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Olga Galatanu
in Jean-Marie Barbier et al., Sujets, activités, environnements
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Olga Galatanu
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pléter, les enrichir, les insérer dans de nouveaux systèmes de
connaissances et de valeurs, ou encore les déstabiliser, les décons-
truire et les reconstruire. L’analyse des mécanismes discursifs de
cette « force agissante » fait apparaître, en revanche, un phéno-
mène moins étudié à l’interface de la sémantique linguistique et
de l’analyse du discours qu’à l’interface de cette dernière et
d’autres sciences humaines et sociales, comme la sociologie ou la
psychologie, celui du cinétisme de la signification lexicale.
Dans la mise en œuvre du potentiel de signification des mots,
pour construire du sens discursif, la parole peut activer (Il est
intelligent, il comprend tout), voire renforcer (C’est un vrai crime, il
faut une sanction sévère) ce potentiel, mais également l’affaiblir
(Elle est belle, mais bête), le transgresser, voire l’intervertir (Je suis
raisonnable, je demande l’impossible), l’enrichir de nouveaux stéréo-
types, le modifier (C’est une belle femme, mais elle n’est pas superfi-
cielle). Nous allons essayer de montrer comment ces mécanismes
discursifs, qui relèvent de l’actualisation subjective de la langue,
en contexte – à la fois porteur de contraintes socioculturelles et
inédit pour chaque occurrence de parole –, peuvent modifier « le
patrimoine » sémantique d’une communauté linguistique, le faire
évoluer, garantissant ainsi la richesse de ces ensembles ouverts
d’associations mentales portées par la signification des mots. Et
ce faisant, nous pensons apporter un argument à une approche
holistique de l’action humaine comme une « intrication sujet acti-
vité environnement » dans laquelle la parole, l’activité langagière,
participe en construisant le monde, les identités, du lien social, et
les mots pour les dire. Nous en voulons pour preuve l’élaboration
discursive de l’Union européenne et des nouvelles significations
pour les expressions linguistiques qui en sont les dénominations :
la société du développement durable donc de la connaissance, la société
de la diversité dans l’unité, la société de la citoyenneté, ou encore
l’élaboration discursive d’une francophonie, non pas comme « le
caractère francophone = qui concerne la langue française dans
tous ses emplois géographiques », ou comme « l’ensemble consti-
tué par les populations qui parlent français », mais comme « diffu-
DU CINÉTISME DE LA SIGNIFICATION LEXICALE 87
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reconstruction spontanée des significations des mots, dans et par
les interactions de la vie quotidienne : les jeunes et « les jeunes », les
jeunes des banlieues, la purification (ethnique) et les collaborateurs,
l’eugénisme, le corporatisme et tant d’autres, que nous avons pu voir
changer de polarité axiologique.
Nous allons proposer une approche théorique de ce phéno-
mène linguistique appréhendé comme un produit de l’interaction
du sujet (parlant) et de son environnement (contexte sociocultu-
rel de l’acte de langage), dans et par les activités langagières.
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« naturelles », mais par le point de vue observationnel, par les prin-
cipes explicatifs et donc par la délimitation de son domaine empi-
rique, ce qui peut paraître normal pour une discipline scientifique
relativement jeune et qui cherche encore son identité en tant que
discipline scientifique, nous ne pouvons pas ignorer une rhéto-
rique que nous retrouvons dans l’usage « ordinaire » des langues,
usage de tous les jours et de tout le monde. Les linguistes parlent
dans leurs débats d’une « vraie linguistique » et d’ un « vrai lin-
guiste », comme si, dans l’usage de ces mots à un moment donné
de l’histoire des sciences du langage, il y avait une « gradualité » de
la qualité de linguiste et de l’appartenance à la linguistique. On
peut être plus ou moins linguiste et la linguistique que l’on pra-
tique, comme science du langage, est plus ou moins linguistique,
plus ou moins science du langage, ce qui paraît contredire
l’affirmation même du statut scientifique de cette discipline.
