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LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE » À LA RECHERCHE

EN CONTRÔLE DE GESTION

Annick Ancelin-Bourguignon, Françoise Giraud


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Association Francophone de Comptabilité | « Comptabilité Contrôle Audit »

2019/3 Tome 25 | pages 9 à 39


ISSN 1262-2788
ISBN 9791093449173
DOI 10.3917/cca.253.0009
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2019-3-page-9.htm
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Annick Ancelin-Bourguignon, Françoise Giraud
LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE »
À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION 9
reçu en avril 2018/accepté en juin 2019 par Jeremy Morales

Les apports de la
« psychologie du contrôle »
à la recherche en contrôle
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de gestion
Control-related social psychology
concepts: their contribution
to management control research
Annick ANCELIN-BOURGUIGNON*, Françoise GIRAUD**

Résumé Abstract
Cet article recense les concepts de « psycho- This article reviews social psychology con-
logie du contrôle » qui peuvent expliquer les cepts which can explain managers’ perceptions
aspects cognitifs du pouvoir d’agir des mana- of control in management control processes
gers impliqués dans les processus de contrac- (objective setting and performance evaluation),
tualisation et d’évaluation des performances du and (scarce) management control research hav-
contrôle de gestion, ainsi que les rares travaux ing used them so far. It shows how these con-
de recherche en contrôle de gestion qui ont cepts contribute to enriching the conceptual
jusqu’à présent mobilisé ces concepts. Nous framework of management control and open-
montrons comment ces concepts permettent ing up many new avenues for management
d’enrichir le cadre conceptuel du contrôle de control research.
gestion et de tracer de nombreuses nouvelles
pistes de recherche dans le domaine.

* Professeure.
** Professeure Associée.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 25 – Volume 3 – Décembre 2019 (p. 9 à 39)


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10 À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION

Mots-clés : contrôle de gestion – Keywords: control –


management
contrôlabilité – psychologie du controllability– control-related social
contrôle – attribution – loc – norme psychology theories – attribution – loc –
d’internalité norm of internality

Correspondance : Annick Ancelin-Bourguignon Françoise Giraud


ESSEC Business School ESCP Europe
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3, avenue Bernard Hirsch 79, avenue de la République
CS 50105 Cergy 75543 Paris CEDEX 11
95021 Cergy-Pontoise CEDEX giraud@escpeurope.eu
bourguignon@essec.edu
Remerciements : Nous remercions Jérémy Morales, ainsi que les deux évaluateurs de cet article, pour leurs
contributions à l’amélioration du manuscrit.

Introduction
La recherche en contrôle de gestion a depuis longtemps mis en exergue les « aspects humains » de
la discipline, permettant de l’extraire d’une conception courante et réductrice la cantonnant à de
seules dimensions techniques (pour une revue synthétique des travaux sur le sujet, voir par exemple
Langevin et Naro, 2003). Cette dimension humaine et sociale revêt une telle importance qu’elle est
souvent considérée comme constitutive même de la discipline : l’orientation des comportements est
ainsi au cœur de la plupart des définitions du contrôle de gestion.
Ce caractère central de la dimension humaine du contrôle de gestion a suscité des incursions dans
le domaine de la psychologie, notamment en psychologie du travail – voir en particulier les recherches
qui mobilisent les théories de la motivation (e.g. récemment, Godener et Fornerino, 2017) ou encore
celles de la justice organisationnelle (Langevin et Mendoza, 2013). En revanche, très peu de recherches
ont mobilisé la psychologie sociale1 – voir Oriot (2004) pour une exception. Pourtant, cette branche
de la psychologie s’est fortement intéressée à la notion de contrôle, au point que s’est constitué un
champ à part entière appelé en France « psychologie du contrôle » (Dubois, 1987). Approfondissant
le rapport psychologique d’une personne avec les situations qu’elle (ou que d’autres) contrôle(nt), ce
champ offre des perspectives fertiles pour la discipline du contrôle de gestion. Il permet en premier
lieu d’enrichir la vision « objectivante » qui y domine en dégageant les aspects plus subjectifs du
contrôle exercé par les managers sur leur performance (comme nous le montrons ci-dessous dans la
partie 1). Il permet également de mieux comprendre ce qui se joue dans le dialogue de gestion entre
un manager et sa hiérarchie (ou le contrôleur de gestion). Par exemple, dans les réunions de perfor-
mance, l’échange interroge fréquemment le motif des écarts défavorables : est-ce le marché qui en est
cause, ou l’incapacité des équipes à livrer la qualité requise dans les délais demandés ? Les acteurs font

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ainsi ce que la psychologie du contrôle appelle des « attributions causales », processus dont elle a mon-
tré qu’ils étaient sujets à différents biais. Selon le type d’attribution, l’évaluation de l’action du mana-
ger sera vraisemblablement différente et, dans le temps, influencera tant l’efficacité du processus de
pilotage de la performance que la relation contrôleur-contrôlé. Par ailleurs, la psychologie du contrôle
s’attache à comprendre des phénomènes cognitifs, complémentaires des processus motivationnels que
les travaux antérieurs en contrôle, s’inspirant principalement de la psychologie du travail, ont mis en
évidence. Sur le plan conceptuel, les apports de la psychologie du contrôle au contrôle de gestion sont
donc pertinents à différents titres.
Toutefois, malgré leur intérêt, les rares travaux de contrôle de gestion (exclusivement non franco-
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phones) qui se sont emparés de ce champ à la fin des années 1970 n’ont, de façon assez surprenante,
quasiment pas été prolongés par la suite. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour expliquer
cette désaffection. Peut-être faut-il y voir un effet de mode, la recherche en contrôle de gestion s’étant,
depuis les années 1980, beaucoup plus largement inspirée de la sociologie que de la psychologie,
pour étudier les processus d’institutionnalisation et de changement ou l’identité professionnelle des
contrôleurs ? En recherche comme ailleurs, les effets de mode n’ont rien à voir avec la pertinence des
questions de recherche et des cadres théoriques qui les inspirent, comme nous le montrons ci-dessus.
Il est également possible que certains de ces premiers travaux ayant construit des cadres théoriques très
complexes (voir partie 2), leur validation s’en soit ensuite trouvé découragée.
Cette désaffection représente donc un déficit de connaissances en contrôle de gestion, qui est
aggravé si l’on considère que, depuis trente ans, la psychologie du contrôle s’est enrichie de nouveaux
concepts, qui, comme nous le montrons plus loin (partie 3), sont également très riches pour com-
prendre les pratiques de contrôle de gestion.
L’objectif de cet article est de combler ce qui apparait donc comme un manque important, en
montrant en quoi le champ de la psychologie du contrôle, dans toute sa diversité et bien au-delà du
concept d’attribution mentionné plus haut (Weary et al., 1993), permet de revisiter le cadre concep-
tuel du contrôle de gestion et d’ouvrir de nouvelles pistes pour la recherche dans la discipline. Il s’agit
donc d’un article interdisciplinaire à visée programmatique.
Dans la première partie, nous cernons de façon plus précise le cadre conceptuel permettant, d’une
part de clarifier le positionnement de cet article dans la littérature du contrôle, d’autre part d’établir
des liens entre les champs du contrôle de gestion et de la psychologie du contrôle. En effet, le mot
« contrôle » étant polysémique, sa transposition n’est pas directe et exige de clarifier une articulation
possible entre les deux champs. Nous verrons que c’est au niveau des problématiques d’évaluation des
performances managériales d’une part, d’appréciation de la contrôlabilité des managers à des fins de
contractualisation d’autre part, que les apports de la psychologie du contrôle peuvent s’avérer fertiles.
Nous présentons dans la deuxième partie les trois concepts auxquels se sont intéressés, à ce jour, les
travaux mobilisant le champ de la psychologie du contrôle en contrôle de gestion, à savoir l’attribu-
tion causale, le LOC (Locus Of Control) et le sentiment d’efficacité personnelle. Nous y présentons
également les rares travaux de contrôle de gestion qui les ont mobilisés, donnant ainsi à voir la perti-
nence de la psychologie du contrôle pour le contrôle de gestion.
La troisième partie présente d’autres concepts de psychologie du contrôle qui, à notre connais-
sance, n’ont pas encore été sollicités en contrôle de gestion.

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La quatrième partie offre d’abord une synthèse articulée de tous les concepts de psychologie du
contrôle, qui, à notre connaissance, n’a pas été réalisée en psychologie, les travaux de synthèse de cette
discipline pointant régulièrement mais sans plus de détails un foisonnement riche, hétérogène et peu
structuré. Cette synthèse nous parait indispensable à l’appréhension et l’appropriation de ces concepts
par les chercheurs en contrôle de gestion. Dans un deuxième temps, nous explicitons l’apport de ces
concepts au cadre conceptuel et aux pratiques du contrôle de gestion, ainsi que des pistes de recherche
pour la discipline.
Enfin en conclusion, nous résumons notre contribution et discutons les limites et les prolonge-
ments de notre travail.
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Partie 1 : L’articulation des notions de contrôle
en contrôle de gestion et en psychologie du contrôle
S’il n’existe pas de cadre conceptuel unique et partagé en contrôle de gestion, nous posons ici le cadre
de référence dans lequel nous nous positionnons dans cet article, afin d’une part, de montrer que la
psychologie sociale aborde la notion de contrôle de façon plus spécifique que le contrôle de gestion et,
d’autre part, de pouvoir articuler les approches des deux champs.
Nous nous appuyons sur le cadre historique d’Anthony (1988), qui a l’avantage d’appréhender
la notion de contrôle de façon assez large (le contrôle organisationnel englobant le contrôle straté-
gique, le contrôle de gestion et le contrôle opérationnel), intégrant notamment l’élaboration des buts
et des stratégies organisationnelles. Une ambiguïté existe parfois en contrôle de gestion sur l’objet
du contrôle, certaines acceptions mettant l’accent sur le pilotage des activités, d’autres sur celui des
managers. Dans la première approche, le contrôle a pour but de définir et maîtriser des objectifs de
performance pour les activités d’une organisation, selon des processus en boucle alliant des fonctions
de régulation et d’apprentissage (pour une synthèse, voir Berland, 2014). Dans la seconde approche,
l’attention est portée sur l’orientation des comportements des acteurs au sein de l’organisation, dans
un double objectif d’incitation et de coordination : elle a donné lieu à des typologies sur les différentes
voies par lesquelles cette influence peut s’exercer, comprenant des formes aussi diverses que le contrôle
des actions, le contrôle par les résultats, le contrôle culturel pour n’en citer que certaines (pour une
analyse des principales typologies, voir Chiapello, 1996). Pour notre part, nous nous inscrivons dans
une approche intégrative dans laquelle ces deux dimensions se combinent et se relaient, le pilotage
des activités renvoyant nécessairement à celui des acteurs, quoique de façon non exclusive (voir par
exemple, Giraud et al., 2011).
Une troisième perspective nous semble importante pour préciser le positionnement de cet article : le
niveau organisationnel auquel s’exerce le contrôle. L’objectif d’orientation des comportements assigne
en effet la responsabilité du contrôle à la hiérarchie, qui doit influencer les membres de l’organisation.
Dans le cadre de la théorie de l’agence par exemple, le contrôle est exercé par le principal sur les agents.
Or dans le cadre de la décentralisation des grandes entreprises qui se généralise dans les années 1950,
et qui fait émerger le contrôle par les résultats comme forme dominante d’influence sur les compor-
tements, l’exercice du contrôle s’est en partie déplacé vers les acteurs eux-mêmes, les managers. Une
complémentarité entre contrôle par la hiérarchie et autocontrôle par les managers est alors nécessaire.

