Vous êtes sur la page 1sur 24

PROPRIÉTÉ COLLECTIVE, GESTION DES COMMUNS ET STRUCTURATION

SOCIALE
L’expérience péruvienne

Ingrid Hall
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Éditions de la Sorbonne | « Revue internationale des études du développement »

2018/2 N° 234 | pages 31 à 53


ISSN 2554-3415
ISBN 9791035100797
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-internationale-des-etudes-du-
developpement-2018-2-page-31.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de la Sorbonne.


© Éditions de la Sorbonne. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Propriété collective, gestion des communs
et structuration sociale
L’expérience péruvienne
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Ingrid Hall

MOTS-CLÉS
communautés paysannes, propriété, communs, usufruit,
pluralisme juridique, Pérou

RÉSUMÉ
La communauté est une institution clé du monde rural péruvien, et plus
spécifiquement andin. Les différents auteurs estiment que la gestion
commune de la terre est l’un de ses traits fondamentaux (Pajuelo, 2012).
Avec la réforme agraire de 1969, les communautés légalement reconnues
se voient attribuer un titre de propriété collectif de leurs terres, ce qui
représente un fait important.
À partir de données ethnographiques, nous analyserons le cas de la
communauté de Llanchu (Cusco, Pérou). Nous montrerons comment
l’obtention d’un titre de propriété a été un élément fondamental pour la
formation et la structuration de cette communauté. Prenant en compte
la dimension générative du droit et le pluralisme juridique (Le Roy, 2016),
nous nous focaliserons sur la capacité des paysans à transférer l’usufruit
dont ils jouissent, notamment concernant le cas des parcelles irriguées.
Cette réflexion a pour but de montrer, dans le cas étudié, l’étroit lien qui
existe entre gestion des communs et structuration sociale, et de souligner
l’importance du statut juridique des terres communales.

31
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

Introduction

D ans cet article, nous souhaitons réfléchir aux conséquences sociales de


l’attribution d’un titre de propriété foncière collectif aux communautés
paysannes péruviennes dans le sillage de la réforme agraire de 1969. Si ces
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
institutions sociales bénéficiaient depuis longtemps d’une reconnaissance
légale et si leurs terres étaient relativement protégées également, cette
étape nous apparaît essentielle pour comprendre les dynamiques sociales
contemporaines1. Nous aborderons cette question en mettant l’accent sur la
« fonction sociale » de la propriété, pour reprendre l’expression de Léon Duguit
(1912), cité par Fabienne Orsi (2015), qu’Étienne Le Roy (2016), Serge Gutwirth
et Isabelle Stengers (2016) qualifient de « capacité génératrice du droit ».
Ces auteurs adoptent tous une approche pragmatique et empirique du
droit, et soulignent le pluralisme juridique, ce « faisceau de droits » (bundle
of rights) (Orsi, 2015) qui fonde les régimes d’appropriation foncière2. Leurs
réflexions – à l’exception de Duguit (1912) – puisent leurs racines dans les
travaux sur les communs fonciers d’Elinor Ostrom (1990, 2007). Nous allons
plus particulièrement détailler la façon dont des droits d’usufruit peuvent
être transférés par un particulier, ce qui est l’une des composantes du droit
d’appropriation tel que décomposé par Edella  Schlager et Elinor  Ostrom
(1992)3. Choisir à qui l’on veut transmettre ses droits d’exploiter une parcelle
apparaît en effet particulièrement sensible dans le cas qui nous occupe ici.
Tandis que Schlager et Ostrom (1992) classent ce critère comme relevant
de la collectivité4, à Llanchu, dans le cas des parcelles irriguées dédiées
à l’agriculture, il est partiellement délégué aux familles. À travers une

1 Pour une étude sur l’histoire du régime des terres des communautés péruviennes,
se référer notamment aux travaux de Pedro Castillo Castañeda et al. (2013) et Román
Robles Mendoza (2002).
2 Expression française qui traduit l’expression anglaise de Schlager et Ostrom (1992) :
property-rights system.
3 Plus précisément, le transfert est un des aspects du droit d’exclusion.
4 Schlager et Ostrom (1992) classent les droits d’accès et de prélèvement comme
relevant d’un niveau opérationnel, tandis que les droits de gestion, d’exclusion et
d’aliénation relèvent d’un niveau de choix collectif.

33
Ingrid Hall

ethnographie des négociations concernant le transfert des droits d’usufruit


des terres, nous souhaitons montrer comment la gestion du commun
participe de la création de lien social au sein du collectif délimité par un
titre de propriété établi au nom de la communauté. En outre, nous allons
montrer que la normativité interne résulte d’un processus de négociation
constant qui prend en compte le droit positif (lois, décrets) et le système
de valeurs local.

Cette recherche est de nature anthropologique et repose sur des données


Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
collectées dans la communauté de Llanchu (Calca, Cusco, Pérou) lors de
longs séjours de terrain réalisés entre 1998 et 2005, avec de courtes visites
depuis. Cette communauté de soixante-dix familles est située dans une vallée
interandine, sur un territoire étagé entre 3 600 et 5 000 m d’altitude. Elle
a été créée officiellement en 1982, puis inscrite sur les registres publics en
1988. Son territoire et sa population proviennent d’entités distinctes avant la
réforme agraire : d’une part, une portion de l’ancienne communauté indigène
de Pampallaqta et, d’autre part, des parties de deux haciendas expropriées
avec la réforme agraire.

Actuellement, le débat est vif au Pérou sur la nature des communautés


paysannes. L’enjeu est de savoir si celles-ci doivent être considérées comme
des communautés indigènes et originaires au sens des textes internationaux
auxquels le Pérou a adhéré (Convention 169 de l’Organisation internationale
du travail en 1994, Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones de 2007). En effet, avec la loi péruvienne de 2011, si tel est le
cas, les communautés doivent être consultées, par exemple avant qu’un
projet minier puisse s’installer (Burneo, 2007). La difficulté réside dans le fait
que près des trois-quarts des 6 248 communautés reconnues ont été créées
Revue internationale des études du développement

suite à la réforme agraire de 1969 (Trivelli, 2014 ; SICCAM, 2016). Dans un


contexte marqué par une privatisation du marché de la terre pour favoriser
les activités minières et agro-industrielles (Urrutia Ceruti, 2014), les politiques
économiques fragilisent le régime foncier dans les communautés (Castillo
Castañeda, 2007 ; Urrutia Ceruti, 2014 ; Diez Hurtado, 2011) sans qu’aucune
politique de développement spécifique ne prenne en compte ce secteur de
la population (Eguren, 2013 ; Castillo Castañeda, 2007). Pourtant, il s’agit de
No 234  2018~2

20 % de la population péruvienne (Burneo, s.d.), qui vit majoritairement sous


le seuil de pauvreté (FIDA, 2013).

