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Association Francophone de Comptabilité | « Comptabilité Contrôle Audit »
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Sarah SERVAL
Maîtresse de conférences en Sciences de gestion, Institut de Management Public
et Gouvernance Territoriale, Aix Marseille Université, CERGAM EA 4225
Charlène ARNAUD
Maîtresse de conférences en Sciences de Gestion, Université Toulouse III
Paul Sabatier, LGCO URU 7416
Résumé
Cette recherche porte sur le paramétrage du package de contrôle d’une politique publique
culturelle locale en prenant pour angle d’analyse l’approche par les logiques institution-
nelles. Nous étudions une situation de complexité institutionnelle singulière : l’intro-
duction d’une logique institutionnelle austéritaire a priori perçue comme illégitime par
les acteurs, qui entraîne l’incapacité de ces derniers à la promouvoir sur la place publique.
De fait, les acteurs sont amenés à avancer masqués et à introduire la logique austéritaire
de manière dissimulée à travers le paramétrage d’un PCG « escamoté ». En effet, les
résultats de l’étude de cas unique menée sur l’introduction d’une logique austéritaire au
sein d’une politique culturelle locale, révèlent la manière dont les acteurs configurent, au
sein d’un PCG « escamoté », un SCG « couverture », reposant sur une logique managé-
riale plus acceptée, visant à dissimuler un SCG « sous couverture » vecteur d’une logique
austéritaire illégitime.
Mots clés : Package de contrôle de gestion – logiques institution-
nelles – politique publique – austérité
Abstract
This research is placed in the organizational field of a " local cultural policy". At the crossroads
of public organizations and cultural organizations, this field is characterized by a strong
institutional complexity because it is crossed by conflicting institutional logics. In this con-
text, elements of management control constitute regulators of conflicts between institutional
logics. But what happens when the actors do not have the opportunity to be heard and to
publicly promote the institutional logic that they wish to introduce through their control
elements? Studies show that, faced with such situations, actors move forward in disguise and
construct concealed strategies for introducing an institutional logic. Our study shows how
actors parameterize a "covert" control package in which "undercover" control systems are
hidden behind "cover" control system in order to introduce a new institutional logic perceived
as illegitimate.
K eywords: Management control package – Institutional logics – public policy
– austerity
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Introduction
La relation entre le pouvoir politique et la culture est ancienne et s’est insti-
tutionnalisée sous la forme d’un ministère dès 1959, et de politiques publiques
décentralisées à partir des années 80. Cette recherche s’inscrit dans le courant
néo-institutionnaliste d’inspiration sociologique (DiMaggio et Powell 1983 ;
Meyer et Rowan 1977), et se penche sur un changement radical dans la concep-
tion d’une politique culturelle mise en œuvre à l’échelle départementale. Pour ce
faire, nous mobilisons les logiques institutionnelles qui constituent l’un des para-
digmes théoriques dominant les sciences de l’organisation actuellement (Madsen
et Waldorff 2019). Nous y apportons une lecture particulière à travers l’approche
par les packages de contrôle de gestion (Malmi et Brown 2008). Le champ orga-
nisationnel (Reay et Hinings 2009 ; Thornton et Ocasio 2008 ; Scott et al. 2000 ;
Friedland et Alford 1991) de référence de cette recherche est celui d’une « poli-
tique culturelle locale ». Il renvoie à la communauté d’acteurs suivante (Scott
2001) : les institutions publiques de la scène locale, les auxiliaires des politiques
publiques locales (établissements culturels publics ou semi-publics, associations
têtes de réseaux soutenues financièrement par les institutions publiques, etc.),
les opérateurs culturels du territoire local, ainsi que les citoyens bénéficiaires des
politiques publiques, des services culturels et des activités culturelles existants
sur le territoire. Ils partagent une vision de la culture comme vecteur de bien-
être et d’épanouissement pour les citoyens, comme porteuse d’une valeur ajoutée
favorisant un développement multi-dimensionnel du territoire (Arnaud et Serval
2020 ; Arnaud 2014 ; Soldo et al. 2014).
À la croisée des organisations publiques et des organisations culturelles, ce
champ se caractérise par une complexité institutionnelle forte (Greenwood et
al. 2011) en ce qu’il est traversé par des logiques institutionnelles conflictuelles
(Amans et al. 2020 ; Amans et al. 2015, 2014). En effet, depuis l’émergence
du NPM (New Public Management), les organisations publiques se sont dotées
d’outils de contrôle inspirés du secteur privé qui transforment la nature de
leur pilotage (Boitier et Rivière 2016). À l’échelle des collectivités territoriales,
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nétique pour les organisations culturelles, tout en tenant compte de nécessaires
adaptations face à la complexité institutionnelle qui les caractérise. En effet, les
travaux empiriques récents ont en commun de positionner les différents éléments
de contrôle comme des vecteurs, voire des régulateurs de conflits entre logiques
institutionnelles (Amans et al. 2020 ; Amans et al. 2015, 2014). Par ailleurs,
cette capacité à réguler les conflits de logiques se joue de manière publique ;
les systèmes de contrôle de gestion permettent d’organiser la communication
et l’échange entre acteurs porteurs de logiques contradictoires (Château-Terrisse
2012). Ainsi, au-delà de leur dimension instrumentale, les outils de contrôle
portent-ils une dimension sociopolitique et sociocognitive (Dreveton 2008 ; De
Vaujany 2006) qui offre aux acteurs des occasions de débats, permettant de pro-
duire du compromis et d’être entendus face à la logique institutionnelle qu’ils
souhaitent défendre ou contrer (Amans et al. 2020 ; Boitier et Rivière 2016).
Qu’en est-il lorsque les acteurs n’ont pas la possibilité d’être entendus et de
promouvoir publiquement la logique institutionnelle qu’ils souhaitent introduire
par leurs éléments de contrôle ? Des travaux académiques récents tendent à mon-
trer que face à de telles situations, les acteurs avancent masqués et construisent
des stratégies dissimulées d’introduction d’une logique institutionnelle (Claus et
Tracey 2019 ; Alt et Craig 2016 ; Mais et al. 2016 ; Pache et Santos 2013). Nous
souhaitons poursuivre ces travaux de recherche et y contribuer par le prisme du
contrôle de gestion dans le champ des politiques publiques culturelles locales en
étudiant le rôle des éléments de contrôle dans cette situation particulière d’intro-
duction – dissimulée – d’une logique institutionnelle a priori illégitime dans le
champ culturel : la logique austéritaire. En effet, la logique austéritaire apparaît
fortement contradictoire et incompatible avec la logique culturelle qui domine le
champ. La logique culturelle suppose la mise en musique de ressources variées
afin d’assurer le développement culturel du territoire autour de grands principes
qui fondent les politiques culturelles en France, là où la logique austéritaire vise
à réduire et prioriser les dotations budgétaires sur ce qui est essentiel et fon-
damental. La logique austéritaire pousse à son paroxysme la rationalisation des
activités, caractéristique majeure de la logique managériale, qui apparaissait déjà
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politique, la logique culturelle, la logique managériale, et la logique austéritaire
(1.1). Ensuite, nous définissons les éléments de contrôle qui composent le PCG et
que nous portons à l’étude pour comprendre la manière dont la logique austéri-
taire a été introduite dans une politique culturelle locale (1.2). À cet égard, nous
mettons en lumière les stratégies identifiées dans la littérature pour introduire
– de manière discrète – une logique a priori illégitime dans un champ donné
(1.3). Ce cadrage théorique et conceptuel est ensuite exploré à travers une étude
de cas unique portant sur la reconfiguration du PCG d’une politique publique
départementale porteuse d’une logique austéritaire dissimulée. Après avoir pré-
cisé le design de la recherche qualitative menée (2.), nous présentons les résultats
(3.). Ces derniers s’articulent autour de la description de la composition et du
fonctionnement du PCG étudié ; mais également sur la mise en lumière des
logiques institutionnelles sous-tendues par chaque élément de contrôle (3.1 et
3.2). Nous nous attachons également à montrer comment la logique austéritaire
a été introduite de façon dissimulée par le biais d’éléments de contrôle cachés
(3.3). Les résultats sont ensuite discutés au regard des spécificités du PCG d’une
politique publique et de la stratégie d’escamotage que nous avons identifiée qui
vise à introduire une logique austéritaire à travers la configuration ex ante et in
itinere d’un PCG paradoxal (4.).
