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Enjeux et outils de gestion de la marque employeur : point

de vue d’experts
Audrey Charbonnier-Voirin, Alexandra Vignolles
Dans Recherches en Sciences de Gestion 2016/1 (N° 112), pages 153 à 172
Éditions ISEOR
ISSN 2259-6372
DOI 10.3917/resg.112.0153
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revue Recherches en Sciences de Gestion-Management Sciences-Ciencias de
Gestión, n°112, p. 153 à 172

Enjeux et outils de gestion de la marque employeur :


point de vue d’experts

Audrey Charbonnier-Voirin
Enseignant-Chercheur
INSEEC Business School
(France)

Alexandra Vignolles
Enseignant-Chercheur
INSEEC Business School
(France)

La gestion de la marque employeur représente l’ensemble des


efforts faits par une organisation pour communiquer auprès de ses
cibles les avantages à travailler pour elle et le message selon lequel
elle est un employeur de choix. Cet article présente les résultats d’une
étude qualitative menée auprès de 11 gestionnaires de la marque
employeur, permettant d’expliciter les objectifs et les conséquences
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attendues de la marque employeur pour des organisations de tailles et
de secteurs différents. Cette recherche clarifie également le contenu
de la marque employeur ainsi que les outils et les pratiques utilisées
pour la développer et la valoriser.

Mots-clés : marque employeur, processus de gestion de la marque


employeur, étude qualitative, analyse de contenu thématique.

Employer branding represents the sum of company’s effort to


communicate to existing and prospective staff the advantages to work
for it and the message that it is a high quality employer. The article
presents a qualitative study of 11 employer brand managers. The
154 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

results help to explain the objectives and consequences of the


employer brand for organizations of different sizes and sectors. The
article also clarifies the content of the employer brand as well as the
tools and practices used to create and develop it for different targets.

Key-words: employer brand, employer branding, qualitative study,


thematic analysis content.

La marca empleador o employer branding representa el


conjunto de esfuerzos de la empresa para comunicar a los empleados
actuales y potenciales las ventajas de trabajar para ella y el mensaje
de que es un empleador de calidad. El artículo presenta un estudio
cualitativo de 11 gestores de marca empleador. Los resultados
contribuyen a explicar los objetivos y consecuencias de la marca
empleador de la empresa para organizaciones de diferentes tamaños
y sectores. El artículo además clarifica el contenido de la marca
empleador, así como las herramientas y prácticas utilizadas para
desarrollarla y valorizarla.

Palabras claves: marca empleador, gestion de la marca empleador,


investigación cualitativa, análisis de contenido temático.
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Face aux évolutions technologiques, économiques et
sociodémographiques (concurrence mondiale, évolution des attentes
vis-à-vis du travail, « volatilité » des salariés par exemple), de
nombreux secteurs connaissent une réelle concurrence pour attirer et
retenir les salariés les plus talentueux (Chhabra et Mishra, 2008 ;
Ewing, Pitt, de Bussy et Berthon, 2002 ; Gaddam, 2008). Cette guerre
des talents conduit les entreprises à créer et développer une marque
employeur forte (Mandhanya et Shah, 2010), représentée par
« l’ensemble des avantages fonctionnels, économiques et
psychologiques inhérent à l’emploi et avec lesquels l’entreprise, à titre
d’employeur, est identifiée » (Ambler et Barrow, 1996, p. 187).
L’intérêt croissant que portent les entreprises de nombreux secteurs
d’activité au développement et à la gestion de leur marque employeur
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 155
D’EXPERTS

a ainsi conduit à la création de plusieurs classements qui ont pour


objectif pour les entreprises de se positionner comme les « meilleures
entreprises où travailler » ou « employeur idéal » (tels que le Top
Employeur France, le classement du magazine Fortune des
entreprises les plus admirées ou le Classement Universum). Selon
l’étude Employer Brand Benchmark Survey de 2010, le nombre de
gestionnaires de la marque employeur a également été multiplié par
trois entre 2004 et 2010.
La littérature concernant la marque employeur est
malheureusement à ce jour assez peu développée et provient
majoritairement de praticiens (Edwards, 2010) et les études
empiriques sont par ailleurs rares. Ces études concernent presque
exclusivement l’impact de la marque employeur sur les candidats.
Aucune étude, n’a, à notre connaissance cherché à étudier l’ensemble
du processus de développement et de gestion de la marque employeur,
depuis l’ensemble des enjeux rencontrés par les organisations,
jusqu’aux stratégies mises en place, envers les candidats, mais
également une fois que ces derniers ont intégré l’entreprise. Face à ces
insuffisances, il parait fondamental d’interroger des gestionnaires de
la marque employeur afin de cerner leurs enjeux, la manière dont ils
conçoivent la marque employeur et les outils utilisés pour la
développer en interne comme en externe. Dans cette perspective, cette
recherche présente les résultats issus d’une étude qualitative menée
auprès de 11 responsables d’entreprises de tailles et de secteurs
différents, qui travaillent sur le développement et/ou la
communication de la marque employeur. Cette recherche contribue à
la littérature sur la marque employeur en analysant le discours de
responsables de marque employeur. Elle vient notamment supporter la
prise en compte relativement récente de l’intérêt de construire une
marque employeur forte et cohérente auprès de toutes les parties
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prenantes, ainsi que les retombées attendues.
Après avoir défini le concept de marque employeur, les apports
de la littérature seront synthétisés au travers de la formulation de
questions de recherche sur les stratégies mises en œuvre dans la
gestion de la marque employeur ainsi que les conséquences attendues.
La seconde partie présentera la méthodologie et les observations
issues de l’étude qualitative. Les contributions de cette recherche ainsi
que les voies de recherche futures seront enfin discutées.
156 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