34
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

Figure 1 : Localisation du district de Calca où se trouve la communauté paysanne


de Llanchu
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Source : GéoAtlas, 2000.

Après avoir apporté quelques précisions préalables sur notre approche,


nous détaillerons le cas de la communauté de Llanchu pour ensuite
proposer une réflexion sur l’importance sociale de la propriété collective
des terres. À partir d’une étude de cas précise et géopolitiquement située,

35
Ingrid Hall

nous enrichirons la réflexion sur la reconnaissance juridique des communs


par le biais des politiques publiques5.

1. Précisions conceptuelles, terminologiques et historiques


Remettant en question l’idée généralement admise dans la sphère
publique au Pérou que les « vraies » communautés sont celles qui ont été
créées avant la réforme agraire et puisent leurs racines dans une histoire
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
ancienne, Alejandro Diez Hurtado (1998) définit les communautés paysannes
péruviennes en premier lieu comme des « ensembles de paysans partageant
la propriété d’un territoire6 », mettant en exergue l’importance du titre de
propriété des terres comme d’autres auteurs (Pajuelo, 2012). Il complète
ensuite cette définition initiale avec différents critères. Il pointe d’une part
l’importance d’une gouvernance locale qui prend en charge la gestion des
ressources, dont la terre, et insiste également sur les mécanismes socioculturels
qui fondent plus généralement une communauté au sens sociologique du
terme, à savoir une histoire commune et des pratiques culturelles diverses.
Cet auteur soulève l’importance des processus de création locaux d’une
normativité sociale dans un cadre juridique qui évolue. Ces éléments
de définition reprennent ainsi ceux de la définition d’un «  commun  »
(common pool resources) au sens d’Ostrom : en effet, les terres communales
sont « des ensembles de ressources collectivement gouvernées, au moyen
d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits entre
partenaires participants au commun (commoners) et visant à l’exploitation
ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme »
(Coriat, 2015). Ceci dit, dans les Andes, la communauté paysanne ne vise
pas seulement à l’exploitation durable des ressources, mais également à sa
Revue internationale des études du développement

propre reproduction en tant que groupe social7.

5 Cette approche s’inscrit donc dans une anthropologie des politiques publiques qui
s’attache à décrire ce qui se passe dans la pratique (Mosse, 2005).
6 Traduction de l’auteure.
No 234  2018~2

7 La prise en compte des mécanismes socio-politiques est justement identifiée


comme le point faible des travaux d’Ostrom (Weinstein, 2015 ; Agrawal, 2003 ;
McCay, 2001).

36
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

Considérer à la fois l’importance du cadre normatif national et les


dynamiques sociales implique d’adopter une perspective dynamique, explicitée
par Diez Hurtado (1998, 2012) à travers le concept de « communalisation », qui
permet de suivre les phases d’activation des mécanismes communautaires.
Pour ce faire, il faut distinguer la définition juridique de la communauté (le
statut de « communauté paysanne » ou comunidad campesina) de sa définition
sociologique et anthropologique. Si cette distinction est généralement
importante d’un point de vue heuristique, elle est essentielle dans le cas
de la communauté qui nous intéresse : en effet, le statut de communauté
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
paysanne a été accordé à un groupe social composite dont la cohérence
sociale s’est progressivement constituée. L’obtention d’une personnalité
juridique et d’un titre de propriété des terres communales est l’aboutissement
d’un long processus dont les acquis sont actuellement remis en question.
En 1920, la nouvelle constitution reconnaît les communautés, le statut de
« communauté indigène » (comunidad indígena) est adopté et leurs terres sont
déclarées « insaisissables » (inembargables) (Castillo Castañeda, 2007 ; Robles
Mendoza, 2002). Avec la constitution de 1933, ces communautés obtiennent
une personnalité juridique et leurs terres deviennent également inaliénables
et imprescriptibles (ibid.). Cette situation s’est maintenue jusqu’en 1969, alors
que la pression sur les communautés du fait de l’extension des haciendas
allait croissant et que les mouvements sociaux gagnaient en puissance. C’est
alors que le général Juan Velasco Alvarado, suite à un coup d’État, fait passer
la réforme agraire tant attendue à l’échelle nationale (Matos Mar et Mejía,
1980 ; Caballero, 1977 ; Chirinos-Almanza, 1975 ; Castillo Castañeda, 2007). Les
haciendas sont expropriées et les terres sont redistribuées, essentiellement
à des coopératives et non aux communautés, et le gouvernement met en
place le statut de « communauté paysanne » (comunidad campesina, Decreto
supremo No. 37-70 A)8. Les communautés se voient alors attribuer des titres de
propriété collectifs de leurs terres. Dans les années 1990, avec la libéralisation
du marché foncier, le régime foncier des terres communales est fragilisé :
la loi de réforme agraire est dérogée en 1991, les terres des communautés
cessent d’être insaisissables et inaliénables avec la constitution de 1993. María
Luisa Burneo (2013) constate que ces mesures ont induit une fragilisation de
l’institution communale. La privatisation apparaît aux paysans comme une

8 Ce statut, calqué sur celui des coopératives, vise à « moderniser » ces institutions
et à mieux les contrôler (Caballero, 1977).

37
Ingrid Hall

façon de protéger leurs droits fonciers, mais une enquête de 2003 montre
que 60 % d’entre eux se prononcent à la fois pour l’obtention de titres
individuels et pour le maintien des communautés (Burneo, 2007). Pour eux,
la privatisation des terres ne remet pas en cause l’institution communale,
ce qu’Alejandro Diez Hurtado (1998) et Zulema Burneo (2007) expliquent
par le fait que cette institution est perçue comme un principe de régulation
sociale nécessaire et une importante source de sécurité.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
2. La communauté paysanne de Llanchu (Calca, Cusco) :
formation et organisation des communs
Comme mentionné plus haut la communauté de Llanchu date des
années 1980. Cependant, à mon arrivée sur le terrain à la fin des années 1990,
elle apparaît comme une évidence aux différents acteurs, qui estiment
« être de [la communauté de] Llanchu ». En effet, la population de cette
communauté se considère « nettement » de la communauté de Llanchu ;
ses intégrants se considèrent « paysans » (campesinos) et « membres d’une
communauté » (comuneros), c’est-à-dire qu’ils se définissent par leur affiliation
au statut de communauté paysanne9. Ils se distinguent nettement des
« petits agriculteurs » (pequeños agricultores) qui, eux, ont accès à des
titres de propriété individuels de leurs terres. Cette évidence quotidienne
de l’appartenance à la communauté contraste avec le peu de profondeur
historique de cette institution.

