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La « modernité critique », une nouvelle manière

Bernard Feltz
de penser la place de la science et de la technique
dans le développement de nos sociétés. Bernard Feltz
L’homme moderne fait confiance à la science, à la rationalité, aux droits
de l’homme. Le vingtième siècle, avec les guerres mondiales, les guerres
de décolonisation, avec la crise écologique, conduit à une remise en cause

LA SCIENCE
du concept de progrès qui sous-tend le projet moderne, à tel point que
d’aucuns parlent de « crise de civilisation ».
Cet ouvrage porte un regard neuf sur la place de la science dans l’évolution
de nos sociétés. Il s’appuie sur la philosophie des sciences pour penser les
impacts des découvertes scientifiques sur nos systèmes de signification

ET LE VIVANT
religieux ou athées, sur les développements technologiques, sur les
problèmes écologiques. Il aborde les questions éthiques en lien avec les
évolutions scientifiques. Il analyse l’apport des neurosciences dans notre
conception de l’humain comme être libre.
La démarche débouche sur le concept de « modernité critique » qui
propose une réponse « moderne » à la crise. L’attitude « critique » vise
Philosophie des sciences

LA SCIENCE ET LE VIVANT
une attention à la pertinence et aux limites de la démarche scientifique.
Elle permet un développement technologique au service de l’humain, une
appréhension globale des problèmes écologiques, une prise en compte
des dimensions éthiques de l’existence. Elle permet enfin une évolution
et modernité critique
internationale ouverte à une authentique diversité culturelle.
Un essai original qui éclaire les défis majeurs de notre époque.

Bernard Feltz
Biologiste et philosophe de formation, professeur de philosophie des sciences à
l’Université catholique de Louvain, Bernard Feltz y assure des cours à la Faculté de
philosophie, arts et lettres de même qu’à la Faculté de médecine, à la Faculté des
sciences et à la Faculté des bioingénieurs. Ancien président de l’Institut supérieur de
philosophie, ses nombreuses publications portent à la fois sur la dynamique interne
de la science et sur les impacts des développements scientifiques dans l’évolution
de la société.

SCIVIV
ISBN 978-2-8041-7144-5
www.deboeck.com
La science et le vivant

Philosophie des sciences et modernité critique


La science et le vivant

Philosophie des sciences et modernité critique

Bernard Feltz

2e édition revue et augmentée


Les droits d’auteur de ce livre seront reversés intégralement pour 50 % à Amnesty
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© De Boeck supérieur s.a., 2014


Fond Jean Pâques, 4, 1348 Louvain-la-Neuve

Imprimé en Belgique 2e édition


Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : septembre 2014
Bibliothèque royale de Belgique : 2014/0074/205
ISBN : 978-2-8041-7144-5
à Marie-Bernadette
à Nicolas, Julien, Clément, Adelin et Simon
Sommaire

Introduction................................................................................. IX

Chapitre 1. Science et vérité


une introduction à la philosophie des sciences..... 1

Chapitre 2. Science et société


technique, technologie et idéologie...................... 61

Chapitre 3. Science, éthique et modernité


Les relations entre culture et éthique :
approche historique et enjeux contemporains... 107

Chapitre 4. Nature, santé, environnement


le respect de la nature et de la norme................. 159

Chapitre 5. Qu’est-ce que l’être humain ?


Neurosciences, conscience, liberté..................... 191

Conclusion................................................................................. 243

Index........................................................................................... 249

Table des mati­ères..................................................................... 257

VII
Introduction

La science et la technologie occupent une place décisive dans l’évolu-


tion de nos sociétés. Que ce soit dans les domaines de l’énergie, des
transports, de l’alimentation, de la santé, les innovations constantes
modifient profondément nos modes de vie. Ce processus, engagé dès
la révolution industrielle aux XVIIIe et XIXe siècles, a connu, à la fin du
XXe siècle, une accélération considérable qui est marquée par une mon-
tée en puissance de la technologie dans tous les secteurs de la vie sociale.
Bien plus, ce phénomène va largement au-delà de la simple maîtrise
technologique. Sur le plan conceptuel, ce sont les rapports au cosmos,
à la nature, au corps, qui se voient profondément modifiés. Les théo-
ries scientifiques induisent des modifications profondes des systèmes
de significations qui caractérisent les diverses cultures de notre monde.
Enfin, ce phénomène connaît une dimension planétaire. Avec la globa-
lisation économique, les technologies nouvelles et les systèmes de signi-
fications qui les accompagnent tendent à se répandre dans l’ensemble
de la planète de telle sorte que l’on peut dire que c’est l’avenir de l’hu-
manité dans sa globalité qui est concerné par la dynamique scientifique.
Dès ses origines, dans sa forme moderne, la science a eu un
impact sociétal considérable. En effet, historiquement, l’émergence de
la science avec Galilée est un des éléments décisifs dans la transforma-
tion de la société médiévale en société moderne. Un nouveau rapport à
la vérité est inauguré grâce à la science ; il va transformer profondément
la société, jusqu’à son organisation politique. La révolution industrielle
va prendre le relais dans ce processus de transformation. Le concept de
« progrès » vise à rendre compte de la globalité de cette mutation cultu-
relle à la fois conceptuelle, institutionnelle, sociale et technologique. La
science est perçue comme un facteur d’amélioration de la condition
humaine et inscrit l’évolution des sociétés dans une perspective de pro-
grès continu.
Sur ce plan, il faut souligner le paradoxe qui marque la fin du
XXe siècle et le début du XXIe siècle. Jamais la science n’a connu une
telle expansion et un tel succès. Et, en même temps, le concept de pro-
grès lui-même se voit de plus en plus questionné. C’est qu’en effet cette
explosion technologique n’a pas que des aspects positifs. Depuis la fin
des années 1970, on peut dire qu’un nouveau rapport à l’innovation
technologique s’est instauré, et ce, dans tous les secteurs. Que ce soit

IX
Introduction

dans le domaine des technologies énergétiques, des moyens de trans-


ports, des techniques agricoles, de même que dans tout le domaine
médical, les nouvelles technologies sont interrogées sur leur pertinence,
leur efficacité, les effets secondaires induits, de telle sorte que le lien
automatique posé entre innovation technologique et bien-être de l’hu-
manité est remis en cause. On assiste à un rapport critique au progrès
lui-même. Mais c’est la crise écologique qui va s’avérer la plus mar-
quante dans le questionnement au mode d’intégration actuel de la tech-
nologie au fonctionnement sociétal. La prise de conscience des relations
entre les espèces par le concept d’écosystème, et, plus précisément, la
prise de conscience du caractère fini des stocks d’énergie et matières
premières au niveau mondial, pose question à tout le modèle de pro-
duction proposé par la société moderne. Le problème climatique prend
valeur symbolique de l’ampleur du problème, à tel point que d’aucuns
parlent d’une crise du projet moderne.
L’objectif de cet ouvrage est d’introduire aux problématiques phi-
losophiques qui visent à clarifier les enjeux fondamentaux des innova-
tions liées à la science dans toute la complexité des multiples dimen-
sions que nous venons d’évoquer. Cette complexité elle-même conduit
à préciser plusieurs points de vue dans notre approche, qui déterminent
l’organisation de cet ouvrage en cinq chapitres.
En un premier chapitre, Science et vérité, la philosophie des
sciences sera interrogée. Il s’agira d’analyser comment la philosophie
des sciences a rendu compte de la spécificité de la démarche scienti-
fique comme démarche de connaissance parmi les autres démarches
présentes dans la culture. Dans notre société, le concept de science ren-
voie à un rapport privilégié à la réalité qui fait autorité. Le point de
vue scientifique est respecté en tant qu’il est perçu comme ayant un
rapport privilégié à l’objectivité, et plus fondamentalement à la vérité.
Diverses traditions seront évoquées concernant cette question générale.
Elles permettront de penser les rapports entre approches scientifiques
et autres approches de la réalité, notamment religieuses ; elles permet-
tront également de mettre en évidence les présuppositions scientifiques
de la démarche médicale contemporaine.
L’impact de la science sur le fonctionnement social, Science
et société, est analysé à partir de deux approches distinctes  : la tech-
nique et l’idéologie. Que les technologies modifient nos modes de vie
est une évidence. La philosophie de la technique ouvre une réflexion
générale sur les rapports entre technique et société et est traversée par

X
Introduction

des interprétations très divergentes sur le plan d’une contribution de la


technique à la culture. Par ailleurs, la sociologie des sciences a connu
des développements récents qui ouvrent à une analyse évaluative de
l’innovation technologique où la figure de l’expert prend une place
décisive. Une référence à ces travaux nous permettra d’envisager de
manière plus informée une analyse critique de l’innovation technolo-
gique. D’autre part, historiquement, les sciences ont un impact idéolo-
gique redoutable : que l’on songe aux implications du darwinisme et des
premières théories eugéniques au début du XXe siècle, que l’on songe,
d’un point de vue plus général, à l’association de la démarche scien-
tifique et des forces économiques dans la recherche-développement à
la fin du XXe siècle. Il s’agit, par conséquent, d’être attentif également
aux dimensions idéologiques des sciences. Le concept d’idéologie est
un concept philosophique complexe qui mérite d’être abordé avec la
plus grande rigueur. Les perspectives théoriques nous permettront de
souligner certaines dimensions idéologiques présentes à la fois dans le
darwinisme historique et dans diverses pratiques contemporaines.
Le chapitre trois, Science, éthique et modernité, pose la question
des relations entre les justifications de l’éthique et les autres caractéris-
tiques d’une culture donnée. Avant d’entrer dans une dynamique de
réflexion spécifiquement liée à la technologie ou à la médecine, il nous
paraît important d’envisager un questionnement plus fondamental sur
les justifications de l’éthique et sur les liens de ces modes de justifica-
tion avec les autres caractéristiques de la culture. C’est la raison pour
laquelle, en une première partie, ce chapitre portera sur un historique
des modes de justification de l’éthique, en lien avec les diverses moda-
lités de rapport au vrai et avec les diverses modalités de justification du
pouvoir politique. À partir notamment de la réflexion kantienne puis
de la problématique des Droits de l’Homme, il ressort que le respect
de la personne humaine se dégage comme valeur centrale du moment
moderne. La deuxième partie de ce chapitre trois reprend cette même
question en la situant en contexte contemporain. La crise de la moder-
nité dans ses dimensions à la fois théoriques et organisationnelles sera
analysée. La place de la science dans la société, ainsi que le poids de la
rationalité, seront étudiés. Le concept de « modernité critique » va rece-
voir une caractérisation rigoureuse.
Un nouveau rapport à la nature est une dimension importante
de cette «  modernité critique  ». Il fera l’objet du chapitre quatre  :
Nature, santé et environnement. La notion de « respect de la nature »

XI
Introduction

est omniprésente dans notre culture depuis environ trois décennies. Il


paraît important de percevoir que cette notion est très problématique.
La science dans toutes ses disciplines, et la pratique médicale en parti-
culier, est mieux décrite en termes de maîtrise de la nature au service
de l’humain que de respect de la nature : que ce soit dans les domaines
de l’énergie, de l’alimentation, de la santé, loin de respecter la nature, la
visée de la science est d’utiliser la nature pour le plus grand bonheur de
l’être humain. Nous verrons que le concept d’écosystème introduit une
modification profonde dans le rapport à la nature qui caractérise notre
culture. Bien plus, une prise en compte d’autres dimensions de la réalité
«  nature  » est essentielle pour comprendre les nouvelles orientations
d’une politique qui conduise à un développement durable. Si la pra-
tique écologique s’articule à une nature qu’il s’agit de respecter, toute
pratique thérapeutique s’articule à un concept de santé et de norme qu’il
s’agit également de respecter. Le caractère problématique de ces notions
est également à étudier. Le concept de santé proposé par l’Organisation
Mondiale de la Santé frappe par son ampleur de vue  : divers enjeux
seront soulignés. Les difficultés d’une approche de la normalité et les
enjeux thérapeutiques qu’elle soulève nous conduiront à un recentrage
de la thérapie sur la spécificité de chaque individu.
Le dernier chapitre – Qu’est-ce que l’être humain  ? ou Peut-on
parler de nature humaine  ? – reprend la question de la nature, sur le
plan anthropologique cette fois. Si l’on considère les travaux récents
dans le domaine des sciences de la vie, quelle peut être la spécificité de
l’humain par rapport à l’animal ? Trois notions sont traditionnellement
évoquées : l’âme, la liberté, la conscience. Nous aborderons la question à
partir de ces trois notions. Un historique du concept d’âme montrera que
ce dernier ne conduit pas automatiquement au dualisme ; au contraire,
la tradition aristotélicienne, articulée dès l’origine aux sciences de la vie,
peut conduire à une anthropologie profondément unitaire. Par ailleurs,
l’approche épistémologique du concept d’émergence, telle que la pro-
pose la tradition de la philosophie des sciences anglo-saxonne, appli-
quée à la problématique des neurosciences, ouvre à une pluralité d’in-
terprétations ; certains scientifiques se placent explicitement dans une
perspective non réductionniste ouverte aux notions de libre arbitre et
de conscience. Ils peuvent ainsi être rapprochés des travaux de certains
phénoménologues qui, dès les années 1950, ont tenté une interpréta-
tion des données des sciences biologiques et comportementales de leur