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Dans ce cadre, les systèmes de mesure de la performance jouent un rôle important dans la déli-
mitation des différents niveaux de contrôle et ont une double fonction. Pour la hiérarchie, ils sont
le vecteur concret qui permet d’expliciter les contours des responsabilités déléguées aux managers et
les attentes à leur égard en termes de performances (phase de contractualisation). Puis ils constituent
la base sur laquelle il leur est ensuite demandé de rendre des comptes (phase d’évaluation). Pour les
managers (les acteurs), les systèmes de mesure jouent un rôle d’orientation de leurs actions permettant
l’autocontrôle : les managers sont censés s’approprier l’objectif de performance à atteindre, élaborer
et choisir des plans d’action adéquats et, lorsqu’un résultat est jugé insuffisant au regard du référentiel
adopté (en général le budget), trouver des solutions correctives pour améliorer la performance.
C’est dans cette articulation entre contrôle par la hiérarchie et autocontrôle par les managers que les
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apports de la psychologie du contrôle peuvent s’insérer. En effet, dans ce champ, la notion de contrôle
est abordée au niveau de l’individu : elle correspond à l’idée de maîtrise par une personne de son envi-
ronnement. Ce contrôle peut être apprécié à différents stades : après que l’action a été menée et ses
résultats produits, ou avant que l’action soit engagée. Nous verrons dans les parties suivantes qu’à ces
stades différents d’appréciation du contrôle correspondent des concepts et des courants de recherche
distincts en psychologie du contrôle.
Dans le premier cas, on est tourné vers le passé, que l’on tente d’expliquer : on part d’un résultat
dont on cherche les causes. La psychologie du contrôle distingue les positions d’acteur et d’observateur
dans cette analyse, et on voit clairement le lien qui peut être établi avec la fonction d’évaluation des
performances managériales en contrôle de gestion, avec une analyse menée à la fois par le manager
évalué (l’acteur) et par sa hiérarchie (l’observateur).
La psychologie du contrôle s’intéresse également au contrôle ex ante : on est alors tourné vers l’ave-
nir et on cherche à apprécier la possibilité de contrôle d’un acteur. En contrôle de gestion, cela renvoie
au concept de « contrôlabilité », que Choudhury (1986) définit comme la capacité d’un manager à
influencer (contrôler) les conséquences des actions qu’il a choisies. Ce concept est principalement
mobilisé dans la phase ex ante du contrôle par les résultats, la contractualisation entre la hiérarchie et
les managers délégataires. A ce sujet, la doctrine du contrôle de gestion prescrit que seuls les éléments
contrôlables (que le manager peut maîtriser) doivent être pris en compte (Solomons, 1965 ; Merchant
1989), et que l’étendue de la reddition des comptes (span of accountability) soit accordée au degré de
contrôlabilité par le manager (span of controllability) (Simons, 2007). C’est la fonction du Responsibility
Accounting. Le principe de contrôlabilité est supposé garantir une certaine justice dans la contractua-
lisation, mais aussi faciliter l’appropriation des objectifs et résultats par le responsable et au-delà, la
recherche et la mise en œuvre des actions nécessaires. L’hypothèse sous-jacente est qu’on ne peut pas
être motivé pour prendre en charge une performance (au sens de s’en sentir responsable et motivé à la
réaliser) sur laquelle on n’a aucune possibilité d’action.
Si les chercheurs en contrôle de gestion se sont attachés à analyser la pertinence du principe de
contrôlabilité (Antle et Demski, 1988 ; Merchant, 1989 ; Simons, 2007 ; Giraud et al., 2008), le
concept de contrôlabilité lui-même a fait l’objet de peu d’attention. Or il est loin d’être trivial et la façon
dont il est abordé en contrôle de gestion gagnerait à notre sens à être enrichi des travaux en psychologie.
En effet, en contrôle de gestion, la contrôlabilité est abordée via l’analyse des caractéristiques
de l’environnement (quel est le degré de prévisibilité du contexte ?) ou de dispositifs organisation-
nels « objectifs » (des ressources cohérentes ont-elles été mises à disposition du manager ? Quelle est

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l’étendue du pouvoir de décision qui lui a été délégué et celui-ci est-il clairement délimité par rapport
à ses pairs et à sa hiérarchie ?) Selon le résultat de ces analyses, on cherchera à neutraliser l’impact de
trois types d’externalités : les effets des décisions prises par d’autres managers ou par la hiérarchie, les
effets des décisions prises par les managers occupant le poste précédemment et qui continueraient à
produire leurs effets, et les effets dus à des événements imprévisibles (Demski, 1976).
Or la « possibilité de contrôle » renvoie également à des caractéristiques propres à l’individu et
à sa psychologie. Le champ du contrôle de gestion les a abordés principalement en s’intéressant aux
processus et facteurs de motivation, c’est-à-dire à la dynamique qui pousse le sujet à agir, empruntant
largement aux travaux de la psychologie du travail (voir par exemple, Lawler et Rhode, 1976). Sans
cette dynamique individuelle, soutenue par des dispositifs organisationnels adaptés, les systèmes de
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mesure de performance restent inopérants.
La psychologie du contrôle s’intéresse à un autre type de processus psychologiques, qui a fait l’objet
d’une moindre attention dans la littérature du contrôle de gestion : les aspects cognitifs dans l’appré-
ciation de la contrôlabilité, c’est-à-dire les processus mentaux (représentations, perceptions, attention,
croyances, attitudes etc.) par lesquels l’individu appréhende ses possibilités de contrôle. Alors que la
motivation correspond à une dynamique qui pousse le sujet à agir, les processus cognitifs désignent
les mécanismes de perception d’un objet, matériel ou immatériel. Pour comprendre comment orien-
ter les comportements des managers, l’étude de ces processus cognitifs nous semble au moins aussi
importante que celle des mécanismes motivationnels, ne serait-ce que parce que la motivation repose
toujours sur des représentations du monde et de soi.

Partie 2 : Etat de l’art des recherches en contrôle de gestion 


et concepts fondateurs de psychologie du contrôle
La recension de Birnberg et al. (2007) distingue deux grands types de travaux en contrôle de gestion
se référant à des concepts de la psychologie du contrôle : (1) ceux qui mobilisent l’attribution pour
approfondir la question de l’évaluation de la performance dans la phase aval du contrôle et (2) ceux
qui utilisent le LOC pour éclairer la participation budgétaire dans sa phase amont. Il convient d’y
ajouter une recherche postérieure qui mobilise le sentiment d’efficacité personnelle. Dans chacune des
trois sections suivantes, nous introduisons d’abord le concept de psychologie avant de présenter les
recherches en contrôle de gestion qui l’ont mobilisé. Une quatrième section présente une synthèse des
recherches en contrôle de gestion.

2.1. L’attribution causale et l’évaluation de la performance

2.1.1. L’ATTRIBUTION CAUSALE OU LA REPRÉSENTATION EX POST


DU CONTRÔLE
Heider, considéré comme le pionnier, dès 1944, de cette notion, définit l’attribution causale comme
le processus par lequel un individu explique a posteriori un événement en dégageant ses causes. Il se

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construit ainsi des schémas de cause à effet en vue de prédire et maitriser la réalité (Heider, 1958 ;
Deschamps, 1996a). Pour Heider, les attributions jouent un rôle régulateur dans l’équilibre cogni-
tif de la personne (Beauvois et Deschamps, 1990). Les propositions de Heider seront reprises et déve-
loppées par le modèle des « inférences correspondantes » de Jones et Davis en 1965, puis par la théorie
de l’attribution de Kelley dès 19672, ouvrant la voie à un courant de recherche majeur dans la décen-
nie 1970.
Une différence est opérée entre causes externes (dites aussi impersonnelles ou situationnelles) et
internes (personnelles ou dispositionnelles). Par exemple, une bonne performance peut être attribuée
aux efforts du manager (cause interne) ou à la tendance haussière du marché (cause externe). Certains
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auteurs remarqueront qu’il est parfois difficile de distinguer les causes externes des causes internes, car
la formulation retenue peut biaiser l’analyse (Ross, 1977, p. 176) : une même cause peut apparaître
comme interne (« Jack a acheté la maison parce qu’il recherchait la solitude ») ou externe (« Jill a
acheté la maison parce qu’elle [la maison] protégeait l’intimité »). Mais ces réserves3 n’entameront pas
le succès de cette dichotomie.
Compte tenu de la multiplicité des causes potentielles, tant internes qu’externes, les chercheurs ont
cherché à les catégoriser. Ainsi, Weiner (1979) a proposé de distinguer les causes instables des causes
stables, ainsi que les causes contrôlables des causes incontrôlables, ce qui permet de différencier huit
types d’explications. Nous donnons un exemple de cette typologie appliquée au contrôle de gestion
dans la section 2.1.2.
De nombreux « biais » ont été mis en évidence dans le processus d’attribution. L’erreur fondamen-
tale d’attribution4 est définie comme la « tendance générale à surestimer l’importance des facteurs dis-
positionnels au détriment des causes situationnelles » (Ross, 1977, p. 184). Elle revient « à considérer
que les individus sont responsables de ce qu’ils font et de leur sort » (Beauvois et Deschamps, 1990,
p. 67). Par ailleurs la littérature distingue les auto-attributions des hétéro-attributions (explications
des comportements d’autrui) et a mis en évidence le biais acteur-observateur (Jones et Nisbett, 1972) :
l’acteur évoque plutôt des causes situationnelles (externes) pour expliquer son comportement, alors
que l’observateur de ce comportement invoque plutôt des causes dispositionnelles (internes). Des
explications ont été proposées en termes d’asymétrie d’information entre acteur et observateur, ou de
dimension saillante pour chacun d’eux (Deschamps, 1996b). Enfin, le biais de complaisance conduit
les personnes à trouver des causes externes à leurs échecs et des causes internes à leurs succès (Beauvois
et Deschamps, 1990)5.
Les conditions d’attribution interne sont parfois plus strictes que la seule condition de causalité
individuelle. Jones et Davis (1965) ont montré que, dans les hétéro-attributions, l’intention inférée
chez l’individu était un critère essentiel6. Jones et Mc Gillis (1976) ont souligné quant à eux l’impor-
tance des attentes à l’égard de l’acteur7.
Au-delà des théories de l’attribution, qui étudient les processus de jugement, les théories attribu-
tionnelles s’intéressent aux conséquences des attributions (Kelley et Michela, 1980). Storms et Nisbett
(1970) ont par exemple montré leur influence sur le stress. Weiner (1985) a développé une théorie
attributionnelle de la motivation comme enchainement successif d’attributions et d’émotions.
La psychologie a également étudié les processus attributifs dans les relations hiérarchiques en entre-
prise. Un supérieur imputera un comportement (absentéisme, performance etc.) à son subordonné

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16 À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION

(cause interne) lorsque le comportement est stable dans le temps, peu spécifique (observable dans
d’autres contextes) et peu partagé (non observable chez d’autres membres du groupe) – et inverse-
ment (Ashkanasy, 1989).
Au-delà, de très nombreux travaux ont également étudié en détail les différents types d’attribution
(effort, compétences, chance etc.), les facteurs qui les influencent (bonne ou faible performance,
attentes en fonction des performances passées, stratégies de présentation de soi de l’évalué), mais aussi
les « réponses » de la part de l’évaluateur (récompense/sanction, perceptions et comportements)8.

2.1.2. LES PROCESSUS ATTRIBUTIONNELS DANS L’ÉVALUATION


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DE LA PERFORMANCE
Un premier article de Birnberg et al. (1977) mobilise la taxonomie tridimensionnelle de Weiner
(1979) pour identifier différentes explications causales possibles lors de l’évaluation des résultats d’une
activité managériale. Le tableau n° 1 organise ces diverses causes :

Tableau n° 1
Typologie tri-dimensionnelle des catégories de causes perçues, pertinentes
pour les systèmes de contrôle (adapté de Birnberg et al., 1977, p. 193).