1. – La création et le développement de la marque


employeur : perspectives théoriques

1.1 Fondements et définition de la marque employeur

Le concept de marque employeur désigne « l’ensemble des


avantages fonctionnels, économiques et psychologiques inhérent à
l’emploi et avec lesquels l’entreprise, à titre d’employeur, est
identifiée » (Ambler & Barrow, 1996, p. 187). Les avantages
fonctionnels correspondent aux opportunités de développement et à
l’intérêt du travail (Berton et al., 2005) tandis que les bénéfices
économiques se réfèrent aux avantages financiers et matériels. Les
bénéfices psychologiques sont essentiellement liés aux sentiments de
contrôle et d’appartenance. Il n’existe néanmoins pas de consensus sur
le nombre de dimensions de la marque employeur bien que des
recoupements semblent pouvoir être réalisés. Si Ambler et Barrow
(1996) identifient ces trois composantes théoriques, Berthon et ses
collègues (2005) mesurent pour leur part la marque employeur au
travers de cinq dimensions : 1. La valeur d’attrait (intérêt du travail) ;
2. La valeur sociale (ambiance de travail) ; 3. La valeur économique
(rémunération, promotion) ; 4. La valeur de développement (carrière,
formation) et 5. La valeur de transmission. Les chercheurs semblent
néanmoins s’accorder sur le fait que la marque employeur représente
les avantages potentiels qu’un employé voit dans le fait de travailler
pour une organisation (Berthon et al, 2005 ; Roy, 2008).
Le processus de gestion de la marque employeur représente pour
sa part l’ensemble des efforts fait par une entreprise auprès des
candidats et de ses salariés pour créer et communiquer le message
selon lequel elle est un « employeur de choix » (Kapoor, 2010),
différent de ses concurrents (Berthon et al., 2005 ; Chhabra et Mishra,
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2008 ; Lievens, 2007). La marque employeur se développerait en trois
étapes (Lievens, 2007) : après avoir identifié la proposition de valeur
offerte aux collaborateurs (Martin, Beaumont, Doig et Pate, 2005),
l’organisation la communique auprès de ses cibles. L’entreprise se
doit ensuite d’agir conformément à cette promesse pour retenir ses
collaborateurs.

1.2. Les conséquences attendues de la marque employeur

Les recherches empiriques sur la marque employeur ont


quasiment exclusivement orienté leurs efforts sur les candidats et
cherché à montrer son impact positif sur l’attractivité
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 157
D’EXPERTS

organisationnelle (Cable et Turban, 2001 ; Collins et Stevens, 2002 ;


Roy, 2008). L’étude menée par Collins et Stevens (2002) reporte ainsi
une influence positive de la marque employeur sur l’intention et la
décision de candidater (β=.43, p<0.01). Ces résultats rejoignent les
conclusions de Knox et Freeman (2006), mais également de Taylor et
Bergmann (1987) qui montrent que l’évaluation des attributs attendus
de l’emploi par les candidats influence positivement l’attractivité de
l’organisation (β=.53, p<.01).
Un petit nombre de travaux s’intéresse également à l’influence
de la marque employeur sur les collaborateurs, qui améliorerait leur
fidélité (Ambler et Barrow, 1996 ; Gaddam, 2008) et réduirait les
coûts associés au turn-over et au processus de recrutement (Kapoor,
2010). Seul Priyardarshi (2011) a, à notre connaissance, testé la
relation entre la marque employeur et l’intention de quitter
l’organisation. Ses résultats montrent que trois des quatre dimensions
de la marque employeur (manque de flexibilité, de variété du travail et
d’opportunités liés à la rémunération et à la carrière) sont positivement
corrélées à l’intention de quitter l’organisation. Elle aurait également
pour conséquence une plus grande implication des salariés (Ambler et
Barrow, 1996 ; Kapoor, 2010 ; Mandhanya et Shah, 2010 ; Roy,
2008), notamment affective (Priyadarshi, 2011).
Plusieurs chercheurs proposent néanmoins que les conséquences
positives de la marque employeur auprès des collaborateurs ne
peuvent être atteintes que s’il existe une cohérence entre les discours
attractifs de l’employeur et ses actes (Mark et Toelken, 2009). Il
s’agirait en effet de développer une marque employeur externe en
adéquation avec les attributs réels du travail et de l’organisation, faute
de quoi elle pourrait devenir « toxique » (Charbonnier-Voirin, Laget
et Vignolles, 2014 ; Mark et Toelken, 2009).
Selon certains auteurs, la marque employeur crée des attentes
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chez les candidats vis-à-vis de l’organisation avant même leur
intégration dans l’entreprise (Ewing et al., 2002 ; Roy, 2008). Le non-
respect des promesses véhiculées par la marque employeur externe
(brèche, violation ou rupture du contrat psychologique) et la non
réalisation des attentes, se traduiraient au contraire par le départ des
nouvelles recrues (Wanous et al., 1992) ou encore par de la
désimplication ou de la démotivation (Robinson, Kraatz et Rousseau,
1994).
L’entreprise se doit en effet d’agir conformément à cette
promesse pour retenir ses collaborateurs, notamment en menant une
réflexion de fond sur sa culture et son identité (Gaddam, 2008 ;
Lievens, 2007) ainsi que sur les pratiques qu’elle est en mesure de
valoriser.
158 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

