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Tension épistémologique en sciences de l’information et de

la communication
Regards croisés sur la communication organisationnelle
Laurent Morillon, Sylvie Grosjean, François Lambotte
Dans Les Cahiers du numérique 2018/2 (Vol. 14), pages 155 à 178
Éditions Lavoisier
ISSN 1622-1494
ISBN 9782746248441
© Lavoisier | Téléchargé le 07/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 109.49.135.39)

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TENSION ÉPISTÉMOLOGIQUE
EN SCIENCES DE L’INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION

Regards croisés sur la communication


organisationnelle

LAURENT MORILLON
SYLVIE GROSJEAN
FRANÇOIS LAMBOTTE

Les chercheurs des sciences de l’information et de la communication, en


particulier ceux du champ de la communication organisationnelle, interagissent
avec les praticiens que ce soit pour produire des savoirs, valoriser leurs travaux
et initier ou répondre à des commandes. Pourtant leurs relations s’avèrent moins
intenses que pourraient ne le laisser présager la nature et les objets du champ
ainsi que les intérêts respectifs. Nous postulons qu’une tension épistémologique
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est susceptible d’expliciter, du moins en partie, cette situation : alors que les
praticiens sont en quête de modèles prédictifs et fonctionnalistes, les chercheurs,
dans une perspective distanciée et compréhensive, privilégient les
épistémologies interactionnistes et constructivistes, parfois sur fond de posture
critique. Nous réfléchissons dans cet article aux opportunités de l’adoption des
approches constitutives afin de réduire cette tension. Pour ce faire nous croisons
les regards de trois chercheurs de nationalité différente sur deux recherches
actions.

DOI:10.3166/LCN.14.2.155‐177  2018 Lavoisier


156 Les cahiers du numérique – n° 2/2018

1. Introduction

En France, les sciences humaines et sociales ont vu apparaître dans les


années 1970 différentes disciplines liées à des demandes sociale, économique
et/ou professionnelle relevant d’une « économie de la connaissance » (Foray,
2009). Parmi celles-ci, les sciences de l’information et de la communication
(SIC) demeurent un espace riche de zones de contact et d’interfaces avec la
société (Boure, 2002) et les milieux professionnels. Au sein de cette
interdiscipline, depuis une vingtaine d’années, il est un champ de recherche qui
questionne la communication des organisations, dite aussi organisationnelle.
Les chercheurs y interagissent avec les praticiens que ce soit pour accéder à des
terrains afin de produire des savoirs, valoriser leurs travaux et parfois initier ou
répondre à des commandes. Pourtant leurs relations s’avèrent moins intenses
que pourraient ne le laisser présager la nature et les objets du champ ainsi que
les intérêts respectifs (Morillon, 2016). Nous postulons qu’une tension
épistémologique est susceptible d’expliciter, du moins en partie, cette situation à
certains égards paradoxale : alors que les praticiens sont en quête de modèles
prédictifs et fonctionnalistes, les chercheurs, dans une perspective distanciée et
compréhensive, privilégient les paradigmes explicatifs pluridimensionnels,
interactionnistes et constructivistes, parfois sur fond de posture critique
(Aldebert, Morillon, 2012).
Nous nous proposons de réfléchir dans cet article à cette mise en tension
épistémologique en croisant les points de vue de chercheurs français, canadien
et belge. Afin de marquer la tension, nous mobilisons deux recherches actions –
l’une au Canada et l’autre en Belgique – qui adoptent une épistémologie de
convention constructiviste (Le Moigne, 2003) et notamment des approches
dites « constitutives » de l’organisation. Celles-ci, qui peuvent être qualifiées de
« processuelles » (Gioia, Chittipeddi 1991), se différencient des « post-
positivistes », largement répandues dans les organisations. De fait, des
approches constitutives de l’organisation sont-elles mobilisables lors d’une
recherche appliquée ? Leur priorité à la description ou la compréhension fine
par un raisonnement inductif ou abductif est-elle « opérationnelle » ou du
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moins « opérationalisable » ? Quels peuvent être les apports et limites pour
chacune des parties prenantes ? Si l’étude de seulement deux cas ne nous
permet pas de généraliser notre propos, leur croisement nous donne
l’opportunité de réfléchir plus avant quant à une potentielle réduction de la
tension épistémologique identifiée.
Dans une première partie, nous contextualisons notre propos en mettant en
exergue le lien des SIC avec les milieux socio-professionnels et nous précisons
les enjeux de notre réflexion. Dans une deuxième partie, nous introduisons
Tension épistémologique en SIC 157

deux recherches actions qui mobilisent des approches constitutives de


l’organisation. Enfin, dans la dernière partie, nous réfléchissons à leur capacité à
réduire la tension épistémologique postulée.

2. Des liens avec les milieux socio-professionnels à l’origine des SIC

Après avoir présenté les SIC françaises et l’un de ses champs, nous relevons
une caractéristique constitutive susceptible d’induire une mise en tension
épistémologique paradoxale.

2.1. Les sciences de l’information et de la communication françaises


et le champ de la communication des organisations - organisationnelle

Parmi les sciences humaines et sociales (SHS), les SIC sont institutionnalisées
en France par un arrêté de 1975. L’interdiscipline apparaît « dans un contexte
marqué par l’émergence de la communication comme proposition techno-
socio-sémiotique accompagnant les évolutions économiques, sociales,
technologiques et culturelles des années 1970 » (Bernard, 2006, 1). Sa naissance
prend appui sur des enseignements dans des formations professionnalisantes
puis des départements consacrés à la formation aux métiers de l’information et
de la communication. Ces cursus universitaires et diplômes spécialisés sont à
l’origine soit relativement professionnalisés, soit très professionnalisés. Dès sa
création, la discipline est donc liée à des professions, des secteurs d’activité, des
champs de pratiques : elle forme des praticiens et produit de la théorie à
destination de leurs secteurs d’activité afin d’être reconnue légitime par ces
professions (Jeanneret, Ollivier, 2004). Dans ce contexte, la recherche –
initialement organisée « à partir des champs et des pratiques “littéraires”, mais
aussi des domaines “professionnels”, principalement dans un premier temps,
les médias et les entreprises » (Bernard, 2006, 1) – sera reconnue plus tard
(Jeanneret, Ollivier, 2004).
Que ce soit pour l’enseignement ou pour la recherche, les interactions entre
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chercheurs et praticiens ont donc participé de la création des SIC et alimentent
aujourd’hui encore sa dynamique : « Les SIC vivent dans un échange permanent
avec différents secteurs professionnels et sociaux, auxquels elles fournissent des
concepts et dont, inversement, elles recyclent à certains égards les idées, sans
que ces deux cycles symétriques soient aisés à distinguer » (Jeanneret, Ollivier,
2004, 131). Ainsi, en recherche, l’analyse des pratiques sociales et
professionnelles peut donner lieu à des participations croisées à des événements
scientifiques et professionnels, qu’il s’agisse de médiation des savoirs ou de
valorisation, mais aussi à des signatures de contrats de recherche et/ou de
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partenariats1. Les résultats peuvent alimenter à la fois les pratiques


