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structures d'accompagnement ?
Jacques Arlotto, Jean-Michel Sahut, Frédéric Teulon
Dans Management & Prospective 2012/6 (Volume 29), pages 31 à 43
Éditions Association de Recherches et Publications en Management
ISSN 2265-3937
DOI 10.3917/g2000.296.0031
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Jean-Michel Sahut
Professeur, HEG Genève
& GEREGE EA 1722 - Université de Poitiers
Frédéric Teulon
Directeur de l’IPAG Lab, IPAG Business School Paris
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d’accompagnement ?
M algré le fort développement des structures d’hébergement et d’accompagnement
à partir des années 80 en France, l’accompagnement des entrepreneurs souffre
toujours de multiples carences. Elles ont été identifiées depuis de nombreuses années
tant par les professionnels que les chercheurs (Marchesnay, 1992), et confirmées par
des études plus récentes réalisées notamment à la demande de l’Etat comme le rap-
port Mathot en 2010. De plus, un nombre limité d’études scientifiques ont porté sur le
processus d’accompagnement des jeunes entreprises (Grossetti et Barthe, 2010) et son
évaluation (Messeghem & Sammut, 2010). Elles ne permettent donc pas réellement
d’apporter des solutions à ces carences.
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pérennes que des jeunes entreprises
ne faisant pas appel à leurs services.
La littérature analysant l’impact des incu-
Afin d’évaluer leur performance bateurs sur le développement des entre-
en France, nous avons interrogés prises qu’elles hébergent (et éventuelle-
404 créateurs dans plus de 80 struc- ment accompagnent) se décomposent
tures d’accompagnement. Nous avons en deux courants. La première approche
essayer d’apprécier si le fait d’être ins- qualifiée de «normative» s’intéresse aux
tallés dans ce type de structure a été «meilleures pratiques» des incubateurs
essentiel dans leur décision de créa- (Smilor, 1987) afin d’élaborer des
tion, d’établir les services réellement recommandations sur l’amélioration
importants pour eux, et enfin d’évaluer de leur processus d’incubation (la qua-
les déterminants de la qualité du tra- lité du management, les services fournis
vail fourni par l’équipe d’accompagne- aux firmes et les interactions avec l’envi-
ment. Le plan de l’article se présente ronnement extérieur essentiellement).
comme suit. Elle postule a priori que les incubateurs
influencent positivement la création de
Dans la première section, nous ferons valeur des firmes accompagnées.
une revue de la littérature sur la perfor-
mance des incubateurs et nous présen- Mais ce type d’études est critiquable
terons nos hypothèses de recherche. car elles sont généralement fortement
Dans la seconde section, nous ana- influencées par :
lyserons les résultats de notre étude
empirique. Enfin, la troisième section – leur objectif : en particulier
conclura et formulera quelques recom- lorsqu’elles ont pour but de justifier
mandations sur le processus d’incuba- des subventions publiques,
tion.
– leur méthodologie : ce sont princi-
palement des études de cas qui ou-
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Comment les entrepreneurs perçoivent l’efficacité des structures d’accompagnement ?
blient les facteurs externes influen- rope2. De plus, les résultats de ce type
çant la performance des firmes, et d’étude empirique dépendent large-
reposent sur des échantillons res- ment des critères explicatifs de la per-
treints. formance choisis. En particulier, il est
nécessaire de pouvoir identifier claire-
De plus, les recommandations formu- ment les critères internes et externes ex-
lées sont souvent difficilement transpo- plicatifs de la performance des incuba-
sables (Abetti, 2004), ce qui limite l’in- teurs (Hackett & Dilts, 2004; Bergek &
térêt de ce type d’études. Une seconde Norrman, 2008). Les facteurs internes
approche, de nature «positiviste», a sont ceux sur lesquels l’incubateur peut
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alors émergé afin de se questionner sur agir, tandis qu’il n’a aucune influence
l’impact des structures d’accompagne- sur les critères externes. Parmi les cri-
ment sur la performance des firmes. tères externes, on dénombre; le type et
L’analyse de ce lien causal et de ses les caractéristiques du projet, le capi-
déterminants devient alors prépondé- tal humain, et l’environnement. Pour
rante. Ce courant a davantage captivé les critères internes, on relève dans
les chercheurs par les questionnements la littérature les éléments suivants :
qu’il apporte ainsi que les possibilités l’expérience de l’incubateur et de ses
de théorisation. managers, le processus de sélection,
les services fournis, et les capacités
Les parties prenantes des incubateurs relationnelles du personnel.
