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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE : UNE VOIE DE RUPTURE

STRATÉGIQUE ?
Alexandre Asselineau, Pierre Piré-Lechalard

Management Prospective Ed. | « Management & Avenir »

2009/6 n° 26 | pages 280 à 299


ISSN 1768-5958

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Alexandre Asselineau, Pierre Piré-Lechalard« Le développement durable : une voie
de rupture stratégique ? », Management & Avenir 2009/6 (n° 26), p. 280-299.
DOI 10.3917/mav.026.0280
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Le développement durable : une voie de


rupture stratégique ?

par Alexandre Asselineau et Pierre Piré-Lechalard

Résumé
Les crises, immobilières, financières, bancaires et économiques actuelles
rappellent brutalement la nécessité des réflexions innovantes sur les
plans stratégique et managérial, engendrées par la volonté de sortir de
ces situations difficiles. L’observation montre que certaines entreprises
semblent déjà miser sur un futur changement de paradigme économique et
pour ce faire, sont bâties à partir des principes de développement durable,
ou s’y préparent en intégrant progressivement une nouvelle philosophie «
de responsabilité ». Cette publication tente, à travers l’analyse de quatre cas
d’entreprises, de montrer que le développement durable est un paradigme
capable de générer des innovations de rupture, étant lui-même une
philosophie économique fondée sur la rupture. Il ressort d’ailleurs de cette
analyse que l’innovation orientée développement durable et la volonté de se

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mettre en marge du marché est une voie pertinente de succès.

Abstract
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The current real estate, financial, banking and economic crisis strongly call
for the necessity to innovative thoughts in strategy and management, guided
by the will of leaving those difficult situations. Certain firms seem already
believe in a future change of economic paradigm. They built themselves
around of principles of sustainable development or integrated progressively
this new philosophy “of responsibility” inside them. This communication
tempts, through the analysis of four cases of firms, to show that sustainable
development is a paradigm able to generate some breaking innovations.
The analysis demonstrates that the involved firms can hope success if they
are - sustainable innovation oriented - and if they put themselves in border
of the market.

Les crises financières récentes ainsi que les contraintes imposées par
l’environnement naturel (pollution, raréfaction des ressources primaires,
déclin de la biodiversité,…), l’environnement social et sociétal (droits humains
fondamentaux, santé et sécurité au travail, …), et l’environnement économique,
couplées parfois de certaines valeurs éthiques du management, incitent certaines
organisations à se tourner vers le développement durable. Ce changement de
cap semble, d’après certaines études, se traduire par des champs d’opportunités
comme l’amélioration de la productivité (Fuller, 1999) ou la valorisation de l’image

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Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

de l’organisation. Il s’avère être, également, un vecteur solide d’innovations,


en particulier par l’adoption d’une approche par les avantages (Reynaud,
2006). Tel Brodhag (2006), nous situons nos propos à l’aune de l’avènement
d’un nouveau paradigme générateur de nouveaux concepts. Il est intéressant
d’étudier le développement durable sous l’angle de l’innovation en pointant les
effets de ruptures engendrés par l’adoption d’un nouveau paradigme. A notre
connaissance, aucune recherche n’envisage le développement durable sous cet
angle. Aussi, c’est dans cet esprit que s’engage notre réflexion.

Cet article part du postulat qu’une organisation adoptant une démarche de


développement durable se place dans une situation d’innovation stratégique, que
celle-ci implique le management, l’organisation ou l’activité commerciale. Comme
nouveau paradigme, il impose des règles qui agissent comme des contraintes,
obligeant les entreprises à s’adapter en profondeur. D’où la question générale
suivante : est-il possible de concilier une démarche complète de développement
durable (c’est-à-dire intégrant à la fois les considérations sociales, sociétales et
environnementales) en conservant les règles du jeu actuelles du marché ? En
effet, une pleine implication dans le développement durable n’appelle-t-elle pas
une nécessaire réflexion en termes de «rupture» par rapport à l’existant (rupture
sans laquelle la démarche ne serait que partielle) ? Avant de tenter de répondre
à ces questions, il est nécessaire de définir la notion d’innovation « soutenable ».

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Puis de se demander si une entreprise dite responsable est par nature plus
innovante qu’une entreprise en retrait sur cette question ?
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Il s’agira dans une première partie de préciser les éléments contextuels à partir
d’un état de l’art des concepts, en établissant un lien entre le développement
durable et sa capacité à générer des innovations. Cette démarche permet dans
un premier temps d’apporter une définition conceptuelle à la notion d’innovation
soutenable et par la suite de préciser l’objet de notre recherche. La deuxième
partie présente la méthodologie utilisée. Cette dernière consiste en une étude
qualitative exploratoire proposant l’analyse de quatre entreprises représentatives
d’un état de responsabilité atteint. Le choix de chacune d’entre elles repose sur
une classification inspirée de plusieurs études. Cela permet d’avancer, dans
une troisième partie, quelques premiers résultats basés sur la confrontation des
stratégies de développement durable de ces quatre entreprises. La discussion
qui suit permet d’entamer une réflexion sur la question de la nécessité d’innover
afin de répondre aux règles propres à ce nouveau paradigme. Finalement sont
énoncées des voies futures de recherche.

1. Le développement durable : du concept au paradigme

Le concept est défini dans le rapport Brundtland (1987) comme « un


développement qui permet de satisfaire les besoins des générations présentes

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sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ».


Afin de saisir les subtilités du concept, il est important, dans une première partie,
de bien comprendre les notions de développement, souvent assimilée à celle de
croissance, et de durabilité, faisant référence à un élément de long terme. Dans
une seconde partie, il s’agit de transposer le concept au monde des affaires à
travers les recherches déjà réalisées puis, dans une dernière partie, de décrire
l’interface innovation-développement durable pour asseoir la problématique de
cette recherche.