2.1. La lutte pour la terre à Llanchu, un objectif primordial

La communauté de Llanchu est l’une des rares communautés à avoir


bénéficié des expropriations par le biais d’un mécanisme de revendication10
Revue internationale des études du développement

(Caballero, 1977). La lutte pour la terre est ici primordiale, on peut même dire que
le collectif s’est formé explicitement dans le but d’obtenir des terres. Nous avons

9 Au Pérou, les catégories d’indien ou d’indigène ne sont que peu significatives pour
les populations andines (Robin, 2004).
10 En général, les terres expropriées étaient attribuées par adjudication et, le plus
No 234  2018~2

souvent, elles l’ont été à des institutions sociales de type coopératives, lesquelles
ont pu ultérieurement devenir des communautés paysannes.

38
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

travaillé à reconstituer l’histoire de cette communauté à partir de la mémoire


orale et de la consultation d’archives communales et départementales11.

Durant le « temps des haciendas » (tiempos de hacienda), tandis que la


réforme se fait attendre, l’opposition entre les « gens de l’ayllu12 » (aylluruna)
de Llanchu et les « gens des haciendas » (haciendaruna) se cristallise. En
effet, ces derniers n’ont de droit sur la terre qu’à travers le représentant
du propriétaire foncier et doivent donc préserver leur relation avec lui.
Mais les paysans de l’ayllu de Llanchu s’organisent et réussissent à obtenir
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
l’expropriation des deux haciendas qui les entourent sur la base d’un titre
colonial du xviie siècle13. Dans un premier temps, le juge attribue les terres
à la communauté mère de Pampallaqta Baja, reconnue depuis la période
coloniale et inscrite dans les registres publics depuis 1929 ; mais les habitants
du « secteur Llanchu » veulent être indépendants et obtiennent le statut
de communauté paysanne en 1982 et un titre de propriété en 1988. Est
alors scellée l’alliance entre gens de l’ancien ayllu et ceux des haciendas
expropriées. Au sein du collectif ainsi constitué il n’y a pas eu de redistribution
des droits fonciers. Le leitmotiv « la terre pour ceux qui la travaillent » a
été appliqué littéralement : ceux qui avaient obtenu le droit d’exploiter un
petit lopin de terre (dans l’ayllu ou l’hacienda) ont vu leurs droits confirmés.
Les terres irriguées exploitées collectivement – que ce soit par l’ayllu ou les
haciendas – sont devenues des terres communales, mais elles ont rapidement
été divisées entre les différentes familles. Il s’agissait de créer un village pour
être raccordés au réseau électrique, mais cela a surtout permis de limiter
le nombre de familles, car ceux qui n’avaient pas de terres irriguées ont dû
partir. Ainsi, la reconnaissance juridique de la communauté paysanne de
Llanchu est-elle à comprendre comme une stratégie d’accès au foncier : le
collectif hybride reconnu administrativement n’a pris corps d’un point de
vue sociologique que dans un second temps.

11 Cette tâche s’est avérée assez complexe, car cette communauté n’existe pas avant
1982, et le fait même d’évoquer cette histoire est délicat (Hall, 2013).
12 Ce terme est employé par mes informateurs au sens de « communauté » et pour
se référer à un territoire.
13 La copie d’une « visita » effectuée par Domingo Lartaún de Cabrera faisait partie
des archives communales.

39
Ingrid Hall

2.2. Brève description des différents régimes d’appropriation foncière

Le régime d’appropriation foncière des communautés andines est


complexe à analyser, notamment du fait de la topographie. En effet, le
territoire est montagneux, avec des dénivelés importants, et l’on peut identifier
différents étages agro-écologiques (Pulgar Vidal, 1987) aussi appelées « zones
de production  » (Murra, 1985). En fonction des potentialités écologiques
et agronomiques liées notamment à l’altitude, des règles différentielles
concernant leur gestion sont appliquées. Dans la communauté de Llanchu
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
trois étages agro-écologiques14 sont à distinguer.

L’étage quechua situé à moins de 3 600 m d’altitude est apte à l’agriculture


et souvent irrigué. Les cultures de maïs et de pomme de terre s’y succèdent
annuellement en alternance avec du fourrage ou des plantes potagères
(carottes ou herbes aromatiques). Dans la pratique, et jusqu’à un certain
point, ces parcelles sont presque des propriétés familiales (proprietors)15 ; nous
verrons justement comment la transmission de l’usufruit de ces parcelles
est limitée par la communauté.

L’étage agro-écologique supérieur, appelé suni, est situé entre  3 600


et  3 800  m d’altitude. Ces terres situées sur les versants ne disposent
généralement pas d’irrigation. Les paysans y cultivent essentiellement des
variétés locales de maïs, du quinoa, de l’orge, des fèves ou de la kiwicha
(« amarante »). Chaque famille est libre de choisir ce qu’elle va semer, mais
elle doit respecter les secteurs de rotation bisannuelle dont la communauté
décide collectivement afin que ces secteurs soient utilisés comme pâturages
collectifs durant l’entre-saison.
Revue internationale des études du développement

L’étage le plus haut, appelé puna, est situé au-delà de 3 800 m d’altitude.
À moins de 4 000 m, quand le sol est suffisamment profond, se trouvent les
parcelles où poussent différents tubercules, dont les pommes de terre natives.
Ces parcelles sont regroupées en secteurs de rotation qui entrent dans un
cycle de sept ans durant lequel les parcelles sont cultivées pendant seulement

14 Nous n’évoquerons pas ici les terres agricoles collectives dont l’importance est
marginale dès les années 2000 à Llanchu.
No 234  2018~2

15 Ce fait, généralement attesté dans les communautés rurales (Ostrom, 1990 ; Agrawal,
2003; Chamoux et Contreras, 1996), l’est également dans les Andes péruviennes
(Zimmerer, 1996 ; Eguren, 2013 ; Kervyn, 1989).

