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Etudes et Recherches en
Gestion), UGB, Sénégal
Lubica Hikkerova
IPAG Business School Paris
Bassirou Tidjani
Ecole Supérieure
Polytechnique, Université
Cheikh Anta Diop, Dakar,
Sénégal
Pratiques de GRH et
performance des PME
industrielles au Sénégal
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Le choix, dans cette étude, de se foca- Dans cet article, une approche qualita-
liser sur les PME découle du fait tive est privilégiée en étudiant trois cas
qu’elles représentent l’essentiel du tissu de PME industrielles implantées au Sé-
industriel dans la plupart des pays, no- négal. Un total de huit entretiens semi-
tamment au Sénégal où elles consti- directifs ont été réalisés dans ces
tuent 90% des entreprises1. De plus, firmes avec le personnel cadre et diri-
leur énorme potentiel de croissance geant. Les données recueillies ont été
économique, de création d’emplois et essentiellement analysées et traitées
d’intégration économique sous régio- par la méthode d’Analyse de Contenu
nale en font un objet d’étude crucial. (AC).
C’est une des raisons pour laquelle
plusieurs appels répétés sont lancés en La structure de l’article est la suivante.
faveur d’un accroissement de la re- D’abord, l’état de l’art est abordé sous
cherche en contexte de PME (Fabi et l’angle des concepts de performance,
al., 2004 ; Kuratko et Hornsby, de PME, et de la relation entre la GRH
2003 ; Katz et al., 2000). Dès lors, la et la performance. Ensuite, la métho-
problématique de la performance des dologie est explicitée. Puis nous pré-
PME est devenue une préoccupation sentons et discutons les résultats obte-
majeure pour les dirigeants et cher- nus.
cheurs.
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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est limitée. Mais, pour les firmes qui vailleurs. Au Cameroun, l’essentiel des
veulent une compétitivité-qualité, elles études sur ce type d’entreprise fait ré-
doivent mobiliser des pratiques de férence à une tentative de définition et
GRH qui contribuent à l’avantage de spécification, mais également à
concurrentiel recherché. une caractérisation des modes de gou-
vernance ayant permis de mettre en
exergue la dimension culturelle (Feud-
Dans le contexte des PME, les travaux
jo, 2006). De même, certaines re-
de l’Organisation de Coopération et
cherches menées au Bénin ont permis
de Développement Economique (OC-
de conclure que la GRH pratiquée
DE, 2001) ont montré que ces der-
dans les entreprises béninoises les plus
nières possèdent un potentiel, se tra-
performantes résulte de l’alchimie réa-
duisant par des compétences hu-
lisée par le DRH, qui intègre les dimen-
maines, sources de valeur. Toutefois,
sions culturelles de son environnement.
les recherches réalisées dans différents
Il ne s’agit pas d’une GRH qui adopte-
pays d’Europe (France, Royaume-Uni)
rait systématiquement les outils et tech-
et d’Amérique du Nord (Canada,
niques modernes, ni d’une GRH qui
États-Unis) ont effectivement permis
s’adapterait totalement à la culture lo-
d’observer que les PME manufactu-
cale (Hounkou, 2006).
rières investissant dans les pratiques
de GRH en retirent des résultats tan-
gibles (Regina, 2010 ; Fabi et al., Parmi les travaux réalisés dans le
2006 ; Way, 2002 ; Liouville et champ des PME sénégalaises, les ré-
Bayad, 1995). sultats obtenus par Diouf (2012) sur la
relation entre les pratiques de GRH et
Pour ce qui est du cas particulier de la performance montrent que ces en-
l’Afrique, Tidjani (2006) stipule que treprises créeraient de la valeur, en fai-
« la qualité de la GRH dépend des ni- sant jouer à la GRH les deux rôles
veaux de performance économique de concomitants de développement de
l’entreprise : ainsi, des performances compétences distinctives et d’organisa-
économiques élevées conduiront à une tion interne du travail.