1.3. Les pratiques destinées à créer et valoriser la marque


employeur

Gaddam (2008) ainsi que Ambler et Barrow (1996) insistent sur


le fait que la marque employeur doit nécessairement refléter la réalité
des valeurs de l’entreprise, sans quoi ses objectifs, en termes de
rétention notamment, ne peuvent être atteints. Une marque employeur
unique et distinctive se construirait ainsi à partir des forces de
l’entreprise, inhérentes à sa culture (Gaddam, 2008, Mandhanya et
Shah, 2010) définie comme l’ensemble des attitudes, des croyances,
des valeurs et des normes partagées dans l’organisation. La culture
donnerait ainsi du sens à la marque employeur pour qu’elle devienne
un véritable outil d’attractivité et de fidélisation.
Afin de construire leur marque employeur et promouvoir une
proposition de valeur crédible, les organisations devraient également
se baser sur leurs pratiques RH, perçues par les individus comme les
principaux signaux envoyés par l’organisation sur son rôle
d’employeur (App, Merk & Büttgen, 2012 ; Goldberg et Allen, 2008).
Le processus de recrutement serait particulièrement déterminant pour
les candidats. Le discours véhiculé par l’employeur en amont et au
moment des entretiens ainsi que l’observation des comportements des
salariés de l’entreprise au moment de la rencontre influenceraient
fortement la perception des attributs du travail et de l’organisation
(Kapoor, 2010 ; Taylor et Bergmann, 1987). Les pratiques liées à la
formation (App et al., 2012), à la gestion des carrières (Mandhanya et
Shah, 2010), à l’appréciation des performances et au style de
management (Kapoor, 2010), à la rémunération (Wayne & Casper,
2012) participent à la création de la proposition de valeur véhiculée
par la marque employeur.
Concernant la seconde étape du processus de gestion de la
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marque employeur (Lievens, 2007) inhérente à sa communication, la
recherche menée par Collins et Stevens (2002) montre que les
activités marketing traditionnelles peuvent être utilisées. Plus
précisément, la communication institutionnelle ainsi que le bouche-à-
oreille positif influenceraient les perceptions des candidats des
attributs de la marque employeur. Kapoor (2010) note que les actions
dirigées vers les étudiants (forums, interventions, événements)
peuvent améliorer la marque employeur d’une organisation. Selon lui,
les salariés en sont aussi les principaux ambassadeurs. Ce sont eux qui
détermineraient la crédibilité des messages communiqués par
l’entreprise (Berthon et al., 2005).
On sait néanmoins peu de choses quant aux supports précis
pouvant être utilisés. La recherche menée par Girard, Fallery et
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 159
D’EXPERTS

Rodhain (2011) montre que les comptes Facebook et Twitter ainsi que
les outils de publication (blogs ou Youtube par exemple) seraient
utilisés comme des outils de contact au service de la marque
employeur (sur des thématiques RH globales ou particulières :
actualités RH ou alternance par exemple) avec différents objectifs :
animer des communautés, améliorer la visibilité de leurs actions, faire
témoigner les collaborateurs.
Face aux incertitudes théoriques liées à la création et à la gestion
de la marque employeur, la méthodologie choisie repose sur une
démarche qualitative exploratoire destinée à clarifier le concept de
marque employeur, ses enjeux ainsi que les pratiques destinées à la
créer et à la promouvoir. Afin de synthétiser cette approche, la figure
1 résume le cadre théorique ainsi les questions de recherche issues de
la revue de la littérature.
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Figure 1 - Cadre théorique et questions de recherche

2. – L’étude qualitative menée auprès de gestionnaires de la


marque employeur

2.1. Méthodologie de la recherche

Les données qualitatives ont été collectées grâce à 11 entretiens


semi directifs menés auprès de responsables qui travaillent sur le
160 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

développement et/ou la communication de la marque employeur de


leur société. Les interviewés, responsables ressources humaines ou
communication, se sont vus confiés comme mission principale la
gestion de la marque employeur de leur société entre 2011 et 2014. Le
tableau 1 présente les caractéristiques des répondants (poste et secteur
d’activité) et des entretiens (lieu et durée) :