40
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

deux saisons. Le choix des secteurs cultivés dépend de la collectivité et,


lorsque les parcelles sont en jachère, celles-ci servent de pâturage collectif.
Les zones non cultivables sont d’emblée des pâturages collectifs.

Figure 2 : Photographie de la communauté de Llanchu, avec les terres irriguées


de l’étage quechua en contrebas, les parcelles de l’étage suni sur le versant,
puis la puna en haut, avec le glacier dans le fond de la vallée
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Source : Hall, 2005.

On voit donc, comme nombre d’auteurs l’on déjà dit (Murra, 1985 ;
Kervyn, 1989), que l’emprise de la communauté en termes de gestion
des terres varie en fonction des potentialités du milieu et des activités

41
Ingrid Hall

agro-pastorales. Dans la partie basse, où l’agriculture prédomine et est plus


intensive, les droits familiaux sont plus forts ; à l’inverse, en hauteur dans
les pâturages, ce sont les droits collectifs qui priment. L’importance relative
des pâturages, qui ne sont pas mis en défens, induit la mise en place d’une
série de normes communales.

Si l’on reprend brièvement les différents types de droits (accès,


prélèvement, gestion, exclusion et aliénation) mis en évidence par Schlager
et Ostrom (1992), on voit que les individus ont accès à l’ensemble du territoire
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
communal, que les droits de prélèvement sont très largement délégués aux
familles lorsqu’il est question d’agriculture, mais que la communauté garde
un certain contrôle quand les parcelles servent de pâturage. Les droits de
gestion sont ainsi largement délégués aux familles, mais celles-ci doivent
respecter certaines contraintes liées essentiellement à la gestion des pâturages
collectifs. La communauté, en tant que propriétaire des terres, détient le
droit d’aliénation sur toutes les parcelles : les familles ne peuvent pas vendre
les terres. Du point de vue de l’exclusion, en revanche, la situation est plus
complexe, notamment pour les parcelles irriguées qui sont limitées et toutes
appropriées à titre familial. Nous nous focalisons sur ces dernières, car c’est
dans ces cas de figure que la question de la transmission des droits d’usufruit
est la plus sensible. Pour les parcelles irriguées, pour lesquelles la communauté
n’est pas en mesure d’octroyer des droits aux nouveaux venus, certains
arrangements temporaires sont tolérés entre membres de la communauté,
comme l’exploitation conjointe des parcelles ou éventuellement la location.
De façon plus durable, l’accès à ces terres dépend de la famille, chacune
pouvant indiquer à quels enfants elles souhaitent transférer16 l’usufruit dont
elles jouissent. L’obtention de droits d’usufruit sur le long terme sur les
parcelles irriguées est donc partiellement dévolue aux familles ; nous allons
Revue internationale des études du développement

maintenant détailler selon quels processus.

3. Le titre de propriété collective des terres induit


un contrôle social
L’obtention de terres au sein de la communauté, c’est-à-dire l’acquisition
No 234  2018~2

de droits d’usufruit dans ce cas, dépend de l’obtention d’un statut officiel

16 La terminologie locale et celle d’Ostrom se rejoignent.

42
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

du chef de famille dans la communauté. Dans les domaines foncier et


politique, l’inflexion patrilinéaire du système de parenté cognatique est
marquée. En effet, la gestion des terres incombe en grande majorité aux
hommes : ce sont essentiellement eux qui reçoivent les droits fonciers. La
résidence étant virilocale, les femmes sont censées suivre chacune leur époux
et bénéficier des droits qu’il aura obtenus dans sa propre communauté. Ceci
est traduit au sein de l’assemblée communale, organe politique suprême
de la communauté, par le fait que l’homme représente son foyer en tant
que chef de famille. C’est lui qui prendra l’initiative, généralement après
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
s’être mis en couple, de demander à être inscrit comme membre actif de
sa communauté. C’est alors que la communauté, si elle accepte la nouvelle
famille, lui attribuera des terres non irriguées et lui donnera accès aux
pâturages collectifs et aux parcelles communautaires (en 1998, il en restait
quelques-unes dans les étages supérieurs).

Le règlement de la loi générale des communautés, en vigueur depuis les


années 199017, indique que les membres d’une communauté doivent résider
dans la communauté (article 23.b) et exploiter leurs parcelles directement
(article 27.e). Ceci correspond non seulement à la norme établie par l’État,
mais renvoie à une réalité économique. En effet, l’accès à des parcelles
irriguées permettant une agriculture plus intensive est fondamental pour
obtenir des produits commercialisables. En outre, les produits cultivés dans
les étages supérieurs ont peu de valeur commerciale (peu de quinoa ou de
maca18 pour lesquels un marché existe désormais) et les besoins en argent
ont beaucoup augmenté ces dernières décennies (facture d’électricité, les
enfants vont à l’école plus longtemps, etc.).

Les dispositions juridiques auxquelles nous avons fait référence, même


couplées à un certain réalisme économique, cependant, ne permettent pas
de comprendre les enjeux sociaux liés à l’obtention de terres irriguées. Il
est nécessaire de prendre en compte le pluralisme juridique (Eguren et al.
2009 ; Diez Hurtado, 2012). Le règlement régissant le fonctionnement des
communautés (DS No 008-91-TR) délègue d’ailleurs explicitement certaines
procédures aux « us et coutumes » (article 28) qui ont été formalisés dans des

17 Le décret suprême 24656 de 1991 actualise le statut promulgué durant la réforme


agraire.
18 Plante de la famille des crucifères.