CAUSE INTERNE EXTERNE

STABLE INSTABLE STABLE INSTABLE


CONTRÔLABLE / 9
• Effort stable • Effort • Effort stable • Coopération d’autrui
INTENTIONNELLE • Diligence • Réponse d’autrui • Conflit temporaire
ou paresse aux incitations • Conflit en cours superviseur-subordonné
lié à l’emploi • Efforts instables d’autrui
• Processus de • Mobiles extrinsèques
mesure de la
performance
NON-CONTRÔLABLE / • Compétences • Fatigue • Compétences • Budget serré
NON-INTENTIONNELLE de l’acteur • Problèmes des collaborateurs • Conditions économiques
• Expérience ou temporaires, de l’acteur • Chance
formation de personnels ou • Facilité ou
l’acteur sans lien avec difficulté de la
• Mobiles le travail tâche
intrinsèques

Cet article conceptuel propose également une modélisation complexe des déterminants et consé-
quences de l’attribution causale – attribution réalisée simultanément par l’acteur (dit le subordonné)
et son supérieur. Mobilisant les théories de l’attribution, les auteurs font l’hypothèse de nombreuses
dynamiques qui enrichissent les perspectives classiques sur le pouvoir motivationnel du contrôle des
résultats, sur les processus cognitifs qui s’y déploient et sur les relations entre supérieur et subordonné.
Très schématiquement, le modèle inclut, à la fois pour le subordonné et le supérieur : (1) une attente

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de performance, en relation avec le budget et conduisant à (2) une première attribution causale (attri-
bution initiale), éventuellement suivie de (3) une analyse des écarts (variance investigation), condui-
sant potentiellement à (4) la révision de la première attribution, elle-même conduisant à (5) une
intervention (comme une récompense).
Concernant l’attribution faite par l’acteur, Birnberg et ses collègues (1977) émettent l’hypothèse
que les attributions internes et contrôlables sont les plus grandes sources de motivation, puisqu’elles
augmentent l’auto-évaluation (self-evaluation) et la fierté (ou la « honte »). Parmi celles-ci, ce sont les
attributions à des causes instables (comme le manque d’effort) qui génèreraient la motivation la plus
forte. Une attribution externe (par exemple un budget trop serré, une machine défectueuse ou une
tâche trop difficile) ne conduirait pas à un niveau équivalent de motivation n’aurait guère d’effet sur
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l’effort pendant la période suivante et induirait plutôt la perception que le succès est inatteignable.
Selon ces perspectives, processus cognitifs et motivationnels sont liés. Ainsi faire participer les per-
sonnes au budget renforce leur perception que le budget est atteignable et favorise, non seulement l’ef-
fort en vue de son atteinte, mais aussi la probabilité d’une attribution interne du résultat de l’action.
Par ailleurs, selon les auteurs, il y aurait un impact réciproque entre attentes et attributions. Lorsque
l’acteur s’attend à réussir, un succès est habituellement expliqué par la compétence ou l’effort (causes
internes), alors qu’un échec peut être interprété comme le résultat d’un « monde incertain » (causes
externes et instables). Lorsque l’acteur ne s’attend pas à réussir, parce que les tâches sont perçues
comme incertaines ou qu’il est difficile d’isoler les unités responsables (dans les organisations com-
plexes), les attributions externes et instables (comme le contexte économique, la chance ou l’action
d’autrui) sont plus souvent mobilisées. Ainsi, l’attribution reflèterait moins la perception directe de
l’événement que la confortation de l’attente initiale (Birnberg et al., 1977).
Inversement, les attributions peuvent aussi avoir un impact sur les attentes de performance. Ainsi,
les attributions à des causes stables (donc appelées à continuer à produire un effet) favorisent des
anticipations proches du dernier résultat – par exemple, si la compétence est perçue comme cause de
la bonne performance, on peut s’attendre à une bonne performance dans le futur. Les attributions à
des causes instables quant à elles n’aideront pas beaucoup à anticiper le futur niveau de performance.
Sachant en outre que les performances cohérentes avec les précédentes sont souvent attribuées à des
causes stables10, il en résulte qu’une fois établi un « pattern » de performance, les écarts n’impacteront
pas les prédictions. Ainsi une bonne performance occasionnelle ne changera pas les attentes vis-à-vis
d’un acteur qui a un passé de performances médiocres (et inversement) – sauf si la performance la
plus récente est attribuée à une cause stable (Valle et Frieze, 1976). Enfin, une attribution interne
conduit à une appréciation de la performance plus favorable, donc toutes choses égales par ailleurs, à
une probabilité de récompense plus élevée.
Concernant les attributions faites par le supérieur, Birnberg et ses collègues (1977) proposent de
considérer trois points. Plus la performance réelle est éloignée des attentes du supérieur, plus celui-ci
tendra à lui attribuer une cause instable, sans qu’on puisse deviner laquelle (chance, conditions écono-
miques, effort instable, fatigue…). Par ailleurs, une cause instable sera sans doute aussi invoquée pour
expliquer une mauvaise performance qui fait suite à une succession de bonnes performances. Enfin,
dans la mesure où les écarts ne donnent lieu à investigation que de manière discrétionnaire, l’attribu-
tion faite par le supérieur aura une influence sur la décision d’investigation. Birnberg et ses collègues
suggèrent que « la notion comptable de contrôlabilité et la notion psychologique d’intentionalité

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peuvent être étroitement associées, puisque les attributions intentionnelles sont mobilisées quand
l’observateur perçoit que « l’acteur a le contrôle de son activité » (1977, p. 197).
Ces auteurs soulignent les conséquences négatives du biais acteur-observateur11, et en premier lieu,
le conflit entre supérieur et subordonné – une perspective qui contrasterait avec la perspective clas-
sique selon laquelle le « supérieur administre le budget objectivement et mécaniquement » (Birnberg
et al., 1977, p. 197). Il en est de même pour la différence de perception quant à la stabilité de la cause :
les causes instables conduisant à de moindres récompenses, cette différence peut générer la désillusion
du subordonné et la baisse de sa performance si le supérieur perçoit une cause instable alors que le
subordonné perçoit une cause stable. Inversement, si le subordonné attribue sa bonne performance
à une cause externe et instable (comme un marché temporairement favorable ou un collaborateur
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exceptionnellement performant) tandis que son supérieur l’explique par une cause interne et stable
(comme les compétences du subordonné), le supérieur peut être tenté de fixer des objectifs futurs qui
seront perçus comme excessifs par le subordonné. Enfin, une perception différente du niveau d’incer-
titude qui affecte la performance pour un niveau d’effort donné conduira à des attributions opposées,
le supérieur attribuant une performance en baisse à un manque d’effort et le subordonné à une cause
externe (comme la chance ou le rôle d’autrui).
Quelques années plus tard, les mêmes auteurs proposent un modèle encore plus complexe et
détaillé et testent quelques hypothèses (Shields et al., 1981). Ils montrent que face à la difficulté
d’explication des causes de la performance, les personnes vont rechercher des informations concernant
à la fois le subordonné, la tâche et les autres travailleurs et ce, indépendamment du rôle occupé (supé-
rieur ou subordonné). Par ailleurs, ils confirment la consonance entre les catégories d’attributions
initiales (compétence, effort etc.) des performances et celles utilisées pour expliquer d’autres compor-
tements liés à la tâche. Les expérimentations valident également le biais acteur-observateur, suggérant
ainsi que les « conflits qui concernent l’attribution de la responsabilité de la performance sont une
caractéristique inhérente des systèmes de contrôle à cause de la psychologie humaine » (Shields et al.,
1981, p. 88). Mais il n’existe pas de différence entre supérieurs et subordonnés quant à la produc-
tion d’explications stables12. Enfin les sujets utilisent des attributions à la fois uniques et multiples
pour expliquer différents niveaux de performance, celle-ci étant qualifiée à la fois quantitativement
et qualitativement. Cinq ensembles de causes sont mobilisés dans ces attributions initiales : le subor-
donné, les autres travailleurs, la tâche, la motivation et le système de mesure des performances. Les
auteurs concluent à la nécessité de poursuivre le test des autres dynamiques du modèle, en particulier
l’influence de l’ambiguïté des performances sur les attributions ou encore, lorsque les causes sont mul-
tiples, l’impact de la séquentialité des informations concernant ces différentes causes sur l’attribution.
Utilisant des protocoles de recherche différents, Harrison et ses collègues (1988) mettent égale-
ment en évidence le biais acteur-observateur : pour analyser un écart de performance, les supérieurs
souhaitent des informations internes (compétence de leur subordonné par exemple), tandis que les
subordonnés souhaitent des informations externes (situation économique). Par ailleurs l’internalité des
attributions est corrélée au caractère interne des informations recherchées, quel que soit le rôle occupé.
Plus récemment, Tongtharadol et ses collègues (1991) montrent que les attributions internes ont
des conséquences plus punitives que les attributions externes, en cohérence avec les résultats de la
psychologie du contrôle. Mais si la stabilité de la cause a également une influence (l’attribution-com-
pétence induit des réponses plus sévères que l’attribution-effort), cette influence ne corrobore pas les

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résultats précédents13 (qui établissaient que l’effort était plus déterminant que la compétence pour les
récompenses/punitions). Les responsabilités du subordonné (en d’autres termes, la contrôlabilité des
résultats) est une variable modératrice de l’influence de l’attribution sur la récompense/punition.

2.2. Le LOC et la participation budgétaire

2.2.1. LE LOC : UNE REPRÉSENTATION EX ANTE DU CONTRÔLE


Parallèlement aux recherches sur les attributions, se sont développés en psychologie des travaux sur la
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façon dont les personnes apprécient leur impact, non au regard d’événements passés, mais de situa-
tions « à venir ». C’est ainsi que le concept de Locus of Control (LOC), introduit par Rotter en 1966, a
fait l’objet d’un courant de recherche particulièrement fertile dans les années 1970 et qui reste vivace
encore aujourd’hui aux Etats-Unis. Ce concept s’inscrit dans le champ de la théorie de l’apprentissage
social qui, reposant sur le postulat que les comportements résultent davantage d’expériences apprises
que de facteurs biologiques, vise l’intégration de deux approches de l’apprentissage : le courant beha-
vioriste, qui postule que le moteur principal de l’apprentissage réside dans les renforcements (récom-
penses et sanctions), et le courant cognitiviste, qui insiste sur le rôle fondamental des représentations
et des « expectations ».
Pour Rotter, si les comportements sont déterminés en partie par les renforcements (par exemple
une prime), ils le sont aussi par les « expectations de contrôle », c’est-à-dire « la probabilité pour un
individu qu’un renforcement particulier se produira à la suite d’un comportement de sa part, dans
une ou des situations » (Rotter, 1966, p. 2). C’est l’anticipation du renforcement associé à tel ou tel
comportement qui amène la personne à adopter ce comportement14.
Certaines expectations sont spécifiques aux situations : plus la personne aura vécu des situations
similaires dont l’issue (réussite ou échec) aura été homogène, plus son expectation de contrôle du
renforcement dans la situation à venir sera forte. Par exemple, un manager qui a fréquemment réussi
dans l’établissement de prévisions fiables s’attendra à réussir dans cette même activité par la suite.
Mais pour Rotter, les expectations ont également une dimension indépendante de la situation :
certaines personnes ont tendance à établir une relation causale entre leur comportement et le renfor-
cement subséquent (Rotter parle alors de « contrôle interne des renforcements »), alors que d’autres
considèrent que le renforcement est plutôt lié à des facteurs comme la chance, le hasard, ou l’inter-
vention d’autres personnes (« contrôle externe »). Un contrôle interne influera sur le niveau d’expec-
tation et le comportement, mais un contrôle externe restera sans effet. Un renforcement n’agit donc
pas automatiquement sur le comportement. Pour Rotter, le LOC est une variable générale de la
personnalité. Il s’agit d’une expectation générale (et non plus spécifique) de contrôle des renforce-
ments, qui se construit à partir de nombreuses expériences dans des situations variées, et donc une
variable assez stable.
Le concept de LOC a donné lieu à un foisonnement de travaux, que Dubois (1996) classe en
trois catégories. En premier lieu, des études expérimentales ont comparé les comportements et per-
formances des personnes selon leur LOC et montré que les personnes internes réussissent souvent
mieux à l’école, à l’université et dans le monde professionnel et qu’elles ont par ailleurs un engagement

