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L'IDÉOLOGIE DE LA TRANSPARENCE DANS L'AUDIT : UNE APPROCHE

DE SA DIMENSION MÉDIATIQUE

Jacques-Olivier Charron

Association Francophone de Comptabilité | « Comptabilité Contrôle Audit »


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2004/3 Tome 10 | pages 105 à 131
ISSN 1262-2788
ISBN 2711734234
DOI 10.3917/cca.103.0105
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2004-3-page-105.htm
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Jacques-Olivier Crnnnor
rIDÉOLOGIE DE LATRANSPARENCE DANS I:AUDIT :
UNE A?PROCHE DE SA DIMENSION MÉDiANQUE

Lidéologie de la transparence
dans I'audit :
u,ne aPproche dÊ sa dimsnsion
rnédiatique
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Jacques-Olivier CunnRoN

(onespndome: Jacques-OlivierCnanroN
Email : ich4nsn@magic.fr
JacquesOlivier. Charro n@tns-global. com

CoMsraltrxrÉ - CoNrRôrc - ArrDrr / Numéro thématique - Juin 2004 (yt. 105 à 131)
Jacquc-Olivier CnannoN
LIDÉOLOGIE DE IJ,TRANSPARENCE DANS TJAUDI'T :

106 UNE APPROCHE DE SA DIMENSION MÉ,DTAIIQUE

ilW Introduction
La transparence fait partie de ces notions, au fond assez rares, qui rencontrent spontanément une
approbation quasi unanimel. On peut trouver à ce fait singulier bien des explications, qui vont de l'aÊ
finité avec ce qu'on pourrait appeler l'idéologie professionnelle du journalisme (que l'on songe à toute
la mphologie du'Watergate, affaire à laquelle la faillite d'Enron a été comparée) à la montée en puis-
sance des organismes de régulation et de conuôle (ce que Power [1999) a appelé I'u explosion de I'au-
dit ,) dont c'est l'objectif proclamé, en pzusant par le brouillage des frontières du public et du privé
dont témoignent des phénomènes comme le succès de la n télé-réalité r. Il est devenu uès difficile de
défendre ouvertement le droit de préserver un secret ou de ne pas répondre à une question.
I-lacception contemporaine la plus courante du terme dans le débat social (au sens large) peut s'ex-
primer en effet comme suit : c'est le fait de donner I'information. Non pas dzl'information, mais l'in-
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formation, autrement dit toute I'information que l'on peut donner. Et là se posent demblée une série
de questions : quelle information ? donnée par qui ? à qui ? pour en faire quoi ? Bon nombre (si ce
n'est la plupart) des articles, discours, livres, proclamations diverses qui font l'éloge de la transparence,
qui en invoquent les vertus, qui la réclament à cor et à cri se gardent bien de répondre précisément à
ces questions, pourtant élémentaires.
Or il semble que cela ne nuise en rien à la popularité de la notion. Bien au contraire : le flou, les
ambiguités, la polysémie qui la caractérisenÉ paraissent plutôt y contribuer, en permettant notarm-
ment à des publics aux attentes diftrentes et/ou imprécises d'y adhérer.
Dans le monde de l'audit (et, plus largement, du contrôle et de la régulation du capitalisme), l'idée
selon laquelle la transparence doit être un mot d'ordre est, depuis I'affaire Enron, devenue un pont aux
ânes. C'est une bonne raison pour tenter de l'éclaircir, et surtout tenter de comprendre la portée et le
sens de la montée en puissance de ce terme. C'est ce que se propose cet afticle.
Pour y arriver, nous âvons voulu d'abord prendre la mesure du phénomène grâce à quelques coups
de sonde dans des bases de données, avant d'en étudier la signification à partir de l'analyse d'un
ensemble d'anicles de presse3 puis de dessiner les contours de la transparence en tant qu'idéologie.

$Nffiffi Territoire
lritffirl I-?association trnnspaf,ence-audit dans la littérature académique
Qu*d on part à la recherche, dans les revues de management et d'audit, de réflexions consacrées à la
transparence dans le contexte de l'audit, le résultat est décevant. Sur F,conlit4, la requête o audit and
(transparency or transparence) , ne donne aucun résultat sur le premier semestre 2003, et un seul sur
la période allant du 1" janvier 2001 au 30 juin 20035. Sur Dissertation Abstracts, aucun résultat pour
I'ensemble de I'année 2OO2 et le premier semestre 2003 (quatre résultats en remplaçant u audit o par
< accounting >).

Sur Business Source Premier6, qui archive une plus grande variété de publications, nous avons
cherché à comparer la fréquence des utilisations du terme ( transpârency )) arrec celle de termes

CoMnirs[n'É - (bNrRôt^t - Auon / Numéro thématique - ]utn 2004 (p. 105 à 131)
Jacqua-Olivier Crnnnon
LIDÉOLOGIE DE IâTRANSPARENCE DANS LAUDI]' :
UNEA?PROCHE DE SA DIMENSION MÉDIATIQUE ro7
proches : < disclosure D, qu'on peut ûaduire par divulgation, dévoilement (de ce qui était caché), et
< acôountability r, terme parfois réputé intraduisible mais qui signifie le fait de devoir rendre des
corqPæs (dans un sens qui est loin dêtre seulement compable), de pouvoir êue tenu pour respon-
sable des résultats obtenus dans son acdvité et, pour cela, de devoir se soumetrre à des contrôles en
livrant aux contrôleurs I'information qu ils demandentT.
Nous avons donc fait des requêtes u audit and transparency D, ( audit and disclosure u et u audit
and accountability > sur tout le texte des articles des revues à comité de lecture dans la base ; pour se
donner une idée de la variation dans le temps des fréquences de ces rermes, l'opération a été rédisée
pourchaquetrimesresurlapériodeallantdu le' janvier200I au30 juin 2003,cequidonnelesrésul-
tats indiqués dans le ableau l.

termela:lti#"
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Fréquence des associations de trois .. audit ), dans Business source premier
Audit and transparency Audit and disclosure Audit and accountability
1er trimestre 2001 48 1t9 88
2e trimestre 2001 JI 83 70
3e trimestre 2001 23 68 71

4e trimestre 2001 27 95 41

I er trimestre 2002 29 103 69


2e trimestre 2002 48 87 71

3e trimestre 2002 49 90 74
4e trimestre 2002 27 78 71

1er trimestre 2003 M 122 81

2e trimestre 2003 37 78 48

< Thansparency , appæaît constamment beaucoup moins utilisé que ,, disclosure D, et moins
qu'< accounabiliry >. Une explication possible est que u disclosure > est un terme plus technique,
moins susceptible dêue connoté idéologiquement que ( transparency >, et que u accountability u est,
dans ce çype de littérature, plus souvent conceptualisé que u transparency D.
La notion, au fond, ne joue pas un grand rôle dans les textes à prétention théorique8. Nous étudie-
rolts néanmoins deux cas otr elle est investie et traitée comme un concept, .t qt'ri nous paraissent
présenter qn intérêt dans la mesure oh ils expriment chacun de façon rigoureuse deux acceptions du
terme, permettant de mieux saisir l'ambigulté qui I'autorise à être investi positivement par différents
publics.
Peroai et von Thadden (2003) étudient la u uansparence stratégique > comprise comme ce qui,
dans la pratique de diffirsion de l'information par les entreprises, .r. iié11.,rrutru.tur. de direction et
de conuôle. Cela leur permet de mettre I'accent sur ce qui est durable, suucturel dans cette pratique,
parce que déterminé par les préférences des agents qui exercent un contrôle sur la firme, iest-à-dire
soit les investisseurs dominants et actifs des marchés financiers, soit les prêteurs er aurres apponeurs
de capitaux (banques, famille dans le cas d'entreprises familiales, etc.). Ils exposent un modèle
monûant à la fois que le cpntrôle par les marchés induit un plus grand degré de transparence qu'un

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Jacques-Olivier CHÂRRoN
DÉOLOGIE DE LA TRANSPARENCE DANS I]AIJDI'I'
I]t :
108 UNE APPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIATTQUE

contrôle par les prêteurs et (plus original) que, lorsque des entreprises obéissant à ces deux logiques
distinctes sont directement lnises en concurrence, celles qui sont contrôlées par les prêteurs se voient
contraintes d'élever leur degré de transparence, ce qui augmente le degré de concurrence, contrarie les
préférences de prêteurs soucieux de préserver un ceftain degré de secret et de stabilité et constitue au
final une forte incitation pour elles à se rallier au contrôle par les marchés. On peut dire que ces écono-
misres proposenr une explication hautement formalisée de la diffusion du modèle anglo-saxon de la
( corporare governance , dans les grandes enffeprises allemandes ou japonaises habituées à dautres
pratiques. La transparence est ici liée organiquement à la dépendance des entreprises envers les
marchés financiers : elle exprime le fait que I'entreprise doit donner au marché toute I'information
qu il demande. C'est la conséquence mécanique d'un mode de contrôle.
Radebaugh et Gray (2002) consacrent tout un passage (p. 42 à 68) de leur manuel de comptabi-
lité internationale à l'impact des cultures (au sens anthropologique du terme) des différentes sociétés
sur les ( sysrèmes compables ,. Ils s'attachent à montrer les liens, au sein de chaque société (concrè-
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rement : dans chaque État), enûe des valeurs partagées déterminant préférences et comportements et
des u valeurs comptâbles n sous-tendant la législation et les pratiques de la comptabilité et de l'audit.
Ilopposition transparence / secret est, dâns ce cadre, un des quatre couples d'opposition utilisés pour
classer les valeurs comptables. Combinée avec l'opposition conservatisme / optimisme, elle permet de
positionner les systèmes comptables au regard de leurs pratiques de quantification et de diffirsion de
I'information (Radebaugh et Gray, 2002, p.5l). La transparence est ici un élément d'un système de
préférences caractérisé par I'individualisme, un faible degré de hiérarchie, un haut degré d'o accepta-
tion de l'incertitude > et de tolérance, un souci du court terme plus que du long terme et, dans une
certaine mesure, les u valeurs masculines , (< masculinity r). Dans ce cadre, le degré de diffirsion d'in-
formation comptable par les entreprises fait partie d'une idéologie au sens de Louis Dumont9. C'est
un comportement spontané enraciné dans une culture.
Lexamen comparé de la notion de transparence dans ces dcux textes permet, nous semble-t-il, de
saisir un point important. l,a trânsparence comprise comme instrumentation du contrôle de l'écono-
mie par les marchés financiers ne peut séduire, en dehors des acteurs de ces marchés, qu un public déjà
convaincu de leur efficience. En revanche, la transparence conrprise comme une valeur s'opposant au
secret, à la hiérarchie et bien str à la corruption ou aux manipulations de toutes sortes touche un
public beaucoup plus large.
Comprise comme une norion politique au sens large, la transparence a ceci de particulier qu elle
peut exprimer aussi bien ce que les citoyens ordinaires attendent des pouvoirs en place pour les recon-
naltre comme légitimes et démocratiques (égalité des chances, égalité devant la loi et I'ensemble des
règles de la vie sociale, participation à la chose publique, etc.) que ce que les pouvoirs en place atten-
dent des citoyens ordinaires pour s'assurer qu ils se conforment aux normes qui les légitiment (obliga-
tion de livrer les informations qui permettent de les contrôler, soumission atrx choix exprimés par les
marchés financiers, etc.).

;ifË#riiii Lassociation r.Lnsparence-audit dors la presse


Nous avons eu recours ici à la base de données Factiva ; la recherche s'y est faite avec la requête
suivante : o audit and (transparency or transparence) )) sur tout le texte de l'article, en se limitant aux
régions u Europe > et < Amérique du Nord ,10 et en excluant les nouvelles republiées, les cours et

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Jacques-Olivier Cuennor
LIDÉOLOGIE DE TATRANSPAREÀICE DANS LAUDIT:
TTNEAPPROCHE DE SA DTMENSTON MÉDr.{frQUE r09
donrlées boursières, les nécrologies, les sports, les agendas. Nous avons lancé une requête de ce type
Par trimestre sur la période allant du 1" janvier 2001 au 30 juin 2003. Les résultats figurent dans le
tableau2.
Nous avons ensuite, pour permettre une comparabilité avec les résultats obtenus sur Business
Source Premier, lancé des requêtes o audit and transparency >, < audit and disclosure ,, u audit and
accounebility ) sui les mêmes périodes. ks résultats figurent dans le tableau 3.