estiment généralement que ces derniers
doivent influencer la survie et l’emploi L’expérience de l’incubateur ne semble
des firmes hébergées dans un premier pas être un facteur de différentiation
temps, puis sur les rentrées fiscales pour les incubateurs de seconde géné-
(locales et nationales) supplémentaires ration (issus des années 90) car ils ont
dégagées par ces jeunes entreprises. davantage structuré leur programme
d’accompagnement contrairement aux
Les études dans ce domaine sont loin incubateurs de première génération (lan-
d’aboutir à un consensus pour l’en- cés dans les années 80) qui se focali-
semble de ces objectifs et amènent à saient essentiellement sur des prestations
une certaine critique des processus matérielles. La diffusion des «bonnes
d’incubation même si des rapports offi- pratiques» d’accompagnement explique
ciels comme ceux de la Commission également ce résultat (Geenhuizen Van
Européenne dressent au contraire un and Soetanto, 2005).
bilan extrêmement positif. Elle déclare
notamment que les incubateurs ont gé- Le processus de sélection joue égale-
nérés 30.000 à 40.000 emplois en Eu- ment un rôle important car plus les cri-
tères sont sélectifs, plus le nombre de
2 “Final Report: Benchmarking of Business
Incubators”, Centre for Strategy and Evaluation
Services (Eds.), 2002. 33
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firmes incubées sera faible. On pour- des diplômes sur la décision de s’im-
rait alors s’attendre à un taux de survie planter en incubateur ainsi que l’im-
de ces entreprises plus élevé, mais en pact des formations à l’entrepreneuriat
fait Aerts et al. (2007) montrent qu’il sur la réussite des projets de création.
est plus élevé lorsque les pratiques de Nous analyserons ensuite les détermi-
sélection sont modérées. En revanche, nants de cette performance perçue par
l’effet est plus direct et important pour les entrepreneurs et son impact sur leur
les ressources et conseils fournis par décision de création.
l’incubateur. Ils influencent positive-
ment la performance des entreprises
Impact des diplômes
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incubées mais cette influence dépend
pour la partie conseil de l’engagement
réciproque de chacune des parties Dans un contexte entrepreneurial, la
(Studdard, 2004). théorie du capital humain postule que
les créateurs, qui disposent de davan-
Enfin, le relationnel de l’équipe d’ac- tage de capital humain (connaissances
compagnement s’avère également dé- et compétences en matière d’entre-
terminant dans la réussite des projets preneuriat) auront une probabilité de
afin d’éviter l’isolement des entrepre- succès dans des créations d’activités
neurs (Messeghem et Sammut, 2007), ou d’entreprises plus importante (Da-
et d’améliorer leur relation avec l’envi- vidsson & Honig, 2003). Le capital
ronnement. En particulier, le réseau de humain de l’entrepreneur se décom-
l’incubateur vise à leur faciliter l’accès pose en capital humain générique et
aux sources de financement. spécifique. Dans la littérature, le capi-
tal humain générique est généralement
mesuré par le niveau d’éducation, lui-
La performance des
même dépendant du nombre d’années
incubateurs vue par les de scolarisation (Gimeno & al., 1997,
entrepreneurs accompagnés Wiklund & Shepherd, 2008) ainsi que
l’expérience. Selon cette mesure, plus
La perception de la performance de les individus ont un niveau élevé de
l’incubateur par les entrepreneurs scolarisation, plus ils se lanceraient
accompagnés dépend des ressources dans un projet entrepreneurial.
fournies et de la qualité du travail de
l’équipe au sein de l’incubateur. Mais Dans la littérature, le capital humain
elle est également influencée par les spécifique fait référence à l’éducation
caractéristiques personnelles des entre- et à l’expérience mobilisables dans
preneurs. Nous commencerons donc des activités entrepreneuriales, mais
notre analyse par l’analyse de l’impact qui auront peu d’applications en de-
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des entrepreneurs contribuent à atteindre
On en déduit les trois hypothèses sui- une croissance élevée. Mais, il est difficile
vantes : de dissocier les deux variables tellement
elles sont intimement liées dans le capital
– H1 : Il y a plus d’intérêt pour une humain de l’entrepreneur. Toutefois, cer-
entreprise à s’implanter au sein d’un tains auteurs, comme Davidsson & Honig
incubateur lorsque le créateur a un (2003), ont montré que l’élément le plus
niveau d’études secondaires (plutôt important en termes de capital humain
qu’un niveau d’études supérieures). se trouve être la connaissance tacite ac-
quise lors d’une précédente expérience
– H2 : En tant que partie prenante, les de création de start-up.
