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Tasnime ADAMJY
Tasnime.adamjy@inrae.fr
Une situation de risque est une situation dans laquelle le décideur dispose d’une connaissance
parfaite de la distribution de probabilités sur les états de la nature possibles.
• Un monde ingouvernable ?
• Société du risque société de « l’analyse du risque » : importance accrue d’un corps de savoirs et
de pratiques formalisées d’analyse du risque (Demortain, 2019)
« Une controverse sociotechnique est un débat qui s'exerce sur des objets
ou des questions nouvelles non stabilisées, qui mobilise des savoirs
scientifiques ou techniques et des savoirs pratiques, et enfin qui émerge dans
le dialogue citoyen, mêlant des considérations juridiques, morales,
économiques et sociales. (…) Ces situations ont pour points communs de
combiner incertitudes scientifiques et stratégies divergentes d’acteurs, de
groupes concernés ou mobilisés, et de se révéler difficilement
gouvernables. » Dockès, 2012
CONTROVERSE
• Les controverses rendent visible et palpable une réalité sociale. Lieu de « politisation de la science »
• Elles sont performatives ou instituantes = elles suscitent souvent la création de nouveaux savoirs,
nouveaux groupes, nouvelles institutions, règles, loi, etc.
• Plusieurs modèles complémentaires et antagonistes sont nécessaires pour rendre compte d’un monde
complexe
• Risque de « dépolitisation » des controverses : exemple de l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques (Barthe et Borraz 2011)
CONTROVERSE
Reporterre
Points communs :
• Science qui progresse par négation, par rejets successifs d’anciennes théories remplacées par de nouvelles
échec de certaines théories
Conjectures et réfutations :
la croissance du savoir La structure des révolutions
scientifique scientifiques
1985 1970
• «It is essential to identify where knowledge has been produced and with
which particular interests in mind. Knowledge and science are words that can
easily mislead us into inappropriate generalizations if we do not load them
with precise social and material configurations. » (Pestre, 2003)
• Régime :
- structure légitime des savoirs
- hiérarchie disciplinaire
- critères pragmatiques (efficacité ?)
- mode d’être au monde (qu’est-ce qu’une bonne formation scientifique ?)
- régulation particulière (système d’évaluation par les pairs ?)
- style d’existence sociale (statut symbolique de la « science pure » vs « scientifique entrepreneur »)
• La régulation des univers scientifiques ne se fait pas indépendamment des formes de régulation sociale
ou économique, du type de gouvernement, des choix sociaux, de valeurs et de formes de vie
• Régime de savoir : équilibre précis entre les divers éléments qui le composent. Articulation particulière,
Dominique Pestre agencement spécifique de ses dimensions constitutives permet de dégager des périodes successives
Historien pour lesquelles les modes d’organisation, de production et de régulation des pratiques scientifiques
sont cohérents et correspondent à un compromis social stabilisé
Introduction aux sciences studies (2006)
Science, argent et politique (2003) • A partir des années 70 : régime libéral de savoirs marché occupe une place prépondérante, double
privatisation des sciences et de l’Etat. Politique des brevets, investissements industriels dans les
universités, etc.
Emergence d’un problème public
Pour évaluer un risque, il faut déjà l’identifier : question de la construction et de la formulation
d’un problème public exemple de la pollution atmosphérique
• Dimension sanitaire marginale jusqu’au début des années 1990 : avant, on ne s’attache qu’aux aspects visibles
(fumées, odeurs)
• Travaux scientifiques dans les années 50 à 70 : principalement centrés sur la mesure de quelques polluants
d’origine industrielle avec l’idée d’en réduire l’émission mais sans chercher à rendre particulièrement visible
l’impact sanitaire
• L’évolution des enjeux (de l’existence d’un problème de santé publique à l’évaluation de son
impact) et associée à la mise en œuvre de la démarche d’évaluation des risques
Emergence d’un problème public
Emergence d’un problème public
Rappel :
- Le risque relatif est le rapport entre les risques des deux groupes comparés, l’un exposé, l’autre non
exposé. Si le groupe exposé au facteur étudié présente un risque supérieur à celui du groupe non
exposé, alors le risque relatif sera supérieur à 1.
