Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
COÛTS CACHÉS
Laurent Cappelletti, Olivier Voyant et Henri Savall
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Association Francophone de Comptabilité | « ACCRA »
2018/2 N° 2 | pages 71 à 91
ISSN 2617-2399
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Quarante ans après son invention :
la méthode des coûts cachés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Laurent Cappelletti
Conservatoire National des Arts et Métiers (Paris)
laurent.cappelletti@lecnam.net
Olivier Voyant
Institut d’Administration des Entreprises de Lyon (Université Lyon 3)
olivier.voyant@univ-lyon3.fr
Henri Savall
Institut de Socio-Economie des Entreprises et Organisations
savall@iseor.com
RÉSUMÉ – Quarante ans après son invention, l’article étudie l’histoire de la méthode
des coûts cachés. Il explique en particulier la genèse de sa conception, ses apports et
ses limites tant au plan pratique que théorique. Il montre en particulier comment cette
méthode contribue en même temps à des effets managériaux et à la production de
données d’intention scientifique, ce qui l’inscrit dans le paradigme de l’Evidence-Based
Management.
MOTS-CLÉS – coûts-performances cachés, contrôle de gestion socio-économique,
recherche-intervention qualimétrique, evidence-based management
ABSTRACT – Forty years after its invention, the article studies the history of the hid-
den cost method. In particular, it explains the genesis of its conception, its contributions
and its limitations both in practical and theoretical terms. In particular, it shows how
this method contributes at the same time to managerial effects and the production of
scientific intent data, which places it in the paradigm of Evidence-Based Management.
KEYWORDS – hidden costs and performances, socio-economic management
control, qualimetric intervention-research, evidence-based management
Introduction
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
La théorie-méthode des coûts-performances cachés – dite méthode
des coûts cachés dans la suite de l’article – a été inventée par le pro-
fesseur Henri Savall en 1974 puis développée et propagée avec son
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Du reste Savall, pour sa méthode des coûts cachés, est cité par les mana-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
gers parmi les vingt auteurs les plus connus dans le monde en écono-
mie et gestion selon l’enquête réalisée en 2016 par la FNEGE (Fondation
Nationale pour l’Enseignement de la Gestion dans les Entreprises).
À l’origine de la méthode, Savall était arrivé à la conclusion que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
tait ses travaux vers l’exploration, l’identification et l’utilisation de ces
coûts-performances cachés, jusque-là ignorés par la littérature des
sciences économiques et de gestion.
On comprend que dès son origine, la méthode des coûts cachés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
2. L
e cadre managérial des coûts cachés :
le contrôle de gestion socio-économique
La conception du contrôle de gestion socio-économique repose sur
trois axes : un axe d’outils de contrôle de gestion, un axe de proces-
sus de changement et un axe politique et stratégique. La méthode
des coûts cachés est directement utilisée dans la partie diagnostic de
l’axe processus mais elle imprègne l’ensemble du contrôle de gestion
socio-économique comme cette partie l’explique. L’application concrète
de la méthode sur 1854 entreprises et organisations depuis 1974 a fait
l’objet de publications détaillées dans des ouvrages édités par le BIT
et IAP par exemple dans Buono et Savall (2007, 2015) et Savall et al.
(2008). Le propos de l’article n’étant pas de proposer une étude de
cas analytique supplémentaire de la méthode mais une prise de recul
synthétique et critique sur celle-ci, nous renvoyons le lecteur désireux
d’accéder à des études de cas analytiques à ces ouvrages.
2.1. U
n contrôle de gestion conciliant l’économique
et le social
Depuis 1974, le contrôle de gestion socio-économique et sa méthode
des coûts cachés ont été implantés au sein de grandes entreprises
(Brioche Pasquier, Manpower…), des organisations publiques (Le Forem :
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
(professions libérales : notaires, architectes… ; Institut Paul Bocuse…).
Le contrôle de gestion socio-économique repose sur trois principes fon-
damentaux qui le distinguent d’autres méthodes globales de contrôle
comme le Lean Management, Six Sigma ou le Balanced Scorecard. Il est
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
qualité (Cappelletti 2012).
2.2. L
es trois axes du contrôle
de gestion socio-économique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
•• Le module financier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Le calcul des coûts cachés suit un modèle général de calcul présenté
Tableau 1. Pour les calculer, de nouveaux entretiens, cette fois quanti-
tatifs et financiers, sont menés auprès de l’encadrement de l’organisa-
tion diagnostiquée. Ces entretiens consistent d’abord à repérer la cause
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
surconsommations
non-productions
non-création de
sursalaires
surtemps
potentiel
risques
absentéisme
accident du travail
rotation du personnel
défauts de qualité
écarts de productivité directe
© ISEOR 1974-2018
Puis les coûts cachés sont évalués au travers le coût des consé-
quences des dysfonctionnements appelées « actes de régulation ».
