Vous êtes sur la page 1sur 13

L’ART DU CADAVRE

Sylvia Girel

Le Seuil | « Communications »

2015/2 n° 97 | pages 81 à 92
ISSN 0588-8018
ISBN 9782021219487
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-communications-2015-2-page-81.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Le Seuil.


Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


© Le Seuil. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 81/184

Sylvia Girel

L'art du cadavre

Les cadavres sont terrifiants. Mais dans la mesure où je leur fais face
en tant qu'artiste, je suis en mesure de côtoyer la peur, de la contrôler,
voire de m'en servir comme une arme. Car à mes yeux, l'insensibilité et
l'indifférence sont les pires vices que je connaisse 1.

Tel est le coup de force de la représentation médiatique de la mort : faire


en sorte qu'elle devienne extraordinaire au double sens du mot : hors de
l'ordinaire de nos vies […] dans l'illusion qu'elle ne nous concerne pas 2.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


Sur la question de la matérialité du corps mourant ou mort, on observe
au fil des années et des écrits un certain nombre de glissements. Aujour-
d'hui, plutôt qu'autour de la mort « en général », c'est bien autour du
cadavre, du corps mort ou mourant perçu comme « trop encombrant », que
l'idée de tabou s'est réarticulée 3. Dans « Le cadavre ambigu 4 », David
Le Breton, après d'autres 5, évoque le statut particulier de ce dernier et
montre comment sa perception et les représentations qui y sont attachées
sont nuancées ou différenciées selon les cultures, les époques, les contextes.
Mais il précise que « nulle société humaine ne perçoit le corps comme un
cadavre indifférent après la mort. Nulle part il n'est un reste disponible à la
curiosité et à la fantaisie des vivants ». Cependant, les écorchés de Gunther
von Hagens 6, de vrais corps morts plastinés et exposés, ou encore les snuff
movies 7, ces films présentant des scènes de torture et de mise à mort,
montrent que, dans l'art contemporain, c'est aujourd'hui une évidence à
questionner. Si notre rapport à la mort demeure difficile et si la vue des
dépouilles fait « problème » dans nos perceptions communes, on observe
aussi une présence et donc une visibilité, une « regardabilité » démultipliées
des cadavres dans les domaines de la création, du divertissement 8 et des
modes d'expression les plus variés 9. Il y a, d'un côté, un processus au long
cours – propre à certaines sociétés – selon lequel le cadavre, après avoir été

81
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 82/184

Sylvia Girel

un « objet » d'exposition et d'attraction attirant les foules, est devenu obs-


cène au nom de l'éthique 10, la matérialité des corps des défunts désertant
les espaces privés et publics ; d'un autre côté, un processus inverse, qui voit
les cadavres surgir et (sur)investir les mondes médiatiques, culturels et
artistiques. De ce point de vue, l'art contemporain est exemplaire et spéci-
fique. En effet, si la mort et les cadavres ont toujours fait figure de thèmes
récurrents dans l'histoire de l'art et ses différents courants, les dernières
décennies montrent que la récurrence est devenue omniprésence, et surtout
qu'un certain nombre de paliers ont été franchis : « il n'est plus question de
s'abriter derrière la toile, la peinture, les symboles : on utilise désormais la
réalité comme un matériau brut, riche, immédiat pour en livrer l'envers du
décor 11 ».

LE CADAVRE COMME MATÉRIAU DE CRÉATION.

Pour comprendre ce paradoxe qui nous rend supportable là ce que l'on


a escamoté ici, et saisir la manière dont les mondes de l'art contemporain
proposent une forme de spectacularisation, une nouvelle visibilité du
cadavre, il convenait de faire un état des lieux et de constituer un corpus
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


d'œuvres représentatif 12. Ce travail a été entrepris dans le cadre d'un
projet collectif, « La mort charnelle et le cadavre dans la production artis-
tique contemporaine : représentations, utilisations et limites du corps
humain 13 ». L'un des résultats les plus marquants de cette recherche
concerne justement cette question de la matérialité du corps mort. Celui-
ci (en totalité ou en partie) n'est plus seulement représenté, il participe au
processus de création, il est bien matériellement présent de manière réa-
liste et/ou réelle dans l'œuvre, et ce, malgré toutes les réticences et tous les
interdits qui l'entourent. Avant de poursuivre l'analyse, quelques constats
s'imposent concernant les artistes et les œuvres produites.
Les artistes traitant de la matérialité du cadavre se répartissent en deux
groupes. D'une part, ceux dont le travail porte exclusivement (ou presque)
sur la mort et/ou les dépouilles (par exemple, Joel-Peter Witkin 14, Teresa
Margolles 15 ou encore Araya Rasdjarmrearnsook 16) ; d'autre part, ceux
pour lesquels le travail sur ces sujets est ponctuel et correspond à une œuvre
en particulier, une série (c'est le cas de The Morgue d'Andres Serrano 17),
un thème (on pensera aux portraits de défunts de Rudolf Schäfer 18 ou de
Walter Schels 19, au travail sur le suicide de Ene-Liis Semper 20, Sam
Samore 21, Neil Hamon 22, par exemple).
Les œuvres, quant à elles, se divisent en deux grandes catégories : d'un
côté celles qui produisent de « faux » mais très réalistes cadavres ; de