Discipline paradigmatique, la linguistique, devrait probable-
ment accepter son visage multiforme et ne pas avoir à distinguer
« la vraie linguistique » de « la linguistique non vraie, voire fausse »,
même si elle est, comme toutes les sciences humaines et sociales,
le résultat de cheminements et d’errances qui en font la difficulté
et l’intérêt, mais l’usage récurrent de ces syntagmes ne fait pas
apparaître seulement des tensions encore fortes entre ces paradig-
mes, mais également et surtout, comme nous l’avons suggéré plus
haut, l’adoption d’une rhétorique quotidienne dans les discours
du langage ordinaire. Tout se passe comme si la parole se chargeait de
rappeler l’histoire de la signification des mots et ce principe de change-
ment, de mouvement, qui caractérise son « état » à un moment donné,
en « synchronie »..., ce que nous avons appelé sa cinétique ou son ciné-
tisme, par analogie avec le phénomène physique.
On parle ainsi, d’une vraie démocratie, d’un vrai crime, d’une
vraie grève, d’un vrai bonheur, d’un vrai malheur, d’une vraie amé-
lioration et d’une vraie dégradation de la santé/ de la situation, d’une
vraie beauté, etc.
On peut chercher et trouver une première explication à cet
usage, qui correspond à l’une des intuitions, si riches, du langage
DU CINÉTISME DE LA SIGNIFICATION LEXICALE 89
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qui renforce le degré d’applicabilité de nominal à l’univers réfé-
rentiel. Si le bonheur est l’« état de la conscience pleinement
satisfaite » (Petit Robert), ou un « état de pleine et entière satisfac-
tion » (Lexis), ou encore un « état heureux, état de pleine satisfac-
tion et de jouissance » (Littré), un « vrai bonheur » serait celui qui
représente justement cette pleine satisfaction et non celui de
moyenne satisfaction. Par ailleurs, une « vraie démocratie » serait
celle qui se rapprocherait le plus de la dénomination du système
de gouvernance selon lequel « la souveraineté doit appartenir à
l’ensemble des citoyens » (Petit Robert), et de même, « une vraie
grève » serait celle qui répondrait à tous les éléments de la déno-
mination de ce phénomène social : « cessation volontaire et col-
lective du travail, décidée par les salariés dans un but revendicatif
(augmentation du salaire, amélioration des conditions du travail,
protestation contre les licenciements, etc.) et entraînant la sup-
pression du salaire pendant cette période ».
Cette explication, rassurante quant à la « raisonnabilité » du
langage ordinaire, devient insuffisante lorsqu’il s’agit de l’emploi
de l’adjectif vrai devant des nominaux comme femme, homme,
enfant, professeur, etc., et a fortiori devant des nominaux désignant
des objets fabriqués d’usage courant : table, chaise, crayon, voi-
ture, etc. : un homme et un vrai, une vraie femme, un vrai change-
ment, une vraie voiture. Celle qui est « une vraie femme » de nos
jours, est-elle la même qu’une vraie femme au XIXe siècle, et
même au début du XXe siècle ? La « vraie femme » en France est-
elle la même qu’au Japon, en Inde, et même que dans un autre
pays européen, en Roumanie, en Italie, en Espagne ou ailleurs ?
Entre la signification du mot innovation dans l’exemple donné par
Littré (I) et l’innovation dont parle le discours académique actuel
en France (II), il y a visiblement une différence se situant au
niveau de l’évaluation du monde social :
(I) « ... tu entendras murmurer autour de toi : cela ne se peut, et, quand cela se
pourrait, ce sont des innovations ; des innovations ! soit, mais tant de décou-
vertes dans les sciences et les arts n’en ont-elles pas été ? (Raynal, Hist.
phil. IV, 18) (Littré).
90 SUJETS, ACTIVITÉS, ENVIRONNEMENTS
(II) Depuis trois ans dans l’Académie de Besançon, l’innovation a été remise en
chantier, et reconduite à travers l’action dynamisante du pôle académique et
de ses deux coordonnateurs.
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haut donnent de la linguistique, ou les définitions que donnent les
dictionnaires du mot innovation sont loin d’épuiser les significa-
tions de ces mots et des concepts qui leur correspondent, de « lin-
guistique » et d’ « innovation », proposées actuellement par les
discours des pratiques sociales et/ou par les chercheurs en scien-
ces humaines et sociales, ces significations qui, tout en gardant
un noyau sémantique « permanent », qui nous permet d’identifier
à travers les siècles la pratique de recherche que nous pouvons
appeler linguistique et, respectivement, les phénomènes et actes
sociaux que nous pouvons appeler innovations, s’enrichissent éga-
lement d’associations nouvelles de représentations, ancrées dans
des stéréotypes culturels qui se font et se défont.