incubateurs sont plus enclins à accom-
pagner des entrepreneurs de forma- Pour Rauch, Frese & Utsch (2005),
tion supérieure (en particulier ceux l’éducation et l’expérience de l’entre-
ayant une orientation technologique). preneur influent positivement sur le
nombre d’emplois créés. Ainsi un
– H3 : Il y a plus d’intérêt (perçue) pour consensus se dégage de la littérature
un entrepreneur de formation scienti- en ce qui concerne la relation positive
fique ou technique à s’implanter au entre l’expérience de l’entrepreneur
sein d’un incubateur (que pour l’en- et la réussite de son projet, alors que
semble des autres entrepreneurs). l’effet des formations à l’entrepreneu-
riat reste indéterminé. Nous formulons
ainsi les deux hypothèses suivantes :
Impact des formations à
l’entrepreneuriat – H4 : Les entrepreneurs qui ont suivi
une ou plusieurs formations sur la
Dans ce paragraphe, nous nous inter- création ou le développement d’en-
rogeons sur l’impact des formations treprise affichent une meilleure per-
à l’entrepreneuriat sur la réussite des formance économique.
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– H5 : Les entrepreneurs qui ont sui- Est-ce que la mise en relation avec
vi une ou plusieurs formations sur des investisseurs potentiels est cruciale
la création ou le développement pour les entreprises incubées ?
d’entreprise ont une meilleure per-
formance sociale. Toutes ces interrogations nous amènent
à formuler les hypothèses suivantes :
Enfin, la plupart des études sur l’im-
pact des formations à l’entrepreneuriat – H6 : La satisfaction des entrepreneurs
portent plutôt sur l’intention d’entre- vis-à-vis de l’incubateur dans lequel
prendre (Krueger & al., 2000), et non ils sont implantés, s’explique par les
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pas sur la réussite des projets. ressources matérielles et les services
fournis.Toutefois, le rôle de la satis-
faction doit être nuancé car, au-delà
Qualité du travail de l’équipe au sein de la qualité de service délivrée, elle
de l’incubateur dépend des caractéristiques des indi-
vidus ainsi que de la situation (Jones
Quel que soit l’incubateur, ils fournissent et Sasser, 1995).
tous des services de base, qui reposent
sur des éléments tangibles, comme la – H6 a : Il y a plus d’intérêt pour une
mise à disposition d’un local à prix mo- entreprise à s’implanter au sein
déré ainsi que les moyens de communi- d’un incubateur lorsque les res-
cation comme le téléphone et l’accès à sources matérielles et les services
Internet. Les réelles différences entre les fournis sont importants.
incubateurs se situent donc au niveau
du programme d’accompagnement, – H7 : La qualité de l’équipe d’ac-
des services de conseil (notamment au compagnement constitue un intérêt
niveau de la gestion) et des mises en majeur des entrepreneurs vis-à-vis
relation possible avec des financeurs de l’incubateur dans lequel ils sont
potentiels. Mais comment sont perçus implantés.
ces services par les entrepreneurs ?
Procurent-ils le même niveau de satis- – H7a : Pour l’entrepreneur, la qua-
faction que les ressources matérielles lité du travail fourni par l’ensemble
fournies ? Est-ce que ces ressources et de l’équipe d’accompagnement
services sont déterminants pour s’instal- dépend essentiellement de celle du
ler dans un incubateur ? responsable.
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et des emplois créés dans un premier tats sur la qualité du travail perçu de
temps puis des rentrées fiscales dans l’équipe au sein de l’incubateur.
un second temps. Ainsi ces entreprises
en cas de succès généreraient un cer-
tain retour sur investissement pour les Impact des diplômes sur la
financeurs publics. décision de s’implanter
en incubateur
En choisissant le critère des emplois
créés, car il est facilement mesurable
L’hypothèse H1 selon laquelle les créa-
et contrôlable, on formule ainsi l’hypo-
teurs ayant un niveau d’études secon-
thèse suivante :
daires (plutôt qu’un niveau d’études su-
périeures) trouvent davantage d’intérêt
H9 : L’implantation en incubateur se
à s’implanter au sein d’un incubateur
traduit par une performance sociale
n’est pas vérifiée. En effet, la propor-
supérieure.
