Vous êtes sur la page 1sur 36

Evaluation de risque et

réglementation
Tasnime ADAMJY
Tasnime.adamjy@inrae.fr

Département des Sciences Humaines, Economiques


et Sociales

L’école des ingénieur·e·s en Biotechnologies


Enseignement 2ème année, 1er semestre 2022-23
RAPPELS : IMPORTANCE DU REGARD CRITIQUE SUR LES SCIENCES
La science, traversée par des rapports de domination : catégories,
classifications scientifiques potentiellement normatives et performatives

La science, un système culturellement, socialement et politiquement


situé

A concise History of Science in India, A. Rahman


Science and Civilisation in China, J. Needham
Visions de la Littérature Arabe, F. Sezgin

Qu’est-ce qu’un raisonnement scientifique ? Quels sont les critères


d’une preuve scientifique ?

Différents types d’inférence : induction, abduction, déduction

Représentation d’Hilary Rose dans La philosophie des sciences en dessin (2017)


RISQUE ? INCERTITUDE ?

Une situation de risque est une situation dans laquelle le décideur dispose d’une connaissance
parfaite de la distribution de probabilités sur les états de la nature possibles.

Une situation d’incertitude, le décideur ne connaît pas précisément cette distribution.


Néanmoins, les informations scientifiques dont il dispose lui permettent de localiser cette
distribution dans un ensemble, plus ou moins grand, de distributions possibles.

Le risque est la probabilité qu'un danger advienne.

On peut réduire la situation d’incertitude en prenant en compte les probabilités subjectives.


La société du risque (Beck, 2002)

• Vie pas plus « dangereuse » qu’avant


mais omniprésence du risque

• Changement de nature et d’échelle du


risque : société confrontée à des risques
engendrés par ses propres activités

• Sciences et techniques ambivalentes :


source de progrès et de dangers

• Modernité réflexive : mise en tension


 plusieurs futurs possibles
La société du risque (Beck, 2002)

• Les sciences et techniques en retrait ?


« Lorsqu’il s’agit de définir des risques, la science perd le monopole de la rationalité » Beck (2003)

• Un monde ingouvernable ?

• Société du risque  société de « l’analyse du risque » : importance accrue d’un corps de savoirs et
de pratiques formalisées d’analyse du risque (Demortain, 2019)

• Société du risque  société de la controverse : les incertitudes paraissent irréductibles, énoncés


scientifiques publiquement mis à l’épreuve. Accords difficiles sur l’interprétation des faits (« flexibilité
interprétative »)
Analyses culturelles du risque : Mary Douglas
De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou, 1966 (Mary Douglas)
Risk and Culture, 1983 (Mary Douglas et Aaron Wildavsky)

• 4 types de comportements vis-à-vis des risques par rapport aux cultures ou


sociétés
 Culture hiérarchique et bureaucratique (services d’Etat)
 Culture égalitaire et communautaire (mouvements environnementaux)
 Culture individualiste et compétitive (industries, marché, entrepreneurs)
 Culture fataliste des dominés et victimes éparses, non regroupées et non
organisées

• Accent mis sur la construction sociale des risques

• Les différences de perception et de sélection des risques ne se jouent pas au


niveau individuel, mais à l’échelle des groupes et institutions sociales

• Critiques : réductionnisme sociologique ? Idéaux-types trop généraux ? Au


niveau individuel, les cultures s’agencent et se combinent.
CONTROVERSE

« Une controverse sociotechnique est un débat qui s'exerce sur des objets
ou des questions nouvelles non stabilisées, qui mobilise des savoirs
scientifiques ou techniques et des savoirs pratiques, et enfin qui émerge dans
le dialogue citoyen, mêlant des considérations juridiques, morales,
économiques et sociales. (…) Ces situations ont pour points communs de
combiner incertitudes scientifiques et stratégies divergentes d’acteurs, de
groupes concernés ou mobilisés, et de se révéler difficilement
gouvernables. » Dockès, 2012
CONTROVERSE

• Les controverses rendent visible et palpable une réalité sociale. Lieu de « politisation de la science »

• Elles sont performatives ou instituantes = elles suscitent souvent la création de nouveaux savoirs,
nouveaux groupes, nouvelles institutions, règles, loi, etc.

