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Les scientifiques, qu’ils soient issus des sciences humaines, sociales, exactes ou

encore expérimentales, usent d’un langage bien à eux et manipulent des concepts si bien
intégrés qu’ils ne pensent parfois même plus à les expliciter. Comme dans toute
spécialisation, voire toute profession, ils développent un jargon qui rend la communication
plus efficace entre eux, mais plus opaque à l’extérieur…
Pourtant, ceux qui s’intéressent à la science ne sont pas exclusivement ceux qui en
maîtrisent déjà le langage et les concepts. Dès le XVIIe siècle, les thèmes scientifiques
constituaient des sujets de conversation très en vogue dans les salons. Avec ses Entretiens sur
la pluralité des mondes, Bernard Le Bouyer de Fontenelle écrivit en 1686 ce qui peut
s’apparenter à l’un des premiers ouvrages de vulgarisation scientifique, destiné cependant à
un public très restreint1. Dès lors, la vulgarisation, entreprise visant à rendre accessible au plus
grand nombre les connaissances scientifiques, s’inscrit en premier lieu dans les livres et entre
de fait dans les bibliothèques des particuliers.
De nos jours, les vulgarisateurs prennent le visage d’écrivains, parfois chercheurs de
métier ; de journalistes scientifiques, dans la presse, à la radio, à la télévision ou sur le web ;
de médiateurs mettant en œuvre des animations dans les musées ou les associations, lors des
fêtes de science ou dans des expositions, qui peuvent aborder la science autant comme sujet
principal qu’en filigrane2.
Et lorsqu’on interroge ces acteurs sur leur activité, c’est souvent l’idée d’une mission,
d’une nécessité de leur rôle qui ressort, presque toujours associée à un grand plaisir de
communiquer sur des thématiques qui les passionnent personnellement. Ils ont ainsi la plupart
du temps la volonté de rendre la science accessible, de l’intégrer à la culture commune, et
développent une démarche pédagogique dans leurs discours avec le souci de réduire le fossé
qui séparerait les « savants » des « profanes3 ». Ce fossé si fréquemment évoqué existe-t-il
vraiment et si oui, quelle est sa nature ? Le combler, serait-ce une ambition totalement folle,
ou au contraire réalisable ?
Scientifiques et vulgarisateurs tombent généralement d’accord : les connaissances ne
sont pas également partagées et la vulgarisation est essentielle. Ainsi, pour beaucoup d’entre
eux, et souvent selon un idéal démocratique et humaniste, elle donnerait à chaque citoyen
l’occasion de s’approprier un savoir lui permettant de mieux évoluer dans son environnement
quotidien, en toute connaissance et conscience. L’appropriation de la « méthode
scientifique », développant notamment l’observation, l’esprit critique, le scepticisme4 et
l’objectivité devant les faits, pourrait quant à elle rendre tout un chacun plus autonome, libre
de se forger ses propres idées et opinions face à chaque situation.

Mélodie Faury, « La vulgarisation réduit le fossé entre scientifiques et non


scientifiques », Les scientifiques jouent-ils aux dés ? Idées reçues sur la science, sous la
direction de R.-E. Eastes & B. Lelu, Ed. Cavalier Bleu, 2011.

1
Le mot « vulgarisation » n’était cependant pas encore prononcé à l’époque, puisqu’on fait généralement
remonter l’origine de ce terme au milieu du 19 e siècle.
2
En filigrane : Que l’on devine, en arrière-plan.
3
Profane : Ici personne qui n’est pas initiée à la science.
4
Scepticisme : Ce terme qualifie la disposition d’esprit d’une personne qui doute des idées et valeurs auxquelles
elle est confrontée.

1
(Toutes les réponses doivent être entièrement rédigées)

I. Compréhension : (10 pts)

1. Qu’est-ce qui fait que la science n’est l’apanage que des scientifiques ? (2,5 pts)

2. Quel bienfait la vulgarisation a-t-elle procuré aux non scientifiques ? (2,5 pts)

3. De quelle manière les vulgarisateurs perçoivent-ils leur mission ? (2,5 pts)

4. Quel avantage l’accord conclu entre scientifiques et vulgarisateurs fournit-il à chaque


citoyen ? Quelle utilité ce dernier en tire-t-il ? (2,5 pts)

II. Essai : (10 pts)

Sujet :

« L’appropriation de la « méthode scientifique […] pourrait rendre tout un chacun plus autonome,
libre de se forger ses propres idées et opinions face à chaque situation. »

Pensez-vous qu’on puisse établir un lien direct entre « l’appropriation de la méthode scientifique » et
le développement d’une pensée autonome et libre ?

Vous exprimerez, à ce propos, un avis personnel argumenté et illustré d’exemples précis.