43
Ingrid Hall

« statuts » spécifiques à chaque communauté. Les paysans, qui ont formalisé


leurs statuts dans les années 2000, estiment que ce sont de piètres outils,
jamais assez précis. De fait, ils sont censés renvoyer à des procédures flexibles
difficiles à mettre sur papier (Le Roy, 2011), ce qui n’aide pas. Qui plus est,
ces mécanismes évoluent en fonction des contextes locaux, nationaux et
même internationaux (Guillet, 1979 ; Seligmann, 1995 ; Diez Hurtado, 2012).
Les différents registres (droit positif et coutumes) interfèrent ainsi les uns
avec les autres : ce sont des faisceaux de droit. La normativité interne est par
ailleurs actualisée en permanence.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
À travers l’ethnographie des assemblées communales et plus
particulièrement de la mise à jour de la liste des membres de la communauté
(empadronamiento)19, nous avons pu constater à quel point l’obtention du
statut de membre actif dans la communauté est liée à l’obtention de droits
d’usufruit sur des terres irriguées. Rappelons que l’accès à ces terres est
primordial d’un point de vue économique, que la communauté ne dispose
pas de parcelles irriguées pour les nouveaux venus et que l’obtention de ces
terres dépend de dynamiques familiales. Étant donné l’inflexion patrilinéaire
du régime d’appropriation des terres et la tendance à la virilocalité, le
couple devra en général s’adresser aux parents du mari. Étant donné les
surfaces disponibles, qui atteignent rarement l’hectare, il est difficile pour
les parents de donner des terres à leurs enfants alors qu’ils doivent subvenir
à leurs besoins. De fait, entre 1998 et 2005, les parents gardaient leurs droits
fonciers jusqu’à ce qu’ils décident de se retirer de la vie active20. Pendant une
période qui peut durer jusqu’à plus d’une dizaine d’années, un jeune couple
exploitera les terres irriguées avec les parents du mari. Dans un contexte
marqué par un fort taux de migration de la part des jeunes (qui vont travailler
dans l’industrie minière, le tourisme ou les infrastructures routières), ceci
Revue internationale des études du développement

permet aussi d’attendre de voir qui réussit à migrer définitivement avant que
les parents ne prennent une décision irrévocable concernant le devenir de
leurs terres. À Llanchu, au début des années 2000, de nombreux couples ne
voyaient leurs droits d’usufruit sur des terres irriguées et leur appartenance

19 La liste officielle est appelée « padrón ».


No 234  2018~2

20 Ce qu’ils appellent « retraite » (jubilación) quoiqu’aucune pension ne soit versée. Cela


les dispense de participer aux travaux d’intérêt général (faena) et aux assemblées
communales.

44
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

à la communauté officiellement reconnus qu’après la quarantaine. L’accès


aux terres est donc indissociable du statut social.

Obtenir le droit d’exploiter des terres implique que l’on accepte


certaines responsabilités envers la communauté, lesquelles varient en
fonction de ce qui est reçu. L’obtention de terres irriguées implique qu’en
contrepartie la famille doive servir la communauté, l’expression exacte étant
le « service à la communauté » (servicio a la comunidad). Autrement, les
obligations sont allégées et les individus sont excusés plus facilement s’ils
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
ne participent pas à toutes les activités organisées par la communauté. Ce
service à la communauté, globalement évalué en termes de « respect envers
la communauté », peut être décomposé en deux éléments : la participation
aux corvées communales (faena) et à la vie publique et politique. Le terme
de «  respect  » sera ici utilisé selon l’usage local : il s’agit en effet d’un
concept vernaculaire.

La participation aux corvées (une quinzaine par an en 2004-2005) est


essentielle. Il s’agit de diverses activités d’intérêt général, comme le curage
des canaux d’irrigation, la construction ou l’entretien d’œuvres communales,
tel un chemin ou un réseau d’eau potable, etc. Chaque homme actif doit
se présenter lors de ces journées de travail ; un appel est fait et le taux de
participation de chaque individu est calculé pour l’actualisation de la liste
des membres de la communauté. Les jeunes qui sont installés dans la
communauté, mais qui n’ont pas de terres irriguées à titre personnel, n’ont
théoriquement aucune obligation, sauf s’ils remplacent leurs parents. Il
est cependant bien vu qu’ils participent et montrent ainsi leur « respect »
envers la communauté. Les personnes âgées, quand elles demandent leur
retraite, sont, quant à elles, dispensées de ces corvées. Pour les hawasani
(qui ont réussi à conserver les droits de leurs parents, mais qui ne sont pas
des membres actifs de la communauté et n’y vivent pas), la participation
à ces corvées est essentielle : ne pas y participer les expose à la perte de
leurs droits d’usage.

Les membres actifs officiellement inscrits dans la communauté doivent


également participer à la vie politico-administrative de la communauté en

45
Ingrid Hall

participant au « système des charges » (sistema de cargos)21. Le système est


régi par deux principes : les charges sont rotatives et doivent être réalisées
selon une logique ascendante. Aujourd’hui, pour les paysans de Llanchu, ces
charges sont de nature administrative (participer au conseil d’administration
en étant président, secrétaire, etc.), productive (mener à bien l’exploitation
des parcelles collectives ou le curage des canaux), mais elles peuvent aussi
s’inscrire dans le cadre de projets de développement (comités locaux mis
en place pour la réalisation de tâches diverses, comme la construction ou
l’entretien du réseau d’eau potable, la reforestation, etc. – Hall, 2009)22. Ainsi,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
un jeune homme va d’abord réaliser des charges mineures, typiquement
préparer et servir de la bière de maïs lors d’un événement public, puis avoir de
plus en plus de responsabilités. Ce n’est pas l’individu qui choisit d’assumer
une charge, mais l’assemblée, qui décide qu’une personne est prête pour une
charge donnée. La façon dont chacun va « passer » ses charges est évaluée,
commentée, et participe du prestige d’un homme, de son évaluation en
termes de « respect » (Hall, 2015).

Pour les membres actifs de la communauté, ne pas servir la communauté


ne semble pas, dans les faits, remettre en cause les droits fonciers acquis,
comme c’est le cas pour les hawasani23. Ceux qui ne participent pas aux
faenas ou au système des charges sont stigmatisés publiquement et ils peuvent
être rétrogradés dans la hiérarchie liée au respect et matérialisée dans l’ordre
d’inscription dans la liste officielle (Hall 2015), mais ils conservent leurs droits
d’usufruit. Néanmoins, nous nous sommes rendu compte en accompagnant
de près le processus d’inscription officiel d’un jeune homme que le transfert
des terres était un enjeu majeur. En effet, la validation du transfert des droits
fonciers des parents aux enfants de la part de la communauté découle
d’une évaluation du comportement tant des parents que des enfants. Ceci
Revue internationale des études du développement

signifie qu’une personne ne respectant pas les normes communales voit ses
possibilités de transmettre ou de recevoir des terres limitées.

21 Le « systèmes des charges », d’origine coloniale, est un sujet classique de l’anthropo-


logie mésoaméricaine et andine ; pour une synthèse, consulter Pérez Galán (2004).
22 À Llanchu, où le taux de conversion à des églises protestantes est très élevé, les
No 234  2018~2

charges rituelles et catholiques ont disparu.