• Elles peuvent devenir un lieu de construction d’identités et d’actions, et de stabilisation d’enjeux

• Elles peuvent être le lieu d’évaluation informelle d’une technologie

• Dimension temporelle : « trajectoires argumentatives » (Chateauraynaud 2011)

• Plusieurs modèles complémentaires et antagonistes sont nécessaires pour rendre compte d’un monde
complexe

• Risque de « dépolitisation » des controverses : exemple de l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques (Barthe et Borraz 2011)
CONTROVERSE

"Alors que les mobilisations sociales engendrées par certaines


innovations ont pour effet de brouiller cette frontière (entre science et
politique) en rendant discutables certains énoncés scientifiques, le
cadrage opéré par l'Office tend au contraire à protéger l'expertise
scientifique du débat politique en distinguant clairement, d'un côté, un
état des connaissances scientifiques qui ne prête pas à discussion, et,
de l'autre, des problèmes d'"acceptabilité sociale" qui justifient des
mesures d'ordre politique. Le rôle de l'Office est alors essentiellement
envisagé comme un instrument de diffusion et de vulgarisation de
l'expertise scientifique, destiné à apaiser les controverses en réduisant le
décalage entre les risque "réel" et risque "perçu", en suggérant en
parallèle des modalités de traitement des inquiétudes et du légitime
souci des populations à être entendues. »

Barthe et Borraz 2011


CONTROVERSE : « Acceptabilité sociale »

En direct du centre de simulation de l’acceptabilité sociale

Reporterre

Création d’un consensus social  dépolitisation de la question des choix technologiques ?


Qu’est-ce qu’un paradigme ? (Kuhn)
Karl Popper Thomas Kuhn

Conjectures et réfutations : la La structure des révolutions


croissance du savoir scientifique scientifiques
1985 1970

Points communs :

• Science qui progresse par négation, par rejets successifs d’anciennes théories remplacées par de nouvelles
 échec de certaines théories

• Les scientifiques sont confrontés à des problèmes


Qu’est-ce qu’un paradigme ? (Kuhn)

Conjectures et réfutations :
la croissance du savoir La structure des révolutions
scientifique scientifiques
1985 1970

Activité scientifique = essentiellement science normale


• les tests ne remettent pas à l’épreuve les théories admises
Théories scientifiques = tentatives pour résoudre qui prédéfinissent déjà l’énigme à résoudre
des problèmes scientifiques • La science normale permet d’étendre en portée en en
précision la connaissance scientifique
Progrès scientifique, par réfutations/falsifications
successives de théories
Science extraordinaire = changement de paradigme
La science serait une démarche plus
« rationnelle » et « pure » que les autres La mise en échec d’une théorie ne signifie pas son éviction.
Qu’est-ce qu’un paradigme ? (Kuhn)
Les différents modes de production de la science

• «It is essential to identify where knowledge has been produced and with
which particular interests in mind. Knowledge and science are words that can
easily mislead us into inappropriate generalizations if we do not load them
with precise social and material configurations. » (Pestre, 2003)

• Régime = un ensemble plus ou moins stabilisé de règles et de conduites :


• « It is a regime because there are more or less stabilized rules of how to proceed, in doing
science as well as in organizing it and legitimating it. » (Rip, 2002)

• Différents régimes de production, de régulation et d’appropriation des savoirs


= différents modes de production de la science
Dominique Pestre
Historien • La science « pure » est une construction sociale à finalité politique. Elle n’existe
Introduction aux sciences studies (2006)
pas, il n’y a pas de science vivant séparément du monde.
Science, argent et politique (2003)
Les différents modes de production de la science