82
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 83/184

L'art du cadavre

l'autre celles qui présentent des « vrais morts », bien réels. Une ligne de
partage déterminante passant entre les créations qui le font par médias
interposés et celles qui nous livrent le cadavre – tout ou partie – dans sa
plus réelle matérialité. Les premières sont les plus nombreuses et tous les
types de corps morts sont concernés 23, les secondes sont plus rares.
Les supports de création et les matériaux utilisés par les créateurs, leur
diversité se révèlent instructifs en ce qu'ils mettent au jour à la fois ce que
l'art « peut montrer » uniquement parce que c'est de l'art, justement (on
pensera ici à la création de faux cadavres mais d'un réalisme saisissant),
et ce que l'art « peut se permettre de montrer » quand ce serait dans tout
autre contexte difficile, déviant, impensable ou impossible (hormis dans
les morgues et dans des contextes tout à fait spécifiques, il n'est effective-
ment pas habituel de côtoyer des cadavres). On touche ici à la question
des ordres de réalité 24 et à cette nouvelle (ou différente) visibilité donnée
du cadavre via les mondes de l'art. Le processus de création et le contexte
de diffusion et de réception des œuvres permettent une mise à distance de
nature à neutraliser, à modifier ce que produit ailleurs le face‑à-face avec
la matérialité des cadavres.

« MATÉRIALITÉ »
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


QUELLES FORMES DE
POUR LE CADAVRE DANS LES ARTS VISUELS ?

Venons-en directement à des œuvres qui nous y confrontent, et particu-


lièrement ici à des installations, des performances et ce qui s'apparente à
des sculptures hyperréalistes. Avec ce type de support et de formes de
création, au travers de mises en espace et de mises en scène qui prennent
des formes jusqu'alors inédites, les artistes s'emparent et se jouent de cette
question de la matérialité du corps mort. Du côté des objets et sculptures
hyperréalistes, on pourra citer Dead Dad de Ron Mueck 25, Death of a
Replicant de Christina Glidden 26, Great Deeds Against the Dead de Jake et
Dinos Chapman 27, ou encore Gilles Barbier, notamment avec le corps d'un
suicidé présenté dans Paysage mental (Loch Ness) 28. Autant d'œuvres
particulièrement réalistes, auxquelles s'ajoutent celles qui proposent
d'étranges et improbables cadavres ou morceaux de cadavres tels que seul
l'art est en mesure d'en produire (par exemple, Sue de Beer avec Two
Girls 29 ou les œuvres de Berlinde De Bruyckere 30).
Du côté des installations, l'une des plus spectaculaires et des plus saisis-
santes est celle de Maurizio Cattelan 31. À Milan, sur la place du 24-Mai,
l'artiste a pendu trois mannequins d'enfants à un chêne, laissant planer
l'incertitude face au réalisme de l'œuvre. Si elle a été très rapidement

83
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 84/184

Sylvia Girel

retirée, elle est restée exposée suffisamment longtemps pour faire polé-
mique et l'incident a été largement médiatisé 32. La « matérialité » des faux
pendus a mis au jour une spécificité et une « efficacité » esthétiques de ce
type de création. Par la nature et le contenu de l'œuvre, bien sûr, l'échelle
de supportabilité de la mort n'étant pas sans lien avec l'âge des défunts ;
mais tout autant par sa situation dans l'espace public, ce cadre posant
problème pour rendre compréhensible (pour « cadrer », dans le sens des
« cadres de l'expérience » d'Erving Goffman) ce que l'on voit.
Les œuvres que l'on vient d'évoquer, même si elles relèvent parfois d'un
art extrême 33, restent toutes dans le registre de la fiction, de l'invention.
D'autres ne sont plus seulement des mises en scène fictives, des fac-similés
de morts : ce sont de « vrais » morts qui y font leur entrée et que les artistes
utilisent pour les composer et les produire. C'est particulièrement le cas de
ceux qui vont travailler au plus près des morgues et des cadavres 34. Dans
ce registre, outre Andres Serrano, Araya Rasdjarmrearnsook et Joel-Peter
Witkin, déjà cités, on peut mentionner Patrik Budenz 35 et sa série Post
mortem, ou encore Tsurisaki Kiyotaka 36 avec son Requiem de la rue
Morgue.
C'est ici la question du cadavre comme matériau de création présent (et
non seulement représenté) dans l'œuvre exposée qui émerge. Et c'est très
certainement de ce point de vue que les créations sur la mort et les
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