XII
Introduction

temps autour de la problématique de la donation de sens et conduisent


à une approche critique de la question de la « nature humaine ».
Une grande unité ressort de l’ensemble de la démarche. Elle tient
à deux points. D’une part, la place de la science dans la société est fort
tributaire de la conception des rapports science-vérité analysés au cha-
pitre un. Dans ce sens, le concept de « connaissance critique » ouvre la
voie à une conception à la fois rigoureuse et modeste de la science, qui
permet de penser de manière nuancée l’impact de la science et de la
technologie sur le fonctionnement sociétal. D’autre part, notre convic-
tion est que des liens étroits peuvent s’établir entre cette conception de
la science, une conception de l’être humain, les systèmes de justifica-
tion de l’éthique et la conception du fonctionnement politique. Dans
ce contexte, la question est de savoir si l’intuition moderne – qui fait
reposer sur le concept de sujet libre rationnel le fondement du rapport
au vrai, au bien et à l’organisation politique – est encore défendable
actuellement, moyennant les modifications qui s’imposent en fonction
des données de l’histoire et des résultats récents des sciences.
Le concept de «  modernité critique  » proposé au chapitre trois
ouvre une perspective où la science garde une place importante dans
une dynamique sociétale et où l’être humain continue à faire confiance
en la raison, tout en prenant en compte les limites de l’approche ration-
nelle. Une telle perspective vise à une prise en compte de la crise de
la modernité dans ses multiples dimensions. Sont en jeu à la fois une
conception de l’être humain comme être libre, le respect de la personne
humaine comme critère éthique, un fonctionnement sociétal qui donne
place au débat démocratique.

XIII
Introduction

Mes remerciements vont tout d’abord aux étudiantes et étudiants,


mes interlocuteurs privilégiés dans les différentes Facultés où des cours
m’ont été confiés. Leurs appartenances disciplinaires variées, leur
écoute souvent attentive, leur regard toujours exigeant, leurs préoccu-
pations pour les questions contemporaines marquent profondément la
dynamique de cet ouvrage.
Pour la première édition, je tiens également à remercier les col-
lègues et les amis qui ont accepté de relire le manuscrit en cours de
rédaction : Philippe Baret, Marc Crommelinck, Felice Dassetto, Thierry
Hance, Walter Lesch, André Louis. Leurs remarques et leurs sugges-
tions m’ont été précieuses. Je leur en suis très reconnaissant.
Anne-Marie Coipel, André Louis, Marie-Bernadette Mars et
Claudine Warzée ont assuré la relecture stylistique et typographique du
document final. Je les remercie vivement pour leur disponibilité, pour
la rigueur et la précision de leur travail.
Pour la deuxième édition, je tiens à remercier Charlotte Luyckx
pour ses suggestions critiques éclairantes. Anne-Marie Coipel et Marie-
Bernadette Mars ont de nouveau été sollicitées pour une relecture sty-
listique. Je les remercie pour leur détermination et leur compétence.

XIV
Chapitre 1.
Science et vérité
une introduction à la philosophie
des sciences

Introduction
Les rapports entre science et vérité constituent une question fonda-
mentale de la philosophie des sciences. Cette question essentielle est au
cœur de débats qui traversent tout le XXe siècle. Elle renvoie au rapport
entre le discours scientifique et la réalité qui fonde la légitimité du statut
privilégié de la science dans notre société. Plusieurs traditions se sont
confrontées en philosophie des sciences. Nous voudrions, en un pre-
mier temps, procéder à une présentation historique de cette confron-
tation. Jusqu’aux dernières décennies du XXe siècle, la philosophie des
sciences s’articulait essentiellement à la physique, branche dominante
de la science à l’époque. L’historique proposé rejoint donc les questions
liées à la philosophie de la physique. Il nous paraît également opportun,
en un deuxième temps, de proposer une approche qui concerne plus
spécifiquement les sciences de la vie : il s’agira d’analyser les caractéris-
tiques principales du paradigme de la biologie contemporaine. En une
partie conclusive, les enjeux philosophiques et les conséquences pour
une pratique scientifique seront explicités.

1. La conception inductiviste de la science


Le XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle ont été marqués
par une conception qui tendait à faire de la science la seule véritable
connaissance. La science était en quelque sorte le lieu d’une objecti-
vité absolue qui était, pensait-on, liée à la méthodologie spécifique de la
science, qualifiée d’inductive, d’où le terme de « conception inductiviste
de la science ». Dans le monde francophone, cette conception corres-
pond à ce qu’on appelle la « conception positiviste », liée à la « philoso-
phie positive » d’Auguste Comte. Dans le monde anglo-saxon, elle a été

1
La science et le vivant

défendue d’une manière distincte par ce que l’on appelle le positivisme


logique de l’École de Vienne.
Dans le monde philosophique, cette conception a fait l’objet
d’un nombre considérable de travaux au début du XXe siècle jusqu’aux
années 1960, où elle a été remise en cause par des analyses venant à la
fois de la logique et de l’histoire des sciences. Notons que cette concep-
tion est encore très répandue actuellement, en particulier dans bon
nombre de milieux scientifiques.
En un premier temps, nous allons procéder à une présentation
des thèses centrales de la conception inductiviste de la science. En un
second temps, nous développerons les limites de cette conception mises
en évidence par la philosophie des sciences.

1.1. La conception inductiviste de la science


Avant de présenter cette conception de la science, introduisons deux
couples de notions terminologiques préliminaires.

a. Notions préliminaires
Énoncé singulier et énoncé universel
La plupart des énoncés de la vie courante sont des énoncés singuliers.
Cet après-midi, le soleil brillait sur Bruxelles.
Les oiseaux que je vois sur ce fil sont tous bruns.
Cette solution aqueuse est très acide.
La particularité de ces énoncés est qu’ils se réfèrent chacun à des
situations précises, situées ponctuellement dans l’espace et dans le temps.
Chacun de ces énoncés, aussi appelés énoncés d’observation, peut faire
l’objet d’une vérification, immédiate ou différée, par l’interlocuteur.
À côté de ces énoncés, d’autres présentent des caractéristiques
tout à fait différentes.
Tout corps matériel à la surface du globe est attiré par la terre en
fonction de la gravitation universelle.
Dans les organismes supérieurs, les cellules somatiques se divisent
par mitose.
Si on met un acide en présence d’une base, on obtient un sel plus
de l’eau.
Il fait clair tous les soirs à dix heures.

2
Science et vérité

Ces énoncés sont de type général et portent sur de très larges


ensembles de phénomènes. Ils ne sont pas liés, comme les énoncés d’ob-
servation, à un moment particulier ou à un lieu particulier. Ils portent
sur des phénomènes globaux et intègrent la totalité des événements
d’un type particulier. Les lois et théories scientifiques sont des énoncés
de ce type que l’on qualifie d’« énoncés universels ».
Précisons bien que le caractère général ou particulier d’un énoncé
concerne uniquement ce statut logique et n’a rien à voir avec la valeur
de vérité de l’énoncé. Par exemple, l’énoncé « il fait clair tous les jours
de l’année à minuit en Belgique » est bien un énoncé général, qui com-
porte un quantificateur universel, « tous les jours », alors même qu’il est
complètement faux.

Induction et déduction
À cette distinction entre deux types d’énoncés est liée une autre dis-
tinction : celle entre deux types de raisonnements. Dans le premier, une
accumulation d’énoncés singuliers conduit à un énoncé de type géné-
ral : c’est l’inférence inductive. Par exemple, l’observation, de multiples
fois répétées, que l’eau gèle à 0˚C dans des conditions normales de pres-
sion conduit à l’affirmation générale : « l’eau gèle toujours à 0˚C dans
les conditions normales de pression ». Dans l’inférence inductive, on a
donc passage d’énoncés particuliers à un énoncé général.
Inversement, dans le second, le raisonnement déductif relie des
énoncés généraux à des énoncés particuliers, un des objectifs de la
logique étant de préciser les conditions de validité de tels raisonnements.
Par exemple :
Tous les corbeaux sont noirs.
Cet oiseau est un corbeau.
Donc il est noir.
On a bien ici passage d’un énoncé général à un énoncé particulier
par un raisonnement déductif.
Précisons encore que la validité d’un raisonnement n’a rien à voir
avec la valeur de vérité des divers énoncés.
Par exemple :
Il pleut tous les lundis.
On est lundi.
Donc il pleut.

3
La science et le vivant

Ce raisonnement est exactement le même que dans l’exemple pré-


cédent et est tout à fait valide, alors même que l’énoncé de départ est faux.

b. La conception inductiviste de la science


La conception inductiviste de la science fait reposer la valeur de vérité
des lois scientifiques sur les observations, considérées comme relations
neutres et objectives à la réalité. En effet, sur la base de la certitude de
l’observation, par simple généralisation inductive, on établit les lois de
fonctionnement de la matière inerte ou vivante.
Par exemple, dans cette perspective, les expériences de Galilée,
qui analysent le mouvement des corps sur des plans inclinés, fondent
la valeur de vérité des premières lois de la dynamique. De même, ce
sont les observations de nombreuses divisions cellulaires qui fondent la
valeur de vérité d’une « loi » des diverses phases de la division mitotique.
Dans ce contexte donc, la loi est le lieu d’une vérité certaine ; en
quelque sorte, on « tire la loi de l’expérience » et la science est donc le
lieu d’une objectivité absolue puisque le scientifique est une sorte de pur
réceptacle de la réalité qui se donne dans l’expérience.
Précisons cependant que, même dans la conception inductiviste
de la science, il y a une place importante pour la démarche déductive.
En effet, le caractère inductif de la démarche scientifique porte sur la
«  découverte  » de la loi, sur la démarche d’élaboration de la théorie
scientifique comme ensemble de lois ; par contre, une fois la loi « décou-
verte », l’explication scientifique se développe selon une logique déduc-
tive. En effet, la loi générale permet d’expliquer ce qui se passe dans
des situations particulières selon un schéma qui implique le passage du
général au particulier. Par exemple, la loi de la gravitation universelle
permet de prédire et d’expliquer la vitesse d’un corps en chute libre du
haut d’un building.
En ce qui concerne l’explication en science, on a donc le schéma
suivant :
Déduction logique

C1, C2, …, Ck Énoncés des conditions initiales


} L1, L2, …, Lr Lois générales
} explanans
E Description du phénomène empirique à expliquer } explanandum

Figure 1. L’explication en sciences selon Hempel.1

1  Hempel, C.G. (1965), « Studies in the Logic of Explanation », in Hempel C.G., Ed. Aspects
of Scientific Explanation, The Free Press, New York, London, p. 249.

4
Science et vérité

C’est en inscrivant les conditions initiales, c’est-à-dire les carac-


téristiques de la situation particulière étudiée, dans la loi que l’on peut
prédire l’évolution du phénomène étudié. Ce schéma, classique en phi-
losophie des sciences, est connu comme schéma de Hempel, du nom du
philosophe qui l’a développé.
Par exemple, les lois de la dynamique classique, associées aux
conditions initiales caractérisant une fusée – poids, poussée des réac-
teurs, direction, conditions météo...– permettent le calcul de la trajec-
toire de la fusée après la mise à feu des réacteurs. Dans ce contexte,
« expliquer » revient donc à « prédire » un événement, si cet événement
est futur, ou à le « rétrodire » si cet événement est passé. Il est en effet
possible d’effectuer la démarche de calcul de la trajectoire, que la fusée
soit partie ou qu’elle soit sur le départ.
Pour décrire le fonctionnement de la science, on a donc une
conception inductiviste du processus de constitution du savoir scienti-
fique et une conception déductiviste de l’explication scientifique, consi-
dérées comme application de lois générales à des situations particu-
lières. Ces conceptions sont résumées dans le schéma :
Lois et Théories

ion Dé
ct du
In du cti
on

Faits établis Prédictions


par l’observation et explications
Figure 2. Les rapports entre induction et déduction dans la conception
inductiviste de la science. D’après A.F. Chalmers1.

Il faut souligner l’enjeu fondamental d’une telle conception  : la


science est le lieu d’une certitude absolue, puisque les lois sont tirées de
l’expérience et que l’explication ne fait qu’appliquer les lois de manière
déductive. Dans ce contexte, tout le processus scientifique d’établisse-
ment de la loi et d’application de la loi relève donc d’une dynamique
marquée par une objectivité absolue.