L’évaluation se fait au moyen de six composants : les surconsomma-
tions qui correspondent à des biens ou des services consommés en
excès ; les sursalaires qui sont utilisés lorsqu’une activité est réalisée par
une personne titulaire d’une fonction mieux rémunérée que celle qui
devrait l’assumer, ou lorsque des salaires sont versés à des personnes
absentes ; les surtemps qui correspondent à des activités de régula-
tion qui prennent du temps supplémentaire ; les non-productions qui
surviennent en cas d’absence d’activité ou d’un arrêt de travail ; les
non-créations de potentiel et les risques qui correspondent à des
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Les régulations des dysfonctionnements sont coûteuses et engendrent
des pertes de valeur ajoutée car elles sont de deux types : les activités
humaines et les surconsommations de biens, matières ou services. Les
temps humains passés à réguler des dysfonctionnements sont valorisés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
3. L
e cadre scientifique des coûts cachés :
la recherche-intervention qualimétrique
La recherche-intervention qualimétrique est, en quelque sorte, le
« véhicule » scientifique de la méthode des coûts cachés qui en par-
tage donc les principes. Cette recherche-intervention prend place dans
le paradigme de l’Evidence-Based Management (Pfeffer et Sutton
2006 ; Rousseau 2006) qui regroupe les approches de terrain visant
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
que recherche collaborative transformative, elle se rapproche de l’en-
gaged scholarship de Van de Ven et Johnson (2006) notamment au
plan des dispositifs épistémologiques qu’elle mobilise.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
3.1. L
e paradigme de référence de la recherche-
intervention qualimétrique :
l’Evidence-Based Management
La littérature en comptabilité et contrôle portant sur les recherches
de terrain est considérable (Kaplan 1998 ; Cappelletti et Baker 2010).
Le principe directeur de ces recherches repose sur une collecte de don-
nées fondée sur l’observation des pratiques professionnelles à partir
d’un engagement du chercheur au sein de l’organisation qu’il étudie
(Jönsson et Lukka 2005). Les modèles proposés à partir de recherches
de terrain font fréquemment l’objet de critiques à l’encontre de leur
validité, et singulièrement en contrôle de gestion (Dupuy et al. 2006).
En effet, ces travaux suscitent la controverse car le professionnel pra-
tiquerait un art et il serait influencé dans ses pratiques par sa forma-
tion technique, son idéologie et le contexte de son entreprise (Kaplan
et Norton 2008 ; Meyssonnier 2015). Or la question du fossé entre
la théorie et la pratique en gestion renvoie fondamentalement à
l’Evidence-Based Management (EBM) qui signifie l’élaboration de
connaissances théoriques, à partir d’une observation rigoureuse
des faits, utiles aux décisions managériales (Pfeffer et Sutton 2006 :
Rousseau 2006). L’EBM est donc un paradigme de référence pour la
recherche-intervention qualimétrique, et partant pour la méthode des
coûts cachés, car fondée sur l’hypothèse qu’une analyse rigoureuse
des événements permet de distinguer les faits avérés des croyances, les
connaissances génériques de celles plus contingentes.
En lien avec l’EBM, Van de Ven et Johnson (2006) proposent une
approche qui analyse l’écart entre la théorie et la pratique comme un
problème de production de connaissances. Ils développent le concept
d’engaged scholarship, que l’on peut traduire par recherche engagée
et collaborative, et qui repose sur deux principes : « la coproduction
des connaissances » entre chercheurs et praticiens et « l’arbitrage
contradictoire », c’est-à-dire la validation des observations par des dis-
cussions non complaisantes entre chercheurs et praticiens. Le cadre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
suivre qui vont dans le sens de l’EBM : poser des problématiques de
recherche enracinées dans la réalité, concevoir un projet de recherche
selon un mode d’apprentissage collaboratif, prévoir un projet de
recherche de longue durée, mobiliser des théories variées, réviser
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
3.2. L
es principes épistémologiques
de la recherche-intervention qualimétrique
La pratique de la recherche-intervention qualimétrique appliquée à
une grande variété d’objets de recherche a fait émerger trois principes qui
caractérisent son épistémologie et partant celle de la méthode des coûts
cachés (Buono et Savall 2007, 2015 ; Buono et al. 2018). L’interactivité
cognitive désigne le fait que la construction de la connaissance collec-
tive résulte d’un processus d’interaction entre deux ou plusieurs acteurs.