valeurs et des croyances, à travers lesquels les individus et les organisations four-
nissent du sens à leur activité quotidienne, s’organisent dans le temps et l’espace,
et reproduisent leurs expériences (Thornton et Ocasio 2008). Elles constituent
des ensembles d’éléments matériels et symboliques qui façonnent les structures
et les actions des acteurs, tout en étant façonnées par ces derniers (Thornton et
al. 2012). Les logiques institutionnelles dominantes donnent ainsi les bases de
ce qui est perçu comme important et désirable par les acteurs qui puisent dans
ces logiques les sources de légitimité individuelle et organisationnelle, d'autorité,
d'identité, de définition des normes, des stratégies et des mécanismes de régula-
tion informelle (Thornton et al. 2012).
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Le champ d’une politique culturelle locale est en proie à une grande com-
plexité institutionnelle en cela qu’il est traversé par de nombreuses logiques,
parfois contradictoires, et qu’il convient de caractériser (1.1). L’une d’entre elle,
la logique austéritaire, est fortement illégitime dans le champ des politiques
publiques culturelles. Nous revenons ainsi sur les stratégies possibles pour intro-
duire ce type de logique (1.2). Nous expliquons ensuite en quoi les éléments qui
composent le PCG d’une politique publique peuvent être mobilisés pour intro-
duire une logique illégitime (1.3).
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Amans et al. 2015, 2014 ; Chiaravalotti 2014 ; Christiansen et Skaerbaek 1997).
En revanche, la complexité institutionnelle devient inextricable et peut conduire
à un environnement fortement contesté dès lors qu’une logique faiblement com-
patible et pourtant centrale dans le fonctionnement de l’organisation fait son
entrée (Besharov et Smith 2014). Pour mieux comprendre la complexité institu-
tionnelle portée à l’étude, chaque logique institutionnelle est caractérisée et iden-
tifiée par son mythe fondateur, sa source de légitimité et d’autorité, ses normes
fondamentales, les fondements de la stratégie et de l’attention portée, ainsi que
les mécanismes de contrôle dominants (Thornton et al. 2012). Ensuite, nous met-
tons en lumière les sources de tensions entre ces quatre logiques en opérant un
focus sur l’introduction de la logique austéritaire qui a fait l’objet de peu de tra-
vaux et semble plus complexe à introduire, car génératrice de conflits importants
impliquant des modes de régulation particuliers.
cette logique, les mécanismes de contrôle reposent davantage sur des éléments
informels et culturels, fondés sur les mécanismes claniques – en raison de l’im-
portance accordée aux effets de la réputation – et des mécanismes de socialisation
(Ouchi 1979).
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le bien-être au sein de la Cité et est au service de la justice et de la liberté des
Hommes. La citoyenneté représente une norme fondamentale (Thornton et al.
2012). La LIP fonde sa stratégie sur le changement ; il est un élément moteur,
rythmé par les élections qui constituent des sources d’autorité (Fred 2019). Les
décisions prises sont le fruit de conflits entre individus porteurs d’idées diver-
gentes ; ils s’expriment dans l’espace public qui attire l’attention et fournit aux
individus leur source de légitimité (Habermas 1992). Le partage d’idées com-
munes, l’appartenance à des groupes politiques structurent l’identité politique
des individus (Boitier et Rivière 2016 ; Thornton et al. 2012).
Si la logique politique et la logique culturelle sont des logiques dominantes du
champ, elles ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Depuis 1959, la France
s’est dotée d’un ministère de la culture et en fait une problématique de politique
publique. Aussi, ces dernières années, la logique politique tend à s’hybrider avec
la logique managériale portée par les réformes inspirées du NPM.
porte sur les résultats, qu’il convient de démontrer par le biais de mécanismes de
contrôle (Hood 1995, 1991).
Or, dans le champ étudié, la définition même de la performance ne fait pas
consensus du fait de la nature des politiques et activités culturelles qui rend les
notions d’inputs, d’outputs et d’outcomes difficiles à interpréter et à opération-
naliser (Mariani et Zan 2011). Si certains travaux empiriques témoignent de
résistances fortes face à la LIM (Hooper et al. 2005 ; Glynn 2000 ; Chiapello
1998), d’autres travaux tendent à montrer une hybridation des LIC et LIM au
sein du secteur culturel (Amans et al 2020, 2015, 2014 ; Chiaravalotti 2014 ;
Zan 1998 ; Christiansen et Skaerbaek 1997). Ces travaux ont porté sur l’uti-
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lisation du budget (Amans et al. 2015, 2014 ; Christiansen et Skærbæk 1997),
d’outils et d’indicateurs de suivi d’activité (Turbide et Laurin 2009), de pratiques
de valorisation financière (Chiravalloti 2014), et de mécanismes de planifica-
tion stratégique (Turbide et Laurin 2009 ; Chatelain-Ponroy 2001). Les résul-
tats démontrent qu’au prix de certaines adaptations et compromis (Amans et al.
2020), les éléments de contrôle peuvent avoir un réel intérêt pour les organisa-
tions culturelles.
Si la logique managériale se diffuse dans le champ des politiques culturelles
locales, il semble qu’une quatrième logique tende à s’introduire et exacerbe les
conflits en raison de son manque de légitimité à la fois dans les champs culturel
et politique : « la logique austéritaire ».
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et fondamental. En ce sens, nous pouvons supposer que si l’introduction d’une
LIM dans une politique culturelle peut se faire relativement facilement du fait
d’une première acculturation des acteurs publics et culturels, la logique austé-
ritaire devrait générer davantage de conflits difficilement conciliables dans la
mesure où ils portent sur les finalités poursuivies (Pache et Santos, 2010).
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illégitime dans un champ donné (Claus et Tracey 2019 ; Alt et Craig 2016 ;
Venkataraman et al. 2016 ; Pache et Santos 2013). À l’instar de Pache et Santos
(2013), Venkataraman et al. (2016) montrent la manière dont une ONG met en
œuvre différents projets de développement dans des villages ruraux alors que son
intention première vise à réduire les inégalités. Alt et Craig (2016) identifient
les éléments de discours visant à motiver la promotion d'une logique comme un
levier de dissimulation à travers l'usage d'un vocabulaire restreint, offrant peu
de possibilités d'interprétation aux opposants. Les travaux de Claus et Tracey
(2019) témoignent de la création d'une organisation écran par une organisation
illégitime visant à fabriquer un alter-ego affiché et porté par des acteurs plus légi-
times. Ces travaux ont en commun d’étudier une situation particulière qui inté-
resse directement notre recherche : l’introduction d’une logique perçue comme
fortement contradictoire voire illégitime qui entraîne l’incapacité des acteurs à
pouvoir publiquement défendre, porter et provoquer des changements institu-
tionnels.