1.1. Le développement durable : définition


Le mot « développement » en usage dans le langage ordinaire désigne tantôt un
état, tantôt un processus, tantôt un objectif, connoté par les notions de bien-être,
de progrès, de justice sociale, de croissance économique, d’épanouissement
personnel, d’équilibre écologique. Il s’agit de « la combinaison des changements
mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître,
cumulativement et durablement, son produit réel global » (Perroux, 1961). Outre
l’aspect quantitatif défendu par la dimension « croissance », se détache une
dimension qualitative à travers une multitude d’autres éléments (bien-être par
exemple). Harribey (2004) définit ainsi le développement comme « l’évolution
d’une société qui utilise ses gains de productivité non pour accroître indéfiniment
une production génératrice de dégradations de l’environnement, d’insatisfaction,

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de désir refoulés, d’inégalités et d’injustices, mais pour diminuer le travail de tous
en partageant plus équitablement les revenus de l’activité ». Le développement,
au-delà de sa vision utilitariste, se conçoit donc comme un domaine d’amélioration
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des capacités des individus leur permettant de faire ce qu’ils désirent et d’atteindre
les objectifs qu’ils se sont fixés.

La durabilité, pour sa part, trouve deux écoles de pensée. La « soutenabilité


faible » d’abord, qui s’appuie sur les préceptes d’économistes comme Solow,
postule le possible remplacement des ressources naturelles épuisées par du
capital de substitution (inclusion dans le prix de vente d’une rente de rareté : le
droit à polluer). La « soutenabilité forte », ensuite, pour laquelle il est impératif
de transmettre aux générations futures un stock de ressources naturelles
non dégradées : l’utilisation des ressources doit se faire en deçà du seuil de
renouvellement et le principe de précaution prévaut sur le principe du pollueur
payeur. La gestion des biens naturels doit être collective et non pas laissée
uniquement au marché. En cela, le développement durable apparaît comme un
nouveau paradigme générateur de ruptures sur les marchés.

Le développement durable, qu’il soit à soutenabilité faible ou forte, implique


d’abord un changement de référentiel en matière de temporalité et d’espace.
Les stratégies doivent se concevoir sur plus d’une génération et dans un espace
global (pour l’ensemble de la population). Ensuite, il ne doit pas prendre en

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Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

compte uniquement la dimension quantitative (la croissance) et introduire une


réflexion à un niveau d’analyse qualitatif. Enfin, l’accumulation de la richesse ne
repose plus sur « la somme des égoïsmes individuels » d’Adam Smith, mais sur
la recherche du bien-être collectif. Cette première approche demeure cependant
trop générale et nécessite d’être rapprochée des concepts managériaux pour
acquérir une dimension opérationnelle.

1.2. Le développement durable en entreprise


Le développement durable implique donc une réflexion en matière de temporalité,
d’espace, de besoin collectif, de bien-être et de croissance. A un niveau micro-
économique, trois dimensions (triple bottom line) doivent être considérées :
l’efficacité économique (que l’on retrouve dans la notion de croissance), l’équité
sociale (entre les individus et les générations) et l’intégrité de l’environnement
auxquels s’ajoute la gouvernance (Elkington, 1998). Daub et Ergenzinger (2005)
désignent ainsi ce concept comme une forme de gestion fondée sur le principe
selon lequel l’augmentation de la valeur de l’entreprise repose fondamentalement
sur la réconciliation des objectifs économiques de l’entreprise avec les enjeux
environnementaux et sociaux, avec une dimension éthique.

La gouvernance n’est ici pas réellement un pilier mais une manière de diriger
l’entreprise. Elle désigne un « système démocratique de gestion », avec une

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multiplication des lieux et des acteurs impliqués dans les décisions et renvoie à
la mise en place de nouveaux modes de régulation plus souples, fondés sur le
partenariat entre différentes parties prenantes (Moreau Defarges, 2003). La règle
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recherchée, de l’« équilibre coopératif » (Capron, 2003), est atteint lorsqu’aucune


partie prenante ne peut accroître sa propre utilité sans risquer une perte d’utilité
supérieure entrainée par le retrait d’une autre partie prenante de la coalition.
La réussite d’une stratégie ou d’une conversion au développement durable en
entreprise passe donc par la considération des intérêts de toutes les parties
prenantes (Jones et Wicks, 1999), et ceci pour une question d’efficacité (Freeman,
1999), ce qui s’avère évidemment complexe (Vatteville, 2008) : cela implique un
élargissement de la relation d’agence (la plupart des parties intéressées n’ont au
mieux qu’un droit de surveillance et non un droit de propriété) dans un contexte
d’objectifs parfois opposés.

L’introduction dans l’entreprise du concept s’est opérée à travers la notion de


responsabilité sociale (Igalens et Joras, 2002). La Communauté Européenne
(1999) définit la responsabilité sociale de l’entreprise comme « l’engagement
continu des entreprises à se comporter de manière équitable et responsable tout
en contribuant au développement économique et en améliorant la qualité de vie
de leurs employés et de leur famille ». Dans ce cadre, les entreprises doivent,
d’une part, satisfaire leurs obligations légales, et d’autre part, s’engager au-delà
pour rechercher la satisfaction de leurs parties prenantes actuelles et futures.

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Cet engagement revient à être responsable, c’est-à-dire répondre de ses actes


et réaliser les espérances qu’on a fait naître (Pellissier-Tannon, 2005). Carroll
(1979) établit quatre catégories de responsabilités : économiques, légales,
éthiques et philanthropiques.

En résumé, les règles managériales du développement durable seraient : la


temporalité (d’une génération à l’autre), l’action collective (recherche d’une
richesse quantitative et qualitative collective), l’espace (« penser global, gérer
local »), le respect des lois, l’implication philanthropique, la responsabilité sociale,
la performance économique, la gouvernance éthique des parties prenantes et
l’intégrité de l’environnement. Autant de règles qui agissent comme contraintes
fortes imposées, mais peuvent être transformées en opportunités par les
organisations qui sont amenées à des innovations non conventionnelles.