Tableau 2
Fréquence de I'association audit-transparence
dans la presse européenne et nord-américaine
Audit and (tnnsparency or transparence)
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1er trimesÛe 2001 213
2e trimestre 2001 206
3€ trimestre 2001 147
4e trimestre 2001 226
'ler trimestre 2002
385
2e trimestre 2002 517
3e trimestre 2002 711
4e trimestre 2002 542
l er trimestre 2003 478
2e trimestre 2003 508

Tableau 3
Fréquence des associations de trois termes au terme a audit r
dans la presse européenne et nord-américaine

Audit and transparency Audit and disclosure Audit and accountability


1er trimestre 2001 124 136 99
2e ûimestre 2001 144 133 97
3e trimestre 2001 104 139 111

4e trimestre 2001 136 173 110


1er trimestre 2002 260 554 252
2e trimestre 2002 375 57s 347
3e trimestre 2002 498 743 453
4e trimestre 2002 372 6M 376
l er trimestre 2003 333 582 352
2e trimestre 2003 392 639 397

Un n effet Enron u est ici repérable. Llaffaire éclate en effet dans les médias à parrir d'ocrobre 2001
(révélations du Wall Street loumaly, et son impact est maximal en mars et avril 2002 (lorsque le réseau

C-oMlrrâBn,rrÉ - CoNrRôIr - Auprr / Numéro thématique -Juin2004 (p.lOj à l3l)


Jacques-Olivier CrnnnoN
LIDÉ,OLOGIE DEIâTRANSPARENCE DANS IAUDIT :
110 UNE A?PROCHE DE SA DIMENSION MÉDhIIQUE

Andersen se disloque ; iest à ce moment que la presse d'informadon générale consacre des dossiers à
la u comptabilité créative ,). À partir du début de l'année 2oo2,lafréquence de l'association des trois
rermes à I'audit atteint un niveau nettement supérieur à celui observé tout au long de I'année 2001, et
ne retombe pas, ensuite, à un niveau inférieur. Il est clair que l'audit a pris une place dans les médias
qu'il n'avait pas auparavant, et que le mouvement ne s'est pas démend au bout d'un an et demi. La
fréquence de n disclosure ,, du même ordre que celle de < ffansparency u jusqu à ûn 2001, augmente
ensuite de façon plus imporrante. La fréquence de u accountability o, légèrement inférieure à celle de
( ransparency D avanr I'affaire nron, arrive ensuite au même niveau et le dépasse de peu sur les trois
derniers trimesûes observés. Dans la période post-Enron, I'audit paralt donc beaucouP plus fortement
associé à sa fonction technique de n révélation , de I'information, et son lien avec la notion d'u accoun-
tability n, à la fois plus large et plus conceptualisée, plus précise, prend une importance inédite. La
montée en puissance de la thématique de la transparence dans l'audit peut être relevée' mais aussi rela-
tivisée. Elle n'en présente pas moins un intérêt particulier : notion plus floue, plus difficile à cerner
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que les deux autres termes proches dont nous avons relevé la fréquence, elle peut se prêter à plus d in-
terprétations et de malentendus, comme nous I'avons vu quand nous avons exploré ses conceptualisa-
tions. D'oir la nécessité d'en repérer les acceptions concrètes dans les médias, pour repérer à la fois ce
qui les différencie et ce qui les relie.

ffiWi,W sens
Nous avons eu accès aux articles sélectionnés pour des revues de presse réalisées pour un cabinet d'au-
dit et d'expertise comptable sur la période allant du l5 octobre 2001 au 30 avril 2002rr. Létude de ce
matériau nous âyanr paru pertinente pour comprendre ce qu'a signifié pour l'audit l'émergence du
thème de la transparence dans les médias, nous y avons sélectionné les textes otr étaient mentionnés
les mots < transparence ) ou ( transparency )) ou l'adjectif ( transparent )), ce qui nous a permis de
constituer un corpus de quatre-vingts articles (voir la liste en annexe) que nous avons numérotés de 1
à 80 pour faciliter les réftrences. Précisons que le cabinet destinataire était français' non affilié aux
u Big Five o de l'époque et de taille moyenne.

18 articles sont issus de La Tiibune, 13 du Financial Tïrnes, 9 du rYall Street Journal (édition euro-
péenne), 8 de LAgef,T des Échos (dont un dans le supplément n l,es É,chos. net )), 7 du Figaro (dont
5 du o Figaro Économie , et 1 du n Figaro Entreprises ,),6 d'Option Finance,4 du Mondz (dont 2 du
supplément n É,conomie ,), 2 du Nouuel Obseraateur, I de Libératioa I del'International Herald
Tiibune (article repris du New Yorh Times),I de L'Express, I de L'Uine nouuelle, L du Point,I de
L'Enneprise.

On peut relever deux caractéristiques de cet échantillon :


le mélange de référen<rs en anglais (25) et en frangis (55) ;

la prédominance écrasantc de la presse économique et financière (on peut dire que 9 articles sur
80 n'en relèvent pas).

CoMIryrBIu'rÉ - C,rltcrRôtE - Auorr / Numéro thématique --Juin 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Olivier CsannoN
I.:IDEOLOGIE DE L4, TRANSPARENCE DANS I.IAUDIT :
TJNEA?PROCHE DE SA DIMENSION MÉDTAIIQUE lll
La première peut susciter d'emblée une critique d'ordre méthodologique : l'analyse peur-elle se
déployer indifféremmenç sur un corpus mêlant des références relevant d'espaces narionaux différents
dotés de u cultures , comptables et financières différentes ?
Nous répondons à cela que nous nous plaçons d'abord du point de vue des lecteurs, qui sont ici,
il faut le rappeler, les dirigeants frangis d'un cabinet d'audit français. tæs médias écrits auxquels ils
souhaitent avoir accès, ceux à qui ils accordent du crédit sont un ensemble de titres de presse écono-
mique dans lequel le Finzncial Tirnes etle Vall Sneet Journal ocrupenr une place éminente et insépa-
rable, à leurs yeux, de celle des Échos ou de La Tiibuna I^a distinction la plus opératoire pour eux nous
paralt êue celle qui sépare ces journaux < sérieux , des autres, quelle que soit leur nationalité ; iest
d'ailleurs ce qui explique Ia deuxième caracréristique de l'échantillon.
Lire ce type de presse permet de capter ce qu'on peut appeler le sens commun des cadres dirigeants
et des intervenants dominanm sur les marchés dans un de ses poins de passage obligés. Ces médias ne
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sont ni leurs reflets ni leurs directeurs de conscience : ils sont en symbiose avec eux, qui sont leurs
cliens, et âux aftentes desquels ils doivent répondre.
Une première approchi peut consister à regarder si la transparence est valorisée positivement ou
négativement. Et là, les choses sont claires : sur les 80 articles, seuls trois présentent une vue critique
de la'ransparence, ce qui confirme, en un sens, ce que nous disions d'emblée sur la quasi-unanimité
qui se manifeste spontanément à propos de la notion. Quelle est, d'ailleurs, la ponée de ces trois réfé-
rences ? Elles évoquent respectivement :
l'idée suivant laquelle les entreprises dlffisent beaucoup d'information, mais une information qui n est
pas pertinenæ au sens otr elle ne permet pas de saisir adéquatement leur situation financière : u Sous
cotweft de transparence, les bilans des entreprises sont de plus en plus incompréhensibles , (56) ;
le fait que la diftrsion d?information, si large soit-elle, ne suffit pas en soi à assurer la confiance des
donc à assurer un bon fonctionnement des marchés financiers : u les investisseurs
< investisseurs u,
sont méfiants envers les entreprises en mal de uansparence > (21) ;
une intervention d'un ancien président de la SEC qui estime que, pour les entreprises, informer
sur le niveau des stoch-options accordées ne répond pas au problème que pose ce mode de rémuné-
ration, la vraie solution étant de les comptabiliser en tant que charges , u la transparence sur les
sucb-options n'est plus suffisante. t...] l,a, ûanspârence ne compense pas les biais comptables > (2).

Ces trois < critiques > ne sont en rien des apologies du secret. Diffirser l'information peur ne pas
êçresuffisant, mais iest toûjours nécessaire (2,2L). Surtout, l'enjeu est toujours d'être mieux compris,
de'fire la vérité, de rétablir la confiance quand elle est compromise... Un langage psychologisant
revient ici spontanément Il est d'ailleurs présent assez largement dans les articles étudiés (à I'exception
des plus axés sur la technique comptable, ceux d' Option Finance en paniculier).
La transparence semble donc s'identifier au Bien, ce qui rend encore plus urgenr, de notre point
de vue, une analpe plus précise de ses acceptions.
La uansparence nous dit toujours quelque chose sur une relation ; une entité A (observée) esr plus
qp moi$s transparente aux yeux d'une entité B (observatrice). Si nous parlons de ce que I'audit
implique comme diffirsion d'information, nous pouvons dire qu'il y a là une relation d'interdépen-
dance : l'eptreprise a besoin de l'auditeur pour, dans une ceftaine mesure, légitimer l'information
qu'elle rend publique, et I'auditeur a besoin de I'enueprise pour lui donner I'information qui lui parait

C-oM!'râBurrÉ - CovrRôt;-A.rDrr / Num&o thémarique -Juin2004 (p.105 à l3l)


Jacques-Olivier Cnannou
IJII)ÉOLOGIË, DE T.A,TMNSPARENCE DANS []AUDI]' :

Lt2 UNF] A?PROCHE DE SA DIMENSION MÉDIÂIIQUE

nécessaire et perrinente pour pouvoir exercer sa fonction de contrôlel2. Cette relation n'est ni rymé-
trique ni univoque, les deux parties étant contraintes jusqu'à un certain point que seules des andyses
in concreto permettent de déterminerl3.
Nous avons donc d'abord cherché à classer les acceptions de la transparence en fonction de la
notion d'interdépendance : nous avons repéré les cas où elle était considérée comme une forme d'in-
terdépendance en soi, puis ceux oir elle servait à caractériser, à qualifier une forme d'interdépendance
exisrante, et enfin ceux où elle qualifiait non une relation mais une entité, en l'espèce une donnée
chiffrée ou un ensemble de données.
Nous pouvons maintenant examiner et illustrer tour à tour ces trois aspectsl4.