1  Chalmers, A.F. (1987), Qu’est-ce que la science ? La Découverte, Paris, p. 24.

5
La science et le vivant

1.2. Les limites de la conception inductiviste


de la science
Cette conception inductiviste de la science va faire l’objet d’une analyse
attentive. Les limites d’une telle conception vont être soulignées à deux
niveaux  : d’un point de vue logique et à propos de la conception de
l’observation scientifique.

a. Le point de vue logique


Les premières objections posées à la conception inductiviste de la
science se réfèrent à la logique.
Dans le raisonnement déductif, si les prémisses sont vraies, les
conclusions sont vraies : il y a une nécessité logique qui relie les pré-
misses aux conclusions. Dans l’exemple proposé ci-dessus, si l’énoncé
« tous les corbeaux sont noirs « est vrai, et s’il y a un corbeau devant
moi, je suis sûr que ce corbeau est noir. Il y a un lien logique de nécessité
entre l’énoncé général de départ et l’énoncé particulier conclusif.
Par contre, dans le raisonnement inductif, il n’y a aucune nécessité
logique entre les prémisses particulières et la conclusion générale. Par
exemple, l’énoncé « Tous les corbeaux que j’ai vus jusqu’à maintenant
sont noirs » n’implique pas que « tous les corbeaux sont noirs » : aucune
nécessité logique ne relie ces deux énoncés. Tout au plus peut-on dire
que l’on a de bonnes raisons de penser que «  tous les corbeaux sont
noirs » mais cela n’enlève rien à l’incertitude qui persiste sur l’énoncé
conclusif.
Dans le raisonnement inductif, le passage du particulier au général
ne repose pas sur une nécessité logique, mais bien sur une décision du
sujet scientifique qui, sur la base de l’ensemble des observations effec-
tuées, juge que l’on peut considérer que l’énoncé a valeur universelle. Et,
dans ce cas, la valeur de vérité de la loi perd sa valeur de certitude. En
effet, à strictement parler, on ne « tire » pas la loi de l’expérience ; sur la
base de l’expérience, le sujet scientifique pose la loi. On n’est donc pas
dans le registre de l’objectivité absolue, mais dans le registre de l’activité
d’un sujet connaissant. Autrement dit, il y a rupture de continuité entre
les observations et la loi, rupture de continuité marquée par le « coup de
force » du sujet connaissant qui décide de considérer comme universel
un énoncé particulier qui renvoie à un nombre important d’observations.
On cite souvent l’anecdote humoristique – anglaise  !  – de
Bertrand Russell. Après plusieurs centaines d’expériences, dans toutes

6
Science et vérité

les conditions d’humidité, pression atmosphérique, force du vent, lumi-


nosité..., une dinde avait conclu à l’affirmation universelle qu’on lui
apportait la pâtée à 19 heures sonnantes tous les jours. Il n’en reste pas
moins qu’elle « passa à la casserole » le 24 décembre de la même année.
Avec cette nécessité logique, c’est le statut de certitude de la loi et
son objectivité absolue qui sont remis en cause. La science n’est donc
pas le lieu d’une certitude absolue, mais relève du travail d’un sujet
connaissant.

b. Le concept d’observation
La conception inductiviste
La conception inductiviste de la science repose sur la présupposition
d’une observation objective, neutre, de la part du scientifique. L’obser-
vation est donc considérée comme pure réceptivité à la réalité qui se
donne immédiatement. On trouve là une conception passive de l’obser-
vation, où tous les humains en situation analogue auront des visions
identiques du phénomène observé.

Le point de vue psychophysiologique


Voici quelques années déjà, M. Merleau-Ponty développait une phéno-
ménologie de la perception où il insistait sur la distinction entre sensa-
tion et perception. La sensation renvoie à l’image rétinienne, tandis que
la perception implique l’intégration d’un nombre important d’infor-
mations, en provenance de divers systèmes – visuel, équilibre, proprio-
ceptif... La perception implique par conséquent un travail intégrateur
d’informations au niveau du système nerveux central lui-même. Dès
l’analyse du point de vue neurophysiologique, on est donc loin d’une
observation comme pur phénomène passif.
Les travaux neurophysiologiques récents sur la vision vont plus
loin encore. Que l’on se réfère aux positions de J.P.  Changeux ou de
F. Varela, par exemple, de nombreux auteurs insistent sur le caractère
actif du système nerveux. La vision ne doit pas être appréhendée sur
le modèle de l’appareil photographique où le cerveau serait l’analogue
de la plaque photographique. Le cerveau n’est pas pure réceptivité. Au
contraire, les influx nerveux associés à l’image rétinienne entrent en
résonnance avec certains influx liés à l’activité permanente du système
nerveux central. C’est dans ces termes qu’il faudrait comprendre, par
exemple, les phénomènes de reconnaissance de formes.

7
La science et le vivant

Ces travaux rejoignent les approches psychocognitives qui


montrent l’importance de l’activité du sujet dans l’interprétation des
formes. Certains artistes travaillent d’ailleurs sur cette activité pour
concevoir des tableaux qui se prêtent à plusieurs interprétations ou
induisent des illusions liées précisément aux mécanismes de construc-
tion de l’image par l’observateur. L’œuvre de l’artiste néerlandais Escher
est très marquée par cette approche.
Il ressort dès lors qu’une conception de l’observation en termes de
pure réceptivité passive est difficilement défendable au vu des dévelop-
pements récents des travaux neurophysiologiques et psychocognitifs.

L’impossibilité d’une observation exhaustive


De manière plus intuitive, il apparaît qu’une situation donnée ne peut
jamais faire l’objet d’une description exhaustive et qu’une série de choix,
explicites ou implicites, préside toujours à une démarche de description
d’une situation donnée.
Ce phénomène est particulièrement ressenti lorsque l’on déve-
loppe un travail d’analyse anthropologique d’un laboratoire scienti-
fique. Pourquoi ne pas s’intéresser aux marques de pantalons des cher-
cheurs ou à la couleur des murs des laboratoires ? Une telle attention est
tout à fait défendable si la recherche anthropologique s’intègre dans un
projet financé par une marque de pantalons qui souhaite utiliser cette
information à titre publicitaire. D’autre part, pourquoi ne pas recourir
au microscope pour décrire les toiles d’araignées qui se forment dans les
recoins des laboratoires comme partout ailleurs ?
On le comprend, une description est toujours associée à un certain
projet plus ou moins bien défini ou explicité. Plus généralement encore,
ces propos contribuent à la prise de conscience de l’impossibilité d’une
description exhaustive d’une situation donnée. Si la description n’est
pas exhaustive, cela signifie que des choix sont posés qui distinguent les
informations jugées pertinentes de celles qui ne le sont pas.
Ici également, le rôle actif de l’observateur apparaît manifeste.
Si le travail du scientifique vous intéresse d’un point de vue épistémo-
logique, vous serez attentif à la manière dont le scientifique construit
son expérience. Si vous vous intéressez plus à la sociologie des cher-
cheurs, vous serez plus attentif, entre autres choses, aux milieux d’ori-
gine des chercheurs et à leurs réseaux relationnels actuels... Sans doute,
dans l’observation de chacun de ces domaines aurez-vous à être le plus
«  neutre  » possible. Mais cette attitude prend sens sur le fond d’une

8
Science et vérité

attitude fondamentalement sélective sur la base du projet fondamental


qui vous guide dans vos observations.
La conception d’une observation exhaustive, neutre et objective,
ne résiste pas à l’analyse, même dans le cas d’une activité comme l’an-
thropologie qui, pourtant, ne se réfère pas toujours à des cadres théo-
riques très élaborés.

Le point de vue logique


L’approche logique de l’observation adopte un point de vue très diffé-
rent. Il s’agit de s’intéresser au statut logique de l’énoncé d’observation.
La question est de savoir comment il est possible de démontrer qu’un
tel énoncé est vrai.
En fait, il apparaît qu’un énoncé d’observation n’est pas démon-
trable logiquement. Il repose uniquement sur la conviction des sens. Un
raisonnement logique et, par conséquent, une démonstration logique,
pose des relations entre divers énoncés. C’est la nécessité logique de la
relation entre divers énoncés qui constitue la démonstration logique
elle-même. Mais la valeur de vérité de l’énoncé d’observation ne pro-
vient pas de la relation à d’autres énoncés. Elle provient tout sim-
plement de la conviction des sens et de la confiance en la bonne foi
des autres observateurs. Il n’y a donc aucune certitude logique liée à
l’énoncé d’observation.

Les relations entre observation et langage


Dans l’approche logique, nous avons évoqué le passage obligé par les
« énoncés d’observation ». Une observation n’est pas un fait brut, elle
se transmet par une série d’énoncés. Qui dit « énoncé » dit « langage ».
Indépendamment du point de vue logique évoqué plus haut, le rapport
au langage pose la question de la signification du langage, la question
sémantique, laquelle s’inscrit dans une culture et un mode de vie donné.
P. Ricoeur montre combien le rapport à un langage implique un rap-
port interprétatif au phénomène étudié. Toute expression est interpré-
tation. Ricoeur parle à ce propos de l’herméneutique toujours à l’oeuvre
dans le langage.
Un exemple bien connu est celui du rapport à la neige chez les
Esquimaux qui disposent d’un nombre considérable de termes distincts
pour désigner la neige, en fonction des propriétés spécifiques liées aux
différentes contraintes de leur mode de vie : poudreuse, glissante, col-
lante... Il est important de souligner le fait que les termes ne sont pas

9
La science et le vivant

simplement des outils pour exprimer une observation  ; en réalité, la


connaissance des termes détermine la capacité d’observation elle-même
et des observations de ce type sont difficilement réalisables par des per-
sonnes ne maîtrisant pas ce langage et ne participant pas à ce mode de
vie.
D’un point de vue général, il importe de prendre en compte le
rapport entre langage et perception. Une approche naïve donne à croire
que le langage est un outil qui permet de rendre compte de l’observa-
tion, celle-ci se déroulant de manière complètement indépendante du
langage. Il s’agit de prendre conscience de la circularité en jeu entre
langage et observation. En fait, dans une culture donnée, on est capable
d’observer ce que le langage permet d’exprimer. Et l’apprentissage du
langage accompagne l’apprentissage de l’observation.

La charge théorique de l’observation


Ce qui vient d’être évoqué du point de vue général des rapports entre
langage et observation dans une culture donnée éclaire précisément les
rapports entre théorie et observation en science et rejoint les considé-
rations de la philosophie des sciences contemporaine sur la «  charge
théorique » de l’observation scientifique.
Prenons l’exemple d’un cliché au microscope électronique. Une
conception naïve de l’observation neutre et objective devrait conduire
à penser que, moins on en connaît en biologie, plus on sera « objectif ».
L’expérience montre qu’il n’en est rien et qu’au contraire l’interpréta-
tion d’un tel cliché demande tout un apprentissage qui porte à la fois
sur divers concepts de base de la cytologie – mitochondrie, ribosome,
membrane, réticulum...– et sur un travail simultané sur des clichés pour
identifier et reconnaître les diverses structures visées. À proprement
parler, sans les concepts théoriques, on ne voit rien qu’un ensemble de
points gris sur fond noir où on s’étonne que les scientifiques sachent
voir des formes significatives.
Et cela peut être dit à propos de toute observation en science. Que
ce soit l’identification d’une plante en systématique ou l’interprétation
d’une courbe de thermolabilité enzymatique en biologie cellulaire, le
travail d’observation s’articule à tout un langage qui n’est pas simple
outil pour exprimer ce que l’on voit, mais contexte théorique qui per-
met de voir. C’est ce que vise la philosophie des sciences quand elle
parle de « charge théorique de l’observation ».

10
Science et vérité

Les limites de la position inductiviste apparaissent maintenant


plus clairement. Tant l’approche logique qu’une analyse attentive du
concept d’observation manifestent la faiblesse de cette conception qui,
il faut bien le dire, trouve peu de défenseurs actuellement dans le monde
des philosophes des sciences.
Karl Popper est un grand pourfendeur de la conception induc-
tiviste de la science. Sa conception falsificationiste intègre un bon
nombre des objections posées à la conception inductiviste et constitue
un moment historique important de la réflexion sur les sciences. Il a eu
un impact considérable tant en philosophie des sciences que dans cer-
tains milieux scientifiques. Jacques Monod, prix Nobel de Médecine, a
rédigé une préface à l’édition française de l’ouvrage le plus important de
Popper : La logique de la découverte scientifique1. Nous allons mainte-
nant envisager cette conception.