dépouilles ont, ces dernières années, opéré un tournant majeur. Elles ont
transformé les mondes de l'art et la nature même des productions artis-
tiques, franchissant des limites jusqu'alors préservées et ouvrant la voie à
des questions, à des problématiques qu'il aurait été bien difficile d'antici-
per, voire d'imaginer. Le curseur entre déviance et norme s'est ainsi
déplacé, et continue de se déplacer régulièrement, de création en transgres-
sion, au fil du temps. Au point que l'on peut s'interroger sur la capacité de
l'art à franchir encore d'autres limites, comme sur les contradictions du
processus d'artification (i.e. la transformation du non-art en art) qui prend
au piège le regardeur face à ce qu'il accepte de regarder ici et qu'il refuse-
rait de voir là.

De ce point de vue, une catégorie particulière d'œuvres est apparue ces


dernières années, qui posent plus que toutes les autres la question de la
matérialité du cadavre et de sa place dans l'art. Si on peut les inscrire
dans les circuits artistiques (les artistes et collectifs qui les produisent font
l'objet d'expositions, de catalogues, d'acquisitions), les décrire au regard
des formes et des courants de création auxquels elles appartiennent (per-
formances, happenings, art minimaliste, installations…), ce qu'elles pro-
posent et les matériaux qui les composent sont des corps morts, des
morceaux de cadavres, des ossements, etc. ; autant de « matériaux » pré-

84
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 85/184

L'art du cadavre

levés sur de vraies dépouilles et qui deviennent concrètement les objets


d'une expérience esthétique. Les artistes emblématiques sont ici les
membres du groupe Cadavre, le collectif SEMEFO et Teresa Margolles.
Le groupe Cadavre regroupe de jeunes artistes contemporains chinois
qui, tous, travaillent les cadavres humains comme un matériau de créa-
tion 37. Leur production, exposée et médiatisée autant que controversée (ils
ont été présentés en France à l'occasion de la Biennale de Lyon en 2000),
suscite la polémique tant en Chine qu'en Occident. Elle fait parfois l'objet
de procès et se veut délibérément provocatrice et contestataire. Leurs
intentions relèvent d'une volonté d'innover, de créer à partir de matériaux
qui ne sont pas socialement reconnus pour « faire » de l'art, pour lesquels il
n'existe ni procédés ni savoir-faire établis, ni aucune convention (garantie
d'une réelle liberté de création). Deux artistes de ce groupe peuvent être
cités 38 : Sun Yuan, dans Miel 39, met en scène la tête décapitée d'un vieil
homme qui émerge de la glace et sur laquelle est déposé un bébé mort-né ;
Peng Yu a choisi d'utiliser de la matière grasse humaine pour deux perfor-
mances intitulées Exil (2000) et Huile d'humain (2000). Avec Sun
Yuan 40, il a réalisé des blocs de béton à partir d'un ciment fait de cendres
d'ossements humains provenant de crématoriums de Chine (2004) ; tous
deux collaborent aussi en proposant des installations particulièrement dif-
ficiles à appréhender par leur contenu et leurs références à des bébés
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


morts 41. Résolument macabre et particulièrement dérangeant, le travail
du groupe Cadavre, en malmenant le politiquement correct en art, se veut
porteur d'une réflexion sur les tabous autour de la mort et d'une volonté de
« changer de vision par rapport au devenir-cadavre de son propre corps »
pour « aborder la vie d'une autre manière » 42.
Face aux artistes chinois, les artistes mexicains du collectif SEMEFO
(Servicio Médico Forense), créé en 1990 par Teresa Margolles, Arturo
Angulo Gallardo, Juan Luis García Zavaleta, Carlos López Orozco 43, sont,
eux aussi, dans une logique de provocation. Le collectif rassemble des
artistes issus de différentes formes de création dont les arts plastiques.
Leur moyen d'expression privilégié est la performance, leur thématique de
création la « vie du cadavre ». Réalisées en direct ou filmées puis diffusées
au public, leurs performances transgressent les interdits, imposent aux
spectateurs des images et des représentations violentes de la mort, parfois
insoutenables (corps empalés, recouverts de viscères, etc.). Le projet artis-
tique cherche délibérément à choquer, à interpeller les spectateurs en met-
tant en scène ce qu'il y a de plus abject dans la mort. Mais pas n'importe
quelle mort. Celle des oubliés de la société, celle des SDF, des drogués, des
victimes de meurtre, ceux que personne ne pleure, ceux que personne ne
vient identifier, ceux pour lesquels les familles trop pauvres ne peuvent
payer de sépulture. Alors que la mort est banalisée, dépersonnalisée dans