professionnelles et les enseignements. Pour autant, la réalité des échanges entre
chercheurs et praticiens peut être, à certains moments, erratique. Au final, les
SIC ne peuvent être considérées ni comme une discipline de pure
conceptualisation ou de pure critique, qui verrait la négation de ses ancrages
sociaux, économiques et professionnels, ni comme une discipline
instrumentalisée qui induirait une méconnaissance des savoirs particuliers
émanant de la pratique (Jeanneret, Ollivier, 2004).
Au sein des SIC, il est un champ de recherche dans lequel chercheurs et
praticiens peuvent être amenés à particulièrement interagir. La communication
des organisations est devenue objet scientifique dans les années 1940 aux États-
Unis. Le statut scientifique et l’institutionnalisation se concrétisent dans les
années 1960. La plupart des recherches doivent alors servir la production d’une
communication efficace pour influencer différentes natures de public et
permettre l’accroissement de la productivité des salariés. En France, les
réflexions sont concomitantes à la structuration de la profession dans les années
1980. En SIC, la production scientifique se structure depuis une vingtaine
d’années (d’Almeida, Andonova, 2006). Centrées à la fin des années 1980 sur
les entreprises avec une visée de conseil ou d’expertise, les recherches s’en
distancient dès les années 1990. D’une part, elles s’élargissent à d’autres formes
d’organisations (institutions, collectivités, associations…) introduisant l’usage
de l’expression « communication des organisations ». D’autre part, la légitimité
du champ de recherche se construit avec une distanciation par rapport aux
pratiques professionnelles et par des choix épistémologiques différenciants
(Carayol, 2004).
La maturation des théories a en outre offert un appareillage conceptuel qui
tend à élargir les objets et phénomènes étudiés. L’intérêt porte sur les contenus
et/ou les modalités des actes de communication, sur leurs rôles dans les
situations de travail, sur les processus, la signification, les phénomènes cognitifs
et sociaux attachés, sur les interactions entre acteurs, sur les politiques et les
moyens de communication mis en œuvre ainsi que leurs effets. Des chercheurs
questionnent également l’organisation dans ses relations à la communication,
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les logiques de communication qu’elles soient instituantes ou structurantes.
Cette diversité des objets mais aussi des questionnements, concepts et
méthodes associés participe aujourd’hui d’une délimitation du champ complexe

1. « Recherche planifiée ou enquête critique visant à acquérir de nouvelles


connaissances, l’objectif étant que ces connaissances puissent être utiles pour mettre au
point de nouveaux produits, procédés ou services ou entraîner une amélioration notable
des produits, procédés ou services existants », Journal officiel de l’Union Européenne (JOCE
28/02/2004 L 63/23).
Tension épistémologique en SIC 159

et d’une terminologie instable : communication d’entreprise/des entreprises,


communication des organisations, dans les organisations, communication
organisationnelle… Mais par essence, la nature de ce champ induit des
interactions entre chercheurs et praticiens.

2.2. Étudier une tension épistémologique : problématique,


enjeux et méthode

Dans le champ de la communication des organisations, praticiens et


chercheurs interagissent soit directement lors de rencontres, de collaborations,
d’observations voire d’interventions, soit par la médiation de documents,
d’organisations dédiées, de dispositifs de formation ou de recherche ou encore
d’événements qui mixent public et/ou contributeurs pour échanger et partager
des expériences. Les motivations pour interagir sont de différentes natures. Du
côté des praticiens, « la demande d’un savoir centré et spécifié aux besoins des
professionnels grandit et se diversifie » (Bouzon, Meyer, 2008, 9). D’emblée,
nombre de praticiens sont sensibilisés à la recherche. Sur différents thèmes
(TIC2, conduite du changement, processus de décisions, etc.), celle-ci peut leur
permettre de se distancier de leur pratique quotidienne, de sortir des injonctions
du temps court, de mettre en perspective leurs activités, et/ou, dans une
optique de performance, de transformer théories et analyses de chercheurs en
connaissances opérationnelles pour in fine « fabriquer » les activités. Pour les
chercheurs, l’accès au terrain peut s’avérer nécessaire pour recenser des
pratiques, mettre à l’épreuve des théories et des concepts, les mettre en tension
avec des savoirs pratiques et/ou expérimenter. En outre, au-delà d’une
valorisation de leurs travaux, il peut être question de soutenir des
professionnels attachés au développement de leur métier. Mais il peut
également s’agir d’interventions avec des recherches appliquées voire actions
(réalisation d’audits, résolution de problèmes de communication…). Au-delà
d’une rétribution qui peut participer aux besoins financiers des laboratoires et
parfois des chercheurs, ces actions peuvent permettre la production d’écrits
universitaires censés assurer la reconnaissance de leurs auteurs.
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Si les relations existent, elles s’avèrent cependant moins intenses que
pourraient ne le laisser présager la nature et les objets du champ ainsi que les
intérêts respectifs. Des chercheurs évoquent des relations limitées (Jeanneret,
Ollivier, 2004), difficiles, voire problématiques (Brulois, Charpentier, 2009).
Différentes raisons peuvent expliciter ce phénomène. D’abord, praticiens et
chercheurs légitiment leurs actions dans des espaces différents (Jeanneret,