« L'idée de régime de production, de régulation et d'appropriation des savoirs scientifiques


repose sur deux constats, sur deux idées-forces. D'abord sur le fait que ce que nous mettons
sous le vocable « science » n'est en rien un « objet » circonscrit et stable dans le temps qu'il
s'agirait de simplement décrire (la science serait un système d'énoncés cohérents, la science
serait une activité de connaissance). La « science » (ou doit-on dire les « sciences », les «
pratiques de science », ou les « pratiques impliquant des sciences » ?) est faite d'un ensemble
très vaste de relations qui impliquent des définitions et des enjeux variables selon les
individus ; des productions de tous ordres – des écrits, des nombres, des techniques ; des
pratiques – instrumentales, calculatoires, de simulation ; des valeurs et des normes –
épistémologiques, morales, comportementales ; des réalités institutionnelles – des
laboratoires, des start-ups, des écoles d'ingénieurs ; des modes d'insertion politique et de
sociabilités – le salon de Charcot, le groupe d'amateurs, la société professionnelle – et bien
d'autres choses encore. Cette idée de régimes repose ensuite sur le fait que chaque moment
historique voit une articulation particulière de ces éléments, sur des pratiques de production
et de gestion politique, sur une forme de compromis social. La science est toujours-déjà prise
Dominique Pestre dans des formes sociales et politiques, elle dépend et contribue à modeler l'existence
Historien individuelle et collective des sociétés humaines (les productions biotechnologiques aujourd'hui
Introduction aux sciences studies (2006) comme le rapport à l'expertise), des formes d'organisation comme des valeurs sociales. »
Science, argent et politique (2003)
Dominique Pestre dans Introduction aux sciences studies (2006)
Les différents modes de production de la science
• Variations au fil du temps et en fonction des milieux quant aux normes de jugement :
- sur ce qu’est « être scientifique »
- sur ce qui compte comme un « fait », ce qu’est une preuve correctement constituée
- sur la définition de la « bonne pratique »
- etc.

• Régime :
- structure légitime des savoirs
- hiérarchie disciplinaire
- critères pragmatiques (efficacité ?)
- mode d’être au monde (qu’est-ce qu’une bonne formation scientifique ?)
- régulation particulière (système d’évaluation par les pairs ?)
- style d’existence sociale (statut symbolique de la « science pure » vs « scientifique entrepreneur »)

• La régulation des univers scientifiques ne se fait pas indépendamment des formes de régulation sociale
ou économique, du type de gouvernement, des choix sociaux, de valeurs et de formes de vie

• Régime de savoir : équilibre précis entre les divers éléments qui le composent. Articulation particulière,
Dominique Pestre agencement spécifique de ses dimensions constitutives  permet de dégager des périodes successives
Historien pour lesquelles les modes d’organisation, de production et de régulation des pratiques scientifiques
sont cohérents et correspondent à un compromis social stabilisé
Introduction aux sciences studies (2006)
Science, argent et politique (2003) • A partir des années 70 : régime libéral de savoirs  marché occupe une place prépondérante, double
privatisation des sciences et de l’Etat. Politique des brevets, investissements industriels dans les
universités, etc.
Emergence d’un problème public
Pour évaluer un risque, il faut déjà l’identifier : question de la construction et de la formulation
d’un problème public  exemple de la pollution atmosphérique

• Dimension sanitaire marginale jusqu’au début des années 1990 : avant, on ne s’attache qu’aux aspects visibles
(fumées, odeurs)

https://www.youtube.com/watch?v=Uc1HvjxMEeo • Evénements significatifs :


- Belgique (vallée de la Meuse) en 1930 : pic de pollution (oxyde de soufre et azote) entraîne une
augmentation massive des décès
- Etats-Unis (Donora) en 1948 : épisode de pollution mortelle à l’oxyde de soufre  mobilisation sociale et
politique sur les effets sanitaires du smog
 Clean Air Act en 1956 au R-U, loi sur l’air en France en 1961, Clean Air Act aux US en 1963, etc.

• Travaux scientifiques dans les années 50 à 70 : principalement centrés sur la mesure de quelques polluants
d’origine industrielle avec l’idée d’en réduire l’émission mais sans chercher à rendre particulièrement visible
l’impact sanitaire

• Travaux dans les années 70 à 90 : premiers travaux d’épidémiologie environnementale et de toxicologie.