2. K. Popper et le falsificationisme
Karl Popper (1902-1994) s’oppose à une logique inductiviste dans l’évo-
lution des théories scientifiques. Pour Popper, le scientifique ne tire pas
la loi de l’expérience. Sur la base d’une série d’observations, le scienti-
fique construit la loi qu’il confronte à l’expérience selon une procédure
très rigoureuse. Une analyse logique de cette confrontation va s’avé-
rer importante pour bien en préciser la signification épistémologique.
Cette analyse va montrer l’importance de la relation d’implication. C’est
pourquoi il nous faut tout d’abord présenter cette notion.

2.1. La notion d’implication


L’implication est une relation logique entre deux énoncés. Une analyse
des rapports entre les diverses valeurs de vérité possibles des énoncés
aboutit au tableau suivant :
p  q
1. V V V
2. V F F
3. F V V
4. F V F

1  Popper, K. (1973), La logique de la découverte scientifique, Payot, Paris (1ère édition


allemande 1935, 1ère édition anglaise 1959).

11
La science et le vivant

Dans ce tableau, p et q représentent deux énoncés distincts et 


représente la relation d’implication qui relie les deux énoncés.
Voici quelques exemples des diverses situations envisagées.
1. En Belgique, il fait toujours nuit à 1 heure du matin
implique il fera nuit ce soir à 1 heure du matin.
La prémisse vraie implique un énoncé vrai selon une implication
correcte.

2. En Belgique, il fait toujours nuit à 1 heure du matin


implique il fera jour ce soir à 1 heure du matin.
Cette implication n’est pas correcte, la conclusion n’est pas une
conséquence logique de la prémisse.

3. En Belgique, il pleut tous les lundis


implique il pleut au moins une fois sur l’année.
Un énoncé faux implique un énoncé vrai selon une implication
correcte.

4. En Belgique, il fait toujours jour à 1 heure du matin


implique il fera jour ce soir à 1 heure du matin.
Un énoncé faux implique un énoncé faux selon une implication
correcte.
Cette approche logique de l’implication met en évidence une série
de caractéristiques importantes sur lesquelles K. Popper va construire sa
conception de la science. Tout d’abord, on constate qu’une conclusion
vraie peut dépendre, selon la relation d’implication, aussi bien d’une
prémisse vraie que d’une prémisse fausse (situations 1 et 3). Par contre,
une conclusion fausse ne peut dépendre, selon la relation d’implication,
que d’une prémisse fausse (situation 4) puisque la situation 2 met en
oeuvre une implication incorrecte.
Autrement dit, le fait que la conclusion soit vraie ne fournit aucun
renseignement sur la valeur de vérité de la prémisse, alors que le fait que
la conclusion soit fausse nous donne la certitude logique de la fausseté
de la prémisse.
C’est sur cette propriété particulière de l’implication que K. Pop-
per va construire sa conception de la scientificité.

12
Science et vérité

2.2. Le falsificationisme poppérien


Popper se place dans une perspective de rejet de la conception inducti-
viste de la science et développe lui-même une série d’arguments repris
plus haut dans l’analyse des limites de cette conception.
Pour Popper, la loi scientifique n’est pas tirée de l’expérience mais
est construite par le scientifique et confrontée à l’expérience. Popper
parle de « conjecture et réfutation »1. L’hypothèse est construite par le
scientifique et mise en relation avec la réalité par l’expérimentation.
Cette confrontation de la théorie à la réalité met en œuvre la rela-
tion d’implication. L’analyse logique de l’implication effectuée à l’ins-
tant prend ici tout son sens. En effet, la confrontation de la théorie à
l’expérience se développe selon la démarche logique évoquée lors de
l’analyse de l’explication dans la conception inductiviste de la science.
Nous avons vu que la conception inductiviste porte sur le mode
d’élaboration de la loi scientifique mais que, même dans cette concep-
tion, l’explication scientifique est déductive selon le schéma de Hempel.
C’est la loi associée à une série de conditions initiales qui permet de
prédire l’évolution du système particulier étudié précisément au moyen
d’une relation d’implication (cf. 1.1.b.).
Les lois de la dynamique classique associées aux conditions ini-
tiales caractérisant une fusée permettent de prédire, par recours à l’im-
plication, la trajectoire de la fusée après mise à feu des réacteurs. Et
l’observation de la trajectoire effective nous permet de confronter les
prédictions de la théorie avec l’expérience.
On a donc le schéma :
théorie + conditions initiales impliquent prédictions
où prédictions = énoncés d’observation qui peuvent être confrontés à
l’expérience.
Si on se réfère au tableau de vérité de l’implication, en ne retenant
que les relations d’implication correctes, on obtient :
Théorie + conditions initiales impliquent Prédictions
1. V V V
2. F V V
3. F V F

1  Popper, K. 1985. Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, Payot, Paris


(première édition anglaise : Conjectures and Refutations, London, 1969).

13
La science et le vivant

Dans les situations 1 et 2, on a une vérification de la théorie


puisque les prédictions s’avèrent vérifiées par l’expérience. Mais cette
vérification ne nous apporte aucune certitude sur la valeur de vérité de
la théorie puisque une théorie fausse peut impliquer des prédictions
vraies (situation 2). Par contre, si la prédiction s’avère fausse, on arrive
à une certitude sur la valeur de vérité de la théorie ; on est de fait certain
qu’elle est fausse (situation 3).
Popper tire plusieurs conclusions d’une telle analyse. La première
porte sur le statut de vérité des théories. En fait, l’analyse logique de la
confrontation à l’expérience revient à dire que l’on n’est jamais certain
du caractère vrai d’une théorie. Une théorie vérifiée doit être considérée
comme vraie à titre provisoire, jusqu’aux prochaines confrontations à
l’expérience. C’est l’antidogmatisme poppérien en ce qui concerne le
rapport à la théorie.
Pour comprendre un tel antidogmatisme, il faut savoir que Pop-
per avait une formation de physicien et que le monde de la physique
a été profondément remué par l’évolution de la physique au début du
XXe siècle. Le XIXe siècle voyait dans la physique newtonienne une
théorie certaine : aucune remise en question ne paraissait possible. Le
début du XXe siècle, avec le développement de la physique quantique
et l’émergence de la théorie de la relativité, mettait la physique new-
tonienne en difficulté dans deux domaines essentiels  : le monde des
particules élémentaires et le monde de la cosmologie. La conception
poppérienne de la théorie scientifique comme « définitivement provi-
soire », en constante évolution, en situation d’être remise en question
à tout moment, permet de penser à la fois la pertinence des théories
admises à une époque donnée et leur potentielle remise en cause par la
falsification.
D’autre part, Popper tire une deuxième conséquence de ses ana-
lyses, que l’on pourrait qualifier de méthodologique. En effet, plutôt
que de tester les théories en tentant de les vérifier, Popper suggère de
les tester par une falsification. Autrement dit, dans l’expérimentation,
ce qu’il s’agirait de faire, ce n’est pas simplement une vérification des
prédictions de la théorie, il faudrait développer des stratégies de falsifi-
cation, non pas confronter la théorie sur ses points forts mais plutôt sur
ses points faibles.
Enfin, troisième conséquence et d’importance  : pour Popper
la possibilité pour une proposition d’être falsifiée constitue ce qu’il
appelle un « critère de démarcation » entre proposition scientifique et

14
Science et vérité

proposition métaphysique. Les propositions scientifiques sont falsi-


fiables alors que les propositions métaphysiques sont non falsifiables et
par conséquent non porteuses de « connaissance objective »1. C’est ainsi
que Popper rejette le marxisme, le darwinisme, la psychanalyse comme
non scientifiques, comme non porteurs de connaissance objective en
fonction de son critère de falsifiabilité.
On trouve donc une position paradoxale de Popper qui présente
un antidogmatisme radical en ce qui concerne le statut de vérité de toute
théorie scientifique et qui présente une sorte de néodogmatisme tout
aussi radical en ce qui concerne la connaissance scientifique comme
seule connaissance objective, c’est-à-dire comme seule digne d’intérêt
en fonction de son critère de démarcation.

2.3. Les difficultés du falsificationisme poppérien


Le falsificationisme poppérien va se voir contesté sur deux lieux. Les
analyses logiques approfondies des situations expérimentales vont
amener à nuancer la position poppérienne quant à la certitude apportée
par la falsification. D’autre part, les historiens des sciences vont mon-
trer l’importance d’une prise en compte de la dynamique effective de
la science dans son émergence historique pour rendre compte de la
logique à l’œuvre dans la démarche scientifique.

a. Le point de vue logique


L’analyse de la relation d’implication par Popper pose peu de difficul-
tés. Par contre le lien que pose Popper entre la relation d’implication
et la démarche scientifique rencontre certaines objections. En effet, il
est clair qu’une proposition générale du type « tous les corbeaux sont
noirs » peut être falsifiée par une simple observation. Cependant, dans le
fonctionnement de la démarche scientifique, un test d’hypothèse porte
généralement non sur une proposition générale isolée, mais sur une
proposition qui s’intègre dans un ensemble théorique plus complexe,
comme nous l’avons vu en référence au schéma hempélien. Il ressort
que, en cas de falsification de la proposition observationnelle testée, la
question se pose de savoir d’où vient l’erreur. Celle-ci peut sans doute
provenir de l’hypothèse particulière testée par l’expérience, mais cette
hypothèse ne prend corps qu’intégrée à un ensemble théorique plus

1  Popper, K. (1978), La connaissance objective, Éd. Complexe, Bruxelles (première édition


anglaise : Objective Knowledge, Oxford, 1972).

15
La science et le vivant

général, repris dans ce qu’une analyse logique des tests d’hypothèses


appelle des « propositions auxiliaires ». Un constat de falsification porte
un doute aussi bien sur les propositions auxiliaires que sur l’hypothèse
à tester. Dans ce contexte, pas plus que la vérification, la falsification
n’apporte la certitude sur la valeur de vérité d’une proposition. En cas
de falsification, on apprend qu’il y a un problème au niveau de l’hypo-
thèse à tester ou au niveau de la théorie où elle s’intègre, mais le soup-
çon porte logiquement sur les deux ensembles de propositions.
Pour reprendre l’exemple ci-dessus, le calcul de la trajectoire
d’une fusée peut prendre place dans une expérience où l’hypothèse
testée porte sur la force de poussée de divers carburants. L’échec de la
prédiction de la trajectoire dans une expérience porte le soupçon sur
plusieurs ensembles de propositions : d’une part, sur les lois générales
de la dynamique newtonienne, considérées ici comme propositions
auxiliaires dans la mesure où ce ne sont pas ces lois qui sont essentiel-
lement visées par l’expérience, d’autre part, sur les hypothèses testées
concernant la poussée résultant des diverses réactions dans le réacteur.
On voit que, si le soupçon se porte spontanément sur les hypothèses
particulières testées, il n’y a là aucune certitude logique, car l’expérience
repose tout autant sur l’ensemble des propositions auxiliaires non soup-
çonnées. Pas plus que la vérification, dans la pratique expérimentale,
la falsification ne conduit à la certitude quant à la valeur de vérité de
l’hypothèse testée.

b. Le point de vue de l’histoire des sciences


Les objections les plus importantes à la position poppérienne sont
venues du monde des historiens des sciences. T.  Kuhn, I.  Lakatos,
P. Feyerabend (...) prennent distance par rapport à Popper sur la base
de leurs analyses de l’histoire des sciences. En fait, une observance
stricte de la position de Popper conduit au rejet d’une hypothèse fal-
sifiée. L’histoire des sciences montre que toute théorie, en sa première
ébauche, comporte des imprécisions, voire des incohérences. Cette
prise de conscience ne conduit pas au rejet de la théorie mais à un tra-
vail d’affinement des concepts.
Dans le cas du darwinisme, par exemple, le concept de « sélec-
tion naturelle » constitue certainement un apport décisif mais qui, chez
Darwin lui-même, s’accompagne de toute une série d’hypothèses sur
l’origine de la variabilité génétique parmi lesquelles l’hérédité des carac-
tères acquis. Il est bien clair que l’histoire n’a pas pris prétexte de ces

16
Science et vérité

positions qui se sont avérées très vite falsifiées pour rejeter l’ensemble
du système darwinien. Au contraire, les néodarwiniens se sont efforcés
d’intégrer les apports de la génétique mendélienne, puis morganienne,
à l’intuition darwinienne de « sélection naturelle », ce qui a donné lieu à
ce que l’on appelle la « théorie synthétique de l’évolution »1.
C’est le point de vue propre d’auteurs tels que Th. Kuhn et I. Laka-
tos d’avoir envisagé l’activité scientifique d’emblée dans sa dimension
historique et d’avoir par conséquent rencontré dès l’abord cette objec-
tion à la position poppérienne. Nous allons maintenant évoquer leurs
perspectives.