2. Technologies de l’information et de la communication.


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Ollivier, 2004). Les constructions des secteurs ont été indépendantes,


influencées par des enjeux économiques et sociaux propres. Il existe dès lors
peu d’interfaces institutionnalisées et chaque groupe a créé des espaces
relationnels singuliers où les rencontres croisées sont rares. Les temporalités
diffèrent également. La pression socio-économique tend à diminuer le temps
consacré dans les entreprises aux activités jugées non immédiatement
productives. Les cycles d’évaluations et de décisions plus courts peuvent
contraindre les chercheurs. Ensuite, les praticiens incrimineraient le niveau
théorique abscons des productions, leur faible lisibilité et se tiendraient à l’écart
du discours critique porté par les SIC. Enfin, l’intrusion de chercheurs, dont la
science demeure relativement méconnue, peut apparaître gênante dans le
quotidien de la pratique et leurs résultats finalement peu opérationnels. Mais au-
delà de ces raisons, nous postulons qu’une tension épistémologique est
susceptible de contribuer à expliquer cette situation : alors que les praticiens sont
en quête de modèles prédictifs et fonctionnalistes, les chercheurs de SIC
privilégient les modèles explicatifs pluridimensionnels parfois sur fond de posture
critique (Aldebert, Morillon, 2012). Les potentialités des paradigmes
interprétativistes et constructivistes sont explorées notamment par des travaux se
référant aux théories de l’organizational communication (Putnam, Nicotera, 2009).
Dans une période où les sciences sont sommées par leurs tutelles de
participer via l’innovation, la valorisation économique ou encore le transfert de
technologies à la réussite économique de leur pays, questionner cette mise en
tension épistémologique apparaît particulièrement important. En France,
différents financements et dispositifs d’État favorisent explicitement les
partenariats et les contrats de recherche avec les acteurs de la société civile et les
entreprises. Les SHS, par le passé relativement préservées et/ou plus
réfractaires, n’échappent plus à cette injonction. Mais les chercheurs de SIC en
général et de la communication des organisations en particulier peuvent se
trouver dans une situation paradoxale : alors que les interactions avec les
praticiens sont à considérer comme un bien pragmatico-théorique fondateur de
la discipline, elles peuvent apparaître suspectes vis-à-vis de ses propres
membres (Le Moënne, Gallot, 2015), particulièrement lorsqu’elles concernent
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des entreprises privées et/ou des recherches actions. À moins de les rendre
acceptables dans les publications par une posture critique idéologico-politique,
ou du moins très distanciée, elles semblent peu assumées.
De plus, alors que nombre de contributions scientifiques partent de la
pratique professionnelle, la possibilité que cette dernière puisse évoluer en
retour est scotomisée (de Lavergne, 2007). Dans une posture radicale de
conception du monde et de la connaissance, une telle récursivité ferait obstacle
à l’intelligibilité et à la valeur des travaux. Or, le refus du principe même d’inter-
Tension épistémologique en SIC 161

alimentation empêche une articulation complète entre épistémè et praxis


(Morillon, 2016), fige les positionnements des chercheurs et des praticiens et
sépare artificiellement les savoirs selon qu’ils relèvent des sphères de la
connaissance ou de l’action. Elle réduit les recherches reconnues par les pairs à
deux déclinaisons seulement : nomothétique et politique. À terme, cette
situation peut représenter une zone de fragilité pour les SIC en la maintenant
dans un statut de « discipline aux frontières mouvantes, tantôt attirée vers des
préoccupations gestionnaires, tantôt vers des préoccupations techniques ou
méthodologiques. Sciences hybrides à coup sûr, signalant l’état transitoire qui
est celui du champ des pratiques et celui de la recherche » (Guyot, 2004, en
ligne). Questionner cette potentielle tension épistémologique pourrait donc
participer à la construction de la discipline en contribuant à résoudre certains
des malentendus avec les acteurs des milieux socio-professionnels et politiques.
Loin de contrarier son institutionnalisation, elle l’étaierait par des réflexions
épistémologiques, théoriques, pragmatiques et éthiques sur l’un de ses piliers
fondamentaux.
En outre, repenser aujourd’hui le rapport au praticien est d’autant plus
opportun que ces derniers, confrontés au dynamisme des contextes, à
l’éclatement en réseau des organisations, à la diversité et aux qualifications des
acteurs, ainsi qu’à la « crise » du paradigme mécaniste et à la relative efficacité
des modèles prédictifs, recherchent de nouvelles manières de penser et
appréhender leurs pratiques. Pour améliorer la « fabrique » de leurs activités,
obtenir une analyse fine des phénomènes de sens, s’ouvrir des perspectives de
pensées et d’actions, ils s’intéressent progressivement à d’autres approches et
modèles explicatifs pluridimensionnels, parfois critiques (de La Broise,
Morillon, 2014). Des études professionnelles3 font apparaître que les
communicants par exemple souhaitent désormais tenir un rôle d’intermédiation
sociale, de facilitateur de relations, de développeur de coopération. Pour Brulois
et Charpentier (2013), l’ère de la transmission laisserait place à celle de la
relation.
Nous nous proposons d’étudier plus particulièrement dans le cadre de cet
article la « tenue » des épistémologies de convention constructiviste (Le Moigne,
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2003) dans la pratique. Nous retenons plus particulièrement les approches dites
constitutives de l’organisation ou Communicative Constitution of Organizations (CCO)
que nous définissons précisément dans la partie suivante. Afin d’accentuer
davantage encore la mise en tension épistémologique, nous retenons des