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Ainsi, au regard de ces considérations théoriques, nous proposons d'explorer
le cas du paramétrage du PCG d'une politique culturelle locale visant à intro-
duire une logique austéritaire a priori illégitime.
courts et/ou longs termes), et par les récompenses et compensations (contrôle par
différentes formes de rétributions) (Malmi et Brown 2008). À cet égard, les tra-
vaux de Bedford et Malmi (2015) témoignent de l’influence des caractéristiques
internes et externes de l’organisation sur la nature des éléments de contrôle mobi-
lisés. Cette approche par la nature des éléments de contrôle intéresse directement
cette recherche afin de comprendre la manière dont une logique institutionnelle
a priori illégitime peut être introduite par la configuration du PCG. Pour autant,
peu de travaux se sont penchés sur les spécificités du PCG dans le cas particu-
lier des politiques publiques. Van der Kolk (2019) souligne la singularité des
organisations publiques et invite les chercheurs à poursuivre ses travaux afin de
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comprendre les spécificités du PCG en contexte public.
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de contrôle sur les résultats, les actions, les personnes ou la culture de l’organisa-
tion (Van der Kolk 2019 ; Merchant et Van der Stede 2007). Or, à l’échelle d’une
politique publique, le contrôle des résultats et des personnes apparaît plus limité
et amène à repenser la nature des contrôles culturels du fait de l’absence de rela-
tion hiérarchique, de la diversité des acteurs et de finalités diffuses (Tableau 1).
Source : auteurs
2. Méthode de recherche
Les paragraphes qui suivent permettent de décrire le cas retenu (2.1), la stra-
tégie d’accès au réel (2.2) qui repose sur une étude de cas unique liée à une
recherche-intervention, et le processus ainsi que les techniques utilisées pour
l’analyse des données (2.3).
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manière d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer sa politique culturelle, tra-
duisant ainsi les priorités de la Cité en matière culturelle. Ce changement institu-
tionnel se caractérise par le passage d’une focalisation sur les moyens à une foca-
lisation sur les résultats, mais également par un glissement d’un fonctionnement
par guichet (mise en place de subventions) à un fonctionnement par projet (mise
en place d’appels à projet). Ce changement s’inscrit dans une démarche d’ingé-
nierie culturelle qui (1) se définit comme la « capacité d’apporter des solutions
optimales, en termes de qualité, de coûts et de délais, aux demandes exprimées par
les partenaires de la vie culturelle pour la définition d’objectifs, la mise en œuvre de
programmes, la mobilisation de financements et la réalisation technique de projets »
(Mollard 2009, p. 3) et (2) se caractérise par la suppression des subventions tradi-
tionnelles au profit d’appels à projet ciblés mettant la culture au service des com-
pétences obligatoires du Département et, in fine, de l’attractivité du territoire.
Cette démarche s’inscrit dans un double mouvement de réduction de l’enveloppe
budgétaire dédiée à la culture et de changement de position du Département au
sein du champ organisationnel. De financeur public, il se déplace vers un rôle
d’animation territoriale et d’accompagnement des acteurs (réunions d’informa-
tion, formations, plateforme collaborative à l’échelle du Département). L’un des
points notables de ce changement est la fermeture de la bibliothèque départe-
mentale, ce qui n’était jamais arrivé en France et marque le changement de cap.
Cette nouvelle politique a amené à une restructuration interne de la direction
concernée. La fusion des anciens services « culture » et « lecture » a donné nais-
sance au Pôle de Développement Culturel, constitué des agents ayant choisi de
rester et qui ont dû développer de nouvelles compétences et un nouveau rapport
au territoire, en devenant des référents territoriaux transversaux dans le cadre
de la démarche d’ingénierie culturelle déployée (prise en charge, sur un bassin
territorial défini, de l’ensemble des opérateurs culturels souhaitant développer
des projets avec l’institution, quelle que soit leur discipline artistique, leur public,
leur statut juridique, etc.). Pour ce faire, la direction du pôle a mis en place de
nouveaux process afin de conduire le changement (nouvel organigramme, nou-
veaux intitulés de poste, définition des fiches de postes, travail sémantique autour
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logique institutionnelle austéritaire a priori illégitime dans une politique cultu-
relle locale. À l’instar de Thornton et al. (2012) ou Pache et Santos (2013), les
logiques institutionnelles ont été décrites sur la base d'une revue de littérature
qui permet de construire des idéaux-types (Reay et Jones 2015). Ces idéaux-types
ne représentent pas la réalité sociale mais constituent des outils pour interpréter
les significations culturelles (Thornton et al. 2012, p. 52). Cette approche, qua-
lifiée de pattern matching permet au chercheur d'éviter de s'enliser dans une
situation empirique confuse (Reay et Jones 2015 ; Thornton et al. 2012). Ainsi,
par un travail de comparaison systématique (matching) entre chaque catégorie
de chaque logique avec le matériau empirique, il est possible de caractériser les
logiques en présence et leur importance, même partiellement, et d'en déduire
des changements institutionnels lorsque les données s'inscrivent dans le temps
(Reay et Jones 2015). Le terme pattern est utilisé ici afin de décrire un ensemble
de symboles et de croyances exprimés dans le discours (verbal, visuel, ou écrit), les
normes observées dans les comportements et les activités, ainsi que les pratiques
matérielles qui sont reconnaissables et associées à une logique institutionnelle
(Reay & Jones 2015, p. 442).
Ce projet scientifique a été monté à l’initiative d’enseignantes-chercheures
suite à la découverte du changement radical opéré au sein du Département.
Après avoir participé à des réunions publiques d’information sur la nouvelle poli-
tique culturelle locale, un cycle de réunions de travail a été engagé avec les deux
pilotes du projet (la Directrice de la Direction de la Culture, du Patrimoine et
des Archives et la Responsable du Pôle Développement Culturel) afin d’initier
une collaboration autour d’une logique évaluative permettant de participer à la
compréhension et l’évolution de la politique culturelle du Département. Cette
collaboration se caractérise par un processus co-construit, la mise en place d’un
Comité de Pilotage (Dreveton 2008) et la signature d’une convention entre le
Département et l’Université. Il s’agit donc d’une démarche de recherche-inter-
vention (David 2000, p. 20) qui favorise l’interaction entre les chercheurs et leur
objet d’étude (Perez 2008), pour le transformer et observer les changements et
leurs effets (Château-Terrisse et al. 2016). Celle-ci s’est déroulée sur une année et
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exploratoire. Le choix s’est porté sur l’étude de cas unique et holistique afin de
mettre en valeur le contexte particulier du phénomène observé et d’augmenter la
force de la démonstration (Yin 2017). Le cas unique se justifie par son caractère
représentatif (Yin 2017) de l’approche par projet et des modalités d’ingénierie
territoriale qui se développent dans les différents champs d’intervention des poli-
tiques locales (Carmouze et al. 2019 ; Mollard 2009).
L’analyse du cas repose sur le recueil et la triangulation de données issues de
différentes sources d’évidence (Reay et Jones 2015 ; Gioia, Corley et Hamilton
2013) : des entretiens semi-directifs, de l’observation participante à travers la
recherche-intervention menée, et des données secondaires. De sources multiples,
elles nous ont permis de saisir le contexte territorial (ex. cartographies du terri-
toire, diagnostics territoriaux réalisés par le Département) et le contexte organi-
sationnel (organigrammes, fiches de poste, documents internes, lettres de mis-
sions, etc.). Concernant les entretiens, 30 ont été menés auprès de 31 répondants,
d’une durée allant de 50 min à 2h30 min, et ce de novembre 2017 à février 2018.
Il s’agissait d’interroger les différentes parties prenantes organisationnelles et ter-
ritoriales de ce changement de politique publique (tableau 2).
Source : Auteurs
Pour mener à bien ces entretiens, deux guides ont été créés, l’un à destination
des acteurs internes au Département, l’autre à destination des acteurs externes.