bonne prise en compte des besoins du
personnel ». Dans les pays maghré- Dans cette perspective, notre étude
bins, les recherches menées par Mat- propose une compréhension du méca-
mati (2005) mettent en évidence deux nisme par lequel les dirigeants de PME
catégories de PME : celles qui sont res- boostent leur performance, en l’occur-
tées au niveau de l’administration du rence leur compétitivité, à partir d’une
personnel (qui sont les plus nom- mobilisation de pratiques de GRH.
breuses) et celles qui tendent vers un D’après Tidjani et al. (2008) : « il
renforcement des compétences des tra- n’est pas possible d’arriver à une
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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bonne théorie de cette relation sans gion de Dakar connu sous le nom de
une bonne compréhension des proces- SODIDA (Sociétés du Domaine Indus-
sus complexes par lesquels les élé- triel de Dakar). Elle a un effectif de 78
ments de la GRH sont mobilisés en di- permanents et fait partie des leaders
rection des objectifs de l’entreprise ». de son marché. Les quatre personnes
interviewées sont : le Responsable RH
(RRHCas1), le Directeur technique de
2. Méthodologie production (DTPCas1), le Respon-
sable Qualité (RQCas1), et le Chef du
2.1. Echantillonnage Service Informatique (CSICas1). Le
Cas 2 est une industrie implantée dans
un village de la région de Saint-Louis.
Notre étude empirique porte sur trois Elle compte environ 70 employés et se
cas de PME industrielles sénégalaises situe actuellement au premier rang des
situées respectivement dans la région usines africaines dans son domaine
de Dakar (centre du pays), de Saint- d’activité, Maghreb exclu. Les deux
Louis (nord du pays), et de Ziguinchor entretiens ont été réalisés auprès du
(sud du pays). Le choix de ces trois Responsable RH (RRHCas2) et du Di-
PME s’explique par notre connais- recteur Administratif Régional (DAR-
sance de leur secteur d’activité, leur ré- Cas2). Enfin, le Cas 3 est une industrie
partition géographique, l’accessibilité localisée dans le domaine industriel de
et la disponibilité des données secon- Ziguinchor connu sous le nom de
daires. Elle repose principalement sur SODIZI. Elle est constituée d’environ
la documentation interne et externe re- 20 employés et s’impose sur le marché
cueillie sur ces PME ainsi que les 8 en- local. Les personnes interrogées dans
tretiens semi-directifs menés et répartis cette PME sont le Directeur Administra-
comme suit : 4 dans le premier cas tif et Financier (DAFCas3) et la fille du
(Cas 1), 2 dans le deuxième cas (Cas propriétaire (FPCas3) qui, après avoir
2), et 2 dans le troisième cas (Cas 3). été la Comptable de l’entreprise, oc-
De plus, le choix de ces trois cas d’in- cupe les fonctions de Contrôleuse de
dustries sur l’étendue du pays donne gestion et de Chargée du Suivi des Re-
la possibilité d’appréhender le phéno- couvrements.
mène en tenant compte de leur dispari-
té et d’aboutir à des conclusions beau- Le choix des interviewés et le nombre
coup plus convergentes sur le lien d’entretiens effectués dans chaque cas
entre les pratiques de GRH et la per- sont déterminés suivant un principe de
formance de l’entreprise. saturation de données et d’échantillon-
nage théorique. Cette expression
Le Cas 1 est une industrie localisée d’échantillonnage théorique signifie
dans le domaine industriel de la ré-
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que les personnes, les lieux et les situa- Des données secondaires ont égale-
tions dans lesquelles le chercheur col- ment été recueillies à partir de docu-
lecte des données empiriques, sont ments internes à l’entreprise (rapports
choisis en fonction de leur capacité à d’étude, fiches d’informations), et ex-
favoriser l’émergence et le développe- terne (plaquette, données comptables
ment de la théorie (Glaser, 1978). publiées, articles de presse). De plus
nous avons mené, une observation
non participante. Celle-ci est une
2.2. Méthode, collecte et étape élémentaire de l’investigation
analyse des données sur le terrain destinée à collecter des
données. En effet, lors d’une visite pré-
L’entretien semi-directif a été principa- liminaire des différents lieux d’activité
lement la technique privilégiée pour la de ces PME (bureaux, ateliers, usines,
collecte des données primaires. Elle a etc.), nous observons tout ce qui se
permis, à travers plusieurs interroga- passe autour de nous en prenant des
tions marquées en général par le notes (interactions entre travailleurs,
« comment » et le « pourquoi », d’ob- équipements, affiches, etc.).
