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BIENS COLLECTIFS

Richard Balme
in Laurie Boussaguet et al., Dictionnaire des politiques publiques

Presses de Sciences Po | « Références »

2019 | pages 109 à 116


ISBN 9782724625110
DOI 10.3917/scpo.bouss.2019.01.0109
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Biens collectifs
La notion de bien collectif est empruntée à l’économie publique. Elle
vise initialement à identifier les situations dans lesquelles le marché
se trouve pris en défaut et se révèle incapable de produire certains
biens en raison de leurs propriétés spécifiques. Le questionnement a
cependant des implications politologiques fondamentales pour
comprendre les rapports entre l’État et le marché, entre intérêt privé
et intérêt public, et, plus généralement, pour analyser les conditions
de la coopération et de la coordination, en particulier entre les acteurs
des politiques publiques. Le terme générique « biens collectifs »
recouvre les biens publics (public goods), les biens communs
(commons) et les phénomènes d’externalité.
Les biens « privés », dont traite le plus souvent l’économie, présen-
tent deux caractéristiques principales : leur consommation est à la fois
sélective (il est possible de sélectionner les consommateurs) et rivale (la
consommation d’un individu affecte celle des autres). L’industrie auto-
mobile, par exemple, ou celle des produits alimentaires, textiles, phar-
maceutiques, etc., peut moduler sa production en augmentant ou en
diminuant le nombre de biens (véhicules) qu’elle met sur le marché, à
l’unité près. Les consommateurs sont en concurrence relative : si un
modèle populaire est fabriqué à quelques milliers d’exemplaires seule-
ment, une rivalité s’établit entre les acheteurs potentiels qui se précipi-
tent vers les distributeurs. Autrement dit, leur capacité d’accès au bien
est affectée par la demande des autres consommateurs. Ces deux pro-
priétés sont nécessaires au fonctionnement du marché, c’est-à-dire à
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l’ajustement mutuel entre l’offre et la demande par l’intermédiaire des


prix. Certains biens restent cependant dépourvus de ces caractéristiques.
L’éclairage public, par exemple, varie d’un quartier à l’autre, mais sa
consommation n’est pas séparable : les rues sont éclairées pour tout le
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monde ou elles ne le sont pas. Surtout, les individus ne sont pas en
situation de rivalité : leur usage de l’éclairage public n’affecte pas celui
des autres. Par conséquent, il est impossible de sanctionner leur
« consommation » par un mécanisme de prix, et ce type de bien n’est
théoriquement et généralement pas produit par le marché. Les biens
collectifs répondent précisément à ces deux caractéristiques : non-exclu-
sion et absence de rivalité dans la consommation. La définition en est
due à Paul Samuelson (1954), mais la justification de la production
publique de ce type de biens remonte à Adam Smith. L’exemple cano-
nique présenté par les manuels est celui du phare, dont les navires
bénéficient indistinctement, sans qu’il soit possible de les exclure de
son usage et sans que celui-ci affecte sa disponibilité. Il en résulte qu’il
n’y a pas d’incitations individuelles à la production du phare, et que
celui-ci ne peut théoriquement pas être produit par le marché. D’autres
problèmes moins anecdotiques ont une grande portée pour l’analyse
des politiques publiques : la sécurité, l’état épidémiologique de la popu-
lation, la qualité de l’environnement ou celle du système légal (sa capa-
cité à garantir les normes), par exemple.

L’action collective en tant que problématique


Mancur Olson (1978) a développé une approche plus sociolo-
gique et plus politologique du concept qui peut, par extension, être
utilisé pour définir non seulement un type de biens économiques,
mais aussi l’intérêt collectif dans une acception plus générale. Dans
un groupe défini par un intérêt commun (le niveau des salaires, la
protection d’un statut, la défense d’une cause morale, etc.), la pro-
motion de celui-ci exige une capacité d’organisation et d’action col-
lective. Comme les individus bénéficient des effets de l’action
collective (hausses de salaires par exemple) quel que soit leur degré
d’implication dans celle-ci, il est théoriquement rationnel pour eux
Biens collectifs 111