3. Dont par exemple le baromètre de la fonction communication interne du cabinet


Inergie de 2009, sur : www.inergie.com/accueil/etudes/toutes-nos-etudes, dernière
consultation le 27 septembre 2017.
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recherches actions pour leur capacité à générer « une mise en situation » de la


recherche dans son déploiement et dans l’utilisation de ses résultats. Lors d’une
recherche appliquée, des approches CCO sont-elles mobilisables par des
scientifiques ? Leur priorité à la description ou la compréhension fine par un
raisonnement inductif ou abductif est-elle « opérationnelle » ou du moins
« opérationalisable » ? Quels peuvent être les apports et limites pour chacune
des parties prenantes ? Par suite, l’adoption de telles approches est-elle
susceptible de participer à résoudre, du moins en partie, la tension
épistémologique identifiée en SIC ?
Si les approches CCO suscitent un engouement indubitable chez les
chercheurs de SIC, elles demeurent, à notre connaissance, encore peu mises en
œuvre dans des recherches actions en France. Nous décidons donc de mener
un retour réflexif sur des travaux menés au Canada et en Belgique. La première,
dans une perspective de développement professionnel et d’apprentissage
organisationnel, observe des infirmières d’un hôpital canadien. La seconde
applique l’approche conversation-texte (Taylor 1993) à la conduite du
changement dans une administration régionale belge (Lambotte, Wathelet,
2016). Il s’agit d’emblée de préciser certaines des limites de notre démarche.
D’abord les deux cas ont été pensés distinctement et disposent de visées et de
contextes différents. De même, les modalités d’interventions des scientifiques
sont différentes. Ensuite, les recherches actions retenues n’ont pas été menées
en France. D’éventuelles conclusions sur les SIC françaises doivent donc être
faites avec précaution. Si le choix de deux cas ne nous permet pas de généraliser
notre propos, il nous donne l’occasion de croiser des constats et de discuter
plus avant certains enjeux.
Quelles sont les caractéristiques des approches CCO et quelles sont les
recherches actions qui les mobilisent ?

3. Des recherches actions pour des mises en situation et en tension

Après avoir défini les caractéristiques des approches CCO, nous évoquons
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certaines de ses déclinaisons et introduisons ensuite deux recherches actions.

3.1. Les approches CCO : définition et déclinaisons

Les approches dites constitutives de l’organisation ou Communicative


Constitution of Organizations (Ashcraft et al., 2009 ; Bisel, 2010 ; Cooren et al.,
2011) visent à comprendre comment les organisations sont discursivement et
matériellement configurées, reproduites, créées via les interactions
quotidiennes. La communication n’est alors plus considérée comme une
Tension épistémologique en SIC 163

production de l’organisation mais est appréhendée dans sa capacité


« organisante » (Taylor et Van Every, 2000). L’attention est alors portée sur la
manière dont les membres de l’organisation agissent et s’expriment, produisent,
négocient et acceptent les règles du « jeu » organisationnel dans un champ de
contraintes dynamique. Dans le cadre de ce tournant linguistique, la
communication crée la réalité sociale ou organisationnelle (Searle 1995). Elle
n’est plus un objet réifié et transporté dont l’efficacité prévaut comme dans le
modèle positiviste transmissif. Pour le chercheur, il ne s’agit donc plus de faire
émerger des hypothèses de causalité entre des variables d’un processus afin d’en
prédire l’issue. Brummans et al. (2014) distinguent trois approches dans la
perspective CCO où concepts et méthodes divergent : celle de l’école de
Montréal (Taylor, Van Every, 2000), celle systémique de Luhmann
(Schoeneborn, 2011) et celle structurationniste de McPhee et Zaug (2009). Pour
de plus amples détails, Ashcraft et al. (2009) ainsi que Schoeneborn et al. (2014)
développent cette distinction.
L’école de Montréal s’est d’abord développée autour de la notion de cycle
texte-conversation développée par James Taylor. Elle considère que
l’organisation émerge de l’interaction entre deux espaces communicationnels
interreliés : le texte – qui demeure stable et renvoie à une généralisation à
laquelle des acteurs peuvent faire référence (règles, charte, procès-verbal,
affiche…) – et la conversation, événementielle et partie intégrante du monde
pratique de la performance conversationnelle orientée vers l’action (Cooren et
al., 2006). Par l’alternance de conversations et de textes, les acteurs co-
construisent leur réalité sociale et l’organisation est accomplie dans la réalité de
terrain des interactions. Postulant que l’ensemble de l’ordre social est
« contenu » dans chacune d’entre elles, cet interactionnisme symbolique repose
sur des ethnographies prolongées (shadowing4 ou observation participante).
L’approche systémique liée aux travaux de Luhmann (1992) considère la
communication comme un système qui a pour caractéristique de s’autogénérer.
Elle est alors une autopoïèse à la fois en interdépendance avec son
environnement et très autonome. Ces travaux reposent essentiellement sur
l’analyse de graphes et visent à retracer a posteriori l’enchaînement et
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l’imbrication des interactions constituant le système. La communication est une
réalité émergente qui combine des sélections d’informations, d’énonciations et
de (in)compréhensions et mène à des décisions. Seules ces dernières ayant un
effet sur la constitution de l’organisation, l’analyse ne tient pas compte des
motifs ou des intentions des acteurs.

4. Vidéo-filature en français. Technique de recueil qui consiste à suivre une personne


« comme son ombre » durant ses différentes activités et déplacements professionnels.
164 Les cahiers du numérique – n° 2/2018

Enfin, l’approche structurationniste des quatre flux de McPhee et Zaug


(2009) repose sur la théorie de la structuration de Giddens (1984) : elle « localise
l’organisation parmi le micro-niveau, celui des instructions et des commandes
(c.-à-d. la coordination de l’activité), le niveau macro qui traite du
fonctionnement de l’organisation et de l’image qu’elle devrait tenter de créer (c.-
à-d. respectivement l’auto-structuration et le positionnement institutionnel) et le
méso-niveau qui parle de culture et de socialisation (c.-à-d. la négociation
d’adhésion) »5 (Bisel, 2010, 126).
Nous avons choisi de « mettre à l’épreuve » de la pratique certaines de ces
approches dans des recherches actions.

3.2. Deux recherches actions

Deux recherches actions sont présentées ici : l’une initiée en 2016 dans un
hôpital canadien et l’autre en 2013-14 dans une administration régionale belge.

