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« Depuis trois siècles, la connaissance scientifique ne fait que prouver ses vertus de
vérification et de découverte par rapport à tous autres modes de connaissance. […] Et
pourtant, cette science élucidante, enrichissante, conquérante, triomphante, nous pose
de plus en plus de graves problèmes qui ont trait à la connaissance qu’elle produit, à
l’action qu’elle détermine, à la société qu’elle transforme. »,
Edgar Morin, Science avec conscience, 1982.
« L’aventure scientifique, c’est fascinant ! Que de progrès techniques, quelle
amélioration de notre niveau de vie ! La science, en augmentant les connaissances dont
l’homme dispose, accroît sans cesse sa maîtrise sur son environnement, lui permettant
d’utiliser son imagination pour améliorer sa condition, pour faciliter son quotidien. »
Si l’on pense que la science est « une quête désintéressée de connaissances », alors
rien ne s’oppose a priori à son développement, puisque les savoirs seraient des facteurs
d’émancipation, de meilleure compréhension de l’environnement, qui nous permettrait
par exemple de mieux nous protéger de ses aléas, ou de s’y adapter en les anticipant.
Cependant, la science entretient des relations étroites avec les aspects sociaux,
politiques, économiques du fonctionnement de nos sociétés, qui dépassent
généralement le seul intérêt scientifique de ses productions : on ne peut ainsi envisager
l’activité scientifique en dehors du monde social qui la rend possible. Pour évaluer les
types de progrès sociaux auxquels contribuent les sciences et les techniques, il est par
conséquent impossible de considérer exclusivement les connaissances qu’elles
produisent.
En remontant un peu dans l’histoire, nous comprenons que la confiance dans la science,
comme facteur de progrès pour les hommes, fut à certaines périodes confortée, mais à
d’autres confrontée à des moments de crises.
Malgré cela, les Trente Glorieuses sont une période particulière de confiance dans
l’efficacité de la science, et dans sa capacité à concrétiser tout projet par le déploiement
d’une approche pragmatique. Cette assurance provient en particulier de la mobilisation
de la science lors de la seconde guerre mondiale. L’idée était alors la suivante : chaque
objectif, en l’occurrence militaire, peut être efficacement atteint grâce à la mise en œuvre
d’une démarche rationnelle, et par suite grâce au développement de la recherche
scientifique.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Depuis deux ou trois décennies, la place de la science dans
notre société a changé. Avec la mise en place d’ordres économiques et politiques
nouveaux[6], son lien à l’Etat, ses modes de fonctionnement et de production des savoirs
ont subi de nombreuses transformations. Pour n’en citer qu’une, on peut mentionner la
possibilité récente d’accorder des droits de propriété sur des recherches fondamentales,
comme par exemple sur des séquences d’ADN de la souris[7]. Ainsi, de nos jours,
l’activité scientifique associe la compréhension du monde à une volonté d’agir sur les
objets qu’elle étudie et d’en maîtriser l’évolution ; c’est même ce qui la caractérise depuis
la révolution copernicienne qui est advenue quelque part entre le XVI et le XVIII siècle[8].
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