomique se multiplient. Beaucoup cherchent à transposer à cette échelle les
résultats obtenus dans le cadre des nations (Isard, 1951, 1956 ; Boudeville,
1961, 1963).
L’inégal dynamisme des économies explique aussi l’attention nouvelle
accordée aux relations internationales — à propos desquelles on n’a guère
enregistré de progrès depuis l’époque de Ricardo.
Tels sont les champs couverts par la recherche dans les années 1950 et
1960. Ces sujets sont toujours présents dans la discipline, mais ce qui est
neuf l’emporte. La part faite à l’entreprise s’autonomise. La curiosité pour
la technologie et l’innovation s’affirme. Les régulations auxquelles l’entre-
prise doit se soumettre au niveau national comme au niveau international
font l’objet d’études systématiques. Le poids des dimensions culturelles de
Articles Les espaces de l’économie • 5

la vie économique est analysé. Une attention accrue est accordée aux trans-
ports, à la communication, au sport, à la culture, aux loisirs.
La recherche fondamentale passe par un retour aux sources. Elle met
l’accent sur le jeu des institutions et du changement. Elle fait une place aux
démarches hétérodoxes.
Quelle importance cette économie recomposée accorde-t-elle à la
dimension spatiale des réalités auxquelles elle s’attache ? Pour répondre à
cette question, il est bon de partir de la place qui était faite à l’espace il y
a un demi-siècle.

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2 Les espaces de l’économie du début du XIXe siècle
aux années 1930
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2.1 Prédominance de la microéconomie et minoration du rôle de l’espace


La microéconomie qui domine les travaux des économistes des alentours de
1850 aux années 1930 n’attache guère de prix aux questions géographiques.
Ce qui compte pour elle, c’est l’aptitude des décideurs à effectuer un clas-
sement rationnel de leurs préférences. Le problème se situe dans la tête des
acteurs : ils se montrent capables de faire des choix cohérents, ou n’y par-
viennent pas. L’environnement ne joue aucun rôle : la microéconomie
repose sur une hypothèse implicite, mais forte : le coût d’accès à l’informa-
tion est nul.
La seconde condition que suppose la microéconomie, c’est la perfection
des mécanismes de marché, conséquence elle-même de l’accès gratuit aux
nouvelles dont les décideurs ont besoin au moment de leurs choix. La fric-
tion de la distance induit des charges matérielles de transport, mais qui ne
peuvent modifier le sens de la théorie générale.
L’économie classique n’ignore cependant pas totalement l’espace. Au
début du XIXe siècle, celui-ci s’y introduit de trois façons.
2.1.1 L’espace tout de même : David Ricardo et la prise en compte du facteur terre
La théorie classique qui domine au début du XIXe siècle a le souci des quan-
tités globales : la rémunération du capital, celle du facteur terre et celle du
travail se conditionnent mutuellement. Dans un monde où la pression démo-
graphique croît, la terre devient rare : les rentes qui reviennent à ceux qui la
détiennent laminent les profits des entrepreneurs et réduisent le salaire des tra-
vailleurs au niveau minimum de l’autosubsistance. Les perspectives sont sombres
dans une société où l’on n’a pas encore pris conscience de la signification du
progrès.
La question que pose le commerce international est simple : contribue-
t-il à l’amélioration des conditions de vie chez ceux qui y participent ? Le
raisonnement de Ricardo est lumineux (Ricardo, 1817) : chaque pays se
spécialise dans les fabrications pour lesquelles il dispose du plus grand avan-
tage comparatif — le vin pour le Portugal, le drap pour la Grande-Bretagne
dans l’exemple qu’il retient. Vendre du vin revient, pour le Portugal, à
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exporter une partie du facteur terre qu’il possède en surabondance, contre


du facteur travail qui lui manque. À l’inverse, la Grande-Bretagne vend le
travail dont elle regorge contre les produits de la terre dont elle est
dépourvue. Le commerce international permet donc aux pays riches en
terres de se défaire de celles dont ils n’ont guère l’emploi, et de bénéficier
d’un travail qui vient de l’extérieur. En exportant sous forme de produits
manufacturés la main-d’œuvre dont la Grande-Bretagne ne manque pas et
qui ferait sans cela monter les rentes foncières, l’échange permet à ce pays

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d’échapper à la baisse des taux de profit qui sans cela le menacerait !
C’est la théorie du commerce international qui permet à l’économie
classique d’échapper au pessimisme absolu. Elle ne fait cependant aucune
place aux économies d’échelle et aux économies externes, c’est-à-dire au
progrès.
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2.1.2 L’espace tout de même : économie spatiale et frais de transport


On sait depuis Adam Smith que la spécialisation du travail est limitée par
l’étendue du marché — par les frais de transport que supportent, en fait,
les produits fabriqués. L’économie classique n’ignore pas cet héritage, que
Johann-Heinrich von Thünen systématise pour les activités agricoles en
1826. On connaît ses résultats : lorsque le milieu géographique est uni-
forme et que la circulation se fait également bien dans toutes les directions,
les cultures dessinent un système de couronnes emboîtées autour du
marché où elles sont vendues.
La vogue du marginalisme et le triomphe de la microéconomie expliquent
sans doute la lenteur avec laquelle l’économie spatiale se développe : il faut
attendre Lauhnardt (1882) et Alfred Weber (1909) pour que les coûts de
transport de l’énergie, des matières premières et des composants intégrés par
l’usine dans le produit qu’elle élabore, d’une part, et ceux que supportent
les articles fabriqués jusqu’au marché, de l’autre, soient pris en compte.
2.1.3 L’espace toute de même : Alfred Marhall et les économies externes
Alfred Marshall est un des grands économistes de la fin du XIXe siècle. Il a
l’esprit plus géographique que la plupart de ses contemporains. Dans le
domaine industriel, il connaît trop bien le tissu économique de la Grande-
Bretagne de son temps pour croire que la spécialisation du Lancashire dans
les cotonnades, celle de la Clyde et du Northumberland dans la construc-
tion navale, celle de Birmingham dans la serrurerie puis dans la construc-
tion mécanique, soient dues au hasard. Les coûts de transport et les
dépenses d’énergie qui sont à la charge des industriels du coton installés
dans la région de Manchester et de Liverpool ne sont pas très différents de
ceux qu’ils devraient payer en Écosse centrale, dans le Northumberland ou
dans le Yorkshire. L’agglomération résulte d’un autre phénomène, qui ne
s’exprime pas dans les prix de marché communément retenus par l’analyse
économique. C’est pour cela qu’Alfred Marshall parle d’économies externes
(Marshall, 1890). L’expression correspond à la réalité qu’il observe, mais
Articles Les espaces de l’économie • 7

