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Hassan ZAKRITI

LA LUTTE CONTRE
LE TRAFIC ILLICITE
DES BIENS CULTURELS:
Le cas du Maroc

Editions Universitaires Européennes


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Tous droits réservés. Saarbrücken 2.14
A
Madame
Josette Shaje TSHILUILA
Qui m’a initié à ce thème à l’université
internationale Senghor d’Alexandrie
et m’a inspiré l’idée d’écrire sur le sujet,
je dédie ce modeste ouvrage.
Table des matières

Introduction………………………………………..….p.8
I. Le cadre conceptuel…………………………….p.10
1.1. Les biens culturels……………………….p.10
1.2. Le trafic illicite……………………………p.14
II. Sources et fondement……………………..…p.16
III. Les instruments juridiques : Eléments
normatifs et de répression………………..…….p.19
3.1. Les Conventions……………………….…p.19
3.1.1. La Convention de I’Unesco de
1970…………………………………………….…..p.21
3.1.2. La Convention d’Unidroit de
1995……………………………………………..…p.24
3.1.3. Complémentarité entre les deux
Conventions……………………………………..p.28
3.2. Les Recommandations de
I’Unesco…………………………………………..p.28
3.3. Les législations nationales……..……p.29
IV. Les organes institutionnels……………..…p.31
4.1. Les organes gouvernementaux….…p.31
4.2. Les organismes
intergouvernementaux…………………p.33
4.2.1. Le Comité
intergouvernemental de I’Unesco….p.33
4.2.2. L’Interpol……………………...p.35
4.2.3. L’Organisation Mondiale des
Douanes…………………………………p.36
4.3 Les ONG : le cas le l’ICOM…..….p.37
V. Les outils d’information……………………..p.40
VI. Le cas du Maroc en matière de lutte contre
le trafic illicite des biens culturels…………...p.43
6.1. La législation nationale……………...p.43
6.1.1. La loi 22-80…………….…..……...p.45
6.1.2. La loi 19-05…….………………..…p.48
6.1.3. Le décret d’application de la loi
22-80…………………………………………..p.50
6.1.4. Le décret sur les musées
(1995)………………………………………….p.50
6.2. La mise en œuvre……………………….p.50
6.2.1. Le contrôle des services
douaniers…………………………………..…p.50
6.2.2. Les accords bilatéraux : le cas
maroco-français………………………..….p.51
Conclusion…………………………………………….p.53
Bibliographie…………………………………………p.55
INTRODUCTION
Face aux mutations économiques et
technologique actuelles, qui ouvrent de vastes
perspectives pour ma création et l’innovation, une
attention particulière doit être accordée a la
diversité de l’offre créatrice, à la juste prise en
compte des droits des auteurs et des artistes ainsi
qu’à la spécificité des biens et services culturels
qui, parce qu’ils sont porteurs d’identité, de
valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés
comme des marchandises ou des biens de
consommation comme les autres .
(Article 8 de la Déclaration universelle
sur la diversité culturelle, 2003)

L
e trafic illicite des biens culturels s’accroît de
jour en jour et n’épargne aucune région du
globe, L’ouverture des frontières, la
multiplication des conflits, la pauvreté et la
misère, l’essor du marché de l’art sont autant de
facteurs qui expliquent pourquoi le trafic des biens
culturels – œuvres d’art surtout – se situe en
second place après celui de la drogue.
Mais fort heureusement, le combat mené à
l’échelle internationale contre ce trafic s’intensifie
également et se diversifie. Au niveau du cadre
normatif, l’adhésion des Etats aux instruments
internationaux dont l’objet est de garantir la
protection du patrimoine connaît une nette
ascension. A ce jour, deux Conventions régissent la
lutte contre le trafic illicite des biens culturels: la
première – à portée universelle – est la Convention
concernant les mesures à prendre pour interdire
et empêcher m’importation, l’exportation et le

8
transfert de propriété des biens culturels (adoptée
à Paris, le 14 novembre 1970). La seconde,
parallèlement à ce texte et de concert avec lui, est
la Convention d’Unidroit sur les biens culturels
volés ou illicitement exportés (adoptée à Rome, le
24 juin 1995) qui vient combler opportunément le
vide juridique laissé par la première sur les
questions de droit international privé.
Au niveau de la mise en œuvre, stimulée par
ces deux Conventions la communauté
internationale connaît une mobilisation plus
accentuée grâce à des institutions qui agissent tant
sur le plan international, régional que national, à
l’image d’organismes intergouvernementaux dont
l’action – aussi bien préventive que répressive –
s’inscrit de plus en plus dans des réseaux
professionnels, et axée davantage sur
l’information.
Mais l’effort qui mérite d’être renforcé est la
recherche d’adhésion à ces deux Conventions et
surtout l’intégration de leurs dispositions dans les
législations nationales.
Tant de questions et de problématiques
auxquelles sont confrontés les pays et les acteurs
de lutte contre le trafic illicite des biens culturels,
et que ce travail se propose de traiter à travers un
tour d’horizon des instruments normatifs qui ont
trait à la matière, des instruments institutionnels
qui en assurent la mise œuvre, et de certains outils
d’information adéquats, pour aboutir enfin à la
présentation d’un cas de figure: celui du Maroc.

9
I. LE CADRE CONCEPTUEL:

A vant de cerner la réalité du trafic illicite des


biens culturels et les cadres de référence
dans lesquels sa répression s’inscrit, il
convient d’abord d’appréhender les deux concepts
autour desquels le phénomène s’articule.

1.1. Les biens culturels:

La notion de bien culturel, comme celle de


propriété intellectuelle, ne se prête pas à une
définition fixe et définitive, et c’est en fait avec
l’intérêt croissant suscité à l’échelle internationale
depuis quelques décennies par l’anthropologie et
l’ethnographie, la manière dont nous comprenons
l’expression, et dont nous l’appréhendons, qu’elle
s’est considérablement élargie.
En effet, l’expression de bien culturel est
aujourd’hui très largement sollicitée. Elle sert
parfois à désigner toutes sortes de productions, de
supports susceptibles d’un contenu culturel: le
livre, le cinéma, le multimédia. Dans le droit des
biens culturels, elle prend cependant un sens plus
spécifique et concerne les éléments du patrimoine
culturel. Il faut se pencher un instant sur cette
notion générale de patrimoine culturel avant d’en
distinguer les composantes.1
Toutefois, la distinction juridique devenue
classique s’inspire des Droits réels et classe de
facto les biens culturels en deux catégories: les
biens immobiliers ou immeubles et les biens
mobiliers ou meubles.

1 Marie Cornu, Droit des biens culturels et des

archives, Novembre 2003

10
Dans le contexte du trafic illicite, la
principale source qui définit la notion des biens
culturels est la Convention de l’Unesco de 1970.
Ainsi, à l'article premier:

…sont considérés comme biens culturels les biens


qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par
chaque Etat comme étant d’importance pour
l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la
littérature, l’art ou la science, et qui appartiennent
aux catégories ci-après :
a) collections et spécimens rares de zoologie, de
botanique, de minéralogie et d’anatomie ;
objets présentant un intérêt paléontologique.
b) les biens concernant l’histoire, y compris
l’histoire des sciences et des techniques,
l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie
des dirigeants, penseurs, savants et artistes
nationaux, et les événements d’importance
nationale.
c) Le produit des fouilles archéologiques
(régulières et clandestines) et des
découvertes archéologiques.
d) Les éléments provenant du démembrement
de monuments artistiques ou historiques et
des sites archéologiques.
e) Objet d’antiquité ayant plus de cent ans
d’âge, tels qu'inscriptions, monnaies et
sceaux gravés.
f) Le matériel ethnologique.
g) Les biens d’intérêt artistique tels que :
i) tableaux, peintures et dessins faits
entièrement à la main sur tout support et
en toutes matières (à l’exclusion des
dessins industriels et des articles
manufacturés à la main)

11
ii) productions originales de l’art statuaire
et de la sculpture, en toutes matières ;
iii) gravures, estampes et lithographies
originales.
iv) assemblages et montages artistiques
originaux, en toutes matières.
h) manuscrits rares et incunables, livres,
documents et publications anciens d’intérêt
spécial (historique, artistique, scientifique,
littéraire, etc.) isolés ou en collections.
i) Timbre-poste, timbres fiscaux et analogues,
isolés ou en collections.
j) Archives, y compris les archives
phonographiques, photographiques et
cinématographiques.
k) Objet d’ameublement ayant plus de cent ans
d’âge et instruments de musique anciens.