85
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 86/184

Sylvia Girel

les médias par l'effet de saturation qu'implique la profusion d'images,


c'est à travers l'art que SEMEFO cherche à faire réagir le public sur cette
barbarie quotidienne au Mexique, générée par la corruption et les inégali-
tés. Il invite les spectateurs à éprouver au travers de l'expérience esthétique
ce qu'ils ne ressentent plus face à la réalité. La performance et l'interven-
tion étant privilégiées 44, on dispose de peu de traces de ces œuvres.
Enfin, Teresa Margolles, fondatrice et membre du groupe SEMEFO, est
une artiste aujourd'hui reconnue à l'échelle internationale, dont les œuvres
ont été présentées au FRAC Lorraine et au Centre d'art contemporain de
Brétigny. Elle propose un travail artistique centré sur le thème de la mort.
Son parcours professionnel personnel est singulier : parallèlement à ses
activités d'artiste, Teresa Margolles a passé le diplôme de médecin légiste
de la ville de Mexico et occupé les fonctions de technicienne légale dans une
morgue. Si, dans un premier temps, avec le groupe SEMEFO, ses œuvres
étaient résolument morbides, jouant sur l'impact visuel provoqué par un
certain effet de réalité (photographies de cadavres en décomposition, de
visages tuméfiés, utilisation de parties anatomiques prélevées sur les
morts 45, etc.), elle s'est progressivement éloignée de ces visions d'horreur
pour travailler seule dans une perspective minimaliste, où la violence est
plus symbolique que réaliste, mais non moins présente. Elle entend donner
à son travail une dimension sociologique et dit utiliser l'art pour dénoncer
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


la violence sociale incontrôlée de la crise latino-américaine du Mexique
contemporain. Elle veut montrer que les inégalités sociales, intolérables
dans la vie, perdurent dans la mort. C'est à la morgue, au contact direct de
vrais cadavres, que son travail prend forme. Ses matériaux privilégiés sont
les matières organiques provenant de personnes assassinées, les eaux usées
servant à laver les morts, la graisse humaine, les fluides corporels, avec
lesquels elle compose des installations, réalisant des vidéos où la mort et le
mort ne sont présents que très « discrètement ». C'est mentalement que
l'horreur de la mort surgit, par le décalage qui s'opère entre ce que nous
voyons (peu de choses) et ce qui est signifié sur les cartels et qui est lourd
de sens 46.

LA VIE DU CADAVRE DANS L'ART,


QUESTION ARTISTIQUE ET PROBLÈME SOCIOLOGIQUE.

Les œuvres produites ont donc pris ces dernières années des formes
inédites jusqu'alors. Elles posent la question des limites éthiques et
morales, culturelles et sociales, juridiques et légales entre le monde de la
réalité sociale et le monde de l'art, et celle de notre rapport au cadavre à la

86
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 87/184

L'art du cadavre

croisée de ces mondes. Que les artistes composent avec les différentes
morts possibles (morts individuelles et collectives, violentes et « douces »,
normales et pathologiques, etc.) au travers d'œuvres réalistes ou impro-
bables où le cadavre se décline sous tous ses aspects, des plus spectaculaires
et plus macabres aux plus banals et plus communs, sans omettre les plus
beaux 47, est une chose. Qu'ils nous mettent au contact direct de cadavres
en est une autre.
« S'il n'y a pas d'objets esthétiques, mais des objets qui “fonctionnent
esthétiquement”, il s'agit pour nous de savoir si tous les objets peuvent
fonctionner esthétiquement 48 », et notamment le cadavre dans sa plus
concrète matérialité. Escamoté de nos vies quotidiennes, il acquiert une
nouvelle vocation et devient l'objet d'usages aussi inédits qu'inattendus.
Des usages qui pour le sens commun, mais tout autant pour nombre de
publics supposés avertis, ne sont pas seulement « à la limite du suppor-
table » mais simplement impensables, voire inimaginables. L'enjeu de
l'analyse – à tout le moins pour le sociologue – n'est alors pas de confirmer
ou d'infirmer qu'il s'agit de création artistique (le processus d'artification a
bien eu lieu puisque ces œuvres sont reconnues comme telles par les mondes
de l'art), mais bien d'interroger ce que cela signifie et provoque aujourd'hui
que de faire de telles œuvres, brouillant les repères habituels et déplaçant
les frontières de l'acceptabilité.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