de s’abstenir de contribuer à sa promotion et d’éviter les coûts qu’elle


représente. Formalisée en théorie des jeux sous forme du dilemme
du prisonnier, cette stratégie de ticket gratuit (free-riding) s’avère
dominante et empêche la coopération spontanée, en dépit d’un
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intérêt commun à l’action collective. Pour favoriser l’émergence de
l’action collective, des incitations sélectives (gratifications ou sanc-
tions) ou la présence d’entrepreneurs politiques (Balme, 1990) sont
nécessaires ; et parce que les interactions directes sont plus favorables
à la sanction des stratégies de ticket gratuit, la structure des groupes
d’intérêt, plus ou moins diffus ou concentrés, affecte leur capacité
d’organisation. Le principal apport de Mancur Olson et de la notion
de bien collectif est ici de définir l’action collective comme un pro-
blème fondé sur un rapport paradoxal entre intérêt individuel et
intérêt collectif. Cette perspective invite l’analyse de l’action publique
à questionner en premier lieu le mode d’organisation des intérêts et
leurs capacités différenciées d’action collective, que ni le marxisme
ni le pluralisme n’envisageaient auparavant.
Un certain nombre de problèmes importants, où les déficiences
de l’intervention publique sont patentes, relèvent aussi d’une telle
configuration. La sécurité du transport maritime est un bien collectif
pour les pays exposés au risque d’une marée noire. En l’absence de
sanctions efficaces et d’une institution capable de les mettre en œuvre,
la coopération internationale se heurte aux stratégies de free-riding
des pays qui jouent sur une réglementation minimale pour attirer les
armateurs (pavillons de complaisance). C’est surtout la question du
changement climatique qui illustre aujourd’hui parfaitement la ten-
sion entre l’intérêt collectif (la nécessaire atténuation des causes du
réchauffement) et les intérêts individuels (les stratégies d’évitement
de responsabilité et les problèmes de coordination entre les acteurs).
Ce paradigme général a de nombreuses implications importantes
pour l’action publique. Les externalités sont des formes de biens col-
lectifs résultant de l’activité d’un agent économique. Elles peuvent
être positives (les transports publics facilitent les opérations des entre-
prises privées) ou négatives (les activités industrielles polluantes). Le
gouvernement peut user de taxes, de subventions et de régulation
112 Dictionnaire des politiques publiques

pour favoriser ou limiter ces phénomènes. La « taxe Tobin », destinée


à limiter les effets négatifs induits par des mouvements de capitaux
financiers, s’inscrit dans ce registre.
Autre application importante, la réflexion développée à la suite
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de Garett Hardin au sujet des biens communs (Hardin, 1968) : les
biens communs (commons), à l’instar des « domaines » de l’Ancien
Régime (généralement des forêts ou pâturages), relèvent d’un régime
de propriété collective, sans que leur gestion ne soit soumise à une
autorité institutionnelle spécifique. Leur entretien, qui conditionne
la survie des communautés de propriétaires, dépend de l’émergence
de formes d’action collective concertée. Elinor Ostrom (1990 ; 2005)
a ainsi conduit une analyse approfondie sur les ressources halieuti-
ques ; elle utilise la théorie des jeux pour définir une méthode trans-
posable à l’étude de nombreux problèmes environnementaux (la
couche d’ozone, la déforestation, l’épuisement des ressources éner-
gétiques) et pour identifier les conditions d’innovation institution-
nelle nécessaires à la préservation de ces ressources. Les travaux
d’Ostrom sont largement repris aujourd’hui pour caractériser les
formes de gouvernance du climat et plus généralement des biens
publics mondiaux (Ostrom et Éloi, 2012).
Ces analyses, à la suite de Ronald H. Coase (1960), amènent sou-
vent le débat sur la question des droits de propriété qui s’avèrent en
effet une solution envisageable pour limiter l’épuisement des res-
sources. On peut mentionner à ce sujet l’introduction de « droits à
polluer » que les pays ou les entreprises s’échangent sur les « marchés
carbone » à la suite du protocole de Kyoto. Les enjeux publics
contemporains, affectés par le rôle économique de la connaissance
et de l’information, voient souvent les conflits entre intérêts privés
et intérêt public achopper sur des droits de propriété intellectuelle :
c’est en particulier le cas en matière de santé (conflit entre les intérêts
des industries pharmaceutiques et la lutte contre les pandémies au
niveau mondial). La définition des médicaments génériques s’inscrit
dans cette perspective.
Biens collectifs 113