Ces désignations reprennent certains


éléments de définition des biens culturels telle
qu’elle figure dans l’article premier de la
Convention pour la protection des biens
culturels en cas de conflit armé (La Haye,
1954) :

…sont considérés comme biens culturels,


quel que soient leur origine ou leur
propriétaire:
a. les biens, meubles ou immeubles, qui
présentent une grande importance pour le
patrimoine culturel des peuples, tels que les
monuments d’architecture, d’art ou
d’histoire, religieux ou laïques, les sites
archéologiques, les ensembles de
construction qui, en tant que tels,
présentent un intérêt historique ou

12
artistiques, les œuvres d’art , les
manuscrits, livres et autres objets d’intérêt
artistique, historique ou archéologique,
ainsi que les collections scientifiques et les
collections importantes de livres,
d’archives ou de reproduction des biens
définis ci-dessus.

Cependant, les biens culturels vus sous


l’angle du trafic illicite désignent
essentiellement les biens meubles, et
accessoirement des biens immeubles (cette
catégorie est envisagée quant il s’agit
d’immeubles désignés par destination ou de
meubles attachés à perpétuelle demeure).
A la lumière de ces définitions, un bien
culturel est indissociablement lié à l’histoire et
aux traditions de la collectivité qui l’a créé,
découvert ou conservé à travers les âges. Il peut
être le fruit d’une création humaine comme il
peut s’agir d’un vestige de la nature.
Un bien culturel est aussi un témoin de son
temps, il s’agit en effet de signes visibles, par
lesquels l’individu peut reconnaître son
appartenance à une collectivité et mieux en
comprendre l’histoire et le présent.
De ce fait, les éléments des biens culturels
sont souvent uniques (en ce sens qu’ils ne sont
pas partout les mêmes), en nombre limité, mais
surtout irremplaçables. Ce qui rend leur trafic
une opération assez délicate.

1.2. Le trafic illicite:

13
La notion de trafic illicite se décline sous
différentes formes: allant du commerce des biens
marchands ordinaires échappant à la légalité
(contrebande) au trafic d’objets prohibés (armes,
stupéfiants, etc.…) et voire même celui des êtres
humains (réseau d’immigration clandestine, Traite
des blanches). Le caractère illicite concerne surtout
la manière et non la nature des biens. Ainsi, les
biens culturels, de point de vue leur nature, sont
voués à circuler entre les sociétés, mais en raison
de leur spécificité leur circulation est vue sous un
angle différent: car la circulation des biens
culturels est d’autant nécessaire (pour la
connaissance des peuples) qu’il est impératif d’en
contrôler le flux (par crainte de l’appauvrissement
culturel des peuples auxquels ils appartiennent).
Le trafic illicite des biens culturels est défini
selon les termes de la Convention de l’Unesco de
1970 qui régit cette matière au niveau international
comme étant : l’importation et le transfert de
propriété des biens culturels, effectués
contrairement aux dispositions prises par les
Etats parties en vertu de la présente Convention
(art.3)
Ces termes font référence à des rapports
d’échange aussi bien inter-étatiques (importation,
exportation) qu’intra-étatique puisque le transfert
de propriété peut intéresser des personnes
appartenant à un même pays ; on a tendance à
considérer le trafic illicite des biens culturels dans
sa dimension internationale, mais la Convention de
1970 consacre ici un concept plus fédérateur ; celui
du transfert de la propriété.
A un second niveau, on fait référence à des
actions contraires aux dispositions prises par les
Etats parties à la Convention de 1970. Le plus

14
souvent, il s’agit du droit interne qui régit cette
matière. A défaut, les pays signataires de la
Convention se voient contraints de se référer aux
termes de la dite Convention. Lesquels termes
laissent toujours penser que le trafic illicite ne
concerne que les Etats parties à la Convention
1970.
L’article 11 de la Convention de l’Unesco de
1970 relatif au trafic illicite précise également que :
sont considérés comme illicite l’exportation et le
transfert de propriété forcés de biens culturels
résultant directement ou indirectement de
l’occupation d’un pays par une puissance
étrangère.

15
II. SOURCES ET FONDEMENT DU
MOUVEMENT

D
epuis de longs siècle, voire même des
millénaires, la mobilité des biens et des
hommes obéissait à la nature des sociétés
humaines : le besoin d’explorer, d’exploiter de
nouvelles terres et de nouvelles ressources, de
communiquer et d’effectuer des échanges. Parmi
les biens, figuraient bien entendu des objets d’art,
des reliques et des éléments du savoir humain.
Avec la naissance du collectionnisme et
l’émergence des musées (anciennement connus
sous l’appellation de Cabinets de curiosité) et le
développement de la recherche sur l’histoire de
l’art, sur les civilisations anciennes (archéologie),
et sur les sociétés nouvellement découvertes
(ethnologie), un marché de ces biens commençait à
ce développer et ses enjeux ne cessait de
s’amplifier. Le pillage des tombes et les fouilles
clandestines était devenu monnaie courante. La
notion d’illicite – dans le sens juridique de terme –
n’était pas encore connue.
C’est avec le développement du concept du
patrimoine et l’émergence des Etats Nations ainsi
que son corollaire patrimoine national qu’une
prise de conscience du fléau s’est faite sentir,
surtout que le monde connaissait la chute de
certains empires (ottoman, austro-hongrois
notamment) et l’apparition de conflits mondiaux
(la Première et la Seconde Guerre Mondiale). La
naissance des organismes internationaux et
régionaux à la suite de la Seconde Guerre Mondiale
fût une conséquence logique du besoin des nations
de coopérer pour maîtriser les effets de certains
phénomènes dont le trafic anarchique des biens

16
culturels à caractère patrimonial et surtout le
commerce des objets d’art qui devenait de plus en
plus dominé par des réseaux clandestins, et qui
s’inscrit le plus souvent dans le crime organisé.
La dynamique internationale en matière de
coopération dans le domaine des biens culturels
devait obéir à un double souci sans que l’un exclue
l’autre :
1. Dynamiser et amplifier l’échange de biens
culturels entre nations à des fins scientifiques,
culturelles et éducatives pour approfondir la
connaissance de la civilisation humaine, et
enrichir la vie culturelle de tous les peuples et faire
naître le respect et l’estime mutuels entre les
nations (Préambule, Convention de 1970).
2. Prévenir toute forme d’échange susceptible
d’altérer l’identité culturelle des peuples (surtout
les pays économiquement inférieurs ou faible) car
d’une part l’importation, l’exportation et le
transfert de propriété illicite des biens culturels
constituent l’une des causes principales de
l’appauvrissement des ressources culturelle et
patrimoniales des pays d’origine de ces biens
(Convention de 1970, art.2) et que ceux-ci
entravent la compréhension mutuelle des nations
(Préambule, Convention de 1970) ; et d’autre part,
parce que les biens culturels sont – par leur nature
– des éléments fondamentaux de la civilisation et
de la culture des peuples, et qu’ils ne prennent leur
valeur réelle que si leur origine, leur histoire et
leur environnement sont connus avec la plus
grande précision (Préambule, Convention 1970).
Ces deux critères constituent le bien-fondé
d’une action Internationale en matière de
prévention et de lutte contre les effets
préjudiciables du phénomène. La coopération

17
internationale devenait un impératif
incontournable. Laquelle coopération allait se
manifester à travers de nombreux instruments
conventionnels à l’image de :
 La charte Universelle des Droits de
l’Homme de 1948.
 L’Accord de Florence de 1950 (et son
Protocole de Naïrobi, 1976)
 La Convention de 1954 (La Haye) pour la
protection des biens culturels en cas de
conflit armé (et ses deux Protocoles : 1954
et 1999).
 Le Pacte international des 1966 relatif aux
Droits économiques, sociaux et culturels.
Ces instruments conventionnels ne
manquant pas de souligner l’importance des
échanges culturels ainsi que ses aspects
occultes qui constituent le revers de la
médaille. Ils allaient former par la suite une
assise pour d’autres instruments bien précis
qui essaient de concrétiser cette dynamique ; à
savoir : La Convention concernant les mesures
à prendre pour interdire et empêcher
l’importation, l’exportation et le transfert de
propriété illicite des biens culturels (1970) et la
Convention Unidroit (1995).