Tableau 1 : Caractéristiques des répondants et des entretiens


Répon- Poste occupé et secteur Lieu et date de Durée de
dant l’entretien l’entretien
AB Chargé de la communication Salle de réunion dans 1h30
interne, secteur digital l’entreprise – 14 juillet
AD Directeur communication RH, Salle de réunion hors 1h20
secteur bancaire entreprise- 10 juillet
AG Chargée RH (recrutement et Salle de réunion hors 1h35
carrière), secteur des SSII entreprise – 9 avril
B Directrice du management des Salle de réunion hors 1h10
compétences et des parcours entreprise – 9 juillet
professionnels, secteur de la
téléphonie
C Responsable marque Salle de réunion hors 1h
employeur et recrutement, entreprise -9 juillet
secteur de l’énergie
E DRH, secteur digital Salle de réunion hors 1h20
entreprise -9 juillet
F Directeur des RH numériques Salle de réunion dans 1h45
et de la communication RH l’entreprise – 15 avril
externe, secteur bancaire
M Consultante communication Salle de réunion hors 1h15
interne ; Anciennement entreprise – 20 avril
directrice communication en
charge de la ME, secteur du
conseil/assurance
O Directeur du développement Salle de réunion dans 1h05
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stratégique, secteur digital l’entreprise – 9 avril
P Directeur projet RH Salle de réunion hors 50 min
Transformation Digitale, entreprise
secteur bancaire
R Chargée de marketing et de Salle de réunion hors 1h15
communication, secteur SSII entreprise – 7 avril

Afin de cerner les similarités et les différences de conception et


de gestion de la marque employeur, les entreprises sélectionnées sont
de tailles différentes (PME de 200 et 400 salariés, grandes entreprises
françaises de 3000 personnes, jusqu’aux multinationales comptant
entre 35 000 et 200 000 collaborateurs) et sont présentes dans
plusieurs secteurs d’activités (Banque, Assurance, Informatique et
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 161
D’EXPERTS

Numérique, Téléphonie, Energie). L’émergence récente de l’intérêt


pour la marque employeur dans les entreprises apparaît ainsi dans la
variété des intitulés de poste, qui montre que la gestion de la marque
employeur a donc été confiée soit aux responsables des ressources
humaines soit aux responsables de communication (ou de
communication digitale) auprès desquels la fonction de chargé de
marque employeur a été ajouté en plus de leurs fonctions initiales.
Les entretiens ont été conduits à l’aide du guide d’entretien
présenté dans le tableau 2. Ils ont duré en moyenne 1h15 et ont été
intégralement retranscris. Ce guide d’entretien est organisé autour de
trois questions de recherche, qui sont :
QR 1 : Quelle est la stratégie mise en œuvre pour la gestion de la
marque employeur externe ? Quelles sont les retombées présentes et
attendues ?
QR2 : Quelle est la stratégie mise en œuvre pour la gestion de la
marque employeur interne ? Quelles sont les retombées présentes et
attendues ?
QR3 : La gestion de la marque employeur est-elle adaptée et
cohérente pour les publics auxquels elle s’adresse ?

Tableau 2 : Guide d’entretien à destination des gestionnaires


de la marque employeur
Présentation du répondant
Depuis combien de temps travaillez-vous sur les questions relatives à la
marque employeur ?
En quoi consiste votre travail sur la marque employeur ?
La marque employeur de votre entreprise
Quelle est la marque employeur de votre entreprise ?
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A quoi sert votre marque employeur ? Quels en sont les objectifs ? Qui
sont les cibles ?
Quels sont les outils/pratiques utilisés pour développer votre marque
employeur ? (Actions précises mises en place ?)
Ces outils sont-ils efficaces ? (Informations chiffrées ?)
Comment s’intègre la marque employeur dans votre stratégie de
communication globale ?
Quelle sont les difficultés rencontrées dans le développement de la
marque employeur ?
Si vous deviez donner une définition de la marque employeur, quelle
serait-elle ?
162 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

Une analyse de contenu thématique informatisée a été réalisée


grâce au logiciel NVivo, qui a permis d’identifier les thèmes et les
sous-thèmes communs et transversaux à l’ensemble des entretiens.
Une procédure de double codage a été réalisée sur les quatre premiers
entretiens. Un taux d’accord intercodeurs très satisfaisant de 82 % a
été obtenu, permettant de s’assurer de la validité du codage initial
(Miles & Huberman, 1991).
Conformément aux propositions théoriques, les observations
issues des entretiens sont orientées vers l’enrichissement de la
connaissance des enjeux de la marque employeur et ses conséquences
attendues, son contenu ainsi que les outils et pratiques susceptibles de
la développer. Trois grands thèmes sont ainsi mis en avant dans la
présentation des résultats : les enjeux et les conséquences attendues de
la marque employeur (externe et interne), le rôle de la culture et des
pratiques RH et enfin les outils de promotion de la marque employeur.

2.2. Les observations issues de l’étude qualitative

2.2.1 Les enjeux et conséquences attendues de la marque employeur

Tous les répondants s’accordent à dire que l’utilisation du terme


de marque employeur est récent, en général et dans leur entreprise en
particulier. Ils situent en majorité son apparition entre 2010 et 2012.
La volonté de mettre en œuvre une gestion de la marque employeur
passe par la création d’un poste ex-nihilo (souvent rattaché à la
communication) ou bien par le souhait d’un collaborateur (le plus
souvent responsable RH). Le passage à l’opérationnalisation de la
marque employeur semble ainsi venir d’un « effet de mode »
(bandwagon effect) et d’une réflexion stratégique. M (anciennement
directrice de la communication dans les assurances) précise : « Je
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crois que le premier maillon de la chaine, ça a été la GPEC, qui a mis
en évidence la nécessité d’anticiper les départs et d’identifier les
compétences rares, […avec] un turn-over très fort, notamment sur les
métiers de commerciaux.».
Pour tous les répondants, la marque employeur remplit un double
objectif : faciliter les recrutements en améliorant l’attractivité de leur
entreprise, mais également fidéliser les talents.
Concernant l’objectif d’attractivité, il s’agirait essentiellement
pour les répondants de se différencier des concurrents ou bien de ne
pas se laisser distancer sur une image de marque employeur par leurs
concurrents. R (secteur des SSII) explique que « dans le secteur IT, du
fait d’un turn-over conséquent (12/13%) et de la volonté de croissance
du groupe, on a chaque année un plan de recrutement extrêmement
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 163
D’EXPERTS