tenir des données discursives sur la
configuration des pratiques de GRH et C’est à la suite de cette étape que
son lien avec la performance. Les prin- nous avons procédé à l’analyse des
cipaux thèmes du guide d’entretien données par la méthode de l’Analyse
concernent les pratiques de GRH de Contenu (AC), un outil d’analyse
mises en œuvre, la relation entre les scientifique qui a émergé au début du
pratiques de GRH et leurs perfor- XXème siècle aux Etats-Unis avec
mances, ainsi que les rôles et les comme précurseur à la matière,
tâches effectuées par les différents in- Lasswell. Mais les principes5 de l’AC
terlocuteurs. Les entretiens se sont dé- sont l’œuvre des travaux fondateurs de
roulés dans les locaux des entreprises Berelson (1952) qui la définit comme
suivant une programmation arrêtée de « une technique de recherche pour la
commun accord avec les interviewés description objective, systématique et
(jour, heure). La durée en moyenne de quantitative du contenu manifeste de
ces entretiens est environ 42,5 Mi- la communication ». Comme unité
nutes4. Ils ont tous été enregistrés, et d’analyse, l’analyse textuelle a été pri-
retranscrits intégralement, afin de ne vilégiée au détriment de l’analyse lexi-
rien omettre. cale car, selon Jolibert et Jourdan
(2006), elle permet de faire un décou-
page minutieux du discours quasi-
4 5
Durée moyenne = Durée totale des huit Homogénéité, Exhaustivité, Exclusivi-
entretiens / 8 = 340 Min / 8 = 42,5 Min té, Pertinence et Objectivité des catégories
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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ment, mot par mot. Avec l’analyse tex- préanalyse, sur la relation entre les
tuelle, nous utilisons la phrase ou le re- pratiques de GRH et la performance,
groupement de plusieurs phrases qui et de concocter ainsi des tableaux de
traitent du même thème. Cette tech- résultats et des figures. En effet, nous
nique de découpage des données est, avons effectué le traitement des don-
selon ces auteurs, plus pertinente car nées à l’aide du calcul des fréquences,
elle apporte une information dénuée ce qui permet d’identifier l’importance
d’ambigüités, parfaitement interpré- des thèmes codés. D’après Weber
table et permet d’identifier les trois élé- (1985) « les informations une fois clas-
ments que forment l’acteur (le sujet), sées, l’analyste procède à un calcul
l’action (le verbe) et le récepteur (le des fréquences d’apparition des diffé-
complément). rentes catégories (...) l’objectif est
d’aboutir à une description du contenu
De plus, nous nous sommes conformés des données qualitatives ». Ainsi, nos
aux différentes étapes du déroulement fréquences mettent l’accent sur l’impor-
de l’AC : la préanalyse, l’exploitation tance relative d’un aspect thématique
du matériel, le traitement et l’interpré- en proportion de l’ensemble des
tation des résultats (Bardin, 2013). En thèmes abordés (fréquence du thème /
effet, lors de la première étape, nous fréquences cumulées de tous les
avons choisi d’abord, les documents à thèmes).
soumettre à l’AC (textes d’entretiens re-
transcrits ; données secondaires) et sur Toutefois, notre démarche repose sur
les bases desquels, nous avons réalisé l’abduction qui consiste à émettre des
plusieurs lectures flottantes afin de se conjectures du fait de l’invalidation ex-
familiariser avec les contenus des don- terne de nos résultats, et à leur confé-
nées. Une grille d’analyse thématique rer un statut explicatif ou compréhensif
a permis ensuite de consolider le tra- qui, pour être une loi, nécessite des
vail d’analyse. tests. Selon Peirce (cité par David,
1999) « l’abduction est la seule forme
de raisonnement qui puisse générer
Dans la deuxième phase, nous avons
des idées nouvelles, la seule qui soit,
procédé au codage en relevant toutes
en ce sens, synthétique. [...] Sa seule
les catégories et sous catégories du
justification réside dans le fait qu’elle
matériau brut. Celles-ci sont classées
constitue le seul chemin qui puisse per-
systématiquement et manuellement
mettre d’atteindre une explication ra-
conformément aux principes de l’A.C
tionnelle ».