Chacun étant porteur d’une bribe de connaissances contribue, grâce à
des itérations successives, à construire une connaissance partagée par
les acteurs d’une équipe ou d’une organisation. Cela justifie la nécessité
d’un partenariat entre le chercheur et le terrain. La contingence géné-
rique désigne le fait que toute situation est contingente mais qu’une
analyse approfondie révèle un composant générique que l’on retrouve
dans d’autres situations, de même qu’on retrouve le même atome dans
différentes molécules. L’intersubjectivité contradictoire désigne le pro-
cessus interactif qui permet à deux ou plusieurs acteurs, partant de
points de vue subjectifs différents, de construire, au moyen d’itérations
au cours du temps, une représentation commune acceptable. Étant
donné l’impossible objectivité, selon nous, en sciences humaines et
sociales, cette représentation conventionnelle, à défaut d’être « objec-
tive », permet de construire une plateforme de connaissances d’inten-
tion scientifique, utilisable dans un espace d’acteurs donné et pour un
certain temps. La collecte des données pour mesurer les coûts cachés,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
puis ensuite évaluer leur conversion en performances, mobilise ces
trois principes épistémologiques au travers la technique de diagnostic
expliquée en partie 2 de l’article. Cela permet, outre l’authenticité et la
qualité des mesures, d’utiliser les coûts cachés comme matériaux scien-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
4. C
ritiques et perspectives de la méthode
des coûts cachés
Depuis 1974, les principales connaissances génériques produites
par le contrôle de gestion socio-économique et sa méthode des coûts
cachés montrent que les organisations, quelles qu’elles soient, dis-
posent d’une réserve endogène d’efficience comprise entre 20 000 et
70 000 euros de coûts cachés par personne et par an, dont une pro-
portion entre un tiers et la moitié est convertible en performances en
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
du gisement de coûts cachés s’avère incompressible (Buono et al. 2018).
Les critiques, appelons les « limites » si l’on veut, qui sont généralement
faites à la méthode des coûts cachés sont essentiellement focalisées sur
sa subjectivité qui peut choquer le comptable, l’auditeur et le contrôleur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
4.1. L
es « limites » de la méthode des coûts cachés :
des limites inhérentes aux sciences humaines
et sociales ?
Les chercheurs en contrôle de l’école de la recherche-action comme
Kaplan (1998) ou Reason et Bradbury (2001) se trouvent, en quelque
sorte, au milieu du gué, ayant choisi l’observation rapprochée pour
étudier les phénomènes liés aux situations de travail. En effet, ils
restent grosso modo attachés au paradigme de la neutralité du cher-
cheur, supposée être une condition sine qua non de la scientificité.
La recherche-intervention qualimétrique et, partant, la méthode des
coûts cachés, est certes née de la recherche-action mais en appro-
fondissant la question de l’impossible neutralité du chercheur, celui-ci
assumant pleinement sa non-neutralité et ses conséquences sur les
limites de scientificité de sa recherche (Moisdon 1984 ; Girin 1995).
Cette méthodologie relève donc d’une approche dite de constructi-
visme générique (voir partie 3). Elle se situe entre le positivisme et le
constructivisme, essayant de dépasser la relative superficialité du pre-
mier et la particularité du deuxième qui est né, en psychologie cogni-
tive, des recherches sur la construction de la connaissance individuelle
(Piaget, 1988). Le constructivisme générique répond aux besoins de la
recherche en sciences de gestion, dont le périmètre n’est pas l’individu
mais l’équipe ou l’organisation (Savall 2003 ; Savall et al. 2008).
Étant donné l’impossible objectivité, notamment en sciences
humaines et sociales, cette représentation conventionnelle, telle que
l’est un gisement de coûts cachés – mais, après tout, tel que peut l’être
n’importe quel coût puisqu’il relève avant tout d’une opinion (Burlaud
et al. 2004) – à défaut d’être « objective », permet de construire une
plateforme de connaissances d’intention scientifique, utilisable dans un
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
regrettable, singulièrement en comptabilité et contrôle, tend à sépa-
rer : les nombres et les lettres, les doués en mathématiques et doués en
lettres, les recherches qualitatives et les recherches quantitatives (Savall
1974, 1975, 2003 ; Gephart 2004). La qualimétrie consiste à réunir
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
montre pour illustrer le cas d’une Ecole d’hôtellerie et de restauration
avec 31 000 € de coûts cachés par personne et par an.