Cela témoigne de mutations et de déplacements. Ces œuvres ne sont pas
seulement dérangeantes, provocantes, elles sont sciemment illégales et
simultanément reconnues : 1) comme déviantes dans le monde social (fai-
sant l'objet de procédures juridiques à l'encontre des artistes) ; 2) comme
esthétiques (quand bien même il s'agit d'une esthétique de l'horreur, de la
contestation, de la provocation) dans les mondes de l'art. Les artistes se
heurtent en dernière instance aux règles de la vie en société, et au droit qui
s'applique à tout un chacun. Certaines des créations citées, au-delà de la
censure et du « décrochage » susceptibles d'être demandés par différentes
instances, ou du rejet et de la contestation dont elles font l'objet, peuvent
engendrer une intervention d'envergure. Ce fut le cas notamment pour les
artistes chinois du groupe Cadavre : « En 2001, une annonce est lancée par
le ministère chinois de la Culture pour interdire toute activité portant
atteinte aux cadavres humains au nom de l'art. Suspecté de se procurer des
cadavres et des fœtus humains par voies illégales, Zhu Yu est poursuivi
devant le Tribunal intermédiaire selon l'article 302 du Code pénal chinois.
Cet article stipule que toute insulte ou atteinte aux cadavres humains est
interdite. En vertu de l'article 21 de la Loi chinoise sur le mariage, il est
accusé d'avoir infligé la souffrance et la mort à des nouveau-nés. Il est
finalement condamné pour “crime contre l'humanité” (traduction littérale
du chef d'accusation) 49. »

87
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 88/184

Sylvia Girel

D'autres vont révéler toute l'ambiguïté de la situation, telle Ruan, de


Xiao Yu : « La direction du Kunstmuseum de Berne a décidé de retirer le
bocal décrié de l'installation Ruan 50. » « Absolument pas à cause du fœtus
humain : l'emploi d'un cadavre n'a rien d'exceptionnel dans le monde de
l'art », précise le commissaire d'exposition Bernhard Fibicher, qui rappelle
qu'une mise en garde adressée aux personnes sensibles avait été affichée à
l'entrée du musée une semaine après l'ouverture de l'exposition Mahjong,
une classe ayant été choquée par une vidéo. « Le retrait du “bébé-mouette”
jusqu'au 22 août en tout cas (date à laquelle une discussion entre experts
aura lieu à ce propos) répond d'abord à des menaces de destruction. »
Le processus de qualification et/ou de disqualification des objets artis-
tiques, variable et réversible selon les contextes, les époques et les cultures,
montre ici que le curseur entre déviance et norme au regard de certaines
œuvres, et sur ce thème du cadavre, s'est déplacé. Un pas de plus a bien été
franchi : si la mort, le cadavre, ce que l'on peut ou non « en faire » posent
des problèmes qui sont loin d'être résolus des points de vue du droit, de la
médecine, de la bioéthique, les artistes reposent aussi à leur façon ces
questions. On peut alors s'interroger : « La mort peut-elle être une œuvre
d'art ? » C'est le titre qu'a choisi Libération pour rendre compte du projet
de l'artiste allemand Gregor Schneider qui consistait à « exposer une per-
sonne en train de mourir d'une mort naturelle ou quelqu'un qui vient juste
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


de mourir dans un musée 51 ».

*
* *

À travers la présence du cadavre dans les arts visuels contemporains, on


observe ainsi l'émergence d'une nouvelle et/ou différente visibilité de la
mort et des dépouilles, tandis que le travail de certains artistes nous
confronte, là où on ne s'y attendait pas, à la matérialité même du corps
mort. Les œuvres se jouent de nos représentations et de nos usages sociaux,
collectifs et individuels, elles invitent les cadavres dans les mondes de l'art.
Ceux-ci deviennent les objets d'une expérience esthétique possible malme-
nant les mises à distance réelles et/ou symboliques élaborées dans le cadre
de nos mondes sociaux ordinaires. Au-delà des problèmes esthétiques,
esthésiques et artistiques, liés à l'ambivalence de côtoyer ici ce qui est
devenu « obscène et proscrit en trop et de trop 52 » habituellement, ce pro-
cessus qui s'est amorcé invite à s'interroger sur des problèmes éthiques et
juridiques qui se posent dans d'autres domaines de nos vies sociales. C'est
là un autre pan de réflexion, qu'il faudrait ouvrir en étudiant les effets que
le travail des artistes et leur manière de traiter les corps morts dans les
musées et galeries sont amenés à produire dans les autres domaines de

88
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 89/184

L'art du cadavre

connaissance qui se partagent l'étude du cadavre : la médecine, la bio-


éthique, le droit, la thanatologie.