2..1. ,,: La transparence comme fonne spécifique dinterdépendance


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La transparence peut désigner directement le fait de diffirser de l'information, la diffirsion d'informa-
tion en tant que mode de relation (et d'interdépendance) sui generis. On trouve ce sens dans
27 araclesr1.
Il
apparait dans des contextes variés : les o investisseurs D expriment des attentes de plus en plus
larges en matière d'informatio n (< Inuestors arenl demanding ntore transparenry only frorn cornpaniel
There is ako growing dzmand foî greater nansparency fom auditors - and euen the SEC. , (24)) ; dans le
cadre de I'application de la loi NRE16, u les enueprises sont appelées à jouer la transparence u (73) en
diffusant plus d'information sur leurs données sociales et environnementales, etc. Cette diffusion
d'information peur revêtir un caractère d'impératif technique, comme lorsqu il est quesdon des
o contraintes de transparence inrerne sur les opérations réalisées sur instruments dérivés o (ll), ou
quand un arricle du Financial Times parle de o lack of nansparenE in Enrorcls dzriuatiue positions in the
energ! market ,ù (L2).
Ce premier sens se manifeste dans l'expression o transparence financière ,, lorsque celle-ci est syno-
nyme de u diffirsion d'information financière , : u Lebranchu souhaite la transparence financière sur
les conventions libres (10) ; la SEC n a proposé de nouvelles règles pour améliorer la transparence
"
financière , (31) (demandanr aux entreprises de publier plus vite leurs comptes et aux dirigeants d'en-
treprises corées de rendre publiques u en quelques jours , leurs transactions boursières personnelles) ;
dans le conrexte de la débâcle d'un groupe allemand de communication, < inaestors in Kirch businesses
are understood to haue had heated conuersations with management about the lach offinancial transpa-
renE , Q5) ;lanécessité d'actualiser n les obligations des dirigeants en matière de transparence finan-
cière o (57) est affirmée...
Ce peut être aussi le cas quand la diffiusion de l'informatiotr sur les données de pratiques contro-
versées esr vue comme un moyen d'apaiser la critique sans irrterdire ces pratiques ni en modifier les
règles :

- dans le débat sur la u nruraille de Chine ,17 (qui est censée séparer les analystes financiers u sell
side , des banques d'affâires des départements des mêmes banques qui montent des opérations de
fusion et acquisition), le président du CMF affirme que ( sur cette question, il ny a que deux
approches possibles : I'interdiction ou la transparence o (68), avant d'expliquer que l'option de la
transparence signifie un renforcement des obligations d'information sur les conditions dans
lesquelles I'andyste exerce son métier.

CoMprÂBrlrl'É, - (}rm'nôrc - Àuon / Numéro thématique Juin 2004 (p. 105 à l3l)
Jacques-Oliviet Cnanron
rIDÉOLOGIE DE IATRANSPARENCE DANS LAUDIT:
t'NE APPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIAIIQUE r13
sur la questio n dc
stoch-options (débat qui fait rage dans la période que nous observons : faut-il les
comptabiliser comme des charges ?), le choix consistant à < exiger une transparence u (70) peut
rwenir à mettre I'accent sur la nécessité de rendre publics les programmes d'options, noramment
en les soumettant systérnatiquement au vote des actionnaires ; la ( ffansparency u dans l'article
n" 79 se réfère à la même orientation ;
sur la question du conflit d'intérêt audit
/ conseil (débat récurrent : le fait que les grands réseaux
vendent du conseil aux entreprises qu'ils auditent les incite-t-il à la complaisance dans le
conûôle ?), Michel Tudel (président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes)
préconise d'< instituer la plus parfaite transparence sur les différentes missions réalisées par un
cabinet d'audit dans les entités dont il contrôle les comptes (39), autremenr dit de I'obliger à dire,
"
le cas échéant, qu'il leur vend du conseil, sans pour auranr le lui interdire.
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La transpa.rence comme qualification dune interdépendance
La transparence peut aussl désigner la caractéristique (presque toujours considérée comme souhai-
table) d'un mode de relation. Plus précisément, elle désigne alors la âcilité avec laquelle l'information
est diffi.rsée dans le cadre d'une forme d'interdépendance, qui peut donc compofter d'aurres dimen-
sions. Ce mode d'interdépendance peut être aussi bien un marché qu'une organisation, dans la mesure
où nous considérons ici les organisations comme des ensembles de contrats et de conventions, bref
comme des ensembles d'interdépendances réglementées. Nous avons relevé cette acception dans
25 aniclesls.

C'est d'abord le marché qui doit être transparent, et qui I'est plus ou moins : les déontologues d'en-
ueprise < doivent veiller à I'intégrité et à la uansparence du marché > (4) ;lacommission d'enquête de
la Chambre des représentants qui va enquêter sur Enron se fixe les objectifs suivants : < to tighten regu-
lztion of aæountants anà ensure rnorc trantparenc! in commodities trading, (8) ; le marché de I'immo-
bilier çst, déplore-t-on, imparfait : ,< Because there is no real-time, trantparent rnarhafor property, aalua-
tions tend n be subjectiue. They leaae a cornpanyis profts to the uagaries of ualuers. , (52) ; les comptes
doivent êue comparables n pour assurer I'efficacité et la transparence des marchés ,, (67).

Iæs entreprises elles aussi sont mesurées à cette aune : le parron de la SEC est < décidé à agir pour
garaotir la ûansparence des entreprises cotées l> (20) ; un gestionnaire de fonds met en garde :
< Marhets and inaestors will punish comlnnies goingforutard that are not trantparent , (36) ; une dispo-

sition qui aurait obligé les,sociétés par actions chinoises à faire conuôler leurs comptes par des cabi-
nem d'audit étrangers étzrt o airned at inaeasing îansparenE of listed companies , (44); le président de
General Electric J.fft y Immelt proclame : < I want peoplz n thinh about GE as we thinh of GE as a
fransparent corn?an! (53).
"
La régulation de la prôfession comptable peut aussi être transparente : le président de la SEC
évogue << an ffectiue and more transparent systern of setf-reguktion for the *tonolirg profession r, (13).
La comrnunication, la diffilsion d'information elle-même peut être plus ou moins transparente : deux
auteurs travaillant pour Andersen sur les normes IAS assurent que u les nouvelles ,ror-", signifieront
plus {e ffansparence dans la communication financière et non financière des entreprises , (54).

CoMPfABurÉ - CoNrRôr-E - AuDrr / Numéro thématique - Juin 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Olivier CHARRoN
I]IDEOLOGIE DE I"4.TRANSPARENCE DANS LATJDTT :

tr4 L'NE APPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIATIQUE

C'esr enfin la pratique cornpable elle-même qui peut être qualifiée de transparente : le Vall Street
Journal, se référant à l'ancien secrétaire américain au Tiésor Lawrence Summers, précise : < The trans-
parency and accuraE of cor?orate reporting, he would say wa.s part of the inangible infrasmtcmre of the
fnancial systern that madz American prosperity possible , Q7) ; u I'amélioration de la transparence des
méthodes de comptabilisation et d'évaluation devient un enjeu essentiel du contrôle et du gouverne-
menr des entreprises (69) ; I'IASB préconise de u remplacer la pratique prudente mais peu transPa-
"
rente de provisionnement par la prise en compte de la juste valeur des crédits, censée refléter leur
valeur économique en cas de cession , (74) ; selon les dirigeants de Computer Associates, < the eight
direcnrs had reuiewed the companyls accounting praaices and found thern to be "appropriate and tranEa-
rent" , (78).
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.,iÏûl i' La transparence comme qualiÊcation d'une donnée
ou dun ensemble de données
l,a transparence peut enfin désign er la caractéristique (toujours désirable, cela va le plus souvent sans
dire) d'une donnée chiffrée ou d'un ensemble de données chiffréesl9. Ce sens se manifeste dans
27 arricle*o.
Peuvent ainsi être qualifiés de plus ou moins transparents :

- u les compres > : on nous assure, dans un article des Échos, que, pour le président de la SEC, u le
vrai problème esr d'améliorer la transparence des comptes " (40) ; le rôle des agences de notation revêt
un cractère stratégique n à l'heure où l'endettement des entreprises s'accrolt et otr les comptes se révè-
lent moins transparents qu'il y paralt (65) ;
"
- u les états financiers u : la crise financière asiatique de 1997 a été en partie causée par < a hcb of
transParency in f.nancial starements , ; (32)

- u I'infornration financière : La pertinence de la comptabilité comme élément du dispositif du


n o
gouvernement d'entreprise srrppose la fiabilité de I'information ainsi que la ûansparence et lâ comPa-
rabilité des états financiers. Les deux qualités de l'information, fiabilité et transparence, impliquent,
de la part des préparateurs des états financiers, de la loyauté [...] .t de la bonne foi dans l'application
des règles er normes comptables. (43) ; n la COB embolte inrplicitement le pas de son homologue
"
américain, en lançant un appel à la transparence sur la définition et le contenu d'informations ûnan-
cières non réglemenrées , (63) ; la o transparence de I'information financière > est un sujet dont la
Commission européenne va se préoccuper (80).

Ce qui s'exprime aussi en usant du terme ( ûansparence , dans ce sens, c'est I'idée qu'un change-
ment de norme ou de pratique de quantification permet de nrodifier la uansparence des états finan-
ciers : Ia suppression de I'amortissement du goodwill o ofFre une plus grande garantie en termes de
ffansparence de l'information financière, (23); la dépréciation des survaleurs va o dans la direction
d'une plus grande ffansparence comptable ,, (25), elle signifie que u les sociét& ont fini par décider de
jouer le jeu de la transparence (58) ; parmi les entreprises, ,. c'est à celle qui, au nom de la transPa-
"
rence, dépréciera au maximum la valeur de ses acquisitions (survaleurs) pourtant chèrement payées au
plus fon de la bulle Internet , (62) ; le Sénat américain veut u introduire plus de transparence dans la
distribution d'options aux dirigeants u (64), en imposant leur comptabilisation en tant que charges (et

CoMrrAlrlrÉ - CoNI'RôLE - AttDrr / Numéro thématique Juin 2004 (p. 105 à 13t)
Jacques-Olivier CsennoN
LIDÉOLOGIE DE TATRANSPARENCE DANS I.JAUDIT:
IJNE APPROCHE DE SA DIMENSTON MÉDTAnQUE r15
pas seulement la divulgation de I'information sur leur niveau) ; évaluer la performance nécessite de
n disposer d'une information pertinente, compréhensible par tous et dont la transparence ne serait pas
aJtérée par des variations liées aux méthodes compables appliquées, comme les évaluarions à la juste
vdeur ,, (72) .
Nous retrouvons ici l'expression ( ûansparence financière >, mais dotée d'un autre sens : ce qui est
impliqué dest plus le simple fait de donner de l'information, mais celui de produire un enregistre-
ment comptable de meilleure qualité, un chiffre plus u vrai ,, moins o manipulé u. C'est le cas, par
exemple, dans un article consacré à un règlement du CRC sur les passifs (3), où, ( pour améliorer la
transparence financière o, il faudra u être plus û,rnsparent sur des provisions jugées stratégiques u, ce
qui permettrait de sortir des préoccupations d'< optimisation fiscale o si imporantes dans la compa-
bilité française. C'est aussi le cas lorsqu'on nous explique que I'application des normes IAS corres-
pondrait à u un progrès indéniable en termes de transparence financière. En effet, les normes IAS ont
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été élaborées dans le souci de garantir une parfaite uansparence des comptes , (55).

I-lidée suivant laquelle une donnée chiffrée peut être m soiplus ou moins transparente paralt suffi-
samment éuange au profane pour qu'on s'y arrête un instant. Le fait que cette acception de la notion
soit assez répandue conaedit-il nore idée selon laquelle la transparence dit toujours quelque chose sur
une relation ? Nous estimons que non : même quand on dit d'un objet qu'il est ffansparent, on parle
toujgurq d'une relation. En effet, cela signifie qu il laisse passer la lumière ; auûemenr dit, la uanspa-
rence n'est pas une caracéristique de l'objet m soi, mars une caractéristique de l'objet lorsqail est plzcé
mtre lbQseruateur et une soarce lurnineuse. Lorsqu'un chiffre, un indicateur de gestion, un résultat, un
bilan, etc., est considéré colnme ftansparent, cela ne peut signifier qu'une chose : que ce chifte ou cer
ensemble de chiffres est considéré en tant que canal de transmission de l'information, objet par lequel
et au travfrs duquel I'information p.$se. Un chiffre o plus transparent ) serait donc un chiffre qui
transmettrait mieux I'information. Qu'est-ce à dire ? Toute pratique de quantification livre une
certaine information, mais laisse ouverte la question de savoir quelle information on souhaite obtenir.
læs changemens de normes et plus largement de façons de quantifier ont pour caractéristique géné-
rale de changer le type d'information qu'on peut retirer d'une quantification, mais cela ne nous dit pas
si cela va ou non dans le sens d'une plus grande ( transparence >. Dire qu'une donnée est plus uans-
parente qtiune eutre ne dit donc strictement qu'une chose : c'est qu'elle donne mieux I'information
recherchée, sans porrr âutânt que l'on sache exactement laquelle.