18
III. LES INSTRUMENTS JURIDIQUES:
Eléments normatifs et de répression

L
es éléments normatifs qui régissent le
contrôle du trafic des biens culturels à
l’échelle internationale varient en fonction
du degré de la force contraignante et s’échelonnent
sur différents niveaux selon qu’il s’agisse de
conventions, de recommandations, ou le cas
échéant de réglementations internes (Droit
interne).

3.1 Les Conventions

Les conventions internationales sont des


instruments auxquels on a recours en particulier
pour des questions qui, le plus souvent, débordent
le cadre des règles et de la législation d’un seul
pays. Le fait de se référer à un ensemble de
principes et de modèles communs sur lequel
s’appuyer facilite beaucoup la coopération
internationale. On pourrait dire qu’une convention
internationale est un accord tendant à
recommander un modèle donné de législation et
d’interaction dans un domaine particulier. En ce
sens, elle peut dans bien des cas servir de guide
lors de l’élaboration de la législation sur le sujet
considéré2.
Depuis sa création, l’UNESCO aide les Etats
membres à protéger leur patrimoine culturel en :

Pernille Askerdu & Etienne Clément, Guide


2

pratique pour la mise en œuvre de la Convention de


l’UNESCO de 1970, UNESCO ; 1997(p.30)

19
*favorisant l’échange d’informations
concernant la sauvegarde de ce patrimoine.
* fournissant une assistance pour certaines
activités de conservation.
* menant une action normative.
L’action normative de l’Organisation consiste
dans l’élaboration de conventions internationales,
c’est-à-dire d’accords internationaux visant à
renforcer la solidarité internationale et à faciliter la
coopération.
Les conventions internationales
« contraignent » - sous réserve de souveraineté -
les Etats signataires à respecter les termes de
l’accord dans les domaines concernés. La raison
d’être des conventions de l’UNESCO, quelles
qu’elles soient, est de proposer dans tel ou tel
domaine des normes et critères internationaux
dont les législations et réglementations nationales
puissent s’inspirer. Ces normes n’ont un caractère
contraignant que pour les pays qui ont
expressément notifié leur volonté de se voir ainsi
liés, d’une part, en accédant à la convention ou la
ratifiant et, de l’autre, en inscrivant les normes en
question dans la législation nationale .
L’UNESCO a élaboré une série de conventions
afin d’aider ses Etats membres à protéger leur
patrimoine culturel, dont celles qui nous
intéressent dans le contexte du trafic illicite des
biens culturels : La convention concernant les
mesures à prendre pour interdire et empêcher
l’importation, l’exportation et le transfert de
propriété illicite des biens culturels (1970) et la
Convention Unidroit (1995).

20
3.1.1 La Convention de l’Unesco de 1970 :

La Convention de l’UNESCO de 1970


concernant les mesures à prendre pour interdire
et empêcher l’importation et le transfert de
propriété illicite des biens culturels – le plus
souvent appelée Convention de l’UNESCO sur le
trafic illicite des biens culturels – est le premier
instrument juridique international qui traite de la
question du trafic illicite des biens culturels. Entrée
en vigueur le 24 avril 1972, elle compte
actuellement 109 pays ayant adhéré à la dite
Convention. Néanmoins tous ces pays ne l’ont pas
ratifié, car l’instrument d’adhésion varie selon qu’il
s’agisse de pays engagés (Ratification), de pays
hésitants (Acceptation), ou d’Etats nouvellement
créés (Notification de succession).
La dite Convention énonce des principes et
des règles concernant le statut et le commerce des
biens culturels. Elle contient et décrit un certain
nombre de mesures que les Etats sont invités à
adapter à leur propre contexte et à appliquer afin
de contrôler l’exportation et d’enrayer le trafic
illicite des biens culturels.
Lorsqu’ils deviennent parties à la
Convention de 1970, les Etats s’engagent à instituer
sur leur territoire des services de protection du
patrimoine culturel dotés d’un personnel qualifié et
en nombre suffisant pour assurer de manière
efficace les diverses fonctions énumérées dans la
Convention. Les pays signataires sont tenus
d’adopter les mesures énoncées dans la Convention
et de mettre leur législation nationale et autres
dispositions en conformité avec celle-ci. II
appartient toutefois à chacun de décider
souverainement des mesures à adopter et de veiller

21
à ce qu’elles soient bien compatibles avec son
système juridique national.
Les modalités de la coopération
internationale visant à empêcher le trafic illicite
des biens culturels et les obligations réciproques
des pays signataires sont bien sûr également
stipulées dans la Convention même. Aussi, tout
Etat dont le patrimoine culturel est mis en danger
par certains pillages archéologiques et
ethnologiques peut faire appel aux Etats parties à
la Convention de l’UNESCO de 1970 qui sont
concernés et ces Etats s’engagent alors à participer
à toute opération internationale concertée en vue
de déterminer quelles seraient les mesures les plus
appropriées dans la situation considérée et à veiller
à ce que leurs services compétents contribuent à en
faciliter l’exécution3.
Le texte de la Convention de 1970 en
répondant à un double souci émanant de la
communauté internationale – celui de la
prévention et la restitution des biens culturels
(art.5-a) ; Renforcement des capacités des acteurs
institutionnels nationaux (art.5-c) ; Ressources
financières (Art.14) ; Inventaire des biens du
patrimoine culturel (art.5-b) ; Mesures de sécurité ;
Education et sensibilisation (art.5-f et art.10) ;
Coopération (art.17) ; Peines et sanctions (art.8) ;
Règlements d’exportation (art.6) et d’importation
(art.7-a-b-i) ; Restitution (art.7-b-ii).
Ainsi, la Convention de 1970 invite les Etats à :

3 Les restrictions à l’importation imposées par les


Etats-Unis conformément à la législation qu’ils ont adoptée
en 1983 aux fins de la mise en œuvre de la Convention de
1970 sont un exemple concret de cette coopération.

22
- élaborer et adopter des textes législatifs
nationaux appropriés ;
- établir un système national d’inventaire et
une liste des biens culturels protégés ;
- promouvoir le développement ou la création
d’institutions telles que musées, bibliothèques et
archives ;
- mettre en place des services de protection ;
-contrôler les fouilles archéologiques et
empêcher les fouilles illégales ;
- établir des codes déontologiques à l’intention
des conservateurs, des collectionneurs et des
antiquaires ;
- adopter des mesures éducatives afin d’éveiller
et de développer le respect du patrimoine culturel;
- veiller à ce qu’une publicité appropriée soit à
tout cas de disparitions d’un bien culturel ;
- Instituer un certificat d’exportation devant
accompagner tous les biens culturels exportés ;
interdire l’exportation des biens culturels non
accompagnés d’un tel certificat et porter cette
interdiction à la connaissance du public, et en
particulier des personnes susceptibles d’exporter
ou d’importer des biens culturels.

Critique de la Convention de 1970 :

La Convention de 1970 a été critiquée;


certaines de ses dispositions juridiques ne
paraissant pas suffisamment spécifiques. C’est
ainsi que ce texte a soulevé - sans les résoudre - un
certain nombre de questions importantes, telles
que l’impact de la Convention sur les règles
nationales de droit concernant la protection de
l’acquéreur de bonne foi ou l’absence de
dispositions spécifiques correspondant à

23
l’obligation générale de respect des lois relatives au
contrôle des exportations des autres pays qui est
stipulée par la Convention. Il a aussi été estimé que
le champ d’application de cette dernière (par
exemple, la relation exacte de l’article premier avec
le reste du texte de la Convention) n’était pas assez
clairement défini et qu’une interprétation large
conduirait à des interférences ingérables avec le
commerce licite des biens culturels. C’est pourquoi,
en 1984, l’UNESCO a sollicité l’Institut UNIDROIT
pour qu’il réfléchisse aux règles applicables au
trafic illicite d’objets culturels afin de compléter la
Convention de l’UNESCO de 1970 4.
Une dizaine d’année plus tard, Unidroit est
finalement parvenu à mettre au point un texte, qui
a été adopté le 24 juin 1995 par les délégués de 70
nations, lors d’une conférence diplomatique
organisée par le gouvernement italien.