23 Le pluriel des mots quechua étant complexe (adjonction de -kuna), nous conservons
ici le terme au singulier.

46
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

Concrètement, pour pouvoir transmettre ses droits fonciers, le chef


de famille doit déposer une demande écrite adressée au président de la
communauté. Celle-ci sera lue et débattue en assemblée. Sont alors évalués
le cas du demandeur, puis celui du récipiendaire désigné. Nous avons pu
constater que la décision dépend du « respect » que chacun d’entre eux
a manifesté vis-à-vis de la communauté jusqu’à cette date en servant la
communauté. Si chacun s’est montré respectueux, tout se passe comme si
les droits fonciers étaient hérités. Sinon, les membres de l’assemblée peuvent
signifier que la communauté a son mot à dire sur ce type de décision et
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
remettre en cause le transfert.

L’importance accordée au respect est à replacer dans une dynamique


socio-politique spécifique. Le processus de prise de décision est tel qu’un
nombre restreint d’hommes concentre un pouvoir relativement important :
ce sont les orateurs appelés parlaqkuna ou vozniyuq, qui sont également des
hommes de « respect » (respetoyuq). Au nombre de trois en 2005, ces hommes
d’une cinquantaine d’années ont pour rôle d’écouter les demandes et la
façon dont celles-ci sont perçues par l’ensemble des présents pour ensuite
proposer une synthèse éclairée du comportement à suivre que le conseil
d’administration en place reprendra à son compte et inscrira dans les registres
officiels. Cependant, si ces hommes ont de facto un pouvoir important, ils
ne doivent pas l’exercer en leur nom, sinon en celui de la communauté,
c’est-à-dire au nom de la collectivité qui est ici mise en paroles (Hall, 2016).
Ceci est explicité par l’expression suivante : ces orateurs doivent trouver la
« voix de la communauté » (voz de la comunidad). Dans cette configuration,
ces hommes restent soumis à l’opinion collective et leur comportement est
évalué, alors que, dans quelques années, ils devront transmettre leurs droits
fonciers à leurs enfants. En outre, ils agissent sous le regard des anciens, des
« retraités », qui dans une certaine mesure assurent une continuité avec le
passé. Le respect donne sens au système normatif communautaire. Dans ce
contexte, le respect à des valeurs collectives partagées apparaît essentiel et
induit un contrôle social sur tout un chacun s’il veut transmettre ses droits
fonciers. La force de ce mécanisme repose, selon nous, sur le fait que les terres
sont propriétés de la communauté en tant que personne morale. Le droit
positif donne ici des outils puissants à la communauté pour interférer dans
des affaires relevant de dynamiques familiales et même individuelles et, ce
faisant, la normativité interne est renforcée par le système juridique en place.

47
Ingrid Hall

Aussi, comme le transfert des terres se fait tardivement, le comportement


des jeunes adultes est évalué durant une période relativement longue. Le
règlement officiel, qui oblige à une « mise à l’épreuve » des nouveaux inscrits
pendant cinq ans, trouve un certain écho dans ces pratiques. Ce mécanisme
interne, renforcé par le droit positif, fait en sorte que l’accès aux terres
irriguées soit étroitement lié au contrôle social exercé par la communauté.

Conclusion
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Dans la communauté de Llanchu, l’accès aux terres est considéré comme
une contrepartie de ce que les paysans appellent le « service [rendu] à la
communauté » (servicio a la comunidad) : le droit implique des obligations. Si
l’usufruit est attribué aux familles, la collectivité conserve un droit de regard
sur la façon dont celui-ci peut être exercé et transféré. Le cas des parcelles
irriguées est particulièrement sensible tant d’un point de vue économique
que social : en effet, autour du transfert de ces droits sont articulées gestion du
commun et structuration sociale. L’existence d’un titre de propriété collectif
induit un contrôle social communal exercé sur les plus âgés et les plus jeunes,
lequel est explicité en termes de « respect » envers la communauté. Celui
qui ne s’y plie pas prend le risque de perdre ses terres (pour les hawasani),
de ne pas pouvoir les transmettre à ses enfants (pour les plus âgés) ou encore
d’être jugé indigne d’en recevoir (pour les plus jeunes).

La normativité interne, qui repose sur le respect et accorde une place


importante aux travaux communautaires, emprunte, selon nous, à un
fonds socioculturel commun aux différents acteurs qui se sont alliés pour
former la communauté de Llanchu (gens de l’ayllu et des haciendas).
Revue internationale des études du développement

Les éléments qui la composent, cependant, ne sont pas figés : ils ont été
retravaillés localement dans un contexte fortement influencé par les textes
juridiques, dont la réforme agraire et les différents textes réglementant le
fonctionnement des communautés paysannes. La communauté paysanne de
Llanchu, telle qu’elle se donne à voir aujourd’hui, résulte ainsi d’un processus
de négociation en actualisation constante et qu’il convient d’envisager de
façon diachronique et dynamique en prenant en compte non seulement
No 234  2018~2

les dynamiques internes, mais également le contexte juridique national.


Au cours du processus, le territoire tel que défini et reconnu légalement

48
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

dans et par le titre de propriété s’est imposé, et c’est sur cette base que
la nouvelle entité sociologique a pris forme. On peut ainsi légitimement
se demander ce qu’il adviendrait si ces terres étaient privatisées : n’est-ce
pas prendre le risque d’enlever le socle sur lequel reposent désormais les
communautés en tant que structures sociales, politiques et économiques ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
L’AUTEURE

Ingrid Hall
Professeure au département d’anthropologie de l’université de Montréal, sa
spécialité est l’anthropologie environnementale. À partir de terrains situés
dans les Andes péruviennes, elle s’intéresse aux dynamiques contemporaines
qui affectent les communautés paysannes et développe des réflexions sur
l’organisation socio-politique de ces institutions autour de la gestion des
communs fonciers et de l’influence de programmes relatifs à la conservation
de la biodiversité.
A récemment publié
Hall  I., 2017, «  De la colectividad a la comunidad. Reflexiones acerca del
derecho de propiedad en Llanchu, Perú  », Revista de antropología social,
vol. 26, no 2, p. 379-398.
Hall I., 2017, « Créativité politique en matière électorale dans une communauté
paysanne des Andes sud-péruviennes », dans Pujol C., Doré E., Droilleau F.
et al. (dir.), Amériques créatives : regards croisés sur les discours et les pratiques,
Paris, L’Harmattan, p. 75-94.
Hall I., 2016, « Quand l’orateur fait l’homme, parole et hiérarchie dans les
Andes du Sud du Pérou (Calca, Cusco, Pérou) », Autrepart, no 73, p. 89-103.
Hall  I., 2014, «  Compter les journées de travail, classer les individus et
ordonner la société dans une communauté des Andes sud-péruviennes »,
ethnographiques.org, no 29, http://www.ethnographiques.org/IMG/pdf/ArHall.
pdf (consulté en février 2018).
Hall  I., 2013, «  La reforma agraria, entre memoria y olvido (Andes sur
peruanos)  », Anthropologica, vol. 31, no 31, p. 101-125, http://www.scielo.
org.pe/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0254-92122013000100005&lng
=es&nrm=iso&tlng=es (consulté en février 2018).

