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PRATIQUES DE GRH ET PERFORMANCE DES PME INDUSTRIELLES


AU SÉNÉGAL
Mouhameth Dieme, Lubica Hikkerova, Bassirou Tidjani

Association de recherches et publications en management | « Gestion 2000 »

2017/3 Volume 34 | pages 113 à 135


ISSN 0773-0543
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-gestion-2000-2017-3-page-113.htm
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Pour citer cet article :


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Mouhameth Dieme et al., « Pratiques de GRH et performance des PME industrielles
au Sénégal », Gestion 2000 2017/3 (Volume 34), p. 113-135.
DOI 10.3917/g2000.343.0113
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Mouhameth Dieme
Laboratoire SERGe (Saint-Louis
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Etudes et Recherches en
Gestion), UGB, Sénégal

Lubica Hikkerova
IPAG Business School Paris

Bassirou Tidjani
Ecole Supérieure
Polytechnique, Université
Cheikh Anta Diop, Dakar,
Sénégal

Pratiques de GRH et
performance des PME
industrielles au Sénégal

Introduction technologique. Ces changements envi-


ronnementaux survenus durant ces der-
nières décennies ont contribué à modi-
L’étude des relations entre la GRH à la fier les conditions de réussite des entre-
performance de l’entreprise a donné prises, obligeant plusieurs d’entre elles
lieu à une abondante littérature dans à réviser leurs stratégies, leur structure
le champ du management stratégique et leurs façons de faire (Bchini et al.,
des ressources humaines (Becker et 2016 ; Snow et al., 1992). Cela
Gerhart, 1996 ; Wright et McMahan, oblige également les PME à se pen-
1992). C’est dans ce sillage que s’ins- cher de plus en plus sur leur mode de
crit cette recherche qui participe au gestion des ressources humaines
débat par la mise en évidence d’un (GRH) et à mettre en place des pra-
modèle type de configuration de pra- tiques visant à attirer, mobiliser et fidé-
tiques de GRH qui sous-tend la perfor- liser les employés sur lesquels reposent
mance de PME localisées au Sénégal. les compétences et les savoir-faire or-
En effet, les ressources humaines (RH) ganisationnels (Martin, 2014). D’ail-
apparaissent dans la littérature en leurs, des études montrent que dans le
sciences de gestion, comme un facteur contexte des PME, le simple fait d’im-
de première importance de compétiti- planter ou d’améliorer certaines pra-
vité et de performance des organisa- tiques pourrait suffire à conférer un
tions, laquelle se trouve chamboulée avantage vis-à-vis des concurrents (Hu-
avec l’ouverture des marchés, l’intensi- selid et al., 1997).
fication de la concurrence et l’essor

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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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Le choix, dans cette étude, de se foca- Dans cet article, une approche qualita-
liser sur les PME découle du fait tive est privilégiée en étudiant trois cas
qu’elles représentent l’essentiel du tissu de PME industrielles implantées au Sé-
industriel dans la plupart des pays, no- négal. Un total de huit entretiens semi-
tamment au Sénégal où elles consti- directifs ont été réalisés dans ces
tuent 90% des entreprises1. De plus, firmes avec le personnel cadre et diri-
leur énorme potentiel de croissance geant. Les données recueillies ont été
économique, de création d’emplois et essentiellement analysées et traitées
d’intégration économique sous régio- par la méthode d’Analyse de Contenu
nale en font un objet d’étude crucial. (AC).
C’est une des raisons pour laquelle
plusieurs appels répétés sont lancés en La structure de l’article est la suivante.
faveur d’un accroissement de la re- D’abord, l’état de l’art est abordé sous
cherche en contexte de PME (Fabi et l’angle des concepts de performance,
al., 2004 ; Kuratko et Hornsby, de PME, et de la relation entre la GRH
2003 ; Katz et al., 2000). Dès lors, la et la performance. Ensuite, la métho-
problématique de la performance des dologie est explicitée. Puis nous pré-
PME est devenue une préoccupation sentons et discutons les résultats obte-
majeure pour les dirigeants et cher- nus.
cheurs.

Si plusieurs auteurs admettent l’effet 1. Revue de la littérature


positif des pratiques de GRH sur la
performance de l’entreprise (Sahut, 1.1. Quelle approche de la
2010 ; Regina, 2010 ; Tidjani, performance ?
2000 ; Barney et Wright, 1998 ; Ha-
mel et Prahalad, 1994), le modèle
configurationnel qui explique cet effet La notion de performance fait depuis
demeure encore mal connu dans le fort longtemps débat en sciences de
cas des PME des pays en voie de dé- gestion. En effet, la revue de la littéra-
veloppement. Cela nous a amené à ture exhibe une variété de mesures de
poser la question de recherche cen- ce concept mais aussi une confusion
trale suivante : Quel type de modèle quant à son contenu (Quinn et Rohr-
configurationnel des pratiques de baugh, 1983 ; Arcand, 2000). Les dé-
GRH participe à la performance dans finitions utilisées dans différents tra-
le cas des PME au Sénégal ? vaux en sciences de gestion suggèrent
une immense potentialité de valorisa-
tion de ce terme. Chaque auteur déve-
1 loppe une dimension qui est souvent
Rapport du gouvernement sénégalais :
le Plan Sénégal Emergent (PSE, 2014). très flexible (Quach, 2006). Selon

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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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Hounkou (2011), sa construction dé- formantes (Dussauge, 1986). Les