Le guide d’entretien s’articule autour de trois grands thèmes :
– Un thème lié à un diagnostic général (profil du répondant, regard sur le
tissu culturel, perceptions des évolutions de la politique culturelle) ;
– Un thème sur la mise en œuvre de la politique culturelle et ses parties
prenantes (dispositifs mis en œuvre, acteurs clés, relations entre acteurs,
demande sociale sur le territoire) ;
– Un dernier thème sur la stratégie poursuivie et son évaluation (enjeux et
objectifs poursuivis par la nouvelle politique, transformations perçues).
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2.3. Analyse des données
Les entretiens réalisés ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique
(Miles et Huberman 2003, p. 133). Dans le cadre de cette recherche, fondée sur
une démarche exploratoire hybride, la construction de la grille de codage a été
pensée au regard de la littérature (Miles et Huberman 2003). Ainsi, nous avons
procédé à un codage « a prio-steriori » (Allard-Poesi 2003) visant, de manière
Source : Auteurs
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Source : Auteurs
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ouverte et axiale (Strauss et Corbin 1998), à structurer les données autour d’une
grille de codage semi-structurée reprenant les éléments suivants de la littérature :
– La caractérisation des logiques institutionnelles en présence par les élé-
ments de contrôle du PCG avant et après réforme ;
– La nature et les objets de conflits autour du nouveau PCG ;
– Les réponses apportées par les acteurs face aux conflits.
Le codage a été réalisé à partir, à la fois, des entretiens, des notes prises suite
à des temps d’observation participante, et des données secondaires. Ce processus
systématique nous a ainsi permis de rendre effectif la triangulation des données.
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Le codage ouvert (Strauss et Corbin 1998) s’est fait à partir d’un codage des-
criptif (Miles et Huberman 2003) qui consistait dans un premier temps à iden-
tifier et décrire les évènements du phénomène observé, les acteurs, leurs rôles et
leurs postures, ainsi que les éléments de contrôle, leurs caractéristiques et les per-
ceptions des acteurs. Ensuite, nous avons construit deux types de matrice (Miles
et Huberman 2003) qui nous ont permis de procéder au codage axial : deux
matrices conceptuelles thématiques (tableaux 3 et 4) et une matrice des effets
(tableau 5). Une fois construites, elles ont fait l’objet d’une analyse qui permet
justement de théoriser les relations de cause à effet.
Source : Auteurs
Ce codage axial de mise en relation des catégories (Strauss et Corbin 1998) a été
possible grâce à quatre tactiques d’analyse (Miles et Huberman 2003) : (1) recher-
cher une cohérence théorique à travers la tactique des contrastes/comparaisons
suivant une lecture ligne par ligne et colonne par colonne du tableau ; (2) l’usage
d’un codage des relations entre concepts (Allard-Poesi, 2003) ; (3) la construc-
tion de chaîne logique d’indices et de preuves ; (4) la remise en question des liens
établis par le test d’explications rivales. Ainsi, ce codage a été réalisé en équipe,
et repose sur une discussion conjointe entre codeurs. Chaque code de relation
a été challengé par des interprétations rivales, et est systématiquement lié à des
verbatims, des notes issues de l’observation participante, et/ou des données secon-
daires.
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3. Culturelle départementale
Cette partie présente les résultats de l’étude de cas menée. Nous présentons
tout d’abord le PCG utilisé avant 2015 pour piloter la politique culturelle dépar-
tementale (3.1). Nous revenons ensuite sur les modifications opérées en 2015 avec
la mise en place d’un nouveau SCG et d’un subventionnement par appel à projet
(3.2). Enfin, nous décryptons la stratégie dissimulée utilisée par le Département
pour introduire la LIA par le biais d’un SCG « sous couverture » (3.3).
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élus. Aussi, l’élément budgétaire représente le seul élément de contrôle formel
entre le Département et ses opérateurs. Ces éléments de contrôle cybernétique
ont comme vocation principale de fournir aux opérateurs les fonds nécessaires à
la réalisation de leurs actions : « La demande de subvention était très simple. C’ était
envoyé un dossier (…) [Le porteur] envoyait sa petite demande de sub et après il avait
une sub » (DCPA1). Quant au suivi des actions subventionnées et à la coordina-
tion entre le Département et ses opérateurs, le contrôle passe essentiellement par
des mécanismes de contrôle relationnels et informels.
Ce PCG faiblement formalisé est basé sur une responsabilisation très forte des
opérateurs, seuls garants des actions engagées et les résultats de leurs activités ne
faisaient pas l’objet d’une évaluation formalisée. Il transparaît des mécanismes de
contrôle mis en place, la volonté de ne pas entraver le fonctionnement des opéra-
teurs : « C’ était la personne en face qui avait son projet et qui venait le vendre à une
institution publique. » (DCPA1). Dans la lignée de la LIC, la priorité est de créer
et diffuser des biens artistiques et culturels. La légitimité dépend du jugement des
« pairs », du clan, chacune de ces disciplines étant « très corporatistes » (PDC9).
Avant la réforme de 2015, les décideurs du Département s’estimaient très
insatisfaits du PCG de la politique publique (figure 3). Pour eux, le SCG de
subventionnement « traditionnel » ne permet pas de mettre en place une réelle
politique culturelle départementale orientée vers des objectifs précis. En effet,
plutôt que de définir des priorités et d’ajuster le subventionnement en fonction,
l’ancien système s’occupait de distribuer largement et équitablement les subven-
tions : « Avant 2015 c’ était du saupoudrage. On avait 26 dispositifs de subvention
avec des thématiques historiques (…). Par thématique, on envoyait de la poudre qui
s’appelle de l’argent (…). En termes de lisibilité, c’ était très bien tout le monde avait
un petit bout de subvention et était très heureux. Sauf que derrière, c’est quoi la poli-
tique culturelle ? » (DCPA 1). Même des opérateurs estiment que l’ancien système
n’est pas pleinement satisfaisant : « On avait aussi une sensation d’empilement des
subventions entre le département, la région, l’État, sans qu’ il y ait vraiment de coor-
dination. Il faudrait aussi s’ interroger sur le système tel qu’ il existait avant la refonte
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Département affirme vouloir porter une attention plus grande aux résultats et
aux effets de son action : « À chaque fois qu'on a subventionné une structure, on met
en place une convention d'objectifs et de moyens et on a pensé à l' évaluation. Dans
cette convention il y a à la fois des critères et des objectifs, qu'on leur donne. » (DCPA
2). Ce nouveau mode d’organisation change la posture du Département dans la
politique publique. D’une part, il abandonne toute mission opérationnelle dans
le champ culturel (fermeture de la bibliothèque et des archives départementales).
D’autre part, le Département souhaite se repositionner comme planificateur
et leader de l’action culturelle départementale : « C’est une logique qui n’est pas
qu’au niveau de la culture. C’est une logique de commande (…). Le Département
aujourd’ hui détermine ses besoins alors qu’au préalable (…) on attendait que ce
soient les partenaires qui nous disent « nous on a un super projet, il faut nous aider
en nous donnant une sub ». » (DCPA 1). Il est intéressant de noter que, dans les
transformations engagées en 2015, les élus semblent peu impliqués. Pour cer-
tains administratifs, cela représente une faiblesse importante : « Vous posez la
question qui pour moi constitue une vraie faiblesse du système, c'est-à-dire que le sou-
tien politique n'est pas là (il est là, sans l' être). Cette politique, c'est nous (managers
territoriaux) qui l'avons forgée. La plupart du temps les politiques n'ont pas d' idées
sur ces réformes. » (DCPA 2). Certains estiment même ne pas être suffisamment
soutenus par le personnel politique du Département : « On a des élus qui ne nous
accompagnent pas ou qui ne nous défendent pas. Alors que de temps en temps ça serait
bien qu’ ils prennent la parole et qu’ ils disent oui c’est formidable ce que vous faites. »
(DCPA 1). Cela démontre que les éléments de contrôle développés en 2015 ne
sont pas vecteurs d’une LIP.