• Nouvelles méthodologies et approches de l’épidémiologie en 90-2000 et qualification de la pollution


atmosphérique en enjeu de santé publique
Emergence d’un problème public

• Changement d’approche en épidémiologie : corrélations plus tangibles entre les indicateurs de


pollution et ceux de santé et intensification des interrogations sur les liens de causalité

• Raisonnement des études écologiques et temporelles, différent de celui des analyses


épidémiologiques classiques : « Le principe (…) est de comparer les risques quotidiens de décès ou
d’hospitalisation pour des jours plus ou moins pollués. L’unité d’observation n’est donc pas
l’individu, mais la journée » (Guérin et al 2003)

• L’évolution des enjeux (de l’existence d’un problème de santé publique à l’évaluation de son
impact) et associée à la mise en œuvre de la démarche d’évaluation des risques
Emergence d’un problème public
Emergence d’un problème public

Risques relatifs / Risques attribuables

Rappel :

- Le risque relatif est le rapport entre les risques des deux groupes comparés, l’un exposé, l’autre non
exposé. Si le groupe exposé au facteur étudié présente un risque supérieur à celui du groupe non
exposé, alors le risque relatif sera supérieur à 1.

- Le risque attribuable est l’excès de risque rapporté au risque du groupe exposé. Il s’exprime en
pourcentage et indique la proportion du risque qui est attribuable à une exposition particulière, si
celle-ci est causale.(…) En clair, cela s’énonce ainsi : chez les personnes exposées, x% de la maladie
est attribuable à l’exposition.

Source : Les fondamentaux de l’Epidémiologie, William Dab, 2021


Emergence d’un problème public

Risques relatifs / Risques attribuables

• 1994 (première étude ERPURS) : lors des résultats, les discussions portent sur l’importance qu’il faut accorder
à la pollution atmosphérique, alors que les risques relatifs sont faibles.

• « Cette reconnaissance de la pertinence de cet enjeu de santé publique est étroitement associée à l’évolution
de la réflexion sur la question de la causalité et à la façon dont les chercheurs la construisent. » Zones
d’incertitude dans les travaux donc recours au principe de précaution.

• Différentes études amènent à des évaluations d’impacts sanitaires aux niveaux européens, nationaux et
régionaux pour estimer le nombre de « cas attribuables » eux effets de la pollution atmosphérique urbaine.

• Résultats épidémiologiques présentés sous forme de risque attribuable : fort écho médiatique et légitimité
croissante  opérationnalisation de l’évaluation des risques avec la publication de guides méthodologiques
Emergence d’un problème public
Emergence d’un problème public

Risques relatifs / Risques attribuables

• Passage du risque relatif au risque attribuable : vifs débats et controverses dans la communauté plurielle des
épidémiologistes.

• Editorial de la revue Natures Sciences Sociétés en 1996 mettent en cause ce qu’ils considèrent comme « une
formulation qui est de fait de la désinformation » et « le trop facile et dangereux recours au catrastophisme et
à la dramatisation »  pour eux, pas de preuve d’une relation directe de cause à effet entre pollution de l’air
et mortalité au sein de l’ensemble de la population.

• Réponse des auteurs de l’étude (Dab, Quénel, Zmirou) : « c’est la première fois que (…) des résultats
épidémiologiques sont présentés sous forme de risque attribuable ce qui permet d’évaluer l’impact de santé
publique des pollutions atmosphériques »

• Zmirou 1994 : intérêt du passage du risque relatif au risque attribuable pour la compréhension des enjeux d’un
débat public

• Années 2000 : toujours des controverses sur la nature causale des résultats observés et sur les méthodologies
utilisées, mais certain consensus scientifique
Emergence d’un problème public

Dimensions politique et sociale déterminantes :

• Imbrication avec des enjeux publics : depuis 1990, obligation des autorités publiques d’informer les
populations sur les risques environnementaux.