fort [en 2012, 700 recrutements, 800 en 2013]. Il fallait trouver un


plan d’action ambitieux, cohérent et surtout efficace pour répondre à
ce besoin de recrutement ». Et d’ajouter « nos cibles sont tellement
sur-sollicitées... Ces candidats, c’est à nous d’aller les chercher, de
les séduire, de se différencier, de se montrer attractif ». AD (secteur
bancaire) parle ainsi de véritable « guerre des talents dans les métiers
du numérique ».
Les répondants mettent en lumière plusieurs enjeux liés à
l’attractivité pour lesquels le développement d’une marque employeur
forte deviendrait incontournable : concurrence entre les employeurs,
turn-over, besoin important de recrutement et de nouvelles
compétences rares (pénurie de profils) avec l’objectif d’inscrire la
marque employeur dans le long terme afin d’ « assurer aujourd’hui
les recrutements de demain » (AB, secteur digital).
Lorsque l’on s’intéresse aux bénéfices attendus ou réels d’une
mise en œuvre de marque employeur, il n’est pas évident pour les
répondants de chiffrer exactement ces retombées (ou bien ils ne
souhaitent pas communiquer de chiffres précis). Pour O (secteur
digital), « depuis ce travail sur la marque employeur, il y a eu un réel
impact sur le sourcing de +30 à 50% en 1 an, notamment sur les
profils seniors ». Au-delà de la quantité, c’est aussi un moyen
d’améliorer la qualité des candidats et de vérifier la pertinence de sa
communication en terme d’image de marque employeur.
« On a des candidatures plus ciblées. On a constaté une
augmentation des connaissances [sur l’entreprise] des candidats
rencontrés. Ils sont plus au courant des pratiques que l’on a au sein
de la société et ils sont en général plus enclins à nous rejoindre car ils
en savent déjà beaucoup avant d’arriver au 1er entretien » (AB,
secteur digital).
Néanmoins, la majorité des répondants exprime la difficulté de
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quantifier les impacts positifs de leur marque employeur en termes
d’attractivité. F (secteur bancaire) s’interroge : « Comment va-t-on le
quantifier ? Parce qu’on va acheter ces baromètres Universum par
exemple. On va mettre en place des études qui vont nous permettre un
suivi…Après, est-ce que l’action que j’ai faite sur telle plateforme a
augmenté de 25% le rendement de mon offre ou diminué le temps de
recrutement de 15% ?…C’est très difficile à voir…Comment puis-je
isoler une action par rapport à une autre ?». Si le travail fait sur la
marque employeur semble dans la majorité des cas être bénéfique, la
marque corporate demeure un élément important. Les différents
classements de marque employeur ou d’attractivité employeur
présentent bien souvent des entreprises dont les marques bénéficient
164 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

d’une notoriété et d’une image de marque élevée (par exemple Apple,


Google ou L’Oréal).
Tous les répondants différencient clairement la marque
employeur externe qui porte sur la question de l’attractivité et la
« marque employeur interne où là, il faut fidéliser et maintenir le
niveau d’engagement des salariés » (C, secteur de l’énergie). La
littérature insiste ainsi sur la nécessaire adéquation entre la marque
employeur externe et interne afin de fidéliser les collaborateurs.
Plusieurs répondants ont noté que, malgré des objectifs différents,
marque employeur externe et interne devaient être en totale
adéquation :
« Si elle n’est pas conforme à la réalité de l’entreprise, elle
amène à des déceptions et à de mauvais recrutements. La marque
employeur doit être en adéquation avec les attentes d’un candidat et
avec la réalité de l’entreprise (…). Un point capital pour moi, c’était
vraiment d’avoir une transparence complète au niveau de la promesse
faite au candidat, parce que je connaissais bien les dangers que ça
pouvait comporter et qu’une rupture du contrat psychologique 2 mois
après l’arrivée du salarié, c’est quasiment une sortie assurée, une
perte d’argent et une perte de temps » (B, secteur de la téléphonie).
A cet égard M (secteur des assurances) donne un exemple de
marque employeur toxique liée à « un énorme écart entre la vente de
l’entreprise et ce que le collaborateur peut trouver : En entretien, on
va vendre une entreprise ouverte, jeune, dynamique, internationale,
où la diversité, le handicap sont promus, un développement de
carrière, une montée en compétences, un plan de formation…Les
jeunes commerciaux entrent, séduits par tout ce qu’on leur a vendu,
font la formation, car c’est une formation de qualité néanmoins, et
puis constatent : pas de plan de carrière, pas de montée en
compétences, toujours la même chose…ils partent ». La réalisation
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des attentes des candidats créées sur la base des messages véhiculés
par la marque employeur externe semblerait ainsi être une condition
indispensable à leur fidélisation.