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Ces objectifs sont communiqués très largement auprès des acteurs de la poli-
tique publique (opérateurs et employés du Département) lors de conférences ou
dans des documents écrits. Ils restent stables dans les années qui suivent leur
définition et constituent l’élément de contrôle de base du nouveau système de
contrôle (contrôle par la planification).
Deuxièmement, dans ce nouveau mode de fonctionnement par projet, les
opérateurs doivent se conformer aux objectifs définis par le Département pour
pouvoir être financés. Pour s’assurer de la correspondance entre l’action pro-
posée par l’opérateur et les orientations stratégiques du Département, les acteurs
doivent remplir un formulaire d’appel à projet dans lequel ils précisent l’objectif
départemental auquel ils répondent, la manière dont ils comptent y répondre et
le contenu de l’action culturelle proposée. Très marqué par la LIM, ce formulaire
(figure 1) demande aux opérateurs de préciser les objectifs de leur projet, le(s)
public(s) cible(s) et de définir des indicateurs d’évaluation. L’ensemble des appels
à projet est ensuite étudié par le Comité de sélection du Département qui peut
décider de financer ou non le projet en fonction de sa cohérence avec les objectifs
du Département : « On a mis en place toute une machine assez importante. C'est-à-
dire une partie purement d' études de dossiers, administrative (…). Et puis après une
commission avec vraiment le décorticage des dossiers et une commission dans laquelle
il y a des élus, des représentants locaux du territoire impliqués. De façon à ce que
justement il n’y ait pas une seule vision du sujet. » (Élu 1).
Troisièmement, seuls les projets acceptés par le Département peuvent béné-
ficier d’une subvention. Ce subventionnement fait l’objet d’une convention par
laquelle l’opérateur s’engage à respecter les objectifs et indicateurs fixés par le
Département : « À chaque fois qu'on a subventionné une structure, on met en place
une convention d'objectifs et de moyens et on a pensé à l' évaluation. » (DCPA 2).
La gestion budgétaire du Pôle Développement Culturel est, elle aussi, directe-
ment adossée au système d’appels à projet mis en place. En effet, l’abandon de
4. CALENDRIER DU PROJET
OBJECTIFS ET EVALUATION
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5. OBJECTIFS DU PROJET (10 lignes maximum)
Préciser les effets du projet sur l’organisation, la montée en compétences, les modalités de
collaboration entre différentes entités ou plusieurs partenaires :
Quels sont les risques d’échec de la mise en œuvre du projet ? Quelles sont les solutions
envisagées ?
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BILAN DU PROJET :
Indicateur 1 : panorama des publics impactés par les actions sur les territoires : nombre,
diversité géographique
Synthèse :
Forces :
Faiblesses :
Opportunités :
Contraintes :
Indicateur 3 : relations de partenariat : qualité, efficacité des relations, implication dans les
phases du projet, partenariat financier durable
Synthèse :
Forces :
Faiblesses :
Opportunités :
Contraintes :
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Ces 5 éléments de contrôle (objectifs de la politique publique, appel à projet,
versement des subventions, évaluation, structure transversale et territorialisée)
constituent un système de contrôle très cohérent ; les objectifs représentant la
colonne vertébrale de cet outil. Grâce à ce système de contrôle, un nouveau pro-
cessus annuel de fonctionnement est mis en place au sein de la politique publique
départementale :
• Étape 1 : Diffusion des appels à projet avec définition des objectifs du dépar-
tement
• Étape 2 : Renvoi des formulaires d’appels à projet complétés par les opérateurs
• Étape 3 : Sélection des projets par un comité de sélection départemental
• Étape 4 : Versement des subventions aux projets sélectionnés
• Étape 5 : Évaluation du projet par les opérateurs (autoévaluation) et par le
département (par la cellule évaluation rattachée à la direction des finances de la
direction générale attractivité)
La mise en œuvre de ce nouveau SCG d’appel à projet fait émerger des
conflits de moyens entre la LIC et la LIM. En effet, certains opérateurs consi-
dèrent que la mise en place du nouveau mode de gestion entrave leur activité.
Face à cela, le Département a réalisé des ajustements du SCG afin d’atténuer
les conflits et de satisfaire les demandes. Un premier élément de conflictualité a
opposé le Département à un théâtre labellisé Scène Nationale, acteur puissant
dans le champ culturel à l’échelle locale, qui refuse de se soumettre au système
d’appel à projet. Il est suivi par d’autres équipements culturels importants qui
font savoir au Département que le nouveau système de financement n’est pas
adapté à leurs besoins de stabilité et de sécurisation de leurs ressources : « Donc
on ne peut pas traiter de la même façon (…) une association qui n’a pas forcément de
permanents et qui met en place un projet, et un établissement qui a vingt-quatre ou
vingt-cinq salariés. » (OC 8). Face à cela, le Département adopte une tactique de
couplage sélectif en créant une nouvelle catégorie dans les appels à projet réservée
aux équipements dits structurants et leur permettant d’être financé sans avoir à
répondre aux objectifs du Département : « Par exemple la Scène Nationale, on lui
donne 200 000 euros et c'est du fonctionnement pur, ils ne répondent pas à nos objec-
tifs. » (DCPA 2). Enfin, de nombreux acteurs se sont opposés au SCG par appel
à projet au motif que la temporalité du mode projet n’était pas alignée avec celle
de la vie des organisations culturelles : « Une politique d’appels à projets, ne peut
être qu’une politique qui finance de petits projets par-ci, par-là. Je vous ai dit, pour
moi, les questions culturelles s’ inscrivent dans la durée. (…) J’ai besoin d’avoir une
vision à long terme parce qu’on travaille sur le long terme. » (OC 8). Cette demande
se traduit par la sous-utilisation du SCG en 2015 lors de sa première année avec
une enveloppe budgétaire partiellement distribuée. Là encore, un re-paramétrage
à la marge des éléments du PCG de la politique publique a permis de réguler ce
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conflit.
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tion » (Source : document de communication à l’attention des opérateurs). Des
ateliers « répondre à un appel à projet » sont mis en place et les porteurs de projet
qui en ont besoin peuvent être accompagnés par les « ingénieurs territoriaux » du
Département. Des formations et des documents de présentation de la démarche
sous forme dématérialisée sont également disponibles sur une plateforme numé-
rique accessible à l’ensemble des acteurs du Département. À l’intérieur du Pôle
Développement Culturel, des formations sont également organisées pour accom-
moder les agents au nouveau SCG d’appel à projet : « On a poussé les gens sur l'ac-
quisition de compétences. Tout le monde a joué le jeu. » (Élu 1). Les valeurs centrales
du Département sont également différentes. Dans divers documents internes, le
Pôle Développement Culturel met en avant les valeurs de performance avec la
volonté de mesurer les résultats et les effets de la politique publique et de prêter
une attention particulière aux notions d’efficacité et d’efficience (tableau 6). Ces
nouveaux éléments de contrôle culturels amènent à remplacer l’ancienne culture
clanique (clans basés sur les disciplines artistiques) par une culture managériale
(basée sur un idéal d’ingénierie territoriale et de performance).