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plus fort dans des tâches exigeant l’exercice d’aptitudes et habiletés ; alors que les « sujets externes »
s’engagent plus dans des jeux de hasard et s’adaptent mieux aux exigences des situations, y compris
stressantes. Ceci a amené à la conclusion, notamment aux Etats-Unis, qu’il existait des types de per-
sonnalité plus liés à la réussite. Ces recherches ont toutefois échoué à montrer, malgré de multiples
tentatives, que les internes étaient plus intelligents que les externes (Dubois, 1987).
En second lieu, des études différentialistes ont conduit à associer l’internalité à une valeur sociale
élevée. En effet, des recherches ont montré que les citoyens américains d’origine « anglo-saxonne »
sont plus internes que leurs concitoyens d’autres origines, que les riches sont plus internes que les
pauvres et les hommes souvent plus internes que les femmes.
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Enfin, des études développementalistes ont observé que l’internalité a tendance à se développer
jusqu’à l’adolescence, même si cette croissance n’est pas linéaire. La thèse la plus couramment acceptée
aujourd’hui est que ce développement est le fruit d’un apprentissage favorisé par certains contextes
éducatifs, tant scolaires que familiaux (Dompnier, 2006).

2.2.2. L’INFLUENCE DU LOC SUR LA PARTICIPATION BUDGÉTAIRE


ET SES CONSÉQUENCES
Quelques travaux ont étudié le rôle modérateur du Locus of Control dans la relation participation
budgétaire-performance. A partir d’une expérience en laboratoire, Brownell (1981) montre que la
participation budgétaire a un impact positif sur la performance de ceux qui ont un LOC interne et
au contraire, un impact négatif sur celle des externes. L’auteur conclut qu’il est utile de faire varier
le niveau de participation des personnes selon ce trait de personnalité, ou à défaut, de placer les per-
sonnes dans des positions qui, induisant elles-mêmes des niveaux de participation budgétaire variables,
optimiseront la performance. Des expérimentations ultérieures confirment ce résultat et montrent
également que les conditions qui optimisent la performance (forte participation des internes, faible
participation des externes) optimisent également la satisfaction vis-à-vis du travail (Brownell, 1982).
Frucot et Shearon (1991) ont répliqué cette dernière recherche sur une population de cadres mexi-
cains et ne confirment que partiellement les résultats précédents, les résultats différant selon que les
entreprises ont ou non un capital mexicain.
Toujours sur la question de la participation budgétaire, Licata et ses collègues (1986) se sont inté-
ressés au LOC du superviseur. En laboratoire, ils montrent que le LOC a une influence sur l’attitude
du supérieur lors du processus budgétaire participatif : les superviseurs internes sont plus enclins à
favoriser la participation de leurs subordonnés que les superviseurs externes.

2.3. Le sentiment d’efficacité personnelle et la participation


Dans les années 1970, un autre théoricien de l’apprentissage social, Bandura, s’est intéressé aux expec-
tations et aux processus cognitifs dans l’acquisition et la rétention des schémas comportementaux.
Il propose un concept proche du LOC, le sentiment d’efficacité personnelle (self-efficacy expectation),
qu’il définit comme « [la] croyance [d’une personne] relative à ce qu’elle peut faire dans diverses situa-
tions, quelles que soient ses aptitudes […]. Des personnes différentes avec des aptitudes identiques, ou
la même personne dans des circonstances différentes peuvent donc obtenir des performances faibles,

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bonnes ou extraordinaires, selon les variations de leurs croyances d’efficacité personnelle » (Bandura,
2003, p. 63).
Bandura distingue le sentiment d’efficacité personnelle (efficacy expectation) – qui est le sentiment
qu’on peut mettre en œuvre avec succès le comportement requis pour produire les résultats – de
l’espérance de résultat (outcome expectancy) – soit l’estimation des résultats que produira le compor-
tement. Le sentiment d’efficacité personnelle est également distinct de l’estime de soi, concept qui se
compose, non seulement de la croyance en ses capacités à faire face aux défis de la vie, mais aussi de la
« croyance en sa propre valeur fondamentale » (Locke et al., 1996, p. 9).
Pour Bandura, l’impact du sentiment d’efficacité personnelle sur le comportement est prépondé-
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rant, même si d’autres facteurs (la détention des capacités requises, la motivation à agir) sont aussi
décisifs. Il influe sur l’engagement de la personne face à des situations menaçantes, sur le niveau
d’effort engagé et le degré de persistance face aux obstacles (Bandura, 1977). De façon plus générale,
le sentiment d’efficacité personnelle permet une meilleure interprétation des difficultés, qui améliore
la façon dont les situations sont traitées.
D’une personne à une autre, le sentiment d’efficacité personnelle varie sur plusieurs dimensions :
sa magnitude (il peut se limiter aux tâches faciles, ou s’étendre à des tâches plus difficiles), sa généra-
lité (il peut se limiter à une situation précise ou être plus englobant) et sa force (les comportements
générés sont plus ou moins pérennes). Le sentiment d’efficacité se constitue et se renforce de quatre
façons : (1) par les expériences personnelles de maîtrise (les réussites ou les échecs rencontrés), (2) par
les expériences vicariantes, c’est-à-dire par un étalonnage sur le comportement d’autres personnes, qui
permet d’évaluer ses capacités et de les renforcer (par exemple, en prenant les autres pour modèles),
(3) par la persuasion par autrui (les commentaires positifs d’une personne dotée de crédibilité et d’un
niveau d’expertise adéquat soutiennent et renforcent le sentiment d’efficacité personnelle), (4) par les
états physiologiques et émotionnels de la personne (leur gestion adéquate permet de renforcer le senti-
ment d’efficacité personnelle).
En contrôle de gestion, une unique recherche a mobilisé ce concept. Macinati et ses collègues
(2016) ont repris l’étude du lien participation budgétaire-performance en recherchant cette fois l’im-
pact médiateur du sentiment d’efficacité personnelle (et de l’engagement au travail) auprès d’une
population de managers hospitaliers en Italie. Ils montrent que la participation budgétaire impacte
positivement les deux variables médiatrices, qui ont chacune un impact positif sur la performance.
En outre, le sentiment d’efficacité influence positivement l’engagement.

2.4. Synthèse des travaux de contrôle de gestion


Pour conclure, les travaux ayant mobilisé le concept d’attribution ont permis d’enrichir et nuancer les
mécanismes d’interprétation des résultats par les supérieurs selon le contexte, et de mettre en évidence
les biais cognitifs auxquels ils sont sujets. De même, les conflits « naturels » entre les appréciations
par le supérieur et par le manager évalué, qui s’expliquent usuellement par les divergences d’intérêts
de ces acteurs (voire la mauvaise volonté du subordonné), trouvent d’autres explications dans les biais
cognitifs induits par les postures d’acteur et observateur. Sur un plan plus général, ces travaux confir-
ment l’idée que le processus d’évaluation comporte une partie subjective importante, bien au-delà
de l’interprétation et de la production de mesures réputées objectives. Ces recherches confirment les

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liens entre processus cognitifs et motivationnels, comme indiqué dans notre introduction. On obser-
vera cependant que les travaux mobilisant les attributions en contrôle de gestion restent en grande
partie théoriques, que les modèles complexes proposés n’ont été que très partiellement validés sur le
plan empirique, et que, lorsqu’ils ont eu lieu, les tests d’hypothèses ont très largement mobilisé des
méthodes expérimentales. L’ensemble laisse une double impression d’inachèvement et de foisonne-
ment pointilliste qui, en l’état, rend difficile de dégager des questions de recherche prioritaires ainsi
que des pistes pour les pratiques.
De façon inverse, les travaux inspirés par le LOC ou le sentiment d’efficacité personnelle ont testé
des hypothèses et des modèles beaucoup plus simples relatifs aux processus ex ante de contractualisa-
tion, et plus spécifiquement à l’élaboration des budgets. Ces travaux ont permis de mieux comprendre
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les effets de la participation budgétaire selon les types de personnalité des managers.
Si le premier de ces courants de recherche, inachevé, mérite d’être poursuivi, le second mérite
d’être étendu à d’autres questions de recherche que celle, importante mais limitée, de la participation
budgétaire. Plus fondamentalement, il faut penser le contrôle de gestion de manière plus transversale
et dynamique : comme l’ont montré Birnberg et al. (1997), il y a un lien entre attentes de perfor-
mance et attributions – les attentes d’une période influencent l’évaluation de ses résultats et l’évalua-
tion influence les attentes de la période suivante. Si la distinction ex ante-ex post a été jusqu’à présent
utile pour clarifier notre propos, il faut désormais nous en affranchir : pour penser de façon la plus
ouverte possible la recherche en contrôle de gestion, il faut d’abord avoir une vision panoramique de
ce que la psychologie du contrôle a à offrir, sans forcément chercher à associer processus (psycholo-
giques) et pratiques (de contrôle) ex ante et ex post, comme la recherche l’a fait jusqu’à présent.

Partie 3 : Les autres concepts de la psychologie du contrôle


La psychologie du contrôle a développé d’autres concepts potentiellement utiles pour la recherche en
contrôle de gestion.