elle ne dit pas que le phénomène dont il s’agit est fondamentalement lié à
l’organisation géographique des noyaux spécialisés.
Alfred Weber aborde le problème des économies externes, mais sans
réussir à exprimer sa signification géographique profonde.

3 La révision des hypothèses de l’économie


dans le courant des années 1930

Toute l’économie commence à être repensée dans le courant des années

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1930 : le retour aux quantités globales auquel procède la macroéconomie
n’est qu’une des facettes d’une remise en cause plus systématique. Ce qui
est désormais examiné d’un œil critique, c’est le fonctionnement des mar-
chés.
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3.1 Espace et imperfections des marchés


Peut-on supposer, comme on le faisait depuis trois-quarts de siècle, que les
conditions de la concurrence pure et parfaite sont normalement réunies
dans la vie économique ? L’offre et la demande sont-elles atomistiques ?
Les produits sont-ils parfaitement fongibles ? Les transactions se déroulent-
elles dans des conditions de transparence totale ?
À l’évidence, non : la concentration ne cesse de s’accentuer ; l’ère de la
petite entreprise familiale est close ; on en est à l’époque des entreprises
géantes ; dans des marchés où les intervenants sont de taille aussi inégale,
les informations dont ils disposent le sont aussi.
Un certain nombre d’économistes s’attache alors à l’analyse de ces
formes de marché. La concurrence n’en est pas absente, mais elle prend de
nouveaux visages : elle est monopolistique pour Edward H. Chamberlin
(1933) ou imparfaite pour Joan Robinson (1940). Cela ne veut pas dire
que la compétition disparaît des marchés, mais elle ne s’y exerce pas de la
même façon. Cela pèse sans aucun doute sur leur organisation spatiale.
Des études empiriques comme celle où Achille Dauphin-Meunier ana-
lyse la Cité de Londres et les grands marchés internationaux qu’elle abrite
décrivent la formation des grandes places modernes (Dauphin-Meunier,
1940/1954). Les jeux de la concurrence et du monopole y sont intimement
liés aux technologies de la communication.
3.2 La théorie des lieux centraux
Au début des années 1930, Walter Christaller s’attache à l’économie des
services en termes de distances et de portées-limites : il analyse les coûts
des déplacement des clients et du transport des marchandises (Christaller,
1933). Il ne sort pas du cadre défini un siècle plus tôt par von Thünen.
Un élément est cependant totalement nouveau : l’idée de lieu central.
L’idée force de Walter Christaller, c’est que les services qu’il étudie supposent
le rassemblement des partenaires qu’ils impliquent en un même point. Pour
lui comme pour August Lösch (1938, 1940), l’espace économique se struc-
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ture autour de certains points. Telle qu’elle est formulée dans les années
1930 la réflexion sur les lieux centraux n’est pas encore tout à fair une
théorie.
3.3 Coase et les coûts de transaction
H.R. Coase formule le concept de coût de transaction en 1937. Le
domaine qu’il explore est celui de l’entreprise. Une des questions que pose
l’évolution de l’économie depuis les années 1880, c’est celui de la grande
firme. La mise au point de machines qui repoussent toujours plus loin la

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limite au-delà de laquelle cessent les économies d’échelle en est, bien
entendu, une des causes essentielles. Mais l’aspect technique du gigantisme
ne doit pas faire oublier les coûts qu’il entraîne : une entreprise plus grande
doit prêter plus d’attention à la circulation des pièces détachées inclues
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dans le produit final, à la structure de son organigramme, à la diffusion des


ordres et des instructions mis au point par l’État-major, à la remontée des
informations qui permettent de s’assurer de la qualité des fabrications et
des difficultés qu’elles entraînent, et à la commercialisation de ce qui est
mis sur le marché.
La microéconomie n’avait jusqu’alors pris en compte que ce qui se passait
à l’extérieur de la firme. La circulation des informations et des ordres
n’offrait selon elle aucune difficulté. C’est contre cela que Coase réagit : il
faut prendre en compte le coût des flux de nouvelles internes à l’entreprise
tout autant que celui des échanges qu’elle entretient avec l’extérieur par
l’entremise des marchés (qui sont aussi des lieux de transaction, dont le
fonctionnement a un coût). L’équilibre de la firme dépend de l’ensemble
des charges de transaction qu’elle a à supporter. Celles-ci ne sont pas seule-
ment liées au transport des biens : elles résultent tout autant de la circula-
tion des informations, ou des mouvements de ceux qui en sont porteurs.
L’espace des économistes cesse d’être purement matériel.