pend de la façon dont on perçoit la ré- études réalisées par Berthoumieu et
alité dans un milieu spécifique. Dans Bouët (2017) montrent que la compéti-
cet article, la performance est com- tivité est l’aptitude pour une entreprise,
prise sous l’angle de la compétitivité un secteur ou l’ensemble des entre-
qui parmi tant d’autres mesures de- prises d’une économie à faire face à
meure une préoccupation majeure la concurrence effective ou potentielle.
pour les industries soumises à la C’est également, la capacité de pro-
concurrence. duire de manière efficiente des biens
et des services à commercialiser sur
les marchés locaux et internationaux.
La compétitivité est un indicateur poly-
De même, selon l’analyse porte-
sémique qui dépend de la nature et
rienne2, la compétitivité rend compte
des caractéristiques de l’environne-
ment concurrentiel où évolue l’entre- de la capacité à accroître ou à mainte-
prise. D’après les travaux du cabinet nir des positions sur des marchés do-
PriceWaterhouseCoopers (Ternisien et mestiques ou d’exportation. Cepen-
al., 2001), la compétitivité est une dant, si cette vision externe de Porter
compétence dont dispose une entre- privilégie la structure et le contexte
prise et se caractérise par un avan- concurrentiel, l’analyse des ressources
tage par rapport aux compétiteurs de et compétences vient la compléter en
son marché. Pour Bergeron (2006), la traitant directement de la dimension
compétitivité se mesure par l’intensité de l’organisation interne sans détermi-
de la concurrence sur les prix. C’est nisme de taille, et sans créer un cadre
aussi une remise en cause sans cesse ; conceptuel et explicatif qui lui serait
l’entreprise doit innover en perma- spécifique (Torres, 1997). En défini-
nence pour se différencier (Coulet, tive, le succès d’une entreprise dépen-
2014). drait d’une utilisation efficace et effi-
ciente de ses ressources et compé-
tences conformément à la stratégie
Ardoin et al. (2005) présentent diffé- mise en œuvre par les dirigeants (Bchi-
rentes facettes du concept de compéti- ni et al., 2016).
tivité. Pour eux, l’entreprise la plus
compétitive est celle qui dispose de
l’expérience cumulée la plus forte et,
par approximation, de la part de mar-
ché la plus importante. Une autre défi-
nition considère que l’entreprise la
plus compétitive n’est pas celle qui a
les coûts les plus bas, mais celle qui
2 Alain JM Bernard (2010)
dispose des technologies les plus per-

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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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1.2. Notion de PME : quelle Mais, suivant le contexte, d’autres cri-


définition sénégalaise ? tères peuvent être mobilisés. Dans le
contexte sénégalais, l’adoption de la
Charte des PME (Mars 2003) vient ré-
La première revue spécialisée dans les
gler définitivement le problème qui em-
PME est parue en 1952 avec comme
pêchait de circonscrire cette catégorie
titre « Internationales Gewerbearchiv.
d’entreprises dans un cadre précis, fa-
Zeitschrift fur Klein und Mittelun-
cilement maîtrisable et favorisant leur
ternehmen » (Torres, 1997). Depuis, la
promotion et par conséquent, leur dé-
communauté scientifique ne cesse de
veloppement. Ainsi, renforcée plus
s’intéresser à ce type d’entreprise
tard par la loi d’orientation 49/2007,
comme objet de recherche pour trou-
la charte définit la PME comme « toute
ver des facteurs et éléments liées à leur
personne physique ou morale, produc-
performance. Comme les PME oc-
trice de biens ou de services mar-
cupent de nos jours une place prépon-
chands dont les critères distinctifs sont
dérante dans la plupart des économies
précisés aux articles trois (03) et
des pays, cet intérêt est grandissant.
quatre (04)» de ladite charte. Cette
Au Sénégal par exemple, elles repré-
définition fixant des seuils d’effectif, de
sentent 90% du tissu des entreprises et
chiffre d’affaires, et d’investissement
un potentiel énorme de création d’em-
ainsi que des règles sur la tenue de la
plois et de richesse3.
comptabilité est toujours en vigueur et
valable dans le contexte sénégalais.
Cependant, la définition de la PME a
été pendant très longtemps, à l’origine
de beaucoup de controverses. Ainsi,
1.3. GRH et Performance
dans ses explorations, Duchéneaut
(1995) fait un constat unanime sur
l’hétérogénéité des définitions. Il pré- Traditionnellement, la fonction RH s’est
sente, après avoir repris plusieurs défi- occupée de la gestion essentiellement
nitions, les principaux critères de PME. administrative des ressources hu-
Il s’agit de critères qualitatifs (notam- maines en les contrôlant pour minimi-
ment la propriété du capital, les ser leurs coûts (Huselid et al., 1997).
risques et responsabilités personnels Pour les partisans de la gestion straté-
pris par le dirigeant) et quantitatifs (ef- gique des RH (Becker et Huselid,
fectif et chiffre d’affaires principale- 2006 ; Guerin et Wils, 2006), le capi-
ment). tal humain est une ressource dans la-
quelle il faut investir en mobilisant un
ensemble de pratiques stratégiques
3 afin d’attirer, de développer et de rete-
Selon la loi d’orientation 49/2007 du
Sénégal nir les meilleures compétences dans le

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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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but d’améliorer la performance de minant. Les travaux de Liouville et


l’entreprise (Wright et McMahan, Bayad (2001), montrent en particulier
1992). Cependant, le mode d’arri- que l’influence des pratiques de GRH
mage entre les stratégies d’affaires est modulée par la stratégie de l’entre-
poursuivies et les pratiques de GRH prise, confirmant ainsi l’intérêt des ap-
mises en place occupe une place im- proches en termes de « configura-
portante dans ces discussions. Dans tions ».
cette optique, plusieurs auteurs ont ten-
té d’intégrer les approches dites « uni- S’agissant de la compétitivité propre-
versaliste », « contingentielle» et ment dite, plusieurs auteurs ont mis en
« configurationniste » (Martin et al., évidence sa relation positive avec la
2005). Cela implique la prise en GRH (Barney & wright, 1998 ; Hamel
compte simultanée de plusieurs dimen- & Prahalad, 1994). Il faut cependant
sions de l’entreprise. noter que les recherches empiriques
relatives à cette question débouchent
L’approche universelle défend l’idée sur des résultats contradictoires (Bec-
que la mise en œuvre de certaines ker & Gerhart, 1996). Une hypothèse
pratiques de GRH contribue nécessai- souvent avancée pour justifier ces ré-
rement à une meilleure performance sultats repose sur le classement en
de la firme. Pour l’approche qualifiée deux modèles de la GRH. Dans le pre-
de contingence, les pratiques de GRH mier modèle, qualifié de « contrôle »
doivent être cohérentes avec la straté- (Arthur, 1994) ou « technique » (Huse-
gie de l’entreprise pour contribuer à la lid, 1997) ou encore « administratif »
performance (Schuler, Macmillan, (Youndt et al, 1996), le personnel est
1984). Quant à la perspective confi- considéré comme un coût à minimiser.
gurationnelle, les pratiques de GRH Dans le second modèle, le personnel
doivent être cohérentes entre elles est perçu comme un investissement fa-
(« Internal fit ») tout en étant adaptées vorisant la création de valeur (Sahut,
à la nature de l’avantage concurrentiel 2010), ce qui conduit à encourager le
recherché par l’entreprise (« External développement du personnel. En
fit ») (Baird et Meshoulam, 1988 ; outre, les recherches faites par Arthur
Young et al., 1996). Dans cette pers- (1992) et Guthrie et al. (2002) sur le
pective, Michie et Sheehan (2005) af- rapport entre GRH et compétitivité sou-
firment que les pratiques de GRH ne tiennent que les firmes qui optimisent
contribuent pas en elles-mêmes à la une compétitivité-coût auront des pra-
performance économique de la firme tiques de GRH orientées vers le recru-
mais que c’est leur adéquation en tant tement de salariés peu qualifiés pour
que système cohérent avec l’avantage lesquels les efforts de formation à faire
concurrentiel recherché qui est déter- sont faibles et l’exigence d’implication