2.2.2 Le rôle de la culture et des pratiques RH

A travers le discours des répondants, deux éléments sont


notamment mis en exergue : les valeurs de l’entreprise et leur
nécessaire congruence avec ce que vivent les collaborateurs, et le rôle
des RH dans cette mise en œuvre.
La marque employeur devrait avoir pour objectif un partage des
mêmes valeurs par les salariés, ils devraient ainsi plus facilement
s’identifier à l’organisation et être fédérés autour d’une même identité.
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 165
D’EXPERTS

Ainsi un des répondants a d’abord été recruté pour définir les valeurs
et la promesse de l’entreprise.
« C’était le guide de l’entreprise, pour nos collaborateurs, en
illustrant concrètement ce que chacune des valeurs voulait dire (…).
Notre objectif était que les collaborateurs se reconnaissent là-dedans,
la passion notamment » (R secteur SSII).
Ce travail de synthèse des valeurs est également nécessaire,
lorsque le souhait de l’entreprise est de recruter des collaborateurs
dont les valeurs sont congruentes avec celles de l’entreprise. Cette
congruence des valeurs peut également transparaître dans la
communication de la marque et/ou des produits.
« Pour redéfinir la promesse employeur (…) qui tourne autour
de l’esprit d’équipe, que l’on retrouve dans les campagnes produits.
Et cet esprit d’équipe, il se décline à tous les niveaux : avec les clients
dans la relation commerciale, en interne et aussi vis à vis des
candidats que l’on cherche à recruter » (F secteur bancaire).
Tous les répondants ont également mis en avant l’importance de
leur politique RH dans la détermination de la proposition de valeur
véhiculée par la marque employeur. O (secteur digital) ajoute que « La
marque employeur est composée de ce que je dis, qui je suis vraiment
et ce qui est dit de moi, avec l’existence d’un seul levier, RH, qui a
pour objectif de remettre le tout en cohérence ». De la phase de
recrutement aux premiers mois dans l’entreprise, l’opérationnalisation
de la marque employeur permet de mieux accompagner les nouveaux
collaborateurs. La promesse est souvent d’offrir un accompagnement
et un suivi personnalisé au collaborateur.
Les répondants ont néanmoins insisté sur la difficulté de se
différencier dans un même secteur, sur des modèles économiques
proches afin de rendre la marque employeur crédible et de faire en
sorte que toutes les parties prenantes aient la même image. Cette
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difficulté amène à s’interroger sur les outils marketing et de
communication utilisés dans la gestion de la marque employeur, cet
élément de distinction étant le propre d’un positionnement en
marketing.

2.2.3. Les outils de promotion de la marque employeur

« La marque employeur, c’est le produit fini. De la même


manière qu’on ne va pas vendre un produit avant de l’avoir conçu,
avoir travaillé le packaging et tous les éléments du mix marketing »
(M, secteur des assurances).
Le verbatim ci-dessus résume une vision de la marque
employeur en faisant le parallèle avec un produit. En effet, les outils
166 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

marketing et de communication occupent une très forte place dans la


promotion de la marque employeur. La marque employeur se trouve à
mi-chemin entre la gestion des ressources humaines et le
marketing/communication. Du côté des RH, les équipes doivent avoir
une réflexion sur les process de recrutement, de mobilité interne,
d’évaluation…tandis que les responsables de la communication
devront valoriser cette offre aussi bien en externe qu’en interne.
Au-delà des actions de marketing ou de communication émanant
directement de l’entreprise, le bouche-à-oreille positif semble être
considéré par les répondants comme un puissant levier de valorisation
et de communication de la marque employeur, tant et si bien que
plusieurs d’entre eux considèrent leurs salariés comme de véritables
ambassadeurs de la marque employeur et utilisent parfois le terme de
« marque employé ». Se pose alors la question de la formalisation de
la prise de parole des salariés : faut-il les laisser s’exprimer sur les
canaux de leur choix ou leur donner un « guide » pour éviter les
erreurs de communication ? Cette question de la prise de parole des
salariés, de prime abord naïve, peut prendre plusieurs formes avec le
souci d’apporter une preuve : témoignages écrits ou vidéos,
interviews, réseau d’ambassadeurs dans les universités et les écoles,
discussion en ligne avec des ingénieurs ou des managers…
Néanmoins des risques existent, liés à ce que les collaborateurs soient
des ambassadeurs de l’entreprise.
« En théorie, c’est une histoire qui est extrêmement séduisante,
c’est vrai, mais en réalité je vais avoir une minorité de collaborateurs
qui de façon spontanée et individuelle vont prêcher la bonne parole
au sujet de mon entreprise. Si je n’interviens pas, le risque c’est qu’ils
racontent un discours à 180 degrés de ce que je veux développer (…).
Ils peuvent être des ambassadeurs comme des fossoyeurs. Ou
inversement, je leur apprends à bien parler et ce sera une soupe
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digérée que les candidats vont rejeter » (F, secteur bancaire).
Concernant des outils de communication plus classiques, les
médias sociaux et outils de partage numérique semblent occuper une
place importante dans les entreprises de tous les répondants. Les outils
de communication de la marque employeur sont ainsi multiples : site
carrière, application mobile, blogs, tchats, Facebook, Viadeo et
LinkedIn, Twitter, Youtube, job boards, bannières et espaces
publicitaires online et mais aussi presse, voire TV, ainsi que les salons
et forums, en particulier les relations écoles avec les campus
managers, considérés comme les « VRP de la marque employeur » (F,
secteur bancaire). Cette multiplication des supports et plateformes a
pour objectif de cibler différentes populations et de gérer ces groupes
sur la durée.
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 167
D’EXPERTS