49
Ingrid Hall

BIBLIOGRAPHIE

Agrawal  A., 2003, «  Sustainable Gover- Castillo Castañeda  P., Diez Hurtado  A.,
nance of Common-Pool Resources: Burneo  Z. et  al. (dir.), 2013, ¿Qué
Context, Methods, and Politics », Annual sabemos de las comunidades campe-
Review of Anthropology, vol. 32, no 1, sinas?, Lima, Grupo Allpa, p.  11-14, ,
p. 243-262, http://www-personal.umich. http://www.allpa.org.pe/sites/default/
edu/~arunagra/papers/Sustainable%20 files/Qué%20sabemos%20de%20
Governance%20of%20Common- las%20comunidades%20campe-
Pool%20Resources.pdf (consulté en sinas%20%282007%29_0.pdf (consulté
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
février 2018). en février 2018).

Burneo  M.  L., 2013, «  Elementos para Castillo Castañeda  P., 2007, «  Las
volver a pensar lo comunal: nuevas comunidades campesinas en el siglo
formas de acceso a la tierra y presión XXI: balance jurídico  », dans Castillo
sobre el recurso en las comunidades Castañeda  P., Diez Hurtado  A.,
campesinas de Colán y Catacaos  », Burneo  Z. et  al. (ed.), ¿Qué sabemos
Anthropologica, no 31, p. 16‑41, http:// de las comunidades campesinas?,
revistas.pucp.edu.pe/index.php/anthro- Lima, Grupo Allpa, p.  15-106, http://
pologica/article/download/7606/7855 www.allpa.org.pe/sites/default/files/
(consulté en février 2018). Qué%20sabemos%20de%20las%20
comunidades%20campesinas%20
Burneo Z., 2007, « Propiedad y tenencia %282007%29_0.pdf (consulté en
de la tierra en comunidades campesinas. février 2018).
Revisión de literatura reciente en el
Perú », dans Castillo Castañeda P., Diez Chamoux M.-N., Contreras J. (dir.), 1996,
Hurtado A., Burneo Z. et al. (dir.), ¿Qué La gestión comunal de recursos:
sabemos de las comunidades campe- economía y poder en las sociedades
sinas?, Lima, Grupo Allpa, p. 153‑258, locales de España y de América Latina,
http://www.allpa.org.pe/sites/default/ Barcelona, Icaria Editorial.
files/Qué%20sabemos%20de%20
las%20comunidades%20campe- Chirinos-Almanza A., 1975, « La reforma
sinas%20%282007%29_0.pdf (consulté agraria peruana  », Nueva Sociedad,
en février 2018). no 21, p. 47-64, http://www2.congreso.
Revue internationale des études du développement

gob.pe/sicr/cendocbib/con4_uibd.nsf/
Burneo Z., s. d., « La propiedad colectiva B8F6840BD2674F4B05257DD600574
de la tierra », Lima, CEPES, http://www. 5DD/$FILE/LaReformaAgrariaPeruana.
cepes.org.pe/pdf/observatorio_tierras/ pdf (consulté en février 2018).
propiedad_colectiva_tierra.pdf (consulté
en février 2018). Coriat  B. (dir.), 2015, Le retour des
communs : la crise de l’idéologie
Caballero J. M., 1977, « Sobre el caracter propriétaire, Paris, Les liens qui libèrent,
de la reforma agraria peruana », Latin p. 38-39.
No 234  2018~2

American Perspectives, vol.  4, no  3,


p. 146-159.

50
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

Diez Hurtado A., 2012, « Gobierno comunal: FIDA (Fondo Internacional de Desarrollo


entre la propiedad y el control territorial Agrícola), 2013, « Dar a la población rural
El caso de la comunidad de Catacaos », pobre del Perú la oportunidad de salir de
Perú: el problema agrario en debate, la pobreza », Rome, FIDA, https://www.
SEPIA, vol. XIV, p. 115‑148, http://www. ifad.org/documents/10180/0e194391-
sepia.org.pe/facipub/upload/cont/1207/ 56f4-4666-8f50-1eba92ee388d
cont/files/SEPIA%20XIV%20DTR_Diez. (consulté en février 2018).
pdf (consulté en février 2018).
Guillet  D., 1979, Agrarian Reform and
Diez Hurtado A., 2011, « Concentración Peasant Economy in Southern Peru,
versus colectivización de la propiedad Columbia, University of Missouri Press,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
de la tierra en América Latina », dans p. 48-83.
Bartra A. (dir.), Memoria del seminario
internacional Modelos de desarrollo Gutwirth S., Stengers I., 2016, « Théorie
rural y economía campesina indígena, du droit. Le droit à l’épreuve de la
La Paz, CICPA. résurgence des commons  », Revue
juridique de l’environnement, vol.  41,
Diez Hurtado  A., 1998, Comunes y no 2, p. 306-343.
haciendas: procesos de comunalización
en la Sierra de Piura (siglos XVIII al XX), Hall  I., 2016, «  Quand l’orateur fait
Piura, CICPA, p. 9. l’homme, parole et hiérarchie dans les
Andes du Sud du Pérou (Calca, Cusco,
Duguit  L., 1912, Les transformations Pérou) », Autrepart, no 73, p. 89-103.
générales du droit privé depuis le Code
Napoléon, Paris, Librairie Félix Alcan. Hall  I., 2014, «  Compter les journées
de travail, classer les individus et
Eguren  F., 2013, «  Prólogo  », dans ordonner la société dans une commu-
Castillo Castañeda P., Diez Hurtado A., nauté des Andes sud-péruviennes  »,
Burneo  Z. et  al. (dir.), ¿Qué sabemos ethnographiques.org, http://www.
de las comunidades campesinas?, ethnographiques.org/IMG/pdf/ArHall.
Lima, Grupo Allpa, p.  11-14, , http:// pdf (consulté en février 2018).
www.allpa.org.pe/sites/default/files/
Qué%20sabemos%20de%20las%20 Hall  I., 2013, «  La reforma agraria,
comunidades%20campesinas%20 entre memoria y olvido (Andes Sur
%282007%29_0.pdf (consulté en peruanos)  », Anthropologica, no  31,
février 2018). p. 101-125.