• Discussions des années 1996 dans une conjoncture marquée par les discussions préparatoires à l’adoption
d’une nouvelle loi sur l’air

• Question qui cristallise les discussions : présentation de résultats dans lesquels apparaît le nombre de morts
causées par la pollution atmosphérique urbaine

• Les activités des épidémiologistes ont des implications directes sur la politique publique de leur domaine

• Beck, 2001 : « La science devient de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisante à l’élaboration
d’une définition socialement établie de la vérité. »  développement d’une activité scientifique consciente
qu’elle structure et véhicule des enjeux qui méritent d’être énoncés scientifiquement et rediscutés
politiquement.
Emergence d’un problème public

« La question des effets sanitaires de la pollution atmosphérique n’est pas restée


enfermée dans les légitimes débats épistémologiques et statistiques des
épidémiologistes. Ces derniers ont su enrôler dans leur cause différents
praticiens de la santé, mais aussi des acteurs administratifs et politiques. Leur
forte présence dans les débats professionnels en santé publique, leur souci
d’assurer une communication élargie de leurs conclusions, mais aussi leurs
prises de position normatives sur les actions possibles et les effets qui en
découleraient ont tous contribué à la reconfiguration de la question de la
pollution atmosphérique. Pour conclure, soulignons que cette évolution ne
s’observe pas de façon aussi marquée dans d’autres domaines ayant des
implications possibles en santé publique (pesticides, OGM, fibres minérales,
radiofréquences, etc.). »
EVALUATION DES RISQUES

• 1983 : Académie des sciences américaines propose une démarche d’analyse des risques et fournit un
outil standardisé d’aide à la décision pour la gestion des risques environnementaux

• Appropriation plus lente en France

• 1993 : UE commence à organiser de manière similaire l’évaluation des risques (règlement CEE n°793/93
qui amène plus tard le règlement REACH)

• Professionnalisation et institutionnalisation croissantes de l’évaluation et de l’analyse du risque

• Augmentation de l’importance accordée à l’expertise scientifique dans la prise de décision publique


(Jasanoff)

• Multiplication du nombre experts (pays du nord), internationalisation des normes de l’expertise (red
book, silver book, etc.), Institutions (EPA, AFNOR, ANSES, EFSA, ECHA…)
EVALUATION DES RISQUES

Modèle standard de l’expertise issu du « Livre rouge » de l’analyse des risques (1983) de l’Académie des
sciences (Etats-Unis) : 3 caractéristiques importantes :

1) Distinction de plusieurs étapes distinctes : évaluation des risques (science), gestion des risques
(politique), communication des risques
2) Définition d’une méthode d’évaluation des risques quantitative qui découle d’une série d’opérations :
identification des dangers, mesure des effets dose/réponse, mesure de l’exposition et caractérisation
des risques
3) Nécessité d’établir des conventions pour pallier des carences de connaissance et parvenir à l’évaluation
quantitative des risques

« L'analyse standard des risques permet de fixer des seuils au-dessous desquels les risques provoqués par une activité
sont acceptables, ce qui encadre et permet le développement de certaines industries (comme la chimie ou le
nucléaire) qui exposent les populations à de nouveaux dangers. »
Bonneuil et Joly dans Sciences, Techniques et Société (2013)

Critique : caractère positiviste, incapacité du modèle standard à prendre en compte l’incertitude,


l’ambiguïté et la complexité des situations à risque
EVALUATION DES RISQUES
Interdépendances Humains/Non-Humains : exemple des vautours en Inde
• Inde : bovins non consommés (animaux sacrés), mais vaches utilisées pour
les produits laitiers et la force de travail

• Vautours : seul système de traitement des carcasses de bovins. Vautours


métabolisent et neutralisent les pathogènes. (« culs-de-sac pour les
pathogènes »)

• Années 90 : mortalité massive des vautours en Inde. Disparition de 97% de


la population de 1990 à 2020

• Campagnes deviennent insalubres et points d’eau potable deviennent


toxiques. Augmentation des épidémies humaines

• 2003 : identification de la cause de la disparition des vautours : diclofenac

• Diclofenac = anti-inflammatoire donné au bétail, largement utilisé en Inde


à partir des années 1990  il faudrait moins d’1% de carcasses
contaminées par cette molécule pour décimer les vautours en Inde

• Caractéristique du diclofenac : il est moins cher que d’autres anti-


inflammatoires
EVALUATION DES RISQUES

• Tension entre la connaissance et la prise de décision

• Weinberg 1985 : expertise comme un domaine transscientifique : domaine où les chercheurs


doivent transgresser les méthodes scientifiques et les limites des connaissances acquises pour
traiter les problèmes qui leur sont posés ?