Ce troisième sens de la transparence nous paralt devoir être distingué des deux précédents : alors
que les discours valorisant la transparence-interdépendance et la transparence-qualification d'une
interdépendançe correspondent à une idéalisation de la circulation de l'information (que celle-ci soit
identifiée à une relation sociale ou à un de ses aspects essentiels), ceux insistant sur la ffanspÉuence-
qualification dune entité idéalisent I'information elle-même, son pouvoir de révélation et de râsolu-
tion des contradictions, des conflits. Nous regrouperons désormais les deux premières acceptions de
la transparence repérées d4ns le corpus sous I'appellation de < ffansparence procédurale >, réservant à
la troisième ecception celle de ( transparence substantielle ,.

Si maintenant nous revenons à notre dessein de rendre compte du sens que revêt pour le monde
de l'audit la montée du thème de la uansparence dans les médias, il nous semble que nous pouvons y
déceler quelque chose de plus précis qu'une valorisation du Bien que représenterait la diffirsion d'in-
formation.

C.oMl'[ar[lrÉ - Covrnôrc - Auorr / Numéro thématique - Juin 2004 (p. 105 à 13l)
Jacques-Olivier CHARRoN
I]IDÉ,OLOGIE DE U,TRANSPARENCE DANS IAUDIT:
116 (]NE APPROCHE DE SA DIMENSION MÉDTATIQUE

$ffi.W'W Idéologie

;s.,ffi.,t. C. qoi fait système dans la transparence


Une approche synthéti<1ue des différents sens de la u transparence o relevés dans notre corpus d'articles
peur nous permeûre de dégager ce qui les relie, ce qui fait système dans l'usage de ce terme dans un
contexte où I'audit est devenu un objet de débat dans la presse, et plus seulement dans celle que les
auditeurs prennent au sérieux.
Nous pouvons à ce stade avancer une hypothèse, à l'appui de laquelle nous allons ensuite propo-
ser plusieurs arguments : la thématique de la ffansparence dansl'audit est un mode d'expression d'une
option en faveur du contrôle des marchés financiers sur les entreprises etlou du renforcement de son
caractère exclusif et impérati[
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læ premier argument est le fait que, lorsque les demandeurs et bénéficiaires de la transparence sont
mentionnés, il s'agit presque toujours des marchés de capitaux et de leurs acteurs les plus influents.
læs articles de notre corpus manifestent, dans l'ensemble, une certaine pudeur sur ce point : seuls
17 sur 8021 mentionnent à qui est destinée etlou qui demande la transparence, ou le caractère trans-
parent du marché, de l'entreprise ou des pratiques comptables, ou encore la transparence des données
comptables. En revanche, quand cette précision est donnée, la réponse à la question est très daire.
Sur les 17 articles en question, un mentionne l'État (article n" 10), un les auditeurs (article
n" 1922), un la SEC (article n" 20), un u la société o (ardcle n" 28). Dans les 13 autres ardcles, iest
aux marchés financiers et/<lu à leurs acteurs dominants qu'est due la transparence,2 de ces afticles
prenant en compte d'autres parties prenantes (n I'intérêt public, dans l'article n" 18, les régulateurs
dans le n" 32).9 de ces 13 articles sont en anglais, ce qui paraît témoigner d'une plus grande clarté de
la presse anglo-saxonne sur ce point. Les n investisseurs , (ou plutôt < inaestors ,), le marché, la
( communauté financière o, les actionnaires, ces expressions sont, on peut le dire, interchangeables
dans ce contexte.
< Lajuste valeur est plébiscitée par la communauté financière, s<-rucieuse de plus de transparence et
de comparabilité (1) ; < Inuestors arenl d.emznding more tra.flsparenc! only from cornpanies , (24) ;
"
< inuestors in Kirch businesses are undrrstood to haae had lteated conaersations with management about the
lach offrnancial transparenry , (35) ; < Markets and inaestors will punish cornpanies goingforutard that
are not llansParent , (36) ; o l;uming inuestors are accusing audinrs, who are supposed n be prornoting
good corporate goaerlûnce a.ttl transparenqt, of instead turrcing a blind eye to rnismanngement and corntp-
tion , (37) ; << A neu) electronic format for f.nancial reporting that promises greater transparenE for inaes-
tors , (45); o À l'égard des marchés et de ses acdonnaires, Jean-Marie Messier entend jouer la 'trans-
parence totale et absolue". t. ..] til] a voulu placer ce rendez-vous très attendu avec la communauté
financière sous le signe d'une "totale transparence" . , (48); les entreprises adoptant les normes IAS < se
donneront les moyens de répondre complètement et concrètement au marché et aux investisseurs
dans leur volonté d'avoir plus d'information ffanspa-rente, plus vite et plus souvent ,. (54)
læ deuxième argument que nous avancerons à l'appui de notre hypothèse e$ le fait que la uans-
parence procédurale, expression de la volonté de faire circuler I'information, correspond à un souhait
de voir le réel social coincider le plus possible avec un postulat théorique fondamental de la théorie de
l'équilibre génêraJz3: l'hypothèse d'information parfaite. Ce que vise cette forme de transparence

CoMprABrLn É - û)NTRôLE - Auotr / Numéro thématique - Ju\n 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Olivier CIrennoN
LIDEOLOGIE DE LATMNSPARENCE DANS LAUDIT:
UNEAPPROCHE DE SÂ DIMENSION MÉDIAnQUE rt7
s'identifie à une condition nécessaire de la marchandisation des interdépendences, conséquence
logique de leur conûôle par les marchés financiers. Simplement, I'instruÀentation d'un projet de
gé4éralisation d'un modèle de relations ne liant que des individus-automeres réagissant mécanique-
ment à des sigoaux-prix se heume à bien des obstacles, dont le moindre n'est pas l'exisrence d'organi-
sations, en particulier d'enp,reprises dotées de dirigeants exerçant un certain pouvoir et ne s'identifiant
pas forcément eux individus ou organisations contrôlant leur capital. La théorie de l'agence (ou
< théorie positive de l'agence o (Charreaux, 2000) ou < théorie principal-agent r, dont la référence
canonique dans ce domai,ne est représentée pzr Jensen et Meckling (1976), prétend précisément
résoudre cs u problème ,r. Flle fonde ce qu'on peut appeler l'approche u néoclassique o de l'audit, à
savoir celle qui l'identfie sûictement à un instrument de contrôle des dirigeants (les u agents ,) par les
actionnaires (les principatrx Elle fonde aussi ce que Hoarau et Teller (2001) appellent l'idéolo-
" ")24.
gie de la création de valeur, qui vise à maximiser la richesse des actionnaires mesurée par la capitelisa-
tion boursière. l,a u vision actionnariale de la gouvernance )) (Charreaux, 2000) vise à minimiser les
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cotts d'agence dans cette perspective, donc à optimiser le fonctionnement du contrôle des dirigeants
par les actionnaires. Cette expression u les actionnaires , ne rend d'ailleurs pas bien compte de la
réahté dcs structures de conuôle auquel tour ce discours donne une justification tléorique. Parler des
< investisseurs D et du < capitalisme des investisseurs u (comme le fait LJseem, 1996) est plus adéquat,

Permet mieux de comprendre que les marchés financiers ne sont pas des systèmes d'interaction d'ac-
tionnaires individuels et égaux, que certains acteurs (en particulier mais pas seulemenr, nous y
-
reviendrons - les grands inrrestisseurs institutionnels) y disposent d'une influence paniculière.

Nou$ nous permettons ici de citer longuement Favereau, parce qu il exprime remarquablement la
logique des économistes dont les sens procéduraux de la transparence sont une traductià n: o Si nou,s
nous tournons maintmant aers Ia théorie éconornique actuelb, son projet afiché est dz rendre compte dzs
organisatioins u drs iwtintions exclusiaern*t * i"r-t d anangerneits ,iinna*k optirnarac dzitinês à
résoudre les probhrnes d'information imparfaite asyrné*iquz : aha dz moralité (iest-à-dire nomperie sur
une action cachée), anti-sélection (c'est-à-dire tromperie sur une information cachée). [...) L'éqaiualentldu
principe d'extensiogalitél dans Ia théorie éconornique est un posilat, jamais discuté parce quil touche au
cadre constitutiffu la théorie dz l'équilibre général : il est possibb et rnêmc sensé ù dlfnir une confgura-
tion d'information parfaite rymétique, ?ar ru?por-t à k4uzlh saa étudiée Ia pratiqur dzs agmts écono-
miques dans Ie rnandz réel'dlgradé, depuis h chute dzns lincerain a l'asyruétie d'infornation. De h le
rêue (ou le cauchemar ?) dhne trans?arence absolue. n (Favereau, 2003, p. 292)

Il faut remarquer que la façon dont on aborde la thématique des conflits d'intérêts fait aussi partie
d'une volonté de faire coincider le réel avec les postulats de l'équilibre général,les conflis d'intérêts
étant considérés comme des distorsions de concurrence. Cenains usages du terme ( transpiuence ,,
nous paraissent ainsi ressortir de ce qu'on peut appeler, en s'inspirant du cadre de la théorie des écono-
mies de la grandeur (Boltanski etThévenot, 1991), un durcissement de l'épreuve marchande : il s'agit
de mettre à l'écart, dans la reladon marchande, tout ce qui peut relever d'autres relations (les deux
parties se connaissaient, entretiennent une connivence liée à une collaboration antérieure, I'un a été
sdarié de l'autre auperavarit, etc.). Ce sens apparalt dans les cas otr elle est considérée comme la solu-
tion d'un problème de conflit d'intérêts par leur séparation formelle (er pas seulement, comme nous
avons pu le voir dans le dér,eloppement sur le premier sens de la transparence, pil la diftrsion d'in-
formation sur les données de la situation). Cinq aaicles sont ici concernéP5. < Pour faciliter Ia trans-
Parence' un avocat membre d'un réseau s'interdira de remplacer tour de suite un confrère non

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Jacques-Olivier CsanxrN
DÉOI,OGIÈ DE Lq. TRANSPARENCE DANS TJAUDIT
I]I :