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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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est limitée. Mais, pour les firmes qui vailleurs. Au Cameroun, l’essentiel des
veulent une compétitivité-qualité, elles études sur ce type d’entreprise fait ré-
doivent mobiliser des pratiques de férence à une tentative de définition et
GRH qui contribuent à l’avantage de spécification, mais également à
concurrentiel recherché. une caractérisation des modes de gou-
vernance ayant permis de mettre en
exergue la dimension culturelle (Feud-
Dans le contexte des PME, les travaux
jo, 2006). De même, certaines re-
de l’Organisation de Coopération et
cherches menées au Bénin ont permis
de Développement Economique (OC-
de conclure que la GRH pratiquée
DE, 2001) ont montré que ces der-
dans les entreprises béninoises les plus
nières possèdent un potentiel, se tra-
performantes résulte de l’alchimie réa-
duisant par des compétences hu-
lisée par le DRH, qui intègre les dimen-
maines, sources de valeur. Toutefois,
sions culturelles de son environnement.
les recherches réalisées dans différents
Il ne s’agit pas d’une GRH qui adopte-
pays d’Europe (France, Royaume-Uni)
rait systématiquement les outils et tech-
et d’Amérique du Nord (Canada,
niques modernes, ni d’une GRH qui
États-Unis) ont effectivement permis
s’adapterait totalement à la culture lo-
d’observer que les PME manufactu-
cale (Hounkou, 2006).
rières investissant dans les pratiques
de GRH en retirent des résultats tan-
gibles (Regina, 2010 ; Fabi et al., Parmi les travaux réalisés dans le
2006 ; Way, 2002 ; Liouville et champ des PME sénégalaises, les ré-
Bayad, 1995). sultats obtenus par Diouf (2012) sur la
relation entre les pratiques de GRH et
Pour ce qui est du cas particulier de la performance montrent que ces en-
l’Afrique, Tidjani (2006) stipule que treprises créeraient de la valeur, en fai-
« la qualité de la GRH dépend des ni- sant jouer à la GRH les deux rôles
veaux de performance économique de concomitants de développement de
l’entreprise : ainsi, des performances compétences distinctives et d’organisa-
économiques élevées conduiront à une tion interne du travail.
bonne prise en compte des besoins du
personnel ». Dans les pays maghré- Dans cette perspective, notre étude
bins, les recherches menées par Mat- propose une compréhension du méca-
mati (2005) mettent en évidence deux nisme par lequel les dirigeants de PME
catégories de PME : celles qui sont res- boostent leur performance, en l’occur-
tées au niveau de l’administration du rence leur compétitivité, à partir d’une
personnel (qui sont les plus nom- mobilisation de pratiques de GRH.
breuses) et celles qui tendent vers un D’après Tidjani et al. (2008) : « il
renforcement des compétences des tra- n’est pas possible d’arriver à une

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bonne théorie de cette relation sans gion de Dakar connu sous le nom de
une bonne compréhension des proces- SODIDA (Sociétés du Domaine Indus-
sus complexes par lesquels les élé- triel de Dakar). Elle a un effectif de 78
ments de la GRH sont mobilisés en di- permanents et fait partie des leaders
rection des objectifs de l’entreprise ». de son marché. Les quatre personnes
interviewées sont : le Responsable RH
(RRHCas1), le Directeur technique de
2. Méthodologie production (DTPCas1), le Respon-
sable Qualité (RQCas1), et le Chef du
2.1. Echantillonnage Service Informatique (CSICas1). Le
Cas 2 est une industrie implantée dans
un village de la région de Saint-Louis.
Notre étude empirique porte sur trois Elle compte environ 70 employés et se
cas de PME industrielles sénégalaises situe actuellement au premier rang des
situées respectivement dans la région usines africaines dans son domaine
de Dakar (centre du pays), de Saint- d’activité, Maghreb exclu. Les deux
Louis (nord du pays), et de Ziguinchor entretiens ont été réalisés auprès du
(sud du pays). Le choix de ces trois Responsable RH (RRHCas2) et du Di-
PME s’explique par notre connais- recteur Administratif Régional (DAR-
sance de leur secteur d’activité, leur ré- Cas2). Enfin, le Cas 3 est une industrie
partition géographique, l’accessibilité localisée dans le domaine industriel de
et la disponibilité des données secon- Ziguinchor connu sous le nom de
daires. Elle repose principalement sur SODIZI. Elle est constituée d’environ
la documentation interne et externe re- 20 employés et s’impose sur le marché
cueillie sur ces PME ainsi que les 8 en- local. Les personnes interrogées dans
tretiens semi-directifs menés et répartis cette PME sont le Directeur Administra-
comme suit : 4 dans le premier cas tif et Financier (DAFCas3) et la fille du
(Cas 1), 2 dans le deuxième cas (Cas propriétaire (FPCas3) qui, après avoir
2), et 2 dans le troisième cas (Cas 3). été la Comptable de l’entreprise, oc-
De plus, le choix de ces trois cas d’in- cupe les fonctions de Contrôleuse de
dustries sur l’étendue du pays donne gestion et de Chargée du Suivi des Re-
la possibilité d’appréhender le phéno- couvrements.
mène en tenant compte de leur dispari-
té et d’aboutir à des conclusions beau- Le choix des interviewés et le nombre
coup plus convergentes sur le lien d’entretiens effectués dans chaque cas
entre les pratiques de GRH et la per- sont déterminés suivant un principe de
formance de l’entreprise. saturation de données et d’échantillon-
nage théorique. Cette expression
Le Cas 1 est une industrie localisée d’échantillonnage théorique signifie
dans le domaine industriel de la ré-