Pour en rendre compte, notre recherche articule deux démar-
ches portées par deux approches, en général séparées en sciences
du langage : l’analyse du discours et la sémantique lexicale.
Autrement dit, elle articule :
— d’une part, une définition du discours comme une pratique de
construction de soi et du monde, productrice de son propre
univers, de sa propre réalité ;
— d’autre part, un modèle de description des significations lexi-
cales susceptible de rendre compte de leur potentiel évaluatif,
axiologique, id est argumentatif.
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qu’a la parole de convaincre, de changer les représentations men-
tales de ses destinataires et de reconstruire le monde. « La mort et
la vie sont au pouvoir de la langue », disent les Psaumes, « La
langue n’a pas d’os, mais elle peut briser les os », dit un proverbe
judéo-espagnol, « Rien ne peut guérir ce que la langue a blessé »,
dit un proverbe arabe, « Avec une langue, on peut aller à Rome »,
dit un proverbe québécois. Enfin, un autre proverbe arabe pro-
pose une véritable théorie linguistique, articulant justement
sémantique et pragmatique : « La langue de l’homme est comme
un fauve, si on le lâche, il vous dévore. » La réflexion sur ce pou-
voir de la parole agissante, qu’elle soit violente comme le fauve
du proverbe, pour déstructurer le monde qu’elle représente en
l’évaluant comme non conforme à la vérité et/ou aux valeurs por-
tées par « les mots de la tribu », comme dans les exemples (III),
(IV) et (V), ou au contraire, rassurante, pour permettre la recons-
truction de soi et du monde conformément aux valeurs portées
par « les mots de la tribu », comme dans l’exemple (VI), amène le
linguiste à chercher ce qui dans la langue, dans les mots que les
discours des acteurs sociaux mobilisent, habilite ce pouvoir.
(III) Ne nous emportons point contre les hommes en voyant leur dureté, leur ingra-
titude, leur injustice, leur fierté, l’amour d’eux-mêmes et l’oubli des autres :
ils sont ainsi faits, c’est leur nature, c’est ne pouvoir supporter que la pierre
tombe ou que le feu s’élève (La Bruyère, Les Caractères, ch. De l’Homme).
(IV) Tu n’es qu’un bon à rien.
(V) Tu es tellement nul que personne ne voudrait de toi, sans moi tu resterais tout
seul (Hirigoyen, Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien).
(VI) I like who I am and I enjoy being me.
I am glad to be alive and I’ve decided to be the best « me » that I can be.
Take control of your life. The Self-Talk Solution.
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donc indignation donc emportement contre les hommes ». De
même, dans (VI), I am glad garde en contexte ses visées argumen-
tatives positives : « donc je me porte bien, donc je ne suis pas
déprimé, donc je réussis dans la vie », etc.
La recherche se donnera donc pour tâche de rendre compte de ce
potentiel positif et respectivement négatif des mots, des séquences argu-
mentatives potentielles et des mécanismes discursifs d’activation de ce
potentiel.
Dans nos exemples, les mécanismes sémantico-discursifs
proposent une représentation du monde conforme (VI) ou
opposée (III, IV, V) au système de valeurs portées par les significa-
tions lexicales, et donc censées être partagées par les participants
à la communication.
En revanche, des énoncés comme (VII), (VIII), (IX) mettent en
œuvre des mécanismes sémantico-discursifs qui vont jusqu’à la
déstructuration de la signification lexicale, avec affaiblissement,
neutralisation, voire interversion de son potentiel argumentatif :
(VII) C’est bon d’être égoïste / d’avoir honte.
(VIII) La vraie société européenne est celle des citoyens.
(IX) Elle est belle, pourtant elle est intelligente / elle n’est pas superficielle.
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ques et des résultats :
(X) Conscient de la richesse des initiatives locales et de la nécessité de pouvoir
encourager ces initiatives, en 1994 le ministre de l’époque a créé un dispositif
de repérage et de valorisation des innovations.