118 UNE AI'PROCHE DE SA DIMENSION MÉDIATIQUE

membre d'un réseau sur un dossier. Il devra patienter deux ans. , (15) ; on nous explique que u la
disparition d'Andersen esr un rude coup pour les efforts de transparence de I'audit légal " (71) parcs
que cela réduit le nombre de compétiteurs et donc l'intensité de la concurrence ; le porte-parole d'un
grand groupe annonce la décision de ne plus recourir au même prestataire pour I'audit et le conseil, et
justifie comme suit sa décision : [UnileuerJ dccidzd lzstyear to separate the tuto disciplirtes to maxirnize
"
the accountability to shareholdzrs in a desire lo be more nansparent. , (76)
Enfi.n, c'esr une interprétation de cette sorte de recherche obsessionne[e d'une vérité unique et
univoque dont nous paralt témoigner la ûansparence substantielle qui sera notre troisième argument.
La transparence procédurale (il faut diffirser de l'information, il faut que les marchés, les entreprises,
la relation d'audit soient des lieux ou des contextes où plus d'information circule) reste tout de même
dans le flou quant aux pratiq[es à mettre en æuvre. C'est moins vrai du sens substantiel (il faut recher-
cher le chiffre ûansparent, le chiffre ura). Onpeut ici en effet parler plus précisément de la quantifi-
carion. De quelle façon ? Il ne s'agit en rien douvrir un débat, de confronter les points de vue et les
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intérêts sur I'information comptable, sa poftée, sa finalité, sa construction, ses utilisations, etc., mais
de quêter anxieusement la < bonne , information, de rechercher le chiffre, le bilan le plus ( transPa-
renr D, iest-à-dire celui qui fait percevoir la lumière de la vérité, d'une vérité unique et univoque. Il ne
s'agit pas d'ouvrir un débat mais de chercher la bonne façon de le fermef6.
Ce désir de certitude que traduit le sens substandel de la transparence nous parait directement lié
à ce que l,ordon appelle le o régime paranoiaque de la tutelle des marchés financiers > (Lordon,1997,
p. 184).
Le cadre théorique dans lequel nous nous situons ici considère que les marchés financiers
(bourses des valeurs, mais aussi marché des devises) sont autoréférents. Odéan (1987) a formalisé
cette idée, qui était déjà présente chez Keynes27, mais dont ce dernier n avait pas développé toutes
les dimensions. Favereau (1985) a montré que deux projets coexistaient dans la < théorie générale n :
un projet ( pragmatique o, dont sont issues la tradition keynésienne et les politiques économiques
qui s'en sonr inspirées, er un projet n radical ,, qui n'a laissé qu'une postérité théorique très mino-
ritaire chez les économistes, et dont Favereau souligne la proximité avec les idées développées par
\ù7'ittgenstein dans les années 193028. Les différences essentielles tiennent au fait que, dans le projet
u radical o, I'hypothèse d'information parfaite est abandonnée, toutes les variables importantes sont
des anticiparions, er ces dernières sont endogènes. Si I'on applique ce cadre au domaine où il semble
avoir le plus de validité, c'est-à-dire aux marchés financiers, cela veut dire en particulier que les anti-
cipations et préférences des intervenants sur ces marchés n'ont aucun fondement objecti{, et qu'il
est pertinent de considérer ces marchés comme des systèmes de production d'opinion. Les bourses
des valeurs produisent de l'opinion, qui se matérialise pour chaque entreprise cotée pal un cours.
Pour le dire d'une autre façon, ils produisent de la valorisation, c'est-à-dire de I'opinion sur la valeur
d'une entreprise.
La formulation par Orléan (1987) de la notion d'autoréÊrence correspond précisément à une
application aux marchés financiers du projet o radical , de Keynes. tlidée a été reprise et développée
par Lordon (1997,2000,2003), qui souligne que des phénomènes comme le mimétisme et I'instâbi-
lité des préférences ne sont pas des phénomènes venant perturber le fonctionnement normal de ces
marchés, mais en sontle mode de fonctionnement normal et spontané. Si u le marché financier est le
lieu dune irréductible indétermination qui lui vient de son essentielle spécularité o (Lordon, 1997,
p. 126), alors les anticipations et les manières de rationaliser les anticipations y sont essentiellement

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Jacques-Olivier CHARRoN
LIDÉOLOGIE DE IIA.TMNSPARENCE DANS I]AUDIT:
UNEAPPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIANQUE r19
instables. Vis-à-vis des politiques économiques des É,ats par exemple, les représentations sur ce qdesr
la u bonne politique D peuvent se stabiliser pendant un certain temps, mais aussi laisser la place de
façon fon peu prévisible à des périodes d'instabilité correspondant à des hésitations sur les critères du
u bien >. D'où l'idée selon.laquelle la déréglementation des marchés financiers a provoqué un < tour-
nant herméneutique u des politiques économiques, obligées d'essayer d'anticiper, d'intégrer à I'avance
les effets dans le réel des représenations des marchés. Ces représentârions ont en effet un caractère
largement < autovalidant >:: elles peuvent faire advenir les conséquences qu'elles anticipent. læ même
schéma est applicable aux enûeprises, pour lesquelles le développemenr de la communication finan-
cière peut tenir lieu d'indice d'un u tournant herméneutique u du même ordre29. Cela signifie une
déstabilisatipn des critères du vrai3o.
Les i4tervenants des rnarchés ne peuvent pas demeurer totalement dépourvus de normes, puis-
qu'ils sont tenus d'agir, de prendre des décisions, et que leur besoin d'une règle d'action esr impé-
rieux. Simplement, plus le marché est laissé à lui-même, plus la stabilisation d'une norme réglant
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les préférences pose un problème. o L'emballement néarotique dz h dernande de tranquillisation
correspond à un délitement dz k norrne référentielle, lequel [.,.J commence au moment où le marché
aoit sa confance dans k nonne recul,er à proportion dz I'empire quil a lui-rnême acquis sur son ékbo-
ration. [...J En se retrcuaant de plus en plus exclusiuement matne dz h norme, il en sape, à ses yeuc
mêrnes, I'aunrité, [...] parç, quil ne peut surrnonter à lui seul I'incertitude épistérnique, face à hqaelle
il a besoin du secours dz regards tiers où il pouna trouaer la confirmation dz ses propres "intuitions". ,
(Lordon, 1997, p. 184-185)
C'est ici que nous pouvons revenir à I'audit. Que produit-il ? Bien des choses, notamment du
papier, mais en particulier de la confiance et du u confort (o cornfort r, Power, 2003) z il s'agir de
"
rassurer. l,a certification des comptes (ou d'autres données) vise à conférer un surcrolt de crédibilité,
de force rymbolique aux informations diffirsées par les entreprises3l.
Or ces informations sont passées au crible des préférences des marchés, dont l'instabilité fait que
la façon même de leur conférer de la crédibilité en vient à ne plus avoir de fondement clair. Dans une
période où le consensus ne o prend ) pas sur la représentation de ce que doit afficher une u bonne u
entreprise, le risque d'escalade de la demande de réassurance existe : les marchés peuvent demander
toujours plus d'indicateurs, de ratios, de chiffres u vrais u, toujours plus de conuôle àe route sorte, sans
qu il y ait de limite prédéfinie.
C'est ce dont témoigne à notre avis le sens substantiel de la transparence : la circulation de I'infor-
mation ne sufit pas, il faut aussi que cette information rassure, stabilise. LlEbitda, un temps porté aux
nues, est-il finalement si < vrai o que cela ? Quel est le plus ( transparent o des provisionnements ?
Résumons nos trois argirments : les demandeurs de transparence, quand ils sont nommés, sont les
n investisseurs > qui dominent les marchés ûnanciers ; cefte demande a partie liée avec la volond de
faire rentrer le réel dans le cadre d'une généralisation des relations marchandes I c'esr une demande de
certitude et non de débat, qui dérive d'une anxiété sur les critères du vrai liée au fonctionnemenr
même des marchés financiers.
Tout cela fait-il une idéologie ?

CoMPDAEU.rrÉ - CoNrRôr"e - AuDrr / Numéro thématique - Juin 2004 (p. 105 à 13l)
Jacques-Olivier CHer.roN
tJIDÉOLOGIE DE Lq,TMNSPARENCE [)ANS IJAI.,IDI'I :
t20 t,rNE, AIPROCHE DE SA DIMENSION MÉ,DlAllQUE

is,âÊt.'1 , La tansparence en tant qu'idéologie


Il faut s'entendre sur le rerme. Une idéologie, c'est un discours, et un discours n'est pas un texte à
déchiffrer mais le suppoft d'une relation entre des individus, d'un rapport interhumain, d'une inter-
dépendance. On peut donc définir I'idéologie à partir de la nature de la relation qu elle contribue à
instrumenter.
Par ailleurs, en dépit du vague de la notion et de la va-riéÉ des théorisations sur le sujet, il y a un
point sur lequel tout le monde est d'accord : I'idéologie relève du discours normatif et prescriptif;, qui
dit ce qui doit être et ce qu il faut faire. C'est bien le cas des discours sur la transparence : celle-ci est,
comme on I'a vu, très généralement considérée comme un impératif, un devoir auquel il convient de
ne pas se dérober. La relation qu'instrumente une idéologie a donc nécessairement un cuactère asymé-
trique. Un locuteur/auteur valorise et préconise, attendant de I'auditeur/lecteur qu il se conforme à ce
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discours. Ce ne sera le cas qui si le second est subordonné d'une façon ou d'une autre au premier ou
atu( agenm dont ce dernier se fait le porte-parole. I-iidéologie peut ainsi être définie comme un discours
normatif qui est mis au service d'un rapport de pouvoiÉz.
Dans le cas de la ûansparence, de quel pouvoir s'agit-il ?'lbut tourne autour de f idée d'obtenir de
I'information et/ou d'obrenir une information dotée d'une certaine qualité, au demeurant difficile à
définir puisqu il n'y a pas de définition arrêtée d'une donnée u vraie ), ( transparente D ou u sans biais ,
mais seulement (er singulièrement dans ce domaine de l'infttrmation comptable) des constructions
conventionnelles (et par ailleurs toujours révisables et interprétables) de ce qu il faut considérer
comme vrai, transparent ou sans biais. Obtenir de l'information, donc, mais non donner des ordres
(même si la limite entre les deux n'est pas toujours aisée à tracer).

La notion de transparence, telle que nous l'avons observée dans notre corpus d'articles, est une
idéologie du contrôle des entreprises par les marchés financiers. Elle en est un outil, qui contribue par
exemple à justifier la mise en place des mécanismes de la < corpora.te gou€rna.nce ) et de la subordina-
tion des dirigeana aux ( actionnaires o : nomination d'administrateurs u indépendana o (du manage-
ment en tout cas) au sein des conseils d'administration, contrôle ou remise en cause de [a rémunéra-
tion des dirigeants, mise en place de comités d'audit, comptabilisation des stoch-options allouées aux
dirigeants comme des charges, etc.
Cette idéologie rencontre un certain succès, qui nous paraît fondé sur deux élémens. Il y a d abord
ce que nous avons déjà dit : une polysémie intrinsèque, puisque [e mot peut faire écho aux posdats
walrasiens, mais aussi à la notion habermassienne d'espace public et à I'ensemble des idéologies qui
célèbrent la communication33, sans oublier ce que peut éveiller la signiûcation esthétique du terme.
Les grandes institutions tran.snationales (UE, OCDE, FMI, Banque mondiale, etc.) s'en proclament
férues, face à des ONG qui ne cessent de la revendiquer. Ce serait une solution, voire la solution à tous
les problèmes : la corruption bien str, mais aussi plus largenrent toutes les formes de conflits d'inté-
rêts, les scandales, les problèmes sociaux, etc. Ce que nous pouvons ajouter maintenant, iest que la
uansparence a pour vertu objective, pour bon nombre de ses laudateurs, de mettre les marchés finan-
ciers à I'abri de la critique, en mettant en avant une notion à la fois consensuelle et suffisamment
vague pour que son degré d'application puisse toujours être sujet à interprétation.

Il y a ensuite un phénomène de fond : le développement des relations de contrôle, dans le sens


large du terme, que nous pouvons lui-même faire dériver de deux facteurs distincts :

C-oMprÂBlr-rrÉ - CoN'rRôLE - Auotr / Numéro thématique -Jutn 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Olivier Cnæcot
I.:IDÉOLOGIE DE IATRANSPARENCE DANS TJAUDIT:
UNEAPPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIAIIqUE t2l
- les modifications socio-hisoriques de l'économie psychique des individus, un phénomène large-
ment décrit dans l'æuvre de Mendel (par exemple dans Mendel, 2003). Ce dernier souligne à la fois
le caractère irréversible du déclin des formes uaditionnelles d'autorité et la capacité qu'ont les indivi-
dus plus n individués > qui en émergent à nouer entre eux des rapports plus démocratiques tour en
ayant plus de prise sur leurs actes. Il souligne aussi que cette capacité se voit à la fois reconnue en
paroles et niée dans les faits par les tendances modernes du management qui, mettant l'accent sur la
u responsabilisation o (voir aussi Le Goff, 1992), onr insritué de nouvelles formes d'autorité, d'un
caractère plus pervers. læs individus s'y voient en particulier soumis en tanr que tels à des formes de
contrôle sur lesquelles ils n'ont que peu de prise ou pas de prise du tou#. La thématique de la uans-
Parence peut alors s'inscrire dans ce cadre otr il est requis des individus de rendre compre des r&ultats
qu'ils obtiennent en tant qu'individus ;
- ce qu'on a pu appeler de façon synthétique u le tournant néolibéral , (voir par exemple Jobert
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dlr.,1994), amorcé par les grands pays indusuialisés il y a un quaft de siècle environ (la périodisation
varie suivant les pays). Cela s'est traduit, à des degrés divers, à la fois par une réduction du rôle de
l'Etat (privatisations, restrictions epportées dans certains cas aux fonctions classiques de l'u É,tat-
providence >) mais aussi, et d'une façon aussi importante, par sa redéfinition en tarnr qu Etat n évalua-
teur > ou u régulateur > : à des administrations directement soumises à l'instance politique se sonr
substituées des autorités de régulation, chargées de superviser des activités parfois concédées au secreur
privé et elles-mêmes dotées (au moins en principe) d'une certaine indépendance par rapport au poli-
tique. Power, qui décrit en détail ce phénomène dans le cas britannique (Power,1999), mer l'accenr
sur le fait que l'audit financier a servi de modèle, d'étalon pour toute une variété de procédures d'ac-
créditation, de ceniûcation, d'évaluation, d'audit environnemental, etc. Ce qu il appelle l'u explosion
de Ïaudit ,, est un changement social de grande ampleur, dont on peut trouver des équivalents dans
d'autres pays : polu la France seulem.nt, il faudrait parler d'une multitud. de phénomènes allant de
l'évaluation des univeqsit& à l'accréditation des hôpitaux publics en passant par la multiplication des
< autorités administratives indépendantes o, la recherche de formules de u salaires au mérite , dans
I'adpinisuation et la u culrure du résultat o prêchée aux policiers, etc.