3. La confrontation à l’histoire des sciences


Aussi bien la position inductiviste que la conception poppérienne de la
science reposent essentiellement sur une approche logique de l’activité
scientifique. L’analyse épistémologique va se développer à partir des
années 1960 en dialogue plus direct avec l’histoire des sciences. Tho-
mas Kuhn et Imre Lakatos sont deux représentants importants de cette
orientation qui vont avoir une influence importante sur les conceptions
contemporaines de la scientificité.

3.1. Th. Kuhn et la structure des révolutions


scientifiques
Th. Kuhn (1922-1996) est un des premiers philosophes à avoir élaboré
une philosophie des sciences en dialogue plus étroit avec une approche
historique de la démarche scientifique. Dans son ouvrage La structure
des révolutions scientifiques2, il distingue trois stades dans l’évolution
des sciences : science normale, crise, révolution, puis retour à la science
normale.
La « science normale » est cet état de la science où diverses théo-
ries font l’objet d’un consensus de la part de la communauté scienti-
fique. Les théories acceptées sont considérées comme satisfaisantes et
permettent de rendre compte des phénomènes connus à une époque

1  Nous reviendrons plus loin sur l’historique des théories de l’évolution. La théorie synthé-
tique date des années 1930-1940. Elle constitue une étape importante de la théorie néodarwi-
nienne, qui intégrera ultérieurement les apports de la biologie moléculaire, notamment avec les
travaux de J. Monod.
2  Kuhn, Th. (1983), La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion (The Univer-
sity of Chicago Press, 1962, 1970).

17
La science et le vivant

donnée d’une manière jugée acceptable. Au fur et à mesure de l’évo-


lution de la connaissance, parmi les nouvelles données expérimen-
tales, un certain nombre apparaissent comme des « anomalies » dans
la mesure où les théories en place parviennent difficilement à en rendre
compte. L’accumulation des anomalies peut conduire à une « crise » qui
se caractérise par une perte de confiance dans les capacités explicatives
des théories admises jusqu’alors. La crise se résout lorsque de nouvelles
théories sont élaborées qui parviennent à intégrer ces anomalies. Ces
nouvelles théories sont alors progressivement adoptées comme théories
admises par tous : on retrouve une situation de « science normale ».
À titre d’exemple, Kuhn montre comment la cosmologie de Pto-
lémée a été progressivement remise en cause par diverses anomalies,
notamment par les imprécisions dans les prédictions des positions
des planètes. Ptolémée a tenté d’en rendre compte par la théorie des
épicycles, mais ce système compliqué s’est avéré insuffisamment effi-
cace. Copernic, en proposant une cosmologie héliocentrique, a permis
une meilleure intégration de ces diverses anomalies dans son système
théorique1.
Par le concept de paradigme, Kuhn tente de rendre compte de la
complexité de ce processus de révolution scientifique. Originairement,
le concept de paradigme est repris de la linguistique où il désigne un
« exemple standard » d’une déclinaison par exemple. – Dans la célèbre
chanson de J. Brel, le mot latin « rosa » est repris comme paradigme
de la première déclinaison… comme le verbe « aimer » est classique-
ment considéré comme paradigme de la première conjugaison en fran-
çais –. Kuhn est parti de ce concept d’« exemple standard » pour mon-
trer que la science se construit historiquement à partir de théories et
d’expériences qui prennent valeur de références, d’exemples types, de
ce qui fait l’originalité et la spécificité de l’approche scientifique dans
le domaine considéré. Les travaux de Galilée, Kepler, Newton en phy-
sique, les travaux de Darwin ou Mendel en biologie, constituent de tels
événements fondateurs qui posent à la fois de nouveaux concepts et de
nouvelles méthodologies et deviennent exemples standards.
À partir de cette signification originaire, Kuhn utilise le concept
de paradigme dans un sens beaucoup plus large mais la signification
essentielle qui en ressort est le concept de «  matrice disciplinaire  ».

1  Kuhn développe également deux autres exemples pour introduire le concept de crise : l’ap-
parition de la théorie de Lavoisier sur la combustion de l’oxygène et l’apparition de la théorie de
la relativité (1983, p. 102-111).

18
Science et vérité

Par le concept de paradigme, Kuhn désigne l’ensemble des caractéris-


tiques d’une discipline à un moment donné de son histoire, caracté-
ristiques pensées au triple niveau conceptuel, matériel et institution-
nel. Le niveau conceptuel renvoie à l’ensemble des théories qui font
l’objet d’un consensus dans une discipline à un moment donné de son
évolution. En physique, par exemple, le XIXe siècle est marqué par un
consensus général en ce qui concerne la physique newtonienne. Celle-
ci est liée à une conception de l’espace-temps infini et absolu ainsi qu’à
une conception d’un monde déterministe. D’où le choc important lié à
l’émergence, au début du XXe siècle, de la physique quantique et de la
physique relativiste. La première remet en cause la présupposition d’un
monde déterministe au niveau des particules élémentaires, la deuxième
propose un espace-temps qui ne soit plus absolu mais relatif au système
de référence.
Une originalité du concept de paradigme est qu’il conduit à
envisager la science non seulement comme système de théories et de
concepts, mais également comme activité qui requiert une structure
matérielle. Une discipline se caractérise donc aussi par le matériel, les
techniques et les procédures expérimentales qui, à un moment donné,
sont à la base de tout le travail scientifique. Historiquement, on connaît
l’importance du microscope photonique dans les développements de
la biologie aux XVIIIe et XIXe siècles. Les divers affinements de cette
technique – améliorations des techniques optiques, des techniques de
coloration – conduisent à une meilleure observation de la structure cel-
lulaire vers la fin du XIXe siècle. Par ailleurs, les développements de
la biochimie au XXe siècle ont permis le développement de la biologie
moléculaire.
Parler de révolution scientifique en termes de changement de
paradigme signifie donc, pour Kuhn, l’adoption d’un cadre de référence
théorique complètement nouveau, qui s’articule à des procédures expé-
rimentales elles-mêmes différentes. C’est précisément la radicalité de
ce changement que vise le concept de «  révolution scientifique  ». La
science ne progresse pas par ajustement progressif d’une théorie, elle
procède par remplacement d’un paradigme par un autre paradigme.
De plus, dans ce processus de changement de paradigme, la confronta-
tion des deux paradigmes en présence s’avère très complexe puisque les
deux paradigmes se réfèrent à des procédures expérimentales distinctes.
C’est la raison pour laquelle Kuhn parle de l’incommensurabilité1 des

1  Ibid. p. 148.

19
La science et le vivant

théories. Si, au moment de la révolution scientifique, les deux para-


digmes ne peuvent être confrontés de manière strictement rationnelle,
cela signifie qu’il y a une composante «  irrationnelle  » dans le chan-
gement de paradigme. Le choix des scientifiques pour l’une ou l’autre
théorie repose certes sur toute une argumentation mais la conclusion
ne s’impose pas de manière strictement logique. Il y a une composante
de décision personnelle de la part du scientifique.
Enfin, les dimensions institutionnelles soulignées par le concept
de paradigme conduisent à prendre en compte le contexte sociétal
général où la crise de la science surgit. Pour Kuhn, en effet, pour qu’une
crise surgisse, il faut non seulement que des anomalies soient présentes
au niveau théorique, il faut également que l’attention soit attirée sur ces
anomalies en fonction du contexte général. À titre d’exemple, il montre
que la cosmologie de Ptolémée correspondait parfaitement aux attentes
sociales dans l’Antiquité et le Moyen Âge mais il parle d’une pression
sociale pour une réforme du calendrier qui a conduit à la reprise des
travaux en cosmologie à la fin du Moyen Âge1.
Ces dernières caractéristiques ont conduit un certain nombre
de commentateurs à considérer la conception kuhnienne de la science
comme non rationaliste. Non seulement l’évolution de la science est
pensée comme un processus discontinu, mais les moments de disconti-
nuité sont marqués par des processus décisionnels qui échappent à une
analyse strictement logique et la science elle-même est pensée comme
une activité qui s’inscrit dans un contexte sociétal particulier.
Cette conception conduit I. Lakatos à reprendre les intuitions de
Th. Kuhn en tentant de les intégrer dans une conception de l’histoire des
sciences comme processus qui puisse être reconstruit rationnellement.

3.2. I. Lakatos et la reconstruction rationnelle


de l’histoire des sciences
Tout comme Th. Kuhn, I. Lakatos (1922-1974) prend distance par rap-
port à la conception poppérienne qui associe l’évolution de la science
aux expériences cruciales de remise en cause d’une hypothèse. Aussi
bien pour Lakatos que pour Kuhn, l’évolution de la science met en jeu
un processus de confrontations de théories selon des modalités beau-
coup plus complexes que l’expérience cruciale. Pour rendre compte
de cette complexité, Lakatos introduit le concept de « programme de

1  Ibid. p. 104.

20
Science et vérité

recherche »1. Un « programme de recherche » est un ensemble d’hypo-


thèses et de théories scientifiques adoptées par le scientifique de manière
conventionnelle comme cadre de référence pour son travail. Dans cet
ensemble, Lakatos distingue « noyau dur » et « ceinture de protection ».
Le noyau dur renvoie aux hypothèses centrales de la théorie qui consti-
tuent le cœur du système explicatif proposé. À côté du noyau dur, la
ceinture de protection regroupe diverses hypothèses secondaires, qui
tendent à étendre la portée explicative du noyau dur. Toute remise en
cause du noyau dur correspond à un changement de programme de
recherche. Par contre, les hypothèses participant à la ceinture de pro-
tection peuvent se voir modifiées de manière régulière, étant donné leur
place secondaire dans le système explicatif.
À titre d’exemple, Lakatos cite la théorie gravitationnelle de New-
ton : les trois lois de la dynamique et la loi de la gravitation constituent
le noyau dur irréfutable, par décision méthodologique, tandis que les
hypothèses moins centrales, la loi des carrés inverses par exemple, font
l’objet de modifications en vue de leur cohérence avec le noyau dur.
Dans le domaine de la biologie, on pourrait évoquer le darwinisme : les
principes de variation aléatoire et de sélection du plus apte peuvent être
interprétés comme le noyau dur et les lois de la dynamique des popula-
tions ainsi que les théories sur les mutations génétiques font partie de la
ceinture de protection réfutable et évolutive.
L’originalité de la position de Lakatos, c’est que l’adoption d’un
noyau dur pour un scientifique constitue une sorte de choix conven-
tionnel. Il est bien conscient des falsifications dont cette théorie fait
l’objet, mais il décide néanmoins d’adopter cette position à titre hypo-
thétique dans l’espoir de la voir se renforcer progressivement. La falsi-
fication ne conduit donc pas au rejet d’une hypothèse ou d’une théorie.
L’adoption d’un cadre théorique repose plus sur l’intuition par le cher-
cheur d’une force explicative potentielle du noyau dur. Une stratégie
falsificationiste qui consisterait à attaquer une théorie par ses points
faibles conduirait vite à l’abandon de toute théorie en ébauche. L’his-
toire montre au contraire que les scientifiques adoptent des hypothèses
centrales de manière conventionnelle pour pousser le plus loin possible
toutes leurs potentialités explicatives.

1  Lakatos, I. (1974a), «  Falsification and the Methodology of Scientific Research Pro-


grammes  », in Lakatos and Musgrave (1974), Criticism and the Growth of Knowledge, Cam-
bridge University Press, Cambridge, 91-195. Lakatos, I. (1974b), « History of Science and its
Rational Reconstruction », in Elkana (1974), The Interaction between Science and Philosophy,
Atlantics Highlands, Humanities Press, 195-241.

21
La science et le vivant

Tout comme Th. Kuhn, I.  Lakatos reconnaît donc le caractère


complexe du processus d’évolution des théories. Bien plus, pour lui
également, une théorie s’élabore sur la base d’un contexte théorique
général, système de représentations du monde ou de conceptions méta-
physiques qui participent de manière positive à l’histoire des sciences.
Le rapport à la rationalité différencie Lakatos de Kuhn. Pour
I. Lakatos, le remplacement d’un programme de recherche par un autre
programme de recherche peut faire l’objet d’une analyse logique rigou-
reuse. Sans doute cette analyse n’est-elle pas nécessairement menée par
les scientifiques en situation, mais elle peut être effectuée a posteriori, à
distance, par l’historien.
Pour Lakatos, une théorie T sera remplacée par une théorie T′, si
T′ présente les caractéristiques suivantes :
1. «  T′ a un contenu empirique supérieur à T, c’est-à-dire qu’elle
prédit des faits nouveaux, improbables ou même impossibles sui-
vant T ;
2. T′ explique le succès de T, c’est-à-dire que le contenu non réfuté
de T est compris dans le contenu de T′ ;
3. certains surplus de T′ sont corroborés. »1
On pourrait procéder à un tel test en comparant le système de
Ptolémée au système de Copernic, ou encore en comparant la cosmolo-
gie de Newton et les conceptions des théories de la relativité. Il ne s’agit
pas nécessairement de retrouver le raisonnement des scientifiques au
moment de leur décision. Il s’agit au contraire de considérer la ques-
tion a posteriori et de montrer que, si historiquement une théorie a été
retenue par la communauté scientifique, on peut procéder à une analyse
logique qui permette de justifier logiquement ce choix a posteriori.
Nous reviendrons ultérieurement sur les enjeux philosophiques
de ces diverses conceptions de la science et de son évolution historique.
À la suite de Kuhn et Lakatos, qui tous deux insistent sur les présup-
positions générales qui président à l’élaboration des théories scienti-
fiques, nous voudrions maintenant nous centrer sur les sciences de la
vie et tenter de préciser les caractéristiques du paradigme de la biologie
contemporaine.