3.1. Le sentiment de contrôle et le contrôle perçu


Certains travaux se sont intéressés au sentiment de contrôle, que Dubois définit comme « la croyance
d’une personne en sa possibilité de contrôle » (Dubois, 1987, p. 25), d’autres à la perception de contrôle,
définie de façon très proche comme « la perception ou la croyance que l’on peut influencer des résul-
tats à venir » (Brehm, 1993, p. 3). Nous utiliserons ici ces termes de façon équivalente.
Différentes formes de sentiment de contrôle ont été dégagées (Averill, 1973, Rothbaum et al.,
1982) : le contrôle primaire ou comportemental, qui correspond au sentiment de pouvoir influer sur le
résultat escompté par son comportement, et le contrôle secondaire ou cognitif, qui consiste à modifier
l’importance perçue du résultat, à le réinterpréter pour en réduire les conséquences émotionnelles.
Une littérature importante s’est intéressée aux facteurs qui déterminent ou renforcent la percep-
tion de contrôle, structurés en deux catégories selon que ces facteurs sont liés aux caractéristiques
de la situation vécue (facteurs situationnels) ou à celles des personnes concernées (facteurs person-
nologiques). Parmi les facteurs situationnels, on notera notamment l’impact des caractéristiques du

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À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION 23

résultat visé (timing, fréquence, valence etc.) et du contexte (selon, par exemple, qu’il s’agit ou non
d’une situation nouvelle). De même, l’appréciation du contrôle sera différente selon qu’il s’agit de
soi ou d’autrui. Les recherches sur les déterminants personnologiques (comme l’âge, le genre, le type
de personnalité, l’état d’esprit de la personne, etc. – pour une revue synthétique de ces travaux, voir
Alloy et al., 1993) se sont penchées sur le risque d’erreurs de jugement et de biais de perception.
Elles montrent par exemple que des personnes déprimées (de façon ponctuelle ou durable) ont dans
l’ensemble un meilleur jugement de contrôle que les autres, qui ont tendance soit à surestimer leur
contrôle potentiel (quand il s’agit de résultats désirables), soit à le sous-estimer dans le cas inverse.
La surestimation peut aller jusqu’à l’illusion de contrôle (Langer, 1975) : des études expérimentales
montrent en effet que dans des situations de chance ou de hasard, les personnes adoptent souvent un
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comportement similaire à celui qu’elles auraient en situation « de compétence ».
La recherche s’est également intéressée aux effets du sentiment de contrôle. Les travaux les plus
connus sur les effets de la privation de contrôle sont les expériences de Seligman et Maier (1967)
sur des animaux. Ceux-ci dégagent des conséquences à trois niveaux, que Seligman conceptualisera
en 1975 sous le terme d’« impuissance acquise » (learned helplessness), tant au niveau motivationnel
(le sujet, apathique, ne manifeste aucune motivation à contrôler les situations ultérieures, ce qui
entraîne une chute de ses performances) que cognitif (le sujet est incapable d’établir un lien entre
ses actions et leurs résultats) et émotionnel (désespoir, dépression). Chez l’homme, la privation de
contrôle entraîne différentes conséquences dommageables, parmi lesquelles une augmentation de l’an-
xiété et/ou de la dépression, la chute des performances et la perte de l’estime de soi (Seligman, 1975)15.
De façon plus contre-intuitive, des travaux ont mis en évidence que la privation de contrôle pouvait
avoir des effets positifs. Pittman et d’Agostino (1985) ont ainsi montré qu’elle générait une recherche
plus active d’information, donc une augmentation de la vigilance et une mobilisation plus forte des
ressources cognitives. Brehm (1993), sous le nom de « théorie de la réactance », a également montré
que le fait d’« enlever » à une personne une possibilité de contrôle dont elle disposait préalablement
générait un comportement visant à rétablir le contrôle.
Des recherches se sont intéressées, à l’inverse, aux effets de la possibilité de contrôle. Les indivi-
dus à qui on a donné la possibilité effective de contrôler des événements aversifs, non seulement ne
présenteront pas de symptômes d’impuissance acquise, mais apprennent à éviter ces événements dans
des situations ultérieures et à mieux les gérer : comparés à des individus n’ayant pas été soumis à ces
événements aversifs, ils montrent moins d’appréhension, un meilleur contrôle émotionnel et une
plus grande tolérance à la frustration (pour une synthèse, voir Glass et Singer, 1972, Averill, 1973 ou
Mineka et Hendersen, 1985). On observe de la même façon des effets bénéfiques sur les individus à
qui on donne la possibilité de contrôler des événements positifs, que ce soit en termes de santé phy-
sique et psychologique, de capacité d’apprentissage ou encore de confiance en soi. Point important,
les auteurs soulignent que ces effets sont les mêmes que la situation soit effectivement contrôlable
(contrôle effectif ) ou que la personne en soit juste convaincue (sentiment de contrôle).

3.2. Le besoin de contrôle16


Les travaux montrant les effets très négatifs de la privation de contrôle et les effets bénéfiques du senti-
ment de contrôle amènent naturellement à l’hypothèse qu’une personne préfère avoir du contrôle que

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l’inverse. Si cette hypothèse semble partagée, les auteurs ne s’accordent cependant pas sur la nature de
cette « appétence ».
Dubois (1987) recense plusieurs théories soutenant l’idée que les individus recherchent le contrôle :
ont ainsi été avancées les thèses d’une recherche de supériorité (Adler, 1930), d’un instinct de maîtrise
(Hendrick, 1943), d’un besoin de compétence (White, 1959 ; Deci et Ryan, 1987), d’un besoin de
contrôle (théoriciens de l’attribution) ou d’une volonté de se sentir cause (de Charms, 1968).
La théorie de la « réactance » de Brehm (1993), mentionnée ci-dessus, théorise le contrôle comme un
besoin : les personnes cherchent à maintenir, et éventuellement restaurer, un certain niveau de contrôle
sur leur environnement. Cette vision fait écho à la « théorie de l’effectance » (White, 1959), qui postule
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quant à elle une motivation proactive de conquête de possibilités d’action sur son environnement.
La théorie de l’apprentissage social adhère à l’idée d’un besoin, mais le considère comme une
tendance acquise plutôt que comme un besoin inné (Bandura, 2003). Cette thèse souligne le rôle des
facteurs sociaux dans l’attitude positive d’un individu à l’égard du contrôle, et notamment l’impact
de la désirabilité sociale.

3.3. La norme d’internalité


Ce concept, dernier-né des concepts de la psychologie du contrôle, est proposé par Jellison et Green
en 1981 après plusieurs décennies de recherche sur le LOC et l’attribution. Ils remarquent que l’erreur
fondamentale d’attribution peut trouver sa source dans la personne (un processus cognitif, comme
cela a été avancé jusqu’alors) mais aussi dans son environnement, dans la mesure où nous tentons de
« créer des impressions qui recueilleront l’approbation sociale et éviteront la désapprobation sociale »
(Jellison et Green, 1981, p. 643). Autrement dit, l’erreur fondamentale d’attribution reposerait sur
« l’hypothèse que les explications causales internes sont récompensées et que les explications externes
ne le sont pas » (ibid., p. 644). Les expériences que ces auteurs conduisent leur permettent de conclure
à « l’existence d’une norme générale qui sanctionne positivement les explications du comportement
qui mettent l’accent sur des causes internes et qui dévalorise les explications mettant l’accent sur les
causes externes » (ibid., p. 647) – qu’ils nomment « norme d’internalité ». Il s’agit d’une valeur sociale
« indépendante de tout critère de vérité17 » (Dubois, 1994, p. 29).
Le concept de norme d’internalité éclaire d’un jour nouveau la réussite des internes (voir §2.2.1) :
plutôt que conséquence d’un trait de personnalité qui y prédisposerait (le LOC), la réussite est liée au
fait que les internes sont mieux évalués que les externes, compte tenu de la préférence sociale pour les
explications internes – valeur sociale déjà mise en évidence par Stern et Manigold (1977). La réussite
des internes évoque l’effet Pygmalion : il suffit que quelqu’un soit perçu comme plus apte à réussir
pour qu’avec le temps, il réussisse effectivement mieux (Beauvois et Dubois, 2000).
Les premières recherches se sont attachées à démontrer l’existence de cette norme et à définir des
protocoles de recherche qui permettaient de la mettre en évidence18. Par nature en effet, les normes
sociales de jugement – catégorie à laquelle appartient la norme d’internalité – sont moins visibles et
moins faciles d’accès que les normes sociales de comportement19. Par ailleurs, le propre de la norme
sociale est d’être intériorisée par la personne de sorte qu’elle apparait masquée. Enfin on admet plus
facilement que son comportement soit sous l’influence d’une norme, plutôt que son jugement, qui est
perçu comme l’expression d’une singularité personnelle.

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Quel que soit leur protocole, toutes les recherches montrent que la production d’explications
internes est associée à une attribution de valeur et que les personnes en tiennent compte dans leurs
stratégies d’auto-présentation20, ce qui témoigne d’une connaissance intuitive de la norme.
Il a également été montré que, comme toutes les normes sociales, la norme d’internalité est sociale-
ment apprise et qu’elle est l’affaire d’un collectif. Autrement dit, le groupe social organise la transmis-
sion et l’apprentissage de la norme, essentiellement dans la famille et à l’école, cette dernière semblant
jouer un rôle plus normatif que la première (Dubois, 1994). La norme est inégalement active selon les
contextes ; elle l’est tout particulièrement dans les situations d’évaluation (Dubois, 1994).
La norme fonctionne aussi comme une rationalisation de la place que l’on occupe dans la société :
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elle incarne une idéologie du mérite (tandis que l’externalité incarnerait une croyance dans le détermi-
nisme). Si la norme est donc le produit culturel de groupes sociaux dominants, et à ce titre, entretient
l’illusion d’un monde juste (Duru-Bellat, 2011), elle est également le produit de pratiques éducatives
libérales qui, en favorisant la responsabilité et l’autonomie21, amènent la personne à intégrer les consé-
quences de son comportement et permettent l’internalisation de valeurs, qui sont alors ressenties
comme des nécessités personnelles. C’est ce processus qui serait le plus favorable au développement
de l’internalité. Il est ainsi utile de distinguer l’internalité intériorisée (celles qui est favorisée par les
pratiques libérales) de l’internalité stratégique (celle de l’auto-présentation).
Des recherches plus spécifiques ont montré comment l’internalité contribue à former un jugement
sur la valeur d’autrui. Ainsi Pansu (1997) a montré qu’en situation de recrutement, un candidat interne
moyennement performant était aussi bien évalué qu’un candidat externe très performant. L’internalité
apparait donc comme « un biais de jugement » qui vient compenser un déficit de performance.
Le même biais de jugement a été mis en évidence dans d’autres recherches (Pansu et Gilibert,
2002), qui montrent que parmi les explications internes, ce sont les explications en termes d’efforts
qui sont les plus utilisées dans les stratégies de présentation favorable de soi et les mieux consi-
dérées par les évaluateurs – comparativement aux explications en termes de traits de personnalité.
En matière d’explications externes, invoquer la situation (contraintes environnementales) est mieux
accepté que la chance et « produit » de meilleures évaluations. Il existe donc des variations dans le
caractère normatif (et non-normatif ) des différentes explications. Enfin ces auteurs montrent que
fournir une explication externe qui met en cause l’environnement n’est pas moins bien considéré
qu’une explication interne en termes de traits. Ce résultat, qui conduit à nuancer la normativité de
l’internalité, amène à tenir compte également du caractère contrôlable de la cause : c’est parce que
les efforts sont considérés comme contrôlables et les traits comme incontrôlables qu’ils sont mieux
considérés. L’évaluateur suppose qu’un individu qui donne des explications internes assumera « la
responsabilité de ses actes » et sera donc prêt à « accepter d’[en] être tenu pour comptable [accoun-
table] » et à faire les efforts nécessaires pour s’adapter aux demandes de l’organisation, y compris en
matière de maîtrise des facteurs situationnels (Pansu et Gilibert, 2002, p. 523). D’autres recherches
conduisent également à nuancer la valorisation systématique des explications internes. Lorsqu’il s’agit
de recruter des femmes, l’impact de l’internalité sur l’évaluation dépend des autres éléments du
dossier. Lorsque celui-ci contient des éléments objectifs (comme l’expérience professionnelle, l’apti-
tude et la performance obtenue lors d’un essai professionnel) et que le poste à pourvoir n’est pas
associé à une fonction d’encadrement, les candidates externes ne sont pas stigmatisées (Desrumaux-
Zagrodnicki, 2001).

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Enfin certaines recherches ont étudié, en milieu industriel, l’effet conjoint sur les évaluations de
la norme d’internalité et de la norme de consistance – cette dernière conduisant à « l’expression d’un
jugement positif vis-à-vis des individus qui ont des comportements fidèles à leurs idées ou qui ont des
idées ou des comportements cohérents entre eux » (Louche et al., 2001a, p. 3), qui sont donc « prévi-
sibles dans le temps » (Louche et al., 2001b, p. 370). Si l’internalité comme la consistance conduisent
à formuler des jugements positifs, l’effet de leur combinaison est renforcé (Louche et al., 2001b). Ceci
suggère que la norme d’internalité repose sur la croyance que les actes sont cohérents avec, et donc
découlent, des explications causales.
Ce bref recensement donne à voir toute la complexité de l’influence de la norme d’internalité sur
l’évaluation dans les situations organisationnelles, en fonction du contexte, des personnes évaluées et
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des autres éléments d’information disponibles. Il montre aussi que cette norme repose sur la croyance
qu’un individu interne sera plus proactif qu’une personne externe pour exercer un contrôle sur son
environnement22.