4 La période 1950-1980 : de nouveaux modes


d’appréhension économique de l’espace

4.1 La prise en compte de la nation et de la région par la macroéconomie


Les mécanismes que la macroéconomie décrit prennent place dans le cadre
des nations. Celles-ci sont conçues comme des réalités globales : ce que
l’on y étudie, ce sont les niveaux atteints par le revenu, l’épargne et l’investis-
sement ; l’investissement autonome accroît les capacités de production ; il
génère les revenus qui permettent d’acquérir les nouveaux produits.
Le monde est constitué d’un certain nombre de boîtes, les nations, dont
il faut étudier la comptabilité globale pour comprendre la dynamique. Les
tableaux d’entrées et sorties, que complètent les comptes sociaux, permettent
ainsi de suivre les effets sur tous les secteurs de production, sur le revenu
des ménages et sur le montant de leur épargne, d’un investissement
effectué dans telle ou telle branche d’activité.
Articles Les espaces de l’économie • 9

Le développement est inégal, si bien que l’échelle nationale n’est pas la


seule qu’il convienne de prendre en compte. Les boîtes que constituent les
nations sont prises dans un réseau de relations économiques internationales.
L’industrialisation est déjà acquise en Europe, en Amérique du Nord ou au
Japon ; elle s’accompagne, dans ces pays, de taux de croissance relativement
élevés, cependant que le reste du monde reste cantonné aux activités pri-
maires, qui servent à nourrir les populations locales ou permettent d’exporter
vers le monde industrialisé denrées alimentaires, énergie ou matières pre-
mières dont il a besoin. Pourquoi cet inégal dynamisme (Austruy, 1965 ;

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Higgins, 1959) ?
À l’intérieur des pays industrialisés, certaines régions restent en dehors du
mouvement. Leurs activités ont de la peine à se diversifier. Là comme dans
le Tiers Monde, le secteur primaire est sur-représenté. Comment comprendre
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ces retards ? Pourquoi ne pas appliquer aux régions qui composent une
nation les méthodes d’analyse qui éclairent les dynamismes nationaux (Isard,
1956 ; Boudeville, 1968 ; Claval, 1968) ?
Les résultats obtenus sont appréciables : ils font comprendre comment
un investissement effectué dans une région y crée à la fois des emplois
directs et des emplois induits, ceux qui sont indispensables pour satisfaire
la nouvelle demande : d’où la notion de multiplicateur de l’emploi C’est
sur son évaluation que s’appuient les aménageurs pour mettre en place les
équipements indispensables aux nouveaux arrivés.
La région (ou la ville) est conçue comme une boîte, où l’on mesure des
effets globaux, mais dont on ne détaille pas les structures spatiales. Celles-ci
ne sont prises en compte que par les modèles gravitaires.
Les travaux macroéconomiques sur la région font apparaître un fait
essentiel : c’est autour des villes que se structure l’espace, car c’est là que
prennent place une bonne partie des effets multiplicateurs.
La mise en œuvre des méthodes d’analyse macroéconomique est cepen-
dant assez décevante : les effets multiplicateurs sont prévisibles lorsque les
espaces sont clos et que les dépenses des ménages et des entreprises y ont
toujours lieu aux mêmes endroits. Ils cessent d’être modélisables lorsqu’une
entreprise achète l’acier qu’elle emploie une année à un producteur national,
et l’année suivante à un de ses compétiteurs étrangers.
4.2 La critique des modèles de l’économie internationale classique
et les théories de la croissance inégale
Malgré les travaux de E. Heckscher (1919-1949), Bertil Ohlin (1933) et
de Paul Samuelson (1948, 1949), la théorie des relations internationales
avait peu évolué depuis l’époque de Ricardo. Les démonstrations qu’elle
mettait en œuvre étaient devenues plus rigoureuses, leur portée était plus
générale. Elle concluait toujours à l’utilité du commerce entre les nations.
Ce que l’on observait était différent : l’opposition entre les régions
riches et les zones médiocres ou pauvres se creusait au sein des pays indus-
trialisés. L’écart devenait tous les jours plus dramatique entre les revenus
10 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

des États déjà modernisés et ceux des pays en voie de développement.


Économistes, géographes et hommes politiques remettent en cause de trois
manières une théorie qui leur paraît aller contre l’évidence.
(i) En 1955, François Perroux propose une théorie de la croissance
polarisée pour rendre compte d’une réalité qui échappe à la théorie clas-
sique. Telle qu’il la présente alors, il s’agit plus d’une idée que d’une
théorie solidement étayée. Pour donner du corps à la théorie de la polari-
sation, Jacques-R. Boudeville tire parti de la macro-économie et se tourne
vers les effets multiplicateurs (Boudeville, 1961, 1968).