LA CONSTRUCTION DISCURSIVE
DE LA SIGNIFICATION LEXICALE
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Le modèle de description (id est de construction) des significa-
tions lexicales, La « sémantique des possibles argumentatifs »
(SPA), que nous développons au GRASP depuis 1999 (Galatanu,
1999 a, b, 2000 a, b, c ; 2002, 2003 a, b et à paraître) a comme
point de départ :
— d’une part, une réflexion sur la proposition de Putnam (1975,
1990, 1994) de décrire la signification des mots en termes de
noyau (traits de caractérisation) et de stéréotypes (associés
durablement au mots). Nous y avons ajouté une troisième
strate, celle de « possibles argumentatifs », qui représentent
des séquences discursives, déployant l’association du mot
avec les éléments de son stéréotype et donc calculables à par-
tir du stéréotype. Le stéréotype fonctionne donc comme un
dispositif de génération de discours potentiels qui sont activés
en contexte et en contexte par un phénomène de « contamina-
tion discursive », analogue à celui de « décohérence » en phy-
sique quantique ;
— et, d’autre part, l’étude de la signification lexicale proposée
par la théorie des topoï (Anscombre, 1995 ; Ducrot, 1995) et
développée par la suite dans la théorie de blocs d’argu-
mentation interne ou externe (Carel et Ducrot, 1999 ; Ducrot
et Carel, 1999).
L’approche que nous proposons est holistique, associative et
encyclopédique. Pour pouvoir rendre compte de la signification
dans une approche holistique et associative, nous précisons que
les stéréotypes d’un mot représentent des associations, dans des
blocs de signification argumentative (relation posée comme une
« relation naturelle » : cause-effet, symptôme phénomène, but
moyen, etc.) des éléments du noyau avec d’autres représentations
sémantiques. Ces associations sont relativement stables et elles
forment des ensembles ouverts, dans ce sens qu’il serait impos-
sible d’identifier avec certitude des limites rigides à ces ensembles
dans une communauté linguistique à un moment donné de
l’évolution de sa langue. Elles ont un ancrage culturel permettant
DU CINÉTISME DE LA SIGNIFICATION LEXICALE 95
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sance de l’entité en jeu contribuent au sens de l’expression qui la
désigne.
Les possibles argumentatifs, définis comme les associations vir-
tuelles, dans les discours, du mot avec les éléments de ses stéréo-
types, s’organisent dans deux faisceaux orientés respectivement
vers l’un ou l’autre des pôles axiologiques (positif et négatif)
(Galatanu, 2002, 2003 et à paraître). L’orientation positive ou
négative du faisceau d’associations est fonction de la contamina-
tion discursive (due à l’environnement sémantique ou au
contexte).
Nous allons illustrer cette approche avec l’étude du mot inno-
vation qui présente à la fois un intérêt linguistique, notamment
par son traitement discursif et par le cinétisme de sa signification,
et un intérêt sociologique, compte tenu de la place qu’il occupe
dans le système de valeurs qui sous-tend les pratiques sociales
dans le contexte de la constitution de la société européenne et de
la mondialisation.
L’analyse des définitions lexicographiques fait apparaître deux
éléments stables du noyau de la signification du mot innovation :
« action » et « résultat de cette action », En fait, ces deux éléments
sont présents dans les deux lectures du mot innovation, mais de
manière différente :
— la signification « action d’innover (= d’introduire une chose
nouvelle) » pourrait être représenter sous la forme d’une
séquence, bloc d’argumentation interne (Carel, Ducrot,
1999) : <action (d’innover) donc résultat = chose nouvelle> ;
— la signification « résultat de l’action d’innover » pourrait être
représenter par la séquence argumentative : <résultat = chose
nouvelle parce qu’action (d’innover)>.
Dans les deux cas, comme il s’agit d’une action humaine, la
signification a forcément une dimension « intentionnalité », au
sens large du terme, tel qu’il est étudié par Searle (1983), cou-
vrant des états mentaux comme l’intention, la volonté, aussi bien
que la pulsion, le désir. La définition proposée par Littré rend
96 SUJETS, ACTIVITÉS, ENVIRONNEMENTS
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et, quand cela se pourrait, ce sont des innovations ; des innova-
tions ! soit, mais tant de découvertes dans les sciences et les arts
n’en ont-elles pas été ? » (Raynal, Hist. phil., IV, 18).