1.3. L’interface innovation - développement durable


La notion d’innovation est un élément incontournable de l’appropriation du
concept de développement durable car celui-ci ouvre la voie à une véritable
transformation des règles de l’entreprise. Associer l’idée de développement
durable à celle d’entreprise conduit à la nécessité de repenser ses relations, ses
interactions avec ses parties prenantes, autour des trois piliers d’Elkington.

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Le terme d’innovation est employé indifféremment pour désigner un processus
de changement, que le résultat qui en découle, dont l’aboutissement est une
réalisation originale qui comporte des attributs créateurs de valeur, la mise en
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application originale et porteuse de progrès d’une découverte, d’une invention


ou simplement d’un concept (Barreyre, 1980). Ce processus comprend
autant l’activité de recherche que le développement du produit, sa fabrication,
le marketing, sa distribution, le service et son adaptation au cours de sa vie
(Garcia et Calantone, 2002). Il conduit soit au développement d’innovations à
caractère incrémental, c’est-à-dire faiblement évolutives, soit au développement
d’innovations de ruptures (Christensen, 1997), méritant un éclairage spécifique.

La littérature relative aux innovations de rupture connaît un certain développement


depuis une dizaine d’années, se structurant principalement autour des contributions
de Hamel & Prahalad (1995), Christensen (1997), Kim & Mauborgne (2008),
Hamel (2008). Ces travaux reposent sur le postulat que, dans le contexte actuel
d’hyper-compétition de nombreux secteurs d’activités, les entreprises les plus
performantes seraient celles qui s’affranchissent des approches concurrentielles
classiques, proposant un modèle économique en «rupture» avec l’existant. En
contestant les règles du jeu établies de leur activité jusqu’alors jugées immuables
(«orthodoxie sectorielle»), elles tentent d’éviter la logique conduisant les acteurs
à une lutte exclusive sur les prix, qui se traduit par des marges toujours plus
faibles, des délocalisations, des restructurations, c’est-à-dire un moins-disant

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Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

finalement peu satisfaisant économiquement et coûteux sur le plan social. Il


s’agit, plutôt, de reconfigurer le marché pour dégager de nouvelles perspectives
de développement encore non explorées.

Différentes terminologies sont employées par les contributions (concernant


notamment les périmètres respectifs attribués aux «innovations stratégiques» et
aux «innovations de rupture») : un effort de caractérisation est donc nécessaire.
Deux présentations complémentaires peuvent être mises en avant. Celle
proposée par Moingeon & Lehmann-Ortega (2006) permet tout d’abord d’opérer
une distinction entre innovations incrémentales, perturbatrices et de rupture. Ces
dernières reposent sur un changement radical dans la mesure où le mouvement
stratégique opère dans deux dimensions fondamentales : la modification
de la valeur-client d’une part (c’est-à-dire l’offre telle qu’elle est perçue par le
consommateur), la chaîne de valeur (c’est-à-dire le processus de construction
de l’offre) d’autre part. A l’opposé, l’innovation incrémentale consiste en des
modifications relativement mineures (adaptations à une offre déjà existante).
Dans cette présentation, ce que les auteurs nomment «innovation stratégique» est
constitué de l’ensemble des stratégies «perturbatrices» et de «ruptures». De son
côté, Hamel (2008) identifie quatre type d’innovations qu’il présente sous forme
d’une pyramide. Si chaque innovation apporte une contribution à la réussite de
l’entreprise, certaines formes d’innovations révèlent, selon l’auteur, une aptitude

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supérieure dans l’obtention d’un avantage concurrentiel durable. A la base de
la pyramide, l’innovation de procédés correspond à l’excellence opérationnelle
(performance des systèmes d’information, sous-traitance, délocalisations), dont
l’intérêt est incontestable, mais qui peut se diffuse rapidement d’une entreprise
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à l’autre. L’innovation de produits/services, si elle peut être à l’origine d’un


développement considérable de l’organisation, est souvent rapidement copiée,
voire dépassée, si son succès ne repose pas sur des caractéristiques uniques
de l’entreprise. L’innovation stratégique consiste en l’offre d’un nouveau modèle
économique. Elle correspond à une rupture et peut perturber la concurrence.
Mais l’identification des clés de succès de l’entreprise reste relativement aisée,
empêchant l’innovation de s’avérer décisive. Au sommet de la pyramide,
l’innovation managériale est, de la sorte, la plus à même de provoquer une rupture
durable. Elle se distingue des autres formes d’innovation parce qu’elle repose
sur une combinaison complexe de ressources et de savoir-faire particulièrement
difficile à identifier et à dupliquer pour un concurrent.

Une définition, semblant homogénéiser les différentes approches est proposée


par Schlegelmilch & Diamantopoulos (2003, p. 118). Pour ces auteurs, l’innovation
de rupture se définit comme une « reconceptualisation fondamentale du business
model et le remodelage du marché existant (en cassant les règles et en changeant
la nature de la concurrence) pour atteindre des améliorations de valeur radicales
pour les clients et une forte croissance pour les entreprises ».

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Parce que la démarche de développement durable envisagée supra suppose


d’adopter pour l’organisation un raisonnement stratégique construit sur une
réflexion globale et multidimensionnelle, son association avec la notion
d’innovation de rupture présente une certaine pertinence. La combinaison de ces
deux thématiques ne fait pourtant pas encore l’objet de recherches approfondies,
ni d’un intérêt déclaré des entreprises, ce qui peut surprendre. D’abord parce
qu’elles suscitent l’une et l’autre un intérêt croissant dans la littérature en
management. Ensuite parce que des « ponts » entre les deux démarches peuvent
être mis en évidence. Pour Martinet & Payaud (2008) par exemple, la mise en
œuvre effective d’une démarche de développement durable ne peut s’envisager
que dans le cadre de la régénération des approches du management stratégique,
vu dans une optique normative comme « une discipline morale et politique où les
critères d’efficacité, d’efficience et de neutralité sont à resituer par rapport aux
critères de pertinence, d’équité, de soutenabilité » (p. 19). Le contexte de ces
dernières années caractérisé par la financiarisation à outrance des décisions de
gestion, le court-termisme et la «dictature du temps réel» s’oppose nettement à
l’idée même de «soutenabilité», et appauvrit notablement le discours stratégique.
Le stratège, dont les marges de manœuvre apparaissent réduites, ne peut se
satisfaire de cette situation. Or, cette analyse rejoint pleinement la littérature
sur les innovations de rupture, fondamentalement liée à une contestation du
conformisme dans lequel se placent les organisations.