Un contrôle par I'incontrôlable ?


i
LlidÇologie de la transparence est plus un u esprit de l'interdépendance u qu'une forme de l'o esprit du
capitalisme D au sens ou l'entendent Boltanski et Chiapello (1999), dans la mesure où elle est signifi-
cative d'une forme d'interdépendance (le contrôle) dont l'émergence esr liée à la fois à des change-
ments du c.epitalisme mais aussi à des changements dans l'économie psychique des individus (qui font
que I'autorité traditionnelle ne u fonctionne , plus aussi bien). Elle ne.iustifie pas l'n engagement dans
le capitalisme n mais le développement du conuôle et du contrôle du contrôle.
læ problème de fond qu elle pose est qu'elle fait des marchés financiers une instance de conuôle en
dernier ressort qui riest pas, dans sa fonction essentielle, soumise à un conuôle du même ordre. Ces
marchés sont certes contrôlés : définis et structur& par des règles, ils sont supervisés par des autorités
de régulation, en particulier. Mais il nous semble que l'esprit même de cette régulation consiste à faire
en sorte que les marchés éxercent leur fonction essentielle de ualorisatioa des titres, des devises, de
toutes sortes d'actifs3t en respectant le plus possible I'hypothèse d'information parfaite qui suppose
que tous les acteurs impliqués disposent à tout moment et dans les mêmes conditions de toute

CouprmurrÉ - Corrnôrc - A:orr / Numéro thématique - Juin 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Olivier CnAxRoN
IJIDÉ,OLOGIE DE lATRANSPARENCE DANS IATJDIT :
122 UNE AI'PROCHE DE SA DIMENSION MÉDIAIIQUE

I'information nécessaire. Si ces marchés ont le caractère autoréférent et spéculaire que nous avons
évoqué précédemmenr, donc en particulier si leurs acteurs s'y déterminent non pas en fonction d in-
formations dotées d'un sens univoque et d'une valeur objective mais en fonction d'anticipations sur
les préftrences des autres acteurs, alors on peut soutenir que cette régulation ne soumet pas à une règle
extérieure cette forme particulièrement puissante d'expression d'opinion qu'est la valorisation, et que
le rôle qu elle joue relèverait plutôt de la légitimation, en donnant à un système instable de produc-
tion d'opinion l'apparence rationnelle d'un mécanisme dont les outputs (les valorisations) résulteraient
logiquement et clairement des inputs (les informations)
Considérés comme des systèmes de production d'opinion, les marchés financiers sont le lieu où se
mesurent de multiples acteurs sur le terrain de la force symbolique, de la capacité à créer et à imposer
des représentations : investisseurs institutionnels certes, mais aussi analystes financiers, agences de
notation, auditeurs, dirigeants d'entreprise charismatiques, ( gourous , des marchés, voire certains
éditorialistes ou, en tant qu'organisations, cercains titres de la presse économique et financière. Une
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critique peut plus facilement se focaliser sur une entité que sur une relation, mais ce sont ces configu-
rations particulières que sont les marchés financiers qui posent un problème, au sens où elles tendent
à déployer un contrôle de plus en plus étendu tout en offrant elles-mêmes de moins en moins de prise
à un contrôle. Il faudrait en effet pour cela que la fonction de valorisation puisse faire l'objet d'une
appropriation collective, ce qui serait cohérent avec l'idée selon laquelle ce service très particulier
qu'est la valorisation des entreprises peut être considéré comnre un bien collectif, et que la théorie des
biens collectifs pourra,it donc être appliquée dans ce cas.
Cela laisserair ouverte la course à l'accumulation (qui est le mécanisme central du capitalisme ;
Boltanski et Chiapello, 1999) dans le cadre d'une économie concurrentielle, mais où les préoccupa-
tions des enrreprises seraient centrées sur les biens et services produits et le profit à en retirer plus que
sur la question de leur valorisation en Bourse.
Nous pouvons apprécier maintenant le paradoxe suivant: l'affaire Enron, qui est invoquée à satiété
pour justifier la demande de transparence, témoigne de façon exemplaire des effets de la soumission
des entreprises à I'opinion des marchés. Si, en tout cas, on suit la lecture de la crise donnée par le
rapport du Sénat (traduit dans Frison-Roche dir., 2003), Enron avait poussé à l'extrême la logique
voulant qu'une entreprise se donne pour objectif de produire de I'opinion boursière positive, de
produire une hausse du cours de Bourse et de tout metûe en æuvre (en particulier en termes de
o comptabiliré créative ,) p,rur y arriver. Enron est l'exemple parfait d'une entreprise dont la finalité
n était plus la production de biens et services sur un marché concurrentiel mais la n production u d'une
hausse de la valeur du titre en Ilourse via la n production o de u bons o chiffres à destination des acteurs
des marchés er de tous les acteurs (analystes, agences de notati<ln, journalistes de la presse économique
et bien str auditeurs) disposant d'une influence sur l'u opinion des marchés n. C'est l'idée que tous les
moyens sont bons pour afficher un chiffre, comme tous les moyens étaient bons, au xuf siècle, pour
produire, avant que l'É,tat social ne vienne y meftre de l'ordre (Castel, 1995),
Enron, ne consritue pas la première crise, ni la dernière : les scandales financiers occasionnant une
mise en accusation de I'audit ont jalonné l'histoire de la profession (Power, 1999), et à chaque fois des
commissions d'enquête sont mises en place, des rapports produits, des structures de contrôle sont
crééesou renforcées, erc. Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur des répercussions de la crise dont
témoigne le fait que des médias généralistes s'en soient emparés et qu'une thématique de o crise du
capitalisme > soit apparue.

CrMprABIrrlÉ - Covrnôrc - Auptr / Numéro thématique - Juin 2004 (p. 105 à 13l)
Jacques-Olivier Csenn<.m
TIDEOLOGIE DE IÂTRANSPARENCE DANS TJAUDIT:
UNEAPPROCHE DE SA DIMENSION MÉDI,ATIQUE r23
[æ problème est que la thématique qui émerge mefte l'accent sur l'informarion, sa circulation, I'ab-
sence de biais etc., autrement dit qu'on se place dans le cadre otr il s'agit de rapprocherlaÉalitéimpar-
faite des hypothèses de la tJréorie de l'équilibre gén&alqui est celle d'utr
-orà. oir des individus riagi-
raient mécaniquement à des données chiffrées qu'ils percevraient; le problème serait donc de faire en
sorte que tout le monde perçoive bien les bons signaux.
Or, ce n'est pas en donnant plus d'information, ni même une information de meilleure qualité
(suivant quels critères, d'ailleurs ?) que l'on pourra stabiliser les marchés, ceux-ci foncdonnant
toujours en régime d'opinion. C'est ce mode de fonctionnement, et plus largement la façon dont est
remplie la fonction de valorisation dans le capitalisme, qui est à repenser.
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C-oMp'rArtrlÉ - CoNrRôr-E - ÂuDr / Numéro thémadque - Juin 2004 (p, 105 à l3l)
Jacques-olivier CHARRoN
I ] IDÉOLOGIL, DE I ]AI. JDI]'
IA TRANSPARENCE DANS :
124 uNE AppRocHE DE sA DIMENsIoN MÉDIAlreuE

Annexe

Liste des articles retenus dans les sélecdons effectuées pour des revues de presse destinées à un cabi-
ner d'audir (classés par ordre chronologique). Dans les cas oir I'auteur n'était pas un journaliste du
supporr, nous avons précisé en note sa fonction (telle qu elle était présentée dans I'article).
(1) o La "iuste valeur" bouscule les assureurs o, A.-S. Chassany, LaTi'ibane,23ll0l200l.
(2) u Arthur lævitt préconise un traitement comptable des *och-options>>, LaTiibune,25ll\l20ol.
(3) u Une marge de man<ruvre réduite sur les provisions o, C. Motol, Optiorc Finznce,05llll2OOl,.
(4) u Entreprises : quand la vertu devient.,, payante u, J. d. Linares, Le Nouael Obseruateur,
221tu2001.
(5) u Les directeurs financiers ont le vent en poupe ,, Fl de Monicault, Le Figaro Entreprises,
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26lrrl200r.
(6) .. OPRO : "I-lexperr indépendant devrait pouvoir entendre les minoritaires avant de rédiger son
rapport" ,, D. Kling36 (interview par O. Dufour), L:AStfr,28llll20}l.
(7) Le commissaire âux comptes face à la révolution de l"'attest" ,, Y. Medina, LAgef,
"
05lr2l200r.
(8) u Congress Signals L)eep Enron Inquiry ,, G. Robinson et A. Hill, Fircancial Tirnes,
061r21200t.
O7ll2l200l.
(9) n Les analystes réfornrent leur code de déontologis ,,, C. Fr., Les Echos,
(10) o Lebranchu souhaite [a transparence financière sur les conventions libres ,, J.-P. Lacour,
La Tî,ibune, IOI l2l2}Ol.
(11) < læs entreprises petrvent-elles s'inspirer du modèle arnéricain pour appliquer la norme inter-
nationale sur les dérivés ? ,, A. Chaumartin et V. l,e Bellaé7, Option Finance, l0lI2l20Ol-
(12) n Congress Asks SE(l to Hand over Enron Records >, S. McNulty, Financial Tirnes,
rur2l200t.
'Vall
(13) n How to Prevent Future Enrons u, H. Pitti8, StreetJournal,l2ll2l2oÙl.
(14) < Investors Greet Investigation ,,, J. læahy, Firuancial'lirnes' l2l12l2OOI.
(1 5) u Les avocars lL2l200l.
d'affaires s'accordent sur la pluridisciplinarité u, F. H., La Ti"ibune, 17

(16) Les normes comptables encore éloignées des standards internationâux >, La Tiibune,
"
r8lt2l200r.
(17) n Personal Protection versus Financial Privacy n, M. Peel et J. Eaglesham, Financial Tirnes,
0910u2002.
(18) o La mission des commissaires aux comptes ,, A. P Bahuonj9, La Ti,ibune, 1610ll2OO2.
(19) Aldo Cardoso : "Andersen est un bouc émissaire" o, A. Cardoso40 (interview par F. de
"
Monicault), Le Figaro Économie, 23 | Ol | 2002.
(20) . \ûashington ordonne une enquête sur les contrats Andersen-Ellroo >r A. Bohineust,
Iz Figaro Éconornie, 28 | Ol | 2002.
(21) o IJopacité comptable sème la peur à'W'all Street ,, T funaud, La Tiibune, 31l0ll2ÙO2.