3.1.2 La Convention d’UNIDROIT (1995)

La Convention a été ratifiée par l’Italie le 11


octobre 1999 (entrée en vigueur le 1 avril 2000) et
compte jusqu’à présent 45 Etats membres répartis
sur les cinq continents5.
La Convention d’Unidroit sur les biens
culturels volés ou illicitement exportés – souvent
appelée Convention Unidroit – a pour ambition de
modifier fondamentalement les forces du marché
qui gouvernent les transactions privées dans le
domaine artistique. Elle y parvient en s’attaquant à

4 Pernille Askerud & Etienne Clément, op.cit, p.51

5 Source : www.unidroit.org

24
deux difficultés majeures qui, dans le commerce
contemporain de l’art, empêchent effectivement les
propriétaires légitimes de retrouver et de récupérer
les biens qui leur ont été volés.
La première de ces difficultés réside dans les
obstacles juridiques qui empêchent de déterminer
le lieu où se trouvent les biens volés et d’identifier
leurs détenteurs. Dans l’état actuel de la plupart
des législations nationales, ceux qui participent au
commerce d’objets d’art ne sont pas tenus de
révéler le parcours des biens qu’ils mettent en
vente. Les biens culturels et les objets d’art sont les
seuls biens négociables de valeur importante qui ne
sont pas soumis à cette obligation, comme c’est le
cas pour les biens immobiliers, les automobiles et
les bons du trésor, à chaque fois qu’ils changent de
main6.
La seconde difficulté réside dans les
obstacles juridiques qui s’opposent à la
récupération des biens volés une fois qu’ils sont
entrés sur le marché de l’art. Dans la plupart des
législations en vigueur à l’échelle nationale, il est
pratiquement impossible aux propriétaires
légitimes de rentrer en possession d’un bien volé
dès lors qu’il été revendu à un tiers. Les pays dont
la législation est favorable aux propriétaires
légitimes, comme l’Australie, le Canada, les Etats-
Unis, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et
quelques autres pays anglophones, font exception7.

6 Le droit français en la matière constitue une


exception notable, encore n’est-il pas intégralement
appliqué. Cf. Pernille Askerud & Etienne Clément, loc.cit.

7 Id. p.52

25
La Convention d’Unidroit s’attaque à ces
deux obstacles en assignant tout bonnement la
charge de la preuve aux détenteurs des biens
culturels réputés volés.
La Convention établit que le possesseur
d’un objet culturel volé doit restituer celui-ci, qu’il
ait ou non été impliqué dans le vol ou qu’il en ait
ou non eu connaissance.
La Convention ne prévoit de
dédommagement en cas de restitution d’objets
culturels qu’à condition que « le possesseur n’ait
pas su ou dû raisonnablement savoir que le bien
était volé » (article 6). Aucun texte international
antérieur ne va aussi loin pour persuader les
acheteurs potentiels d’art à chercher à savoir par
quelles mains sont passés des objets qui les
intéressent. En fait, cette disposition devrait
convaincre les négociants en œuvres d’art et les
salles de vente d’établir une documentation précise
pour chacun des objets qu’ils se proposent de
revendre. Par ce moyen, la Convention d’Unidroit
pourrait exercer à l’avenir une influence majeure,
quoiqu’indirecte, sur le marché de l’art.
La Convention d’Unidroit offre un cadre
international pour la contestation des transactions
privées portant sur des œuvres d’art et des biens
culturels volés, ceci permet entre autres aux
demandeurs des Etats parties à la Convention de
saisir la justice dans d’autres pays signataires en
vue de la restitution des biens culturels volés ou
illicitement exportés. Le plus significatif peut-être
est que la Convention d’Unidroit exige sans
équivoque la restitution de tous les objets dont il
est prouvé qu’ils ont été volés et, en cas de
restitution, limite les possibilités d’indemnisation à
ceux qui prouvent leur bonne foi (bona fide) et ont

26
cherché avec diligence à savoir qui était le
propriétaire légitime des biens considérés.
La Convention d’Unidroit ne cherche
nullement à entraver le commerce licite de biens
culturels. Son but est de lutter contre les abus dans
la circulation internationale des biens culturels et
d’asseoir ainsi le crédit et la réputation du
commerce de ces biens.
La Convention contribue par conséquent à
la sécurité du droit dans le commerce international
des œuvres d’art. Le respect de la diligence,
conformément à la Convention, favorise les
rapports de confiance entre pays importateurs et
pays exportateurs, facilitant par la même occasion
les échanges de biens culturels à l’échelle
internationale. Par ailleurs, la Convention donne
au propriétaire légitime, qu’il s’agisse d’un Etat,
d’un musée ou d’un collectionneur privé, la
possibilité de récupérer un objet volé ou
illicitement exporté, car il peut saisir une
juridiction ordinaire.
Pour les musées, la Convention d’Unidroit
s’inscrit dans la philosophie du code de déontologie
de l’ICOM (Conseil international des Musées). De
nombreux musées agissent déjà dans le sens de la
Convention en n’acquérant que des pièces dont la
provenance est établie. Ils procèdent aux
vérifications nécessaires lors de dons ou de legs en
consultant par exemple le « Art Loss Register »8 ou
d’autres banques de données.

8 Voir plus loin.

27
3.1.3 Complémentarité entre les deux
Conventions

La Convention d’Unidroit sur les biens


culturels volés ou illicitement exportés vise à régler
certains problèmes juridiques insuffisamment
traités dans la Convention de 1970. Les deux textes
sont complémentaires. Alors que la Convention de
1970 vaut à l’échelle intergouvernementale, la
Convention d’Unidroit est un cadre international
conçu pour permettre au simple citoyen de faire
valoir ses droits sur des biens culturels ayant fait
l’objet d’un trafic illicite dans le cadre des systèmes
judiciaires nationaux et voire même celui du Droit
international privé.
La complémentarité des deux Conventions
s’illustre au niveau de l’objet, de la finalité, des
intérêts poursuivis, de la nature juridique, et des
procédés9.

3.2 Les Recommandations de l’Unesco

La Conférence générale de l’UNESCO a


également adopté plusieurs textes juridiques
internationaux qui ne sont pas des conventions. Il
s’agit de « Recommandations ». Les Etats ne sont
pas liés par les dispositions des recommandations,
mais celles-ci indiquent clairement quelles sont les
normes internationales généralement admises

9 Cf. Unesco et Unidroit – Coopération dans la lutte

contre le trafic illicite des biens culturels, Conférence pour


célébrer le 10ème anniversaire de la Convention de
l’Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement
exportés, Unesco, Paris, 2005 (Note d’Information)

28
dans tel ou tel domaine. Les Etats sont donc invités
à s’en inspirer lors de la rédaction des dispositions
législatives et réglementaires nationales.
Plusieurs de ces recommandations peuvent
contribuer à faciliter l’adoption de mesures de lutte
contre le trafic illicite des biens culturels, par
exemple, la Recommandation de 1956 définissant
les principes à internationaux à appliquer en
matière de fouilles archéologiques, la
Recommandation de 1976 concernant l’échange
international de biens culturels et la
Recommandation de 1980 pour la protection des
biens culturels mobiliers.

3.3. Les législations nationales :

La plupart des pays du monde ont adopté


des lois visant à protéger leur patrimoine culturel.
Mais, dans bien des cas, ces législations ne sont pas
suffisamment élaborées pour leur permettre de
lutter efficacement contre le trafic illicite. De plus,
beaucoup n’ont pas les moyens d’assurer
l’application effective de ces textes, alors que les
risques de vol et d’exportation illégale d’objets
culturels s’aggravent.
La Convention de 1970 ne manque pas de
rappeler dans son Préambule que : chaque Etat a
le devoir de protéger le patrimoine constitué par
les biens culturels existant sur son territoire
contre les dangers de vol, de fouille et
d’exportation ;
Et que chaque Etat a le devoir de protéger
le patrimoine constitué par les biens culturels
existant sur son territoire contre les dangers de
vol, de fouilles clandestines et d’exportation
illicite, Considérant que, pour parer à ces dangers,

29
il est indispensable que chaque Etat prenne
davantage conscience des obligations morales
touchant au respect de son patrimoine culturel
comme de celui de toutes les nations.
Les pays signataires sont tenus d’adopter
les mesures énoncées dans la Convention et de
mettre leur législation nationale et autre
disposition en conformité avec celle-ci. Il
appartient à chacun de décider souverainement
des mesures à adopter et de veiller à ce qu’elles
soient bien compatibles avec le système juridique
national.