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La position de Perroux est simple : la polarisation naît, dans le domaine
industriel, de la présence de firmes motrices. Les responsables des politiques
industrielles doivent se garder d’éparpiller les crédits dont ils disposent, car
ils ne serviraient à rien. Il leur faut choisir un secteur stratégique, un lieu
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qui lui convienne et attirer là (ou créer) une firme puissante qui « tirera »
alors l’économie de tout le secteur. Cela générera des revenus qui permet-
tront d’étoffer le secteur domestique.
Perroux justifie ses propositions à partir d’exemples historiques, mais
Goetz-Girey en montre les limites en analysant le cas du pays de Mont-
béliard (Goetz-Girey, 1960).
On comprend donc le succès mitigé des pôles de croissance à la Perroux :
la sidérurgie de Tarente n’a pas plus suscité l’apparition d’un tissu industriel
dense que celle de Fos-sur-Mer. La construction des hauts fourneaux et acié-
ries d’Annaba n’a pas hâté l’accès de l’Algérie à la civilisation industrielle.
(ii) C’est en Amérique latine, autour de Raul Prebisch, qu’est formulée
la seconde théorie du développement inégal : cet économiste prend cons-
cience de la détérioration des termes de l’échange entre les nations en voie
de développement de cette partie du monde et les pays avancés (Prebisch,
1964). Les denrées primaires qu’elles offrent voient leurs cours se dépré-
cier, alors que le prix des produits industriels dont elles ont besoin ne cesse
d’augmenter : il leur faut travailler de plus en plus pour acquérir les équi-
pements dont elles ont besoin. Les pays riches exploitent les pays émer-
gents en ne payant pas à un juste prix les produits qu’ils leur achètent.
La thèse de Raul Prebisch repose sur des données exactes durant la
période 1953-1968. Mais il y a eu avant 1953 et après 1968 des périodes
plus fastes pour l’Amérique latine, qui n’en a pas tiré un grand bénéfice.
À la fin des années 1960, les théories de l’inégal développement cessent
de s’appuyer sur l’analyse des fluctuations des termes de l’échange. Elles
deviennent des théories de la domination : les phénomènes économiques
sont liés à des effets de pouvoir. Les passages que Marx a consacrés à
l’accumulation primitive et l’idée que l’impérialisme est le stade suprême
du capitalisme sont mis à contribution. Ces travaux ignorent curieusement
le démarrage économique foudroyant des futures « dragons » de l’Asie du
Sud-Est, Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong ou Singapour (par exemple,
Frank, 1970).
Articles Les espaces de l’économie • 11

(iii) La troisième famille de théories de la croissance inégale est en large


partie développée par des géographes. L’organisation de l’espace américain
est caractérisée par l’opposition de deux grands types de régions (Ullman,
1958) : un noyau central, l’Industrial Belt, à l’économie complexe, agricul-
ture intensive, industries de transformation et services groupés dans de
grandes métropoles ; tout autour, dans le Sud et dans l’Ouest, des zones
dont l’économie est beaucoup moins diversifiée : les activités agricoles et
minières y dominent.
Les cartes des potentiels de population et de revenu aux États-Unis

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mesurent l’accessibilité de chaque point à l’ensemble du marché américain
(Warntz, 1964). La zone où les potentiels sont maxima coïncide avec
l’Industrial Belt : ce qui y attire les industries, c’est la possibilité de fabri-
quer à plus grande échelle, puisque la clientèle qu’elles peuvent toucher est
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plus large.
L’Industrial Belt est aussi une zone de très grandes villes. Les activités
s’agglomèrent dans Megalopolis par suite des avantages qu’elles se créent
mutuellement (Gottmann, 1961).
L’inégal développement est le résultat normal de l’existence d’écono-
mies d’échelle et d’économies externes (Claval, 1968). La faiblesse essen-
tielle de la théorie classique des relations internationales vient de ce qu’elle
ne prend pas en compte le progrès technique (Claval, 1970) : à partir du
moment où celui-ci entre en jeu, des économies d’échelle (Young, 1928)
et des économies externes apparaissent et les inégalités tendent à
s’accroître.
L’intérêt pour les économies externes, longtemps oubliées après Alfred
Marshall, se développe dans les années 1950 (Scitovsky, 1954). Leur ori-
gine est diverse :
–– Des externalités existent dans le domaine des utilités et de la consom-
mation (Davies, Whinston, 1962, 1964) : les résidents d’un quartier tirent
avantage de la qualité de l’environnement ; les prix fonciers reflètent ses
transformations : ils chutent dès que des nuisances se précisent.
–– Du côté des producteurs, les économies externes résultent souvent de
la décision, pour les fabricants, d’acheter les pièces dont ils ont besoin à un
sous-traitant : celui-ci exploite un créneau étroit, mais il vend à plusieurs
clients, ce qui lui permet de s’équiper de machines efficaces et de bénéficier
d’économies d’échelles qu’aucun de ceux auxquels il livre ne pourrait réaliser.
–– La troisième interprétation met l’accent sur les coûts d’accès à
l’information et sur les coûts de transaction, si l’on préfère la formulation
de Coase : la firme qui s’installe dans une ville importante bénéficie d’exter-
nalités positives parce qu’elle trouve plus facile d’y recruter des personnels
qualifiés, d’y traiter avec des conseils juridiques, des consultants, des cabi-
nets comptables ou d’y obtenir des conditions intéressantes de crédit auprès
de banques bien informées des conditions de marché.
Toutes les externalités ne sont pas positives. Des nuisances résultent de
l’accumulation des hommes et des activités. Il arrive un moment où les
12 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

externalités négatives contrebalancent les externalités positives : la ville


cesse d’être attractive.
4.3 Forme des villes et lieux centraux
La ville joue un rôle essentiel dans les dynamiques économiques auxquelles
la recherche s’attache dans les années 1950 et 1960. C’est la présence d’un
lieu central qui fait la ville : tous les auteurs l’admettent, mais ne parviennent
pas à expliquer sa genèse.
Les économistes ont, depuis les débuts du XXe siècle, la conviction que