Sylvia GIREL
sylvia.girel@univ-amu.fr
Sociologue (HDR)
LAMES CNRS – Université Aix-Marseille

NOTES

1. Tsurisaki Kiyotaka, « Tsurisaki Kiyotaka ouvre l'exposition Révélations », par Sophie Fages,
le 6 décembre 2006, Lisaa mag (Institut supérieur des arts appliqués) : http://www.lisaamag.com/
spip.php?article4
2. Damien Le Guay, « Représentation actuelle de la mort dans nos sociétés : les différents moyens
de l'occulter », Études sur la mort, no 134, « Les mots de la mort », 2008, p. 119.
3. Voir notamment les travaux de Jean-Hugues Déchaux sur ce sujet : https://halshs.archives-
ouvertes.fr/search/index/?qa[authIdHal_s][]=jean-hugues-dechaux&qa[text][]=mort&submit_ad-
vanced=Rechercher&sort=producedDateY_i+desc&rows=30
4. David Le Breton, « Le cadavre ambigu : approche anthropologique », Études sur la mort,
no 129, « Le cadavre », 2006, p. 79-90.
5. Voir les travaux de Claude Javeau, Jean-Hugues Déchaux, Louis-Vincent Thomas, etc. ; les
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


récents colloques sur ce sujet dont « Rencontre autour du cadavre » (Actes du colloque de Marseille,
BMVR, 15, 16 et 17 décembre 2010, sous la direction de Hervé Guy, Agnès Jeanjean, Anne Richier,
Ingrid Sénépart, GAAF, 2012) ; le programme coordonné par Anne Carol, « CoRPS. Le Corps
mort. Recherches sur l'histoire des pratiques et du statut du cadavre » : http://necrolog.hypotheses.
org
6. Sur Gunther von Hagens, voir l'article de Christine Détrez, « Cadavres exquis : les écorchés
morts de Von Hagens entre art et science », in Sylvia Girel, Fabienne Soldini (dir.), La Mort et le
Corps dans les arts aujourd'hui, Paris, L'Harmattan, 2013, et le site officiel : http://www.koerper-
welten.de
7. Voir Michela Marzano, « Snuff movies », in Michela Marzano (dir.), Dictionnaire de la vio-
lence, Paris, PUF, 2011, p. 1203-1208 ; Sarah Finger, en collaboration avec Kevin Boissezon,
La Mort en direct. Les snuff movies, Paris, Le Cherche Midi Éditeur, 2001. Le débat sur le sujet
(mythe ou réalité) est loin d'être clos : voir aussi le documentaire d'Evy Barry, Does Snuff Exist ?
(2006).
8. La téléréalité n'y échappe pas, comme en témoigne la polémique autour du Jeu de la mort
(17 mars 2010). L'émission a donné lieu à des débats et un livre a été publié : Christophe Nick,
Michel Eltchaninoff, L'Expérience extrême, Paris, Don Quichotte, 2010.
9. Les articles et recherches sur la question de la mort et du cadavre dans les médias sont
nombreux. Il en existe également de récents sur les formes de création, voir entre autres : Sylvia
Girel, Fabienne Soldini (dir.), La Mort et le Corps dans les arts aujourd'hui, op. cit. ; Anne Carol,
Isabelle Renaudet (dir.), La Mort à l'œuvre. Usages et représentations du cadavre dans l'art, Aix-
en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Corps & âmes », 2013, https://rh19.revues.
org/4721 ; Sylvia Girel, « Teresa Margolles : comment montrer l'in-montrable ? », La Voix du
regard, no 20, 2007, p. 57-66 ; id., « Les œuvres sur la mort et la censure », in Philippe Di Folco
(dir.), Dictionnaire de la mort, Paris, Larousse, 2010, p. 198-199 ; Pierre Mercklé, Thomas Dollé,
« Morts en séries : représentations et usages des cadavres dans la fiction télévisée contemporaine »,
Raison publique, no 11, décembre 2009, p. 229-246.