2
« L’aventure scientifique, c’est fascinant ! Que de progrès techniques, quelle amélioration de notre
niveau de vie ! La science, en augmentant les connaissances dont l’homme dispose, accroît sans cesse
sa maîtrise sur son environnement, lui permettant d’utiliser son imagination pour améliorer sa
condition, pour faciliter son quotidien. »
Pourquoi ce discours n’emporte-t-il pas une adhésion unanime et ne convainc-t-il pas toujours ? Oui,
la science, immédiatement ou à long terme, ouvre la porte vers de nombreuses applications
intéressantes, dont nous imaginerions difficilement nous passer une fois qu’elles sont advenues1 et qui
sont donc, en un sens, facteur de progrès. Ainsi, les conditions de travail, la santé et l’hygiène,
l’alimentation, etc. sont autant de domaines où les connaissances scientifiques peuvent permettre des
améliorations de nos conditions de vie. Mais l’ensemble des populations humaines n’en profitent pas
nécessairement, car s’y mêlent considérations et décisions économiques et politiques. Pour le
concevoir, il suffit de penser aux pays du Tiers-Monde. Les maladies qui y subsistent, tel que le
paludisme par exemple, feraient-elles encore longs feux si l’économiquement rentable ne venaient pas
conditionner le scientifiquement faisable ? Dans quelle mesure pourrait-on alors parler de progrès pour
l’humanité dans son ensemble ?
On se rend vite compte que définir ce qui constitue un progrès pour l’humanité revient à se demander
ce qui est souhaitable pour l’homme, voire même à définir ce qui caractérise l’être humain. Vaste et
difficile question que de nombreux philosophes2 se sont efforcés de traiter et à laquelle nous ne
prétendrons pas apporter une réponse. Que le progrès de l’humanité soit entendu comme
l’amélioration des conditions de vie et de connaissance du plus grand nombre ou comme
l’augmentation du confort personnel des individus, les atteintes à certains droits
fondamentaux3 l’excluent dans tous les cas. Nous ne chercherons donc pas à prescrire ce que devraient
être les contributions de la science au progrès de l’humanité, mais bien à identifier si elles peuvent
l’exclure dans certains cas.
[ …]
Si l’on pense que la science est « une quête désintéressée de connaissances », alors rien ne s’oppose a
priori à son développement, puisque les savoirs seraient des facteurs d’émancipation, de meilleure
compréhension de l’environnement, qui nous permettrait par exemple de mieux nous protéger de ses
aléas, ou de s’y adapter en les anticipant.
Cependant, la science entretient des relations étroites avec les aspects sociaux, politiques,
économiques du fonctionnement de nos sociétés, qui dépassent généralement le seul intérêt
scientifique de ses productions : on ne peut ainsi envisager l’activité scientifique en dehors du monde
social qui la rend possible. Pour évaluer les types de progrès sociaux auxquels contribuent les sciences
et les techniques, il est par conséquent impossible de considérer exclusivement les connaissances
qu’elles produisent.
En remontant un peu dans l’histoire, nous comprenons que la confiance dans la science, comme
facteur de progrès pour les hommes, fut à certaines périodes confortée, mais à d’autres confrontée à
des moments de crises.

Mélodie Faury, « La science fait progresser l’humanité », Les scientifiques jouent-ils aux dés ?
Idées reçues sur la science, sous la direction de R.-E. Eastes & B. Lelu, Ed. Cavalier Bleu, 2011.

1
Advenir : arriver par hasard, résulter, se passer, survenir.
2
Aristote, Saint-Augustin, Saint-Thomas, Kant, Hegel, Marx, Nietzsche, Comte et bien d’autres.
3
Tels que définis dans la Déclaration Universelle des Droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948, par 58
états membres de l’Assemblée générale de l’ONU. En 1972, dans le cadre plus particulier de la protection de
l’environnement par exemple, ces droits ont été entérinés par la déclaration de Stockholm. « L’homme a un droit
fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la
qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer
l’environnement pour les générations présentes et futures. »

1
I. Compréhension (10 points) :

1. Le thème abordé par Mélodie Faury porte sur le rapport entre la science et le progrès
de l’humanité.
a-Pourquoi l’aventure scientifique suscite-t-elle un grand enthousiasme ?
b-Par quels moyens l’auteur met-il en valeur cet engouement ?

2. L’auteur évolue dans l’expression de sa pensée et relativise, à partir du deuxième


paragraphe, l’idée concernant les bienfaits de l’aventure scientifique. Quelle démarche
argumentative adopte-t-il ?

3. Dans le texte, il est question d’atteintes à certains droits fondamentaux de l’homme


qui montrent que le progrès généré par l’aventure scientifique ne profite pas à
l’humanité tout entière. Quels sont ces droits qu’on doit impérativement respecter
pour que tous les êtres humains puissent bénéficier des fruits du progrès ?

4. Selon l’auteur, est-il possible d’envisager l’aventure scientifique indépendamment de


la variable économique et sociale qui la rend réalisable ?

II. Essai : (10 points)

Sujet :
« La science, en augmentant les connaissances dont l’homme dispose, accroît sans cesse sa
maîtrise sur son environnement, lui permettant d’utiliser son imagination pour améliorer sa condition,
pour faciliter son quotidien. »
Partagez-vous cette conception de la science considérée comme un vecteur de progrès. Vous
développerez à ce propos une réflexion personnelle argumentée, illustrée d’exemples précis.

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