- Le risque attribuable est l’excès de risque rapporté au risque du groupe exposé. Il s’exprime en
pourcentage et indique la proportion du risque qui est attribuable à une exposition particulière, si
celle-ci est causale.(…) En clair, cela s’énonce ainsi : chez les personnes exposées, x% de la maladie
est attribuable à l’exposition.
• 1994 (première étude ERPURS) : lors des résultats, les discussions portent sur l’importance qu’il faut accorder
à la pollution atmosphérique, alors que les risques relatifs sont faibles.
• « Cette reconnaissance de la pertinence de cet enjeu de santé publique est étroitement associée à l’évolution
de la réflexion sur la question de la causalité et à la façon dont les chercheurs la construisent. » Zones
d’incertitude dans les travaux donc recours au principe de précaution.
• Différentes études amènent à des évaluations d’impacts sanitaires aux niveaux européens, nationaux et
régionaux pour estimer le nombre de « cas attribuables » eux effets de la pollution atmosphérique urbaine.
• Résultats épidémiologiques présentés sous forme de risque attribuable : fort écho médiatique et légitimité
croissante opérationnalisation de l’évaluation des risques avec la publication de guides méthodologiques
Emergence d’un problème public
Emergence d’un problème public
• Passage du risque relatif au risque attribuable : vifs débats et controverses dans la communauté plurielle des
épidémiologistes.
• Editorial de la revue Natures Sciences Sociétés en 1996 mettent en cause ce qu’ils considèrent comme « une
formulation qui est de fait de la désinformation » et « le trop facile et dangereux recours au catrastophisme et
à la dramatisation » pour eux, pas de preuve d’une relation directe de cause à effet entre pollution de l’air
et mortalité au sein de l’ensemble de la population.
• Réponse des auteurs de l’étude (Dab, Quénel, Zmirou) : « c’est la première fois que (…) des résultats
épidémiologiques sont présentés sous forme de risque attribuable ce qui permet d’évaluer l’impact de santé
publique des pollutions atmosphériques »
• Zmirou 1994 : intérêt du passage du risque relatif au risque attribuable pour la compréhension des enjeux d’un
débat public
• Années 2000 : toujours des controverses sur la nature causale des résultats observés et sur les méthodologies
utilisées, mais certain consensus scientifique
Emergence d’un problème public
• Imbrication avec des enjeux publics : depuis 1990, obligation des autorités publiques d’informer les
populations sur les risques environnementaux.
• Discussions des années 1996 dans une conjoncture marquée par les discussions préparatoires à l’adoption
d’une nouvelle loi sur l’air
• Question qui cristallise les discussions : présentation de résultats dans lesquels apparaît le nombre de morts
causées par la pollution atmosphérique urbaine
• Les activités des épidémiologistes ont des implications directes sur la politique publique de leur domaine
• Beck, 2001 : « La science devient de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisante à l’élaboration
d’une définition socialement établie de la vérité. » développement d’une activité scientifique consciente
qu’elle structure et véhicule des enjeux qui méritent d’être énoncés scientifiquement et rediscutés
politiquement.