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1.4. Problématique
Si beaucoup d’entreprises affichent un intérêt pour le Développement Durable
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et expérimentent de nombreuses actions, une question émerge : est-il possible


de concilier une démarche globale de Développement Durable en conservant
les règles du jeu actuelles ? Autrement dit, une pleine implication dans le
Développement Durable n’appelle-t-elle pas une nécessaire réflexion en termes
de «rupture» par rapport à l’existant, rupture sans laquelle la démarche ne serait
que partielle ? Dans le cadre de cette recherche exploratoire, nous proposons
que la mise en œuvre d’une démarche de développement durable pourrait fournir
à une organisation les clés d’une stratégie véritablement innovante et différenciée
au regard de la concurrence. En lui imposant de dépasser ses «repères» et son
champ de vision habituels, la démarche de développement durable peut être une
voie pour l’exploration de nouveaux marchés et la configuration d’offres nouvelles,
permettant la création d’avantages concurrentiels d’autant plus solides qu’ils sont
fermement ancrés au cœur de l’organisation elle-même.

Comme suggéré plus haut, le caractère innovant est fonction du résultat en


termes de performance obtenue. L’innovation sera incrémentale et perturbatrice
si elle satisfait à une, dans le premier cas, ou deux des dimensions, dans le
second cas, de la performance globale, et radicale si elle atteint l’ensemble des
dimensions du triptyque d’Elkington (proposition 1) Mais pour qu’elle puisse

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Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

répondre à cette performance globale, l’innovation, source de rupture doit se


composer d’une multitude de dimensions permettant une nouvelle considération
du temps et de l’espace, un équilibre entre le qualitatif sur le quantitatif et la
recherche de la satisfactions combinée des parties prenantes de l’entreprise
(proposition 2). A ce niveau, nous retrouvons des innovations éco-efficientes
qui sont rentables économiquement et qui prennent en compte le cycle de vie
complet du produit (de la conception à la mise au rebus) ; des innovations
sociales marchandes (produits et services éthiques, équitables), permettant de
dégager des bénéfices financiers; des innovations non marchandes (services
sociaux et environnementaux des associations, ONG, Etats,…). Ainsi, la véritable
stratégie d’innovation radicale doit être rentable, équitable et respectueuse
de l’environnement, prendre en compte la satisfaction des parties prenantes
actuelles et futures. Une telle démarche fournit à une organisation les clés d’une
stratégie réellement innovante et différenciée par rapport à ses concurrents,
car elle impose à l’organisation de dépasser les repères et champs de vision
habituels stratégiques et managériales, lui ouvre de nouveaux marchés par la
stimulation de la création de nouveaux produits et des innovations de procédés
(proposition 3).

2. Méthodologie de la recherche

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Pour ce travail de nature qualitative, nous avons eu recourt à des données primaires
(interviews de dirigeants et cadres d’entreprises), et secondaires (rapports
annuels, articles de la presse généraliste, économique et académique, sites
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internet des organisations concernées), à des fins de triangulation d’informations


pour limiter les biais. Le choix de ces informations doit permettre l’analyse de
différentes expérimentations menées individuellement ou collectivement par
des organisations placées dans des contextes variés. Cette méthodologie
permet d’envisager le développement de l’entreprise selon les trois dimensions,
économique, sociale et environnementale. A ceci doit également se rajouter le
facteur Gouvernance, « chef d’orchestre » de la démarche, ainsi que le temps et
l’espace (cf. supra).

Dans un second temps, il s’est agit de faire le choix des unités d’études. Ce choix
s’est appuyé sur une classification, constituée par l’analyse de différentes typologies
relevant de la littérature (Durif, Brosseau,Turcotte et Wolff, 2009; Loupe, 2006;
Reidenbach et Robin, 1991) et d’une étude du cabinet Ethicity (2006)98. Loupe
(2006) met en exergue cinq types d’entreprises allant du niveau d’implication
le plus bas (contestation), au niveau le plus élevé d’implication (intégration).
L’étude Tagaro révèle quatre types d’entreprises avec les moins concernées
(entreprises qui informent mais n’agissent pas), celles qui communiquent mais
restent inertes (« Greenwashing »), celles qui innovent en la matière et le font
98. Analyse Ethicity Tagaro Rapports : www.ethicity.net

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savoir, et celles qui innovent, informent et semblent plus engagées. Reidenbach


et Robin (1991) discriminent les entreprises en cinq groupes en fonction de leur
niveau d’éthique. Enfin, Durif, Brosseau, Turcotte et Wolff (2009) reprennent
une typologie hiérarchique en six classes, allant des entreprises dites stratèges
(niveau le plus haut d’intégration), jusqu’aux entrants.

Ces différents classements n’étant pas exempts de limites, nous les utilisons
pour formaliser une typologie en adéquation avec notre sujet d’étude, en ajoutant
un nouveau type d’entreprises dites « génétiquement programmées » (Buisson,
2006), qui ont établi les préceptes du développement durable comme culture
stratégique dès l’origine. Les autres classes se définissent autour d’une échelle
dichotomique représentative des perceptions d’opportunités ou de contraintes-
menaces ressenties par les entreprises vis-à-vis du développement durable,
et sur une échelle dichotomique d’innovation (incrémentale vs rupture). Cela
permet de révéler trois autres classes : sympathisantes, opportunistes, rétives
(figure 1)99.