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les structures concentriques que l’on y observe répond à une logique sem-
blable à celle analysée par von Thünen. La difficulté vient de ce qu’en ville,
l’espace est occupé à la fois par des entreprises, qui sont guidées par la
recherche du profit, et par des ménages, qui essaient de maximiser l’utilité
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qu’ils retirent de leur présence en ville. Une élégante solution au problème est
proposée par William Alonso : ménages et entrepreneurs formulent, en fonc-
tion des objectifs de profit ou d’utilité qu’ils se fixent, des courbes
d’enchères, exprimées en termes monétaires, et donc comparables (Alonso,
1964). Cela génère un cône régulier des prix fonciers, sur lequel chaque
acteur se situe en fonction de ses objectifs et de ses disponibilités moné-
taires. De petits cônes adventices de localisations avantageuses se greffent
sur le cône principal là où se fixent des centres commerciaux secondaires
(Berry, 1964).
Les villes subissent dans les années 1960 la double mutation de l’auto-
mobile et des hypermarchés (James, 1964 ; Leven, 1977). Les aggloméra-
tions urbaines cessent d’être monocentrées : les fonctions qui étaient jusque-
là regroupées dans le noyau majeur de l’agglomération, se répartissent entre
une pluralité de foyers qui profitent de la mise en place d’autoroutes
urbaines pour échapper aux embouteillages et bénéficier d’une centralité
avantageuse.
4.4 Le rôle de l’information
L’attention qu’économistes et géographes accordent à l’information ne
cesse de croître. Les circuits dont l’analyse est au cœur de la macroéco-
nomie impliquent à la fois des biens, des moyens de paiement, des dépla-
cements de personnes et des flux d’information (que ceux-ci soient véhi-
culés par ceux qui se déplacent, ou qu’ils soient acheminés par la presse,
par la poste, par le téléphone, etc).
Qu’acquérir les informations indispensables à la prise des décisions éco-
nomiques ait un coût, personne n’en doute plus à une époque où les
sommes que les entreprises consacrent à la publicité croissent à une vitesse
exponentielle. Que ces activités aient surtout lieu dans les villes, on en est
de plus en plus conscient. Les chercheurs présentent alors volontiers la ville
comme un carrefour où les routes de chacun se croisent parce que c’est là
que se trouvent les informations dont ils ont besoin (Lopez, 1963 Tsuru,
1963 ; Remy, 1966 ; Meier, 1966). Le lieu central, dont on essaie de bâtir
Articles Les espaces de l’économie • 13

la théorie depuis Walter Christaller, sert à diffuser, à acquérir et à évaluer


des informations.
La genèse des lieux centraux qui sont à l’origine des villes et structurent
les réseaux urbains trouve enfin une explication satisfaisante au cours des
années 1970. C’est en se penchant sur l’analyse des coûts de transaction
qu’on y parvient. C’est que ce Williamson montre en renouvelant l’étude
des rapports des entreprises aux marchés (Williamson, 1975). C’est que ce
Colin Renfrew propose en s’attachant aux fonctions de confrontation des
centres urbains (Renfrew, 1975). C’est ce qui ressort surtout de l’analyse

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des coûts de commutation qu’implique les échanges d’information dès que
ceux-ci impliquent une pluralité de partenaires (Claval, 1977a). La logique
des villes est enfin analysable en termes d’économie (Claval, 1981).
Le progrès technique est responsable de la diversification des circuits
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qu’empruntent les informations : elles peuvent s’échanger directement,


dans un face-à-face où chacun peut s’exprimer et observer les réactions de
ses partenaires ; elles peuvent cheminer par lettre, prendre la forme de
messages télégraphiques, être téléphonées, ou utiliser comme supports la
presse, le cinéma, la radio ou la télévision. Que tous ces chenaux soient
utiles à la vie économique, c’est évident : les entreprises accepteraient-elles
sans cela de payer autant pour se faire connaître grâce à la presse ou aux
médias ? Cela veut-il dire que tous les moyens mobilisés par la communi-
cation aient des rôles équivalents ? Non, comme le montre Gunnar Törnqvist
(Törnqvist, 1968, 1970). Certaines décisions ne peuvent être prises que
lorsque les partenaires se rencontrent effectivement. Les échanges de cour-
rier, les coups de téléphone préparent et facilitent les contacts en tête-à-
tête. Ils ne les remplacent pas.
Un tri s’opère donc dans les informations dont les acteurs économiques
ont besoin. Un grand nombre peut être confié aux supports que consti-
tuent les médias modernes. Dans ce cas, la ville devient inutile. Les moyens
modernes de communication à distance font bénéficier émetteurs et desti-
nataires, même installés à la campagne, d’avantages qui demeuraient
jusqu’il y a peu l’apanage de la vie urbaine : la révolution du téléphone et
de la télévision fait disparaître l’opposition qui existait depuis toujours
entre les villes et les campagnes. L’urbanisation sociologique des campagnes
se généralise.
Les fonctions propres de la ville demeurent pour tous les échanges qui
impliquent des relations face-à-face, ou comme Törnqvist le dit, des contacts.
C’est grâce à ceux-ci que la scène urbaine d’aujourd’hui s’inscrit dans la
continuité de celles du passé.
La prise en compte des dimensions spatiales de la vie économique a
considérablement progressé au cours des trente ou trente-cinq années qui
ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Les géographes ont joué, pour la
première fois, un rôle important en ce domaine.
La macroéconomie a redonné aux territoires le rôle qu’on leur refusait
depuis le milieu du XIXe siècle. Les théories de l’inégal développement mettent
14 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

en évidence la faiblesse essentielle de l’analyse classique des relations inter-


nationales ou interterritoriales, qui ne prend pas en compte le rôle du pro-
grès technique. C’est en montrant le rôle des économies d’échelle et des
économies externes que les géographes préparent, dès les années 1950 et
1960, la révolution théorique à laquelle Paul Krugman donne sa forme
canonique à partir de 1980 (Krugman, 1980, 1991 ; Fujita, Krugman,
Venables, 1999).
La réflexion sur les marchés et sur la ville conduit à accorder une attention
de plus en plus grande au rôle de la communication dans la vie économique.