Partie 4 : Qu’apporte la psychologie du contrôle au contrôle


de gestion ?
Pris dans leur ensemble, les concepts de psychologie du contrôle nous semblent offrir des pistes très
fertiles pour le contrôle de gestion, que ce soit pour en enrichir le cadre conceptuel, prolonger et
approfondir des recherches déjà entreprises ou pour initier de nouvelles thématiques. Avant d’em-
prunter ces pistes, il nous semble toutefois utile d’offrir une synthèse des concepts de la psychologie
du contrôle, car leur foisonnement rend difficile leur appropriation dans un autre champ discipli-
naire – laquelle est un préalable incontournable à leur mobilisation.

4.1. Articulation et synthèse des concepts de psychologie du contrôle


Si les différents courants de recherche convergent dans leur intérêt pour une notion apparemment
similaire, l’internalité (ou « le contrôle par la personne »), celle-ci diffère selon les théories.
En premier lieu, l’internalité s’apprécie par rapport à des objets différents selon les concepts :
–– Une attribution interne consiste à établir un lien entre une personne (ou des facteurs personnolo-
giques) et un événement.
–– Un LOC interne signifie qu’un individu établit une relation entre ses comportements et des renfor-
cements, par exemple une prime.
–– La notion de perception de contrôle s’apprécie par rapport au résultat d’une action, donc en amont
de la récompense.
–– Enfin, l’objet du sentiment d’efficacité se situe encore plus en amont, puisqu’il porte sur la capacité
à produire un comportement, sans préjuger de l’adéquation de ces comportements au regard du résultat
visé.
Ensuite, la notion d’internalité renvoie à des relations de nature différente entre l’individu et ces
objets :

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–– Dans la théorie des attributions de Heider (1958), l’internalité renvoie à un lien de causalité entre
une personne et l’événement observé.
–– D’autres théoriciens des attributions évoquent un lien plus restrictif que la causalité, Jones et Davis
(1965) ajoutant une condition d’intention et Jones et Mc Gillis (1976) introduisant les attentes à
l’égard de l’acteur comme référence d’appréciation.
–– Pour Rotter (1966), l’internalité renvoie à une perception de contrôle, que Weiner (1979) a claire-
ment distinguée de la notion de causalité (par exemple, une aptitude ou une humeur sont pour lui des
causes personnelles non-contrôlables).
Enfin, le rapport subjectif à cette relation varie selon les courants théoriques. Dans la théorie des
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attributions, le lien de causalité entre l’individu et un événement fait l’objet d’une appréciation, par la
personne elle-même (auto-attribution) ou par un observateur (hétéro-attribution). C’est un processus
d’explication, non pas de type scientifique, mais qui correspond à une « psychologie du sens com-
mun » (Deschamps, 1996a, p. 209).
Dans la littérature sur le LOC, l’internalité correspond à la perception par un individu de l’exis-
tence d’une relation causale entre son comportement et le renforcement subséquent. Ce rapport de
discernement renvoie à un processus cognitif que l’on peut qualifier de « froid » et il présente un
caractère assez binaire (la relation est perçue ou non).
Les notions de sentiment de contrôle ou de sentiment d’efficacité personnelle désignent à notre
sens un rapport subjectif plus fort, qui consiste non seulement à percevoir son contrôle, mais à se
sentir en contrôle. Ce sont des « croyances » en sa possibilité de contrôle. Ces notions renvoient donc à
un processus cognitif plus « chaud » : elles comprennent implicitement une idée de confiance (au sens
d’une certaine assurance quant à la portée de ses actions). Ceci permet de comprendre qu’un faible
sentiment de contrôle génère des effets en termes d’anxiété, d’estime de soi etc. Par ailleurs, alors que
l’attribution ou le LOC présentent un caractère assez binaire, un sentiment de contrôle est plus qua-
litatif. Pour Engel (1997), une croyance est un sentiment subjectif qui présente des degrés variables
selon le niveau de certitude qui lui est associé : il va du soupçon à la foi, en passant par la présomption,
la supposition, l’hypothèse etc. Ainsi, là où les travaux sur l’attribution et le LOC s’intéressent aux
biais de discernement de l’individu dans l’appréciation du lieu de contrôle, la littérature sur le senti-
ment de contrôle s’attache aux facteurs qui contribuent à constituer un ressenti et une confiance plus
ou moins forts. Si le LOC est une condition nécessaire au sentiment de contrôle (Alloy et al., 1993),
il n’en est pas une condition suffisante.
Enfin, les littératures sur le besoin de contrôle et sur la norme d’internalité, quant à elles, intro-
duisent implicitement la question de la valeur que l’individu accorde à l’internalité. La première
aborde sa valeur pour l’individu lui-même, qui non seulement se perçoit ou se sent en contrôle,
mais se veut en contrôle. La littérature sur la norme d’internalité étudie pour sa part la valeur sociale
de l’« acteur contrôlant » : le contrôle étant socialement désirable, la norme conduit l’individu à se
présenter comme interne. Dans sa dimension normative, l’internalité présente une dimension supplé-
mentaire : elle inclut une dimension stratégique de réponse à des attentes de nature sociale.
Ces distinctions conceptuelles sont résumées dans le tableau n° 2.

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Tableau n° 2
Des approches variées de l’internalité selon les théories
et concepts de la psychologie du contrôle

Littérature Objet Type de lien Nature


d’appréciation individu-objet du lien subjectif
Attributions Evénement observé Lien de causalité (plus Explication, analyse
rarement, intentionnalité)
LOC Renforcement espéré Existence d’une Perception de l’existence
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relation causale binaire de cette relation
entre comportement et
renforcement (oui/non)
Perception de Résultat visé Possibilité de contrôle du Croyance en sa possibilité
contrôle, sentiment résultat de contrôle, confiance en
de contrôle son contrôle
Sentiment d’efficacité Comportement requis Capacité à exécuter Croyance en ses capacités
personnelle correctement le
comportement
Besoin de contrôle, Valorisation du contrôle,
norme d’internalité préférence pour le contrôle

4.2. Apports de la psychologie du contrôle au cadre conceptuel


et aux pratiques du contrôle de gestion
Ce recensement permet en premier lieu d’élargir le cadre conceptuel du contrôle de gestion, en mon-
trant l’importance et la complexité des processus cognitifs en jeu. Lors des phases de contractualisation
puis d’évaluation des performances, les représentations de tous types que les personnes impliquées23 se
font du contrôle des objectifs ou des résultats ne peuvent être négligées. Par exemple, on peut penser
que, dans un contexte de marché plus défavorable que la prévision, un manager interne (LOC) ou
avec un sentiment de contrôle élevé ou encore avec un fort sentiment d’efficacité personnelle aura une
perception de contrôlabilité supérieure à celle d’un manager externe dans les mêmes conditions. Ces
perceptions de contrôlabilité, au-delà de la contrôlabilité « objective », auront une influence sur le
comportement du manager. La recherche en psychologie du contrôle montre aussi que ces processus
cognitifs sont susceptibles d’avoir des impacts sur la motivation, la performance ou la santé au travail.
Les enjeux sont donc importants.
Très concrètement, la connaissance des biais cognitifs est utile pour remettre à leur juste place
les représentations des uns et des autres et éviter des projections souvent infondées qui nuisent au
dialogue hiérarchique ou de gestion : par exemple, le biais acteur-observateur est un effet inéluctable
de la situation d’évaluation. Plutôt que de chercher un consensus improbable sur les causes d’une
performance inférieure aux attentes, le dialogue pourrait s’attacher plutôt à trouver un accord sur les
actions à entreprendre.

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LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE »
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Avoir conscience des biais cognitifs permet également, sinon de les éviter, du moins d’être vigilant.
Par exemple, il est utile de savoir que chaque évaluateur, « pris » dans la norme sociale, aura tendance
à valoriser les explications internes et donc, à surévaluer un collaborateur qui saurait utiliser la norme
à des fins d’auto-présentation (expliquer tous les efforts qu’il a faits, par exemple). Inversement un
collaborateur moins stratégique risque d’être moins bien jugé. Accroître cette conscience participe
d’un souci d’équité dans le jugement des managers.
La conscience de ces biais invite aussi l’évaluateur à se demander dans quelle mesure l’internalité
qui lui est présentée est le reflet de la perception authentique de l’évalué et la probabilité d’une mise
en mouvement de l’acteur. Une internalité de pure façade n’est pas un gage de mise en mouvement ;
inversement, fournir une explication externe ne veut pas forcément dire que l’acteur va rester passif.
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Tout ceci nous conduit à discuter l’association proposée par Birnberg et al. entre contrôlabilité
« comptable » et attributions intentionnelles (fondées sur la perception par l’observateur que « l’acteur
a le contrôle de son activité ») (1977, p. 197). D’une part, il existe autant de perceptions (nécessaire-
ment subjectives) de la contrôlabilité que de personnes impliquées dans l’évaluation. Aligner la notion
de contrôlabilité sur la perception du seul observateur nous parait très réducteur : ce qui importe
pour comprendre l’influence du système de contrôle de gestion sur les comportements, c’est avant
tout la perception de l’acteur. Par ailleurs, le biais acteur-observateur influence les attributions, et au-
delà les perceptions respectives d’intentionnalité. Enfin, notre recensement suggère que la perception
de contrôlabilité est susceptible d’être activée, non seulement a posteriori (attributions) mais aussi a
priori (LOC, besoin de contrôle, adhésion à la norme d’internalité etc.). Pour toutes ces raisons, le
lien entre contrôlabilité (plus exactement, perceptions de contrôlabilité) et concepts de psychologie
du contrôle apparait plus complexe que celui suggéré par Birnberg et al. (1977).
Au-delà de cet impact sur les pratiques d’évaluation, on peut faire l’hypothèse que le contrôle
de gestion est un véhicule discret mais efficace de l’idéologie selon laquelle l’internalité est de valeur
sociale supérieure. L’hypothèse implicite mais fondatrice de la contractualisation et de l’évaluation est
une attribution interne de la part de l’évalué, condition préalable à son appropriation des objectifs et à
sa mise en mouvement. On peut penser qu’au-delà des systèmes eux-mêmes, les réunions budgétaires
et de suivi de performance contribuent à diffuser la norme d’internalité.