Eguren F., del Castillo L., Burneo Z., 2009, Hall  I., 2009, De la loi à l’esprit. Ethno-
« Los derechos de propiedad sobre la genèse récente d’une communauté
tierra en las comunidades campesinas », paysanne des Andes sud-péruviennes,
Economía y Sociedad, no 71, p. 28-37, thèse de doctorat d’ethnologie,
http://www.landcoalition.org/sites/ Nanterre, université Paris-Ouest
default/files/documents/resources/71- Nanterre La Défense.
eguren-castillo-burneo.pdf (consulté en
février 2018).

51
Ingrid Hall

Kervyn B., 1989, « Campesinos y acción Ostrom E., 1990, Governing the Commons:


colectiva: La organización del espacio en The Evolution of Institutions for Collec-
comunidades de la sierra sur del Peru », tive Action, Cambridge/ New  York,
La revista andina, vol. 13, no 1, p. 7‑60, Cambridge University Press, http://wtf.
http://www.revistaandinacbc.com/ tw/ref/ostrom_1990.pdf (consulté en
wp-content/uploads/2016/ra13/ra-13- février 2018).
1989-01.pdf (consulté en février 2018).
Ostrom  E., Hess  C. 2007, «  Private
Le  Roy  E., 2016. «  Des Communs “à and Common Property Rights  »,
double révolution” », Droit et Société, Encyclopedia of Law &  Economics,
no 94, p. 603-624. Northampton, Edward Elgar.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Le Roy E., 2011, La terre de l’autre : une Pajuelo  R., 2012, «  Imágenes de la
anthropologie des régimes d’appropria- comunidad. Indígenas, campesinos y
tion foncière, Paris, LGDJ/MSH, p. 30. antropólogos en el Perú », dans Degre-
gori C. I., Sendón P., Sandoval P. (ed.),
Matos Mar  J., Mejía  J.  M., 1980, La No hay país más diverso: Compendio de
reforma agraria en el Perú, Lima, Insti- antropología peruana, Lima, Instituto de
tuto de Estudios Peruanos. Estudios Peruanos, p. 123-179.

McCay  B.  J., 2001, «  Community and Pérez Galán  B., 2004, «  Somos como
the Commons: Romantic and Other incas  »: Autoridades tradicionales en
Views  », dans Agrawal  A., Gibson  C. los Andes peruanos, Cuzco, Madrid/
(dir.), Communities and the Environ- Francfort, Iberoamericana/Vervuert.
ment: Ethnicity, Gender, and the State
in Community-Based Conservation, New Pulgar Vidal J., 1987, Geografía del Perú:
Brunswick, Rutgers University Press, Las ocho regiones naturales, la regiona-
p. 180-192. lización transversal, la microregionaliza-
ción, Lima, PEISA.
Mosse  D., 2005, Cultivating Develop-
ment: An Ethnography of Aid Policy Robin  V., 2004, «  Indiens, Quechuas
and Practice, Londres, Pluto Press. ou paysans ? À propos des commu-
nautés quechuaphones des Andes
Murra J., 1985, « “El Archipiélago Vertical” sud-péruviennes  », Amérique latine
Revisited », dans Masuda Y., Shimada I., Histoire et Mémoire. Les cahiers ALHIM,
Revue internationale des études du développement

Morris  C. (ed.), Andean Ecology and no  10, http://journals.openedition.org/


Civilization: An Interdisciplinary Perspec- alhim/98 (consulté en février 2018).
tive on Andean Ecological Complemen-
tarity, Tokyo, University of Tokyo Press, Robles Mendoza  R., 2002, Legislación
p. 3-13. peruana sobre comunidades campe-
sinas, Lima, UNMSM, http://sisbib.
Orsi  F., 2015, «  Revisiter la propriété unmsm.edu.pe/BibVirtual/libros/2007/
pour construire les communs  », dans legis_per/contenido.htm (consulté en
Coriat B. (dir.), Le retour des communs : février 2018).
No 234  2018~2

la crise de l’idéologie propriétaire, Paris,


Les liens qui libèrent, p. 51‑67.

52
Propriété collective, gestion des communs et structuration sociale

Schlager, E., Ostrom E., 1992, « Property- Trivelli C., 2014 [1992], « Reconocimiento
Rights Regimes and Natural Resources: legal de comunidades campesinas: Una
A Conceptual Analysis », Land Econo- revisión estadística  », dans Urrutia
mics, vol. 68, no 3, p. 249-262, http:// Ceruti J. (dir.), Comunidades indídenas
dlc.dlib.indiana.edu/dlc/bitstream/ y campesinas del Perú: Una visión
handle/10535/3857/Schlager_and_ histórica, Lima, Comisión de derechos
Ostrom--Property_Rights_regimes_ humanos/COMISEDH, p. 91‑108.
and_natural_resources_a_conceptual_
analysis.pdf?sequence=1 (consulté en Urrutia Ceruti J. (dir.), 2014, Comunidades
février 2018). indídenas y campesinas del Perú: Una
visión histórica, Lima, Comisión de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.9.239 - 28/02/2020 11:09 - © Éditions de la Sorbonne
Seligmann L. J., 1995, Between Reform derechos humanos/COMISEDH.
& Revolution: Political Struggles in the
Peruvian Andes, 1969-1991, Stanford, Weinstein  O., 2015, «  Comment se
Stanford University Press, p. 128-154. construisent les communs : questions
à partir d’Ostrom », dans Coriat B. (dir.),
SICCAM (Sistema de información sobre Le retour des communs : la crise de
comunidades campesinas del Perú), l’idéologie propriétaire, Paris, Les liens
2016, Directorio de comunidades qui libèrent, p. 69-86.
campesinas del Perú, Instituto del bien
común/CEPES, http://www.ibcperu.org/ Zimmerer K. S., 1996, Changing Fortunes:
wp-content/uploads/2017/06/DIREC- Biodiversity and Peasant Livelihood in
TORIO-DE-COMUNIDADES-CAMPE- the Peruvian Andes, Berkeley, University
SINAS-DEL-PERU-2016.pdf (consulté of California Press.
en février 2018).

53

Vous aimerez peut-être aussi