Un autre élément stable est le trait nouveau, appliqué au résul-
tat de l’action : « chose nouvelle dont l’existence est rendue pos-
sible par l’action ».
Enfin, toutes les définitions examinées font état, d’une manière
ou d’une autre, d’un élément que l’on pourrait synthétiser
comme une situation établie, instituée, voire régie par des normes
que l’on peut rendre explicites. « La chose nouvelle » est rendue
possible, est introduite « dans une situation établie », « dans un
état de choses établi ».
Les stéréotypes (associations des éléments du noyau à d’autres
représentations sémantiques, présentes de façon relativement
durable dans le contexte culturel d’emploi du mot et, par voie de
conséquence, dans la signification du mot) s’organisent autour de
ces trois éléments qui font la permanence de la signification de ce
mot et de la construction et de l’interprétation du sens discursif
des énoncés qui le mobilisent :
— désir/volonté (de changer) donc – nouveau style – nouvelle
manière de faire – objet nouveau (appareil...)...
— action (de changer) ou résultat(changement) donc – évaluation
positive/négative – succès/échec social – admiration/regard
critique...
— situation établie à changer/changée donc – amélioration/ dé-
sordre – plus belle / plus laide – plus efficace / moins efficace...
La représentation que nous donnons ici des ensembles ouverts
des « stéréotypes linguistiques » du noyau de signification du mot
innovation, telle qu’elle apparaît dans le discours lexicogra-
phique, représentation qui ne prétend pas au statut de formalisa-
tion, met en évidence la bivalence axiologique de ce mot.
Les exemples qui illustrent l’activation de ce potentiel mon-
trent une évolution du pôle négatif (les exemples proposés par le
Littré) vers le pôle positif ou négatif (les exemples qui, à l’heure
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se pourrait, ce sont des innovations ; des innovations ! soit, mais tant de
découvertes dans les sciences et les arts n’en ont-elles pas été ? (Raynal, Hist.
phil., IV, 18) (Littré).
(XIV) Une innovation heureuse dans la mise en scène (Lexis).
(XV) Des innovateurs hardis conçurent une architecture adaptée aux nouveaux
besoins des cités humaines (Lexis).
(XVI) L’innovation au théâtre est la plus difficile et la plus dangereuse de toutes
(Le Petit Robert).
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presque de l’analyse sémantique, en se chargeant de l’analyse des
pratiques innovantes.
Nous avons pu regrouper les associations argumentatives
déployées dans le discours autour des trois éléments du
noyau, qui a priori devraient constituer la partie stable de la
signification.
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formation.
(XVIII) Il ne faut cependant pas innover seulement pour se faire plaisir.
(XIX) « L’innovation reste une démarche personnelle de quelqu’un qui a le sens du
collectif. »
(Atelier « Innover pour impulser dans l’école une dynamique d’amélioration de la
réussite scolaire »)
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Il est intéressant de voir que tous ces stéréotypes ne sont pas
justifiés par la signification des éléments des stéréotypes qui sont
associés au noyau : « action de création d’une chose nouvelle
donc pilotage » ne se justifie pas de par la signification des élé-
ments associés par un lien proposé comme un lien argumentatif.
Le lien ne peut se justifier en dehors de la connaissance et/ou de
l’expérience institutionnelle et professionnelle de l’éducation,
dans un contexte socioculturel déterminé.
On peut faire l’hypothèse que le partage des pratiques innovantes
dans un domaine d’expérience et le partage des discours sur ces prati-
ques fonctionnent comme des déclencheurs de mécanismes de reconstruc-
tion de la signification des mots de ce champ sémantique (innovation,
innover, innovant) à partir d’associations inédites de représentations,
associations justifiées par l’extralinguistique, par le contexte culturel,
voire institutionnel.