CoMprABItlt'É - C-oNIRôLE - Auorr / Numéro thématique - Juin 20o4 (p. 105 à 131)
Jarques-Olivier CnannoN
TIDÉOLOGIE DE LATRANSPARENCE DANS T]AUDIf :
UNEAPPROCHE DE SA DTMENSION MÉDhilQUE 125
(22) Ia
" I')externalisation des fonctions ûnancières se développe en France >, F. Degan, T*ibune,
0610212002.
(23) < Enron : les normes comptables américaines démonment leurs faiblesses ,, O. Dufour,
fAs&0610212002.
(24) . Accounting \7oes Spark Calls for Change r, S. Liesman, J. 'Weil et M. Schroe der, Wall Stea
lournal,07l02l2OO2.
(25) u Robert \Tillens : "Læs sociétés américaines devront amortir l'équivalent de 1000 milliards
de dollars de survaleurs avant la fin 20O2" ,, R. \Tillens (interview p"t M. Prandi), Les Écbos,
a810212002.
(26) . Fabius veut mieux distinguer l'audit des aures acrivit& >, La Tiibune,0810212002.
(27) < Acc-ounting Standards Show Signs of Being Unacceptabls ,,, D. 'Wessel, Wall Sneet
Joarnal,
tu0212002.
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(28) < ks salaires élevés et le côté formateur du métier séduisenr toujours ,, A. Reverchon,
Le Mondc Éeonomie, UA2|2O02.
(29) læ divorce forcé entre l'audit légal et les activités de "consuldng" est consommé chez les "Big
"
Five" r, O. Dufour, LAgtfr,BlA2lZ0O2.
(30) u Enron, finance er transp:uen@ o, L. Fabiusal, Le Mondz, 1310212002.
(31) . La SEC cherche à reprendre la main ,, P-Y. Dugua, Le Figaro Éconornie,l4tO2l2OO2.
(32) u Volcker Urges Global Body forAccounts D, M. Peel, FinancialTïmzs,l4lO2l2OO2.
(33) u Accounting Standards Board Refuses to Divulge its Donors >, M. Peel, Financial Times,
r810212002.

"Le directeur financier sorr de l'ombre ,,, J. M., Iz Tîibune, l8to2t20\2.


(34)
(35) u Holes in Account Threaten TV Listing o, J. Harding, Finarucial Tîmes,20l02l2OO2.
(36) * Opaque Accounts Haunting Europe : Five Case Studies o, J. Eisinger,J. Caneyrou, K.
Delaney et M. Karnitschnig, Vall Sneet Joumal, 221 O2l 2002.
(37) l"ooking Askance at Big Five Audircrs u, S. Kapner, International Heralà.Tîibune (reprise du
"
Neut Yorh Times), 23 | O2l 2002.
(38) Iæ secteur high+ech entre dans l'ère du soupçon >, B. Faucon et L. Mailhes, Les Échos. net,
"
2510212002.
(39) tlamélioration de la transparence financière ne peut reposer uniquement sur les auditeurs u,
"
M. Tfrdel (interview per O. Dufour), LAgtfr27l02l2A\2.
(40) * Le président de la SEC éclaboussé par Enron >, N. Barré, Les Échos,2710212002.
(41) La COB renforce les exigences de transparence des comptes o, J.-P l,acour, La Ti,ibune,
"
0410312002.
(42) * ln 'Wake of Enron, Auditors in US Pay Closer Attention >, C. Bryan-Low, rVall Sneet
tournal,0410312002.
(43) u Enron, le comptable et la morale o, C. Hoara#2, Les Échos, O5lO3l2OO2.
(44) u ChinaDrops Audit Proposal r,, Financial Tirnes, O5lO3t2O02.
(45) u Bqpst to Electronic Reporting of Financial Data ,, S. London, Financial Tirnes,
0510312002

CoMPTABtr{rÉ - CoNrRôrr - Arrorr / Numéro thématique - Juin 2O04 (p, I05 à l3l)
Jacques-Olivier CnennoN
I JIDÉOI,OGIË DE IÂ TRANSPARENCE I )ANS TJAI.J t )IT :
126 [JNEAppRocHE DE sA DIMENsIoN MÉDArtet]E

(46) . Comptes des entreprises : le grand pschitt... o, P. Reclus, Le Figaro,0610312002.


(47) u Comptabilité er rransparence, deux notions financières à réconciliel ,,, D. Mariette,
La Ti'i bune, 06 | $ | 2A02.
(48) u Des zones d'ombre persistent au niveau du bilan ) et < LUS Gaap, plus complexe que les
normes françaises , (éléments d'un dossier sur Vivendi), D. Cuny, La Ti,ibune, 0610312002.
(49) Dossier: < Comment les entreprises manipulent leurs comptes ,, B. Abescat, o lJimpossible
vérité >, J.Joly et V. Nouzille, n (lontrôler les contrôleurs ,, J. Attali, L'Express,0710312002.
(50) ,, E. Gernelle, Le Point,07l03l2o02.
f^a frousse d'Anderscn France
"
(51) u læs gens sont ébranlés, tristes ,, N. Cori, Libération, O8l02l2OO2-
(52) . The Blessing of Disclosure u, N. Cohen, Financial'fimes,0810312002.
(53) \fill Reforms Endure after Enron ? ,, S. Liesman, M. Schroeder, R. Silverman et C.
"
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Mollenkamp, Wall Journal, 08 1 03 1 2A02.
Street
(54) Les normes IAS : quels enjeux pour les entreprises ? ,, J. Blanchet et P Mourvilliera3, Option
"
Finance, lll03l2OO2.
(55) * LlEurope prête pour le grand saut dans les normes IAS en 2OO5 >, O. Dufour, LAgrfr,
1410312002.
(56) u l,a vérité des comptes.. . est ailleurs o, O. Toscer, Le Nouuel Obseraateur, l4lO3l2OO2.
(57) u Claude Cazes : llexcessive concentration dans l'audit, vrai risque systémique ,, C. Cazss&
(interview par C. Palierse), I'es Échos,1510312002.
(58) * Iiopéradon "comptes propres" est ouverte n, M. Bertouille, La Tiibune,l5lO3l2OO2.
(59) (dans un dossier sur Andersen) n Danger of Chaotic Exodus if Firm Fails o, A. Michaels et
1l 'fhal Larsen, n Japan has got problems of its own ,, M. Nakamoto, D. Pilling et B. Rahman,
Financial Times, | 5 | O3 I 2002.
(60) . US Opinion Split on Rules for Tighter Accounting ,, A. Beard, Fircancial Tirnes,
1810312002.
(61) * PwC: le roi du "middle market" ,, O. Dufour, LAgef,2Ol03l2OO2.
(62) Comptes des entreprises : le grand ménage o, F. Beuscart, L'Usine nouuelle,2Il03l2002.
"
(63)
" Indicateurs financiers non codifiés: quelques règles à respecter r, X. Paper4s, Option
Finance,25lO3l2O02.
(64) sur les stoch-optionss'aviveaux É,tas-Unis ,, N. Barré, Les ÉcLtos,2710312002.
"l,edébat
(65) (dans un dossier sur les âgences de notation) < Les agences de notation, arbitres contestés des
marchés financiers ,, C. Prudhomnle, ( u Dans les pays émergents, les agences se trompent sur toute
la ligne , J.-J. Sevilla, Le Mond.e,2810312002.
o,

(66) Enjolivez vos comptes en toute légalité u, N. Salez, l.'Entreprise, avril2002.


"
(67) n Perte de confiance dans l'audit, à qui la faute ? o, J.-Fi Serval46, La Ti"ibune, O2lO4l2OO2.
(68) Le CMF durcit les règles de la profession d'analyste financier ,, J.-F. I-epetit47 (interview par
u
E. Benhamo u), La Ti,ibune, 021 O4l 2002.
(6g) I'information comptalrle ,, E. (]ohen48, Le Figaro Éconornie,
" La nécessaire traçabilité de
0810412002.

CoMr'rABrurÉ - CoNrRôlr - Auon / Numéro thémadque - Jtin 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Otvier CH RRoN
IIDÉ,OLOGIE DE Lq,TRANSPARENCE DANS LAUDIT:
UNEAPPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIANQUE r27
(70) o Let stoch-oPtions dans la ligne de mire de la SEC à \Zall Streer ,, T Arnaud, La Tiibune,
0810412002.
(7t) Oes Big Five aux Fat Four ,,, Option Finance,08l04l20OZ.
"
(72) u Vers un nouvel état de mesure de la performance avec les normes IAS ? >, X. Paper, Option
Finznce,0810412002.
(73) *I'e développement durable attise les appétits des consultanls ,,, C. Rollot, Le Monàz Écono-
rnie,0910412002.
(74) u Consultations sur le traitement comptable des risques de crédit ,,
J.-P. Lacour, La Tribune,
r010412002.
(75) u Enron, Anderseri Had a [,ot of Help Fighting Regulation >, G. Simpso n,'ValJ S*eetJournal,
r0lo4l2oo2.
(76) u For Auditors and Clients, a Chillier'World Dawns u, D. 'Woodruff, \Vall Sneet Journal,
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r210412002.
(77) uEnron inquiète les Quinze o, P 8., Le Figaro Éconornie,15104120\2.
(78) u Chiefs at ComputerAssociates are Given Directors'support >, J. Guidera, Wall Sneet
loumal,15lO4l20A2.
(79) * Balancing options ,, A. Hill et P. Despeignes, FinarccialTimes, 1910412002.
(80) Dossier : n LUnion européenne tire les premières leçons de l'affaire Enron >, O. Dufour ; < La
publication des honoraires des commissaires aux comptes favorisera la transparence sur leur indépen-
dance o, M. Tudelae (interview par O. Dufour), LAgû,2410412002.

C,oMI'râBû.rrÉ- Corrnôr.e -Auorr / Numéro thCmatique -Juin 20A4 @.105 à 13l)


Jacques-Olivier Cnenrol
I]IDÉoI,OGIL, DE IA TRANSPARENCE DANS LAUDIT :
L28 t.]NE AI'PROCHE DE SA DIMENSION MÉ,DHTIQUE