L’État et le marché : la production des biens publics


La définition de Paul Samuelson conduit à penser que si le marché
est incapable ou défaillant dans la production des biens publics, il
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revient alors à l’État de le faire. Dans une perspective économique
normative, l’État se devrait de produire tous les biens publics, et
seulement ceux-là, l’interaction entre offre et demande étant plus
efficiente dans la production des biens privés. Mais comment l’État
peut-il et doit-il assurer l’existence des biens publics ? L’État dispose
d’un avantage majeur sur les acteurs privés, celui de la coercition
légitime. Il utilise donc en particulier l’impôt pour financer des biens
collectifs tels que la défense, la sécurité, la santé ou l’éducation et
l’ensemble des services publics.
Le périmètre variable du secteur public fait cependant apparaître
deux points : l’État produit aussi des biens privés (des automobiles
ou du tabac par exemple, sous forme directe ou indirecte), et la
définition des biens publics reste dans certains secteurs largement
politique (l’éducation, la santé, les transports ou l’audiovisuel peu-
vent indifféremment relever du public, du privé ou d’une combi-
naison quelconque entre les deux secteurs). Les domaines les plus
régaliens (défense, sécurité, justice) restent cependant largement de
son ressort et approchent la définition idéal-typique des biens publics.
Cependant la répartition des rôles entre puissance publique et secteur
privé et les montages juridiques et institutionnels qui les organisent
sont variables. Ronald H. Coase (1988) a ainsi observé que les phares
des côtes anglaises n’ont pas été initialement construits par l’État
mais par des entrepreneurs privés. Ceux-ci rentabilisaient leur inves-
tissement en obtenant le monopole d’exploitation des installations
portuaires, qui leur permettait de prélever un droit d’accostage sur
les navires. Cette situation de monopole est cruciale, car la concur-
rence dans les services portuaires serait fatale à la seule entreprise qui
devrait incorporer dans ses prix la construction et l’entretien du
phare. Les monopoles de concession attribués aux sociétés d’auto-
route, à Eurotunnel et à de nombreuses entreprises publiques obéis-
sent à cette logique. Aujourd’hui, les partenariats public-privé ont
114 Dictionnaire des politiques publiques

largement relayé les anciennes stratégies de nationalisation ou de pri-


vatisation dans les modes d’action publique.
Dans ces différents cas, un mécanisme de prélèvement sur les
usagers, ou sur une partie d’entre eux, est possible. Il peut s’agir d’un
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droit d’usage (un péage) ou d’un prix à la consommation (pour la
distribution d’eau et d’énergie et les transports publics). Dans ce cas,
le bien collectif est « impur » puisque la consommation est relative-
ment divisible et offre la possibilité de réserver l’accès au bien à cer-
tains (club good). Dès lors, le choix du financement par l’impôt ou
par les contributions des usagers, ou par une combinaison des deux
et dans quelles proportions, est une question politique : il dépend à
la fois des préférences et des conceptions idéologiques du législateur
et des conditions sociales de leur mise en œuvre. L’autre forme
d’impureté des biens publics est liée cette fois à leur production, qui
est rarement parfaitement indivisible. Un équipement public (une
infrastructure, un hôpital ou une université) obéit certes à un seuil
d’investissement en deçà duquel sa construction n’est pas possible,
et qui nécessite souvent une intervention publique. Mais, au-delà, la
qualité du service rendu est largement modulable en termes d’équi-
pement, de personnel et de places d’accueil. La qualité de ces biens
quasi publics résulte donc d’arbitrages de facto entre leur niveau de
production et leurs modes de financement.
Bien entendu, le monde réel reste souvent éloigné de l’épure des
manuels d’économie. La production concrète des biens publics
échappe précisément pour l’essentiel aux interactions de marché et
prend un tour très politique. Leur « inscription à l’agenda » (réformer
le système de santé, autoriser les OGM, etc.) provient du travail des
acteurs professionnels, politiques et sociaux et de leur mobilisation.
L’existence des biens publics résulte avant tout de l’action collective
de ceux qui les produisent (les politiques qui investissent le domaine,
les entrepreneurs de morale des mouvements sociaux, les administra-
tions et les professionnels spécialisés, les entreprises intéressées aux
marchés publics, etc.). L’analyse des politiques publiques montre cette
prépondérance d’influence de l’« offre » sur la « demande » de biens
publics, et ses paradoxes : ceux-ci ne doivent leur existence qu’à la
Biens collectifs 115

