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INFLUENCER, FAIRE CROIRE

Daniel Bougnoux

Gallimard | « Les cahiers de médiologie »

2001/1 N° 11 | pages 34 à 35
ISSN 1270-0665
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-2001-1-page-34.htm

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faire croire
Influencer,
I
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DANIEL BOUGNOUX

Influencer, faire croire


Un intellectuel, remarquait Régis Debray dès le premier de ses livres consacrés à la nais-
sante médiologie, Le Pouvoir intellectuel en France, n’est pas seulement quelqu’un qui
travaille dans le champ des idées, mais qui se propose de transformer celles-ci en forces
(en mouvement de pensée, en -isme), et d’agir par elles sur ses contemporains ; cette fonc-
tion semble donc inséparable d’un projet d’influence, et l’on doit voir dans tout intel-
lectuel un militant, ou un organisateur. Mais sa notion et son rôle sont d’une géométrie
très variable : peut-on accoler indistinctement l’étiquette d’intellectuel à l’écrivain, à l’écri-

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vant, à l’artiste, au savant, au journaliste, à l’expert ?…
De même que la notion de culture et de culturel s’est brouillée au cours des années-
Lang, on assiste autour de celle d’intellectuel à une parallèle confusion des rôles. Peut-
il assurer sa mission en cessant d’être un grand écrivain ? Les deux fonctions étaient confon-
dues jusqu’à Sartre ; les voies de l’influence passaient certes par les médias, mais son
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rayonnement était appuyé et gagé sur le travail d’une œuvre, et particulièrement sur la
prépublication de celle-ci dans des revues. Assistons-nous aujourd’hui à l’émergence d’in-
tellos dés-œuvrés ?
Mais qu’est-ce au juste qu’une œuvre, et comment se transmet-elle ? L’autorité de l’au-
teur se trouvait liée à la forme canonique du livre, stabilisée par l’imprimé. Le numé-
rique et le flot grandissant où il entraîne les textes, les images, les nombres ou les sons,
tendent aujourd’hui à décadrer et dissoudre la notion d’œuvre, donc d’auteur, ou de si-
gnature, comme on le voit par la figure du sampleur en musique. L’auteur, remarquait
Roger Chartier, avait une fonction d’ancrage et d’assignation des textes, lesquels désor-
mais vagabondent.
Le magistère universitaire, que Le Pouvoir intellectuel en France plaçait en tête des
sphères successives de la légitimation dominante (l’Université, l’édition, les médias), a
de son côté beaucoup changé. L’essor des sciences humaines cloisonne et pulvérise les
humanités, désormais reléguées à la littérature. La prétention dans ce domaine aussi à
la science, ou à un discours de spécialiste, fait reculer la culture du débat et le travail
avec l’opinion (mot-clé et objet même du magistère intellectuel) ; on délaisse la langue
vernaculaire au profit du jargon, la reconnaissance par les pairs ferme celle du forum,
et le professeur déserte l’espace public, ou ne se sent plus concerné par lui.
Par les nouvelles technologies de la communication autant que par l’institution, on
voit qu’un certain sol ou socle historiquement bien attesté se dérobe, et que la figure de
Le Cri de l’intellectuel arrive peut-être aujourd’hui à la fin d’un cycle ou d’une course. Les contri-
Paris,
collection Bachollet,
butions rassemblées dans cette demi-journée ouvrent quatre fenêtres sur la trajectoire
Archives de ce personnage au moment où il s’esbigne, ou devient problématique à l’horizon de
Gallimard. notre histoire.

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