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Les économistes se demandent, depuis les années 1950, s’ils disposent
de cadres théoriques qui leur permettent vraiment de comprendre les pro-
blèmes spatiaux. François Perroux ouvre la voie en ce domaine (Perroux,
1950). Pour lui, la réalité est feuilletée : il y a, à la base, l’étendue concrète,
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celle du monde matériel de tous les jours, l’espace géographique selon ses
termes ; voilà pour le sous-sol. Le rez-de-chaussée est constitué par l’espace
économique, celui des usines, des voies de transport, des structures com-
merciales et des consommateurs ; il s’agit encore d’un espace matériel, mais
qui est de création humaine et résulte de l’activité des agents économiques.
Le premier étage est d’une autre nature ; c’est celui de la région-plan : on
entre dans le monde des idées. L’économie est rêvée et projetée dans
l’esprit des hommes avant de devenir une réalité matérielle.

5 Intermède marxien

La situation change au début des années 1970. Les marxistes prennent


alors conscience de la pauvreté des conceptions spatiales présentes dans les
textes fondateurs de Marx et de Engels (Lefebvre, 1972). Pour donner au
marxisme les bases spatiales qui lui ont toujours manqué, Lefebvre utilise
les catégories de Perroux et fait sienne la trilogie espace matériel, espace
des réalités sociales et économiques, espace imaginé. C’est ce qui le conduit
à parler de la construction de l’espace (Lefebvre, 1974).
L’essor rapide de l’économie des « dragons » de l’Asie du Sud-Est
montre l’inanité des théories du développement du sous-développement.
L’urgence de repenser le marxisme sous un angle géographique s’impose
de plus en plus (Claval, 1977b). Pour David Harvey, le capital déjà investi
et les savoir-faire de ceux qui le mettent en œuvre limitent les possibilités
d’implantation de nouvelles entreprises, car l’existence de niveaux élevés de
pollution et la présence de syndicats qui exigent des rémunérations élevées
découragent les nouveaux venus ; ceux-ci ont tôt fait de s’installer ailleurs.
L’histoire du capitalisme s’inscrit ainsi dans l’espace (Harvey, 1982).
Ce n’est cependant pas du côté du marxisme orthodoxe que les efforts
pour mieux prendre en compte les dimensions spatiales de l’économie sont
les plus nombreux. Deux directions s’imposent dans la seconde moitié des
années 1970 et au début des années 1980.
Articles Les espaces de l’économie • 15

(i) Pour certains, la théorie marxiste est une métathéorie qui éclaire les
tendances à long terme de l’évolution du monde économique et social. À
l’échelle moyenne de temps où se situent la plupart des analyses, les théo-
ries économiques classiques rendent compte de manière satisfaisante des
activités et de leurs implantations. Il y a donc des phases où l’analyse éco-
nomique suffit à expliquer la réalité. À d’autres moments, des difficultés
apparaissent. Pour y faire face, il faut modifier le régime de régulation qui
s’imposait jusqu’alors. C’est pour expliquer ces phases de réajustement que
la métathéorie marxiste se révèle féconde.

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La phase fordiste du développement économique se caractérisait par le
rôle central des grandes entreprises (Aglietta, 1976 ; Boyer, 1986). Les
transactions internes qui y prenaient place ne conduisaient pas toujours à
la compression maximale des coûts. La compétition qui caractérise le
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monde actuel a initié une nouvelle phase de l’histoire du capitalisme, celle


des régimes post-fordistes d’accumulation. Ce qui compte désormais, c’est
la flexibilité.
(ii) Une autre manière marxienne de prendre en compte la dimension
spatiale de l’économie tire parti des travaux de Torsten Hägerstrand sur la géo-
graphie du temps (Hägerstrand, 1970) : les acteurs économiques n’existent pas
dans un espace abstrait. Leurs vies décrivent des trajectoires complexes dans
le volume à trois dimensions qui permet de noter à la fois les lieux où se
trouvent les gens, ceux par lesquels ils passent, et le temps qui s’écoule.
Chacun n’a accès qu’à un volume limité d’informations.
Ces résultats sont interprétés dans le cadre des théories structuration-
nistes que la critique des structuralismes des années 1950 et 1960 conduit alors
à formuler. On en a assez d’explications de la réalité sociale qui ignorent les
hommes. Les structurationnistes cherchent à rompre avec deux aspects du
structuralisme : le refus de voir l’individu comme acteur de son destin ;
l’incapacité — qui en résulte — de prendre en compte l’histoire.
Les structurationnistes proposent une théorie à deux niveaux : au plan
supérieur, on voit jouer les effets de l’initiative des individus, qui donnent
au devenir une dimension historique ; au dessous se trouvent des instances
qui créent des structures, mais dont la vocation n’est pas universelle et per-
manente. Ce qui varie d’une version du structurationnisme à l’autre, c’est
la nature de ce niveau intermédiaire. L’habitus de Pierre Bourdieu est une
façon de le conceptualiser : l’ensemble des pratiques dans lesquelles les gens
évoluent, et qu’ils acquièrent, structure leurs comportements et leurs aspi-
rations (Bourdieu, 1980).
Le structurationnisme qui voit le jour au même moment dans le monde
anglo-saxon est différent (Thrift, 1983 ; Pred, 1983 ; Giddens, 1984),
l’instance qui conditionne les hommes et les inscrit dans des structures,
c’est le cadre régional dans lequel ils vivent. La géographie du temps de
Torsten Hägerstrand permet de l’appréhender d’une manière originale et
souligne le rôle des réalités d’échelle régionale.
16 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

L’école de la régulation et les approches structurationnistes ont en


commun de combiner une métathéorie, qui permet de sauvegarder l’essen-
tiel des enseignements marxistes, et des méso-théories, qui rendent compte
des situations normales et des évolutions au jour le jour. La métathéorie
n’intervient que pour expliquer les crises, les changements importants et les
mouvements de restructuration.