tion de créateurs autodidactes ou titu-
laires du seul baccalauréat qui décla-
rent qu’ils auraient quand même créé
Résultats et leur entreprise même s’ils n’avaient
interprétations pas été hébergés en pépinière ou en
incubateur est plus élevée que celle
L’enquête s’est déroulée entre 2003 mesurée auprès des titulaires d’un
et 2005 au travers d’une sélection de diplôme post-baccalauréat. En particu-
plus de 80 incubateurs répartis sur lier les titulaires d’un baccalauréat sont
l’ensemble du territoire français. Puis, 77% à déclarer qu’ils auraient quand
nous avons interrogé les entrepreneurs même créé de manière certaine leur
de ces incubateurs, qui ont bien voulu entreprise contre seulement 48% pour
participer à cette étude, soit en face à les titulaires d’un BAC+3 et 52% des
face, soit par téléphone, soit en mode titulaires d’un doctorat. Ce résultat est
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gnement ayant une orientation dans preneurs accompagnés ont un niveau
les secteurs technologiques ou mixte, et d’études supérieures.
83% des entrepreneurs interrogés sont
diplômés de l’enseignement supérieur. En revanche, il n’y a pas plus d’inté-
rêt perçu pour un entrepreneur de
Compte tenu de leur formation et du formation scientifique ou technique, à
fait qu’ils développent généralement s’implanter au sein d’un incubateur,
des projets technologiques, il est plus que pour l’ensemble des autres entre-
aisé et important pour eux d’intégrer preneurs (hypothèse H3 rejetée). En
un incubateur. Cette étape est primor- effet, la proportion d’entrepreneurs
diale dans la structuration de leur pro- de formation scientifique ou technique
jet et le début de leur activité (ou la déclarant qu’ils auraient quand même
réalisation d’un prototype) car ce type créé de façon certaine leur entreprise
de projet nécessite des investissements même s’ils n’avaient pas été accom-
importants. Enfin, l’incubateur surtout pagné n’est pas significativement plus
s’il a une bonne réputation (comme forte que celle relevée auprès des en-
celui d’Orsay Paris Sud), va accroître trepreneurs ayant une autre formation
leur capacité à lever des fonds. Ce lien (61% versus 71%; p > 0,05).
entre le secteur des TIC et diplôme des
créateurs a été également mis en évi-
dence par l’INSEE en France (INSEE, Impact des formations à
20063), où les créateurs dans le secteur l’entrepreneuriat
des TIC possèdent à plus de 69% un
diplôme de l’enseignement supérieur. Il
Nos résultats montrent que le chiffre
est également confirmé par l’hypothèse
d’affaires réalisé par les entrepreneurs
H2, selon laquelle l’incubateur est plus
ayant suivi une ou plusieurs formations
enclin à accompagner des entrepre-
neurs de formation supérieure, qui est
validée (p < 0,05). En fait, l’orienta- 3 ht t p://w w w.inse e.fr/fr/themes/detail.
a s p ? r e f _ i d = i r - s i n e 2 0 0 9 & p a g e = i r w e b/
s i n e 2 0 0 9/d d /s i n e 2 0 0 9 _ r e g i o _ p r o f i l .
38 htm#SINE2009_REGIO_PROFIL_ACTIV
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neurs ayant suivi une ou plusieurs for- services de l’incubateur lorsqu’on n’est
mations ne sont pas significativement pas soit même pas fixé sur ces mêmes
supérieurs à ceux des entreprises diri- attentes. Les résultats montrent ainsi
gées par des entrepreneurs n’ayant que près de la moitié des répondants
reçu aucune formation à la création sont dans le doute, ce qui amènera à
(rejet de l’hypothèse H5, p > 0,05). nuancer nos conclusions.
Afin de mieux comprendre l’impact
de ces formations, nous avons mené Globalement, la satisfaction des entre-
huit entretiens semi directifs avec les preneurs vis-à-vis de l’incubateur dans
entrepreneurs sur ce sujet. L’analyse lequel ils sont implantés, s’explique à
de contenu conforte plutôt l’hypothèse la fois par les ressources matérielles
selon laquelle les expériences précé- et les services fournis. Pour les res-
dentes de création ont un impact beau- sources matérielles, le loyer modéré
coup plus important que les formations et les autres prestations gratuites ou
sur la réussite du projet. Les formations à prix coûtant (comme l’accès à des
serviraient davantage en amont, au salles de réunion, à un accès l’Internet
niveau de l’intention d’entreprendre haut débit, etc.) sont prépondérants.
(Boissin & al., 2009). Pour les services, les conseils d’ordre
général sur la gestion de leur firme et
l’aide à l’obtention de capitaux (privés
ou publics) sont les deux variables si-
Qualité du travail perçu
gnificatives. L’ANOVA réalisée est glo-
de l’équipe au sein de
balement significative (p < 0,00 pour
l’incubateur le test de Fisher) même si la variance
explicative est faible 28% (R² ajusté).