89
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 90/184

Sylvia Girel
10. Voir notamment les travaux de Bruno Bertherat dont Paris dernier voyage : histoire des
pompes funèbres (XIXe-XXe siècle), avec Christian Chevandier, Paris, La Découverte, 2008.
11. Virginie Luc, avec Gérard Rancinan, Art à mort, Paris, Léo Scheer, 2002, p. 32.
12. Le corpus a réuni une centaine d'œuvres réalisées entre 1980 et 2010 par une trentaine
d'artistes.
13. Projet déposé dans le cadre de l'appel à projets non thématique de l'Agence nationale de la
recherche (ANR, 2005) : le collectif réunissait Christine Détrez, Sylvia Girel, Mary Léontsini, Pierre
Mercklé, Anne Simon et Fabienne Soldini au sein du LAMES (UMR 7305). Un ouvrage (La Mort
et le Corps dans les arts aujourd'hui, op. cit.) et plusieurs articles ont été publiés.
14. Son travail est montré en France à la galerie Baudoin-Lebon : http://www.baudoin-lebon.
com/fiche-artiste.php?nom=witkin&prenom=joel%20peter#bio
15. Voir son travail sur le site de la galerie Peter Kilchmann : http://www.peterkilchmann.com/
artists/profile/++/name/teresa-margolles/id/17/ ; ses œuvres sont aussi visibles sur de nombreux
sites de lieux artistiques en tapant son nom, « Teresa Margolles », via Google Images.
16. Site de l'artiste : http://www.rama9art.org/araya/index.html
17. Andres Serrano est présenté en France par la galerie Yvon Lambert : http://www.yvon-
lambert.com/2012/?page_id=263. Sur une analyse de la réception de cet artiste et de la série The
Morgue, voir Sylvia Girel, La Part maudite de Serrano, discours critique et réception des publics,
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01079403
18. Voir une partie de son travail sur le site du musée d'Art moderne de Strasbourg : http://
mamcs.videomuseum.fr
19. Site de l'artiste : http://www.walterschels.com/h/exhibitions_4_en.php
20. Son travail est visible sur http://www.cca.ee/kunstnikud/ene-liis-semper/tood/261-ff-rew-
ff-rew
21. La série The Suicidist a été exposée au MoMA : http://momaps1.org/exhibitions/view/127
22. Voir son travail Suicide Self-Portrait sur le site de la galerie Zabludowicz : http://www.
zabludowiczcollection.com/collection/artists/view/neil-hamon
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


23. Dans le rapport de recherche, le corpus a été analysé selon différentes entrées : différents
supports pour différentes morts ; éventail des morts possibles, des morts ordinaires aux morts spec-
taculaires ; profils sociaux et âges de la vie…
24. En référence à l'analyse d'Alfred Schütz, « Sur les réalités multiples », Le Chercheur et le
Quotidien, Paris, Klincksieck, 2008. La réalité du monde de l'art implique l'existence d'un accent de
réalité spécifique, la consistance et la compatibilité des expériences subsistent à l'intérieur des fron-
tières de cette province, elle implique une modification de la tension de la conscience et une épochê
spécifique.
25. L'artiste a exposé son travail récemment à Paris à la Fondation Cartier : http://fondation.
cartier.com/fr/art-contemporain/26/expositions/866/ron-mueck. Pour une analyse de l'œuvre
Dead Dad, voir le texte de Vincent Guillevic : http://88.182.76.221/v.guillevic/?p=62
26. On peut avoir un aperçu de cette œuvre dans le document de présentation de l'exposition
Six Feet Under : www.museum-joanneum.at/…/file/Katalog_Zwei_20oder_20Drei_1_.pdf
27. Voir le site des artistes : http://jakeanddinoschapman.com/works/great-deeds-against-the-
dead-2
28. Voir l'œuvre sur Documents d'artistes : http://www.documentsdartistes.org/artistes/barbier/
repro2-9.html
29. Voir le site de l'artiste : www.suedebeer.com ; et une image de l'œuvre citée sur le site Artnet :
http://www.artnet.com/Magazine/features/honigman/honigman6-11-04.asp
30. Voir un diaporama de son travail sur le site Artinfo : http://www.artinfo.com/news/story/
31241/berlinde-de-bruyckere
31. Voir le site de la galerie Perrotin, qui expose cet artiste : https://www.perrotin.com/artiste-
Maurizio_Cattelan-2.html
32. On trouvera des images de l'installation et des publics dans la presse italienne avec les mots
clés « Piazza XXIV Maggio » et le nom de l'artiste, « Maurizio Cattelan ».
33. Paul Ardenne, Extrême. Esthétiques de la limite dépassée, Paris, Flammarion, 2006 ; Jean
Clair, De Immundo. Apophatisme et apocatastase dans l'art d'aujourd'hui, Paris, Galilée, 2004 ;
Umberto Eco, Histoire de la laideur, Paris, Flammarion, 2007.