Les coûts cachés sont assez aisément réductibles à hauteur de 35 %
à 55 % grâce à des outils et un processus adaptés. Aussi, le problème des
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
coûts cachés n’est pas tant celui de leur existence, puisque les activités
humaines en produiraient « naturellement » en raison probablement
de l’entropie régissant les systèmes humains, mais de leur accumula-
tion au fil du temps. Combien de dysfonctionnements existent dans
les organisations depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, sans
que l’on s’en occupe ? Par exemple, les réunions inefficaces, les bugs
informatiques récurrents, des modes de management inappropriés, les
vulnérabilités de compétences, un niveau élevé d’absentéisme etc. Or,
le fait même de mesurer les coûts cachés et de présenter ces mesures
relève d’une pédagogie renouvelée des coûts qui suscite dans l’entre-
prise une prise de conscience pour réduire les dysfonctionnements.
Ainsi le cas d’une recherche dans un gros cabinet d’expertise comp-
table de 60 personnes a permis de calculer que 12 % des travaux
effectués par les collaborateurs n’étaient pas facturés aux clients, soit
720 000 € de non-productions annuelles (12 000 € par personne et
par an). Ce constat a déclenché une étude approfondie pour recher-
cher les causes :
–– réponses aux demandes des clients avant même d’avoir pris le
temps de formuler une offre ;
–– difficultés pour déterminer si la consultation est comprise ou non
dans le contrat annuel ;
–– mauvaise organisation de la mission en amont provoquant des
surtemps.
Les actions correctives ont consisté à mettre en œuvre rapidement
les processus suivants :
–– envoi d’un « bon d’intervention » ou devis pour toute consulta-
tion d’un client nécessitant une réponse écrite ;
–– refonte des contrats ou lettres de mission en détaillant le plus
possible le contenu et les modalités d’exécution de la mission ;
–– mise en œuvre d’outils de planification des missions.
85
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Quarante ans après son invention : la méthode des coûts cachés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
pu être ainsi réalisé grâce à l’énergie de changement provoquée par
l’évaluation des coûts cachés.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
taires de services externes pour pallier les absences ;
–– 747 000 € de non-productions correspondant au travail des
absents non pris en charge par les présents et laissées en suspens.
Pour ce département d’une centaine de personnes, les coûts cachés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Conclusion
Plus de quarante ans après son invention, les coûts cachés appa-
raissent aujourd’hui plus nettement pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire
un gisement de pertes de valeur ajoutée, donc une réserve endogène
d’efficience, partiellement convertible en performances, dont l’évalua-
tion puis l’exploitation se font au travers de dialogues contradictoires.
Au plan managérial, les coûts cachés stimulent la recherche de solu-
tions pour traiter les dysfonctionnements qui handicapent une organi-
sation. Au plan scientifique, ils servent de données pour proposer des
connaissances sur la dialectique coût-valeur des organisations. C’est
cette double facette méthodologique et théorique, managériale et
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
en gestion. Au-delà de ses apports, limites et perspectives, il apparaît
que l’intérêt prospectif central de la méthode des coûts cachés réside
dans sa capacité à enrichir les compétences du contrôleur de gestion
pour contribuer à l’innovation organisationnelle et à la création de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Bibliographie
Baker R.C. (2007). Action Research and Social Engagement. American
Accounting Association Annual Meeting. August, Chicago.
Boje D.M., Rosile, G-A. (2003). Comparison of socio-economic and other tran-
sorganizational development methods. Journal of Organizational Change
Management, 16(1), 10-20.
Buono A., Savall H. (eds) (2007). Socio-economic intervention in organiza-
tions: The intervener-researcher and the SEAM approach to organizational
analysis. Charlotte, NC: IAP.
Buono A., Savall H. (eds) (2015). The socio-economic approach to manage-
ment revisited. The evolving nature of SEAM in the 21st century. Charlotte,
NC: IAP.
Buono A., Savall H., Cappelletti L. (dir.) (2018). La recherche-intervention
dans les organisations. De la conceptualisation à la publication. Traduit
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Charlotte, NC : IAP. À paraître.
Burlaud A., Teller R., Chatelain-Ponroy S., Mignon S., Walliser E. (2004).
Contrôle de gestion. Vuibert Gestion.
Cappelletti L., Baker R. (2010). Measuring and developing human capital
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Pfeffer J., Sutton R. (2006). Hard facts, Dangerous half-truths and total
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
nonsense. Profiting from evidence-based management. Harvard Business
School Press.
Piaget J. (1988. L’épistémologie génétique. Paris, PUF.
Reason P., Bradbury H. (2001). Handbook of action research. London: Sage.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité
216-234.
Wiener N. (1948). Cybernetics, or Control and Communication in the Animal
and the Machine. The MIT Press (Cambridge, Mass.) and Wiley (New York).
Zardet V., Voyant O. (2003). Organizational transformation through the
socio-economic approach in an industrial context. Journal of Organizational
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 160.177.126.164 - 15/02/2019 12h22. © Association Francophone de Comptabilité