(Berelson, 1952).
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En effet, après avoir identifié des pra- exemple, le RRHCas1 affirme : « Nous
tiques de GRH au sein de l’entreprise, sommes dans un processus qualité et
un calcul des fréquences a été effectué nous sommes certifiés ISO/9001 et
pour se faire une idée de leur impor- donc là, nous avons l’obligation de
tance au travers des interviews. Ainsi, mettre en œuvre annuellement un plan
l’apparition d’une catégorie dans plu- de formation (…) pour permettre au
sieurs entretiens avec une fréquence personnel de se mettre à niveau, d’être
élevée suppose qu’elle est importante. au diapason de l’évolution (…) nous
Cette démarche de l’analyse de conte- organisons chaque année, pour
nu permet de classer les différentes chaque service ou département, des
pratiques de GRH selon leur ordre formations pour le personnel de
d’importance stratégique. Au total, 8 base ».
pratiques de GRH ont été identifiées.
L’importance accordée à la formation A la réponse de l’existence d’un plan
du personnel (38,36%) se justifie forte- de formation des ressources humaines,
ment par les nouvelles préoccupations le DARCas2 nous dit : « Tout à fait!
des PME au Sénégal qui s’inscrivent On attache beaucoup d’importance à
dans une démarche de certification cette formation continue au niveau de
qualité, ou qui cherchent à accroitre l’entreprise parce qu’il nous arrive
les compétences de leur personnel par même, des fois d’envoyer nos techni-
le biais de la formation continue. Par ciens à l’extérieur pour s’améliorer,
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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pour se former dans les nouvelles tech- Mais, lorsqu’une PME désire recruter
nologies. Il arrive aussi des fois qu’on un nouvel employé, elle utilise diffé-
les envoie dans des centres de perfec- rents techniques et outils de sélection
tionnement à Dakar qui sont spéciali- (l’analyse des curriculum vitae ou des
sés dans ces formations pendant une formulaires de demande d’emploi en
période déterminée, sur un module dé- identifiant un niveau minimal d’expé-
terminé, on les envoie quelques temps rience et de scolarité), et réalisent des
et ensuite, ils reviennent ». entretiens ou des mises en situation
réelles (pour la validation du proces-
sus de sélection).
Le DAFCas3 nous témoigne en fait
que : « A vrai dire hein! Parce que
pour la performance d’une entreprise, Pour le RRHCas2, tout dépend du type
cela doit nécessairement passer par la de personnel qu’on veut recruter parce
performance de ses ressources hu- que : « il y a un type de personnel ef-
maines, la qualité de ses ressources fectivement pour lequel, il faut un en-
humaines. Moi qui vous parle, j’ai été tretien, il faut des tests de niveau tout
formé ici en partie. On a reçu ça. Mais il y a un autre type de per-
quelqu’un qui nous a fait une forma- sonnel pour lequel, il faut les mettre à
tion, pour tout le monde ». Ces témoi- l’œuvre ; pour les saisonniers et même
gnages émanant des praticiens dès fois pour les permanents. Par
montrent donc que les activités de for- exemple pour un soudeur, un entretien
mation sont au cœur des choix straté- ne permet pas de déterminer ses capa-
giques effectués par les dirigeants cités donc il faut les mettre à l’œuvre
pour développer leurs PME. … dès fois, on leur fait un contrat à du-
rée déterminée le temps de l’observer,
Les activités de recrutement et de sélec- de voir s’il nous convient et s’il s’in-
tion viennent en deuxième position en tègre effectivement dans la politique
termes de classement fréquentiel de l’entreprise ».