3.2.1. Cas n° 1 : intégrer la dimension sensorielle dans la formation des infirmières


Dans le cadre de recherches portant sur l’apprentissage organisationnel, des
travaux de chercheurs appartenant au courant des « approches par la pratique »
(Gherardi, 2008) ont retenu notre attention puisqu’ils s’intéressent à la manière
dont les professionnels utilisent leur corps et leurs sens pour se guider dans la
conduite de leur activité quotidienne. Les savoirs et les apprentissages qui sont
produits, ou qui dérivent, de facultés sensorielles telles que le toucher, l’ouïe,
l’odorat ont été quelque peu négligés par les chercheurs s’intéressant à
l’apprentissage organisationnel (Grosjean, 2014). En effet, ce sont des
expériences multisensorielles qui permettent aux professionnels de produire un
jugement, un diagnostic, une décision, autrement dit d’agir en situation. Une
des problématiques soulevées par ces études est justement la capacité des
individus à traduire, mobiliser et partager ces connaissances produites par et
dans l’expérience sensorielle (Strati, 2007). Cette problématique s’avère très
présente notamment dans le domaine de la formation des professionnels de la
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santé (Manidis, 2013). Or l’expérience corporelle et sensorielle en milieu de
travail est difficile à formaliser et à partager (Groleau, Grosjean, 2011).

5. Notre traduction : McPhee and Zaug’s four flow model locates organizing among the microlevel
talk of instructions and commands (i.e., activity coordination), the macrolevel talk about how the
organization should function and what image it should attempt to create (i.e., self-structuring and
institutional positioning, respectively), and the mesolevel talk of culture and socialization (i.e.,
membership negotiation).
Tension épistémologique en SIC 165

Par ailleurs, même si de nombreux travaux reconnaissent que la prise de


décision clinique intègre (ou doit intégrer) une dimension sensorielle (Maslen,
2016), celle-ci n’est pas étudiée ni analysée en détail. Or, cette prise de décision
est un processus complexe dans lequel de multiples dimensions interagissent
(Audénat, 2011). Très peu de travaux adoptent une perspective narrative
(Benner et al., 1997) ou empruntée à l’analyse des processus de communication
soutenant la pratique clinique (Iedema, 2007). Porter intérêt à la part sensorielle
soulève des défis importants sur le plan de la formation tant elle est difficile à
formaliser (Manidis, 2013). Dans le cadre d’une recherche collaborative menée
au sein d’un hôpital canadien, c’est le problème de cette prise en compte de la
dimension sensorielle de la pratique clinique, notamment lors de la prise de
décision, qui a été source d’investigation. L’idée est de comprendre comment
un laboratoire de simulation6 peut contribuer à développer une forme d’acuité
sensorielle.
Dans le cadre de cette recherche, nous postulons que la mise en récit de
pratiques et le partage de narrations entre professionnels soutient une
construction conjointe de significations et de savoirs visant une meilleure prise
en compte des expériences sensorielles dans la prise de décision clinique. La
recherche s’inscrit dans une perspective CCO en estimant que des savoirs se
développent dans le flux des expériences et que les connaissances produites en
situation de travail sont situées dans des pratiques, ancrées dans un contexte
d’interaction et émergent au sein d’une communauté professionnelle.
L’attention porte alors sur des récits oraux de situations ou d’activités de travail
afin de mieux comprendre la pratique clinique (Kelly, Howie, 2007).
La recherche qualitative – financée par l’Institut du Savoir Montfort – est
menée en trois temps. Le premier vise l’identification individuelle d’un récit
d’une situation clinique. Le deuxième fait construire un récit d’une situation
clinique par le biais d’une première séance de groupe de discussion. Le
troisième organise une seconde séance de groupe de discussion pour partager
des récits et une réflexivité sur la pratique. Les analyses des discussions
enregistrées lors des séances de groupe portent sur les narrations co-construites
en situation et qui sont l’expression d’un point de vue, d’une expérience
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commune, d’une pratique partagée. Il s’agissait également de révéler les
histoires qui « font sens » pour les membres, les narrations communes qui sont
révélatrices d’une façon de décrire leur pratique clinique et de la penser. Les
récits/narrations partagés sont enfin mis à la disposition du laboratoire de
simulation afin d’enrichir la conception de scénarios.

6. Espaces de formation où la simulation est un outil d’apprentissage. Son objectif est de


mettre les professionnels en contexte et de simuler des situations d’interactions réalistes.
166 Les cahiers du numérique – n° 2/2018

3.2.2. Cas n° 2 : le cycle texte-conversation comme dispositif d’accompagnement


du changement
La seconde recherche action est menée en Belgique dans une administration
régionale (SCR) de 450 personnes s’apprêtant à vivre un changement
organisationnel d’envergure. Celui-ci vise d’abord à fusionner des départements
existants au sein du SCR en six directions tout en assurant la même qualité de
service à leurs clients internes et ensuite à améliorer le niveau de service par la révision
et l’amélioration de certains produits critiques pour les clients internes7. Si la
réorganisation est prescrite, la direction demande aux personnes concernées de
proposer les modalités de mise en œuvre de la fusion par l’écriture d’un plan de
réorganisation construit progressivement. Un audit préalable a permis
d’identifier deux natures de tensions : d’une part, un principe de mandats pour
les fonctions de direction qui induit une pression accrue sur la hiérarchie
intermédiaire qui n’adhère pas au projet mais se considère en « première
ligne » ; d’autre part, un système de promotion qui met en compétition les
membres de cette même hiérarchie intermédiaire. Deux séminaires doivent
permettre de favoriser l’adhésion par la négociation des propositions prenant la
forme de notes ou de projets écrits.
C’est dans ce cadre qu’un chercheur (F) accompagné d’une experte ont reçu
le mandat par le directeur général de l’administration d’intervenir comme
consultants. F propose d’adopter le cycle « texte-conversation » comme
dispositif d’accompagnement du changement. Lors des séminaires, il s’agit de
prêter attention aux « conversations » où se négocient le sens et se produit un
niveau plus général de signification d’un « texte » (le plan de réorganisation). Le
projet est d’accompagner les parties prenantes qui participent au changement
organisationnel décidé par la direction générale. La recherche est action en cela
que si la posture est celle d’un consultant, elle permet par un effort de
distanciation de mener une réflexion scientifique.
Finalement, le consultant analysera l’enchaînement d’événements non pas
avec une grille conversationnelle propre à l’école de Montréal, mais en portant
intérêt à l’imbrication des conversations dans une optique systémique
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développée par Luhman (1992). Une cartographie est produite (figure A) à
partir de l’analyse de documents de travail liés à la mission de réorganisation
(mails, méthodologie de travail, version de plan de réorganisation, etc.) et de la
narration du projet par le consultant-chercheur. Au milieu de la figure, la ligne
du temps présente chronologiquement les étapes de la mise en place du
dispositif et les conversations formelles qui ont eu lieu. Au-dessus sont