« Est-ce que je vais plutôt travailler mon attractivité, ma


visibilité ou bien mon sourcing ? Je ne vais pas utiliser les mêmes
outils ou les mêmes fonctionnalités….Quand je vais pousser des offres
sur LinkedIn, c’est pour avoir des CV tout de suite. Lorsque je créé
une communauté de discussion, c’est plutôt pour l’image, les vidéos
plutôt pour de la visibilité. Et puis, sur quelles populations je travaille
? Est-ce que je vise des populations assez larges ? Avec mon site de
recrutement, je m’adresse à toutes les populations…ou bien est ce que
je vais être sur des populations plus pointues ? Et là, ça va être ma
page graduate programs sur Facebook, mon blog sur le handicap,
mon site évènementiel sur l’alternance… Potentiellement si je vais sur
Facebook, j’ai une audience de 1 milliard de personnes. C’est très
bien mais je construits une maison sur un terrain qui ne m’appartient
pas. A l’opposé, mon blog, je le construis exactement comme je veux,
je le customise, les fonctionnalités, le contenu, tout m’appartient, mais
seulement, le jour où je l’ouvre, j’ai zéro visiteurs. Il va falloir que
j’investisse pour créer une audience » (F, secteur bancaire).
La cooptation demeure un outil plus consensuel, largement
utilisé pour le sourcing. Pour E (secteur digital) : « la cooptation, qui
est vraiment liée à la marque employé, était de plus de 20% à mon
arrivée. Aujourd’hui, elle représente presque 30% de nos
recrutements ». Elle est également globalement encouragée et
formalisée à des degrés différents allant jusqu’à l’existence de
plateforme permettant à tous les salariés de recommander des profils
de candidats extérieurs.
Il convient de noter que certaines entreprises (C, P, B)
digitalisent également les pratiques en interne dans le but de
promouvoir leur marque employeur auprès de leurs collaborateurs. Il
s’agit alors d’offrir des services RH de manière différente ou encore
de pouvoir répondre aux questions des collaborateurs et leur présenter
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l’actualité RH : « Dernièrement, on a créé un site interne e-rh, qui
permet aux collaborateurs de poser des questions sur des thématiques
RH (…). C’est une façon d’être plus proches d’eux, de répondre à
leurs préoccupations et à leurs besoins » (P, secteur bancaire). Les
efforts faits en termes de création de réseaux sociaux internes et de
SIRH montreraient la préoccupation des entreprises à la fois de
valoriser et rendre accessible l’offre RH en interne (actualités RH,
possibilités d’e-learning, évaluations on-line, information sur les
trajectoires professionnelles et les dispositifs d’accompagnement par
exemple), mais également de modifier les pratiques de travail pour
répondre aux attentes des collaborateurs (plateforme d’échanges ou
coopératives, communautés professionnelles virtuelles par exemple).
168 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

Discussion

Les observations issues de l’étude qualitative permettent de


mieux appréhender les enjeux liés à la marque employeur ainsi que les
réponses que les entreprises sont en mesure d’y apporter. Ce faisant,
cette étude, au travers des résultats mis en lumière, propose des pistes
afin de mieux conceptualiser et modéliser la marque employeur, ses
antécédents ainsi que ses conséquences. Après avoir précisé les
apports de cette recherche, ses limites ainsi que ses voies de recherche
seront discutées.

Apports théoriques et managériaux

Si des chercheurs ont mis en lumière le fait que la marque


employeur externe doit nécessairement être cohérente avec la culture
et le vécu des collaborateurs (Ambler et Barrow, 1996 ; Gaddam,
2008 ; Mark et Toelken, 2009), la présente recherche apporte un
soutien à ces propositions théoriques et permet de mieux comprendre
comment les répondants envisagent la nécessaire articulation entre la
marque employeur communiquée auprès de candidats (i.e. externe) et
la marque employeur interne. Les interviewés ont mis en avant le fait
que la marque employeur doit avant tout refléter la réalité vécue par
les salariés et être en mesure de communiquer auprès des candidats
ciblés une proposition de valeur crédible et légitime, sans quoi elle
amène à des déceptions. A cet égard, cette recherche introduit le
contrat psychologique dans la relation entre la perception des attributs
de la marque employeur et les comportements des collaborateurs.
Cette recherche amène à préciser les liens entre la culture
organisationnelle et la marque employeur, en mettant notamment en
exergue la place essentielle des valeurs dans cette relation. D’après
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nos interviewés, les gestionnaires de la marque employeur doivent
avant tout apporter des réponses aux questions suivantes : Qui est-mon
organisation? Quelles sont ses valeurs et leur signification ? En quoi
ces valeurs peuvent-elles toucher leurs cibles ?
Les répondants ont mis en lumière plusieurs pratiques RH qui
incarnent les valeurs de leur organisation et qui sont susceptibles
d’être promues en réponse aux attentes des candidats et des
collaborateurs. Chaque organisation peut être en mesure de capitaliser
sur l’une ou plusieurs de ses pratiques dans les domaines du
recrutement, de la formation, de la gestion des carrières et de
l’accompagnement ou encore de la rémunération afin de construire
une proposition de valeur crédible et une « expérience employeur »
distinctive de ses concurrents.
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 169
D’EXPERTS