30
VI. LES ORGANES INSTITUTIONNELS

L a Convention de 1970 dans son Préambule


précise que les musées, les bibliothèques et
les archives, en tant qu’institutions
culturelles, doivent veiller à ce que la constitution
de leurs collections soit fondée sur des principes
moraux universellement reconnus, et que, pour
être efficace, la protection du patrimoine culturel
doit être organisée tant sur le plan national
qu’international et exige une étroite collaboration
entre les Etats.
C’est dans cet esprit que les pays soucieux
de leur patrimoine culturel, se doivent doter leur
cadre institutionnel de structures ayant la
compétence de veiller à la sauvegarde et la
promotion de leurs biens culturels convoités, à la
répression du trafic illicite ainsi qu’à leur retour
éventuel. Des structures dont la compétence
pouvant aller de la simple prévention et la
répression, jusqu’à la coopération internationale en
matière de coordination policière, douanière et
professionnelle.

4.1. Les organes gouvernementaux:

La nature des organes et leurs attributions


dépendent de la capacité des pays à s’engager dans
le processus, à mobiliser les ressources humaines,
financières et logistiques. Généralement, il existe
trois types d’organes dont l’action s’inscrit dans
cette dynamique : les services chargés du
patrimoine culturel, la police et la douane.
Si l’action des premiers s’inscrit dans une
démarche purement préventive à l’image des
musées, les deux autres agissent une fois le

31
processus du trafic devient réel : leur action est
répressive.
La gestion des musées dans le monde tend
vers une mise à niveau en termes de méthodes de
conservation et d’acquisition. Dans la plupart des
pays qui souffrent du phénomène du trafic illicite,
les organes chargés du patrimoine culturel ne
disposent pas de pouvoir de police. Le plus
souvent, l’inventaire de ces biens leur fait défaut,
ce qui fausse l’appréciation de l’impact du
phénomène car ces biens échappent à leur contrôle
et c’est alors aux services de police qu’incombe la
tâche de répression au niveau interne.
Malheureusement, ces services sont incompétents
quant à la détermination de la qualité patrimoniale
de ces biens et leur compétence est limitée aux
frontières nationales. D’où le recours aux services
de Douane qui sont souvent les plus aptes à agir
dans ce sens, d’autant plus qu’une mise à niveau au
niveau international commerce à s’instaurer quant
à leurs méthodes de travail.
En effet, On considère généralement le
contrôle douanier comme le principal moyen de
détecter le trafic de biens culturels et de faire
respecter la législation visant à l’interdire. Il faut
organiser les programmes spéciaux de formation
afin de faire prendre davantage conscience aux
fonctionnaires de la police et aux agents de la
Douane de la gravité de ce type de trafic.
Pour faire échec à ce trafic, policiers et
douaniers doivent avoir de solides connaissances et
être en fait capables de reconnaître les objets
protégés. Il faudrait donc faire en sorte que des
archéologues et des conservateurs de musées
puissent communiquer de l’information détaillée

32
aux agents susceptibles d’être confrontés à ce
problème.
Une autre possibilité consisterait à
renforcer la collaboration entre les services de
Douane et les services culturels, par exemple, en
affectant un archéologue ou un historien de l’art
aux services de Douane.

4.2. Les organismes intergouvernementaux :

Les organes de prévention et de répression


du trafic illicite des biens culturels se voient pour
différentes raisons mener des actions en réseaux,
et ce à tous les niveaux. Ainsi, quatre organes à
vocation internationale agissent contre la
prolifération du commerce illicite des biens
culturels dans le monde :

4.2.1 Le Comité intergouvernemental de


l’UNESCO pour la promotion du retour de
biens culturels à leur pays d’origine ou de
leur restitution en cas d’appropriation
illégale 10:

Tous les pays n’ont pas adhéré à la


Convention de l’Unesco de 1970, de sorte que les
règles qu’elle énonce pour le retour ou la
restitution de biens culturels ne s’appliquent pas
en tous lieux. Même entre Etat partie, il arrive que
la Convention ne s’applique pas, parce que l’objet
en litige a été exporté avant son entrée en vigueur.
Nombreux, donc sont les cas où deux pays
se disputent la propriété d’un bien culturel. Très

10 Pernille Adkerud & Etienne Clément, op.cit, p.53

33
souvent, le différend oppose d’anciennes colonies à
d’anciennes puissances coloniales. Pour
promouvoir l’instauration d’un dialogue plus
constructif dans ce type de cas, la Conférence
générale de l’UNESCO a créé, en 1978, le Comité
intergouvernemental pour la promotion du retour
de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur
restitution en cas d’appropriation illégale. Il s’agit
d’un organe subsidiaire de la Conférence générale
de l’UNESCO. Ses membres représentent 22 Etats
et sont renouvelés par moitié lors d’élections qui
ont lieu tous les deux ans pendant la session de la
Conférence générale. Le comité remplit une
fonction consultative et offre un cadre de
discussion et de négociation. Avant de lui
soumettre un cas, l’Etat demandeur doit engager
des négociations bilatérales avec l’Etat entre les
mains duquel se trouve l’objet réclamé. Le Comité
ne peut être saisi qu’en cas d’échec ou de
suspension de ces négociations. La procédure est
exposée dans les statuts du Comité, qui définissent
également la composition de ce dernier, ses
objectifs et ses compétences.
Cependant, le pays demandeur peut
toujours consulter le Secrétariat de l’Unesco qui le
conseillera sur la démarche à suivre.
A sa deuxième session (1981), le Comité a
élaboré un formulaire type pour les demandes de
retour ou de restitution. Pour saisir le Comité, les
deux parties concernées doivent remplir le
formulaire en coopération. Cette procédure permet
d’obtenir une description objective du bien et un
historique susceptible de servir de base aux
négociations.

34
4.2.2 L’ Interpol 11

L’Organisation Internationale de Police


Criminelle (OIPC)- mieux connue sous le nom
d’Interpol est une organisation
intergouvernementale dont le but principal est de
faciliter la coopération entre les forces de police à
travers le monde. A cette fin, chacun de ses 178
pays membres s’est doté d’un bureau, le BCN
d’Interpol (Bureau central national d’Interpol),
dont les agents sont formés par l’Interpol.
L’Interpol se consacre à la lutte contre la
criminalité internationale. Face à la multiplication
des délits relevant du trafic illicite des biens
culturels, l’Interpol a adopté un programme
spécialement consacré à ce problème.
Parmi les grands moyens utilisés par
l’Interpol pour lutter contre le trafic illicite de biens
culturels volés, figurent les notices internationales
de recherche d’objets volés que le secrétariat
général produit et diffuse régulièrement. Quand un
vol est découvert, le Bureau compétent d’Interpol
adresse au siége de l’Interpol les renseignements
concernant la date et le lieu du vol, la description
des objets volés et des photographies des objets
disparus, ainsi qu’une demande de publication de
notice. Il utilise pour cela un formulaire type
(CRIGEN/ART) spécialement conçu par l’Interpol à
cette fin. L’information ainsi fournie est ensuite
introduite dans la base de données de l’Interpol et
sert à établir une notice, rédigée en anglais et en
français. Les notices sont adressées à tous les Etats
membres de l’Interpol afin qu’ils les distribuent

11 Pernille Adkerud & Etienne Clément,op.cit,p.54

35
aux services de police et de Douane, aux musées,
aux salles de vente, aux antiquaires et aux prêteurs
sur gages. Plus la diffusion est large, plus efficace
est la recherche, L’effet potentiel de ces notices est
considérable dans la mesure où leur publication
peut rendre impossible la vente de certains objets.
Malheureusement, les vols commis sont loin d’être
déclarés en assez grand nombre à l’Interpol.
Outre la coopération internationale entre
services de police, l’Interpol estime qu’il est très
important d’encourager des contacts plus larges
entre services de Douane, professionnels des
musées et organisations internationales. C’est
pourquoi elle joue maintenant un rôle actif dans les
conférences et les ateliers de formation organisés
par l’Unesco et l’ICOM.