(13,44%). Ces pratiques de GRH ri-
ment bien avec les pratiques de forma- De plus, il arrive que les PME recrutent
tion lorsque l’entreprise oriente ses in- leur personnel via des entreprises inté-
vestissements dans la qualification et rimaires. C’est le cas du DAFCas3 qui
le développement de ses compétences affirme que : « Bon, pratiquement je
humaines (Molina, 2015). D’après le suis la dernière personne à venir ici.
RRHCas1, l’entreprise est orientée vers Alors j’ai accéder ici par le biais d’un
une compétitivité qualité et prend par cabinet ; un cabinet qui se trouve à
conséquent le soin de mettre à sa dis- “TILENE”, c’est un cabinet d’intérim ».
position des salariés plus qualifiés. La Dans cette série de témoignages, nous
promotion interne est privilégiée. découvrons aussi que les petites et
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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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Les pratiques liées à la communication qui est plus en phase avec les poli-
ont tendance à se formaliser de plus tiques de rémunération incitatives mise
en plus dans les PME étudiées. Ce qui en œuvre dans les Cas 1 et 2. Elle pré-
pourrait expliquer le degré d’impor- occupe beaucoup leurs responsables
tance de 11,15% accordé à la sous- du personnel. Celui du Cas 1 explique
catégorie communication qui est d’ail- qu’elle joue un rôle important avec
leurs énoncée par tous nos huit inter- l’appropriation des objectifs de l’entre-
viewés. Elle est caractérisée par des prise par les employés. Les pratiques
réunions ponctuelles, le recueil des de motivation dans cette PME sont de
suggestions des employés pour amé- nature promotionnelle et pécuniaire. Il
liorer la production ou les services, la qualifie la motivation ainsi : « la moti-
sensibilisation, la résolution des vation est nécessaire pour participer
conflits internes et l’utilisation des de manière efficace à l’élaboration de
moyens de communication, particuliè- la production de biens et services de
rement l’internet pour opérer avec ses qualité aptes à satisfaire de manière
partenaires. Pour le CSFCas1 : « l’utili- efficace, les besoins de la clientèle
sation de l’ordinateur facilite la com- […] mais on ne peut pas motiver des
munication avec les fournisseurs et gens si on ne leur fait pas comprendre
clients… ». cette nécessité d’appropriation des ob-
jectifs de l’entreprise… ».
Le DARCas2 déclare : « il y a des
Le RRHCas2 commente : « chacune a
questions qui demandent disons des
sa manière de motiver son personnel,
avis des autres structures. Là entre res-
sa politique de motivation… Il ne
ponsables, on se réuni, on pose le pro-
s’agit pas de donner tout le temps de
blème, on discute, on trouve une solu-
l’argent à la personne pour la motiver.
tion. On fait des réunions pério-
Quand je dis donner de l’argent, c’est
diques ». Dans le même sens, le DAF-
quand-t-on parle d’augmentation de
Cas3 affirme : « si on a une informa-
salaire. A la fin de la campagne, il y a
tion à faire passer soit, on va au
des primes de fin de campagne et tout
tableau d’affichage on affiche, sinon
ça. On leur dit ok c’est bien mais ça
on appelle les trois délégués (syndi-
ne se limite pas à ça […] quand vous
caux) ainsi que leurs suppléants […]
faites un travail et qu’on vienne vous
même s’ils ne sont pas d’accord, ils
dire que vous avez fait du bon boulot,
nous disent là où ils ne sont pas d’ac-
vous voyez ce que ça peut faire à une
cord et je vais voir […] mais souvent, il
personne! Ça c’est d’abord une
n’y a pas de bras de fer… ».
source de motivation, c’est la recon-
naissance… ».