1  Lakatos, I. (1974a), p. 116.

22
Science et vérité

4. Le paradigme de la biologie contemporaine


La biologie contemporaine se subdivise en un nombre important de
disciplines qui ont chacune leur méthodologie et leurs procédures expé-
rimentales spécifiques. Il n’en demeure pas moins qu’un consensus de
l’ensemble de la communauté des biologistes contemporains peut être
relevé concernant un certain nombre de concepts généraux qui peuvent
être considérés comme des caractéristiques du paradigme de la biologie.

4.1. La vie, propriété de la matière


Une première caractéristique du paradigme de la biologie contempo-
raine est liée au débat entre mécanistes et vitalistes, qui traverse toute
l’histoire de la biologie1.

a. Le courant vitaliste
Pour le vitaliste, le vivant doit être appréhendé selon une méthodologie
toute différente de la matière inerte. Un des derniers vitalistes, qui a
poussé les intuitions à un niveau de précision inégalé, est H. Driesch
(1867-1941). Ses conceptions reposent sur ses expériences sur la larve
Pluteus de l’Oursin.
Aux tout premiers stades de développement de l’embryon,
Driesch dissocie les deux premières cellules et observe que chaque
demi-germe produit une larve, de taille réduite, mais normale et com-
plète. L’expérience contraire ainsi que d’autres combinaisons sont éga-
lement possibles. Sous certaines conditions, de la fusion de deux germes
éclôt une seule larve géante. Par ailleurs, si l’on écrase un embryon entre
deux plaquettes de verre, il évoluera en une larve normale, en dépit de la
grave désorganisation que l’opération apporte à sa structure cellulaire.
Devant de telles expériences, Driesch conclut à une violation des
lois de la physique. Pour lui, une science biologique doit se construire
sur de tout autres présuppositions que la science physique. L’organisme
vivant est constitué d’une matière qui ne respecte pas les lois de la phy-
sique et comporte une propriété spécifique  : l’entéléchie, un facteur
portant en lui-même son but, c’est-à-dire un principe qui conduit la
1  Pour un exposé détaillé, cf. Bertalanffy, L. von (1961), « Conceptions fondamentales du
problème de la vie », in Bertalanffy, Les problèmes de la vie, Gallimard, Paris (Problems of Life,
New York, 1952), p. 15-41. Pour une analyse historique du vitalisme et de son impact sur l’his-
toire des sciences de la vie, cf. Canguilhem, G. (1970), Études d’histoire et de philosophie des
sciences, Vrin, Paris.

23
La science et le vivant

matière à s’organiser en un organisme complexe. Aucune machine n’est


capable d’autoréparation, aucune machine divisée ne se reconstitue en
deux machines complètes. Il s’agit par conséquent d’aborder le vivant
sur d’autres présuppositions que « machiniques » et de développer une
méthodologie et des concepts spécifiques au vivant, à la distinction de
la matière inerte.
Notons que ce concept d’«  entéléchie  » revient à donner une
place importante à la cause finale dans la science biologique. On oppose
classiquement la cause finale à la cause initiale ou mécanique. Dans la
référence à la cause finale, on explique un événement au temps t1 en
fonction de ce qu’il deviendra au temps t2 ultérieur. L’archétype de la
cause finale est le comportement humain intentionnel. Un ami vous
explique sa présence en un endroit de la ville en fonction de sa destina-
tion. « Qu’est-ce que tu fais là ? Je vais au cinéma. » Une telle affirmation
est une explication suffisante à la question dans la mesure où on perçoit
bien que l’individu prend la direction de la salle de cinéma, organise
donc son comportement en fonction du futur : aller voir un film. Il est
pourtant des causes finales non intentionnelles. H. Driesch ne postule
pas une sorte d’intentionnalité consciente dans la matière vivante mais
une sorte de « principe organisateur » qui structure la matière vivante
en un organisme complet. Tout se passe comme si ce que la matière
vivante doit devenir, l’individu adulte, déterminait le comportement de
la matière embryonnaire.

b. Le courant mécaniste
À l’inverse de H. Driesch, les mécanistes posent qu’il n’y a pas de dif-
férence fondamentale entre la matière vivante et la matière inerte. La
science biologique qu’il s’agit de construire reposera sur les mêmes
présuppositions que la physique et la chimie. C’est en appliquant à
la matière vivante les méthodologies et les concepts qui ont fait leur
preuve dans les sciences physico-chimiques que l’on pourra aboutir à
une science du vivant.
R. Descartes (1596-1650) thématise une telle perspective en déve-
loppant le concept d’«  animal machine  ». L’animal doit être abordé
comme s’il était une machine, comme s’il respectait intégralement les
lois de la physique. Il en va de même pour le corps humain. Chez Des-
cartes, l’homme est composé d’un corps analogue à l’animal et d’une
âme qui est le spécifique de l’homme : c’est le dualisme cartésien qui
oppose corps et âme en deux principes distincts et irréductibles.

24
Index

A B
acte/puissance : 197 Bacon F., 128, 157
adaptation : 187, 222 Badinter É. : 235, 239
adéquation : 38, 63, 144, 170 Barthe Y. : 83, 103
ADN : 25, 162, 217, 220 Bauchau H. : 138, 157
agriculture intensive : 162-163 Bechtel W. : 25, 56
alèthèia (voir dévoilement) Beck U. : 83, 103
Althusser L. : 49, 81, 92, 132, 136 Bernard C. : 26, 180, 183, 187, 224
âme : 24, 160-161, 191-208, 228 Bertalanffy L. von : 23, 57
Andler D. : 211, 239 bien : 108-109, 113, 115-117, 125,
animal : 24, 52, 78, 161, 165, 173 135, 200-201, 209
animal-machine : 24, 52, 161 biologie moléculaire : 19, 25-26,
Anouilh J. : 138 47-48
Ansermet F. : 224, 239 biotechnologie : 75, 89
anthropologie : 137, 139, 191, Block N. : 211, 239
194-195, 199-201, 203, 205, Bloor D. : 70-71, 83, 103
227-230, 246-247 Bourg D. : 167, 188
anthropologie unitaire : 204, 206, brevet : 78
208, 212, 219, 224-225, 237-238 Burgat T. : 188
antinomie : 208-209 Burnet M.F. : 220
appel de Heidelberg : 172
C
Arendt H. : 50, 56, 135, 157
argument de Saint Anselme : 120 Callicot J.B. : 169, 188
Aristote : 114, 117-118, 191-192, Callon M. : 83, 153
196-199, 203-206, 236-238 Canguilhem G. : 23, 57, 104, 160,
arraisonnement : 63-64 177, 178-188, 230
art : 38-39, 89-91, 64, 114 Castoriadis C. : 50, 132, 157
arts libéraux : 114-115 causalité circulaire : 183
Atlan H. : 56, 210, 239 cause finale : 24
Augustin : 199-204 cellule : 2, 23, 25-26, 38-39, 213-214,
autonomie : 64, 68, 82-84, 117, 218, 225
122-127, 134, 140, 144-148, 229, cercle herméneutique : 54
244 cercle méthodologique : 33, 40, 42,
44, 54
Chalmers A.F. : 5, 57
Changeux J.P. : 7, 216, 221

249
Index

Churchland P.M. : 215, 239 Déclaration Universelle des Droits


Churchland P.S. : 215-216, 239 de l’Homme : 135, 144-148, 151,
climax : 30 191
clinique : 78, 90-91 déductivisme : 15, 16, 17
Comte A. : 1, 129, 133 Deep Ecology : 165-167, 169-170,
Condorcet N. : 128, 157 173
connaissance critique : 43-45, 56, Deléage J.-P. : 30, 57, 163, 188
103, 187, 243, 246-247 Delvaux A. : 49
conscience : 129-130, 137, 139-141, démocratie : 85, 115, 144-145, 155
144, 155, 210-212, 217-218, Dennet D., 57, 240
222, 228 Descartes R. : 117, 119-123, 126,
conscience d’ordre supérieur : 144, 160-162, 191-193, 205, 207,
223-224 228, 244
conscience primaire : 222-223 détermination : 55, 81, 92-93, 108,
conviction critique : 44-46, 56, 123, 132, 139, 148, 207-208,
156, 243, 247 231-234
Copernic N. : 18, 22, 118 déterminisme : 208-211, 221, 232
corps : 161, 179, 194-195, 197-208, développement durable : 165,
228-232, 236-237 168, 172-173
cosmologie : 14, 18, 20, 22, 117-118 dévoilement : 38-39, 63-64, 131,
Couloubaritsis L. : 193, 239 170
Courrège P. : 221, 239 diagnostic : 90, 155, 182
Craver C. : 240 dialectique : 130, 132
création : 47, 129, 161, 203 Dieu : 69, 109, 113, 115-116,
créationniste : 46-48 120-121, 123, 126-130
Crick F. : 25, 219, 241 différend : 153-154
critère de démarcation : 14-15 Dobzhansky Th. : 29, 57
Cullmann O. : 200, 240 dominance : 92-93, 205
culture : 51-52, 55, 65-70, 96-98, donation de sens : 144, 230-231,
107-113, 134-137, 151-154, 161, 233, 236
201-202, 235-236 Driesch H. : 23-24
cybernétique : 65 Droits de l’Homme : 97, 128,
144-152, 156, 167, 186
D
dualisation : 111, 153
Damasio A. : 218-219, 240 dualisme : 24, 161, 191-192, 195,
Danchin A. : 221, 239 200-201, 204-207, 212, 228, 231
Darwin C. : 16, 18, 28-30, 99-102 Dupuy J.P. : 77
darwinisme neuronal : 220, 223-224 Durand G. : 157
darwinisme social : 101

250
Index

E expérimentation : 13-14, 42, 52, 77,


118-119
écologie : 30, 163, 167-168, 171, 187
expérimentation humaine : 107,
écologie scientifique : 160-165,
124
168-170, 173
expertise : 62, 73, 75, 80-81, 86-87
écosystème : 30
Edelman B. : 169, 188 F
Edelman G. : 217-220, 222-229
égalité homme-femme : 151-152, Fagot-Largeault A. : 157
186, 235-237 falsificationisme : 11, 13, 15, 41,
Ellul J. : 64-66, 72, 109 243
émergence : 212-214, 228-230, 232 Feltz B. : 57, 99, 104, 157, 188-189,
Engelhardt H.T. : 104 204, 211, 214, 229-230, 237,
entéléchie : 23-24, 196 240-241
environnement : 28, 30, 32, 88, féminisme (voir égalité
159-160, 163, 180-188, 246 homme-femme)
épicycle : 18, 118 Ferry L. : 168, 189, 210-211, 216,
espèce en voie de disparition : 240
167-168, 173 Feyerabend P. : 16, 57
éthique : 97, 107-113, 115-116, finitude : 44, 131-132, 134-135, 139,
122-128, 134, 147-150, 165-171, 144, 155-156, 174, 245
174, 185-187, 200-202, 210-211, Flanagan O. : 211, 239
230, 294-297 forme : 196-199, 203-206
éthique anthropocentrique : 169 Foucault M. : 186, 189
éthique anthropogénique : 169, Freud S. : 93, 136-139, 148, 208,
173, 187 227
éthique de la responsabilité : 148 G
éthique des affaires : 110
éthique du devoir : 148 Gaia : 167, 189
éthique environnementale : Galilée : 4, 18, 34, 117-119
168-170 Galton F. : 101-102
éthique individuelle : 110-111 Gauchet M. : 116, 125-126, 145, 157
éthique structurelle : 110-111 Génicot L. : 113, 157
ethnocentrisme : 131, 135, 152 George S. : 75-76, 104
eugénisme : 101, 244 Gestell : 63
euthanasie : 107, 112 Gille B. : 65, 104
évaluation technologique : 142 Godard O. : 188
évolution : 17, 27-30, 46-47, 196, Goffi J.-Y. : 62, 104
220 Goldstein K. : 182, 230
existentialisme : 100, 102, 171, 182, Grimal P. : 137, 157
235 guerre mondiale : 50, 98, 134-135
251
Index