4.2.3 L’Organisation Mondiale des Douanes


(OMD) 12

L’Organisation Mondiales des Douanes


(connus jadis sous le Conseil de coopération
douanière (CCD) est une organisation
intergouvernementale établie par une convention
entrée en vigueur en 1952. En vertu de ce texte
fondateur, l’OMD a pour mission d’assurer le plus
grand degré d’harmonie et d’uniformité possible
entre les systèmes douaniers de ses Etat membres
et plus, particulièrement, d’étudier les problèmes
inhérents au développement et à l’amélioration des
techniques et des législations douanières.
L’OMD regroupe actuellement les
administrations douanières des 151 Etat membres.
L’Organisation a collaboré avec l’Unesco à la

12 Pernille Adkerud & Etienne Clément, op.cit, p.55

36
rédaction d’une série de conventions
internationales concernant l’importation et
l’exportation de matériel éducatif, scientifique ou
culturel parmi lesquelles la Convention de l’Unesco
de 1970.
En 1970, l’OMD a adopté la Convention de
Nairobi, qui traite, dans l’une de ses annexes, de
l’assistance que les pays peuvent s’apporter
mutuellement dans la lutte contre la contrebande
d’objets d’art, d’antiquités et autres biens culturels.
Les dispositions de l’annexe XI complètent celles
de la Convention de l’Unesco de 1970 eu égard en
particulier à la coopération internationale entre
autorités douanières.
L’annexe XI de la Convention de Nairobi
instaure un fichier central de renseignements (en
d’autres termes, une base de données
internationale) où sont réunies des informations
sur les personnes qui font de la contrebande ou qui
sont soupçonnées d’en faire et sur les méthodes
utilisées par elles. Ce fichier est établi et géré par le
Secrétaire de l’OMD sur la base de l’information
reçue des parties contractantes. La base de
données de l’OMD diffuse et fournit de
l’information à ses membres ainsi qu’aux autres
parties concernées, comme l’Unesco et l’Interpol.

4.3. Les ONG : le cas de l’ICOM

Le Conseil international des Musées et une


organisation non gouvernementale qui regroupe
des professionnels des musées de toutes les
disciplines et de 147 pays différents. Crée en 1946,
l’ICOM est une organisation non gouvernement
(ONG) en relation formelle avec l’Unesco et jouit

37
d’un statut consultatif auprès du Conseil
économique et social des Nations Unies.
L’ICOM aborde en général les problèmes du
vol et du trafic illicite de biens culturels par le biais
de mesures préventives comme la promotion d’une
éthique professionnelle et le renforcement de la
sécurité dans les musées, ou par des interventions
directes qui consistent, par exemple, en des
activités de mobilisation ou de collecte de fonds. Il
compte environ 10 000 membres partout dans le
monde. Ses activités de publication sont très
importantes, il publie entre autres des listes et des
photographies d’objets volés ou disparus. Il dispose
également d’un site Web ou sont accessibles un
grand nombre de ses publications ainsi que toutes
sortes d’informations.
L’ICOM participe activement aux ateliers
internationaux et aux activités de formation
concernant l’élaboration de normes internationales
pour les professionnels des musées, notamment
dans les domaines de la sécurité et des inventaires.
L’ICOM a principalement pour mission de
contribuer à l’élaboration d’une éthique
professionnelle, et sa plus grande réalisation à ce
jour réside probablement dans l’établissement d’un
code déontologique et la promotion d’une série
bien définie de règles d’éthique à l’intention des
professionnels des musées. Mis au point et adopté
par l’ICOM à sa 10e Conférence générale, et traduit
dans de nombreuses langues, ce code a servi de
modèle pour des codes similaires adoptés partout
dans le monde.
Il convient également de souligner l’effort
de cette institution quant à la recherche de
coopération avec d’autres organismes notamment
l’Interpol. Ainsi, en 2000, les deux organismes ont

38
signé un protocole d’accord sur la lutte contre le
trafic illicite de biens culturels. Cet accord
comporte plusieurs volets qui ont trait aux
consultations mutuelles, à l’échange
d’informations, à la représentation réciproque, et à
la coopération technique13.

13 Protocole d’accord entre l’Organisation


Internationale de Police Criminelle(INTERPOL) et l’ICOM
sur la lutte contre le trafic illicite des biens culturels

39
V. LES INSTRUMENTS D’INFORMATION

P our la mise en œuvre des dispositions des


différents instruments normatifs, il a fallu
mettre en place une série d’informations à
l’intention des acteurs de lutte contre le trafic
illicite des biens culturels afin qu’ils mènent à bien
leurs missions. Ces outils d’information
fournissent des renseignements plus ou moins
précis sur les objets volés ou en danger ; il convient
de citer, entre autres, les plus marquants :

La liste de l’Interpol : Une liste illustrée des


œuvres d’art volées diffusée sur Internet et sur un
CD-ROM. Elle est actualisée systématiquement.

L’IFAR (The International Foundation for


Art Research): L’IFAR est une organisation à but
non lucratif de recherche et à vocation éducative
qui se consacre à l’intégrité dans les arts visuels.
L’IFAR fournit une information impartiale et qui
fait autorité dans les domaines de l’authenticité, de
la propriété, du vol des objets d’art, ainsi que sur
d’autres questions artistiques, légales et éthiques
concernant les œuvres d’art ;

The Art Loss Register : C’est une base de


données privée sur les objets d’art et antiquités
volés. Elle inclut des œuvres d’art pillées pendant
la Seconde Guerre Mondiale et qui sont identifiées
séparément. Elle est diffusée en anglais, en
allemand, en français, et en italien.

La Liste Rouge : c’est une liste établie par le


Conseil international des musées (ICOM) où

40
figurent des listes d’objets en péril. Jusqu’à présent
l’ICOM a publié :
- La liste rouge des objets archéologiques
africains en péril ;
- Liste rouge des biens culturels
d’Amérique latine en péril ;
- Catégories d’objets en péril et
susceptibles d’être volés en Irak.

Toutes les catégories d’objet citées dans la


liste rouge sont protégées par la loi. Leur
exportation est interdite. Elles ne peuvent sous
aucune circonstance être importées ou mises en
vente. La liste rouge est un outil conçu pour
dissuader les musées, les salles de vente, les
marchands d’art et les collectionneurs d’acheter ces
objets. Cette liste – non exhaustive – est aussi
conçue pour aider les services de police et de
Douane, ainsi que les marchands d’art, à identifier
ces objets.
Les possibilités techniques offertes par les
banques de données en ligne ont créé une situation
nouvelle. Aujourd’hui, toutes les parties concernées
peuvent consulter de telles banques de données
sans que cela occasionne une perte de temps et des
coûts supplémentaires et /ou insupportables. Les
collectionneurs privés peuvent prendre les mêmes
précautions que les musées en se souciant de la
provenance de l’objet et de l’authenticité des titres
de propriété au moment de l’acquisition14.
L’Unesco assure la publication et la
diffusion sur différents supports d’information des

14 Le réseau Internet offre des opportunités d’accès à

l’information et à son partage par les acteurs de lutte


contre le trafic illicite des biens culturels

41
textes sur le trafic illicite des biens culturels, à
l’image de la Convention de 1970, celle d’Unidroit,
un Guide pratique pour la mise en œuvre de la
Convention de l’Unesco de 1970 (1997), un Manuel
sur les mesures juridiques et pratiques (2006),
une Note d’information sur la coopération dans la
lutte contre le trafic illicite des biens culturels, une
Base de données des législations nationales sur le
patrimoine culturel, ainsi que les Rapports
périodiques du Conseil intergouvernemental pour
la promotion du retour de biens culturels à leur
pays d’origine ou de leur restitution en cas
d’appropriation illégale.

42
VI. LE CAS DU MAROC EN MATIERE DE
LUTTE CONTRE LE TRAFIC ILLICITE DES
BIENS CULTURELS

D e par sa position géographique et son statut


civilisationnel, le Maroc en tant que pays
faisant partie à la fois du bassin
méditerranéen, de l’Afrique du Nord et du monde
arabo-musulman est l’objet de convoitises pour ses
richesses culturelles aussi bien matérielles
qu’immatérielles.
Il n’a pas manqué d’affirmer dans sa
Constitution de 1996 sa souscription aux principes,
droits et obligations découlant des chartes des
organismes (internationaux) et réaffirme son
attachement aux Droits de l’Homme tels qu’ils sont
universellement reconnus (Préambule). Cette
déclaration existait également dans les
Constitutions précédentes. 15

Cependant, le Maroc n’a ratifié la


Convention de 1970 que tardivement : le 3 février
2003. Quant à la Convention d’Unidroit, l’adhésion
du Maroc – qui n’a pas manqué d’adhérer à
l’Institut pour l’unification du droit privé – n’est
pas encore confirmée.
Mais le Maroc s’est doté d’une législation en
la matière qui rappelle dans certains aspects les
différentes dispositions des textes internationaux.

6.1. La législation nationale:

Le Droit marocain ne donne pas de


définition précise des biens culturels. Ceux-ci sont

15 Cette prescription est réaffirmée dans la nouvelle

Constitution (2011).