• Travail de démarcation pour qualifier l’évaluation des risques comme une activité scientifique

• Jasanoff (1987) : depuis les années 70 aux US et depuis les années 90 en Europe, on assiste à
un renforcement des procédures qui codifient et encadrent l’expertise scientifique (principes
de compétence, d’indépendance et de transparence)

• Crédibilité des expertises : standards, normes ou protocoles + émergence du champ


professionnel distinct, la science réglementaire
EVALUATION DES RISQUES

3 modes de gouvernement depuis le 19è siècle des risques technoscientifiques et industriels: par la norme, par le
risque et par l’adaptation arrangement de protection de la santé sans contraindre le développement économique
Boudia, Jas

19ème: logique de confinement des risques (usages, populations, lieux)

Nouvelles disciplines se développent sur gestion des risques (ex. chimiques travailleurs industrie, pollutions
riverains…: toxicologie, hygiène industrielle, Entre deux-guerres: dilatation des espaces des risques à l’échelle
planétaire et non plus locale, et des écosystèmes et non plus communautaires (nucléaire, chimie synthèse…)

Nouvelles technologies (ex. nucléaire)


EVALUATION DES RISQUES

• Ulrich Beck, 2001 : tous les pays n’ont pas les mêmes critères de validité des démonstrations causales. Au Japon, on accepte
d’établir « un rapport de causalité dès que l’on peut attester des corrélations statistiques entre taux de pollution et certaines
maladies déterminées »

• En France : preuve biologique souvent nécessaire pour que les scientifiques concluent à l’existence d’un lien de causalité.
Travaux toxicologiques mobilisés  notion controversée des valeurs limites d’exposition
EVALUATION DES RISQUES
Faible dose ? Valeurs limites d’exposition ? Seuil d’exposition ?
EVALUATION DES RISQUES
Faible dose ? Valeurs limites d’exposition ? Seuil d’exposition ?

• « Toxicologie de référence » : fondée sur le précepte de Paracelse, évaluation substance par substance, sélection
d’un mécanisme d’action et recours exclusif au modèle animal

• Précepte de Paracelse : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose
n’est pas un poison »

• Fixation d’un seuil répond à un impératif social de production et d’innovations économiques dépendant de l’usage
de substances à risque

• Constat : histoire de la régulation de substances à risques spécifiques marquée par la diminution des seuils
réglementaires et par l’émergence de nouveaux effets critiques  engagement de certains épidémiologistes de
prendre en compte des signaux précoces dans l’évaluation du risque

• Faible dose = changement de paradigme par rapport à la « toxicologie de référence » ?

• Pertinence de l’idée de seuil est interrogée par une partie de la communauté scientifique, en raison de la variabilité
des réponses biologiques et de la multiplicité des cibles

• « Dose qui fait le poison » ou « durée qui fait le poison » ? Question de l’exposition fœtale (épigénétique, effets
transgénérationnels)

• Arrivée des outils biomoléculaires dans la toxicologie semble bousculer les équilibres sociaux préexistants entre
écotoxicologie, toxicologie animale et toxicologie humaine
EVALUATION DES RISQUES
Faible dose ? Valeurs limites d’exposition ? Seuil d’exposition ?

Faible dose = « changements biologiques qui interviennent dans la gamme des expositions humaines ou à des doses plus faibles que celles utilisées
typiquement dans le paradigme de tests standards de l’EPA pour évaluer la toxicité́ pour la reproduction et le développement » (Définition de 2002 du panel
d’expert formé par le National toxicology program, EPA US)

Durée d’exposition, effets cocktail, prise en compte de périodes de vulnérabilité


SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Différentes controverses et renouvellement des


disciplines (ex : controuverse Pouchet/Pasteur
analysée par Latour)

2017
ON S’ENTRAINE ?

Petit exercice OGM :

Par groupe, identifier les risques dus aux OGM. Présentez-les selon les points
de vue :
- Scientifiques anti-OGM
- Scientifiques pro-OGM
- Agro-industrie, vendeurs d’OGM
- Agriculteurs (Confédération paysanne)
- Agriculteurs (FNSEA)

Préparation de 20 minutes puis présentation orale par chaque groupe de 5


minutes

Vous aimerez peut-être aussi