Cependant, les clans disciplinaires qui structuraient autrefois la politique
publique culturelle, et qui structurent la logique institutionnelle du champ
culturel, subsistent de façon informelle et entrent en conflit avec la nouvelle
culture managériale que le Département tente de mettre en œuvre. Ces oppo-
sitions sont illustrées par les conflits qui existent entre les valeurs de la LIC
et de la LIM. Si certains opérateurs culturels manifestent leur opposition, le
Département a laissé un processus de « sélection naturelle » des acteurs se faire.
Ainsi, le fonctionnement par appel à projet remplace les acteurs récalcitrants par
de nouveaux opérateurs plus acquis au nouveau SCG : « Ça va faire émerger aussi
des gens qui n'existaient pas. Vous savez quand vous n'avez même plus besoin de faire
votre demande de subvention et quelle vous arrive. Et que les autres, ils ne savent
même plus comment faire parce qu’ ils savent d'ores et déjà qu' ils ne l'auront pas.
C'est assez déprimant. » (Élu 1). De ce fait, des acteurs disparaissent de la politique
publique par manque de compétences managériales : « On demande à un béné-
vole d’avoir des compétences qu’ il n’a pas forcément. Et de faire un peu du travail de
salarié. (…) » (PDC 3). Les nouveaux opérateurs sont ainsi souvent représentés
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de posture des agents amène la LIM à devenir dominante au sein du package :
« Là, on a déjà demandé énormément d'efforts aux équipes quand on leur a dit vous
êtes plus bibliothécaires, vous allez être référents, chargés de mission, chefs de projet…
Y a eu quand même énormément de résilience au niveau de l' équipe. » (PDC 4).
Si le renouvellement des acteurs permet à la LIM de s’implanter dans le PCG,
le conflit existe toujours et transparaît dans le manque de légitimité (et parfois
de compétences) des « ingénieurs territoriaux » face aux opérateurs : « Je me sens
capable d'accompagner un théâtre, une scène nationale, même si je n'ai jamais dirigé
de théâtre, même si je ne suis pas metteur en scène, parce que je fais du développement
territorial, et car je porte la vision et la parole des élus. Je pense aux habitants. Or
dans les métiers de la culture, il faut des spécialistes. (…) Il y a des questions qui se
posent sur "est-ce que je suis bien utile à cet interlocuteur" etc. » (PDC 9).
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planification (au sens de Malmi et Brown 2008) qui se matérialise par un objectif
informel d’économie fixé par les décideurs de la collectivité. Or, de l’aveu même
d’une responsable de l’époque, cet objectif d’économie était à l’origine des trans-
formations engagées au niveau du PCG : « J'ai saisi l'occasion qui m'a été donnée.
Le DGS m'a dit “vous allez baisser les subventions de 40 %”, je lui ai demandé “est-ce
que vous me donnez carte blanche et je vous propose quelque chose, une nouvelle orga-
nisation ?” » (DCPA 2). Ensuite, un autre élément de contrôle cybernétique vient
concrétiser cette baisse : l’élément de contrôle budgétaire. Le Département opère
ici une restriction budgétaire majeure et de façon informelle et cachée. En effet,
alors que les collectivités territoriales sont tenues à certaines règles (et traditions)
de transparence sur leur gestion budgétaire – y compris lorsqu’elles mettent en
place des programmes d’économies budgétaires – nous avons vu ci-avant qu’une
« omerta » règne autour du montant et des modalités des économies réalisées,
du budget de la politique culturelle départementale et tout particulièrement
sur le montant réel et les modalités des économies réalisées. Le dernier élément
de contrôle utilisé pour matérialiser la LIA est de nature administrative avec la
modification de la structure organisationnelle du service culturel. En effet, le
passage de services disciplinaires à une structure en pôle opéré en 2015 a permis
au Département de se retirer de ses missions opérationnelles en matière culturelle
par la fermeture de la bibliothèque et des archives départementales. Cela a permis
de générer des économies de fonctionnement substantielles même si, là encore,
cette fermeture s’est faite au nom de la recherche d’une plus grande performance
(voir ci-avant). Ces trois éléments de contrôle mis en place en 2015 apparaissaient
fortement cohérents et forment un SCG poursuivant une finalité austéritaire.
La mise en œuvre d’un SCG caché portant une LIA provoque d’importants
conflits entre le Département et ses opérateurs ; illustrant le conflit de finalité
très fort existant entre la LIC et la LIA. Cette opposition suscite de la défiance
chez les acteurs de la politique publique, y compris chez les plus importants.
Ceux-ci ont considéré que la mise en œuvre du nouveau SCG d’appel à projet ne
s’explique que par la volonté de maquiller une baisse budgétaire : « Ce n’est pas
de l’ innovation, c’est un moyen de réduire la voilure. (…) Pas la peine de faire une
étude pendant 2 ans pour dire que la politique culturelle du département, c’est de
réduire les dépenses en matière de culture. (…) Tout le reste, ce sont des mensonges.
C’est du théâtre politique. » (OC 8). Face à ce conflit, le Département reste très
ambigu sur la finalité réelle du SCG par appel à projet. Les éléments de contrôle
par la planification, qui représentent la base du nouveau SCG, posent des objec-
tifs très larges et généraux laissant les acteurs culturels dans une impression de
flou : « À vrai dire, j’ai du mal à voir la politique culturelle du Département. » (OC
11). Les décideurs du Département ont continué à alimenter ce flou en gardant
secrets les éléments budgétaires et en attirant l’attention sur le fonctionnement
par projet ainsi que la nouvelle administration du service. Ainsi, le SCG par
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appel à projet est très cohérent mais il repose sur des objectifs très flous qui
ont permis au Département de réaliser une coupe budgétaire drastique sans que
celle-ci ne soit réellement affichée.
illégitime dans le champ culturel, les décideurs départementaux n’ont pas affiché
ce SCG, il n’a fait l’objet d’aucune communication officielle. À l’inverse, ils ont
tenté de cacher ce SCG à vocation austéritaire en dissimulant ses éléments der-
rière les éléments du SCG par appel à projet. En effet, l’objectif d’économie du
SCG austéritaire a été dissimulé derrière des objectifs de performance du SCG
par appel à projet : « Quand je suis arrivée au département on m’a tout de suite dit :
“on t’enlève les deux tiers du fonctionnement”. Donc du coup il a fallu aménager. J’ai
positionné la décision et les critères sur la confiance et sur la compétence. » (Élu 1).
Les coupes opérées au niveau du budget de la politique culturelle (SCG à voca-
tion austéritaire) ont été dissimulées derrière le « financement à la performance »
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introduit par le SCG par appel à projet2 : « Le but c' était d'arrêter d' être un arro-
sage, d' être un guichet de subventions, donc il fallait réformer pour donner du sens »
(OC 5). Enfin, la fermeture de la bibliothèque et des archives départementales
permise par la nouvelle structure organisationnelle (SCG à vocation austéritaire)
a été dissimulée derrière la volonté de développer une organisation transversale
et territorialisée, adaptée au fonctionnement « en mode projet » (SCG par appel
à projet) : « Donc il y a quand même cette volonté de dynamiser culturellement un
territoire. (…) Il y a eu aussi la volonté d’ établir une plus grande justice entre les
zones rurales qui sont un peu sous-équipées et des zones urbaines qui sont équipées
mais qui n’ont pas forcément moins besoin d’aide. » (OC 5).
Ainsi, dans notre cas, un « SCG couverture » vecteur d’une logique légitime
dans le champ a permis de dissimuler un « SCG sous couverture » vecteur d’une
logique illégitime (figure 4). Nos résultats montrent que l’implémentation de
ces deux types de SCG provoque des conflits de différentes natures. Le SCG
couverture étant porteur de la LIM, plus légitime et plus compatible avec la LIC,
provoque des conflits de moyens en cela qu’il perturbe le fonctionnement normal
et/ou habituel des opérateurs culturels. Ces conflits peuvent se régler par des ajus-
tements au niveau du SCG comme la modification de la temporalité des projets
ou la création de processus spécifiques (pour les gros équipements notamment).