7. Les propos en italique sont repris d’un discours du directeur général présentant le
projet.
Tension épistémologique en SIC 167

répertoriés les différents textes liés à ces séquences conversationnelles, soit


parce qu’ils en sont les résultats, soit parce qu’ils les convoquent. En-dessous
sont repris les extraits de la narration évoquant des séquences
conversationnelles. Ces extraits sont numérotés selon la chronologie de la
narration.
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Figure A. Vue d’ensemble du graphe généré


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L’analyse des conversations rend compte de choix opérés, réaffirmant la


contingence de l’organisation. Ainsi, pas à pas, à travers les cycles
conversationnels, l’organisation s’autogénère (Schoenenborn, 2011). L’analyse du
graphe éclaire aussi les mouvements opérés par différents acteurs. Ils sont
l’expression « d’ouvertures » de la construction et de la négociation du sens. La
cartographie met également en évidence les mouvements de « clôture » du sens
lorsque par exemple, des systèmes se ferment au profit d’un ou plusieurs autre(s).
Dans notre exemple, la prolongation des conversations par-delà le dispositif
prévu initialement met en exergue la grande difficulté des acteurs du projet à
ordonnancer donc à « clôturer » la signification de la réorganisation par la
production d’un texte négocié et accepté de tous. En ce sens, le dispositif joue
pleinement son rôle de révélateur du système et permet les interventions.
Nous nous proposons à présent de croiser ces deux cas afin de mener plus
avant nos réflexions sur certaines conséquences de l’adoption de la Cco dans la
pratique.

4. De la mise en œuvre à la réduction d’une tension épistémologique ?

Des approches constitutives de l’organisation sont-elles mobilisables et


« opérationnelles » ou du moins « opérationalisables » lors d’une recherche
appliquée ? Quels peuvent être les apports et limites pour chacune des parties
prenantes ? L’adoption de telles approches est-elle susceptible de contribuer à
réduire la tension épistémologique identifiée ? Telles sont les questions auxquelles
nous souhaitons à présent réfléchir à partir des deux recherches actions
introduites.

4.1. Une approche CCO catalyseur de tensions

Pour la recherche action menée en Belgique, le cycle texte-conversation


« instrumentalisé » par le consultant s’est finalement mué en catalyseur de
tensions et de conflits demeurés jusque-là implicites. Des tensions apparaissent en
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effet dès le premier séminaire au cours duquel l’objectif est de lister les priorités.
Deux des trois responsables de département des ressources humaines (RH)
devant fusionner, appuyés par leurs équipes, s’opposent à l’idée de réaliser un
plan de réorganisation alors que l’un des départements est occupé à l’installation
d’un progiciel de gestion. Il est argué le besoin de temps et la nécessité de retarder
le processus d’une année afin de permettre aux équipes de gérer les projets en
cours. À la suite de ce premier séminaire, les gestionnaires conviennent de ne pas
poursuivre le travail d’élaboration du plan de réorganisation pour le pôle RH si
les participants se sont pas plus collaboratifs. Lors du deuxième séminaire qui vise
Tension épistémologique en SIC 169

à fixer des objectifs, des échéances et des indicateurs de succès, les participants
s’avèrent extrêmement dissipés. La réunion se termine de façon brutale et une
note est rédigée par le consultant pour décrire la situation et identifier différentes
natures de risques. L’un des responsables de département est alors mandaté pour
conduire le changement et annonce un nouvel organigramme. Dans celui-ci, deux
responsables ont la charge de réaliser une négociation pour répartir les membres
du personnel. Or, le consultant constate qu’ils ne travaillent pas de concert et ne
se mettent pas d’accord. Le directeur général décide alors d’intervenir dans le
processus et d’introduire un niveau hiérarchique intermédiaire.
D’un point de vue pratique, les résultats invitent à la prudence tant le
processus se révèle contingent dans les conversations qu’il génère hors du cycle
construit et dans le contenu de ce qu’il produit. Ainsi, la création du dispositif de
recherche-appliquée, ici le cycle textes-conversations, ne permet pas, comme le
défendent les post-positivistes, une maîtrise des effets induits à l’usage. De même,
si les individus en interactions sont les producteurs du changement, il est illusoire
de croire que le dispositif construit permet de contrôler cette production de sens.
La dimension cathartique et le rôle de catalyseur du cycle provoquent des
conversations en-dehors et en retour amènent des constructions de sens
« produites » à l’extérieur. Celles-ci pourraient très bien ne pas émerger dans un
autre contexte organisationnel. Ce constat ne remet pas en cause la nécessité de
mettre en œuvre des dispositifs d’accompagnement du changement pour autant
qu’ils soient considérés non pas comme des outils de contrôle, mais bien comme
des dispositifs d’ouverture du sens, voire des révélateurs de conflits. D’ailleurs, les
tensions organisationnelles, loin de devoir être absolument évitées, sont à
considérer comme constitutives des organisations.
Finalement, l’analyse a posteriori montre combien l’adoption d’un cycle texte-
conversation peut s’avérer un exercice périlleux. En effet, lorsque les « lunettes
conceptuelles » sont appliquées comme des outils de gestion de la
communication, le consultant peut glisser par souci de répondre aux attentes du
praticien vers une posture post-positiviste pour laquelle le concept n’est pas
pensé. Celui-ci échappe à son initiateur : s’il se révèle être à la fois un dispositif
qui, comme catalyseur des tensions, potentiellement sert l’organisation, il se révèle
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être aussi un cycle tiers, artificiel, qui subit en retour une logique de
réappropriation par les acteurs eux-mêmes. Ainsi, si le dispositif a permis la
production d’un plan de réorganisation négocié incluant un nouvel
organigramme, il a également produit une mise en visibilité accrue d’une série de
conflits au sein du système. Pour résumer : même si l’instrumentalisation de
l’approche cycle-conversation semble stimuler, voir provoquer les conversations,
elles ne sont pas contrôlées ni sur le fond, ni sur leur temporalité ou leur lieu. Dès
170 Les cahiers du numérique – n° 2/2018

lors, s’il y a eu une intervention sur le cycle, il n’est pas possible de dire qu’il y a eu
un contrôle de celui-ci.