Les résultats font ressortir que les at-
tentes des entrepreneurs sont claire- Dans l’ensemble, les créateurs qui valo-
ment ciblées au niveau des services risent fortement les prestations gratuites
fonctionnels et des infrastructures (dis- ou à prix coûtant, et l’aide à l’obtention
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à l’acte de création. En fait, 74% des avec des financeurs potentiels (orga-
créateurs sont venus à l’incubation pour nismes financiers, prix de concours à
les services proposés. la création, réseaux de financement,
business angels, etc.) : 53% des entre-
Au final, même si les ressources maté- preneurs déclarent que l’incubateur a
rielles sont le premier facteur expli- joué un rôle important dans ce type de
quant la satisfaction des entrepreneurs, mise en relation (p < 0,05).
la qualité de l’équipe d’accompagne-
ment constitue un intérêt majeur des Enfin, les tests montrent que l’implan-
entrepreneurs vis-à-vis de l’incubateur tation en incubateur se traduit par
(l’hypothèse H7 est vérifiée). De plus, une performance sociale supérieure
la satisfaction de l’entrepreneur vis-à- (hypothèse H9 validée). Ce résultat
vis de la qualité du travail fourni par est conforme à l’étude de l’APCE qui
l’ensemble de l’équipe d’accompagne- indique que le nombre moyen de sala-
ment est essentiellement fonction de riés par entreprise dans la phase de
celle du responsable (l’hypothèse H7a démarrage est de 0,55 en 2002. La
est vérifiée). En effet, l’appréciation moyenne observée sur notre échan-
du travail de l’ensemble de l’équipe tillon des entreprises accompagnées
est fonction du travail des trois parties est de 1,05.
prenantes que sont le directeur, les ac-
compagnateurs et les autres employés
(p<0,05). Pour autant le coefficient de Conclusion
régression est le plus élevé pour le di-
recteur (0,43) puis les autres employés Cette étude empirique a permis de
(0,31) et enfin les accompagnateurs mettre en lumière un certain nombre
(0,17). Le retrait des accompagnateurs de conclusions :
peut partiellement s’expliquer par le
fait qu’ils ne sont pas présents dans * les personnes les plus diplô-
tous les incubateurs. mées (ayant plus qu’une licence)
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l’enseignement supérieur, du travail fourni par l’ensemble de
l’équipe d’accompagnement est
* la nature du diplôme (technique ou essentiellement fonction de celle
technologique versus autre) n’a en du directeur. Ce résultat provient
revanche pas d’importance, également du fait que dans la plu-
part des incubateurs, il n’y a pas
* les formations à l’entrepreneuriat de chargé d’affaires et le directeur
n’ont pas d’impact sur le chiffre joue donc ce double rôle.
d’affaires, ni sur l’effectif salarié des
entreprises dont l’entrepreneur a sui- * l’implantation en incubateur se tra-
vi ce type de formation. Là encore, duit par une performance sociale
cette spécificité provient sûrement supérieure.
de l’échantillon qui ne représente
qu’une catégorie d’entrepreneurs, L’ensemble de ces résultats montre
l’utilité sociale des incubateurs en
* les attentes des entrepreneurs vis- France. En effet, ils incitent à la fois les
à-vis des incubateurs sont claire- entrepreneurs à passer à l’acte, mais
ment ciblées au niveau des services concourent également aux succès des
fonctionnels et des infrastructures : entreprises incubées. De plus, ces en-
disposer d’un local et de services treprises créent davantage d’emplois.
vraiment très basiques de type pho-
tocopieur, salle de réunion, accueil Toutefois, les services fournis par les
téléphonique, et réception des visi- incubateurs pourraient être plus four-
teurs. Les autres services, comme nis et davantage axés sur l’aide à la
les conseils d’ordre général sur la recherche d’investisseurs potentiels.
gestion de leur entreprise et l’aide Pour les entrepreneurs interrogés, c’est
à l’obtention de capitaux (privés ou un domaine sur lequel les incubateurs
publics), font également partie de doivent progresser. Enfin, la qualité
leurs attentes, du travail des incubateurs perçue par
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Gestion 2000 6 novembre - décembre 2012
les entrepreneurs est largement dépen- Cooper, A., Gimeno-Gascon, F.J., Woo,
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© Association de Recherches et Publications en Management | Téléchargé le 17/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 80.215.107.137)
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