Emergence d’un problème public
• 1983 : Académie des sciences américaines propose une démarche d’analyse des risques et fournit un
outil standardisé d’aide à la décision pour la gestion des risques environnementaux
• 1993 : UE commence à organiser de manière similaire l’évaluation des risques (règlement CEE n°793/93
qui amène plus tard le règlement REACH)
• Multiplication du nombre experts (pays du nord), internationalisation des normes de l’expertise (red
book, silver book, etc.), Institutions (EPA, AFNOR, ANSES, EFSA, ECHA…)
EVALUATION DES RISQUES
Modèle standard de l’expertise issu du « Livre rouge » de l’analyse des risques (1983) de l’Académie des
sciences (Etats-Unis) : 3 caractéristiques importantes :
1) Distinction de plusieurs étapes distinctes : évaluation des risques (science), gestion des risques
(politique), communication des risques
2) Définition d’une méthode d’évaluation des risques quantitative qui découle d’une série d’opérations :
identification des dangers, mesure des effets dose/réponse, mesure de l’exposition et caractérisation
des risques
3) Nécessité d’établir des conventions pour pallier des carences de connaissance et parvenir à l’évaluation
quantitative des risques
« L'analyse standard des risques permet de fixer des seuils au-dessous desquels les risques provoqués par une activité
sont acceptables, ce qui encadre et permet le développement de certaines industries (comme la chimie ou le
nucléaire) qui exposent les populations à de nouveaux dangers. »
Bonneuil et Joly dans Sciences, Techniques et Société (2013)
• Travail de démarcation pour qualifier l’évaluation des risques comme une activité scientifique
• Jasanoff (1987) : depuis les années 70 aux US et depuis les années 90 en Europe, on assiste à
un renforcement des procédures qui codifient et encadrent l’expertise scientifique (principes
de compétence, d’indépendance et de transparence)
3 modes de gouvernement depuis le 19è siècle des risques technoscientifiques et industriels: par la norme, par le
risque et par l’adaptation arrangement de protection de la santé sans contraindre le développement économique
Boudia, Jas
Nouvelles disciplines se développent sur gestion des risques (ex. chimiques travailleurs industrie, pollutions
riverains…: toxicologie, hygiène industrielle, Entre deux-guerres: dilatation des espaces des risques à l’échelle
planétaire et non plus locale, et des écosystèmes et non plus communautaires (nucléaire, chimie synthèse…)
• Ulrich Beck, 2001 : tous les pays n’ont pas les mêmes critères de validité des démonstrations causales. Au Japon, on accepte
d’établir « un rapport de causalité dès que l’on peut attester des corrélations statistiques entre taux de pollution et certaines
maladies déterminées »
• En France : preuve biologique souvent nécessaire pour que les scientifiques concluent à l’existence d’un lien de causalité.
Travaux toxicologiques mobilisés notion controversée des valeurs limites d’exposition
EVALUATION DES RISQUES
Faible dose ? Valeurs limites d’exposition ? Seuil d’exposition ?
EVALUATION DES RISQUES
Faible dose ? Valeurs limites d’exposition ? Seuil d’exposition ?
• « Toxicologie de référence » : fondée sur le précepte de Paracelse, évaluation substance par substance, sélection
d’un mécanisme d’action et recours exclusif au modèle animal
• Précepte de Paracelse : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose
n’est pas un poison »
• Fixation d’un seuil répond à un impératif social de production et d’innovations économiques dépendant de l’usage
de substances à risque
• Constat : histoire de la régulation de substances à risques spécifiques marquée par la diminution des seuils
réglementaires et par l’émergence de nouveaux effets critiques engagement de certains épidémiologistes de
prendre en compte des signaux précoces dans l’évaluation du risque
• Pertinence de l’idée de seuil est interrogée par une partie de la communauté scientifique, en raison de la variabilité
des réponses biologiques et de la multiplicité des cibles
• « Dose qui fait le poison » ou « durée qui fait le poison » ? Question de l’exposition fœtale (épigénétique, effets
transgénérationnels)
• Arrivée des outils biomoléculaires dans la toxicologie semble bousculer les équilibres sociaux préexistants entre
écotoxicologie, toxicologie animale et toxicologie humaine
EVALUATION DES RISQUES
Faible dose ? Valeurs limites d’exposition ? Seuil d’exposition ?
Faible dose = « changements biologiques qui interviennent dans la gamme des expositions humaines ou à des doses plus faibles que celles utilisées
typiquement dans le paradigme de tests standards de l’EPA pour évaluer la toxicité́ pour la reproduction et le développement » (Définition de 2002 du panel
d’expert formé par le National toxicology program, EPA US)
2017
ON S’ENTRAINE ?
Par groupe, identifier les risques dus aux OGM. Présentez-les selon les points
de vue :
- Scientifiques anti-OGM
- Scientifiques pro-OGM
- Agro-industrie, vendeurs d’OGM
- Agriculteurs (Confédération paysanne)
- Agriculteurs (FNSEA)