4.3. Pistes thématiques et méthodologiques pour la recherche


en contrôle de gestion
Afin d’opérationnaliser les propositions précédentes, nous donnons quelques exemples de probléma-
tiques que la recherche en contrôle de gestion pourrait utilement étudier.
Concernant les attributions, les travaux de contrôle de gestion précédemment cités fournissent de
nombreuses hypothèses qui restent à valider, ainsi que des pistes de recherche diverses : quelle est la
capacité des supérieurs à s’affranchir des « biais attributionnels » ? Existe-t-il des prédispositions pour
certains types d’attributions instables et des « patterns » attributifs ? Quelle est l’influence des attribu-
tions dans les décisions d’investigation des écarts ? En quoi le « caractère » du subordonné influe-t-il
dans les attributions de son supérieur ? Le « management par exception » favorise-t-il la perception
des échecs au détriment de celle des réussites ? Quel est l’impact de la manière dont les résultats sont
communiqués sur les attributions (Birnberg et al., 1977) ? Toujours sur l’attribution, certaines études

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empiriques font état de résultats divergents (est-ce l’explication en termes d’effort ou de compétence
qui influence le plus la récompense/punition ?) qu’il serait utile de continuer à explorer. Si le biais
acteur-observateur a été confirmé dans les situations de contrôle de gestion, la recherche pourrait
s’attacher à mettre en évidence le biais de complaisance dans ces situations. De même, des recherches
pourraient s’intéresser aux stratégies d’auto-présentation « modestes », qui sont l’exact opposé du biais
de complaisance, pour mettre en évidence leur impact sur les perceptions et décisions hiérarchiques.
Si la recherche a permis d’établir qu’une participation budgétaire adaptée au LOC de l’acteur
augmente la performance, ce concept pourrait également servir à analyser les attitudes des managers
et des contrôleurs lors de la contractualisation autour des objectifs de performance. Un LOC externe
peut-il expliquer des réticences à prendre en charge des objectifs de performance ambitieux ? Un
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LOC interne peut-il expliquer une meilleure appropriation du système de contrôle de gestion, même
lorsque le principe de contrôlabilité n’est pas complètement appliqué ? Les contrôleurs de gestion
présentent-ils un LOC plus interne que d’autres populations ?
Les concepts de perception de contrôle, sentiment de contrôle et sentiment d’auto-efficacité
offrent des pistes encore plus riches pour comprendre le rapport subjectif des managers à leur possibi-
lité de contrôle (contrôlabilité), car contrairement au LOC, ce ne sont pas des concepts binaires – leur
intensité peut être plus ou moins forte. Par ailleurs, ils appréhendent la subjectivité au-delà de la seule
question de la « perception » des choses, en intégrant des nuances dans les croyances des personnes et
leurs valeurs, dans lesquelles une dimension affective est présente.
La recherche en contrôle de gestion pourrait ainsi s’intéresser aux facteurs situationnels qui déter-
minent, renforcent ou modèrent ces sentiments afin d’enrichir les dispositifs de gestion. Par exemple,
valider dans le champ du contrôle de gestion les résultats de la psychologie du contrôle qui montrent
que le sentiment de contrôle est plus fort quand l’échéance du résultat est temporellement plus
proche, quand le résultat visé a une fréquence d’apparition plus forte et qu’il est exprimé de façon
positive, pourrait tracer des pistes bénéfiques à la démarche de contractualisation. La recherche pour-
rait également s’intéresser aux facteurs personnels qui influencent, dans les situations de gestion, les
perceptions (ou sentiments) de contrôle (ou d’efficacité personnelle) : l’âge, l’ancienneté, le niveau
hiérarchique, la personnalité ont-t-ils une influence sur ces perceptions et quels en sont les impacts
sur les attitudes dans le processus de contractualisation des objectifs ?
Spécifiquement, les travaux de Bandura sur l’impact de la persuasion par autrui et des expériences
vicariantes sur le sentiment d’efficacité personnelle indiquent que le rapport au contrôle n’est pas seule-
ment une question de personnalité (comme le pose la théorie du LOC), mais qu’elle dépend également
de l’attitude d’autres acteurs. La recherche en contrôle de gestion pourrait s’intéresser à l’influence de
la posture et des arguments du supérieur lors de la fixation des objectifs, mais également à celle de la
qualité des échanges avec les pairs autour des modèles de performance sur la perception par les mana-
gers de leur contrôlabilité des résultats attendus (objectifs). De façon moins conjoncturelle, en quoi la
qualité de la relation qui s’est construite entre le manager et sa hiérarchie influence-t-elle les perceptions
de contrôlabilité (impact d’un sentiment de confiance, d’un rôle de mentorat de la part du supérieur
etc.) ? L’impact des états physiologiques et émotionnels, également dégagé par Bandura, pourrait quant
à lui inspirer une recherche sur le rôle des conditions temporelles et matérielles de la contractualisation.
Les effets de la perception ou du sentiment de contrôle ouvrent également des pistes intéressantes
pour le contrôle de gestion : les travaux contrastés sur les effets de la privation de contrôle (impuissance

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acquise, anxiété, perte d’estime de soi, mais aussi accroissement de la vigilance et de la mobilisation)
permettraient par exemple d’explorer plus finement l’impact du non-respect du principe de contrôla-
bilité sur les managers. Plus largement, dans quelle mesure les instruments de gestion, qui incarnent
à la fois les exigences de performance mais aussi la limite des ressources, contribuent-ils à l’émergence
d’un sentiment de perte de contrôle ? Dans quelles conditions (à la fois organisationnelles et per-
sonnelles) les effets en sont-ils stimulants ou toxiques ? Ces questions de recherche contribueraient à
éclairer la double dimension des outils de gestion, contrainte et habilitation (Ragaigne et al., 2014),
également à expliquer et comprendre le lien entre l’explosion des risques psycho-sociaux de la dernière
décennie et les exigences croissantes de performance des organisations (Ancelin-Bourguignon, 2018).
Enfin, les concepts de besoin de contrôle ou de norme d’internalité, jusqu’à présent ignorés de
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la recherche en contrôle de gestion, posent la question de la valorisation du contrôle (de la contrôlabi-
lité) par les personnes, sur un plan individuel ou social. Le besoin de contrôle, le degré d’adhésion à la
norme d’internalité peuvent-il expliquer des différences dans le niveau d’appropriation, par les mana-
gers, des systèmes de contrôle de gestion ? Jusqu’où l’histoire personnelle des managers explique-t-elle
des besoins et attitudes (besoin de sécurité, quête de réalisation, etc.) pouvant impacter différemment
leur jugement de contrôlabilité ?
Par ailleurs, la recherche pourrait tenter de valider notre hypothèse selon laquelle le contrôle de
gestion serait un véhicule de la norme d’internalité. Peut-on faire un parallèle entre contrôleurs de
gestion et professeurs des écoles, qui, contribuant à la reproduction de cette norme, y adhérent néces-
sairement ? Comment les contrôleurs réagissent-ils face aux explications externes ? Sous quelle forme
la norme s’exprime-t-elle dans les interactions, en particulier dans les réunions de performance ?
Jusqu’à présent, la recherche en contrôle de gestion a plutôt mobilisé séparément les concepts
ex ante et ex post de la psychologie du contrôle – sans doute en écho au fait que ces sujets de
recherche sont eux-mêmes le plus souvent disjoints dans le champ de la psychologie. Or le caractère
dynamique et cyclique du processus de contrôle de gestion (planification/action/suivi des résultats/
actions correctives/replanification) amène à s’interroger sur les impacts mutuels du sentiment de
contrôle ex ante sur les évaluations et réciproquement. Nous l’avons vu, certains travaux de contrôle
de gestion ont tenté de modéliser ces processus « en boucle », en cherchant notamment à comprendre
comment les attributions liées à une période donnée impactent les comportements, les attentes et
perceptions ex ante de la période suivante. Ces travaux gagneraient à être développés et à mobiliser
les quelques travaux de psychologie du contrôle faisant cette articulation (notamment les théories de
l’apprentissage social dans lesquelles s’inscrivent Rotter et Bandura, qui soulignent l’impact de l’expé-
rience effective de maîtrise sur le renforcement du LOC ou du sentiment d’efficacité personnelle). Par
exemple, la façon dont le supérieur donne (ou non) des signes de reconnaissance lors des feedbacks
sur la performance impacte-t-elle le sentiment de contrôle pour les périodes ultérieures ? En quoi
l’agenda des réunions périodiques de performance et la qualité des outils d’information sur lesquels
elles s’appuient favorisent-ils un dialogue de gestion qui soit source d’apprentissage et de renforce-
ment du sentiment de contrôle chez les managers ?
Enfin, la psychologie du contrôle appelle quelques considérations méthodologiques pour la
recherche en contrôle de gestion. En premier lieu, dans la mesure où les différents concepts portent
sur des objets différents (le LOC apprécie le contrôle d’un individu sur un renforcement, le senti-
ment de contrôle sur un résultat, le sentiment d’efficacité sur un comportement), leur mobilisation

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LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE »
32 À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION

requiert une vigilance particulière pour garantir la cohérence entre objets d’investigation empirique
et concepts mobilisés.
Par ailleurs, il nous parait utile de dépasser les méthodes dominantes en psychologie du contrôle
(expériences et questionnaires) : si les méthodes expérimentales peuvent éclairer sur des questions de
recherche assez simples, leur capacité à contribuer à construire de la connaissance nous paraît limitée
dans les situations complexes qu’elles modélisent souvent imparfaitement. Des recherches qualita-
tives nous semblent donc nécessaires pour prendre en compte cette complexité. Par exemple, il est
très difficile de faire la différence entre internalité stratégique et internalisée intériorisée. Comment
savoir si ce qui est dit (a fortiori dans les réponses à un questionnaire) correspond aux représentations
authentiques de la personne ? Par ailleurs, il ne suffit pas toujours de se sentir cause/responsable pour
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avoir envie d’agir et inversement, reconnaitre l’importance du contexte n’exclut pas la volonté d’agir.
Par exemple, reconnaitre que l’on n’a pas fait assez d’efforts (explication interne) ne préjuge en rien
de la volonté de faire des efforts supplémentaires ; et ce n’est pas parce qu’une personne explique que
son retard est dû à celui du train (explication externe) qu’elle ne partira pas plus tôt la prochaine fois.
Il convient donc d’être prudent vis-à-vis du présupposé, largement impensé, selon lequel les « bons »
managers sont ceux qui se sentent causes de leurs résultats. Ici les limites ne portent pas tant sur le
concept d’internalité que sur les présupposés qui le fondent et qui expliquent son importance dans les
pratiques d’évaluation. Des recherches qualitatives nous paraissent propices pour éclairer ces hypo-
thèses et comprendre les conditions qui génèrent ces différentes dynamiques.
La complexité des situations de gestion, c’est aussi leur contextualisation. Il serait ainsi intéressant
d’étudier les questions précédemment mentionnées en lien avec, par exemple, la culture de l’organi-
sation et la force de son adhésion à la norme d’internalité, le degré respectif de cette même adhésion
par les différents protagonistes de l’évaluation, ou encore le contexte de performance dans lequel
contractualisation et évaluation prennent place (l’entreprise obtient-elle de bons résultats ? quelle est
la tendance récente ?).
Enfin, si des recherches quantitatives complèteraient utilement le test de toutes les hypothèses de
Birnberg et al. (1977), il nous semble prudent de conduire au préalable des recherches exploratoires
qualitatives : au plus près des pratiques, elles sont peut-être plus propices à la production d’hypothèses
qui, au-delà de la progression de la connaissance pure, puissent être directement utiles aux praticiens.
Toutes ces pistes de recherche peuvent servir à la fois un objectif scientifique (faire progresser la
connaissance) et un objectif praxéologique. En éclairant les pratiques, elles permettront peut-être de
mieux concevoir les dispositifs, mais surtout d’en comprendre leurs limites.