Figure 1: Classification des entreprises par rapport à leur stratégie d’innovation et leur
perception du développement durable

Radicale

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Opportunistes Génétiquement
programmée

Menace Opportunité

non-impliquées Sympathisantes

Incrémentale

99. Entreprises génétiquement programmées : entités pionnières dans le domaine, créées autour des idées qui contribuent à la
définition du concept. Exemple : Ben & Jerry’s, The Body shop, Nature et Découverte, Patagonia.
Entreprises sympathisantes : grandes entreprises s’inspirant des entreprises génétiquement programmées afin de satisfaire à des
objectifs de marché, d’éthique, de réduction des coûts et de réduction des risques. Ces sociétés respectent les lois ou les préconisations
des organismes internationaux et des Etats, et cherchent également à avoir une démarche pro-actives. Ex. Lafarge, Toyota, Schneider
Electric, EDF.
Entreprises rétives opportunistes : entreprises utilisant le concept de développement durable à des fins promotionnelles (greenwashing)
dirigées vers leurs parties prenantes (publicités, actions commerciales et de communication, rapports d’activités), mais qui n’ont pas
intégré dans leur démarche stratégique les règles de développement durable.
Entreprises rétives retardataires : entreprises n’ayant pas encore perçus les opportunités que le développement durable peut
représenter. Ce sont des entreprises « inertes » dans leur démarche d’innovation et leur communication. Elles ont peur du changement,
ou considèrent que leur activité n’a pas d’impact dommageable sur les parties prenantes.

288
Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

Enfin, dans un troisième temps, il s’est agit d’arrêter une méthode d’analyse. Le
matériel à notre disposition nous permet de bâtir un inventaire des pratiques par
la triangulation. Cet inventaire révèle tant les tendances en matière d’interface
innovation-développement durable que l’intensité de cette interface pour chaque
cas étudié. Afin d’assoir la robustesse de la réflexion, un tableau à deux entrées,
s’appuyant sur la littérature, a été construit. La première entrée retient le type
d’innovation (procédé, produit, stratégie, management) et la philanthropie, la
seconde entrée consacre l’interface innovation-développement durable. L’intensité
de l’interface est mesurée d’une part sur une échelle d’innovation allant de : pas
du tout innovant (-), (*) incrémental, (**) perturbateur, (***) radicale ; et d’autre
part sur une échelle allant de (*) performant sur 1 seul facteur du triptyque, (**)
deux facteurs et (***) performance globale. Dans un premier temps il s’est agit de
faire un inventaire des pratiques tant de procédés que de management. Dans un
deuxième temps de confronter les éléments inventoriés à un groupe de 8 experts
à qui il était demandé de noter l’interface en suivant les échelles proposées.

La partie suivante présente les résultats illustrés par les pratiques les plus
significatives et une analyse des documents.

3. Etude de l’influence du développement durable sur les


pratiques d’innovations des entreprises

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L’étude de l’influence du développement durable sur les pratiques d’innovation est
réalisée à partir de cas d’entreprises représentatives de chaque classe (rapports
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d’activités, de développement durable, articles de presse, d’articles de recherche


et d’interviews de dirigeants). Il a été choisi, pour des raisons évidentes, de ne
pas nommer les entreprises étalons choisies pour représenter les deux dernières
classes (rétives).

3.1. Les entreprises génétiquement programmées : le cas


Patagonia
Patagonia, marque de matériels et vêtements outdoor, créée en 1973, est
considérée comme pionnière du développement durable tant par ses actions en
direction de l’environnement que pour son engagement social et sociétal. Elle a
reçu en 2006 le prix Business Ethics.

289
26

Tableau 1 : Notation de l’interface Innovation-développement durable pour le cas d’une


entreprise génétiquement programmée
Thèmes Type* Caractère Exemples marquants
d’innovation DD**
Produits ** *** · Produits respectant les clients experts et avec
l’empreinte écologique la plus faible. (abandon du
piton et création du coinceur en aluminium)
· Incitation vers les clients à acheter moins mais
mieux
· Atelier réparation
· Diminution du nombre de collection
Procédés *** *** · Eco-conception (Analyse de cycle de vie)
· Valorisation des déchets (réutilisation,
transformation, recyclage)
· Utilisation de nouveaux matériaux (PET recyclé :
Synchilla Fleece)
· Nouveaux colorants exempts de métaux lourds,
énergie éolienne,réduction emballage, coton
biologique équitable
· Transport logistique ferroviaire
Management *** *** · Adoption d’une démarche de croissance «
stratégique naturelle » (5%/an)
· Emplois du temps à la carte
· Communication-marketing hors média (RP)
· Rapport DD

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Philanthropie *** *** · 1% du CA pour des associations et fondations
écologiques
· Création du club Craig Matthews des entreprises
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pour la protection de l’environnement.


· Congés solidaires des salariés incités et
rémunérés par l’entreprise.
* : Type d’innovation notée par : * pour incrémentale, ** pour perturbatrice, *** pour radicale
** : Caractère DD : * performance sur 1 facteur du triptyque, ** performance sur 2 facteurs, *** performance sur les
3 facteurs

3.2. Les entreprises sympathisantes : le cas Lafarge


Lafarge est une entreprise presque bicentenaire (1833), spécialisée dans les
matériaux de construction de type plâtre, granulat, ciment. Par nature, son activité
est très polluante mais pour répondre aux nouvelles exigences étatiques et pour
prévenir des exigences futures, l’entreprise s’est engagée dans une démarche
de développement durable qui va au delà des recommandations des lois et
règlements en vigueur au niveau internationale. Cette dernière suit cinq axes : les
marchés en croissance, le changement climatique, ses collaborateurs, ses clients
et son approvisionnement en matière première. D’autres points complémentaires
sont mis en avant : les actionnaires, les parties prenantes, la communauté et
les fournisseurs. L’entreprise s’est donné comme objectif d’être le fournisseur
privilégié de ses clients, l’employeur préféré, le partenaire le plus apprécié des
communautés et l’investissement préféré de ses actionnaires. Elle se base sur

290
Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

des valeurs fondamentales : valeur, courage, intégrité, responsabilité, respect


d’autrui et souci permanent de l’intérêt du groupe.