90
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 91/184

L'art du cadavre
34. À titre anecdotique, on peut citer cette dépêche Agence France Presse du 3 avril 1998 : « Un
sculpteur de 42 ans a été condamné vendredi à neuf mois de prison à Londres pour avoir volé des
cadavres humains afin de rendre ses œuvres plus réalistes […]. L'artiste macabre a été reconnu
coupable d'avoir dérobé, avec l'aide d'un complice, des membres et des têtes provenant de 35 à
40 cadavres différents dans le sous-sol du Collège royal de chirurgie de la capitale britannique. »
35. Voir le site http://www.grauwerk.de/#books
36. Site de l'artiste : http://www.tsurisaki.net
37. Voir à ce sujet le travail de He Qian, « La représentation occidentale de la cruauté dans l'art
contemporain chinois », sous la direction de Jean-Philippe Uzel, mémoire de master, département
d'histoire de l'art, Université du Québec à Montréal, mai 2008 : http://www.archipel.uqam.ca/
1026/1/M10480.pdf ; id., « Les œuvres d'une extrême violence dans l'art contemporain chinois.
Réception, rejet et censure », Violences et Société. Regards sociologiques, Paris, Desclée de Brouwer,
2010, p. 133-145 ; Erik Bordeleau, « Une constance à la chinoise : considérations sur l'art perfor-
matif extrême chinois », Transtext(e)s Transcultures, no 5, 2009 : http://transtexts.revues.org/
index269.html
38. Sur les artistes cités, voir aussi Erik Bordeleau, « Une constance à la chinoise », art. cité.
39. Voir le site des artistes : http://www.sunyuanpengyu.com/works/1999/Honey.html
40. Voir le site des artistes : http://www.sunyuanpengyu.com
41. C'est le cas de la performance Body : http://www.sunyuanpengyu.com/works/2000/Body%
20Link.html
42. « Représenter l'horreur », Art Press, hors-série, mai 2001, p. 62.
43. Auquel s'ajouteront : Víctor Basurto, Arturo López, Juan Manuel Pernás, Víctor Macías,
Antonio Macedo. Le collectif sera dissous en 1999.
44. Sur ce collectif, voir Mariana David (coord.), SEMEFO 1990-1999 – From the Morgue to the
Museum, Universitad Autónoma, 2013 ; Cuauhtémoc Medina, Jose Luis Barrios et al., SEMEFO :
10 Years, Turner, 2004 ; et « Représenter l'horreur », hors-série cité d'Art Press.
45. Voir par exemple Lengua, reproduite sur le site Boum Bang magazine : http://www.boum-
bang.com/margolles-teresa
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil


46. Sur cette artiste, voir Sylvia Girel, « Teresa Margolles : comment montrer l'in-montrable ? »,
art. cité ; id., « Traces et résidus cadavériques dans l'art. Le minimalisme comme réalisme », docu-
ment disponible sur https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01079902
47. On pensera ici au travail de certains artistes sur les jeunes femmes mortes et notamment
d'Izima Koaru ; voir son travail sur le site Artnet : http://www.artnet.com/artists/izima-kaoru/art-
works et sur le site de la galerie Von Lintel à New York : http://www.vonlintel.com/Izima-Kaoru.
html
48. Carole Talon-Hugon, Goût et Dégoût. L'art peut-il tout montrer ?, Nîmes, Jacqueline
Chambon, 2003, p. 15.
49. Erik Bordeleau, « Une constance à la chinoise », art. cité.
50. « C'est le fœtus d'une fille », Le Matin, 5 mars 2007.
51. Source : http://spectacle.excite.fr/lexposition-de-la-mort-N2331.html
52. Louis-Vincent Thomas, La Mort, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2003, p. 68.

RÉSUMÉ

Dans les représentations ordinaires, les dépouilles mortelles font généralement « problème ».
Dans les domaines de la création et du divertissement, en revanche, elles acquièrent une présence et
une visibilité démultipliées. C'est particulièrement évident dans les arts visuels contemporains. On
s'interrogera donc sur la manière dont le cadavre, en totalité ou partie, se livre à nous dans sa plus
réaliste, voire sa plus réelle, matérialité.

91
Dossier : se338101_3b2_V11 Document : Communications_97_338101
Date : 2/10/2015 11h31 Page 92/184

Sylvia Girel

SUMMARY

Corpses in art
In mundane representations, mortal remains are in general “problematic”. In the domains of
creativity and leisure, on the contrary, their presence and visibility are all-pervasive. This is
particularly patent in contemporary visual arts. In this paper, we will thus discuss the way the
corpse is presented to us, entirely or in part, in its most realistic, or rather most real, materiality.

RESUMEN

El arte del cadáver


En las representaciones ordinarias, los restos mortales causan generalmente “problema”'. En
los campos de la creación y el divertimiento, sin embargo, adquieren una presencia y una visibili-
dad demultiplicada. Es particularmente evidente en los artes visuales contemporáneos. Nos inter-
rogaremos como el cadáver, en su totalidad o en parte, nos compromete en su más realista, o
incluso su más real materialidad.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.50.181.133 - 07/12/2019 15:31 - © Le Seuil

Vous aimerez peut-être aussi