6 Changements d’échelle : le global et le local

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Depuis trente ans, la rapidité des déplacements et les moyens nouveaux de
télécommunication sont responsables de la globalisation, avec ce qu’elle
entraîne : l’érosion du rôle des États, la signification de plus en plus limitée
du cadre national dans la vie économique, une compétition accrue, la puis-
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sance toujours plus affirmée des entreprises multinationales ou plurinationales


— mais aussi des organisations non gouvernementales ; le recours systéma-
tique aux délocalisations d’activités à la recherche de législations moins con-
traignantes et de main-d’œuvre meilleur marché ; l’accélération des migra-
tions internationales ; des flux touristiques de plus en plus importants, etc.
Dans cet univers de la mobilité, les conditions locales pèsent considéra-
blement : faute de pouvoir s’accrocher aux États ou aux régions en perte de
vitesse, c’est à des lieux précis et aux structures particulières qui les caracté-
risent, que certaines activités doivent de rester stables ou de prospérer.
6.1 Globalisation et métropolisation
La décolonisation a fait de l’Etat-nation la forme universelle d’organisation
politique. Tous les pays ont fait un effort de promotion de l’enseignement.
Les connaissances et les habitudes propagées par l’école se sont partout
répandues. Toutes les civilisations se sont de la sorte glissées dans une même
moule. Cette transformation a facilité la diffusion des mêmes habitudes de
consommation et des mêmes attentes. Elle a provoqué, en retour, de vio-
lentes réactions de rejet, comme le montre l’essor des fondamentalismes.
La globalisation tient évidemment aussi à la transformation des trans-
ports de masse. Grâce à eux, il est possible de disposer partout de formes
d’énergie concentrée à des prix accessibles. Le conteneur assure de son côté
la distribution à des prix relativement modiques des produits fabriqués
(Claval, 2003).
Deux autres séries de mutations techniques sont responsables des formes
prises par la mondialisation : la révolution des transports rapides et celle des
télécommunications. Elles ont en commun de s’appuyer sur des réseaux
dont la structure a changé : pour assurer la ventilation des personnes ou
des messages vers leur destination, il n’est plus nécessaire de disposer de
toute une série de pôles hiérarchisés. L’évolution urbaine des trente der-
nières années en porte la marque.
Les structures régionales solidement hiérarchisées ont vécu. L’auto-
mobile prive les niveaux inférieurs de la hiérarchie des lieux centraux de
Articles Les espaces de l’économie • 17

leur rôle traditionnel. Pour les relations rapides ou les échanges d’informa-
tion à longue distance, on saute directement jusqu’aux grands commuta-
teurs centraux régionaux et aux hubs aériens qui y sont aussi installés. De
là, les relations s’établissent directement vers d’autres centres équivalents
sans nécessiter le transit par l’échelon national.
L’écart entre les conditions de vie des zones rurales et des zones urbaines
se réduit et facilite une suburbanisation ou une rurbanisation assez lâches.
C’est la contre-urbanisation.
Le terme de métropolisation a été introduit en 1987 (Claval, 1987 ;

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Lacour, Puissant, 1999). Au sens le plus fort, il caractérise les villes qui dis-
posent, grâce aux nouveaux moyens de transport rapide et de télécommuni-
cations, de conditions qui étaient jusque-là l’apanage des régions centrales
des espaces économiques, celles où s’accumulaient économies externes et
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économies d’échelle. Un pays comme les États-Unis a cessé d’être propulsé


par le moteur ultra-puissant que constituait l’Industrial Belt. Il l’est
aujourd’hui par une vingtaine de grandes agglomérations qui sont assez
bien équipées pour fixer les sièges de puissantes entreprises dont le rayon-
nement est souvent international.
La révolution des transports rapides et des télécommunications a inter-
rompu le processus d’accumulation des activités dans les régions centrales
des espaces économiques ; lorsqu’il s’agit d’organiser des flux économiques
à longue distance, les contacts prennent généralement place dans les
grandes métropoles.
6.2 L’économie de proximité
L’organisation régionale de l’Angleterre du XIXe siècle était celle d’un pays
industriel voué au libre échange : les industries n’y étaient pas spécialement
tournées vers le marché intérieur, ce qui explique qu’il n’y ait pas eu,
jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale, accumulation des
activités dans une aire centrale.
Dans une telle configuration, tous les bassins houillers proches du littoral
auraient dû convenir aussi bien aux activités productives. Or la spécialisa-
tion de chacun d’eux dans une activité, ou un très petit nombre d’activités,
ne cesse de s’accentuer au long du XIXe siècle. Elle frappe Alfred Marshall,
qui l’explique par le jeu des économies externes.
Durant trois-quarts de siècles, l’étude de ces complexes régionaux de
forces productives n’attire guère que les géographes (Gibert, 1930 ; Perrin,
1937 ; Houssel, 1978). Dans les années 1980, la primauté revient aux écono-
mistes (Becattini, 1987 ; Porter, 1990). Les géographes exploitent rapide-
ment leurs conclusions.
Ce que l’on découvre en analysant les petits complexes industriels de la
Troisième Italie, c’est un tissu de petites et de moyennes entreprises spé-
cialisées dans la même branche ou dans des branches voisines. Elles sont
concurrentes, mais complémentaires. Lorsque l’une reçoit une grosse com-
mande, elle sous-traite avec les autres. Toutes puisent dans le même pool
18 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

de compétences. À la proximité physique (proximité géographique) s’ajoute


la proximité dans les réseaux (proximité de seconde nature) dont l’analyse
est au cœur de l’économie de proximité promue par Pecqueur et Zimmer-
mann (Pecqueur, Zimmermann, 2004). La théorie de la commutation offre
une autre formulation à ces résultats (Guillaume, 1997 ; Crague, 2004).
La géographie économique sort vivifiée de ces divers nouveaux courants
(Benko, 1996 ; Benko, Lipietz, 1992, 2000 ; Geneau de Lamarlière, Staszak,
2000 ; Boschma, Kloosterman, 2005 ; Combes, Meyer, Thisse, 2006).