Tableau 2 : Notation de l’interface Innovation-développement durable pour le cas d’une


entreprise sympathisante
Thèmes Type Caractère Exemples marquants
d’innovation DD
Produits/services * ** · Innovation produit permanente
· Recherche d’économie des ressources
pour la fabrication
Procédés *** *** ·Réduction de l’empreinte écologique
(protection et préservation des paysages et
de la bio-diversité)
· plan propre de réhabilitation des sites
· Centre Interne de recherche·
Management ** ** · Code de conduite ·Un responsable DD
stratégique · Comité d’administrateurs indépendants
· Plan de SHS,
· Formation du personnel sur le relationnel
avec les parties prenantes locales
· Enquête annuelle de mesure de la
satisfaction des clients
· Responsable Marketing RH
· Approche multi-locale/multi-partenariale

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· Rapport DD
Philanthropie * ** · Partenariat ONG
· Action contre le SIDA dans les régions où
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l’entreprise est localisée

Lafarge a mis en place un code de conduite et un comité d’administrateurs


indépendants, la mise en conformité aux lois et contribution politique, garantie de
la libre concurrence et de l’évaluation permanente des risques.

3.3. Les entreprises rétives opportunistes


Pour ces entreprises, le développement durable est souvent perçu comme un
simple argumentaire commercial. La création de valeur et l’innovation se contentent
alors d’être « marketing » (Flipo, 2004) qui dénote une simple réaction défensive
(Caroll,1999), masquant par la communication un retard organisationnel.

291
26

Tableau 3 : Notation de l’interface Innovation-développement durable pour le cas d’une


entreprise rétive opportuniste
Thèmes Type Caractère Exemples marquants
d’innovation DD
Procédé - - Néant
Produit/ * * · Nouveau produit DD
service
Management * ** · Orientation client
Stratégie · Satisfaction parties prenantes (clients-
actionnaires)
· Code éthique
· Publicité et communication d’inspiration DD
· Communication DD auprès salariés et
actionnaires
· Mise en place d’indicateurs environnementaux
· Prise en compte de la diversité
· Mise en place d’un concours auprès des
collaborateurs sur les bonnes pratiques
Philanthropie - - Néant

Le matériel de recherche à disposition montre bien que l’entreprise étudiée


s’appuie essentiellement sur une communication inspirée du développement
durable. Mais quelle est sa crédibilité ? En effet, son métier semble peu approprié,

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sa démarche opérationnelle est basée sur des technologies anciennes et son
management semble ne pas être concerné ou tout au moins pense que l’activité
de l’entreprise n’a pas d’impact direct sur l’environnement : « au niveau du
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Groupe, les aspects environnementaux de notre industrie ne sont pas considérés


comme un défi significatif » (directeur de site).

3.4. Les entreprises rétives non-impliquées


L’entreprise sélectionnée présente la particularité de ne pas encore posséder
de rapport de développement durable mais remplit ses obligations en incluant
dans son rapport d’activité un chapitre de 23 pages (sur 344 pages) sur « la
gouvernance et informations sociales ». Ce document est consacré presque
exclusivement aux éléments financiers. Cette polarisation informationnelle a
nécessité le recueil d’informations portant sur l’interface développement durable
et innovation auprès d’autres sources comme le site internet et l’interview d’un
responsable de cette société, ou encore des coupures presses et autres dossiers
émanant de l’entreprise.

292
Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

Tableau 4: Notation de l’interface Innovation-développement durable pour le cas d’une


entreprise rétive retardataire
Thèmes Type Caractère Exemples marquants
d’innovation DD
Procédé * * · Mise en conformité environnementale dans les
process de fabrication
· Mise en place de nouveaux process
d’éliminations de déchets dangereux
Produit/ * - · Nouveau format de compression de musique
service
Management * * · Charte ESS (Environnement, santé, sécurité)
· Plan gymnastique contre les troubles musculo-
squelettiques
Philanthropie - * · Fondation culturelle
· Programme de formation aux éco-gestes dans
les écoles des communautés environnantes des
sites

4. Discussion

L’Ifop100 a menée en 2008 une enquête auprès de 200 dirigeants de grandes


entreprises françaises de l’industrie et des services, portant sur leur perception

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du développement durable face à la crise. 69% d’entre eux pensent que la crise
va conduire les entreprises à renforcer leurs actions de développement durable.
Ce sont les dimensions environnementales qui sont prioritaires (traitement et
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recyclage des déchets (99 %), réduction des dépenses d’énergie (94 %)), mais
la dimension sociale n’est pas pour autant délaissée (respect des droits de
l’homme et du droit du travail (93 %), actions contre les discriminations (85 %)).
Point important, si les bénéfices de telles actions sont surtout attendus en termes
d’amélioration de l’image (91 %), 89% des dirigeants interrogés pensent que le
développement durable est source d’innovation. Nos observations semblent le
confirmer, en particulier auprès des entreprises génétiquement programmées et
des sympathisantes. Patagonia et Lafarge sont reconnues pour la qualité et la
performance de leurs produits et placent l’innovation, technologique mais aussi
sociétale, au centre de leurs préoccupations101. Ainsi, chez Patagonia l’innovation
construite autour de ses valeurs, est un élément clé de son expérience. Plus
encore, ses valeurs sous-tendent une politique d’innovation continue qui lui
permet d’afficher une performance financière à long terme excellente. De
1994 à 2002, la marge brute a oscillé entre 44 et 50% pour une croissance
volontairement contenue de chiffre d’affaire d’environ 5% par an. Cette entreprise
peut se concevoir comme « génétiquement programmée » à la fois parce qu’elle
100. Ifop, Consultation des directeurs du développement durable sur le projet de loi post-grenelle de l’environnement, note de synthèse
du 2 octobre 2008. www.cddd.fr/
101. « créer le meilleur produit. Un produit qui est à la fois bon techniquement, et qui causera le moins de tort à la nature »
(Y.Chouinard)

293
26

a fondé son activité sur le développement durable, et parce que rien ne peut
se faire sans que ce facteur n’intervienne. Cet exemple montre clairement en
quoi une logique de rupture, axée sur le développement durable, peut permettre
d’asseoir une excellente performance : chaîne de valeur radicalement différente
de la concurrence, positionnement original sur le marché. Quant à Lafarge, elle
voit dans le développement durable un enjeu économique et un facteur créateur
de valeur dans la durée. Il s’agit, en tant que leader de son domaine d’activité, de
montrer la voie et d’innover.