Pour ce qui est de la motivation du per-
sonnel (08,85%), c’est une pratique
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Le DARCas2 rajoute en nous démon- dans ce que vous faites… c’est l’impli-
trant comment ils arrivent à motiver et cation de tous les employés qui garan-
à jouer sur leur performance socia- tit l’efficacité et qui assurera le déve-
le : « nous avons une coopérative loppement et la pérennité de notre en-
d’habitat ici […] où la majorité des treprise… ».
gens ont acquis des parcelles de
terres. Donc tout ça, moi je le mets Les faibles fréquences d’apparitions
dans le cadre d’essai de motivation, des sous-catégories « évaluation »
d’accompagnement du personnel et (05,57%) et « partage du bénéfice »
pour le rendre, disons, plus perfor- (02,62%) laissent penser que les inter-
mant… je trouve quand même que ce viewés accordent moins d’importance
sont des actions qui sont importantes à ces types de pratique. Toutefois, ces
surtout dans le cadre sénégalais. Ça pratiques existent dans les cas étudiés.
participe à la performance sociale, à Par exemple le RQCas1 informe que
la fidélisation aussi. Je pense que sur leur entreprise dispose deux tech-
le plan social, on fait énormément de niques d’évaluation : à court terme ou
choses quand même ». Ces politiques à chaud et à long terme ou à froid.
de motivation ont la propension à Cela consiste notamment à mesurer
rendre le personnel impliqué dans leur l’impact des formations que le person-
travail et l’atteinte des objectifs de l’en- nel a suivi sur le rendement et la quali-
treprise. té du travail afin de vérifier leur perti-
Le rapprochement subséquent entre les nence.
sous-catégories « motivation » et « im-
plication » semble logique. La fré- De plus, pour nous expliquer comment
quence d’apparition accordée à l’im- ils évaluent leur personnel, le DAF-
plication du personnel est égale à Cas3 nous répond ceci : « La producti-
07,54%. En fait, elle est perçue vité personnelle quoi! La productivité
comme la conséquence d’une bonne par travailleur […] on peut dire pour
politique de motivation. Le discours de ce mois par exemple, en terme de pro-
la FPCas3 va dans ce sens : « pour les ductivité personnelle, voilà ce que le
primes et autres, parfois c’est tempo- travailleur est capable de produire
raire [...] ils ont eu à insérer ce sys- […] c’est en termes du nombre
tème-là dans le domaine commercial d’heures de travail et en fonction aussi
pour un peu motiver les agents com- de la production. Par exemple si vous
merciaux à s’impliquer dans la vente passez dans le secteur de l’huilerie, un
du savon ». Il faut cependant veiller à ouvrier vous dira qu’en moyenne dans
l’implication effective du personnel. le mois je suis capable de produire
D’après le RQCas1 : « il faut toujours tant, ou bien par jour. Si tout se passe
s’assurer que le personnel est impliqué bien, il n’y a pas de coupures élec-
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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triques tout ça, les journaliers qui se lonté de promouvoir les meilleurs ».
trouvent au secteur de l’huilerie font Dans le Cas 2, le RRHCas2 nous ap-
par exemple 105 sacs par jour ». prend que « le travailleur a sa part du
bénéfice » et ceci constitue pour lui
Concernant le partage du bénéfice, une source de motivation. En re-
c’est une pratique qui permet de moti- vanche, nous n’avons pas perçu cette
ver le travailleur. Elle est innovante et pratique dans le Cas 3.
récente dans le Cas 1. Par exemple, le
RRHCas1 révèle que : « cette année- En définitive, l’analyse du tableau 1
ci, chacun a eu un mois de gratifica- permet de définir deux catégories prin-
tion parce que parce que les résultats cipales de pratiques de GRH : innova-
sont bons […] ça veut dire que l’entre- trice ou mobilisatrice (voir le tableau
prise est prête à partager les bénéfices 2). La question qui se pose alors est la
qui sont le fruit du travail de tout le manière dont elles participent à la per-
monde, ok! Mais il y a en plus une vo- formance.