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que les personnes, les lieux et les situa- Des données secondaires ont égale-
tions dans lesquelles le chercheur col- ment été recueillies à partir de docu-
lecte des données empiriques, sont ments internes à l’entreprise (rapports
choisis en fonction de leur capacité à d’étude, fiches d’informations), et ex-
favoriser l’émergence et le développe- terne (plaquette, données comptables
ment de la théorie (Glaser, 1978). publiées, articles de presse). De plus
nous avons mené, une observation
non participante. Celle-ci est une
2.2. Méthode, collecte et étape élémentaire de l’investigation
analyse des données sur le terrain destinée à collecter des
données. En effet, lors d’une visite pré-
L’entretien semi-directif a été principa- liminaire des différents lieux d’activité
lement la technique privilégiée pour la de ces PME (bureaux, ateliers, usines,
collecte des données primaires. Elle a etc.), nous observons tout ce qui se
permis, à travers plusieurs interroga- passe autour de nous en prenant des
tions marquées en général par le notes (interactions entre travailleurs,
« comment » et le « pourquoi », d’ob- équipements, affiches, etc.).
tenir des données discursives sur la
configuration des pratiques de GRH et C’est à la suite de cette étape que
son lien avec la performance. Les prin- nous avons procédé à l’analyse des
cipaux thèmes du guide d’entretien données par la méthode de l’Analyse
concernent les pratiques de GRH de Contenu (AC), un outil d’analyse
mises en œuvre, la relation entre les scientifique qui a émergé au début du
pratiques de GRH et leurs perfor- XXème siècle aux Etats-Unis avec
mances, ainsi que les rôles et les comme précurseur à la matière,
tâches effectuées par les différents in- Lasswell. Mais les principes5 de l’AC
terlocuteurs. Les entretiens se sont dé- sont l’œuvre des travaux fondateurs de
roulés dans les locaux des entreprises Berelson (1952) qui la définit comme
suivant une programmation arrêtée de « une technique de recherche pour la
commun accord avec les interviewés description objective, systématique et
(jour, heure). La durée en moyenne de quantitative du contenu manifeste de
ces entretiens est environ 42,5 Mi- la communication ». Comme unité
nutes4. Ils ont tous été enregistrés, et d’analyse, l’analyse textuelle a été pri-
retranscrits intégralement, afin de ne vilégiée au détriment de l’analyse lexi-
rien omettre. cale car, selon Jolibert et Jourdan
(2006), elle permet de faire un décou-
page minutieux du discours quasi-
4 5
Durée moyenne = Durée totale des huit Homogénéité, Exhaustivité, Exclusivi-
entretiens / 8 = 340 Min / 8 = 42,5 Min té, Pertinence et Objectivité des catégories

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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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ment, mot par mot. Avec l’analyse tex- préanalyse, sur la relation entre les
tuelle, nous utilisons la phrase ou le re- pratiques de GRH et la performance,
groupement de plusieurs phrases qui et de concocter ainsi des tableaux de
traitent du même thème. Cette tech- résultats et des figures. En effet, nous
nique de découpage des données est, avons effectué le traitement des don-
selon ces auteurs, plus pertinente car nées à l’aide du calcul des fréquences,
elle apporte une information dénuée ce qui permet d’identifier l’importance
d’ambigüités, parfaitement interpré- des thèmes codés. D’après Weber
table et permet d’identifier les trois élé- (1985) « les informations une fois clas-
ments que forment l’acteur (le sujet), sées, l’analyste procède à un calcul
l’action (le verbe) et le récepteur (le des fréquences d’apparition des diffé-
complément). rentes catégories (...) l’objectif est
d’aboutir à une description du contenu
De plus, nous nous sommes conformés des données qualitatives ». Ainsi, nos
aux différentes étapes du déroulement fréquences mettent l’accent sur l’impor-
de l’AC : la préanalyse, l’exploitation tance relative d’un aspect thématique
du matériel, le traitement et l’interpré- en proportion de l’ensemble des
tation des résultats (Bardin, 2013). En thèmes abordés (fréquence du thème /
effet, lors de la première étape, nous fréquences cumulées de tous les
avons choisi d’abord, les documents à thèmes).
soumettre à l’AC (textes d’entretiens re-
transcrits ; données secondaires) et sur Toutefois, notre démarche repose sur
les bases desquels, nous avons réalisé l’abduction qui consiste à émettre des
plusieurs lectures flottantes afin de se conjectures du fait de l’invalidation ex-
familiariser avec les contenus des don- terne de nos résultats, et à leur confé-
nées. Une grille d’analyse thématique rer un statut explicatif ou compréhensif
a permis ensuite de consolider le tra- qui, pour être une loi, nécessite des
vail d’analyse. tests. Selon Peirce (cité par David,
1999) « l’abduction est la seule forme
de raisonnement qui puisse générer
Dans la deuxième phase, nous avons
des idées nouvelles, la seule qui soit,
procédé au codage en relevant toutes
en ce sens, synthétique. [...] Sa seule
les catégories et sous catégories du
justification réside dans le fait qu’elle
matériau brut. Celles-ci sont classées
constitue le seul chemin qui puisse per-
systématiquement et manuellement
mettre d’atteindre une explication ra-
conformément aux principes de l’A.C
tionnelle ».
(Berelson, 1952).

La dernière étape a permis de vérifier


certaines idées émises lors de la

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3. Analyse de trois cas de GRH en fonction de leur importance


stratégique. Les thèmes sont présentés
PME suivant le nombre d’énoncés et d’en-
tretiens dans lesquels ils sont abordés.
Le tableau n°1 classe les pratiques de

Tableau 1. Les sous-catégories de pratiques de GRH identifiées.

Sous catégories thématiques Entretiens Énoncés Fréquences (%)


Formation 8 117 38,36
Recrutement et sélection 7 41 13,44
Rémunération 6 38 12,46
Communication 8 34 11,15
Motivation 6 27 08,85
Implication 5 23 07,54
Evaluation 3 17 05,57
Partage du Bénéfice 4 8 02,62
Total 305 100

En effet, après avoir identifié des pra- exemple, le RRHCas1 affirme : « Nous
tiques de GRH au sein de l’entreprise, sommes dans un processus qualité et
un calcul des fréquences a été effectué nous sommes certifiés ISO/9001 et
pour se faire une idée de leur impor- donc là, nous avons l’obligation de
tance au travers des interviews. Ainsi, mettre en œuvre annuellement un plan
l’apparition d’une catégorie dans plu- de formation (…) pour permettre au
sieurs entretiens avec une fréquence personnel de se mettre à niveau, d’être
élevée suppose qu’elle est importante. au diapason de l’évolution (…) nous
Cette démarche de l’analyse de conte- organisons chaque année, pour
nu permet de classer les différentes chaque service ou département, des
pratiques de GRH selon leur ordre formations pour le personnel de
d’importance stratégique. Au total, 8 base ».
pratiques de GRH ont été identifiées.
L’importance accordée à la formation A la réponse de l’existence d’un plan
du personnel (38,36%) se justifie forte- de formation des ressources humaines,
ment par les nouvelles préoccupations le DARCas2 nous dit : « Tout à fait!
des PME au Sénégal qui s’inscrivent On attache beaucoup d’importance à
dans une démarche de certification cette formation continue au niveau de
qualité, ou qui cherchent à accroitre l’entreprise parce qu’il nous arrive
les compétences de leur personnel par même, des fois d’envoyer nos techni-
le biais de la formation continue. Par ciens à l’extérieur pour s’améliorer,