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6.3 Espace et connaissances
Ce qu’ont en commun les réseaux qui s’articulent autour des métropoles
modernes, et ceux qui sont focalisés sur les districts industriels, c’est le rôle
que tient, comme facteur de localisation, la géographie de la connaissance.
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Sur ce point, il faut bien s’entendre, et distinguer des niveaux :


(i) Jusqu’au milieu du XXe siècle, bon nombre d’activités mettaient en
œuvre des techniques imparfaitement maîtrisées du point de vue scienti-
fique. Elles ne pouvaient s’acquérir qu’au prix d’un apprentissage souvent
long. C’est parce que l’Europe, l’Amérique du Nord et le Japon disposaient
du monopole du travail industriel de ce type que la révolution industrielle
cessa d’essaimer hors de ses foyers initiaux (les pays de peuplement blanc
et le Japon) de la Première Guerre mondiale aux années 1950.
La mutation que connaît alors le monde industriel est liée à la base de
plus en plus scientifique des fabrications. Pour faire tourner les nouvelles
usines, il suffit de disposer de gens issus d’un système scolaire moderne :
celui-ci leur a inculqué une certaine discipline du travail ; il leur permet de
suivre des instructions écrites ou de surveiller la marche d’une machine sur
un écran.
La globalisation a ainsi été facilitée par la banalisation des savoirs exigés
de la plupart des ouvriers et des employés des industries modernes.
(ii) Le second type de connaissances est très différent : il s’agit de
l’ensemble des tours de main, des attitudes, des savoir-faire que l’on
acquiert en pratiquant un métier surtout là où il est exercé avec le plus
d’exigences.
À ce type de savoirs appartiennent d’abord les qualifications des cadres
supérieurs dans le domaine technique ou dans le management. Il ne suffit
pas de sortir d’une école de commerce pour bien diriger un service des
ventes : il faut connaître les habitudes de la clientèle, savoir comment
aborder les intermédiaires, approcher les étrangers sans les blesser, etc.
Ce sont aussi des savoir-faire techniques spécialisés qui font la force des
districts industriels. L’aptitude à bien gérer se cultive surtout dans les
grandes métropoles, celles en particulier où les multinationales les plus
puissantes se rencontrent et se confrontent, les villes globales, pour
employer l’expression de Saskia Sassen (1990).
(iii) Le troisième niveau enfin de l’économie des connaissances concerne
les conditions de l’innovation. Ce qui compte ici, ce ne sont plus les
Articles Les espaces de l’économie • 19

milieux professionnels et leur expérience, mais les laboratoires de recherche,


leur aptitude à collaborer avec des entreprises lorsqu’ils sont publics, ou la
manière de les gérer sans décourager les initiatives, lorsqu’ils appartiennent
à l’entreprise. Dans ce domaine, il convient de se montrer très attentif aux
exigences des chercheurs et à la qualité de vie qu’ils s’attendent à trouver
lorsqu’ils sortent de leurs bureaux.

Conclusion

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Jusqu’aux années 1930, l’espace qu’invoquait la pensée économique était
essentiellement matériel — géographique, au sens de François Perroux :
c’était celui de la répartition des ressources naturelles et des hommes, et
celui des difficultés de transport.
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La macroéconomie s’attache alors aux flux qui sont indispensables à la


production, à l’échange et à la distribution des biens. L’espace dont s’occu-
pent les économistes est désormais fait de réseaux. Ceux-ci ne pourraient
pas fonctionner sans échanges d’informations.
L’après-guerre s’emploie à tirer parti des intuitions des années 1930.
L’étude du développement et ses ratées multiplie les échelles d’analyse : de
la ville et de la région à la nation, aux grands espaces et à la scène mon-
diale. La prise en compte du progrès technique devient effective à partir du
moment où le jeu des économies d’échelle et des économies externes est
pris en compte par l’analyse spatiale. Les coûts de commutation expliquent
la nature des villes et la polarisation. Il faut attendre les années 1980 pour
que Paul Krugman formalise l’ensemble de ces résultats.
Au cours des trente dernières années, l’attention s’est focalisée sur les
effets de la globalisation : dans un espace culturel que la scolarisation géné-
ralisée a standardisé, les possibilités nouvelles qu’offrent les transports
rapides et les télécommunications ont bouleversé la structure des réseaux
économiques. Cela s’est traduit par la poussée simultanée de la contre-
urbanisation et de la métropolisation et par la perte progressive des avan-
tages que les aires centrales avaient jusqu’alors cumulés.
Dans le même temps que les circuits dans lesquels s’insère la vie écono-
mique ne cessaient de s’élargir, et que les espaces nationaux perdaient, en
ce domaine, une partie de leurs fonctions traditionnelles, le poids des lieux
est devenu plus évident dans certains domaines. Les économistes étaient
déjà sensibles à la spécificité des aires industrielles à l’époque d’Alfred
Marshall. Les travaux sur « la poussée régionale », pour reprendre l’expres-
sion d’Alan Scott, se sont multipliés depuis une génération (Scott, 2004).
Ils montrent combien la genèse des savoirs indispensables à l’économie
moderne, et qui s’élaborent grâce à des relations de proximité, pèsent sur
l’économie globale.
20 • Paul Claval ANNALES DE GÉOGRAPHIE, N° 664 • 2008

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