Gusdorf G. : 165, 188 inductivion : 3, 5


Güzeldere G. : 211, 239 infrastructure : 74, 82, 92
innovation technologique : 68-69,
H
75, 80-87, 164-165, 244, 246-247
Habermas J. : 44-45, 47, 82, 85, Inquisition : 49, 119
94-95, 97, 99, 150-151 instinct maternel : 235
Haeckel E. : 30 intellect : 199, 204, 237
Hameroff St.R. : 211, 240 intelligent design : 46
handicap mental : 185 intentionnalité : 24, 225
Hegel G.W. : 129-132, 134, 136 interdiscipline : 86, 143
Heidegger M. : 37-40, 62-66, 131, intolérance : 49, 50, 154
144, 170, 232 J
Hempel C.G. : 4-5, 13, 15
Hermitte M.A. : 169, 188 Jaisson P. : 104
hétéronomie : 113, 116, 122, Jansen C. : 201
125-127 jansénisme : 201-202
homme/animal : 52, 198 Joly P. : 104
Jonas H. : 170, 174-176, 189
homme/nature : 161-163, 166, 186,
245 K
Hösle V. : 188
Kandel E. : 216-218, 225, 241
Hottois G. : 62, 65, 68
Kant E. : 33-37, 86, 108-109, 116,
Husserl E. : 230-231, 238
122-126, 134, 142, 148-149, 192,
hylémorphisme : 196, 237
208-210, 230, 238
Hume : 86 Karsenty S. : 77, 104
I Kaszniak A.W. : 211, 240
Kemp P. : 73, 104-105
idéaliste : 231, 233-236 Kepler J. : 18
idéologie : 61, 81-82, 91-103, 131, Knorr-Cetina K. : 71, 105
136, 148, 153, 187, 243-244 Kourilsky Ph. : 82, 86, 105, 176, 189
idiosyncrasie : 71, 180, 183-184, Kuhn T. : 16-22, 117, 158
187, 224, 226
immortalité : 198-200, 204, 238 L
impératif catégorique : 123, 149, Ladrière J. : 33, 36, 40-41, 43-45,
175 54, 68-70, 93, 96, 136, 204
implication : 11-13, 15 Lakatos I. : 16-17, 20-22, 101
incommensurabilité : 19, 154 Lamarck J.-B. de : 27-29
inconscient : 137, 224, 227 Lambert D. : 204, 211, 240-241
individualisme : 147 langage : 9-10, 44, 64, 150
individualité : 181, 224 Larrère C. : 189

252
Index

Lascoumes P. : 83, 103 métaphysique : 31-32, 35, 114, 121,


Latour B. : 71, 83-84, 105, 153 123, 129, 142, 144, 197
Ledoux J. : 224, 241 Meyer F. : 229, 241
Leopold A. : 166, 170, 189 Meyer Ph. : 189, 210
Leriche R. : 182 Milet J.-Ph. : 62, 105
liberté : 108, 139, 147, 154, 191-192, Missa J.-N. : 82, 106, 157, 176, 190
205-213, 216, 225, 227-228, modernisation réflexive : 103
230-238, 246 modernité : 65, 107-108, 112-113,
logos : 191, 193 116, 127-128, 134-135, 152,
loi morale : 125 154-157, 160, 162, 165, 167, 171,
Lovelock J. : 167, 189 174, 205
Lumières : 127-128, 142, 153, 162, modernité critique : 56, 86, 103,
199 152, 154, 156, 172, 174, 176,
Luther M. : 202 187-188, 243-247
Lycan W. : 212, 241 modernité réflexive : 83
Lyotard J.-F. : 54, 70, 105, 135, Moltmann J. : 200, 241
153-158 Monod J. : 11, 17, 48, 58
mort : 52
M
N
maîtres du soupçon : 93, 134-136,
142 Naess A. : 166, 169-170, 189
Malthus T.R. : 29, 99-101 Nagel E. : 41, 58, 212-215
Mani : 200 Nagel T. : 212
manichéisme : 200 naissance : 52
Marx K. : 92-93, 129, 131-132, 134, national socialisme : 145
136 nature : 40, 63-64, 128, 153, 155,
marxisme : 81, 92-93, 132, 136 159-177, 187, 226-229, 245
mathématique : 31, 34, 36, 118-121, nature humaine : 159, 188, 191,
143, 205 233, 235, 246
matière/forme : 193-195, 197-198 naturphilosophie : 165, 174
Mayr E. : 27, 29, 196 néodarwinisme : 29
mécanisme : 26-28 néoplatonisme : 114, 193, 200-202
médecines parallèles : 54 neuroscience : 38, 191-192, 211-212,
médicament : 52, 77-79, 85, 88, 91, 215-216, 227, 230, 237, 246
124, 224 Newton I. : 18, 21-22, 28, 34, 47,
médicaments génériques : 79 122
Mendel G. : 18, 26 Nietzsche F. : 93, 136, 140
Merleau-Ponty M. : 7, 144, 192, normalité : 160, 177, 179-187
212, 230-231, 233-238, 246 norme : 97, 159-160, 184-188, 246
Merton R.K. : 70, 97, 99, 105 noumène : 34

253
Index

nouveauté : 67-68, 79, 181-182, 213 Platon : 191, 193-196


platonisme : 202
O
poièsis : 63
objectivité : 1, 4-7, 33, 41, 97-98, politique : 80-85, 244-245
185, 193 Popper K. : 11-15
observation : 7-11, 13 positivisme scientifique : 97
Odum E.P. : 31, 58 postmodernité : 70, 72, 152-154,
Œdipe : 137-139 156, 245
OGM : 83 pouvoir politique : 115, 117, 126
Organisation Mondiale de la Santé pratique médicale : 55, 57, 89-91,
(O.M.S.) : 177 111-112, 177, 179-182, 237
Ost F. : 171, 189 précaution : 82-83
prévention : 82
P
primat de la subjectivité : 127, 144,
Papin D. : 89 167-168, 170-171, 174, 187,
paradigme : 18-20, 22-23, 25, 27, 244-245
30-33, 40-44, 46, 51, 54-55, principe d’émergence : 212-214,
89-91, 237 228, 230, 232, 238
Pascal B. : 202, 241 principe de complémentarité : 43
pathologie : 137, 177-180, 182-185 progrès : 98-99, 103128, 141-142,
pathologie mentale : 137 153, 162, 164-165, 187, 246-247
patrimoine : 171, 173, 220 propositions auxiliaires : 16
Paul V : 118 psychanalyse : 15
paysage : 170-171 psychologie populaire : 215
Pélage : 200-201 Ptolémée C. : 18, 20, 22, 115,
perception : 7, 10, 34-35, 220-221 117-118
Pères de l’Église : 114
Q
personne : 124-125, 145-147,
149-151, 154, 169 qualité de vie : 178
phénomène : 33-34, 36, 230
R
phénoménologie : 7, 129, 144, 229,
231-232, 238 Racine J. : 202
physique quantique : 14, 19 raison pratique : 108, 123, 126, 156,
physique relativiste : 19 210, 230
physis : 63, 67 raison pure : 34-37, 108, 123, 156,
Piaget J. : 229, 241 209, 236
Pichot A. : 58, 102, 105 rationalisme : 120, 145
Pignarre P. : 77, 105 rationalité : 22, 39-40, 44-45, 47-48,
Pinkas D. : 211, 241 56, 64, 70-73, 126-129, 131-132,

254
Index

136, 140-144, 148, 152-156, 205, science et vérité : 31, 33


228, 237, 245-247 science fondamentale : 87-88
Rawls J. : 44-45, 47, 147, 151-152 science normale : 17-18
réaliste : 233, 235-236 sciences cognitives : 211
réalité : 13, 33, 38, 40, 47, 56, 153, sciences humaines : 54, 212, 227
167, 170, 194, 196, 209-210 Scott A.C. : 211, 240
réduction : 41, 212-216, 227, 238 Searle J. : 219, 241
réductionnisme : 31-32, 40, 51-52, sélection artificielle : 100, 102
54, 212, 215, 228, 238 sélection naturelle : 16-17, 28-29,
réentrées : 221-222 100-102, 233-234
relativisme : 50, 157 sélection somatique : 220-221
réminiscence : 195 Sélyé H. : 182-183
respect de la nature : 159-161, sensation : 7, 120, 195
166-167, 172-173, 177 sensibilité : 119-123
respect de la personne : 125, 146, Séris J.-P. : 62, 105
149, 169 Serres M. : 105, 153, 168, 188
responsabilité : 148, 174-175 Shoa : 135
résurrection : 200, 204, 206 Simondon G. : 62, 65-70, 72, 96
révisionnisme : 50 Simpson G.G. : 29, 59
révolution copernicienne : 117, Singer P. : 167, 189
123 Sinngebung : 144, 231, 233-238,
révolution scientifique : 18-20 246
Ricœur P. : 9, 93, 136, 216 Smith A. : 100-101
Rosch E. : 219, 241 Sober E. : 59, 99, 105
Rosenberg A. : 59, 214, 241 sociologie des sciences : 70, 72, 85
Ruse M. : 48, 57, 59 Socrate : 63
Russell B. : 6 soins palliatifs : 53
solidarité : 147, 155, 164-165
S
soupçon : 93, 134-136, 140, 142,
Sahlins M. : 102, 105 148-149
santé : 112, 159-160, 177-179, 183 spécéisme : 169
santé publique : 176, 178 Spencer H. : 101-102
Sartre J.-P. : 192, 235 Spinoza B. : 166, 192, 210
Savery T. : 89 stabilisation sélective : 221-222,
savoir : 113, 127, 131, 140 224, 226
savoir global : 142 Stefan A. : 241
Schleiden M.J. : 25 Stengers I. : 153, 158
Schwann T. : 25-26 stress : 182
science appliquée : 87-91 subjectivité : 35, 127, 144, 167-168,
science et idéologie : 91, 99-103 170-171, 244-245

255
Index

subjectivité transcendantale : 34-35 V


substance : 194, 196-198
valeur : 69, 80-82, 86-87, 97, 107,
sujet humain : 110, 121-122
110, 151-152, 156
superstructure : 92, 136
valeur intrinsèque : 166, 168
symbolique : 67-69, 77, 79, 115,
Vander Gucht D. : 171, 189
141, 168
Van Parijs Ph. : 147, 158, 188
système : 41-43, 61, 64-65, 67,
Varela F. : 7, 218-219, 241
68-69, 72, 244
variation : 28-29
T variétés à haut rendement
Tansley A. : 30 (VHR) : 75-76
Taylor C. : 151, 158, 189 vérification : 14, 133
technè : 63 vérité : 14-16, 33-40, 42-45, 48-51,
technique : 72-77, 80-91, 94-97, 55-56, 61-63, 70-71, 93, 120-122,
141-142, 243-244 126, 131, 136, 142, 153, 170, 193,
technocratie : 80 198, 210
technologie : 61, 73, 75, 80, 82-87, Vignaux G. : 211, 241
107, 141-142, 175 Vincent J.-D. : 210-211, 216,
test d’hypothèse : 15 240-241
tests en double aveugle : 77 Viney G. : 82, 86, 105, 176, 189
théocentrisme : 114-116 Virchow R. : 26
théorie de la sélection des groupes vitalisme : 23
neuronaux : 219-220, 223-227, Von Foerster H. : 65
229 W
thérapie : 90-91, 185
thérapie génique : 107 Wallace A.R. : 100-101
Thomas d’Aquin : 203-204, 206, Watson J.D. : 25
238 Watt J. : 89
Thompson E. : 219, 241 Weber M. : 81-82, 95, 202
Thuillier P. : 81, 102, 105 Wegner D.M. : 210, 241
tiers-monde : 110, 141 Wiener N. : 65
Tononi G. : 219, 240 Wilson E.O. : 102, 167
Tort P. : 102, 105 Woolgar S. : 71, 105
totalitaire : 50, 65, 134, 142, 146,
Y
152, 154
totalité : 33, 45, 56, 64-65 Yourcenaer M. : 49
U Z
universel : 68, 72-73, 95, 97, 123, Zaccai E. : 82, 176
193, 199, 245, 247 Zweig St. : 135, 158
256
Table des matières

Introduction................................................................................. IX