t l. Il s'agit de I'ensemble des articles proposés à ce


llele! - cabinet, qui pouvait ensuite les valider ou non
l. Læuvre de Michel Surya (1999) est un rare
avarrt diFfusion, et qui donc ne les retenait pas
exemple de critique explicitc de la notion. tolts.
2. Et qu'ont bien relevée'I'hierry Libaen (2003),
12. Nous laissons ici de côté, délibérément, I'aspect
ainsi qu Emiliano Grossman, Emilio Luque et
économique de la relation, le fait qu'elle soit aussi
Fôian Muniesa (2002), qui ont noamment Pro- une transaction porEnt sur des services spécialisés
posé une catégorisation des sens et des usages du
sur un marché concurrentiel. Cette oPdon nous
terme.
permet, au moins à ce stade, de prendre au sérieux
3. Nous avons postulé l'équivalence des termes fran- la revendication de ransparence, sans immédiate-
(
çais u transparence ) et anglais transpârency )), et ment y voir une rationalisation de I'extension du
des termes français et anglais n audit u, en esti- marché et/ou de la hausse des honoraires d'audit.
mant que les différences de sens et de connoation Il nous semble que cela nous permet aussi, plus
qui ont pu ou peuvent encore exister tendaient à loin, de saisir des dimensions de la notion qui,
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se réduire, en pârd@lier dans Ia presse écono- sinon, nous auraient échappé.
mique et générale française où il rr'est pas rare que
13. À l'arrièrc-plan de cette façon de prendre comme
le marché intérieur soit un marché o domestique,
objet privilégié lei relations plus que les entit&
et oir le terme (( gouvernance o a eu le succès que
reliées, de considérer que ce sont les premières et
I'on sait pour traduire paresseusement ( governan-
non les secondes qui sont les n briques de base o du
ce ti, mot à peu près inconnu en français il y a
vingt ans. llédition de 1982 du Roberten donne
social, il y a la socio-histoire de Norbert Elias
(1976, 1985, 1990) qui, sur ce plan, s'est inscrit
la définition suivante : Arcimn. Bailliages de
dans un courant bien plus large, comme l'expli-
l'Artois et de la Flandre.
quait Picrre Bourdieu (1992, p.72) : mode de
4. Base de données de I'Anrerican Economic "I-e
pensée relationnel (plutôt que ( structuraliste u,
Association, qui recense les principales publica-
plus étroit) est, comme Cassirer I'a montré dans
tions savantes en économie.
Subsaace a Forutioa la marque distinctive de la
5. Ces requêtes ont été effectuées les 24 et 25 juillet
science moderne, et I'on pourrait montrer qu on la
2003. retrouve derrière des entreprises scientifiques aussi
6. Base de données qui reprend le texte intégral de différentes, en apparence, que celles du formaliste
2 000 revues académiques et traitant de I'actualité nrsse'lynianov, du psychosociologue Kurt læwin,
économique. de Norbert Elias et des pionniers du structuralisme
Au point que < contrôlabilité o nous paralt une en anthropologie, en linguistique et en histoire, de
traduction possible, quoiqu'inélégante. Sapir et Jakobson à Dumâil et Lévi-Strauss. [...].
8. Grossman et aL (2OO2), dans un document de tra- [...] qui existe dans le monde social, ce sont des
".
relations - non des interactions ou des liens inter-
vail présenté au séminaire o lllégitimité et légiti-
mation du secret o animé par Cyril Lemieux à subjectifs entre des agents, mais des relations
|EHESS, ont montré, cela dit, en interrogeant objectives qui existent "indépendamment des
trois bases de données académiques (Econlit, consciences et des volont& individuelles", comme
Political Science and Government Absuacts et disait Marx. o Notre approche de la notion d'idéo-
Sociological Abstracts) sur la période 1986-2000, logie relèvera aussi de cette perspective.
que I'usage du terme (de fàçon générde, et non l4.Il arrive bien str que la ransparence soit utilisée
associé à I'audit) y avait progressé rès nettement dans deux acceptions différentes au sein d'un
dans les années 1990. même article, ce qui explique pourquoi nous
9. Voir Chiapello (2003) sur cette acceptinn de la pourrons nous référer au même article dans deux
nodon d'idéologie. d&eloppements différents. Par ailleurs, il âut
10. Dans un souci de comparabilité avec notre corpus souligner que le flou qui règne dans l'usage du
de 80 articles étudiés dans la deuxième partie. terme nous a conduits à faire parfois des choix diÊ

CoMrrAB[nÉ - Cxrvrnôr-e - Aupn / Numéro thématique * Juin 2004 (p. 105 à 131)
Jacques-Olivier CnannoN
rIDÉOLOGIE DE I.ATMNSPARENCE DANS LAUDIT .
trNE ÂppRocHE DE SA DTMENSTON MÉDIAnQUE r29
ficiles. Pour ne prendre qu'un exemple, dans I'ar- ment, nous pouvons renvoyer ici à notre premier
ticle n" 41, une expression comme la o uanspa- ârgument et constater que les auffes ( principaux n
rencc dans les comptes D nous paralt relever de la dont il est question dans le sens commun des
uoisième acception (la transparence comme qua- acteurs et des dirigeants du capitalisme (tel qu'il
lification d'une donnée),,mais le développement est mis en forme dans la presse économique) riont
de I'o<pression l'assimile à la fois à la divulgation qdune présence marginale.
d'information et à I'explicitation d'une informa- 25.lIs'ag;it des artides n* 15, 26,37,71 et76.
tion donnée, et non au fait que I'information 26.On peut remarquer d'ailleurs que I'ouverrure de
devrait êue dotée d'une gualité spéciale qui serait
I'audit à la diversité des demandes sociales et des
la transparence : I'artide indique que la COB veut
inteqprétations est clairement absente des ardcles
u exiger davantage de transparence dans les de notre corpus.
comptes, qu'il s'agisse d'expliquer la politique de '27.8n particulier dans sa fameuse métaphore sur le
provisions au bilan ou de donner une information
( con@urs de beauté >, qui visait à monrer que la
précise sur les risques supponés in finz par I'enrre-
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seule conduite rationnelle en siruation d'incertitu-
prise et relatifs à des entit6 non consolidées r.
de radicale consistait à imiter les auces, d'otr
I 5. des articles rf" 2, 9, I 0, I l, 12, 21, 24, 28,
Il s'agit l'émergence de repr6entations collectives par imi-
29, 30, 31, 35, 38, 39, 42, 49, 51, 57, 60, 61, 69, tation, le problème étant alors d'expliquer com-
70,73,75,79 et80. ment surgit la norme qui peur s'imposer (au
16. I,oi sur les u nouvelles régulations économiques ,. moins temporairement).
17,Yoh Sauviat, 2003, sur les données et le conrexre 28. Il évoque plus largement dans son article les liens
de ce débat. personnels et intellectuels enrre Keynes et le phi-
I 8. Il s'agit 8, 13, 14, | 6, 17, 19, 20,
des articles nos 4, losophe auuichien.
22, 27, 30, 36, 44, 45, 46; 49, 52, 53, 54, 66, 67, 29. Dans Lordon, 2A02, qut revienr sur la < bataille
69,74,77 et78. boursière D ayant opposé la BNP à la Société
19. Nous avons assimilé à ce sens deux cas où la uans- Générale en 1999 pour le conrrôle de Paribas, on
parenÇe qualifie directement des individus : celui peut voir un exemple de u c,hangement de critère
otr la nansparence est vue comme une des quali- du bien u quand la frrsion < retail-retail >, réputée

t6 du directeur financier idéal (5), et celui où il <mauvaise >, devient u bonne >. On pourrait évo-
neus est dit que la < professionnels , doivent être quer aussi le rôle des march6 obligataires pour les
tansparen$ (30). Cet article (un point de vue de entreprises non cotées, les administrations, les
laurent Fôius, alors ministre de l'É,conomie et c'est avanr tout sur ces march6 que les
É,tats.
des Finances, dans k Mondc) esr iméressanr à agences de notation jouent un rôle prescripteur
considérer si I'on veut prendre conscience de Ia fon.
polpémie de la transparence : la notion y apparalt 30. Nous ne pensons pas, précisonsJe, qu'on puisse
en effet dans les trois sçns que nous exposons ici. parler ici d'< irréalité D, encore moins recourir au
20. Il s'agit des anicles n* 1, 3, 5, 6, 7, 18, 23, 25, 30, concept baudrillardien di, hypemâlité > (comme
32, 39, 40, 41, 43, 47, 49, 55, 56, 59, 62, 63, 64, I'ont fait Macintoshet aL,2000, pour qualifier les
65,66,72 et80. principales notions comprables dans leur accep-
2l.Il s'agit des articlcs ns 1, 10, 18, 19, 20,24,28,
tion contemporaine). læ terme de < spécularité >

utilisé par F. Lordon paralt plus peninent et plus


32, 35, 36;, 37, 45, 49, 54, 59, 66 et 75.
apte à faire comprendre ce qui différencie, en par-
22,lnteriew dAldo Cardoso, alors président du ticulier, les marchés financiers des march6 de
réseau mondial Andersen.
biens et services. Sur ces derniers, en effet, I'ofiFre
23. Sapir (2000) a souligné la persistance de son hégé- et la demande peuvent varier en fonction de
monie dans le champ de la science économique. il peur être soutenu que les
divers facteurs, mais
24.11 peut y avoir bien entendu d'autres < princi- préférences des individus poftant sur tel bien ou
paux D, même dans ce cadre théorique ; simple- tel service ne sonr pas arbitraires er jouent un rôle

CoMprâBtrxrÉ - C-oNrRôr.E - AnDrr / Numéro thématique - Juin 2004 (p. lOj à 13l)
Jacques-Olivier Crnnron
I]IDÉOI,OGIE DE LATRANSPARENCE DANS IAUDIT:
130 LINE APPROCHE DE SA DIMENSION MÉDIA|IQI.]E

de u force de rappel u. En revanche' sur un marché 41. Ministre de l'Economie et des Finances.
où s'échangent, par exemple, des titres de proprié- 42. Professeur au CNAM, titulaire de la chaire de
té, chaque intervenant doit se déterminer non pas comptabilité financière et audit.
en fonction de ses propres préférences mais en 43. Respectivement : associé Andersen, responsable
fonction de ce qu il pense voir advenir comme du projct IAS 2005, consultant Andersen sur le
préférence dominante. Ce fonctionnement qui projet IAS 2005.
repose sur des préférences anticipées nest pas
44.Wésident du conseil supérieur de I'ordre des
u moins réel n que celui qui repose sur des préfé-
experts-comptables.
rences, il est différent et plus insnble dès lors que
45.fusocié RSM Salustro Reydel, directeur des
nous admettons que chaque individu est plus apte
normes er pratiques comptables.
à déterminer ses propres préférences que celles des
auues. 46. Président du cabinet d'audit international
Constantin,
31. o In simple terms, the output ol'the audit process is
47.Pftsident du Conseil des marchés financiers.
an opininn. The presurned effea of this opinion is to
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mhance the oedibilit'y of the audited object , 48. Professeur à I'université Paris-IX.
(Power, 1999, p. 28) o 'lhe fi.nancial audit report, 49. Pr&ident de la Compagnie nationale des commis-
ahhoagh nanatiae in fortn, functions rnore as 4 saires aux comptes.
q"aliry labeL , (ibid., p. 125)
32.Cette précision est importante. Nombreux sont Blbtlgg1ophie
en effet les discours qui, tt-rut en ayant un caractè-
re normatifi ne sont pas des idéologies dans le sens BoltaNsru L. et Curapet.t-o E. (1999), Le Nouuel
que nous utilisons ici, parce qu ils ne viennent pas Esprit da ca?italisme, Gallimard, Paris.
effectivement à I'appui d'un rappc,rt social de Bor'rrNsr<r I-. et 'IsÉwNor L. (1991), De la justifi.-
dominacion. catio n Gallimard, Paris.
33. Voir Erik Neveu (1994). Bonnoreu P. (1992), Rêponses, Seuil, Paris.

34. Gilla Deleuze (2003) avait esquissé une réflexion Casrtl R. (1995), Les Méumarphoses fu la. question
sur la substitution du contrôle à I'autorité. so c iale, Fayud., Paris.
Michael Power, quant à lui, voit dans I'audit et le CnaRng,Rux G. (2000), < Gouvernement d'entreprise
contrôle ce qui vient combler le vide laissé par le et comptabilité >, in Ercyclopédie dz compabilité,
retrait de I'É,tat mais aussi des interactions de rype con*ôb dc gestion et audit sous la direction de
communautairc: " The motif of the audit society B. Cot.nsss, Economica, Paris.
refzcx a tendenE for audit' to become a lzading Csnlslt-o E. (2003), o Reconciling theTwo Principal
bearer of legitimary and this must be so because Meanirrgs of the Notion of Ideolory >, European
otlter sources of bgitimacy, sach as community anà Joumal of Social Theory, 6(2), p. 155-171.
sta.k, are dzclining in inlh.rence. r (Power, 1999, DBtsuzr G. (2003), u Post-scriptum sur les sociétés
p. 146-147) de ccrntrôle ", in Pourparlers, Minuit, Paris.
35. Foncdon qui ne peut qtre prendre plus d'impor- (lr" édition 1990)
tance avec la mise en (Êuvre des normes IFRS. Elns N. (1976), La Ciailisation des mæur\ Presses
36. Pr6ident d'honneur de la Compagnie nationale Pocket, Paris. (l* éd. franpise : 1973 ; édition
des commissaires aux comptes. originale : 1936.)

37. Respectivement associé ct directeur chez PwC-


EI-rns N. (1985), I^a Société de coun Flammarion,
Paris. (1r" éd. française : 1974 ; édition originale :
38. Président de la SEC. 1969.)
39. Président de l'lfec (Institut français des experts- Erns N. (1990), Ia dynamique de I'Occident, Presses
comptables et commissaires aux comptes). Pocket, Paris. (l'éd. française : 1975; édition
40. Président d'Andersen France. originale : 1936.)

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