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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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pour se former dans les nouvelles tech- Mais, lorsqu’une PME désire recruter
nologies. Il arrive aussi des fois qu’on un nouvel employé, elle utilise diffé-
les envoie dans des centres de perfec- rents techniques et outils de sélection
tionnement à Dakar qui sont spéciali- (l’analyse des curriculum vitae ou des
sés dans ces formations pendant une formulaires de demande d’emploi en
période déterminée, sur un module dé- identifiant un niveau minimal d’expé-
terminé, on les envoie quelques temps rience et de scolarité), et réalisent des
et ensuite, ils reviennent ». entretiens ou des mises en situation
réelles (pour la validation du proces-
sus de sélection).
Le DAFCas3 nous témoigne en fait
que : « A vrai dire hein! Parce que
pour la performance d’une entreprise, Pour le RRHCas2, tout dépend du type
cela doit nécessairement passer par la de personnel qu’on veut recruter parce
performance de ses ressources hu- que : « il y a un type de personnel ef-
maines, la qualité de ses ressources fectivement pour lequel, il faut un en-
humaines. Moi qui vous parle, j’ai été tretien, il faut des tests de niveau tout
formé ici en partie. On a reçu ça. Mais il y a un autre type de per-
quelqu’un qui nous a fait une forma- sonnel pour lequel, il faut les mettre à
tion, pour tout le monde ». Ces témoi- l’œuvre ; pour les saisonniers et même
gnages émanant des praticiens dès fois pour les permanents. Par
montrent donc que les activités de for- exemple pour un soudeur, un entretien
mation sont au cœur des choix straté- ne permet pas de déterminer ses capa-
giques effectués par les dirigeants cités donc il faut les mettre à l’œuvre
pour développer leurs PME. … dès fois, on leur fait un contrat à du-
rée déterminée le temps de l’observer,
Les activités de recrutement et de sélec- de voir s’il nous convient et s’il s’in-
tion viennent en deuxième position en tègre effectivement dans la politique
termes de classement fréquentiel de l’entreprise ».
(13,44%). Ces pratiques de GRH ri-
ment bien avec les pratiques de forma- De plus, il arrive que les PME recrutent
tion lorsque l’entreprise oriente ses in- leur personnel via des entreprises inté-
vestissements dans la qualification et rimaires. C’est le cas du DAFCas3 qui
le développement de ses compétences affirme que : « Bon, pratiquement je
humaines (Molina, 2015). D’après le suis la dernière personne à venir ici.
RRHCas1, l’entreprise est orientée vers Alors j’ai accéder ici par le biais d’un
une compétitivité qualité et prend par cabinet ; un cabinet qui se trouve à
conséquent le soin de mettre à sa dis- “TILENE”, c’est un cabinet d’intérim ».
position des salariés plus qualifiés. La Dans cette série de témoignages, nous
promotion interne est privilégiée. découvrons aussi que les petites et

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moyennes industries tendent à adopter caisse par la caissière. Pour le person-


des pratiques de recrutement formelles nel permanent et saisonnier […] il y a
et qui s’apparentent à celles mises en des travailleurs qui ont des comptes à
œuvre dans les grandes entreprises. la banque et qui souhaitent que leurs
salaires soient virés dans les banques
Les pratiques de rémunération […] donc c’est moi qui fais le traite-
viennent ensuite avec une fréquence ment, qui décompte les heures de tra-
sous-catégorielle de 12, 46%. La ré- vail mais tout ça à l’aide de logiciel
munération est l’une des pratiques de hein! Parce qu’on a un système de
GRH indispensables dans toutes les or- pointage biométrique, c’est une ma-
ganisations de travail. Dans les cas chine qui est là-bas au poste de garde
étudiés, elle apparaît d’une part […] bon maintenant après, chaque se-
comme une rémunération collective, in- maine, je récupère […] toutes les don-
dividualisée et innovatrice. D’autre nées à partir de la machine […] les
part, elle est non incitative. Par données sont traitées et envoyées à
exemple, dans le souci de ne pas Dakar, parce que les bulletins de sa-
perdre ses employés à cause de l’avè- laires sont établis à Dakar […] ça
nement de trois nouveaux concurrents, concerne tout le personnel qui est ici ».
le RRHCas1 nous fait savoir que leur
firme a pris des mesures financières et Dans le Cas 3, l’entreprise n’a pas de
non financières pour fidéliser ses sala- politique de rémunération incitative.
riés et éviter une augmentation du tur- Seul le salaire de base est assuré
nover. Ces mesures sont par exemple comme le témoigne le DAFCas3 : « Je
la gratification, l’assistance médicale, comprends parfaitement ce que vous
les subventions en cas d’évènements dites! Bon, pour l’instant depuis que
familiaux du personnel (cérémonie, suis là, à la fin de chaque mois on es-
baptême, décès, voyage de pèleri- saie quand même de payer le salaire
nage, etc.). de base […] dès fois, on peut vouloir
faire quelques choses mais il se trouve
Dans le Cas 2, la firme est moins que l’entreprise a connu des périodes
concurrencé et plus stable. Nous y un peu difficiles […] ce qui, par
trouvons un système de rémunération contre, nous a causé pas mal de pro-
innovant et efficace. Le verbatim sui- blèmes, des sources d’incitation ». Le
vant, relatif au RRHCas2, décrit un risque d’une contre performance
peu ce système : « pour les journaliers, sociale semble donc plus élevé dans
on a un logiciel performant parce que ce dernier cas qui a d’ailleurs une
le journalier, il est payé à la fin de la industrie de petite taille contrairement
journée [...] il y a un logiciel qui nous aux deux autres qui sont de taille
permet de faire des bulletins journa- moyenne.
liers et ensuite, ils sont payés à la