Cette hypothèse répond à nos partis pris épistémologiques et
théoriques :
— qui nous font appréhender le discours comme une pratique de cons-
truction de soi et du monde, productrice de son propre univers, de sa
propre réalité ;
— et qui confèrent à la parole à la fois le statut d’une voie d’accès pri-
vilégiée aux identités des acteurs sociaux et aux représentations
sociales et celui d’une force agissante sur les pratiques sociales, les
systèmes de valeurs et la signification même des mots que le discours
mobilise pour les décrire.
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sus qui garantit « l’augmentation de la plus value dans les
apprentissages scolaires » :
(XXII) Qu’apporte l’innovation comme « plus-value », d’une part aux élèves et
d’autre part aux équipes éducatives ?
(XXIII) L’innovation doit permettre une amélioration de l’efficacité scolaire. Si
l’on pose la question de continuer ou non un projet, les collègues évoquent
toujours l’intérêt que présente une autre manière de travailler.
— le statut axiologiquement négatif de « la chose établie », en tout cas
dans le domaine de l’école que l’action innovante est censée
changer, comme dans l’énoncé définitionnel de l’exem-
ple (XXIV) :
(XXIV) L’innovation est une désobéissance locale qui a réussi.
— le caractère continu du processus d’innovation, associé de par
l’un des stéréotypes du mot au partage, à la mutualisation :
dès que l’innovation est mutualisée, elle est institutionnalisée
et, de ce fait, elle cesse d’être innovation :
(XXV) Une innovation n’est déjà plus d’actualité.
Ce phénomène discursif de reconstruction de la signification
du mot innovation, qui fait que l’un des stéréotypes proposés par
le discours est susceptible de modifier le noyau même, rapproche
le concept d’ « innovation » de celui que nous avions défini sous
la dénomination de « savoir d’action » (Barbier et Galatanu,
2004). Un savoir d’action, par définition inédit, ou vécu comme
inédit par l’acteur social, se transforme en savoir didactique, dès
qu’il est formalisé et institutionnalisé par l’insertion dans un réfé-
rentiel de compétences.
LA RECONSTRUCTION DISCURSIVE
DES SYSTÈMES DE VALEURS DANS L’ACTIVITÉ
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l’ensemble des pratiques sociales : la polarité essentiellement
positive du processus de changement et la polarité négative de « la
chose établie », « à changer ».
Pour conclure, nous pourrions dire qu’une valeur sociale nou-
velle et complexe est née comme effet des évolutions de la signifi-
cation du mot innovation. Le mot apparaît comme une dénomi-
nation de valeur sociale. L’analyse du discours dans le cadre de
notre corpus et d’autres corpus sur lesquels nous travaillons en ce
moment et « la construction discursive de sa signification » que
nous avons étudiée ci-dessus, font apparaître la présence de
valeurs axiologiques positives inscrites au niveau de la strate des
stéréotypes intrinsèques à cette signification : <efficacité>, <inté-
rêt>, <plaisir>, et même, au pôle positif des valeurs morales-
éthiques, <partage>, <travail pour le bien d’autrui>, comme
dans l’exemple (XIII) : « L’innovation est une démarche personnelle
de quelqu’un qui a le sens du collectif. »
À la complexité axiologique de cette valeur, s’ajoute la pré-
sence des valeurs déontiques, très présentes dans notre corpus,
mais également très présentes dans les textes de la construction
européenne, dans les textes des médias ou de communication
interne des entreprises :
(XXI) Il ne faut pas cependant innover seulement pour se faire plaisir.
(XXII) L’innovation doit permettre une amélioration de l’efficacité scolaire.
(XXIII) L’innovation, c’est un processus qui est le résultat d’un système de pilotage,
les établissements sont innovants non pas parce qu’il y a des innovateurs
dans leur sein, parce que chacun l’est <...>, mais parce qu’il y a une
équipe de direction qui sait piloter par le changement et ça c’est valable
aussi au niveau académique, comme au niveau ministériel, on est là dans
des processus d’analyses systémiques, tout à fait bien connus aujourd’hui.
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portent le discours. Le cinétisme de la signification lexicale y
apparaît à la fois comme un effet de ces rapports et comme un
outil de transformation du système de valeurs qui sous tendent la
pratique sociale et individuelle et, de ce fait, créateur d’un sujet
collectif.
BIBLIOGRAPHIE
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