Par ailleurs, si l’étude de Collins et Stevens (2002) a montré que


la communication institutionnelle ainsi que le bouche-à-oreille positif
influencent significativement les perceptions des candidats de la
marque employeur, d’une part, on connait peu les apports de chaque
support de communication vis-à-vis de cet objectif, et d’autre part, le
rôle d’ambassadeur soulevé par Kapoor (2010) n’a pas été étudié.
L’étude menée permet de clarifier les outils marketing et de
communication utilisés dans la promotion de la marque employeur.
Plus que les outils institutionnels largement utilisés pour
communiquer sur l’offre proposée et maintenir la visibilité de
l’organisation, le bouche-à-oreille positif semble être un levier
puissant pour la marque employeur. Si un collaborateur est fier de son
employeur, il le recommande spontanément comme une référence, il
devient alors un ambassadeur, capable d’informer et de convaincre de
potentiels candidats de rejoindre son organisation. Il est également à
noter que les entreprises ont aujourd’hui à leur disposition de
multiples outils permettant de communiquer sur les avantages à
travailler pour elle (site institutionnels, médias sociaux, blogs, partage
de vidéos) et qu’il convient de réfléchir à l’objectif de chaque outil
(attractivité, visibilité, information, partage/échanges, animation d’une
communauté) et ce, en fonction du public ciblé.
Enfin, la marque employeur ne doit pas se limiter à de la
communication réservée au recrutement. Elle implique la mise en
œuvre d’un marketing RH dont les enjeux sont l’implication des
salariés, leur fidélisation, la capitalisation des talents ainsi que
l’attractivité de l’entreprise. Cette recherche met donc en exergue la
nécessaire prise en compte et implication de toutes les parties
prenantes avec pour objectif une marque employeur crédible,
cohérente et permettant l’adhésion des acteurs déjà intégrés dans
l’entreprise comme des publics externes.
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Limites et voies de recherche

Les principales limites de cette étude tiennent à l’absence de


triangulation méthodologique et des sources, ainsi qu’au nombre
réduit de répondants, bien que ces derniers représentent des
entreprises de tailles et de secteurs d’activité variés qui connaissent
des problématiques d’attraction et de fidélisation.
Si les observations permettent de progresser dans la
compréhension des modalités de gestion de la marque employeur,
seuls les discours et les représentations des praticiens ont été analysés.
Il conviendrait d’utiliser des techniques différentes de recueil des
données afin d’augmenter la qualité et la validité des résultats. Il serait
170 Audrey CHARBONNIER-VOIRIN & Alexandra VIGNOLLES

notamment possible de s’intéresser aux documents internes, aux pages


carrière et recrutement des sites de ces entreprises et aux informations
les concernant sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook par
exemple), mais également de participer à des réunions internes
consacrées à la gestion de la marque employeur et à des entretiens de
recrutement. De telles études permettraient notamment d’interroger la
convergence des discours et de comprendre les modalités d’utilisation,
de diffusion et de développement du concept de marque employeur
ainsi que les pratiques inhérentes.
Il est également nécessaire d’interroger des candidats et des
collaborateurs pour confronter les représentations et les discours des
praticiens aux perceptions de ces deux cibles de la marque employeur.
Il serait en particulier intéressant de comprendre comment les
candidats perçoivent les organisations qui cherchent à les séduire,
quelle crédibilité ils accordent aux différentes sources d’informations
relatives à leur futur employeur (sites institutionnels, informations sur
les réseaux sociaux, témoignages et bouche à oreille des
collaborateurs par exemple) et quelles sont leurs perceptions de
l’attractivité de l’organisation et leurs attitudes à l’égard de
l’entreprise à l’issue de leur recherche d’informations, puis des
entretiens d’embauche.
Des études qualitatives et quantitatives auprès des collaborateurs
s’avèrent également indispensables pour comprendre leurs perceptions
de la marque employeur et des pratiques utilisées pour la promouvoir
en interne comme à l’externe.

Cette recherche ouvre également la voie à de nouvelles


interrogations. L’étude qualitative montre par exemple que la notion
de salarié ambassadeur pose problème aux gestionnaires de la marque
employeur. Les questions de la mise en place d’un réseau
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d’ambassadeurs sans nuire à la spontanéité et la crédibilité des
messages véhiculés ou la question de leur reconnaissance et de leur
rétribution se posent par exemple.
La présente étude constitue ainsi une première étape dans la
compréhension du processus de gestion de la marque employeur et de
ses conséquences, différenciées selon que la marque employeur
s’adresse à des candidats ou aux collaborateurs, qui ouvre la voie à
des recherches prometteuses.
MARQUE EMPLOYEUR : ENJEUX ET OUTILS DE GESTION. POINT DE VUE 171
D’EXPERTS

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