Al’inverse, les entreprises dites rétives (opportunistes ou retardataires) considèrent,


soit ne pas être concernées par le développement durable parce qu’elles
jugent ne pas avoir d’activités « polluantes», soit qu’il s’agit d’un phénomène
passager - un effet de mode - dont l’investissement semble risqué. A ce propos,
il est remarquable que le terme « risque » soit le plus rencontré dans le rapport
d’activité de l’entreprise rétive-retardataire (246 fois). Elles se contentent, donc,
de se mettre en conformité avec les règlements locaux. Ainsi, le développement
durable est perçu comme une contrainte et les managers pensent qu’il « sera
toujours temps de rejoindre le mouvement en marche » s’il finit par s’imposer
au marché. En effet, comme pour toute démarche innovante, l’entreprise peut
estimer, pour différentes raisons, que son intérêt est de favoriser le statu quo
(Charitou & Markides, 2003). Le paradigme stratégique «court-termiste» agit :

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laisser les autres innover et adopter un comportement de free-riding n’est-il pas
plus pertinent ? Cette question classique du management stratégique (faut-il
être le premier arrivant sur un marché ?) trouve ici sa traduction en matière de
développement durable.
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Mais au-delà de ce statu quo, l’encastrement de l’entreprise dans une filière peut
être aussi impactant, au travers notamment des relations entre donneur d’ordre
et sous-traitant ou entre clients et fournisseurs. Dans de nombreux cas, le prix ou
les aspects techniques prédominent dans le choix d’un produit ou d’un service,
aux dépens d’autres considérations. Cet aspect est évoqué par un des dirigeants
interrogé, Past-Président régional du Centre des Jeunes Dirigeants, très impliqué
dans des démarches de Développement : «Il y a dans la démarche des éléments
qu’on mesure et des éléments qu’on ne peut pas mesurer. Notamment, il est
difficile d’estimer l’impact client car l’effet n’est qu’indirect. Le développement
durable n’est pas valorisé par nos clients en tant que tel. Dans notre métier, ils
ne payent pas pour ça, mais pour des considérations techniques. En revanche,
l’impact est peut-être meilleur concernant la fidélisation des salariés. À salaire
équivalent, entre nos concurrents et nous, ils viennent chez nous». Plus encore,
des phénomènes de myopie ou d’orthodoxie sectorielle peuvent priver les
organisations d’une perception des ruptures possibles : la mise en oeuvre de
l’approche de développement durable reste alors incrémentale ou «de façade».
L’antagonisme peut s’avérer fort entre la logique de l’organisation - générant
des routines et des pratiques sociales sources de stabilité et de réduction de

294
Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

l’incertitude- et la logique de l’innovation, supposant d’accepter incertitude et


mouvement (Alter, 2000). Enfin, le processus de l’innovation et la «chaîne de
l’innovation» (Hansen & Birkinshaw, 2007, Le Masson, Weil & Hatchuel (2006))
peuvent être mis, finalement, en cause, malgré la volonté de l’entreprise de
progresser. Cette chaîne repose sur les trois phases que sont la créativité,
la sélection des idées, la diffusion. Au-delà du seul manque de créativité des
organisations parfois stigmatisé par la littérature ou le manque de conviction
et d’implication des dirigeants, d’autres aspects peuvent en effet être sources
de freins : les mécanismes de sélection rationalisés sur des critères stricts de
rentabilité-risque, le manque de compétences et connaissances nécessaires et
suffisantes, ou l’incapacité de les combiner en raison de rigidités organisationnelles
et de l’importance forte accordée à la planification ou au système hiérarchique
(exploitation versus exploration au sens de March, 1991).

Cette résistance peut, à terme, devenir problématique. En effet, il est constaté la


faible capacité à innover des entreprises rétives. Les produits nouveaux (moins
de 5 ans), représentent moins de 10% de leur Chiffre d’affaire quand il s’élève
entre 30% à 50% pour les deux autres. Même si la capacité à innover n’est pas
l’apanage du développement durable et que l’innovation peut provenir d’autres
sources, il est tout de même remarquable que la quasi totalité des nouveaux
produits que Patagonia et Lafarge ont lancé depuis environ 5 ans intègre

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des éléments, process,... représentatifs de la démarche de développement
durable ou de la responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, l’interface
développement durable-innovation semble pouvoir s’établir. Elle renforce la
politique d’orientation client pas seulement dans le but d’innover pour satisfaire
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les besoins des utilisateurs, mais aussi pour répondre aux besoins de la société
en général. Enfin, la communication et la transparence intra-entreprise et avec
les parties prenantes se trouve facilitée.

Les observations confirment ainsi la proposition 3, selon laquelle la mise en œuvre


d’une démarche de développement durable fournit à une organisation les clés d’une
stratégie réellement innovante et différenciée par rapport à ses concurrents. En
effet, les entreprises génétiquement programmées ou sympathisantes étudiées
ont adopté une démarche qui les pousse à dépasser leur repère traditionnel et
leur champ de vision habituel. Grâce à cela, de nouveaux marchés s’ouvrent
à ces entreprises et la création de nouveaux produits ou nouveaux process se
trouve stimulée.