Chapitre 1. Science et vérité


une introduction à la philosophie des sciences..... 1
Introduction................................................................................................. 1
1. La conception inductiviste de la science.................................... 1
1.1. La conception inductiviste de la science............................. 2
a. Notions préliminaires..................................................... 2
Énoncé singulier et énoncé universel............................. 2
Induction et déduction................................................... 3
b. La conception inductiviste de la science........................ 4
1.2. Les limites de la conception inductiviste de la science....... 6
a. Le point de vue logique.................................................. 6
b. Le concept d’observation................................................ 7
La conception inductiviste............................................. 7
Le point de vue psychophysiologique............................. 7
L’impossibilité d’une observation exhaustive............... 8
Le point de vue logique.................................................. 9
Les relations entre observation et langage.................... 9
La charge théorique de l’observation.......................... 10
2. K. Popper et le falsificationisme................................................11
2.1. La notion d’implication..................................................... 11
2.2. Le falsificationisme poppérien........................................... 13
2.3. Les difficultés du falsificationisme poppérien................... 15
a. Le point de vue logique................................................ 15
b. Le point de vue de l’histoire des sciences..................... 16
3. La confrontation à l’histoire des sciences................................17
3.1. Th. Kuhn et la structure des révolutions scientifiques..... 17
3.2. I. Lakatos et la reconstruction rationnelle de l’histoire
des sciences......................................................................... 20

257
Table des matières

4. Le paradigme de la biologie contemporaine...........................23


4.1. La vie, propriété de la matière.......................................... 23
a. Le courant vitaliste....................................................... 23
b. Le courant mécaniste................................................... 24
4.2. La théorie cellulaire du vivant.......................................... 25
4.3. Le vivant et l’évolution...................................................... 27
4.4. Le concept d’écosystème..................................................... 30
5. Enjeux philosophiques...............................................................31
5.1. Réductionnisme méthodologique et réductionnisme
métaphysique..................................................................... 31
5.2. Science et vérité.................................................................. 33
a. E. Kant et la science des phénomènes.......................... 33
Kant et les structures de la subjectivité
transcendantale............................................................ 34
Enjeux pour les rapports science-vérité....................... 35
Enjeux pour les apports de la raison........................... 37
b. Le concept de vérité chez M. Heidegger....................... 37
c. J. Ladrière et le cercle méthodologique des sciences
de la nature................................................................... 40
Le cercle méthodologique dans les sciences de la
nature............................................................................ 40
Les limites de l’explication scientifique....................... 41
Une conception de la science à la fois forte
et modeste..................................................................... 42
d. Explication et signification : les relations entre
sciences et discours religieux........................................ 44
Habermas et Rawls : signification et conviction
critique.......................................................................... 44
Théorie de l’évolution et discours théologiques........... 46
e. Rapports à la vérité et organisations sociales............. 48
6. Enjeux pour une pratique scientifique, quelques pistes........51
6.1. Science et pratique médicale............................................. 51
6.2. Sciences de la nature et autres approches......................... 54
7. Moment conclusif.......................................................................56

258
Table des matières

Chapitre 2. Science et société


technique, technologie et idéologie...................... 61
Introduction...............................................................................................61
1. Sciences, techniques, technologies...........................................61
1.1. Diverses tendances de la philosophie de la technique...... 62
a. Philosophes technophobes............................................ 62
b. Modernité et technophilie critique.............................. 65
c. Postmodernité et technique......................................... 70
d. Conclusion.................................................................... 72
1.2. Expertise et complexité socio-technique........................... 73
a. Technique et technologie.............................................. 73
b. Le domaine de l’expertise............................................. 75
Analyse de cas 1 : les variétés à haut rendement
(VHR)........................................................................... 75
Analyse de cas 2 : le médicament : entre activité
chimique et fonction symbolique................................. 77
c. L’expert : approche théorique...................................... 80
Modèle technocratique................................................. 80
Modèle wébérien........................................................... 81
Modèle pragmatico-politique et principe
de précaution................................................................ 82
Modèle postmoderne et rhétorique généralisée.......... 83
d. Conclusions................................................................... 84
1.3. Science, technique et pratique médicale........................... 87
a. Science fondamentale, science appliquée,
technique....................................................................... 87
b. Sciences biomédicales et/ou art de guérir.................... 89
2. Sciences et idéologies..................................................................91
2.1. Le concept d’idéologie dans le marxisme.......................... 92
a. Infrastructure et superstructure.................................. 92
b. Dominance et détermination...................................... 92
2.2. Le concept d’idéologie chez P. Ricoeur.............................. 93
2.3. Idéologies et sciences.......................................................... 94

259
Table des matières

a. « La technique et la science comme idéologie »


dans la société............................................................... 94
b. Idéologies et milieux scientifiques............................... 97
c. Idéologies et théories scientifiques............................... 99
2.4. Conclusions..................................................................... 103

Chapitre 3. Science, éthique et modernité


Les relations entre culture et éthique :
approche historique et enjeux contemporains... 107
Introduction...................................................................................107
0. Préambule : la question éthique...............................................108
a. Le lien à l’action........................................................ 108
b. Éthique individuelle et éthique structurelle............. 110
c. Les justifications de l’éthique.................................... 112
I. Première partie : éthique et modernité....................................113
1. Le Moyen Âge : une triple hétéronomie............................... 113
1.1. Le rapport au savoir....................................................... 113
1.2. Le rapport à l’éthique..................................................... 115
1.3. Le rapport au pouvoir politique..................................... 115
1.4. Conclusion : une triple hétéronomie.............................. 116
2. Du XVIe au XVIIIe siècle : émergence de la modernité...... 116
2.1. Autonomie et connaissance............................................ 117
a. L’évolution de la cosmologie : quelques repères....... 117
b. Les enjeux philosophiques : R. Descartes................. 119
2.2. Autonomie et éthique..................................................... 122
2.3. Autonomie et politique................................................... 126
2.4. Modernité et primat de la subjectivité........................... 127
3. Le XIXe siècle : les grandes synthèses historiques............... 129
3.1. G.W. Hegel...................................................................... 129
3.2. K. Marx........................................................................... 131
3.3. A. Comte.......................................................................... 133
3.4. Autonomie et fin de l’histoire......................................... 134
II. Deuxième partie : enjeux contemporains :
éthique et modernité critique.........................................134
4. Les maîtres du soupçon........................................................... 136

260
Table des matières

4.1. K. Marx........................................................................... 136


4.2. S. Freud............................................................................ 137
4.3. F. Nietzsche..................................................................... 140
5. Autonomie et savoir................................................................ 140
5.1. Sciences et connaissances................................................ 140
5.2. Sciences et techniques..................................................... 141
5.3. Savoir global.................................................................... 142
6. Autonomie et politique........................................................... 144
6.1. Les Droits de l’homme.................................................... 144
6.2. Perspectives critiques...................................................... 146
7. Autonomie et éthique.............................................................. 147
7.1. Le rapport au droit......................................................... 147
7.2. Éthique de la responsabilité........................................... 148
7.3. Le concept de « personne »............................................. 149
a. J. Habermas et l’éthique de la discussion................. 150
b. J. Rawls : société juste et vie bonne........................... 151
8. L’interprétation postmoderne................................................ 152
9. Pour une « modernité critique »............................................ 154

Chapitre 4. Nature, santé, environnement


le respect de la nature et de la norme................. 159
Introduction : les enjeux de la question......................................159
1. Respect de la nature et modernité......................................... 160
1.1. La science moderne et le rapport cartésien
à la nature....................................................................... 161
1.2. L’écologie scientifique et les contraintes
environnementales.......................................................... 162
1.3. Le refus de l’anthropocentrisme : l’écologie profonde
ou Deep Ecology............................................................. 165
1.4. Au-delà d’un rapport strictement fonctionnel
à la nature : les dimensions symboliques de l’écologie... 168
a. Heidegger et le rapport esthétique à la nature......... 170
b. Écologie et théories de l’évolution............................. 171
1.5. Enjeux sociétaux............................................................. 172

261
Table des matières

a. Respect de la nature et modernité critique.............. 172


b. Du principe responsabilité au principe
de précaution............................................................. 174
2. Santé et normalité.................................................................... 177
2.1. Le concept de santé de l’O.M.S. ..................................... 177
2.2. Le normal et le pathologique.......................................... 179
a. L’ambiguïté du concept de normalité....................... 179
b. Normalité du vivant.................................................. 180
La vie comme système de lois.................................... 180
La vie comme ordre de propriétés............................. 181
c. Pathologie.................................................................. 182
d. Enjeux sociétaux........................................................ 183
Niveau physiologique................................................ 183
Niveau psychologique................................................ 184
Niveau sociologique................................................... 185
2.3. Conclusion....................................................................... 186

Chapitre 5. Qu’est-ce que l’être humain ?


Neurosciences, conscience, liberté..................... 191
Introduction............................................................................................ 191
1. Le concept d’âme : approche historique............................... 192
1.1. Platon.............................................................................. 193
a. La philosophie platonicienne.................................... 193
b. L’anthropologie platonicienne.................................. 194
1.2. Aristote............................................................................ 196
a. L’hylémorphisme....................................................... 196
b. La puissance et l’acte................................................. 197
c. Âme et vie.................................................................. 197
d. Âme et immortalité................................................... 198
1.3. Saint Augustin................................................................ 199
a. Contexte intellectuel.................................................. 199
b. L’âme chez Saint Augustin....................................... 200
c. Enjeux culturels......................................................... 201

262
Table des matières

1.4. Thomas d’Aquin.............................................................. 203


a. Contexte culturel....................................................... 203
b. Le concept d’âme....................................................... 203
1.5. R. Descartes..................................................................... 205
1.6. Conclusion....................................................................... 205
2. Le concept de liberté. Approches contemporaines............. 206
2.1. Le dualisme en question................................................. 207
2.2. Déterminisme et liberté : la troisième antinomie
kantienne......................................................................... 208
2.3. Neurosciences et anthropologie philosophique............. 211
a. Le principe d’émergence : E. Nagel et la réduction
interthéorique............................................................ 212
b. P.S. Churchland et l’éliminativisme......................... 215
c. Des tentatives de dialogue......................................... 216
d. E. Kandel : apprentissage et plasticité neuronale.... 216
e. G. Edelman : une « biologie de la conscience »
non réductionniste..................................................... 218
Instruction et sélection.............................................. 219
Trois niveaux de sélection......................................... 220
Deux niveaux de conscience..................................... 222
Une anthropologie unitaire...................................... 224
Enjeux philosophiques.............................................. 225
f. Conclusion : une position non dualiste
et non réductionniste................................................. 227
2.4. Une contribution de la phénoménologie : déterminations
corporelles et Sinngebung chez Merleau-Ponty............ 231
a. Liberté et déterminations.......................................... 231
b. Déterminations et donation de sens......................... 233
c. Peut-on parler de « nature humaine » ?.................. 235
2.5. Conclusion....................................................................... 237

Conclusion................................................................................. 243

Index........................................................................................... 249

263
La « modernité critique », une nouvelle manière

Bernard Feltz
de penser la place de la science et de la technique
dans le développement de nos sociétés. Bernard Feltz
L’homme moderne fait confiance à la science, à la rationalité, aux droits
de l’homme. Le vingtième siècle, avec les guerres mondiales, les guerres
de décolonisation, avec la crise écologique, conduit à une remise en cause

LA SCIENCE
du concept de progrès qui sous-tend le projet moderne, à tel point que
d’aucuns parlent de « crise de civilisation ».
Cet ouvrage porte un regard neuf sur la place de la science dans l’évolution
de nos sociétés. Il s’appuie sur la philosophie des sciences pour penser les
impacts des découvertes scientifiques sur nos systèmes de signification

ET LE VIVANT
religieux ou athées, sur les développements technologiques, sur les
problèmes écologiques. Il aborde les questions éthiques en lien avec les
évolutions scientifiques. Il analyse l’apport des neurosciences dans notre
conception de l’humain comme être libre.
La démarche débouche sur le concept de « modernité critique » qui
propose une réponse « moderne » à la crise. L’attitude « critique » vise
Philosophie des sciences

LA SCIENCE ET LE VIVANT
une attention à la pertinence et aux limites de la démarche scientifique.
Elle permet un développement technologique au service de l’humain, une
appréhension globale des problèmes écologiques, une prise en compte
des dimensions éthiques de l’existence. Elle permet enfin une évolution
et modernité critique
internationale ouverte à une authentique diversité culturelle.
Un essai original qui éclaire les défis majeurs de notre époque.

Bernard Feltz
Biologiste et philosophe de formation, professeur de philosophie des sciences à
l’Université catholique de Louvain, Bernard Feltz y assure des cours à la Faculté de
philosophie, arts et lettres de même qu’à la Faculté de médecine, à la Faculté des
sciences et à la Faculté des bioingénieurs. Ancien président de l’Institut supérieur de
philosophie, ses nombreuses publications portent à la fois sur la dynamique interne
de la science et sur les impacts des développements scientifiques dans l’évolution
de la société.

SCIVIV
ISBN 978-2-8041-7144-5
www.deboeck.com

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