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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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L’importance des rôles joués par les innovatrices comme la formation géné-
pratiques de GRH identifiées a été rale, le recours à des procédures for-
mise en évidence dans les trois cas melles d’évaluation des employés, le
étudiés. En effet, dans tous les cas, les recrutement et la sélection, ainsi que la
pratiques de GRH sont considérées communication. Ce sont ces deux rôles
comme une source de compétitivité. qui permettent aux PME étudiées de
L’étude montre clairement que l’avan- construire leur avantage compétitif en
tage compétitif des PME repose sur la améliorant leur flexibilité, la producti-
vision de leurs dirigeants d’intégrer vité, la qualité de leur travail, ainsi
dans leurs politiques générales un sys- que celle de leurs produits et services.
tème de pratiques de GRH. De plus, La GRH joue ainsi, un rôle prépondé-
lorsqu’on s’intéresse aux impacts des rant dans l’atteinte des objectifs de
pratiques de GRH, ces dernières compétitivité de ces PME.
doivent comme un « Système » de pra-
tiques, et non de manière individuelle. Au terme donc de cette étude, nous
avançons donc que les pratiques de
Il apparaît donc que la GRH améliore GRH innovatrices (formation générale,
la performance en jouant deux rôles procédures formelles d’évaluation, re-
principaux et concomitants. Il s’agit crutement et sélection, communication)
d’une part de renforcer la mobilisation et mobilisatrices (motivation, implica-
des employés dans leur travail avec tion, partage du bénéfice et rémunéra-
des pratiques de GRH comme la moti- tion), ancrées dans la vision du diri-
vation, l’implication, le partage du bé- geant et évoluant sous forme de sys-
néfice et la rémunération des em- tème, permettent à la PME industrielle
ployés. D’autre part, la GRH doit avoir de consolider son avantage compétitif
pour objectifs de renforcer la compé- et d’asseoir ses performances sociales,
tence des ressources humaines en met- organisationnelle et financière.
tant l’accent sur des pratiques de GRH
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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Elle demeure une parfaite illustration En se basant sur l’idée selon laquelle
des résultats obtenus. Dans cette ap- l’intérêt, en stratégie, se porte sur les
proche, Meyer et al. (1993) s’inté- compétences organisationnelles sus-
ressent à l’impact d’un ensemble de ceptibles de fonder un avantage
variables indépendantes sur une va- concurrentiel (Prahalad et Hamel,
riable dépendante, plutôt qu’au lien in- 1990 ; Sanchez et Heene 1997),
dividuel qu’entretiennent diverses va- alors nous pouvons parler de gestion
riables indépendantes avec une va- stratégique des ressources humaines
riable dépendante. De plus, selon au sein des PME étudiées. En effet,
Baird et Meshoulam (1988), les pra- nous avons tout au long de ce travail
tiques de GRH doivent être cohérentes démontré l’orientation stratégique des
verticalement avec les autres caracté- PME vers le développement des com-
ristiques de l’organisation mais égale- pétences humaines en appliquant des
ment horizontalement pour assurer une pratiques de GRH innovatrices et mo-
complémentarité entre les pratiques. bilisatrices pour construire leur avan-
Nos résultats confortent cette affirma- tage compétitif. En GSRH, les pra-
tion car l’étude de cas a permis tiques de GRH identifiées sont souvent
d’identifier que deux ensembles de désignées par « high-commitment
pratiques de GRH (innovatrices et mo- practices » (Walton, 1985), ou « high
bilisatrices), cohérentes entre elles et involvement management practices »
avec les objectifs stratégiques des (Lawler, 1992), ou bien « high perfor-
PME. Le modèle, retranscrit dans la fi- mance management practices » (Way,
gure 1, montre bien que ces deux en- 2002). Elles peuvent concerner par
sembles de pratiques de GRH sont exemple, l’investissement en forma-
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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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tion, la mise en place d’une meilleure tiques dites innovantes dans les entre-
organisation du travail, l’encourage- prises étudiées et remarquent que ces
ment à la participation, le partage de pratiques ont des effets positifs sur leur
l’information et l’instauration d’une ré- performance.
munération liée à la performance
(Beaupre et Cloutier, 2007).