mobilisation de ces acteurs, essentiels à la réalisation de l’intérêt col-


lectif ; leur influence dominante explique ce qu’on peut appeler les
inadéquations entre offre et demande – en termes économiques, ten-
dance à la surproduction, survalorisation du court terme sur le long
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terme, situations de rente, faible productivité. En termes politiques, le
« producteur » de biens publics peut poursuivre des objectifs très dif-
férents de l’intérêt de ses usagers : préserver le statut de ses personnels
pour l’entreprise publique, ménager son autonomie et son autorité
pour les professionnels de la santé ou de l’éducation, rétablir l’équilibre
de court terme des finances publiques pour le gouvernement, etc.
En conclusion, c’est à cette conception des biens collectifs portée
par l’économie publique que s’est adossé le mouvement de redéfini-
tion du secteur public pratiquement à l’œuvre partout dans les
dernières décennies avec les politiques de privatisation, de dérégle-
mentation des secteurs monopolistiques et de régulation des activités
présentant un caractère d’intérêt général. Elle a donc donné lieu à
des usages idéologiques importants, orientant les critères de « bonne
gouvernance » pour les économies avancées et pour le monde en
développement. Mais elle a aussi fondé l’économie politique comme
un paradigme incontournable pour l’analyse des restructurations de
l’action publique et des transformations de l’État, et sans doute
davantage encore pour la compréhension des politiques de l’envi-
ronnement et de la gouvernance mondiale (Corduneanu-Huci,
Hamilton et Ferrer, 2013).

Références essentielles
BATINA Raymond G. et IHORI Toshihiro, MUELLER Dennis C., Public Choice III, Cam-
Public Goods : Theories and Evidence, bridge, Cambridge University Press, 2003,
Berlin, Springer-Verlag, 2005. notamment p. 9-43.
COASE Ronald H., « The Problem of Social OLSON Mancur, La Logique de l’action collec-
Cost », Journal of Law and Economics, 3, tive, Paris, PUF, 1978 [1re éd. américaine 1965].
1960, p. 1-44, reproduit dans Ronald H. OSTROM Elinor, Governing the Commons :
Coase, The Firm, the Market and the Law, The Evolution of Institutions for Collective
Chicago (Ill.), University of Chicago Press, Action, Cambridge, Cambridge University
1988. Press, 1990.
116 Dictionnaire des politiques publiques

SAMUELSON Paul, « The Pure Theory of TULLOCK Gordon, Public Goods, Redistribu-
Public Expenditure », Review of Economics tion and Rent Seeking, Cheltenham, Edward
and Statistics, 36, 1954, p. 387-389. Elgar Publishing, 2005.
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Richard Balme

Voir aussi
Approches économiques · Économie politique · Principal/agent ·
Rationalité · Régulation

Blame avoidance
« Le prince prudent et bien avisé [...] doit
seulement s’appliquer à n’être point haï »
(Machiavel, 1989).
Pourquoi les politiques publiques sont-elles souvent si difficiles
à réformer, même lorsqu’elles sont considérées comme des échecs ?
Pour l’expliquer, la théorie de l’évitement du blâme (blame avoi-
dance) s’appuie sur une observation, fréquemment soulignée en psy-
chologie sociale, selon laquelle les individus accordent plus
d’importance aux pertes qui les affectent qu’aux gains qui leur sont
accordés. En science politique, ce phénomène est appréhendé comme
un penchant négatif (negativity bias) des électeurs, plus enclins à
rejeter ce qu’on leur fait qu’à reconnaître ce qui est fait pour eux
(Weaver, 1986, p. 373). Dans cette perspective, le biais négatif des
électeurs se répercute sur le comportement des décideurs. Pour béné-
ficier de la confiance de l’opinion, éviter la sanction de leurs électeurs,
donc être réélus, les décideurs politiques choisissent de ne pas appa-
raître comme responsables des décisions et déploient des stratégies
d’évitement du blâme, quitte même à minimiser le crédit politique

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