La rupture ne peut s’opérer qu’avec l’avènement d’une innovation radicale. Dans


le cadre de ce nouveau paradigme, les facteurs composant toute innovation s’en
trouvent profondément modifiés. Chez Patagonia, chaque innovation est pensée
en intégrant initialement, sous la contrainte, le respect de l’environnement et
des hommes. La philosophie de développement s’inverse. Il ne s’agit plus d’en
ajouter toujours plus, mais au contraire, d’en enlever le plus possible : « une

295
26

bonne innovation, est une innovation où il n’y a plus rien à enlever ». Quant
à Lafarge, elle adopte une approche « multi-locale et multi-partenariale » en
axant ses efforts sur (1) son emprunte écologique (paysages et bio-diversité),
(2) la recherche et l’innovation ouvrant de nouveaux marchés, (3) la réduction
des coûts par la recherche d’économie des ressources, (4) le respect des
hommes par un marketing RH facilitant la fidélité à l’entreprise, l’efficacité au
travail et le recrutement, (5) une éthique financière apportant aux investisseurs
un produit financier responsable et (6) un choix éthique des partenaires (ONU,
CARE, Habitat et WWF) lui apportant compétences, pragmatisme, et avantage
compétitif (Luneau, 2008). Tout ceci tend à confirmer qu’une innovation de
rupture impose un changement de règles à travers de nouveaux référentiels
temporels, d’espace, de qualité, de parties concernées (Proposition 2) et que
plus encore, n’a pas comme unique résultante la recherche de profits financiers.
Dans le cas d’une innovation de rupture « soutenable », qu’elle soit managériale,
stratégique, technologique, de procédé ou commerciale, l’objectif est de
satisfaire la performance globale par l’équilibre systémique de la rentabilité
économique, de l’équité sociale et de l’intégrité environnementale (proposition
1). De leur coté, il est remarquable que les entreprises « rétives » innovent peu
ou de façon incrémentale. Leur organisation interne est généralement bâtie sur
de vieux modèles de management ou des modèles ayant montrés leur limite
en matière sociale. Même si elles essaient d’utiliser le développement durable,

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ce n’est généralement pas pour stimuler leur capacité d’innovation mais dans
un but de communication et/ou commerciale. L’engagement et l’innovation en
matière de développement durable se fait essentiellement sous l’obligation de
leur donneur d’ordre, de l’Etat ou de la réglementation. Ainsi, même dans leur
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rapport d’activité, il est difficile de percevoir leur engagement et quelle innovation


cela a occasionné.

Ainsi, les observations faites ici confirment les cinq principes révélés par Le
Masson, Weil et Hatchuel (2006) concernant les caractéristiques de la
conception innovante :
- Implication de la direction sur les questions d’innovation et de
développement durable.
- Combinaison de compétences marketing, techniques et de
connaissance et de conviction en matière de développement durable
dans les équipes d’innovation.
- Logique de prototypage et de test répétés.
- Pratique d’échange de savoirs et d’information entre les équipes
d’innovation en interne et en externe de l’entreprise.
- Stratégie de conception en lignées de produits, successions
foisonnantes de produits fondées sur le concept du développement
durable - concept central - et de compétence commune avec les parties
prenantes.

296
Le développement durable : une voie de
rupture stratégique ?

Conclusion

L’étude confirme que le développement durable induit la création de nouveaux


produits ou services qui, sans être toujours de nature révolutionnaire, peuvent être
à l’origine de l’obtention d’un avantage concurrentiel certain par leurs dimensions
sociale et/ou environnementale, ou pour le moins, d’un positionnement souvent
remarquable. Il apparaît que c’est souvent au niveau des procédés que la rupture
est la plus franche. Ce constat est important car, si l’on en croit Hamel (2008), ce
type d’avantage n’est généralement que momentané car rapidement imitable. En
revanche, aux niveaux stratégique et managérial, l’innovation semble acquérir une
pertinence fondamentalement supérieure, très peu appropriable par d’éventuels
imitateurs.

Comme pour tout changement profond dans les organisations, cette démarche
n’est rendue possible que par la volonté sans faille des dirigeants de s’engager
dans cette voie, car elle doit imprégner en profondeur toute l’entreprise. Ainsi,
en est-il de l’approche véritablement philosophique et sociétale de Yvan
Chouinard (Patagonia), qui a pensé et fait appliquer ses propres conceptions.
Ainsi en est-il des dirigeants de Lafarge qui ont avancé des idées en matière de
développement « raisonné ». L’entreprise se trouve engagée dans une spirale
de changements continus visant d’aller au-delà d’une réponse conventionnelle

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aux besoins exprimés par le marché. La personnalité et les convictions des
dirigeants sont donc vraisemblablement l’élément indispensable de la démarche
de développement durable.
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L’étude que nous avons menée est purement exploratoire et ne permet évidemment
pas à ce stade d’affirmer que les entreprises engagées dans une démarche de
développement durable sont plus innovantes que les autres. Toutefois, les cas
retenus montrent l’importance que l’innovation revêt pour ces entreprises. Mais
il est possible que ceci relève des cas retenus. L’intérêt de l’examen du lien
entre innovation et développement durable semble cependant confirmé et mérite
vraisemblablement des approfondissements ultérieurs.

Reste à savoir si l’adoption d’une démarche innovante de développement


durable est rationnelle pour toutes les entreprises, comme l’ont indiqués plusieurs
dirigeants rencontrés. Une stratégie de « suiveur » (de la réglementation, des
attitudes des concurrents) n’est-elle pas finalement préférable dans certains
cas ? De même, si la notion de développement durable semble appelée à
prendre de l’ampleur à l’avenir, cela ne restera-t-il pas in fine un simple effet de
mode ? Enfin, cette stratégie de développement durable peut-elle résister au
retrait du dirigeant qui en est la source ? Autant d’éléments qui constituent des
perspectives de recherche à venir.

297
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