43
régis par des textes qui varient selon le régime de
propriété de ces biens (privée, collective, du
domaine public, waqf..). Tout laisse penser qu’il
s’agit de biens ordinaires dont la seule
considération et leur rapport juridique avec leurs
propriétaires.
Toutefois, dans la pratique on a tendance à
considérer les biens ayant un aspect culturel
comme des biens culturels (qu’ils soient des biens
mobiliers ou immobiliers) créant une confusion
par rapport aux services culturels existant sous la
tutelle de l’autorité chargé des affaires culturelles
(musée, bibliothèque, conservatoire, etc..) qui sont
moins considérés le plus souvent comme tels.
Néanmoins, la distinction est accentuée quand il
s’agit du patrimoine culturel.
Quatre textes majeurs régissent
actuellement la protection du patrimoine culturel
au Maroc. Au sommet, se trouvent la loi 22-80 et
sa version révisée : la loi 19-05 en l’occurrence16. Il
faut dire que cette dernière (celle qui nous
intéresse le plus) n’exclut pas l’autre puisqu’elles
coexistent, mais elle en constitue le prolongement;
Seules certaines dispositions concernant le
patrimoine mobilier ont été modifiées. En second
niveau, se trouvent le Décret d’application de la Loi
22-80, le Décret de 1995 sur l’organisation des
musées, et la Dahir de 2000 portant création de la
commission marocaine de l’histoire militaire.17

16 Dahir n° 1 - 06 - 102 du 18 joumada I 1427 (8 juin


2006) portant promulgation de la loi numéro 19 - 05
modifiant et complétant la loi n° 22 - 80 relatives à la
conservation des monuments historiques et des sites, des
inscriptions des objets d'arts et d'antiquité
17 Il existe d’autres textes qui régissent indirectement

les biens patrimoniaux, notamment la loi 12-90 sur

44
6.1.1. La loi 22-80 :

Entérinée par le Dahir du 17 Safar 1401 (25


décembre 1980) portant promulgation de la loi
n°22-80 relative à la conservation des monuments
historiques et des sites, des inscriptions, des objets
d’art et d’antiquités (hérité du Dahir du 11
chaabane 1364 – 21 juillet 1945- relatif à la
conservation des monuments historiques et des
sites, des inscriptions, des objets d’art et
d’antiquité et à la protection des villes anciennes
et des architectures régionales)18, cette loi dans
son titre Premier, définit les éléments du
patrimoine culturel :

Article 1er – Les immeubles, par nature ou


par destination, ainsi que les meubles dont la
conservation présente un intérêt pour l’art,
l’histoire ou la civilisation du Maroc peuvent faire
l’objet d’une inscription ou d’un classement.
Article 2- Sont visés par l’article 1er :
1) Au titre des immeubles :
 Les monuments historiques ou culturels,
 Les sites à caractère artistique, historique,
légendaire, pittoresque ou intéressant les

l’urbanisme et la charte communale de 2009, et mais ceux-


ci ne concernent que les sites et les monuments historiques.

18 Dans la législation marocaine, le Dahir désigne le

sceau du roi apposé sur les textes de lois votés au


parlement. Des décrets royaux prennent la nomination de
dahir, tels que les nominations aux emplois supérieurs.

45
sciences du passé et les sciences humaines
en général,
 Sont assimilées aux monuments
historiques et comme telles susceptibles
d’être inscrites ou classées, lorsqu’elles
présentent un intérêt artistique, historique,
légendaire , pittoresque ou intéressant les
sciences du passé et les sciences humaines
en général, les gravures et peintures
rupestres, les pierres écrites et les
inscriptions monumentales, funéraires ou
autres, à quelqu’époques qu’elles
appartiennent, en quelque langue qu’elles
soient écrites et quelles que soient les lignes
ou formes qu’elles représentent ;
2) Au titre des meubles :
 Les objets mobiliers à caractère artistique,
historique ou intéressant les sciences du
passé et sciences humaines en général.

La dite loi prévoit deux formes juridiques


de protection du patrimoine culturel : l’inscription
et le classement. L’Etat dispose selon les cas d’un
droit de regard, de contrôle et de Tutelle sur ces
biens en cas d’intervention des propriétaires ou des
tiers sur ces biens. La cession ou l’aliénation de ces
biens est soumise à des mesures spéciales et l’Etat
dispose toujours (surtout quand il s’agit d’une
propriété privée) d’un droit de Préemption (Titre
V : Droit de préemption de l’Etat) énoncé dans les
articles 37 à 42.
L’article 43 rappelle – dans le même esprit
de l’article 26 qui concerne les immeubles - que
les objets mobiliers visés à l’article précédent
(c’est-à-dire objets d’art et d’antiquité mobiliers
qui présentent pour le Maroc, un intérêt

46
historique, archéologique, anthropologique ou
intéressant les sciences du passé et les sciences
humaines en général) et appartenant aux
catégories énumérées à l'article 26 (c’est-à-dire les
immeubles classés entre autres) sont inaliénables
et imprescriptibles.
Toutefois, si le droit de préemption exercé
par l’Etat et consacré par cette loi offre une
garantie contre les dérives du libre transfert de
propriété des biens culturels, il reste subordonné
au statut de biens inscrits et classés. Autrement dit,
les biens qui ont échappé à ces mesures de
protection- le classement étant une procédure
longue et compliquée et l’inscription étant moins
rigoureuse - se voient exclus de ce droit, et sont
susceptibles de transfert aussi bien légal qu’illicite
à l’intérieur du pays et éventuellement hors du
pays.
La seule restriction qui existe dans cette loi
concerne les objets d’art et d’antiquité mobiliers
qui présentent pour le Maroc un intérêt historique,
archéologique, anthropologique ou intéressent les
sciences du passé et les sciences humaines en
général (art.42). En vertu de l’article 44, ces objets
ne peuvent être exportés. Toutefois, des
autorisations d’exportations temporaires peuvent
être accordées, notamment à l’occasion des
expositions ou aux fins d’examen et d’étude.
Même les sanctions prévues dans les
articles 53, 54 et 55 qui ont une portée générale (les
amendes étant fixées entre 2.000 et 20.000 Dhs et
plafonnées en cas de récidive à 40.000 Dhs) n’ont
pas pu dissuader les commerçants de mauvaise
foi ; en outre il n’y a pas de relations d’équivalence
entre l’infraction et la sanction ce qui laisse le

47
champs libre à l’appréciation du juge, une
appréciation qui demeure arbitraire.
Une nouvelle réglementation s’imposait
donc, surtout avec l’adhésion sans équivoque en
2003 à la Convention de 1970.

6.1.2. La loi 19-05 :

Stimulée par la ratification de la


Convention de 1970, l’Etat marocain - via l’autorité
chargée des Affaires Culturelles - a institué la loi
19-05 portant modification et complétant la loi 22-
08 relative à la conservation des monuments
historiques et des sites, des inscriptions, des objets
d’art et d’antiquité.
La principale innovation de ce texte réside
dans le fait qu’il autorise l’intervention des services
de police (Police judiciaire, Douane) pour protéger
l’héritage culturel marocain. Il ne régit que les
biens patrimoniaux mobiliers alors que les biens
immobiliers demeurent régis par l’ancienne
réglementation la loi 22-80 en l’occurrence.
Pour la mise en œuvre de cette loi, il est
également stipulé que le personnel de la Douane et
de la gendarmerie soit formé pour reconnaître la
vraie valeur des objets culturels. Une procédure est
prévue dans ce sens.
Les interdits demeurent toujours de rigueur
en matière d’exportation hors du Royaume et
l’aliénation est strictement réglementée, mais se
limitent aux biens inscrits ou classés. La loi prévoit
toutefois la tenue obligatoire d’un inventaire des
collections de la part des musées privés (art.32-5),
réalisant ainsi – à côté de l’institution des entités
de contrôle au niveau local – une avancée en
matière de traçabilité des biens meubles.