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Les pratiques liées à la communication qui est plus en phase avec les poli-
ont tendance à se formaliser de plus tiques de rémunération incitatives mise
en plus dans les PME étudiées. Ce qui en œuvre dans les Cas 1 et 2. Elle pré-
pourrait expliquer le degré d’impor- occupe beaucoup leurs responsables
tance de 11,15% accordé à la sous- du personnel. Celui du Cas 1 explique
catégorie communication qui est d’ail- qu’elle joue un rôle important avec
leurs énoncée par tous nos huit inter- l’appropriation des objectifs de l’entre-
viewés. Elle est caractérisée par des prise par les employés. Les pratiques
réunions ponctuelles, le recueil des de motivation dans cette PME sont de
suggestions des employés pour amé- nature promotionnelle et pécuniaire. Il
liorer la production ou les services, la qualifie la motivation ainsi : « la moti-
sensibilisation, la résolution des vation est nécessaire pour participer
conflits internes et l’utilisation des de manière efficace à l’élaboration de
moyens de communication, particuliè- la production de biens et services de
rement l’internet pour opérer avec ses qualité aptes à satisfaire de manière
partenaires. Pour le CSFCas1 : « l’utili- efficace, les besoins de la clientèle
sation de l’ordinateur facilite la com- […] mais on ne peut pas motiver des
munication avec les fournisseurs et gens si on ne leur fait pas comprendre
clients… ». cette nécessité d’appropriation des ob-
jectifs de l’entreprise… ».
Le DARCas2 déclare : « il y a des
Le RRHCas2 commente : « chacune a
questions qui demandent disons des
sa manière de motiver son personnel,
avis des autres structures. Là entre res-
sa politique de motivation… Il ne
ponsables, on se réuni, on pose le pro-
s’agit pas de donner tout le temps de
blème, on discute, on trouve une solu-
l’argent à la personne pour la motiver.
tion. On fait des réunions pério-
Quand je dis donner de l’argent, c’est
diques ». Dans le même sens, le DAF-
quand-t-on parle d’augmentation de
Cas3 affirme : « si on a une informa-
salaire. A la fin de la campagne, il y a
tion à faire passer soit, on va au
des primes de fin de campagne et tout
tableau d’affichage on affiche, sinon
ça. On leur dit ok c’est bien mais ça
on appelle les trois délégués (syndi-
ne se limite pas à ça […] quand vous
caux) ainsi que leurs suppléants […]
faites un travail et qu’on vienne vous
même s’ils ne sont pas d’accord, ils
dire que vous avez fait du bon boulot,
nous disent là où ils ne sont pas d’ac-
vous voyez ce que ça peut faire à une
cord et je vais voir […] mais souvent, il
personne! Ça c’est d’abord une
n’y a pas de bras de fer… ».
source de motivation, c’est la recon-
naissance… ».
Pour ce qui est de la motivation du per-
sonnel (08,85%), c’est une pratique

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Le DARCas2 rajoute en nous démon- dans ce que vous faites… c’est l’impli-
trant comment ils arrivent à motiver et cation de tous les employés qui garan-
à jouer sur leur performance socia- tit l’efficacité et qui assurera le déve-
le : « nous avons une coopérative loppement et la pérennité de notre en-
d’habitat ici […] où la majorité des treprise… ».
gens ont acquis des parcelles de
terres. Donc tout ça, moi je le mets Les faibles fréquences d’apparitions
dans le cadre d’essai de motivation, des sous-catégories « évaluation »
d’accompagnement du personnel et (05,57%) et « partage du bénéfice »
pour le rendre, disons, plus perfor- (02,62%) laissent penser que les inter-
mant… je trouve quand même que ce viewés accordent moins d’importance
sont des actions qui sont importantes à ces types de pratique. Toutefois, ces
surtout dans le cadre sénégalais. Ça pratiques existent dans les cas étudiés.
participe à la performance sociale, à Par exemple le RQCas1 informe que
la fidélisation aussi. Je pense que sur leur entreprise dispose deux tech-
le plan social, on fait énormément de niques d’évaluation : à court terme ou
choses quand même ». Ces politiques à chaud et à long terme ou à froid.
de motivation ont la propension à Cela consiste notamment à mesurer
rendre le personnel impliqué dans leur l’impact des formations que le person-
travail et l’atteinte des objectifs de l’en- nel a suivi sur le rendement et la quali-
treprise. té du travail afin de vérifier leur perti-
Le rapprochement subséquent entre les nence.
sous-catégories « motivation » et « im-
plication » semble logique. La fré- De plus, pour nous expliquer comment
quence d’apparition accordée à l’im- ils évaluent leur personnel, le DAF-
plication du personnel est égale à Cas3 nous répond ceci : « La producti-
07,54%. En fait, elle est perçue vité personnelle quoi! La productivité
comme la conséquence d’une bonne par travailleur […] on peut dire pour
politique de motivation. Le discours de ce mois par exemple, en terme de pro-
la FPCas3 va dans ce sens : « pour les ductivité personnelle, voilà ce que le
primes et autres, parfois c’est tempo- travailleur est capable de produire
raire [...] ils ont eu à insérer ce sys- […] c’est en termes du nombre
tème-là dans le domaine commercial d’heures de travail et en fonction aussi
pour un peu motiver les agents com- de la production. Par exemple si vous
merciaux à s’impliquer dans la vente passez dans le secteur de l’huilerie, un
du savon ». Il faut cependant veiller à ouvrier vous dira qu’en moyenne dans
l’implication effective du personnel. le mois je suis capable de produire
D’après le RQCas1 : « il faut toujours tant, ou bien par jour. Si tout se passe
s’assurer que le personnel est impliqué bien, il n’y a pas de coupures élec-

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triques tout ça, les journaliers qui se lonté de promouvoir les meilleurs ».
trouvent au secteur de l’huilerie font Dans le Cas 2, le RRHCas2 nous ap-
par exemple 105 sacs par jour ». prend que « le travailleur a sa part du
bénéfice » et ceci constitue pour lui
Concernant le partage du bénéfice, une source de motivation. En re-
c’est une pratique qui permet de moti- vanche, nous n’avons pas perçu cette
ver le travailleur. Elle est innovante et pratique dans le Cas 3.
récente dans le Cas 1. Par exemple, le
RRHCas1 révèle que : « cette année- En définitive, l’analyse du tableau 1
ci, chacun a eu un mois de gratifica- permet de définir deux catégories prin-
tion parce que parce que les résultats cipales de pratiques de GRH : innova-
sont bons […] ça veut dire que l’entre- trice ou mobilisatrice (voir le tableau
prise est prête à partager les bénéfices 2). La question qui se pose alors est la
qui sont le fruit du travail de tout le manière dont elles participent à la per-
monde, ok! Mais il y a en plus une vo- formance.