La théorie basée sur les
La GSRH suppose aussi que la réalisa- ressources (RBV)
tion d’un système de pratiques de
GRH cohérent en interne et qui vise à
faire des travailleurs une source Les pratiques de GRH qui mobilisent
d’avantage compétitif, en stimulant les ressources humaines sont souvent
leur engagement et en développant considérées comme une source
leurs compétences, est le seul moyen d’avantage compétitif et de meilleure
d’accroître les performances écono- performance (Barney et Wright,
mique et sociale des entreprises (Bar- 1998). Selon les travaux de Regina
raud-Didier et al., 2003 ; Beaupre et (2010), une entreprise ne peut bâtir
Cloutier, 2007). Dans cette optique, son avantage compétitif que sur la
l’analyse du modèle de contribution base des ressources internes valori-
des pratiques de GRH montre que sables, rares, non imitables, non subs-
l’avantage compétitif fondé sur un sys- tituables et non transférable (VRIST).
tème de pratiques de GRH se traduit De même, Wright et al. (1994) ont
par une amélioration de la perfor- présenté un modèle de maintien de
mance sociale (bon climat social, tur- l’avantage compétitif par les res-
nover, absentéisme), de la perfor- sources humaines dans lequel les
mance organisationnelle (qualité, sa- connaissances, les habilités et les apti-
voir-faire, productivité) et de perfor- tudes jouent un rôle majeur. Ils sou-
mance financière (augmentation du lignent que les pratiques de GRH sont
chiffre d’affaires) rendant ainsi l’entre- nécessaires pour construire et valoriser
prise compétitive. En guise d’exemple, les caractéristiques individuelles liées
Cerdin et Som (2005) ont analysé aux compétences et aux comporte-
l’évolution des pratiques de GSRH ments. Dans ce sillage, nos résultats
dites innovantes (organisation du soutiennent aussi que les PME
temps de travail, recrutement, forma- construisent leur avantage compétitif
tion et redéploiement, promotion, éva- sur la base de leurs ressources in-
luation de la performance, rémunéra- ternes, notamment les ressources hu-
tion) auprès de 28 grandes entreprises maines. En conséquence, la complé-
françaises et PME. Ces auteurs mentarité des pratiques de GRH mobi-
montrent une tendance vers les pra- lisatrices et innovatrices constitue pour
elles une barrière à l’imitation. Autre-
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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ment dit, le temps pris par les PME et cer les aptitudes des employés par le
les moyens qu’elles déploient pour biais de la mobilisation et de la qualifi-
mettre en place un système de pra- cation. Selon Teece et al. (1997), ce
tiques de GRH leur confère un avan- sont ces aptitudes des ressources hu-
tage difficile à répliquer par leurs maines qui définissent tout processus
concurrents. D’après Becker et Gerhart de transformation, et de reconfigura-
(1996), ils vont mettre du temps pour tion des capacités organisationnelles
comprendre ce système et l’appliquer. permettant à l’entreprise de faire face
A ce propos, Dierickx et Cool (1989) à l’instabilité de son environnement.
avancent que des concurrents n’auront Cette approche des capacités dyna-
pas les mêmes résultats lorsqu’ils es- miques permet donc de mieux com-
sayeront de rattraper leur retard en al- prendre la relation entre les pratiques
louant les mêmes ressources qu’une de GRH identifiées et la compétitivité
entreprise qui a mis plusieurs années des PME. Par exemple, les travaux de
pour mettre en œuvre un système de Diouf (2012) sur les rôles de la GRH
GRH. En conséquence, toute tentative dans le processus de création de va-
pour réduire la durée de mise en place leur des PME sénégalaises montrent
de ce système de pratique de GRH en- que le développement des capacités
traîne des résultats inférieurs à ceux dynamiques repose sur un système de
obtenus par l’entreprise ciblée (Regi- pratiques de GRH. Pour cet auteur,
na, 2010). c’est le fait que ces pratiques de GRH
soient soutenues par les dirigeants qui
permettrait à l’entreprise de garder un
La théorie des Capacités avantage concurrentiel durable.
dynamiques
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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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Cette recherche n’est bien sûr pas BARDIN, L. (2013), L’analyse de contenu, Pa-
exempte de limites. Une première li- ris : Presse Universitaire de France.
mite est liée à la stratégie d’accès à la
BARNEY, JB., WRIGHT, PM. (1998), On beco-
réalité. L’usage de trois cas de PME in- ming a strategic partner : The role of human re-
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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