Discussion et conclusion
Cet article conceptuel a présenté l’état de l’art des recherches en contrôle de gestion inspirées par les
concepts et travaux de psychologie sociale étudiant le rapport complexe de l’individu au contrôle – que
nous avons appelé ici, à la suite de Nicole Dubois (1987), « psychologie du contrôle ». Ce domaine de
recherche, qui s’intéresse aux dimensions cognitives du pouvoir d’agir, nous semble en effet offrir un
complément indispensable à tous les travaux qui étudient la dynamique motivationnelle du contrôle
de gestion – la motivation à agir reposant généralement sur une représentation, une croyance, un

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LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE »
À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION 33

besoin etc. de contrôle de la situation mise en chiffres par le contrôle de gestion. Nous avons montré
que les recherches en contrôle de gestion qui mobilisent la psychologie du contrôle sont rares et se
sont limités à en « importer » trois concepts (attribution, LOC, sentiment d’efficacité personnelle).
Après avoir élargi le champ des concepts disponibles (besoin de contrôle, sentiment de contrôle,
norme d’internalité etc.), nous avons proposé de multiples pistes de recherche et recommandé l’usage
de méthodologies qualitatives propices à l’étude des situations complexes de gestion. Notre recense-
ment suggère aussi un élargissement du cadre conceptuel du contrôle de gestion et quelques pistes
pour les pratiques.
La longueur de cet article est motivée par son caractère interdisciplinaire. Intégrant de manière
proactive deux disciplines (Klein, 2010), de tels articles supposent une double revue de littérature.
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Par ailleurs, il s’agit de faciliter pour le lecteur l’entrée dans une « maison » vraisemblablement incon-
nue. Nous avons fait de notre mieux pour limiter au strict nécessaire les détails de la présentation des
concepts de psychologie du contrôle, mais il n’est pas possible d’en éviter totalement la dimension
didactique – sauf à rester dans des généralités qui ne nous auraient pas permis d’atteindre les objectifs
que nous nous étions fixés, à savoir l’élaboration de pistes de recherche précises pour le contrôle de
gestion. Toutefois, nous pensons que c’est aussi l’emprunt à cet univers radicalement « autre » qui
fait l’originalité et la fertilité de notre contribution. A notre connaissance, il s’agit également de la
première synthèse francophone de la recherche anglophone en contrôle de gestion inspirée par la
psychologie du contrôle.
Nous avons conscience que ce champ de la psychologie du contrôle contient de multiples autres
résultats qui pourraient être utiles à de futures recherches en contrôle de gestion. Si notre présen-
tation peut servir de premier repérage à des chercheurs du domaine qui souhaiteraient poursuivre
cette première exploration, elle mérite d’être complétée par une revue de littérature plus ciblée.
C’est en particulier le cas des recherches qui chercheraient à comprendre la dimension interculturelle
des processus décrits ci-dessus – puisque, pour des raisons de place, nous n’avons pu que mentionner
très brièvement ici cette dimension des concepts de psychologie du contrôle.
Enfin ces concepts ont également été étudiés en relation avec d’autres concepts de psychologie
sociale. En psychologie, la recherche a ainsi montré que les attributions sont au service de l’estime
de soi : une explication interne renforce l’estime de soi, tandis qu’une explication externe permet de
la protéger (McFarland et Ross, 1982). Autrement dit, le processus d’auto-attribution en contrôle
de gestion pourrait être un phénomène encore plus complexe que celui a été précédemment décrit.
On peut également remarquer que le « besoin de contrôle » peut également s’entendre comme un
besoin de feedback et de supervision (étudié par une toute autre littérature) susceptible d’interagir
avec le besoin précédemment cité : comment s’articulent le besoin de cadre et celui de se sentir per-
sonnellement acteur ?
Globalement, nous espérons avoir montré la complexité des phénomènes psychologiques en jeu
dans les situations de contrôle de gestion et invité à considérer les dispositifs de contrôle de gestion
comme des objets médiateurs de relations sociales dans lesquelles chacun, à partir de la place parti-
culière qu’il occupe dans un environnement spécifique, déploie pleinement sa subjectivité singulière.

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LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE »
34 À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION

Notes 7. Attentes stéréotypées ou normatives liées à l’ap-


partenance à une catégorie, attentes liées à la
1. La psychologie sociale est la branche de la psy- personnalité ou aux comportements passés de la
chologie qui étudie le « comportement social » : personne.
« comment nous percevons les autres et les situa-
8. Voir par exemple Gioia et Sims (1985), Mitchell
tions sociales, comment nous réagissons face aux
et al. (1981), Tjosveld (1985) ou Wood et Mitchell
autres (et inversement) et plus généralement,
(1981).
comment nous sommes affectés par les situations
sociales » (Sears et al., 1991, p. 2). La psychologie 9. Cette troisième dimension de contrôlabilité est
du contrôle fait partie des recherches qui s’inté- synonyme d’« intentionalité ». C’est ce qui permet
ressent à la « cognition sociale », catégorie qui de comprendre le concept de cause externe contrô-
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correspond à la première des dimensions de la lable, comme une cause extérieure à l’individu
définition ci-dessus. S’il existe donc une frontière mais dont autrui a le contrôle (Weiner, 1979).
poreuse entre psychologie sociale et psychologie C’est aussi ce qui explique, dans ce tableau, la caté-
cognitive, également dans une moindre mesure gorisation des compétences et de la fatigue parmi
entre psychologie sociale et psychologie du travail les causes incontrôlables (non-intentionnelles).
(comme on le verra plus loin), la distinction entre 10. Ainsi un historique de bonnes performances favo-
ces deux dernières branches est toutefois bien éta- rise des explications en termes de compétence,
blie en psychologie. d’effort stable ou de diligence.
2. Plus de détails sur ces théories dans Deschamps 11. Pour mémoire, les acteurs (subordonnés) tendant à
(1996a), Hewstone (1989), Cerclé et Somat percevoir les causes externes (comme de mauvaises
(1999). conditions de travail), alors que les observateurs
3. Pour une discussion complète sur la critique de (supérieurs) perçoivent plutôt les causes internes,
cette dichotomie, voir Dubois (1994), p. 36 et s. comme le manque d’effort.
4. Alloy et al. (1993) distinguent les erreurs des 12. Invalidant ainsi l’hypothèse selon laquelle, dans
biais : les premières ont un caractère ponctuel leurs attributions initiales, les supérieurs feraient
tandis que les seconds correspondent à une distor- davantage référence à des causes stables, tandis que
sion systématique dans le même sens. Selon cette les subordonnés feraient davantage d’attributions à
conception, l’erreur fondamentale d’attribution des causes instables.
correspond davantage à un biais qu’à une erreur. 13. Les auteurs imputent cet écart au dispositif métho-
5. Pour une discussion plus complète des biais attri- dologique.
butifs, le lecteur pourra consulter Cerclé et Somat 14. Le terme anglais « expectation » peut être traduit
(1999, p. 220 et s.) ainsi que Deschamps (1996a en français soit par cette idée d’« anticipation »,
et b). soit par celle d’« attente ». La seconde induit une
6. Ils dégagent ainsi cinq types de situations dans idée de désirabilité qui semble plus cohérente avec
lesquelles, bien que l’individu ait été agissant le fait que l’anticipation porte sur un renforce-
(cause), l’attribution ne sera pas personnelle : (i) ment, donc un objet suscitant une certaine désira-
l’effet non voulu (l’acteur n’était pas conscient bilité. Pour autant, le concept de Rotter contient
des effets de son action), (ii) l’absence de liberté aussi une idée plus neutre : la personne établit-elle
(la situation imposait une unique solution), (iii) un lien entre son comportement et l’occurrence
la désirabilité sociale (l’acteur est mû par la dési- d’un renforcement ? Pour cette raison, nous gar-
rabilité sociale des effets de son action), (iv) la derons le terme expectation dans le texte, malgré
contrainte de rôle (l’acteur, du fait de son rôle, l’anglicisme, afin de préserver sa spécificité. Nous
était tenu d’agir en ce sens), (v) l’intérêt (l’acteur verrons toutefois dans la partie 4 qu’il s’agit là
avait intérêt à agir ainsi du fait de sa relation avec davantage que d’une simple question de précision
l’observateur). linguistique.

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LES APPORTS DE LA « PSYCHOLOGIE DU CONTRÔLE »
À LA RECHERCHE EN CONTRÔLE DE GESTION 35

15. Pour une synthèse, voir Dubois (1987), p. 17 à 22. que d’un effet de genre qui, en Occident comme
16. Le lecteur peut être induit en erreur à la lecture de en Orient, conduirait les femmes à se montrer
ce terme ambigu, qui pourrait désigner un besoin moins internes que les hommes. Autrement dit, la
d’être contrôlé. Il désigne ici une idée différente : le norme semble loin d’être universelle.
besoin de l’individu de contrôler son environne- 23. Les supérieurs hiérarchiques, leurs subordonnés
ment. (les acteurs), mais aussi les contrôleurs de gestion
17. Ainsi penser qu’un baccalauréat scientifique est qui animent les processus de pilotage.
meilleur qu’un baccalauréat littéraire n’exprime
pas une vérité mais traduit une utilité sociale
(le baccalauréat scientifique est plus désirable parce Bibliographie
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que les possibilités d’orientation sont plus nom-
breuses lorsqu’on possède ce diplôme). Adler, A. (1930). Pratique et théorie de la psychologie
individuelle comparée. Paris: Editions Payot.
18. Voir Dubois (1994) pour de plus amples détails.
Alloy, L. B., Clements, C. M., Koenig, L. J. (1993).
19. Les normes sociales de comportements définissent
Perceptions of control: Determinants and mecha-
un ensemble de conduites qu’il convient de tenir
nisms. In Control Motivation and Social Cognition
ou au contraire, de ne pas tenir dans un contexte
(Eds, Weary, G., Gleicher, F. H., Marsh, K. L.).
donné, alors que les normes sociales de jugement
New York: Springler-Verlag, 33-73.
ont pour objet des opinions ou des croyances.
Ancelin-Bourguignon, A. (2018). Le contrôle de
20. La recherche identifie toutefois aussi des stratégies
gestion du XXe siècle tardif : ce qui a (hélas) vrai-
d’auto-présentation « modestes », dans lesquelles
ment changé. In L’histoire comme méthode pour
les échecs sont expliqués par des causes internes
comprendre le management. Mélanges en l’hon-
et les réussites par des causes externes (Dubois,
neur du Professeur Marc Nikitin (Eds, Floquet,
2000).
M, Labardin, P., Levant, Y.). Paris: L’Harmattan,
21. Concrètement, une pratique d’éducation libérale 123-141.
consistera à dire à un enfant qu’à l’école, il travaille
Anthony, R.N. (1988). The management control func-
pour lui-même et qu’il construit son avenir, par
tion. Boston: Harvard University Press.
opposition à une pratique dite d’affirmation du
Antle, R. et Demski, J. (1988). The controllabi-
pouvoir incluant des récompenses et punitions
lity principle in Responsibility Accounting. The
(en fonction des résultats obtenus) et/ou à une pra-
Accounting Review 63: 700-718.
tique dite de « retrait d’amour » – plus de détails
dans Dubois (1994, p. 176 et s.). Ashkanasy, N. M. (1989). Causal attribution and
supervisors’ response to subordinate performance:
22. La place manque ici pour développer une dis-
The Green and Mitchell model revisited. Journal of
cussion sur la dimension culturelle de l’envi-
Applied Social Psychology 19 (4): 309-330.
ronnement. Signalons toutefois que la norme
d’internalité a été associée au modèle occidental Averill, J. (1973). Personal control over aversive sti-
individualiste du sujet (Cohen-Emerique, 1990 ; muli and its relationship to stress. Psychological
Dubois et Beauvois, 2005). En écho, de nom- Bulletin 80: 286-303.
breuses recherches interculturelles qui mobilisent Bandura, A. (1977). Self-efficacy: Toward a unifying
soit le LOC, soit l’attribution ont montré que theory of behavioural change. Psychological Review
l’internalité est moins prégnante dans les cultures 84: 191-215.
asiatiques (Chine, Inde etc.) – voir par exemple Bandura, A. (2003). Self-efficacy, the exercise of control.
Spector et al. (2004) ou Miller (1984). Crittenden New York: Freeman & Company.
(1991) suggère l’existence d’une norme d’efface- Beauvois, J. L., Deschamps, J.C. (1990). Vers la
ment de soi qui serait, en Extrême-Orient, symé- cognition sociale. In Traité de psychologie cognitive.
trique de la norme d’internalité en Occident, ainsi Vol. 3 Cognition, représentation, communication

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