Tableau 2 : Catégories principales des pratiques de GRH

Pratiques de GRH innovatrice Pratiques de GRH mobilisatrice


Formation Motivation
Évaluation Implication
Recrutement et Sélection Partage du bénéfice
Communication Rémunération

L’analyse approfondie des verbatims, de production, une bonne qualité de


nous permet de relier les pratiques de prestations de services et un meilleur
GRH aux trois niveaux de perfor- délai de livraison. L’analyse des don-
mance identifiée : sociale, organisa- nées collectées a permis donc d’identi-
tionnelle et financière. fier trois types d’indicateurs de compé-
titivité qui reflètent sa performance. Il
La figure 1 montre que l’atteinte des s’agit des performances sociale (bon
objectifs de compétitivité de l’entre- climat social, réduction du turnover et
prise passe avant tout par une combi- du taux d’absentéisme), organisation-
naison de pratiques de GRH sous nelle (amélioration de la qualité du tra-
forme de système en configuration. vail et des produits, du savoir-faire du
Cela permet à la PME de créer son personnel en termes d’expertise et de
avantage compétitif en maîtrisant ses prestation de services, et de la produc-
facteurs clés de succès tels que l’amé- tivité), et financière (croissance du
lioration de la qualité du travail et de chiffre d’affaire).
la production, une gestion des coûts

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L’importance des rôles joués par les innovatrices comme la formation géné-
pratiques de GRH identifiées a été rale, le recours à des procédures for-
mise en évidence dans les trois cas melles d’évaluation des employés, le
étudiés. En effet, dans tous les cas, les recrutement et la sélection, ainsi que la
pratiques de GRH sont considérées communication. Ce sont ces deux rôles
comme une source de compétitivité. qui permettent aux PME étudiées de
L’étude montre clairement que l’avan- construire leur avantage compétitif en
tage compétitif des PME repose sur la améliorant leur flexibilité, la producti-
vision de leurs dirigeants d’intégrer vité, la qualité de leur travail, ainsi
dans leurs politiques générales un sys- que celle de leurs produits et services.
tème de pratiques de GRH. De plus, La GRH joue ainsi, un rôle prépondé-
lorsqu’on s’intéresse aux impacts des rant dans l’atteinte des objectifs de
pratiques de GRH, ces dernières compétitivité de ces PME.
doivent comme un « Système » de pra-
tiques, et non de manière individuelle. Au terme donc de cette étude, nous
avançons donc que les pratiques de
Il apparaît donc que la GRH améliore GRH innovatrices (formation générale,
la performance en jouant deux rôles procédures formelles d’évaluation, re-
principaux et concomitants. Il s’agit crutement et sélection, communication)
d’une part de renforcer la mobilisation et mobilisatrices (motivation, implica-
des employés dans leur travail avec tion, partage du bénéfice et rémunéra-
des pratiques de GRH comme la moti- tion), ancrées dans la vision du diri-
vation, l’implication, le partage du bé- geant et évoluant sous forme de sys-
néfice et la rémunération des em- tème, permettent à la PME industrielle
ployés. D’autre part, la GRH doit avoir de consolider son avantage compétitif
pour objectifs de renforcer la compé- et d’asseoir ses performances sociales,
tence des ressources humaines en met- organisationnelle et financière.
tant l’accent sur des pratiques de GRH

Figure 1 : Modèle configurationnel de contribution des pratiques de GRH à la performance

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4. Discussion complémentaires et forment un sys-


tème de pratiques, base de l’avantage
compétitif de la PME. Plusieurs travaux
Après avoir qualifié les deux princi- postulent d’ailleurs que les pratiques
paux rôles des pratiques de GRH (mo- de GRH ne peuvent être une source im-
bilisatrice ou innovatrice) dans la re- portante d’avantage compétitif du-
cherche de performance, il convient rable que lorsqu’elles font preuve
toutefois de discuter ces résultats par d’une certaine cohérence sous forme
rapport à la littérature existante. Pour de configuration (Becker et Gerhart,
cela, quatre approches ont été mobili- 1996).
sées.

Gestion Stratégique des


Approche configurationnelle Ressources Humaines (GSRH)

Elle demeure une parfaite illustration En se basant sur l’idée selon laquelle
des résultats obtenus. Dans cette ap- l’intérêt, en stratégie, se porte sur les
proche, Meyer et al. (1993) s’inté- compétences organisationnelles sus-
ressent à l’impact d’un ensemble de ceptibles de fonder un avantage
variables indépendantes sur une va- concurrentiel (Prahalad et Hamel,
riable dépendante, plutôt qu’au lien in- 1990 ; Sanchez et Heene 1997),
dividuel qu’entretiennent diverses va- alors nous pouvons parler de gestion
riables indépendantes avec une va- stratégique des ressources humaines
riable dépendante. De plus, selon au sein des PME étudiées. En effet,
Baird et Meshoulam (1988), les pra- nous avons tout au long de ce travail
tiques de GRH doivent être cohérentes démontré l’orientation stratégique des
verticalement avec les autres caracté- PME vers le développement des com-
ristiques de l’organisation mais égale- pétences humaines en appliquant des
ment horizontalement pour assurer une pratiques de GRH innovatrices et mo-
complémentarité entre les pratiques. bilisatrices pour construire leur avan-
Nos résultats confortent cette affirma- tage compétitif. En GSRH, les pra-
tion car l’étude de cas a permis tiques de GRH identifiées sont souvent
d’identifier que deux ensembles de désignées par « high-commitment
pratiques de GRH (innovatrices et mo- practices » (Walton, 1985), ou « high
bilisatrices), cohérentes entre elles et involvement management practices »
avec les objectifs stratégiques des (Lawler, 1992), ou bien « high perfor-
PME. Le modèle, retranscrit dans la fi- mance management practices » (Way,
gure 1, montre bien que ces deux en- 2002). Elles peuvent concerner par
sembles de pratiques de GRH sont exemple, l’investissement en forma-