4.2. Une approche CCO qui nourrit la pratique

Pour la recherche action menée au Canada, l’approche CCO a constitué une


ressource au service du développement professionnel et de l’apprentissage
organisationnel. La mise en récits d’expériences quotidiennes a en effet
contribué à mieux les comprendre et à identifier les savoirs nécessaires à son
accomplissement. Elle a ensuite participé à la conception de dispositifs de
formation à partir d’une analyse de récits collectifs produits lors de groupes de
discussion. La compréhension du phénomène observé étant un objectif à la fois
principal et partagé, l’apport s’avère donc positif. Mais dans ce cas, pourquoi
dire que les analyses nourrissent la pratique ? Elles ont en fait permis de révéler
sept situations d’interaction significatives au cours desquelles les infirmières
décrivent leur relation au patient et à l’environnement de travail ; mais aussi le
« travail sensoriel » (Maslen, 2016) qu’elles mettent en œuvre afin de produire
un raisonnement et une décision cliniques. Le tableau 1 présente deux de ces
situations d’interaction (les n°1 et 3 pour exemple) et les actions qu’elles
génèrent chez les infirmières8.
Ces exemples illustrent comment l’analyse de situations interactives de
travail mises en récits au cours de groupes de discussion peut soutenir le
développement professionnel et contribuer à repenser les dispositifs de
formation à partir des enjeux et tensions vécus par les professionnels sur le
terrain. Une attention particulière a donc été portée sur les situations
d’interaction mises en récit par les infirmières ; notre postulat de départ était
que les pratiques interactionnelles jouent un rôle constitutif dans le processus
de prise de décision clinique. L’interaction des infirmières avec le patient, avec
leur environnement de travail est donc pensée comme constitutive de pratiques
professionnelles qui sont rendues partageables (dans notre cas lors de la mise en
récits de pratiques au cours des groupes de discussion). Cette focalisation
analytique sur les pratiques relève donc de l’exigence de questionner les
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modalités empiriques de la production de connaissances. S’inscrire dans l’une
des approches CCO, c’est porter intérêt aux pratiques interactionnelles qui
constituent l’ordinaire des relations qui se tissent entre divers actants

8. Ces exemples permettent notamment de souligner le lien entre théorie et pratique


pour montrer comment les approches CCO peuvent contribuer à mieux comprendre la
pratique clinique afin de permettre dans un second temps le développement de
scénarios de formation.
Tension épistémologique en SIC 171

organisationnels qu’ils soient humains ou non humains. Il s’agit, à travers une


approche narrative du groupe de discussion, de saisir les dynamiques
constitutives d’un jugement clinique davantage que les résultats objectivés et
stabilisés qui en sont issus. On peut constater aussi comment tout jugement
clinique peut être vu et analysé comme l’accomplissement de pratiques
continues, localement et matériellement structurées. Jolivet (2010) montre
d’ailleurs que les dispositifs de dialogue dans le cadre d’une certification
permettent l’émergence de narrations qui ont un effet performatif sur
l’organisation des soins et sur la notion de qualité.

Tableau 1. Deux situations d’interaction

Caractéristiques Actions mises en


Extraits de narrations
de la situation œuvre par l’infirmière
« Aussi le facial de nos patients par
rapport au contrôle de la douleur. Parce Cette situation invite
Situation 1 : que souvent on avait des, euh, signes l’infirmière à utiliser
différents. Le patient peut dire quelque différentes approches
Décalage entre chose pis tu regardes sa figure, tu te d’interaction pour
« dire » / « vu » dis : "définitivement il a mal". (…) Pis le obtenir plus
du patient et non verbal, les mouvements, le, tsé les d’informations :
« ressenti » de bras croisés, euh se décroise les bras, le reformulation, écoute
l’infirmière désintéressement ou quoi que ce soit, tsé. active,
Mais ça faut aller chercher. C’est pas questionnement, etc.
toujours convenu non plus là. »

« Moi j’ai déjà appelé un médecin en Cette situation pousse


disant regarde, la pression est comme ça, les infirmières à
le pouls est quelque chose, est comme ça, « investiguer » pour
il ne saigne pas, il est correct, il a mangé, identifier/exclure un
Situation 3 : mais a, y’a quelque chose qui se passe, problème urgent (« Il
Décalage entre mais j’peux pas mettre le doigt dessus. faut pousser, pis faut
« données Y’a quelque chose qui se passe. Pis là, vraiment être l’avocat
objectives » et le t’alertes, pis là, tu fais un bilan, tu fais un de, de, du patient »)
bilan, fais des prises de sang pour voir si
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« ressenti » de Incite les infirmières à
l’infirmière les (colites c’est) quelque chose. Mais moi prendre de la distance
j’ai souvent appelé – ben pas souvent –, avec le tout technologie
mais déjà appelé un médecin en disant : il et l’illusion que la
va pas, il va pas, […] mais j’sais pas technologie est plus
pourquoi » fiable que leurs sens.