48
Les sanctions fixées par cette loi sont
modulées en fonction de certaines infractions et
vont de la confiscation à l’amende ou
l’emprisonnement et le cas échéant à des
dommages-intérêts.
Le manquement à la tenue d’inventaire ou à
la notification des tiers du statut des biens est
passible d’une amende allant de 5.000 à 20.000
dhs (art.54, I). Alors qu’une peine
d’emprisonnement (de 3 mois à 2 ans) et une
amende de 20.000 à 200.000 dhs sont prévues
pour toute personne ayant cédé un objet mobilier
inscrit ou classé sans en avoir informé
l’administration compétente, ou ayant exporté
illégalement les objets mobiliers visés aux articles
32-3, 44 et 58, ou ayant « mutilé, détruit, modifié,
dénaturé ou contrefait un objet mobilier en
violation des dispositions de l’article 32-1. La
sanction pénale s’étend même aux personnes ayant
empêché ou entravé la mission des agents
habilités, elle se décline en emprisonnement (de six
mois à une année) et/ou en amende de 10.000 à
20.000 dhs (art. 54-2).
Si l’infraction donne lieu à un préjudice, le
montant d’indemnisation est fixé à dix fois la
valeur du bien objet de l’infraction (article 54-1),
mais le législateur ne s’est pas encore prononcé
clairement sur les modalités de fixation de ces
valeurs, ce qui rend cette démarche purement
arbitraire de la part de l’administration et
potentiellement spéculative de la part de la partie
lésée. Toutefois, ce même article indique que
l’amende « a le caractère de réparation civile », ce
qui laisse supposer que le recours à une juridiction
compétente et à une expertise est assez
envisageable. Le législateur reste réticent à propos

49
des auteurs d’infraction d’import illicite des biens
culturels.

6.1.3. Le décret d’application de la loi 22-80

La particularité de ce texte réglementaire


est qu’il a une forte teneur procédurale. Il précise
par ailleurs les modalités de transfert de propriété
(aliénation) en soulignant le droit de préemption
de l’Etat pour les biens inscrits ou classés, et sont
exclus de l’aliénation les biens non protégés

6.1.4. Le décret sur les musées (1995)

Ce texte consécutif au décret relatif à


l’organisation et aux attributions du ministère des
affaires culturelles (du 27 décembre 1994), régit
les musées relevant du ministère de tutelle sans
faire allusion aux musées privés - qui n’existaient
pas d’ailleurs à cette date – et sans préciser les
modalités d’acquisition des collections (article 3
al.1) ou des expositions temporaires (article 3 al.7).
Néanmoins, ce décret fait référence aux textes en
vigueur (art 3. al.7). Il s’agit notamment d’une part
de la loi 22-80 et ses corollaires, à savoir : le Dahir
du 25 décembre 1980 portant sa promulgation et
le décret de son application, et d’autre part de la loi
19-05.

6.2 La mise en œuvre :

6.2.1 Le contrôle des services douaniers :

En vertu de la loi 19-05, les services de la


Douane doivent assurer, outre les tâches qui leur
incombent en matière de contrôle des exportations

50
et d’importations des biens, le contrôle avec
vigilance des entrées et sorties des biens culturels
quelque soit leur nature. Une fois formés
davantage, les agents douaniers seront en mesure
de développer avec l’expérience leur capacité de
contrôle.
Force est de signaler que le Maroc accueille
en permanence le Bureau régional de l’OMD pour
l’Afrique du Nord. Ce statut lui confère une place
privilégiée en matière de coordination, de contrôle
et de lutte contre le trafic illicite des biens
culturels, et lui offre une opportunité de
développement de ses capacités douanières.

6.2.2. Les accords bilatéraux : le cas


maroco-français

L’Unesco ne manque pas d’encourager


toute forme de coopération fondée sur des accords
bilatéraux (ou, le cas échéant, multilatéraux) pour
la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.
Ainsi, l’ONU a établi, en coopération avec l’Unesco,
un Traité type à l’intention des Etats désireux
d’associer plus étroitement leurs efforts dans la
lutte contre le trafic illicite. Ce texte vise à
promouvoir la coopération bilatérale entre les
services chargés de veiller à l’application de la
réglementation en la matière et à renforcer ainsi la
mise en œuvre de la Convention de l’Unesco de
1970, mais il peut naturellement être utilisé entre
pays non signataires de ladite Convention.
Ainsi, le Maroc – stimulé par les
recommandations de l’Unesco en la matière – a
signé en 2000 (à Paris) un accord relatif à la
coopération en matière de sécurité. Cet accord est
axé sur la mise en œuvre de nombreuses formes de

51
lutte contre la criminalité internationale dont celle
qui concerne le trafic des biens culturels et des
objets d’art volés (art.1er et art.2) ;

52
CONCLUSION

A
la lumière de ce qui a été énoncé, on est en
mesure d’affirmer que l’idée selon laquelle
les biens culturels meubles devraient, de
par leur nature et leur valeur, être soumis
à d’autres règles du Droit que celui des biens
ordinaires, a donc tracé son chemin.
On assiste à l’édification d’un véritable
système de lutte contre le trafic illicite des biens
culturels. Depuis 1970, plusieurs instruments
juridiques et conventionnels se sont greffés à ce
système à l’image – par exemple – de la
Recommandation de l’Unesco concernant
l’échange international de biens culturels (Nairobi
novembre 1976), de la Recommandation de
l’Unesco pour la protection des biens culturels
mobiliers (Paris,1978), du Code Déontologique de
l’ICOM (Buenos-Aires, 1986 et modifié en 2001 à
Barcelone), de la Convention sur la protection du
patrimoine culturel subaquatique (2001) et de la
Déclaration Universelle de l’Unesco sur la
Diversité Culturelle (en 2003) qui est venu
renforcer les assises de la dynamique de lutte
contre le trafic illicite des biens culturels. Sans
parler de la Convention d’Unidroit qui constitue
l’innovation du système.
Toutefois, ces instruments conventionnels
sont toujours à la recherche de nouveaux
adhérents, car les pays n’ont pas tous adhéré à la
Convention de l’Unesco 1970 et encore moins à
celle d’Unidroit, de sorte que l’application des
règles qu’elles énoncent pour le retour ou la
restitution de biens culturels est faussée par cette
carence. Même entre Etats parties, il arrive que la
Convention ne s’applique pas, parce que l’objet en

53
litige a été exporté avant son entrée en vigueur, et
assez souvent, le différend oppose d’anciennes
colonies à d’anciennes puissances coloniales.
Mais ce système ne se veut nullement
porteur de solutions absolues et parfaites à ce
problème, tant que les concepts qui animent cette
dynamique sont en perpétuelle évolution, et tant
qu’il y aurait des riches collectionneurs d’objets
d’art – Homme d’affaires et voire même des
diplomates – qui échappent à la légalité et ne
reconnaissent aucune éthique, en
« s’approvisionnant » sur le marché occulte, et tant
que les technologies évoluent à une vitesse
extraordinaire.
Le système de lutte contre le trafic illicite
des biens culturels est appelé lui aussi à se
développer pour contrecarrer cette pratique de
plus en plus dénoncée par la communauté
internationale.

54
BIBLIOGRAPHIE

Pernille Askerdu & Etienne Clément, Guide


pratique pour la mise en œuvre de la Convention
de l’UNESCO de 1970, UNESCO ; 1997
Philippe BAQUE, « Un trafic particulièrement
lucratif : Enquête sur le pillage des objets d’art », in
Le Monde Diplomatique, janvier 2005, (p.19).
Patrick J. BOYLAN, « L’ICOM a cinquante
ans », in Muséum international, Paris, UNESCO,
n°191, juillet-septembre 1996 (pp.47-50).
Neil BRODIE, « Histoire volée : Le pillage et le
trafic illicite », in Muséum international, Paris,
UNESCO, n° 219-220, 2003, pp.10-22.
Ghilizane GUILLOTREAU, Art et crime : la
criminalité du monde artistique, sa répression,
Presses Universitaires de France, Paris 1999, 299
p. (criminalité internationale).
Shaje TSHILUILA, « Le trafic illicite », in Le
Patrimoine Culturel Africain Paris, publication de
l’Université Senghor, Ed. Maisonneuve et Larose,
2001(pp.185-211).
« Les antiquités désormais protégées contre les
trafiquants », in Le Matin du 19/01/2006.
Mesures juridiques et pratiques contre le trafic
illicite des biens culturels, manuel de l’UNESCO,
2006.
UNESCO ET UNIDROIT – COOPERATION DANS
LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC ILLICITE DE BIENS
CULTURELS, Conférence pour célébrer le 10e
anniversaire de la Convention de l’UNIDROIT sur
les biens culturels volés ou illicitement exportés,
tenu au siège de l’UNESCO, le 24 juin 2005 (Note
d’information).

55
Dossier : Contre les pilleurs et les vandales,
sauvons nos trésors », in Le Courrier de l’UNESCO,
Paris, vol.54, n°4, avril 2001 (pp.16-37).
« Dossier consacré au trafic illicite des biens
culturels », in ICOM Maroc, Rabat, Comité
national marocain de l’ICOM, n°3, 1997 (pp.3-17).

56
Printed in Germany
By Amazon Distribution
GmbH, Leipsig

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