À l’inverse, le SCG sous couverture, porteur de la LIA, illégitime et incompatible
avec la LIC, suscite des conflits de buts, plus violents et difficilement réductibles :
« Donc on nous disait que le département n’a plus d’argent (…). Donc si vous voulez
pour moi, dans mon imaginaire, le département n’a plus d’argent et la culture n’est
pas dans ses compétences » (OC 10).
SCG couverture
(vecteur de la LIM)
Objectifs de
Pr
ov
performance Indicateurs de suivi et
oq
Structure transversale
ue
d’évaluation
et territorialisée
Financement à la
Escamotage performance
Récompenses via Escamotage
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mise en valeur lors Escamotage
d’évènements publics
Objectif d’économie
Structure organ.
Coupes budgétaires Conflit de
réduite
buts avec
SCG sous couverture la LIC
(Vecteur de la LIA)
4. Discussion
La discussion permet de revenir successivement sur les deux champs théo-
riques auxquels cette recherche contribue : le PCG (4.1.) et les stratégies de dissi-
mulation de logiques institutionnelles (4.2.).
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éléments de contrôle formels sont complétés par des éléments de contrôles infor-
mels passant par la valorisation des meilleurs projets lors d’évènements publics
(contrôle par les récompenses) et par le développement d’une culture managériale
(contrôle culturel). Ces dispositifs de contrôle tendent à former un package cohé-
rent « orienté résultats » (Van der Kolk 2019 ; Merchant et Van der Stede 2007).
Ainsi, nos résultats montrent que les administrations publiques ont tendance
à développer au niveau de leurs politiques publiques des éléments orientés vers
les résultats en suivant une évolution similaire à celle observée dans leurs pac-
kages de contrôle internes depuis les réformes inspirées du NPM (ter Bogt et van
Helden 2000) – ces mouvements pouvant être résumés comme un passage d’un
contrôle des moyens (inputs) à un contrôle des résultats (outputs) (ter Bogt et van
Helden 2000 ; Hood 1995).
Toutefois, à l’échelle d’une politique publique cette transformation rencontre
plusieurs difficultés. Premièrement, comme le souligne Ouchi (1979), la mise
en place d’un contrôle orienté résultat nécessite d’être capable de mesurer ces
résultats. Or au niveau d’une politique publique, la définition de résultats à
atteindre est souvent complexe et fait difficilement consensus. Dans notre cas,
nous voyons que les définitions de « résultats performants » par les opérateurs ou
par le Département sont bien différentes. Dès lors, la mise en place de contrôles
par les résultats à l’échelle d’une politique publique, impliquant de nombreux
acteurs de diverses natures, est assez complexe. Parallèlement, la mise en œuvre
d’un contrôle portant sur les comportements des acteurs nécessite une très bonne
connaissance du processus de production/servuction. Là encore, dans le cadre
d’une politique publique, la diversité des acteurs impliqués et de leurs modes de
fonctionnement rend difficile l’identification de « comportements types » pou-
vant être contrôlés. Nos résultats montrent que la politique culturelle départe-
mentale implique des opérateurs intervenant sur des champs différents (réseau
de lecture publique, art dramatique, musique, vulgarisation scientifique…) et
selon des modes d’intervention spécifiques. Dès lors, la mise en place de règles
et de procédures (contrôle administratif) standardisées paraît peu adaptée. Les
difficultés rencontrées par certains opérateurs lors de la mise en place du SCG
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culturelle départementale repose en grande partie sur ce type de contrôles. Cette
forme de contrôle par les pairs a perduré dans le PCG de la politique publique
après la mise en œuvre du nouveau SCG par appel à projet, provoquant des
oppositions et une incompatibilité entre certains éléments de contrôle. Il ne s’agit
pas ici de considérer qu’un contrôle des résultats est de fait inopérant à l’échelle
d’une politique publique mais plutôt d’insister sur la complexité de le déployer
dans le PCG d’une politique publique. A fortiori en employant une méthode
directive et unilatérale comme il a été donné à observer dans cette étude.
Enfin, il convient de discuter le passage d’un contrôle des intrants (inputs)
– en l’occurrence les moyens financiers – à un contrôle des résultats (outputs)
(ter Bogt & van Helden 2000 ; Hood 1995) à l’échelle du PCG d’une politique
publique. En effet, dans le cadre d’une politique publique, la capacité à allouer des
financements aux autres acteurs est une source de pouvoir majeure. Dans notre
cas, les coupes budgétaires opérées dans le budget culturel du Département ont
considérablement entamé sa capacité à subventionner massivement les acteurs de
la politique publique. Dès lors, pour certains opérateurs culturels, les nouvelles
contraintes imposées par le SCG par appel à projet apparaissent injustifiées au
regard du peu de moyens (supposé) que le Département a à leur offrir. Ici, les
nouveaux modes de contrôle des résultats que le Département tente de mettre en
œuvre perdent en légitimité au regard de la perte de contrôle du Département
sur les moyens (intrants) distribués aux opérateurs. Cela justifie la tentative du
Département de masquer la coupe budgétaire opérée et d’escamoter les éléments
de contrôle ayant permis de procéder à cette coupe derrière d’autres modes de
contrôle, plus acceptables auprès des acteurs de la politique publique. Nous dis-
cutons de ces éléments dans la section suivante.
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Venkataraman et al. 2016 ; Pache et Santos 2013). Dans notre cas, il s'agit d’in-
troduire une logique institutionnelle austéritaire dans un champ dominé par une
logique institutionnelle culturelle et ce, à travers le paramétrage du PCG d’une
politique culturelle locale. Dans notre cas, la collectivité territoriale déploie une
stratégie d’escamotage des éléments de contrôle contenus dans le PCG. Cela
permet de dissimuler la logique austéritaire et d’orchestrer des coupes budgétaires
drastiques. Ainsi, notre contribution vient compléter les travaux récents en mon-
trant que des intentions dissimulées passent par la reconfiguration du PCG, sans
avoir à créer de nouvelles organisations. En effet, les travaux de Pache et Santos
(2013) portent sur une organisation qui introduit un champ nouveau. De même,
Claus et Tracey (2019) témoignent d'une stratégie de fabrication d'un alter ego
visant à créer de toutes pièces une organisation « écran » permettant d'attaquer de
manière masquée les institutions dominantes. À l’inverse, nos résultats mettent
en lumière la fabrication d'un alter ego à travers l’implémentation d'un SCG
« couverture » au sein du PCG d'une politique publique qui ne nécessite pas de
créer une organisation ad hoc. La reconfiguration stratégique du PCG suffit dans
notre cas pour introduire une logique illégitime au sein du champ.
Par ailleurs, nos travaux ne portent pas sur les organisations sociales et soli-
daires (Claus et Tracey 2019 ; Venkataraman et al. 2016 ; Pache et Santos 2013)
mais sur une politique publique et son PCG ; positionnant de ce fait le contrôle
de gestion des politiques publiques comme un moyen stratégique permettant
d'anticiper les conflits de logiques ex ante et de les réguler in itinere. Il s'agit ici
d'une première contribution de la recherche menée à la littérature en contrôle de
gestion dans le secteur public (figure 5).