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tion, la mise en place d’une meilleure tiques dites innovantes dans les entre-
organisation du travail, l’encourage- prises étudiées et remarquent que ces
ment à la participation, le partage de pratiques ont des effets positifs sur leur
l’information et l’instauration d’une ré- performance.
munération liée à la performance
(Beaupre et Cloutier, 2007).
La théorie basée sur les
La GSRH suppose aussi que la réalisa- ressources (RBV)
tion d’un système de pratiques de
GRH cohérent en interne et qui vise à
faire des travailleurs une source Les pratiques de GRH qui mobilisent
d’avantage compétitif, en stimulant les ressources humaines sont souvent
leur engagement et en développant considérées comme une source
leurs compétences, est le seul moyen d’avantage compétitif et de meilleure
d’accroître les performances écono- performance (Barney et Wright,
mique et sociale des entreprises (Bar- 1998). Selon les travaux de Regina
raud-Didier et al., 2003 ; Beaupre et (2010), une entreprise ne peut bâtir
Cloutier, 2007). Dans cette optique, son avantage compétitif que sur la
l’analyse du modèle de contribution base des ressources internes valori-
des pratiques de GRH montre que sables, rares, non imitables, non subs-
l’avantage compétitif fondé sur un sys- tituables et non transférable (VRIST).
tème de pratiques de GRH se traduit De même, Wright et al. (1994) ont
par une amélioration de la perfor- présenté un modèle de maintien de
mance sociale (bon climat social, tur- l’avantage compétitif par les res-
nover, absentéisme), de la perfor- sources humaines dans lequel les
mance organisationnelle (qualité, sa- connaissances, les habilités et les apti-
voir-faire, productivité) et de perfor- tudes jouent un rôle majeur. Ils sou-
mance financière (augmentation du lignent que les pratiques de GRH sont
chiffre d’affaires) rendant ainsi l’entre- nécessaires pour construire et valoriser
prise compétitive. En guise d’exemple, les caractéristiques individuelles liées
Cerdin et Som (2005) ont analysé aux compétences et aux comporte-
l’évolution des pratiques de GSRH ments. Dans ce sillage, nos résultats
dites innovantes (organisation du soutiennent aussi que les PME
temps de travail, recrutement, forma- construisent leur avantage compétitif
tion et redéploiement, promotion, éva- sur la base de leurs ressources in-
luation de la performance, rémunéra- ternes, notamment les ressources hu-
tion) auprès de 28 grandes entreprises maines. En conséquence, la complé-
françaises et PME. Ces auteurs mentarité des pratiques de GRH mobi-
montrent une tendance vers les pra- lisatrices et innovatrices constitue pour
elles une barrière à l’imitation. Autre-

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ment dit, le temps pris par les PME et cer les aptitudes des employés par le
les moyens qu’elles déploient pour biais de la mobilisation et de la qualifi-
mettre en place un système de pra- cation. Selon Teece et al. (1997), ce
tiques de GRH leur confère un avan- sont ces aptitudes des ressources hu-
tage difficile à répliquer par leurs maines qui définissent tout processus
concurrents. D’après Becker et Gerhart de transformation, et de reconfigura-
(1996), ils vont mettre du temps pour tion des capacités organisationnelles
comprendre ce système et l’appliquer. permettant à l’entreprise de faire face
A ce propos, Dierickx et Cool (1989) à l’instabilité de son environnement.
avancent que des concurrents n’auront Cette approche des capacités dyna-
pas les mêmes résultats lorsqu’ils es- miques permet donc de mieux com-
sayeront de rattraper leur retard en al- prendre la relation entre les pratiques
louant les mêmes ressources qu’une de GRH identifiées et la compétitivité
entreprise qui a mis plusieurs années des PME. Par exemple, les travaux de
pour mettre en œuvre un système de Diouf (2012) sur les rôles de la GRH
GRH. En conséquence, toute tentative dans le processus de création de va-
pour réduire la durée de mise en place leur des PME sénégalaises montrent
de ce système de pratique de GRH en- que le développement des capacités
traîne des résultats inférieurs à ceux dynamiques repose sur un système de
obtenus par l’entreprise ciblée (Regi- pratiques de GRH. Pour cet auteur,
na, 2010). c’est le fait que ces pratiques de GRH
soient soutenues par les dirigeants qui
permettrait à l’entreprise de garder un
La théorie des Capacités avantage concurrentiel durable.
dynamiques

Cette perspective développée par Tee- Conclusion


ce et al. (1997) s’intéresse au dévelop-
pement des compétences. Nous la mo-
bilisons pour expliquer les résultats ob- Les résultats de cette étude montrent
tenus car la compétitivité des PME étu- que les pratiques de GRH mises en
diées s’appréhende par la vision du œuvre dans les PME industrielles étu-
dirigeant de miser sur le développe- diées sont fortement ancrées dans la
ment de ses ressources humaines. vision du dirigeant et l’orientation stra-
Cela explique la mise en place du sys- tégique de l’entreprise. Il y a une spé-
tème de pratiques de GRH observé. cificité de gestion propre à ces PME et
En effet, au-delà même de l’exploita- toutes les mesures stratégiques re-
tion de ses ressources humaines, le di- posent sur les dirigeants qui agissent
rigeant éprouve la nécessité de renfor- en fonction de la versatilité de l’envi-

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Gestion 2000 3 mars-avril 2017
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ronnement. Deux catégories de pra- ser les résultats obtenus. Cependant, il


tiques de GRH sont alors identifiés : faut préciser que leur validité externe
mobilisatrices et innovatrices. Ainsi, n’est pas systématiquement recherchée
celles-ci doivent être complémen- dans les études qualitatives. La se-
taires, non isolées et former un sys- conde limite a trait à l’utilisation de la
tème permettant aux PME de consoli- méthode AC. En fait, le travail de codi-
der leur avantage compétitif. Toutefois, fication et d’exploitation des inter-
ce système doit demeurer flexible pour views s’est fait manuellement malgré
se reconfigurer en fonction des exi- tous les risques de cette méthode (inef-
gences de l’environnement. ficacité, rigueur, etc.). Pour les atté-
nuer, nous nous sommes conformés au
respect des règles et principes de l’AC
Sur le plan managérial, nous souhai-
(Bardin, 2013 ; Berelson, 1952). Par
tons que les résultats puissent aider les
ailleurs, cette présente recherche est
dirigeants des PME sur les choix qu’ils
un premier pas pour les travaux futurs.
opèrent en matière de pratiques de
Nous comptons l’élargir avec un
GRH pour atteindre leurs objectifs de
échantillon représentatif de plusieurs
compétitivité, voire de performance.
centaines de PME industrielles au Sé-
En effet, les travaux de l’Agence de
négal. Dans ce cas, la démarche hy-
Développement et d’Encadrement des
pothético-déductive sera privilégiée
PME du Sénégal (ADEPME, 2015) ré-
pour vérifier ou tester les propositions
vèlent que les PME souffrent, en plus
qui ont émergé dans cette étude.
du financement, d’un problème d’or-
ganisation et de compétitivité. Dans
cette optique, les dirigeants pourraient
améliorer leurs conditions internes de Bibliographie
travail et améliorer leur compétitivité
en mettant en place un système de pra-
tiques de GRH innovatrices et mobili- ARTHUR, J.B. (1994), Effects of human resource
satrices. Ce système doit être propre à systems on manufacturing performance and tur-
nover, Academy of Management Journal, Vol.
chaque PME, comme le démontre les 37, n°3, pp. 670-687.
trois cas analysés, en fonction des ob-
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Cette recherche n’est bien sûr pas BARDIN, L. (2013), L’analyse de contenu, Pa-
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Pratiques de GRH et performance des PME industrielles au Sénégal
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