Dans un second temps, les sept situations d’interaction révélées ont été
discutées avec les professionnels du laboratoire de simulation afin de pouvoir
172 Les cahiers du numérique – n° 2/2018

les intégrer dans la conception de scénario de formation. Une des


caractéristiques de ce type de laboratoire est de recréer des situations aussi
réalistes que possible pour confronter les professionnels de la santé à ce qu’ils
pourraient rencontrer sur le terrain et les engager ensuite dans une pratique
réflexive lors de rencontres de rétroaction. Un tel dispositif de formation
accorde une importance centrale à l’expérience, à la mise en situation, à la
confrontation aux pratiques et aux situations. Il a été particulièrement
intéressant, lors des rencontres avec l’équipe du laboratoire, de voir comment
les analyses des chercheurs étaient mobilisées dans les outils de formation. Par
exemple, nous avons convenu de sélectionner un scénario existant qui
incorpore différentes situations d’interaction identifiées au cours de l’analyse et
de retravailler la séance de rétroaction après la simulation afin de faire réfléchir
les professionnels de la santé sur la part sensorielle de la prise de décision
clinique. On voit ici comment les analyses produites nourrissent la pratique et
contribuent au développement de nouveaux outils de formation.
L’analyse a donc contribué à mieux comprendre les liens qui se tissent entre
les pratiques professionnelles et les processus de production et de partage de
connaissances. De plus, elle a permis de révéler des évènements
communicationnels (des situations d’interactions) aux propriétés organisantes,
contribuant à soutenir le « travail sensoriel » (Maslen, 2016) nécessaire à
l’émergence d’un jugement et d’une décision cliniques. Adopter une approche
constitutive de l’apprentissage organisationnel c’est considérer que les
ressources collectives de l’apprentissage professionnel ne se réduisent pas à une
simple transmission de l’expertise, mais qu’elles prennent forme dans des
accomplissements pratiques à la fois réalisés collectivement (on voit bien dans
les extraits l’importance de l’interaction avec le patient, mais aussi avec le
médecin) et prenant place dans des environnements matériels spécifiques (le
décalage entre les données objectives et les impressions perçues par les sens en
est aussi un exemple). Il est important pour le chercheur de considérer que les
professionnels avec qui il travaille sont des experts de leur quotidienneté et
qu’une démarche inductive avec une attention sur des évènements
communicationnels (interactions, récits, conversations) permet de rendre
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visibles les connaissances expérientielles de ces acteurs. Si on considère que
tout travail d’organisation est communicationnellement constitué, cela veut dire
que le chercheur se doit d’examiner comment, dans et par la communication,
sont constituées, reproduites ou transformées des pratiques, des
connaissances… En proposant aux infirmières de partager des récits, d’interagir
entre elles lors de groupes de discussion, nous avons mis l’accent sur le
caractère performatif de la communication, considérant que le sens qu’elles
vont donner à leur pratique est constamment négocié et émerge des
interactions entre elles.
Tension épistémologique en SIC 173

4. Pour conclure

Alors que les liens avec les milieux socio-professionnels sont constitutifs des
SIC et du champ de la communication des organisations, le choix de
distanciation des chercheurs avec la pratique professionnelle peut créer une
situation à bien des égards ambiguë (Morillon, 2016a). Elle peut poser
différents problèmes en matière d’accès au terrain mais également de
reconnaissance de la part des organisations voire de la société. Le retour réflexif
sur deux études de cas a démontré que l’adoption d’approches CCO peut
réduire une tension épistémologique entre le fonctionnalisme des uns et le
constructivisme des autres. Même si en Belgique le chercheur, alors consultant,
a finalement adopté une posture post-positiviste afin de répondre aux attentes
du commanditaire, les approches CCO ont préservé dans les deux cas à la fois
les intérêts des praticiens – qui accèdent à une compréhension fine des
phénomènes à l’œuvre – et des scientifiques qui peuvent mettre à l’épreuve
leurs apports conceptuels et leur rigueur. S’ils ne souhaitent évidemment pas
apporter aux praticiens des « recettes » pour résoudre des problèmes, la plupart
des chercheurs qui développent ces approches ne revendiquent pas une posture
idéologique de transformation de la pratique. Pour autant, l’adoption des
approches CCO dans les recherches appliquées pourrait contribuer à la
diffusion d’une vision processuelle de l’action collective et une conception
dialogique de la communication, soit le passage d’une communication axée sur
la manipulation, la propagande et l’institutionnel à une communication plus
intégratrice, non idéalisée et centrée sur le contenu du travail et l’intelligence de
l’initiative. La communication pourrait alors être appréhendée comme un
nouveau cadre de référence, une grille d’intelligibilité pour penser la complexité.
Par ailleurs, dans le cadre des deux recherches actions présentées, force est
de constater que les approches constructivistes ont invité à co-produire des
savoirs avec les praticiens. À la condition qu’ils s’en saisissent en les
« traduisant » en outils de gestion, de formation ou d’actions collectives, ces
savoirs peuvent leur permettre de répondre aux enjeux communicationnels
auxquels ils font face. Tout le défi pour le chercheur est alors d’ouvrir un
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dialogue avec les praticiens et le terrain. Ce temps de travail commun pour
« faire sens » et opérationnaliser en actions concrètes les analyses doit être
intégré dans le dispositif de recherche. Finalement, s’inscrire dans un paradigme
constructiviste c’est, pour le chercheur, remettre au cœur de l’analyse les savoirs
de terrain, les savoirs expérientiels et leur rendre leur légitimité.
Enfin, si les approches CCO ne doivent bien sûr être considérées comme
une voie ultime et absolue, leur usage dans les recherches appliquées peut
participer de la (re)connaissance des SIC. Elles donnent en effet la possibilité de
174 Les cahiers du numérique – n° 2/2018

contribuer à l’émergence d’une position originale, spécifique et reconnue pour


la discipline vis-à-vis des organisations. Un renforcement du réseau relationnel
avec les praticiens améliorerait la visibilité des productions, clarifierait les statuts
en fonction des espaces sociaux originels et faciliterait l’accès à des terrains. À
terme, une telle dynamique permettrait de décliner les formes de recherche
reconnues (intégrant les recherches appliquées ou professionnelles), les rôles
tenables (praticien, praticien réflexif, chercheur, chercheur-praticien et
praticien-chercheur…), mais réduirait aussi les aspirations à
l’instrumentalisation ou au détournement des discours scientifiques dans les
milieux socio-économiques. Au final, l’adoption d’approches satisfaisant enjeux
de recherche et de pratique pourrait participer à la reconnaissance, à la
légitimation et à la mise en visibilité de la discipline dans différents espaces
scientifiques, professionnels et sociaux.

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