Bien plus que des outils de pilotage de la performance publique, la configura-
tion du PCG apparaît, dans notre cas, comme l'arme stratégique principale d'une
politique publique austéritaire qui ne dit pas son nom. Les travaux en contrôle de
gestion tendent à positionner les éléments de contrôle tantôt comme des objets
générateurs de conflits (Ezzamel et al. 2004), tantôt comme des objets frontières
(Dechow et Mouritsen 2005 ; Briers et Chua 2001 ; Chua 1995) à même de
réguler ces conflits et permettant ainsi de produire du consensus (Amans et al.
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SCG « sous SCG « couverture » • S’assurer un minimum de SCG « couverture » SCG « sous • Augmenter le soutien
couverture » Design affiché du soutien Opérer des ajustements couverture » • Passer d’une hybridité
Design dissimulé du SCG « couverture » • Dévier l’attention du SCG affiché pour Utiliser l’ambigüité bloquée à une hybridité
SCG « à couvert » porteur d’une logique • Organiser le débat autour satisfaire les demandes pour dévier l’attention compartimentée au niveau
porteur d’une logique acceptée des éléments du SCG et enrôler de nouveaux portée au SCG du champ
illégitime affiché acteurs dissimulé • Découplage stratégique des
SCG
PCG « escamoté »
PCG « escamoté »
• Mise en cohérence et déconnexion
stratégique du SCG « sous • Négocier le soutien des acteurs
couverture » stratégiques
• Portage politique par les acteurs • Faire des compromis et du couplage
légitimes de la logique acceptée sélectif pour afficher une ouverture à la
participation
• Utiliser les R&C pour promouvoir la
logique affichée
• Ignorer les débats portant sur le SCG
dissimulé
Source : Auteurs
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changement (Chauvey 2010).
Si d’un côté l’augmentation du soutien des acteurs culturels est permise par
l’entretien de l’ambiguïté autour du SCG « sous couverture », cette collaboration
est aussi permise par un SCG « couverture » qui est ajusté pour répondre aux
demandes des acteurs culturels dès lors que leurs revendications portent sur les
moyens de la logique managériale. Le SCG « couverture » se veut participatif
et conciliant, inscrit dans une dynamique de dialogue et de pédagogie avec les
acteurs culturels. Enfin, alors que les éléments de contrôle du SCG « sous couver-
ture » sont construits et figés ex ante, les éléments de contrôle du SCG « couver-
ture » sont complétés chemin faisant. L’usage des contrôles par les récompenses
vise à assurer le support de certaines parties prenantes reconnues comme légitime
par la logique culturelle dominante. En effet, en mettant sur le devant de la scène
des opérateurs culturels qui ont démontré leur capacité à être « de bons élèves »
de la politique culturelle, ces mêmes acteurs viennent promouvoir cette politique
auprès de leurs pairs en reconnaissant ses bienfaits.
Dès lors, le paramétrage du PCG « escamoté » repose sur une tension para-
doxale entre le SCG « sous couverture » et le SCG « couverture ». Si les deux SCG
sont mis en cohérence, ils sont stratégiquement déconnectés et répondent à des
configurations paradoxales. En effet, le SCG « sous couverture » est imposé et
produit des effets immédiats. Il est inscrit dans une logique top-down et ne fait
l’objet d’aucune négociation. Ce SCG est stratégiquement dissimulé aux acteurs
culturels. A contrario, le SCG « couverture » est argumenté sur l’espace public.
Il s’inscrit dans une perspective de long terme et fait l’objet de négociations et
d’ajustements. Il s’agit en ce sens d’un paramétrage paradoxal du PCG « esca-
moté » dont des éléments a priori contradictoires viennent pourtant produire
des effets synergiques (Smith et Lewis 2011). Si la tension paradoxale du PCG
est irréductible (Van de Ven et Poole 1989), elle est régulée par l’escamotage qui
permet de compartimenter et de séquencer l’expression des éléments contradic-
toires. Il s’agit selon nous d’une contribution à la littérature sur le PCG. En effet,
alors que plusieurs travaux académiques soulignent les effets négatifs de la décon-
nection des éléments de contrôle au sein du PCG (Van der Kolk et Scokker 2015 ;
Järvenpää et Länsuluoto 2011), les résultats de notre étude tendent à nuancer ces
observations. En effet, à l’instar de Demartini et Otley (2019), la déconnexion
des SCG au sein du PCG est stratégique et, dans notre cas, permet justement de
réguler les éléments contradictoires et d’assurer la cohérence d’ensemble du PCG.
Conclusion
Cet article avait pour objectif de comprendre la manière dont le paramétrage
du PCG d’une politique culturelle locale permet d’introduire une logique insti-
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tutionnelle austéritaire a priori illégitime. En effet, nous avons souhaité contri-
buer à l’étude des éléments de contrôle dans une situation de complexité insti-
tutionnelle particulière : l’introduction d’une logique perçue comme fortement
contradictoire voire illégitime qui entraîne l’incapacité des acteurs à pouvoir
publiquement défendre, porter et provoquer des changements institutionnels.
En effet, des travaux récents dans la littérature sur les logiques institutionnelles
témoignent de stratégies dissimulées d’introduction de logique (Claus et Tracey
2019 ; Alt et Craig 2016 ; Venkataraman et al. 2016 ; Pache et Santos 2013).
Alors que la littérature en contrôle de gestion tend à positionner les éléments de
contrôle comme des régulateurs de logiques institutionnelles à travers leur capa-
cité à produire du compromis en étant des objets discutés et disputés (Amans et
al. 2020 ; Boitier et Rivière 2016 ; Château-Terrisse 2012), nous avons souhaité
mieux comprendre le rôle des éléments de contrôle du PCG dans cette configu-
ration de dissimulation où le débat est sciemment évité.
Pour ce faire, nous avons adopté une approche holistique des éléments de
contrôle à travers l’approche par le package de contrôle que nous avons adapté au
cas particulier d’une politique culturelle locale. En effet, pour étudier la manière
dont la configuration du package permet d’introduire une logique a priori illé-
gitime, nous avons exploré le cas d’un changement de politique culturelle à
l’échelle d’un Département, qui est passé d’un subventionnement classique à un
fonctionnement par appel à projet accompagné de coupes budgétaires drastiques.
Nos résultats témoignent de l’introduction dissimulée d’une logique austéri-
taire, a priori perçue comme illégitime, qui s’est traduite par le paramétrage de
deux SCG au sein d’un PCG « escamoté » de la politique publique culturelle :
un premier SCG « couverture » vecteur d’une logique managériale davantage
acceptée et permettant d’escamoter un deuxième SCG « sous couverture » por-
teur de la logique austéritaire.
Une théorie est un énoncé de concepts inter-reliés qui montre comment et/
ou pourquoi un phénomène se produit (Gioia et Pitre 1990). Partant de cela,
cette recherche apporte une contribution théorique (Corley et Gioia 2011) au
paradigme dominant des logiques institutionnelles en identifiant les éléments de
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Se faisant, nous contribuons également à une avancée théorique incrémentale sur
le PCG à travers l’analyse d’un objet particulier : une politique publique.
Pour conclure, la méthode de l’étude de cas unique limite la généralisation
des résultats de cette étude. Aussi, il serait intéressant de prolonger ce travail par
une étude comparée des PCG de différentes politiques publiques. En effet, si les
politiques publiques ont des traits communs, elles s’appliquent à des domaines
de la vie de la Cité portés par des logiques différentes, et regroupent des acteurs
extrêmement divers d’une politique à l’autre. Il se peut également que la pratique
du contrôle de gestion varie d’une autorité administrative à une autre, entraî-
nant des approches différentes du PCG de la politique publique. Par ailleurs, le
paramétrage du PCG « escamoté » pour introduire une logique a priori perçue
comme illégitime mériterait d’être explorer dans d’autres contextes de complexité
institutionnelle non spécifiques au champ des politiques publiques locales.
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